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Chapitre IV : Dynamique des fluides réels incompressibles

Dans la partie précédente nous avons supposé que le fluide était parfait pour appliquer
l’équation de conservation de l’énergie. L’écoulement d’un fluide réel est plus complexe que
celui d’un fluide idéal. En effet, il existe des forces de frottement, dues à la viscosité du
fluide, qui s’exercent entre les particules de fluide et les parois, ainsi qu’entre les particules
elles-mêmes. Pour résoudre un problème d’écoulement d’un fluide réel, on fait appel à des
résultats expérimentaux, en particulier ceux de l’ingénieur et physicien britannique Osborne
Reynolds. Une méthode simplifiée de calcul des pertes de charge basée sur ces résultats
expérimentaux est proposée.
1. Définitions
Fluide réel: Un fluide est dit réel si, pendant son mouvement, les forces de contact ne sont
pas perpendiculaires aux éléments de surface sur lesquelles elles s’exercent (elles possèdent
donc des composantes tangentielles -forces de frottements- qui s’opposent au glissement des
couches fluides les unes sur les autres). Cette résistance est caractérisée par la viscosité.
Viscosité : Sous l’effet des forces d’interaction entre les molécules de fluide et des forces
d’interaction entre les molécules de fluide et celles de la paroi, chaque molécule de fluide ne
s’écoule pas à la même vitesse. On dit qu’il existe un profil de vitesse (un gradient de vitesse
entre les différents plans, de 0 à vmax ).

La représentation par un vecteur, la vitesse de chaque particule située dans une section droite
perpendiculaire à l’écoulement d’ensemble, la courbe des extrémités de ces vecteurs
représente le profil de vitesse. Le mouvement du fluide peut être considéré comme résultant
du glissement des couches de fluide les unes sur les autres. La vitesse de chaque couche est
une fonction de la distance z de cette courbe au plan fixe (v = v(Z)).
Pour les fluides réels, la vitesse est quasi nulle sur la paroi et maximale au centre (A cause de
frottement de fluide sur les parois et entre les particules.
Par rapport aux faits expérimentaux, on est conduit à considérer deux types de fluides :
- Fluides newtoniens : qui ont une viscosité constante à température donnée comme
l’eau, l’air, et la pluparts des fluides
- Fluides non newtoniens comme le sang, les boues, les gels… dont leur
viscosité varie à température donnée.
Pour parer au problème, on définit une viscosité apparente = viscosité qu’aurait un fluide
newtonien pour le débit et la pression d’un fluide non newtonien.
Viscosité apparente du sang = 4.10-3 Pa.s à 20°C.

Mesure de la vitesse de chute d’une bille : Viscosité de Hoppler


Dans ce cas c’est la vitesse de chute d’une bille dans le liquide étudié qui est comparé à la
vitesse de chute de la même bille dans un liquide de référence. Ce phénomène de chute d’une
bille dans un liquide fait appel à la fois à la poussée d’Archimède, qui s’oppose au poids de la
bille, et à la force de frottement, qui limite la vitesse de chute. Cette dernière dépend de la
viscosité du liquide et elle est donnée par la loi de Stokes :
F = 6πμrV (r rayon de la bille et V la vitesse de chute)

II. Les différents régimes d'écoulement : nombre de Reynolds


Les expériences réalisées par Reynolds (1883) lors de l'écoulement d'un liquide dans une
conduite cylindrique rectiligne dans laquelle arrive également un filet de liquide coloré, ont
montré l'existence de deux régimes d'écoulement : laminaire et turbulent.
(a) Régime laminaire : Si les fluides sont des lignes régulières, sensiblement parallèles entre
elles, l’écoulement est dit laminaire.
(b) Régime transitoire (intermédiaire) : c’est une transition entre le régime laminaire et le
turbulent.
(c) Régime turbulent : Les fluides s’enchevêtrent, s’enroulent sur eux-mêmes (formation de
mouvement tourbillonnant dans les fluides)
En utilisant des fluides divers (viscosité différente), en faisant varier le débit et le diamètre de
la canalisation, Reynolds a montré que le paramètre qui permettait de déterminer si l'écoulement
est laminaire ou turbulent est un nombre sans dimension appelé nombre de Reynolds et
donné par :

VD VD
Re   Re 
 
avec :

= masse volumique du fluide, V = vitesse moyenne, D = diamètre de la conduite

= viscosité dynamique du fluide,  = viscosité cinématique

L'expérience montre que :

si Re < 2000 le régime est LAMINAIRE


si 2000 < Re< 3000 le régime est intermédiaire
si Re > 3000 le régime est TURBULENT
Ces valeurs doivent être considérées comme des ordres de grandeur, le passage d'un type
d'écoulement à un autre se faisant progressivement.
Entre les deux, le régime est instable : des conditions extérieures peuvent faire basculer
l’écoulement de laminaire à turbulent.
La vitesse au-delà de laquelle l’écoulement laminaire devient instable avec possibilité de
devenir turbulent est la vitesse critique (Vc).

3 - Théorème de Bernoulli appliqué à un fluide réel avec pertes de charge


Lors d'un écoulement d'un fluide réel il peut y avoir des pertes de charge entre les points (1) et
(2) : dans le cas d’une installation ne comportant pas de machine hydraulique (pompe ou
turbine) on écrira la relation de Bernoulli sous la forme :

 p représente l’ensemble des pertes de charge entre (1) et (2) exprimées en Pa.
V12  V22 P1  P2
En fonction de la charge entre les points (1) et (2) : h12    z1  z 2
2g g
Δh12 représente la somme des pertes de charge régulières et singulières
4 - Expression des pertes de charge
4.1 - Influence des différentes grandeurs
Lorsqu'on considère un fluide réel, les pertes d'énergie spécifiques ou bien comme on les
appelle souvent, les pertes de charge dépendent de la forme, des dimensions et de la rugosité
de la canalisation, de la vitesse d'écoulement et de la viscosité du liquide mais non de la
valeur absolue de la pression qui règne dans le liquide.

La différence de pression Δp = p1 - p2 entre deux points (1) et (2) d'un circuit hydraulique a
pour origine :

 Les frottements du fluide sur la paroi interne de la tuyauterie ; on les appelle pertes de
charge régulières ou systématiques.
 La résistance à l'écoulement provoquée par les accidents de parcours (coudes,
élargissements ou rétrécissement de la section, organes de réglage (robinetterie), etc. ;
ce sont les pertes de charge accidentelles ou singulières.

Le problème du calcul de ces pertes de charge met en présence les principales grandeurs
suivantes :

Le fluide caractérisé par :

· sa masse volumique ρ.

· sa viscosité cinématique  ou dynamique .

Un tuyau caractérisée par :

· sa section (forme et dimension) en général circulaire (diamètre D), sa longueur L.

· sa rugosité ε (ou k) (hauteur moyenne des aspérités de la paroi).

Ces éléments sont liés par des grandeurs comme la vitesse moyenne d'écoulement V ou le
débit q et le nombre de Reynolds Re qui joue un rôle primordial dans le calcul des pertes de
charge.

4.2 - Pertes de charge systématiques


4.2.1 - Généralités
Ce genre de perte est causé par le frottement intérieur qui se produit dans les liquides ; il se
rencontre dans les tuyaux lisses aussi bien que dans les tuyaux rugueux.

Entre deux points séparés par une longueur L, dans un tuyau de diamètre D apparaît une perte
de pression Δp. exprimée sous la forme suivante :
Différence de pression (Pa) Perte de charge exprimée en mètres de colonne de fluide (mCF)

λ est un coefficient sans dimension appelé coefficient de perte de charge linéaire.

Le calcul des pertes de charge repose entièrement sur la détermination de ce coefficient λ.

4.2.2 - Cas de l'écoulement laminaire : Re < 2000


Dans ce cas on peut montrer que le coefficient est uniquement fonction du nombre de
Reynolds Re ; l'état de la surface n'intervient pas et donc ne dépend pas de k (hauteur
moyenne des aspérités du tuyau), ni de la nature de la tuyauterie.

avec

Il est alors immédiat de voir que Δh est proportionnel à la vitesse v et donc au débit q, ainsi
qu'à la viscosité cinématique.

4.2.3 – Loi de Poiseuille

Pour un écoulement laminaire, dans une conduite cylindrique


horizontale, le débit-volume d'un fluide est donné par :

r 4
Qv  ( P1  P2 )
8L

avec :
 Qv : débit-volume (m3·s–1),
 r : rayon intérieur (m) de la conduite,
  : viscosité dynamique du fluide (Pa·s),
 L : longueur entre les points (1) et (2) (m),
 p1 et p2 : pression du fluide aux points (1) et (2) (Pa).

- Exprime la variation de débit en fonction des résistances à l’écoulement.


- S’applique quelles que soient les conditions de circulation si le fluide est Newtonien.
- Fait intervenir le rayon de la conduite (vaisseau) à la puissance 4ème.
- N’est utilisable que pour un nombre de Reynolds inférieur à 2000.
- Permet d’expliquer l’évolution des pressions physiologiques moyennes le long de l’arbre
vasculaire.
La vitesse max Vmax = 2Vmoy
r 2 P r 2 P
Avec Vmoy  et Vmax 
8L 4L
Il est possible d’établir un parallèle entre l’écoulement d’un fluide dans un tuyau et le passage
du courant électrique dans un conducteur :
- la perte de charge p joue un rôle comparable à la différence de potentiel,
- le débit QV est équivalent à l’intensité électrique
Et il s’agit donc simplement de trouver l’équivalent de la résistance électrique pour pouvoir
écrire la loi d’Ohm: V=RI
Et son équivalent hydraulique. Il suffit pour cela d’écrire la loi de Poiseuille sous une forme
légèrement différente :
8L
P  Qv
r 4
Expression qui permet de définir la résistance mécanique à l’écoulement :
8L
Rméc 
r 4
Le rayon de la conduite est le seul facteur influençant la résistance à l’écoulement.
Comme c’est le cas pour les résistances électriques, les résistances mécaniques peuvent être
placées en série ou en parallèle. Les lois valables pour les résistances électriques s’appliquent:

Analogie

Ecoulement Laminaire Electricité

Ecoulement Débit Qv Intensité I

Perte de charge ΔP (différence de pression) ΔV (ddp)

Résistance 8 Résistance électrique R


Résistance mécanique R  L
r 4

Loi d’Ohm 8 ΔV=RI


P  LQV
r 4

Puissance dépensée P= ΔP. Qv = RQv2 P= ΔV.I=RI2


4.2.4 - Cas de l'écoulement turbulent : Re > 3000
Les phénomènes d'écoulement sont beaucoup plus complexes et la détermination du coefficient
de perte de charge résulte de mesures expérimentales. C'est ce qui explique la diversité des
formules anciennes qui ont été proposées pour sa détermination.

En régime turbulent l'état de la surface devient sensible et son influence est d'autant plus grande
que le nombre de Reynolds Re est grand. Tous les travaux ont montré l'influence de la rugosité
et on s'est attaché par la suite à chercher la variation du coefficient en fonction du nombre de
Reynolds Re et de la rugosité k du tuyau.

La formule de Colebrook est actuellement considérée comme celle qui traduit le mieux les
phénomènes d'écoulement en régime turbulent. Elle est présentée sous la forme suivante :

L'utilisation directe de cette formule demanderait, du fait de sa forme implicite, un calcul par
approximations successives ; on emploie aussi en pratique des représentations graphiques
(abaques).

Pour simplifier la relation précédente, on peut chercher à savoir si l'écoulement est


hydrauliquement lisse ou rugueux pour évaluer la prédominance des deux termes entre
parenthèses dans la relation de Colebrook.

Remarque :
On fait souvent appel à des formules empiriques plus simples valables pour des cas particuliers et
dans un certain domaine du nombre de Reynolds, par exemple :

Formule de Blasius : (pour des tuyaux lisses et Re < 105)

4.3 - Pertes de charge accidentelles


Ainsi que les expériences le montrent, dans beaucoup de cas, les pertes de charge sont à peu
près proportionnelles au carré de la vitesse et donc on a adopté la forme suivante d'expression
:

Perte de charge exprimée en de pression (Pa). Perte de charge exprimée en mètres de


colonne de fluide (mCF)

K est appelé coefficient de perte de charge singulière (sans dimension).

La détermination de ce coefficient est principalement du domaine de l'expérience.

5 - Théorème de Bernoulli généralisé


Lors d'un écoulement d'un fluide réel entre les points (1) et (2) il peut y avoir des échanges
d'énergie entre ce fluide et le milieu extérieur :

 par travail à travers une machine, pompe ou turbine ; la puissance échangée étant P (voir
Théorème de Bernoulli § 3.7)

 par pertes de charge dues aux frottements du fluide sur les parois ou les accidents de
parcours ; la différence de pression étant Δp (voir ci-dessus)
Le théorème de Bernoulli s'écrit alors sous la forme générale :

avec :
 ΣP: somme des puissances échangées entre le fluide et le milieu extérieur, à travers une
machine, entre (1) et (2) :
P > 0 si le fluide reçoit de l'énergie de la machine (pompe),
P < 0 si le fluide fournit de l'énergie à la machine (turbine),
P = 0 s'il n'y a pas de machine entre (1) et (2).
 Δp : somme des pertes de charge entre (1) et (2) :
A travers une machine entre (1) et (2)
HMT = HG + Δh12 = E/g pour une pompe et Ph = Qm.E = Qm.g.HMT
Hn = - (HG – Δh12) =E/g avec (E< 0) cas d’une turbine
6. Application : régime d’écoulement dans les vaisseaux
Dans les conditions physiologiques, écoulement du sang est presque toujours laminaire
La viscosité dynamique du sang à 37°C varie de 4.10-3 à 7.10-3 Pa.s
a) Conditions physiologiques de repos
Dans l’aorte : Vmoy du sang ≈ 0,4 m.s-1 et Re = 1600
 Ecoulement laminaire
Dans les autres vaisseaux : au cours de la division des vaisseaux, diminution de Vmoy car
augmentation de Stotale (équation de continuité)

b) Effort intensif
Augmentation du débit cardiaque et de Vmoy donc Re augmente
 Apparition d’un régime instable pouvant entraîner des turbulences (ex : souffle
systolique non pathologique chez l’enfant).
c) Anémie
Forte diminution de la viscosité du sang (car forte diminution du nombre de globules rouges)
donc augmentation de Vmoy (loi de Poiseuille) et de Re.
 Apparition de turbulences : souffle systolique cardiaque fonctionnel (disparaît si
correction de l’anémie par transfusion)
d) Sténose vasculaire
Diminution du rayon du vaisseau donc augmentation de Vmoy et de Re : le rayon diminue
moins vite que Vmoy augmente (équation de continuité)
 Apparition d’un souffle systolique vasculaire
e) Fistules artérioveineuses
Communication directe entre le réseau artérielle à haute pression et le réseau veineux à basse
pression :
 ΔP élevé entre secteurs artériel et veineux : perte de charge ΔP importante et
augmentation de Vmoy (loi de Poiseuille)
 Ecoulement turbulent avec apparition d’un souffle à renforcement systolique
Exemples : traumatisme dans la cuisse ou persistance du canal artériel (joint aorte et artère
pulmonaire).

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