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Synthèse
Alors que les écrans sont omniprésents dans nos vies et dans notre société, il
va être question ici, du rapport que les enfants peuvent avoir avec les
nouvelles technologies, notamment dans le cadre d’un apprentissage. Nous
allons ainsi répondre à la problématique suivante : dans quelle mesure le
numérique peut-il devenir un axe d’apprentissage dans l’éducation de nos
enfants et quelles en sont les limites ?
La première partie de ce mémoire va ainsi être l’occasion de mieux dé�nir les
usages du numériques par les Français, les équipements dans les foyers et
l’utilisation qui peut en être faite. Nous verrons que le temps consacré aux
écrans est de plus en plus important et que, dans une recherche de mobilité,
le smartphone est devenu l’équipement phare. Puis nous nous intéresserons à
l’équipement numérique de l’enfant. Nous verrons que la principale manière
d’acquérir de nouveaux équipements passe par le cadeau et cela va bien
souvent commencer par une console de jeux. Tout comme leurs parents, le
smartphone va rapidement prendre une place importante dans leur vie. Cela
va représenter un moyen de s’émanciper, de se divertir, mais aussi de
communiquer, notamment par le biais des réseaux sociaux. Les parents sont
globalement mitigés face à ces types d’usages, cela reste essentiel pour vivre
avec son temps et acquérir des compétences nécessaires au monde de
demain. Néanmoins, ils sont beaucoup à avoir peur des différentes menaces
du numérique comme le risque d’addiction ou le harcèlement notamment.
Face à cela, nous verrons aussi que leur comportement présente parfois
certaines contradictions.
Dans une seconde, partie nous étudierons, comment les écrans peuvent avoir
un rôle dans différents apprentissages de l’enfant. En effet, que ce soit pour
apprendre à lire, à écrire, à compter ou dans une multitude d’enseignements,
divers logiciels, jeux et applications offrent de très bons résultats. Ils vont
permettre de capter l’attention de l’enfant, favoriser son engagement et
l’encourager par un système de « gami�cation ». Pour être ef�cace, cela doit
évidemment se faire en complément d’un apprentissage classique et de
manière encadrée. Les nouvelles technologies ne vont pas remplacer
l’approche pédagogique de l’adulte, elles vont simplement venir
l’accompagner.
La troisième partie va être consacrée aux problèmes engendrés par les écrans
et les limites qu’ils peuvent poser. Les enfants ne sont pas toujours conscients
des dangers du web et des traces qu’ils peuvent laisser sur les réseaux sociaux
et dans leurs recherches notamment. De plus, nous verrons que les réseaux
sociaux, tout comme certains jeux ont des stratégies bien rôdées pour nous
capter et nous faire rester le plus longtemps possible. On parle désormais
d’économie de l’attention. En�n, les écrans ont aussi des incidences sur le
corps, les hormones et la durée de sommeil de nos enfants.
Une étude qualitative réalisée au travers d’entretiens individuels avec des
parents et des personnes en charge de l’éducation d’enfants a permis de
mieux comprendre les perceptions du numérique et les usages des enfants.
Nous avons ainsi pu constater que les écrans présentent des béné�ces, ils
peuvent être une ouverture sur le monde, synonymes de nouvelles amitiés, de
divertissement et d’un complément à l’apprentissage. Ils sont aussi la cause
de problèmes, voire de con�its au sein du foyer. Les enfants ont beaucoup de
mal à arrêter une activité numérique, est parfois la source de colère.
Les tablettes ont de plus en plus de mal à trouver leur place face aux
smartphones dont la taille et la puissance augmentent et face aux ordinateurs
portables proposant désormais des dalles tactiles. Il y a eu une inversion sur le
taux d’équipement en tablettes par âge. Les 12-24 ans ont été, jusqu’en 2016, la
tranche d’âge la plus équipée. Depuis quelques années, nous assistons à un
déclin chez les plus jeunes, en partie compensé par une hausse pour les
adultes de 40 à 69 ans1.
Bien que le marché des tablettes soit en recul depuis quelques années, le
con�nement a permis une forte hausse de la demande. Au niveau mondial, le
marché des tablettes a connu une hausse de 26 % au Q2 2020, soit près de 37.5
millions d’unités vendues. En effet, ce type d’appareil correspond bien aux
besoins du travail à distance et de l’éducation, comme l’a déclaré Ishan Dutt,
analyste chez Canalys.
– Jeux vidéo
Les jeux vidéo tendent depuis plusieurs années à s’imposer comme l’un des
loisirs préférés des Français. En 2019, la France comptait plus de 37 millions de
joueurs qui en moyenne utilisaient 2,2 supports pour jouer2. Comme nous
pouvons le constater ci-dessous, l’ensemble des équipements numériques
sont utilisés pour jouer. 46 % des joueurs français jouent sur une console de
jeux de salon et 21 % sur une console de jeux portable.
Figure 5 : Les jeux vidéo et leurs supports Source : Étude SELL/Médiamétrie
« Les Français et le jeu vidéo », réalisé sur Internet du 2 au 27 septembre 2019,
auprès d’un échantillon de 4 049 internautes de 10 ans et plus
Bien que ce type d’usage augmente depuis plusieurs années, une part de la
population n’y a toujours pas accès. Cela peut notamment être lié à une
connaissance limitée du numérique et des usages qui peuvent en être fait.
1.3 Le numérique en France, re�et des inégalités
La France est entrée depuis près de vingt ans dans une société de
l’information. De nombreux plans nationaux et politiques volontaristes ont été
mis en place pour permettre une appropriation du numérique. Parmi les pays
développés, la France a réussi à atteindre une place satisfaisante en matière
d’intégration des technologies d’information et de communication.
Néanmoins, il reste dif�cile de ne pas constater aujourd’hui, un écart entre les
innovations et la dématérialisation dans bien des domaines avec le niveau
d’appropriation par la population. C’est, en effet, près d’un Français sur trois
qui s’estime peu ou pas compétent dans l’utilisation d’un ordinateur. Ils sont
ainsi près de 33 % à souhaiter « un accompagnement personnel ou collectif »
a�n d’être plus à l’aise dans l’utilisation d’outils numériques. D’après une étude
INSEE, en 2019, il y a environ 15 % des personnes de 15 ans ou plus qui n’ont pas
utilisé Internet dans l’année. Parmi les usagers, ils sont 38 % à manquer d’au
moins une compétence numérique de base et 2 % ne possèdent aucune
compétence dans ce domaine. On parle alors d’illectronisme ou d’illettrisme
numérique. De plus, selon la sociologue Dominique Pasquier, « la
démocratisation du web s’est opérée sous des formes ségrégatives ». Il y aurait
d’un côté Internet des classes aisées, qui pourrait se dé�nir par un ensemble
d’usages exploratoires et la multiplication des liens faibles. Pour les classes
populaires, il s’agirait principalement de poster des contenus déjà connus par
la personne et renforcer les liens familiaux ou amicaux préexistants. « Internet
et les outils numériques ne sont pas en soi générateurs d’inclusion ou
d’exclusion », néanmoins, ils vont avoir un rôle d’ampli�cateur des inégalités
sociales. Selon la sociologue américaine Jen Schradie, au-delà d’une bonne
connexion Internet il faut également « avoir le sentiment d’être acteur,
contrôler les moyens de production, se sentir capable d’utiliser les outils et ne
pas craindre de répercussions » pour avoir du pouvoir sur Internet. C’est par
ces différentes formes que vont davantage passer les inégalités, entre les
personnes qui connaissent le fonctionnement et se sentent capables d’utiliser
et les autres.
Concernant les réseaux sociaux, les jeunes de moins de 13 ans sont une
catégorie d’internautes particuliers puisque la plupart des réseaux sociaux
leur sont normalement interdits. Les principales plateformes comme
Instagram, Facebook ou Snapchat ont �xé à 13 ans l’âge minimal pour
l’inscription. Leur « audience clandestine » est de plus en plus importante
comme l’annonce le directeur général de l’agence Heaven, Arthur Kannas : «
Ces enfants sont les passagers clandestins des réseaux sociaux, ils sont de plus
en plus nombreux à mentir sur leur âge ». Ainsi, être sur au moins un réseau
social est aujourd’hui devenu une norme, encouragée par la perspective de
pouvoir échanger avec ses amis. Plus de la moitié des enfants de 11 ans ont au
moins un compte sur un réseau social. Ce chiffre monte à 90 % pour les jeunes
âgés de 14 ans1.
Les principaux réseaux sociaux utilisés par les jeunes de 7 à 19 ans vont être
YouTube, Facebook et Snapchat. Ce dernier, est désormais considéré comme
l’application de messagerie préférée des jeunes de moins de 20 ans2. Il va y
avoir des effets d’engagement et une gami�cation des usages avec les
�ammes ou encore les Bitmoji qui vont encourager la connexion et l’usage de
l’application. Le système de �amme va représenter une sorte de score. Pour
cela, chaque jour, la conversation doit être alimentée par une photo ou une
vidéo. Si pendant 24 heures il n’y aucune interaction entre les individus, alors
les �ammes disparaissent et reviennent à zéro.
• Consommation de vidéos
Les plateformes de vidéos, �lms et séries comme YouTube et Net�ix attirent
énormément de jeunes. Ces deux plateformes représentent près de 70 % du
temps passé par les adolescents sur des vidéos3. Aux Etats-Unis, Net�ix
détrône déjà le câble et la télévision traditionnelle. En France, la plateforme
représente 14 % du tra�c Internet français (Arcep, 2017). Les stratégies sont
bien huilées pour donner envie de passer le plus de temps possible sur leur
énorme catalogue de vidéos, �lms et séries. Cela passe notamment par le data
mining4 a�n de faire des propositions de contenus pertinentes et
personnalisées aux goûts et à l’historique5. Ces datas sont également utiles
dans la création de nouveaux contenus, a�n de choisir la bonne durée de
chaque épisode, les caractères des personnages et vont avoir un rôle sur le
type d’intrigue. Sur Net�ix les génériques vont automatiquement être passés
et les épisodes vont systématiquement s’enchaîner, par confort de visionnage,
mais aussi pour maximiser le temps de visionnage1.
La chaîne YouTube ayant rapporté le plus d’argent au niveau mondial en 2019
est d’ailleurs une chaîne destinée aux enfants. Il s’agit de Ryan’s World, une
chaîne proposant des heures de visionnages avec près de 2 000 vidéos
disponibles. Selon The Verge, cette chaîne peut se dé�nir comme « un
mélange de vlog personnel et de vidéos unboxing ». Elle cumule plus de 25
millions d’abonnés et a généré près de 22 millions de dollars en 2019.
• Jeux vidéo
La consommation de jeux vidéo des Français augmente de manière quasi-
continue depuis 2011. Ainsi, en 2018, ce sont plus d’un tiers des Français qui
jouent aux jeux vidéo2. 65 % des enfants ont joué aux jeux vidéo en 20193. Les
raisons de jouer sont principalement liées aux besoins de divertissement et
représentent un moyen pour occuper son temps. Ils occupent ainsi une place
importante parmi les loisirs des enfants, et ce, dès 6-7 ans, l’âge qui
correspond souvent à l’acquisition d’une première console de jeux. Les enfants
contrairement aux adultes vont y jouer plus régulièrement, mais sur des
temps plus courts4. Globalement, c’est une pratique solitaire puisque 74 % des
joueurs interrogés déclarent plutôt jouer seul. Néanmoins, on constate qu’il va
y avoir une plus grosse appétence pour les enfants et adolescents à jouer à
plusieurs. Ils sont attirés par la convivialité du jeu et ont besoin de se mesurer
à d’autres joueurs. Cela peut également être une pratique en famille puisque
60 % des parents jouent avec leurs enfants (IFOP 2018). En�n, la
consommation de jeux-vidéo chez les adolescents est diversi�ée sur différents
écrans, console, smartphone, ordinateur.
– Alterner les activités pour permettre à l’enfant de mobiliser ses 5 sens et ses
10 doigts
Dans le cadre familial, les parents vont ainsi mettre en place un certain
nombre de principes et pratiques pour contrôler l’utilisation des écrans par les
enfants. De manière générale, la limitation et l’interdiction vont être les
principales pratiques pour contrôler l’utilisation numérique de l’enfant. Ainsi,
59 % des personnes interrogées interdisent l’utilisation d’écrans à table et 58 %
posent des limitations de temps d’usage des écrans. Ils sont 52 % à en interdire
l’utilisation avant le coucher. 18 % disent instaurer des temps d’échange sur
ses comportements numériques. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA)
propose un certain nombre de conseils et de pratiques pour accompagner les
enfants dans leurs usages des médias audiovisuels. Il y a notamment les
pictogrammes classant les programmes en différentes catégories : tous public,
-10 ans, -12 ans, -16 ans et -18 ans. Un système similaire existe pour les jeux
vidéo avec la signalétique européenne PEGI (Pan European Game
Information).
Toutes ces règles sont jugées comme indispensables, mais pas suf�santes, les
parents et l’école ont un rôle d’accompagnement et de sensibilisation au
numérique.
CHAPITRE 2 : Le numérique au service de l’éducation des enfants
Dans une période où l’on n’attend plus forcément d’être en classe, avec un
professeur, pour avoir une réponse à ses questions. Il est alors légitime de se
demander, si la pédagogie peut aujourd’hui se passer du numérique. Au-delà
d’un meilleur apprentissage ou non permis par les TICE1, il est nécessaire de
rappeler que les nouvelles technologies permettent de développer les
possibilités sur la manière d’apprendre, mais également, d’ouvrir des
domaines d’apprentissage comme la photo, la vidéo ou les compétences
numériques dans leur ensemble.
1. L’école numérique
Les nouvelles technologies affectent de manière signi�cative l’ensemble des
activités de nos sociétés occidentales, que ce soit, sur le plan économique,
politique, social et éducatif (Redecker et al, 2009). Il y a eu une accélération de
ces transformations sociales dans les années 2005 avec l’arrivée du Web 2.02.
Les nouvelles générations ont un rapport étroit aux technologies, ils sont
d’ailleurs souvent appelés les « natifs du numérique » (Prensky, 2001). Dans ce
cadre, les institutions éducatives sont poussées à réinventer leurs pratiques
pédagogiques (Bayne et Ross, 2007). Certaines nations comme les Etats-Unis
ont bien compris ces nouveaux enjeux et ont proposé « un modèle du 21ème
siècle d’apprentissage technologique enrichi » (US Departement of Education,
2010). La France n’est pas en reste et met en place un certain nombre de
programmes depuis plusieurs années.
D’autres travaux ont été menés sur les effets de l’utilisation de l’iPad, cette fois
sur des enfants âgés de 7 ans dans le cadre de leurs cours de mathématiques
(McKenna 2012). Il a analysé deux classes, une désignée comme groupe
contrôle et travaillant à partir d’outils classiques. Le deuxième groupe, le
groupe test, travaillait lui avec de l’iPad. Il a pu être observé que
l’apprentissage des mathématiques était meilleur pour le groupe test
travaillant à partir de l’iPad, comparé au groupe contrôle travaillant sans.
Il faut néanmoins surveiller que les tablettes et les écrans en général n’aient
pas une trop forte attraction sur les enfants TSA, risquant ainsi d’accentuer un
retrait de la relation. C’est pourquoi, l’enfant doit être accompagné par son
entourage familial ou professionnel et partager avec lui ses découvertes sur
l’écran tout en donnant un cadre à l’activité.
L’enfant va très vite adopter une curiosité autour des outils numériques. Dès
l’âge de 2 ans, il va développer des comportements variés dans lesquels on
peut observer la manifestation d’une pensée symbolique. Il va très vite
commencer à imiter les gestes du quotidien, de ses parents et des personnes
qui l’entourent. Ainsi, l’utilisation excessive du smartphone, de la tablette ou
de l’ordinateur à proximité d’un enfant peut avoir des impacts.
En�n, nous pouvons terminer sur l’addiction aux jeux vidéo. Comme nous
l’avons précédemment vu, les jeux vidéo sont devenus un loisir majeur pour
beaucoup de Français. Les jeunes sont très représentés puisque plus de 90 %
des 10-18 ans jouent aux jeux vidéo, dont 28 % jouent tous les jours ou
presque3.
Une majeure partie des joueurs ont un usage raisonné, néanmoins certains
développent une utilisation pathologique. Il a fallu attendre 2013 pour qu’une
problématique comportementale « sans substance » soit dé�nie comme une «
réelle » addiction4. Ce type de comportement s’explique par différents
éléments. Il y a d’une part la théorie des usages et grati�cations expliquant
ainsi différentes motivations du joueur5. Six points peuvent expliquer les
comportements excessifs dans les jeux vidéo :
Les jeux vidéo peuvent procurer un état de �ow. Celui-ci peut se dé�nir
comme « une expérience plaisante optimale atteinte au travers de différentes
composantes : le sentiment d’un équilibre entre les compétences personnelles
et la dif�culté de l’activité (optimum compétences-challenge) ; la présence
d’une activité dirigée vers un but avec un système de règles permettant
d’obtenir des indices sur la manière d’être performant (e.g., présence de
feedbacks) ; un état de concentration sur l’activité empêchant l’attention de se
porter vers des éléments importants ou des problèmes en dehors de l’activité ;
un sentiment de contrôle de l’action ; une diminution de la conscience de soi ;
et une distorsion de la perception du temps »1.
On retrouve une bonne partie des composants de l’effet de �ow dans le
célèbre jeu Candy Crush ainsi que d’autres effets d’engagement comme le
présente la mini-série Dopamine réalisée par Arte France2. Les dé�s du jeu
doivent être adaptés au joueur sinon il risque de ressentir de l’anxiété ou bien
de l’ennui qui vont le faire quitter le jeu. Ainsi, les premiers niveaux de Candy
Crush sont faciles, permettant au joueur de se sentir valorisé, on parle d’«
illusion de la compétence ». L’application va activer, par différentes actions, la
dopamine. Selon Psychomédia, la dopamine « est un neurotransmetteur du
cerveau intervenant notamment dans la motivation, la motricité et les
addictions ». Le jeu va la stimuler, par exemple, en complimentant le joueur ou
bien en faisant de « micro-feedbacks » avec des effets visuels et sonores.
Au-delà du jeu en lui-même et des différents mécanismes d’engagement, il
peut aussi avoir l’effet de « potion d’oubli ». Un enfant va par exemple
s’enfermer dans les jeux vidéo pour oublier ses problèmes du quotidien. Il
peut y avoir un béné�ce super�ciel à court terme, néanmoins le
comportement de compensation peut devenir habituel et dans ce cas
nuisible. L’usage néfaste est davantage une conséquence qu’une cause. En
effet, bon nombre d’études en la matière tendent à considérer que c’est un
problème sous-jacent qui déclenche le mécanisme de compensation lié aux
écrans.
2. Les écrans, un impact pas toujours positif dans l’éducation de nos enfants
2.1 De faibles béné�ces ou pas su�samment de recul pour les mesurer de manière précise
Il est dif�cile de tirer des conclusions sur l’impact des TICE dans
l’apprentissage des enfants. Il y a une variété de contextes et de situations
pédagogiques « qui conduit souvent à des résultats nuancés voire
contradictoires depuis trente ans ». Les effets varient également en fonction
du type d’outil numérique, alors que ceux-ci sont en perpétuelles évolutions.
L’ef�cacité ou non des écrans sur l’apprentissage produit ainsi une forte
adversité entre « des partisans » et « des adversaires ».
Les nouvelles technologies sont de plus en plus accessibles avec un coût
d’acquisition ayant baissé. De plus, il y a une hausse de la compétitivité
mondiale dans l’éducation. Ainsi, le nombre d’ordinateurs a explosé dans les
environnements d’apprentissage. Certains voient dans le développement de
l’équipement numérique, l’in�uence d’entreprises ou de passionnés de
nouvelles technologies, plus qu’un béné�ce d’apprentissage. En effet, un des
arguments des sceptiques, est l’importance des ressources consacrées aux
technologies modernes alors que selon eux, les investissements pourraient
être mieux dépensés en équivalent analogique. Philippe Bihouix, af�rme que «
ce ne sont pas les ordinateurs et les tablettes qui vont permettre aux élèves de
mieux apprendre ». Selon lui, une pédagogie active et innovante est possible,
sans forcément avoir recours aux nouvelles technologies.
L’école numérique favoriserait plus de temps devant les écrans pour les
enfants que ce soit à l’école ou à la maison. De plus, ce serait également une
manière de légitimer l’écran. En�n, pour Philippe Bihouix, l’école numérique
fait courir le risque « de l’illusion techno pédagogique », qui se concentrerait
sur un effet d’annonce des politiques, sans de réels fondements scienti�ques.
Selon le professeur de français au collège Joseph-Durant en Ardèche, Florent
Gouget, l’enseignement numérique tend « à morceler le travail pédagogique
en différentes tâches exécutables, et �nalement à le déshumaniser. C’est un
changement réel et profond pour les enseignants, qui incarnent depuis
toujours des savoirs vivants. » En dé�nitive, cette numérisation de l’école se
fait davantage dans une logique managériale, « en valorisant les compétences
au détriment des connaissances » selon Florent Gouget.
La lumière bleue émise par les écrans via les diodes électroluminescentes
(LED) active cent fois plus les récepteurs photosensibles que la lumière
blanche d’une lampe. Cette lumière bleue va troubler l’hormone favorisant
l’endormissement, la mélatonine. Cette dernière a pour rôle la transmission à
l’organisme du signal de la lumière et de l’obscurité. La sécrétion de
mélatonine va ainsi varier en fonction de la durée d’exposition, de l’intensité
ainsi que du spectre lumineux. La lumière arti�cielle du soir va donc
provoquer une baisse de la sécrétion de cette hormone. Ce phénomène est
accentué chez les plus jeunes dont les yeux sont encore en développement. Ils
sont ainsi plus sensibles à l’impact de la lumière sur leur rythme circadien
(rythme de 24 h, alternant entre la période d’activité et la période de sommeil).
Le chercheur en chronobiologie à l’Institut national de la santé et de la
recherche médicale, Claude Grondier, explique que : « depuis 2011, une
vingtaine d’études sur l’impact négatif de la lumière bleue des écrans sur le
rythme circadien et le sommeil ont été publiées ».1 Malgré le fait que la
lumière soit nécessaire la journée, la nuit, elle a un impact sur l’horloge
biologique et la qualité du sommeil. Ces effets sont mesurables même avec
des niveaux de lumière très faibles comme le montre l’étude publiée dans le
Journal of Clinical Investigtion par des chercheurs de l’Université de Standford.
Ils ont notamment pu constater que de brefs �ashs de lumière de deux
millisecondes chacun toutes les dix secondes suf�saient à retarder l’horloge
interne. Selon Stéphanie Mazza, spécialiste du rôle du sommeil au sein des
performances humaines et professeure des universités à Lyon : « L’impact des
écrans regardés le soir sur la durée et la qualité du sommeil est aujourd’hui
bien établi. Or, le sommeil est un élément essentiel de l’apprentissage ».
Au-delà de la lumière bleue en elle-même, ce sont toutes les activités
possibles via les écrans qui retardent le moment de l’endormissement. Sylvie
Royant-Parola, docteur et présidente du Réseau de Morphée, a établi un lien
entre la durée du sommeil et l’utilisation des écrans2. Bon nombre d’enfants
et adolescents s’endorment plus tard, occupés à regarder des vidéos, envoyer
des messages, aller sur les réseaux sociaux ou encore jouer aux jeux-vidéo. 10.6
% des enfants, disent se se réveiller la nuit pour jouer ou discuter en ligne. Ce
n’est pas moins d’un quart des 11-15 ans qui présentent un temps de sommeil
trop court alerte le professeur Damien Léger, chef du Centre du sommeil et de
la vigilance à l’Hôtel Dieu4. D’après l’étude menée l’Académie des Sciences,
une dette de sommeil toucherait environ 30 % des 15-19 ans et plus de 12 % des
jeunes interrogés souffrent d’insomnie chronique et d’une désynchronisation
appelée « jet lag social ». Cette expression est utilisée lorsque l’horloge du
jeune n’est plus en phase avec la vie sociale.
Les conséquences des troubles du sommeil sur la santé de l’enfant sont
nombreuses.
L’État français tente de palier aux disparités des apprenants aux technologies.
Depuis 2001, il a été mis en place un test de compétences technologiques
nommé B2i pour : brevet informatique et Internet. L’objectif étant d’attester
d’un niveau suf�sant des élèves dans la maîtrise des outils numériques et de
l’Internet. Cela semble, pour beaucoup, insuf�sant face à l’importance du dé�
et des conséquences que cela entraînerait notamment sur l’égalité des
chances.
II / Méthodologie de l’étude
Dans le cadre de cette recherche, l’objectif a été de nous intéresser au rôle et
aux différents impacts des écrans dans la vie et en particulier dans
l’apprentissage de nos enfants. Alors que l’usage du numérique est de plus en
plus important dans nos vies et dans celle des plus jeunes, des questions sont
alors soulevées par les médias, les spécialistes ainsi que par les parents eux-
mêmes. Comme nous avons pu le constater dans la première partie, les avis
sont très divergents avec d’une part une multitude de points positifs soulevés
et d’autre part, un certain nombre de problèmes et de risques. Il peut alors
être dif�cile pour les parents, les enseignants ou les personnes en contact
avec des enfants de leur proposer une utilisation des écrans la plus adéquate
et utile.
La première partie a eu pour visée de faire un bilan de la littérature
scienti�que des dernières années, des statistiques et des différents avis de
spécialistes comme, notamment, des psychologues, sociologues ou
enseignants. Cette seconde partie va être alimentée par une étude qualitative
portant sur des entretiens individuels de parents ou de personnes en contact
avec des enfants.
1. Entretiens individuels
1.1. Choix de l’étude qualitative
Dans l’objectif d’obtenir les différents avis, usages et perceptions que des
adultes pouvaient avoir, l’étude qualitative s’est révélée être le type d’étude le
plus approprié. Contrairement à l’étude quantitative, l’idée est ici de pouvoir
obtenir une diversité de réponses et argumentations en laissant la personne
donner son point de vue. Cette méthodologie a aussi le mérité de minimiser
l’effet de groupe pouvant parfois in�uencer les réponses, d’autant plus sur un
sujet aussi sensible que l’éducation des enfants.
La méthode retenue ici est l’entretien semi-directif qui consiste à laisser la
personne s’exprimer sur des thèmes présélectionnés. L’interview peut ensuite
être orientée ou approfondie sur certains sujets en posant des questions grâce
au guide d’entretien. Ainsi, l’ordre des questions peut �uctuer en fonction des
réponses de la personne interrogée. Chaque entretien dure en moyenne 30 à
45 minutes.
– La perception du numérique
Les points négatifs évoqués sont, que ça nous coupe un peu de la réalité, que
l’on ne prend pas forcément la peine de retenir les choses comme tout est
stocké dans notre téléphone ou bien que l’on va parfois privilégier le virtuel
dans nos échanges et divertissements (Maeva). Vivien évoque quant à lui, le
fait que le web est pensé pour consommer, « il y a le marketing qui arrive
derrière et qui essaye par des biais, d’amener l’utilisateur à facilement lâcher
un numéro de carte bleue parce que le parcours a été pensé pour etc. Donc
très vite je voyais le ver dans la pomme ».
– Temps d’utilisation
De manière générale, les écrans ne sont pas, ou peu utilisés lors des périodes
scolaires, exceptées le week-end et le mercredi. Pendant les vacances, il n’y a
pas de moment particulier pour utiliser les écrans. Cela peut-être le matin
pour faciliter la sortie du lit avec des dessins animés, dans la journée ou juste
avant les repas pour permettre à l’adulte d’avoir un peu de temps pour lui.
Ainsi, pour les deux enfants de Vivien âgés de 4 et 8 ans, l’utilisation d’écrans
en période scolaire n’est autorisée que le week-end. Même chose pour les
enfants de Lucille, avec une utilisation possible le week-end ainsi que le
mercredi. Pour Maeva, l’utilisation d’un écran par son enfant va se faire « plutôt
quand je ne suis pas dispo » … « globalement quand je suis en train de faire à
manger ».
Plusieurs parents ont ajouté que ce n’était pas toujours évident de faire
respecter le temps d’écran souhaité et permis au départ. Pour Vivien et ses
enfants, « arrêter une activité numérique, c’est toujours un petit peu un point
bloquant ». Il est néanmoins plus facile de faire respecter le temps quand c’est
émis par le device ou l’activité directement, plutôt que par le parent. Ainsi,
Vivien utilise le chronomètre prévu par l’application Bayam et Lucille
paramètre un temps d’écran maximum sur la Nintendo Switch utilisée par son
�ls.
Les mots de passe sont couramment utilisés par les parents pour donner
accès aux écrans seulement sous leur validation ou celle d’un adulte. Maeva
utilise ce moyen avec la tablette et son téléphone. Lucille également avec
l’ordinateur familial, ce qui n’a malheureusement pas empêché son �ls d’y
accéder. Elle prend désormais l’habitude de régulièrement modi�er le mot de
passe. Vivien redoute les « effets d’engagement » de certains jeux quand il
sera amené à acheter une console de jeux pour son �ls. Marine quali�e la
tablette de « solution de facilité » pour l’enfant. Dès qu’il ne sait pas quoi faire
ou s’ennuie il prend directement la tablette.
– Activités numériques
Les parents sont bien impliqués dans le choix des activités numériques. Ils
sont tous au courant de ce que font leurs enfants sur les écrans, car souvent,
ce sont eux qui installent les applications, ils ont parfois un accès aux réseaux
sociaux de leurs enfants et connaissent les dessins animés et les types de
vidéos regardés. Pour Vivien, à propos des usages numériques de ses enfants,
« on sélectionnait les ressources, on l’a toujours fait, on sélectionnait les durées
et les moments pour faire ça avec nos enfants ».
Pour tout ce qui est dessins animés, �lms et vidéos, on va retrouver des
plateformes très classiques comme YouTube, Net�ix ou encore Disney + pour
pratiquement tous les enfants de plus de 4 à 5 ans. Il y a également Benshi, «
une super plateforme de dessins animés payants ». Le fait de regarder la
télévision en direct a peu été cité, excepté pour les enfants de Vivien avec des
émissions comme Fort Boyard. Des contenus phares comme C’est pas Sorcier
ont également été cités à plusieurs reprises. Concernant les applications,
beaucoup ont évoqué Bayam, une application ludo-éducative du groupe
Bayard Presse pour les enfants de 3 à 10 ans. Le fait que plusieurs parents
soient des collaborateurs du groupe Bayard favorise ce type de réponse et
d’utilisation.
Diverses applications de jeux ont également été citées. Pour l’enfant de
Caroline « Oui des jeux pas mal ! Beaucoup de jeux dans l’univers Légo, c’est
ce qu’il aime en ce moment. », elle ajoute également les jeux avec des super-
héros. Le célèbre jeu en ligne d’Epic Games, Fortnite a également été cité.
Notamment par Lucille à propos de son �ls de 11 ans, « c’est un fou de Fortnite
», « il est totalement addict et on dirait qu’il n’y a que ça qui le réjouit dans la
vie ».
Le numérique est plutôt très présent dans nos vies et dans celles des familles
interrogées. Lorsque l’on évoque les usages du web, des réseaux sociaux ou
encore des jeux vidéo, on peut souvent les voir associer avec l’image d’un
enfermement dans un monde virtuel.
Bien que ceci se soit retrouvé dans les entretiens, il est aussi important de
citer plusieurs exemples concrets et positifs. Les écrans sont aussi apporteurs
d’interactions dans la famille, c’est notamment le cas de l’enfant de Lucille qui
joue à Fortnite avec son père, « ils se mettent en réseau, je ne sais pas trop
comment ils font, Switch télé ordi, ils se débrouillent ». Ce jeu, très tendance
actuellement, permet aussi aux jeunes de se retrouver, ils jouent en ligne,
communiquent, un peu à la manière d’un réseau social. Cela peut même
devenir un levier d’intégration et de rencontres dans la vraie vie, comme le
souligne Lucille « et mon �ls, aussi bizarre que cela puisse paraître, s’est fait
plein de copains dans son collège grâce à Fortnite ».
Les enfants jouent ensemble, apprennent et s’ouvrent à d’autres activités
auxquelles ils n’auraient pas forcément accédé dans leur foyer : « Je sais que
ce copain-là était assez calé sur Minecraft et je me suis dit, bah très bien il va
découvrir avec lui et c’est ce qui a été fait. Le mien est rentré tout content de
me montrer comment ça fonctionnait et tout. »
C’est le cas dans la famille de Vivien qui parfois va être amené à proposer «
une sorte de petite gami�cation de la vie de tous les jours qui rapporte après,
dans leurs envies numériques ». Il va ainsi proposer à son �ls de 8 ans de
progresser dans les tables de multiplication a�n d’obtenir la version premium
du jeu Minecraft : « On va le faire un petit peu en mode jeu pour qu’à la �n, il
ait Minecraft déverrouillé » … « Je pense qu’il y a que comme ça qu’on arrivera
à équilibrer et justi�er le fait qu’il ait la récompense numérique en
contrepartie ». Cette stratégie fonctionne dans sa famille et permet à ses
enfants d’être proactifs dans les tâches du quotidien : « il va se trouver de lui-
même des bonnes actions, parce que derrière il y a une motivation qui lui
parle ».
– Con�nement, une parenthèse dans les usages numériques des enfants
Il est intéressant de constater la nuance de certains parents entre les usages
pendant le con�nement et ceux plus classiques et normés du reste de l’année.
« Là je te parle avant et après le con�nement, en con�nement d’ailleurs, on l’a
compris parce qu’on a été un peu forcé de faire ce que beaucoup font, en
donnant l’écran et en se disant, c’est notre nounou numérique. » (Vivien). Les
écrans ont ainsi permis d’occuper les enfants pendant les heures de télétravail
et en particulier pendant les temps de réunion. Il ajoute « on constatait après,
quand on reprenait soit la tablette ou que l’on éteignait la télé, du marasme
que ça créait. Ils étaient complètement, bah justement pas habitués à en
consommer autant avant. Là tout d’un coup, les vannes s’ouvraient quand les
parents ne pouvaient pas faire autrement, mais à la �n c’était de vrais
zombies. On avait des ré�exes de camés quoi, on leur enlève leur dose. Le
petit, il n’avait pas encore 4 ans » … « il envoyait tout voler dans l’appartement
», « le grand qui rentrait dans des crises de larmes, vraiment. On l’a mesuré
malgré nous si tu veux, ce côté un peu excessif et totalement libre sur les
écrans, donc ça, on veut pas du tout le revivre. »
Néanmoins, les ré�exes et les règles misent en place avant le con�nement ont
repris le dessus dès le retour plus à la normal le 11 mai.
• Accompagnement de l’enfant sur les outils numériques
Les premiers pas de l’enfant sur des outils numériques se font toujours au
domicile pour les personnes interrogées. Aucune personne interviewée m’a
parlé de nouvelles compétences numériques permises par l’école. Au début,
c’est plus le parent qui va lancer le dessin animé, la vidéo ou le jeu, puis en
grandissant l’enfant va le faire lui-même. Plusieurs ont d’ailleurs ajoutés que
les interfaces de produits numériques à succès sont particulièrement faciles
d’utilisation. C’est le cas pour la récente plateforme de Disney, « la grande
comme la petite sont vraiment autonomes sur Disney + » (Lucille) tout comme
Net�ix où les recommandations sont souvent bien en adéquation avec les
envies de l’enfant. Lorsqu’il y a des frères et soeurs, ils apprennent et parfois
découvrent ensemble, les contenus numériques et leur utilisation.
Pour l’enfant de Caroline, âgé de 6 ans, il arrive à se servir seul de la tablette, «
il a repéré YouTube, il sait retrouver le navigateur web et comme il y a
plusieurs raccourcis, il peut facilement retrouver Net�ix tout seul ».
En�n, Marine nous donne l’exemple ou l’enfant l’a dépanné, « l’autre jour sans
faire exprès il y a un programme qui s’est coupé sur la télé et je n’arrivais pas à
trouver le truc. La petite de 6 ans a réussi a récupérer le programme en 2
secondes ».
– La parentalité numérique
Les parents sont globalement conscients des fondements et grands principes
de la parentalité numérique. On peut entendre par là, la règle des « 4 pas »
proposée par Sabine Du�o pour pas d’écran le matin, pendant les repas, le soir
et dans la chambre. Il y a également la règle des 3, 6, 9, 12 de Serge Tisseron.
Cette dernière permet d’avoir des repères sur l’utilisation des écrans aux
différents stades de croissance de l’enfant.
Plusieurs parents trouvent qu’il y a un manque d’information et de
communication sur ce sujet. Bien que ce soit de plus en plus relayé, pour
beaucoup, on gagnerait à davantage connaître ces grands principes. Lucille
prône le discours déculpabilisateur de Serge Tisseron, « il m’a fait tenir un
discours presque militant pour les écrans. Parce que jusqu’à présent, on était
soumis aux préjugés des autres parents qui disaient que les écrans c’était
affreux, que c’était le diable. Du coup, tout le monde disait oui mais à part
contre, continuaient d’utiliser les écrans pour nos enfants, sans le dire et avec
une grosse culpabilité. Maintenant, je le dis, j’en ai plus honte et je dis même
que ça peut bien sûr, être béné�que, si c’est bien utilisé. C’est juste un
support. ». Vivien est plus critique, pour lui, « on voudrait faire une généralité,
mais en fait c’est du cas par cas ». Selon lui, cela peut servir de base « oui ça
peut donner des principes, mais derrière il faut l’intelligence de l’adulte pour
dire ok, ça ce sont des principes, moi je ne peux pas tout appliquer parce que
ma vie ne le permet pas ». Ainsi, il faudrait tester, essayer des choses avec ses
propres enfants, ses contraintes et l’éducation que l’on souhaite leur donner.
Ce n’est pas forcément évident pour le parent de toujours faire appliquer leurs
principes et règles au sujet des écrans. Il y a notamment l’exemple des enfants
pendant les vacances qui vont chez leurs grands-parents et qui regardent la
télévision tous les matins : « Et voilà un petit con�it générationnel, en disant
bah nous toute l’année on lutte, il y a vraiment zéro télé en semaine », « Et là ça
ne venait pas de nous, ça venait de la génération de nos parents qui n’avait
pas à faire face à ça avec nous à l‘époque ». Les enfants peuvent facilement
prendre des habitudes à la suite d’un séjour avec un adulte autre que ses
parents qui applique d’autres principes, « Limite, il faudrait que l’on soit tous
liés, tu vois, mes parents, mes beaux-parents, le corps enseignant, ma soeur si
elle garde mon grand et tout pour que ce soit invariant, que ce soient toujours
les mêmes ré�exes. Mais ça tu ne peux pas, tu ne peux pas toujours avoir les
mêmes règles. » (Vivien).
Il y aussi les enfants entre eux, qui partagent les règles plus ou moins laxistes
dans leur foyer ainsi que les jeux auxquels ils jouent, les vidéos et dessins
animés qu’ils regardent.
Pour �nir, il y a eu le cas où le parent interdit un type de contenu en
particulier, ici une chaîne YouTube. En effet, l’enfant s’identi�ait au
personnage principal de la chaîne, au point de reprendre ses mimiques et sa
manière de s’exprimer : « il a adoré cette chaine et il y a eu un moment où on
s’est rendu compte qu’il parlait comme le gars dans la chaine. Ce sont des
éponges à cet âge-là, ils sont facilement in�uençables. »
Marine, a été �lle au-pair dans deux familles dont les habitudes des enfants et
les règles autour du numérique étaient totalement opposées. Ainsi, elle
raconte que dans la première famille il était commun que les enfants
mangent devant un écran, « La petite était autorisée à manger dans le salon
devant la télé pendant que tout le monde était dans la salle à manger ». Elle
remarquait une fermeture des enfants sur eux-mêmes, « chacun regardait son
programme sur sa tablette ». Il n’y avait pas de limites dans l’usage des écrans,
donc les enfants y consacraient chaque jour énormément de temps.
Les parents sont plutôt positifs à l’utilisation d’écrans dans le cadre scolaire,
d’une manière plus ou moins importante. Sur la question de l’utilisation
d’écrans en classe, Maeva a par exemple répondu « Ça ne me choquerait pas,
par mesure où c’est dans les vies de tout le monde aujourd’hui. Je ne serai pas
contre non plus, ça dépend de l’usage ». Pour Lucille, elle aimerait que ce soit
plus présent en classe, « Moi je ne suis pas du tout fermée, au contraire je
trouve ça super. Mais bon pour l’instant, ils n’ont pas proposé ça ». Selon elle, «
les enfants adoreraient » et « en�n ce ne serait plus diabolisé ». Pour Maude
l’âge de l’enfant va avoir une grosse importance : « avant 6 ans, je pense que
ce n’est pas adapté » néanmoins, elle rajoute « à partir de 6 ans, si c’est bien
encadré, ça peut être une manière intéressante de leur faire aborder
l’apprentissage ». Caroline et Marine sont tout de même plus sceptiques, « Je
préfère qu’il fasse un jeu manuel plutôt qu’avec des écrans même si c’est pour
lui apprendre quelque chose. Après si c’est l’école qui demande on verra mais
je n’aimerai pas trop que mon gamin fasse des jeux comme ça ». Caroline
trouve que l’on est déjà suf�samment sur les écrans pour qu’en plus ce soit
rajouté à l’école. Marine pense que l’on peut éviter les écrans dans les
apprentissages traditionnels, en mettant par exemple en place de petites
activités à la maison.
Le con�nement a déjà donné lieu à quelques essais, cela a notamment été le
cas pour l’aîné de Vivien qui s’est vu proposer par son enseignante de petits
jeux ludo-éducatifs. Son papa a eu un retour plutôt positif à ce propos,
notamment grâce à la dif�culté croissante, au chrono ou encore au score. En
l’observant, il avait l’impression que son �ls jouait en faisant abstraction « qu’il
était en train de travailler des apprentissages en cours d’acquisition ». Le �ls de
Maeva âgé de 4 ans, a eu pendant le con�nement plusieurs liens menant vers
de petites applications sur l’apprentissage de l’alphabet ou pour se repérer
dans l’espace.
Les enfants de Vivien sont scolarisés à Issy-les-Moulineaux, « une ville plutôt
numérique ». Son �ls a ainsi déjà fait du Scratch à l’école et va probablement
être amené à faire du Minecraft Edu dans ses prochaines années de scolarité,
peut-être en CM2. D’après le site proposant cette plateforme, le jeu est basé «
sur la créativité, la résolution de problèmes dans un environnement
numérique immersif ». Vivien a également évoqué le studio DragonBox. Il a
téléchargé sur son smartphone quelques applications très « qualitatives »
pour ses enfants. Il ajoute, « l’éducation nationale au Danemark a ajouté la
palette d’application DragonBox dans les programmes ou dans les outils pour
les enseignants ».
Cela permettrait aussi aux enfants d’apprendre à utiliser les appareils
numériques et d’intégrer très jeunes les bonnes pratiques. « Ils seront obligés
de passer par là pour avoir une base des bons usages » (Maeva). Au-delà des
avantages dans l’apprentissage, plusieurs personnes interviewées trouvaient
intéressant d’avoir une nouvelle couche de sensibilisation et de bonne
utilisation des écrans par les enseignants. À la condition où, évidemment, les
professeurs y sont formés et ne sont pas forcés à le faire. « Je le verrais comme
un autre canal où l’enfant a plus tendance à bien écouter le corps enseignant
plutôt que ses parents, et de voir qu’au �nal, ce que disent les parents ce n’est
pas si déconnant ». Phi-Long a été le seul à mettre en avant le poids des
cartables et le fait qu’avec une tablette « ils n’auront pas de livres à porter ».
Pour �nir, Maude met en avant les compétences numériques et les enjeux
dans une société où elles prennent de plus en plus d’importance : « Il faut
aussi vivre avec son temps et je pense que de nos jours, les écrans et les outils
numériques sont omniprésents et c’est important pour nos enfants de bien
les maîtriser, ne serait-ce que pour leur futur professionnel. »
– Complémentarité avec un apprentissage plus traditionnel
Concernant les enseignements proposés en classe avec les écrans, les parents
sont plus mitigés. Pour Lucille, ce serait plus en fonction de l’âge mais cela
pourrait aussi bien être des apprentissages classiques comme les
mathématiques, l’anglais ou le français, que des apprentissages plus propres à
la tablette comme la photo ou la vidéo. Elle relève juste « l’excitation que ça
peut engendrer », « c’est sûr que les enfants sont un peu surexcités après les
écrans. ». Phi-Long distingue quant à lui le scolaire, pour lequel il préférerait
passer « par des manuels, par des formulaires, des livres etc. » et la culture
générale où selon lui les médias sont plus adaptés.
3. Limites de l’étude
Étant sur une étude qualitative, le panel de personnes interrogées n’est pas
représentatif de la population française. Nous avons ici la représentation de
parents, dans l’ensemble, très informés sur ces sujets et thématiques. Eux-
mêmes plutôt à l’aise et adeptes du numérique, ils sont bien équipés à la
maison.
Pour aller plus loin, nous pourrions compléter cette première étude par une
seconde qui se concentrerait sur une tranche d’âge. Cela permettrait de
rentrer davantage dans le détail en interrogeant, en plus des parents, des
enseignants, des enfants et des pro�ls de parents beaucoup plus hétérogènes.
De plus, l’éducation des enfants est un sujet pouvant être quali�é de sensible.
Il est possible que quelques échanges enjolivent un peu la réalité. L’idéal, bien
que dif�cile à mettre en place, serait d’observer des familles à différents
moments de la journée.
4. Conclusion de l’étude
Cette étude avait différents objectifs, dont notamment, obtenir une vision des
perceptions des parents quant à l’usage du numérique par leurs enfants dans
un objectif éducatif. Cela a également été le moyen de mieux comprendre les
usages des écrans dans la famille, les temps d’utilisation, les contenus ou
encore les règles pour en limiter l’utilisation.
Les échanges ont permis de développer différents axes d’analyse. Dans un
premier temps, nous pouvons constater que les parents sont globalement en
questionnement sur le sujet des écrans. Le numérique est devenu presque
indispensable aujourd’hui, pour eux comme pour leurs enfants, que ce soit
pour travailler, pour communiquer ou pour se divertir. Ils sont aussi d’accord
pour mettre en avant les connaissances in�nies et les programmes éducatifs
de qualité. Néanmoins, ils constatent aussi les effets néfastes comme
l’énervement et l’excitation procurés par les écrans. Ils relèvent que les enfants
ont tendance à ne plus s’arrêter une fois devant un écran, alors que cette
activité prend déjà énormément de temps dans la journée de tout un chacun.
Ils ont également peur aux effets d’engagement de certains jeux, des fausses
informations ou encore des réseaux sociaux avec les nombreux scandales de
harcèlement notamment. Cette génération de parents, plus consciente que
ses aînés sur les bonnes pratiques, cherche ainsi la meilleure équation. Ils sont
tous d’accord pour dire qu’interdire n’est pas la bonne solution. Chaque
interviewé s’était informé et tente ainsi de proposer l’équilibre le plus
pertinent entre écran et autres activités. Dans un second temps, cette étude
nous permet d’obtenir des avis, des exemples et des perceptions sur le
numérique dans l’apprentissage. La période de con�nement a été une
première pierre, un peu forcée, dans les usages numériques dans le cadre
scolaire. Ainsi, une majorité de parents sont ouverts et acceptent de manière
positive cette nouvelle forme d’enseignement. Les enfants semblent, eux aussi
se prendre au jeu. Si les enseignants sont formés et les outils adaptés, les
parents pensent que cela pourrait bien fonctionner et intéresser les enfants en
complément d’un apprentissage plus traditionnel. Ce serait aussi l’occasion
pour les enfants d’avoir une sensibilisation et un enseignement des bonnes
pratiques du numérique donné par une personne autre que les parents.
Conclusion
Cette recherche se proposait de dépeindre la meilleure utilisation possible des
écrans par les enfants, en particulier dans le cadre d’un apprentissage. Dans
un premier temps, les recherches académiques ont mis en lumière la forte
utilisation des écrans dans les foyers français. Tandis que les avis des parents
sont mitigés quant à la bonne utilisation des nouvelles technologies par leurs
enfants, nous avons vu que certaines règles existaient, permettant
notamment d’avoir des repères. L’âge de l’enfant va être primordial, ainsi,
l’utilisation d’écrans par des enfants de moins de trois ans, ne va par exemple
pas être fondamentale. Au-delà de l’écran en lui-même, on a pu constater que
c’était l’utilisation qui en était faite, qui pouvait être béné�que tout comme
problématique. L’idéal est d’accompagner l’enfant sur ces nouveaux outils, de
parler de ce qu’il y fait, de ce qu’il a vu et, pourquoi pas, d’en consommer avec
lui ou de lui proposer des contenus intéressants.
Les écrans peuvent présenter un intérêt dans l’apprentissage des enfants. Ils
permettent notamment de motiver les élèves, de capter leur attention et de
faciliter l’engagement dans ce qu’ils font. Les nombreuses fonctionnalités
offertes par les nouvelles technologies représentent un vaste champ des
possibles dans le domaine éducatif. La France s’est pleinement engagée dans
l’école numérique, mais accuse toujours un retard par rapport à d’autres pays
comme les États-Unis, le Canada ou encore la Suède.
L’utilisation d’écrans en classe, ne doit pas venir remplacer le professeur. Pour
être positif dans l’apprentissage des élèves, ils doivent être utilisés en
complément d’une pédagogie plus traditionnelle. De plus, l’apport du
numérique dans les programmes pédagogiques, sans un soutien et une
formation des enseignants à ces nouvelles méthodes, n’aurait pas ou peu
d’impacts positifs sur l’enseignement des élèves.
On a également pu relever que le temps d’écran pour les plus jeunes n’est pas
anodin. Il peut être dif�cile de faire face, aux effets d’engagement de certains
jeux ou réseaux sociaux, et des mécanismes mis en place pour capter l’enfant.
En effet, certains services numériques sont pensés pour s’appuyer sur des
biais du cerveau comme la solitude, le besoin de reconnaissance ou
d’attention par exemple. Néanmoins, en cas d’utilisation excessive, cela peut
engendrer des problèmes d’addiction ou avoir des incidences biologiques, en
particulier sur le sommeil.
En�n, il y a une hétérogénéité en France dans l’équipement, mais surtout dans
les usages du numérique. Il y a ainsi un risque d’exclusion et d’accroissement
des inégalités sociales pour les enfants qui ne maîtrisent pas bien les
nouvelles technologies ou qui ne disposent pas dans leur foyer d’outils
numériques de qualité ou d’une connexion Internet suf�sante. Ceci doit
également être pris en compte pour permettre à chacun de béné�cier du
meilleur apprentissage possible et des bonnes compétences dans ses usages
du numérique.
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