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REPONDRE AUX DIFFICULTES DU SECTEUR COTONNIER

AFRICAIN

Quelques chiffres démontrent le rôle central du coton dans la zone franc. La culture
cotonnière en zone franc concerne 10 millions de ruraux, 2,2 millions d'hectares cultivés, 2,4
millions de tonnes de coton graine et 1 million de tonnes de fibre produites annuellement et
600 millions d'euros distribués chaque année aux producteurs et globalement un milliard
d'euros injectés dans l'économie régionale. Le coton africain représente 16 % des
exportations mondiales. Outre la fibre, la trituration industrielle de la graine de coton permet
de produire 120 000 tonnes d'huile, 35 000 tonnes de savon et 500.000 tonnes d'aliments du
bétail et de tourteaux. Il s'ajoute aux aspects quantitatifs, la dimension qualitative : le
développement d'activités industrielles en zone rurale (égrenage, huilerie-savonnerie,
aliments du bétail) et d'activités de service (vulgarisation agricole, recherche, commerce de
proximité, transports, activités financières et bancaires, assurances, transit…). Les acquis de
l'action de développement entreprise depuis l'après-guerre sont aujourd'hui remis en cause
par la surabondance de l'offre sur le marché mondial laquelle est la résultante d'un système
généralisé de subventions.

I. La dépréciation actuelle des cours et ses conséquences pour le coton


africain

1.1. L'impact des subventions sur l'état actuel du marché

La dépréciation des cours mondiaux a pour origine l’augmentation de la production dans un


contexte de baisse de la consommation et de forte concurrence des fibres synthétiques. Le
phénomène découle des subventions accordées principalement aux Etats-Unis, en Europe
et en Chine. Aux Etats-Unis comme en Europe, la subvention par kilo de coton est
désormais supérieure au prix de vente du kilo de coton sur le marché. Ainsi, pour un cours
de l'ordre de 0,95 €/Kg, la subvention au producteur américain est de 1,2 €/Kg et celle de
l'Union européenne de 1,5 €/Kg. En l’an 2001, 73 % de la production mondiale bénéficiait de
subventions directes à la production contre 50 % en 1998. Le maintien d’une telle situation
empêche tout ajustement de la production et toute revalorisation réelle des prix du coton.

Avec 95 % de leur production exportés les producteurs d'Afrique francophone ne se sont


maintenus dans le marché que grâce à des coûts de revient qui se situent, pour la plupart
d'entre eux, aux environs de 1,2 €/kg. Ce n'est plus le cas en 2001, année caractérisée par
une crise accentuée par la dépréciation récente du dollar.

1.2. L'impact sur le revenu des paysans qui cultivent le coton

Le revenu du paysan est dépendant de quatre facteurs :


1. le prix d'achat du coton graine : il est généralement corrélé avec le prix de la fibre sur le
marché mondial ;
2. le rendement : même s'il est inégal en Afrique, nombreux sont les paysans qui atteignent
ou dépassent 2 tonnes de coton par hectare, résultat remarquable en culture pluviale et
qui montrent l'efficacité d'une vulgarisation et d'un conseil technique permanent et de
qualité ;
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3. les conditions de paiement du paysan, qui en cas de retards significatifs se traduisent par
des surcoûts financiers ;
4. les coûts de production : ils comprennent les charges d'intrants agricoles et
d'équipements généralement importés, la main d'œuvre et les prestataires de service, le
coût du crédit à des taux généralement élevés.

Si la crise actuelle a peu d'impact à court terme sur le niveau des rendements, elle en a
directement sur le prix d'achat du coton graine et le revenu du producteur.

2. Les justifications d'une intervention à court et moyen terme

2.1 Un engagement historique de la France en faveur du coton africain

La coopération française est impliquée depuis plus de 50 ans dans le développement d'une
production africaine de coton qu'elle a contribué à porter de 100 000 t de coton graine en
1950 à
2 400 000 t en 2002. C'est sans doute l'une des plus belles réussites de la Coopération
française. Alors qu'à Doha il a été décidé de consacrer les nouvelles négociations
commerciales au développement, le coton africain est l'unique produit agricole d'exportation
du Sud directement concurrencé par les productions des pays industrialisés subventionnés
dans de fortes proportions.

2.2 Les conséquences de la non intervention

L'absence d'aide au secteur cotonnier africain entraînerait un recul de la production, des


pertes de marchés commerciaux, une réduction des recettes de devises pour les pays
concernés, un manque à gagner fiscal pour l'Etat. Plus grave, elle aurait pour effets de
détourner les producteurs de la culture du coton et de réduire leurs revenus avec les
difficultés sociales conséquentes : misère, exode rural, risques de développement de la
délinquance dans les capitale, de l'intégrisme et gonflement des flux migratoires.

2.3 La multiplication en 2001 d'initiatives qu'il conviendrait de valoriser

Ni les acteurs économiques ni les acteurs politiques africains ne sont parvenus, en 2001, à
fédérer des initiatives nombreuses mais malheureusement éparses en faveur d'une prise de
conscience généralisée. Ces initiatives méritent aujourd'hui d'être mises en perspective par
une initiative forte :

1. 8 juin 2001, Cotonou : annonce de la création d'une association cotonnière africaine ;


2. 21 novembre 2001, Ouagadougou : les Ministres de l'agriculture de l'Union économique
et monétaire ouest africaine se réunissent pour analyser les facteurs d'effondrement des
cours du coton. Le même jour, plusieurs organisation africaines de producteurs de coton
lancent un appel à l'arrêt des subventions ;
3. 22-26 janvier 2002, Yamoussoukro : 235 professionnels se réunissent pour un bilan de la
libéralisation de la filière coton ivoirienne ;
4. 27 février 2002, Paris : un colloque est organisé par l'Assemblée nationale sur le thème
"Développement des pays du Sud et commerce international, le cas du coton" ;
5. 1er mars 2002, Lomé : la Banque ouest-africaine de développement organise un colloque
consacré à la relance de la filière coton en Afrique.

La Banque mondiale doit organiser les 8 et 9 juillet prochain, en liaison avec le Comité
consultatif international du coton, un colloque sur les négociations commerciales et le coton.
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3. Des réponses à court et moyen terme pour sauvegarder un secteur créateur de


richesses

Au moment où l'UEMOA vient d'examiner le projet de pacte additionnel sur sa politique


agricole et quelques semaines après le lancement du NEPAD, il convient d'accompagner les
efforts des Etats membres de l'UEMOA ainsi que de la CEMAC pour protéger et conforter
leur agriculture et notamment leur secteur cotonnier. Cet objectif passe par la substitution
d'une approche régionale aux approches nationales d'aide et de développement de
l'agriculture et par un soutien, principalement de l'Union européenne, à ces institutions au
moment où celles-ci tentent de structurer une démarche coordonnée et concertée.

3.1 Les réponses à court terme

La première consiste à interpeller l'Organisation mondiale du commerce sur un sujet auquel


elle n'a pas été sensibilisée jusqu'à ce jour.

La seconde consiste dans le cadre de la lutte contre le processus de paupérisation des


paysans cotonniers de prévoir une aide immédiate dont le montant serait calculé de la façon
suivante :

¾ sur la base d'un coût de revient incompressible de 1,2 € /kg de fibre et d'un prix de vente
qui s'établit actuellement à 0,9 €/kg de fibre (son plus bas niveau historique), l'aide
envisagée aurait pour objectif de compenser la différence de 0,3 € entre le coût de
revient et le prix de vente. Appliquée à une production de 1 million de tonnes de fibre,
cette aide s'élèverait à 300 millions d'euros.

3.2 La réponse à moyen terme : un plan régional de développement

Un plan régional de développement rural et de structuration du monde paysan, d'une durée


de cinq ans, viserait à renforcer, au niveau régional, le secteur cotonnier. Il comporterait 8
priorités :

1. Moderniser l'équipement des producteurs


Il s'avère indispensable de moderniser les exploitations agricoles, d'accroître la
productivité des paysans et d'encourager l'installation de jeunes agriculteurs par la mise
en place d'un programme d'équipement et, notamment, de motorisation. Ce programme
pourrait être mis en œuvre conjointement par les organisations de producteurs de coton
et des CUMA1 françaises.

2. Redynamiser le conseil technique aux producteurs


Ce conseil doit être renforcé pour accroître la technicité des producteurs et évoluer vers
un conseil technique pointu et adapté aux différents systèmes d'exploitation. La diffusion
de la vulgarisation peut être amplifiée par l'utilisation des médias à destination des
paysans (radios et presse rurale, internet) et des programmes d'alphabétisation
fonctionnelle. La création d'un centre technique interprofessionnel au niveau régional
permettrait les échanges et la mutualisation des acquis et des expériences, la mise à
niveau du personnel de conseil agricole et la diffusion d'une information de haut niveau
aux producteurs et responsables de groupements (techniques de production et de
gestion, économie de filières, amélioration de la qualité…).

3. Structurer le monde paysan


Encourager la professionnalisation des organisations de producteurs pour faciliter :
- l'accession des producteurs au capital des sociétés cotonnières

1
Coopérative d'utilisation de matériels agricoles
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- l'amélioration de leur connaissance de l'ensemble des mécanismes de la filière et


du marché ;
- le transfert progressif des activités de prestation de services situées en amont de
l'égrenage.

4. Créer les conditions d'une production semencière de qualité


La maîtrise de la production semencière constitue un élément clé de l'avenir de la
production cotonnière. L'importance de cette "sous filière" implique de sortir rapidement
du schéma actuel dans lequel les responsabilités sont partagées, à l'échelon régional,
entre de nombreux intervenants. La maîtrise de cette fonction vitale doit être assurée par
la création d'une société spécialisée.

5. Créer un Fonds engrais


Le coût de la fertilisation pèse lourdement dans les comptes du paysan et les quantités
d'engrais utilisées sont de ce fait insuffisantes, d'où une stagnation des rendements et
l'accélération des phénomènes de dégradation de la fertilité des sols. La recherche de
financements adaptés pour l'atténuation des coûts des fertilisants doit être menée auprès
d'organismes d'aide au développement sous la forme d'un fonds "revolving" qui
permettrait de réduire les frais financiers qui obèrent considérablement ces coûts.

6. Relancer la recherche cotonnière


La recherche a pâti au cours de ces dernières années d'un réel manque de moyens et de
volonté. Le financement de travaux de recherche centrés sur l'amélioration variétale, la
fertilité des sols et la protection des cultures sur la base de programmes élaborés en
partenariat avec l'interprofession répondrait à un réel besoin du secteur.

7. Rénover le crédit rural


Il faut rechercher et attirer de nouvelles sources de financement pour le crédit agricole,
ce qui est possible dès lors que ces financements sont liés à la production cotonnière qui
permet de garantir le recouvrement du crédit. Il pourrait être intéressant de généraliser
des réseaux de caisses d'épargne et de crédit gérées par les paysans de type "Kafo
Jiginew" mis en place au Mali.

8. Développer la transformation industrielle des produits dérivés du coton


Les activités de transformation des produits dérivés du coton graine doivent être
encouragées :
- en aval, activité de filature-textile, par la création d'unités prenant en compte les
contraintes énergétiques, en assurant la promotion des exportations de filés et en
utilisant les opportunités offertes par l'AGOA2 ;
- et en parallèle :
- développer la production d'huile de coton pour satisfaire le marché local ;
- développer la production d'aliments du bétail, dans le cadre d'une véritable
association coton-élevage, pour satisfaire une demande en expansion et
permettre la mise en place d'une véritable filière viande-lait avec l'implantation à
terme de chaînes d'abattage et de laiterie.

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African growth and opportunity act

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