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Sarah Mtibaa

De la liberté - John Stuart Mill


CHAPITRE 4 : Des limites de l’autorité de la société sur l’individu

PARAGRAPHE 1 :
La question les limites de l’autorité sur chaque individu est posée dans ce chapitre. De la vie humaine,
une part est la responsabilité de l’individu, et une autre est celle de la société. La ligne séparant
l’individualité et la société doit alors être tracée.

PARAGRAPHE 2 :
Selon Mill, la société et l’individu devraient avoir la responsabilité de ce qui les concerne le plus et
qui les intéresse davantage.

PARAGRAPHE 3 :
Les obligations sociales ne sont pas écrites sur papier. Cependant, les membres de la société qui en
reçoivent une protection doivent les respecter par redevance.
Il y a certaines lignes de conduite qui semblent évidentes du fait de la coexistence en société. Il faut
tout d’abord ne pas nuire aux intérêts d’autrui. Plus spécifiquement, il s’agirait des droits de chacun
qui sont protégés par des dispositions légales, soit des règles et des lois, ou par accord tacite, soit des
normes sociales. Ensuite, chacun a à travailler à la défense de la société et de ses membres et doit
assumer certains sacrifices. Ainsi, tous sont protégés de quelconque nuisance.
S’il advient qu’un individu nuit à autrui, sans forcément brimer ses droits, ce n’est pas la loi qui va
sévir, mais l’opinion publique par des moyens indirects, avec comme objectif de favoriser le bien-être
général. Toutefois, si quelqu’un se nuit à lui-même ou aux autres, mais avec leur consentement, il
n’est pas du ressort de la société d’agir si l’individu est adulte et complètement en possession de ses
facultés.
En somme, tout individu respectant ces conditions devrait pouvoir agir librement, au niveau légal et
social, et en assumer les conséquences.

PARAGRAPHE 4 :
Ne pas sévir quand un individu se nuit n’est pas une défense de l’indifférence égoïste, soit que toute
personne ne s’intéresse au « bien-agir » d’autrui que s’il y a une chance que ça l’affecte
personnellement. Mill estime qu’il faut promouvoir le bien d’autrui par bienveillance désintéressée,
mais que les façons de procéder sont importantes à évaluer. Les vertus privées, concernant chaque
personne individuellement, sont importantes mais passent après les vertus sociales. L’éducation
devrait inculquer les deux simultanément, mais procède par la persuasion, la conviction et la
contrainte. Il existe toutefois d’autres façons de faire... Les convictions privées, une fois l’éducation
complétée, devraient être inculquées par la conviction plutôt que les autres méthodes.
C’est par la coopération et l’entraide que les hommes devraient distinguer le meilleur du pire et établir
lequel est préférable. Chacun devrait encourager autrui à viser l’utilisation de ses plus nobles facultés
pour atteindre des objets de contemplation édifiants et utiles à l’esprit.
N’empêche que personne ne peut dire à un homme ce qui est mieux pour lui ou ce qu’il devrait faire.
C’est pour soi que son bien-être a le plus d’importance et de valeur. En comparaison, l’intérêt qu’y
porte un autre individu (par attachement) ou la société est insignifiant.
Pour que la société intervienne sur ce qui serait mieux pour chacun, elle se base sur des présomptions
générales, des idées toutes faites qui pourraient facilement s’avérer fausses. Même si elles ne l’étaient
pas, elles ne seraient pas appliquées au sens de l’individu, mais à celui de la société. Ainsi, c’est du
ressort de l’individualité de prendre des décisions et de poser des actions quant à ces aspects.
En société, les actions posées entre individus doivent être encadrées par des règles générales, mais la
spontanéité individuelle est de mise dans les affaires personnelles.
Donc, chacun peut se permettre de prodiguer des conseils, mais l’individu reste le juge suprême quant
à sa manière d’agir. Mieux vaut prendre une mauvaise décision, n’ayant pas suivi de conseils, que
d’être contraint par les autres à adopter certains comportements.

PARAGRAPHE 5 :
Les qualités que possèdent un homme peuvent avoir une incidence sur notre estime de cette
personne ; c’est préférable et souhaitable que ce soit le cas. Quelqu’un possédant les plus hautes
qualités va inciter l’admiration. À l’inverse, quelqu’un possédant des qualités liées à la médiocrité va
devenir un objet de répulsion voire de mépris, sans pour autant qu’il ne soit victimisé ou maltraité.
Sans nuire à personne, un individu peut, du fait de ses qualités, nous faire le considérer comme de
nature inférieure. Lui mentionner revient à lui rendre service. Ainsi, il conviendrait mieux de pouvoir
adresser ces qualités en toute honnêteté sans avoir l’air insultant ou prétentieux. Aussi, se comporter
d’une façon ou d’une autre et une décision relevant de l’individualité de chacun. Sans lui nuire ou
porter atteinte à son individualité, il est possible d’éviter sa compagnie ou de prévenir autrui de ses
comportements. C’est de cette façon qu’une forme de sanctions sociales peut être observables : un
individu peut être puni ou pénalisé par autrui à cause de décisions prises grâce à son individualité. Ce
n’est pas une punition volontaire, mais plutôt des conséquences naturelles et spontanées. Une
personne arborant des qualités indésirables doit s’attendre à baisser dans l’estime d’autrui. Elle ne
peut pas s’en plaindre, sauf en ayant la reconnaissance d’individus malgré ses décisions.

PARAGRAPHE 6 :
Les actes nuisibles aux autres, tels les préjudices, l’atteinte aux droits, l’hypocrisie ou le mensonge,
justifient l’application de réprobation morale et dans les pires cas, de punitions et de sanctions
morales. Les dispositions menant aux actes nuisibles sont tout aussi condamnables et originaires
d’une morale défaillante et douteuse.
« La disposition à la cruauté, la méchanceté, l’envie, la dissimulation et l’hypocrisie, l’irascibilité
gratuite, le ressentiment disproportionné, l’amour de la domination, le désir d’accaparer plus que sa
part d’avantages, l’orgueil qui se nourrit de l’abaissement des autres, l’égoïsme qui favorise sa
personne et ses intérêts avant tout et tranche toute question douteuse en sa faveur. »
Ces vices ne sont punissables par réprobation morale s’ils mènent au mépris du devoir envers les
autres. Le devoir envers soi-même n’est pas une obligation sociale sauf si elle est simultanément un
devoir envers les autres.

PARAGRAPHE 7 :
Il y a une différence de sentiments et de comportements avec un individu nuisant à autrui ou se
contentant de qualités médiocres. Extérioriser son aversion pour un individu déplaisant est légitime,
mais vouloir lui nuire ne l’est pas. Il se nuit suffisamment déjà à lui-même par ses qualités médiocres,
en est responsable et en subit les conséquences. Au lieu de vouloir encore pire pour lui, mieux vaut
tenter de lui montrer comment alléger sa situation ou guérir ses maux intérieurs. Ressentir de la pitié
envers un individu n’est pas pareil à le traiter en ennemi de la société. Le pire à faire est de
l’abandonner à lui-même.
Cependant, une personne enfreignant les règles de la société et atteignant la protection d’individus ou
de la collectivité peut être punie.
« La société, en tant que protectrice de tous ses membres, doit user de représailles contre elle, lui
infliger un châtiment suffisamment sévère, dans l’intention expresse de punir. »

PARAGRAPHE 8 :
Certains diront qu’un individu qui se nuit à lui-même affectera forcément d’autres au point de les
nuire. Personne n’est isolé au point de pouvoir se nuire considérablement et durablement sans
répercussions sur d’autres membres de la société. Elle nuit par ses actions ou pas son exemple.

PARAGRAPHE 9 :
Mill pose différentes questions pouvant mener à des précisions dans sa doctrine. Si certains adultes
sont incapables de se gérer eux-mêmes et leur inconduite les affecte considérablement, il est légitime
de se demander s’il faudrait que la société prenne des mesures pour les protéger comme elle protège
les enfants et les mineurs. Si certaines activités à la morale douteuse mènent à des conséquences
profondément nuisibles, la loi pourrait condamner de tels comportements ou l’opinion publique
pourrait appliquer des pénalités sociales où la loi a des lacunes.
Mettre en place des mesures ne serait pas nuisible à l’individualité de chacun en empêchant de
nouvelles expériences, mais serait une manière d’empêcher les futures générations de commettre les
mêmes erreurs que les générations passées.

PARAGRAPHE 10 :
Une personne qui se nuit affectera certainement ceux qui l’entourent. Si un homme manque à son
devoir, il aura mérité le blâme reçu. Ce n’est pas pour les motifs qu’il serait sanctionné, mais pour le
manquement commis. Si un individu est incapable d’accomplir un devoir, il est aussi sanctionné. S’il
y a des dommages commis ou une place certaine à un dommage potentiel, la liberté n’a plus sa place,
et la conséquence est du registre de la loi ou de la société.

PARAGRAPHE 11 :
Un individu qui se contente de la médiocrité sans pour autant causer de trouble à autrui ou ne pas
respecter ses devoirs ne cause pas d’inconvénience majeure à la société, qui prône la liberté.
« S’il fallait punir les adultes parce qu’ils ne prennent pas soin d’eux-mêmes, je voudrais que ce fut
pour leur bien, et non pas sous prétexte de compromettre leur capacité de rendre à la société des
services que celle-ci ne prétend par ailleurs pas avoir le droit de leur imposer. »
Lors de l’enfance et de la minorité, la société avait tout le pouvoir sur la jeunesse. Elle a eu l’occasion
de tenter de construire des individus capables de se comporter de façon raisonnable et avec une
moralité éclairée. Ainsi, la génération actuelle est responsable de la prochaine. Elle ne peut pas
permettre d’atteindre la perfection, mais la société actuelle peut se servir de ses lacunes et de ses
expériences pour rendre la prochaine génération aussi bonne ou meilleure qu’elle. S’il advient que les
adultes sont tous lents et avec une moralité défaillante, la société est responsable d’endosser les
conséquences. Elle a tous les moyens de son côté, soit l’éducation, les sanctions naturelles, l’opinion
sociale. La société n’a alors pas à vouloir intervenir dans l’individualité puisque les décisions doivent
être prises par ceux assumant les conséquences.
Les hommes ayant un fort tempérament que l’on cherche à limiter par la tempérance vont aller contre
les contraintes sociales. Cette tendance à aller à l’encontre des attentes et à faire l’inverse de ce qui est
attendu est qualifié de courage et de caractère, puisque c’est se rebeller contre les autorités.
Exposer les mauvais exemples au grand jour peut servir d’exemple pour certains qui agiront de façon
similaire. Pour d’autres, cet exemple pourrait être salutaire et montrer les conséquences de tels
comportements, comme un effet dissuasif.

PARAGRAPHE 12 :
Selon Mill, l’argument défendant le mieux la non-intervention de la société dans l’individualité et la
conduite individuelle serait son incapacité à intervenir convenablement. Si l’on se base sur l’opinion
du public, c’est celle de la majorité qui l’emporte sur la minorité. Or, il s’avère que l’opinion peut être
aussi fausse que vraie, puisque pour se forger une opinion, le public se base sur ses propres intérêts.
Donc, l’opinion publique correspond aux convictions de la majorité au détriment de celles de la
minorité, qui est victime de censure.
Beaucoup d’individus prennent comme une attaque personnelle tout comportement ne suivant pas ses
convictions et le considèrent comme un « outrage à leurs sentiments ».
« Mais il n’y a aucune commune mesure entre le sentiment d’un homme envers sa propre opinion et
celui d’un autre qui s’offense de ce qu’on la détienne. »
Les religions et auteurs spéculatifs présentent certains concepts et les déclarent justes parce qu’ils sont
justes. Ainsi, il s’agit de se mêler de l’opinion personnelle de chacun et de suivre une voie unique et
indirectement imposée, tout comme les notions de bien et de mal.

PARAGRAPHE 13 :
Le mal dont parle Mill est concret plutôt qu’abstrait. Il y a de nombreux exemples permettant
d’illustrer que se permettre de dépasser les limites et d’empiéter sur la liberté de l’individu est un
penchant humain universel.

PARAGRAPHE 14 :
Mill présente un exemple concernant les croyances religieuses, soit le christianisme et l’Islam. Pour
les musulmans, la viande de porc est considérée comme impure. Donc, voir des chrétiens manger du
porc inspire du dégoût chez les musulmans. Toutefois, même si le vin est également interdit dans
l’Islam, il n’inspire pas le dégoût. Il s’agit d’une antipathie instinctive, soit que ce qui est impur
inspire la répulsion.
En admettant que la majorité du public soit musulman et que manger du porc soit interdit, il ne
s’agirait pas d’une persécution religieuse, mais simplement d’un empiètement de la liberté de la
société.

PARAGRAPHE 15 :
Pour les Espagnols, une des pires offense et marque d’impiété est d’avoir une croyance autre que
celles des catholiques romains. Avoir un clergé marié est absolument inimaginable et extrêmement
offensif.
Si l’on ne veut pas adopter la logique du persécuteur, il ne faut pas imposer quelque chose qui nous
paraîtrait injuste si nous étions dans l’autre position.

PARAGRAPHE 16 :
Il serait possible de poser une objection aux deux précédents exemples, donc Mill en présente un plus
concret. Les puritains cherchaient à empêcher tout amusement public, puisque certaines croyances et
religions les condamnaient. La classe moyenne possède cette opinion et pourrait éventuellement
représenter l’opinion majoritaire, ce qui pourrait ne pas convenir au reste de la population. Beaucoup
croiront devoir se plier à la majorité, alors qu’il faudrait leur indiquer de s’occuper de leurs affaires.

PARAGRAPHE 17 :
Mill se sert des États-Unis en tant que pays démocratique pour illustrer le prochain exemple. Le fait
que la majorité de la population n’accepte pas un mode de vie plus luxueux que celui qu’elle peut se
permettre agit comme une norme sociale, source de réprobation si nécessaire. Ainsi, la majorité à un
pouvoir absolu sur comment les individus gèrent leur argent. Avec une idéologie plus communiste, on
dirait plutôt qu’il contraire à toute logique de posséder plus que nécessaire et que tous devraient
recevoir part égale. Les mauvais employés sont convaincus de devoir recevoir le même salaire que les
bons, ou davantage de rémunérations. Ils se permettent de nuire aux autres pour ces raisons. Ainsi, si
le public a autant de pouvoir sur les affaires privées, pourquoi un individu n’aurait-il pas le pouvoir
sur son individualité ?

PARAGRAPHE 18 :
La liberté privée est brimée par ceux estimant que le public a un droit illimité lui permettant
d’interdire ce qu’il estime mauvais ou innocentes grâce à la loi.

PARAGRAPHE 19 :
Dans certaines régions des États-Unis, la vente d’alcool a été interdit par la loi, donc sa consommation
aussi. Il y a eu une tentative similaire en Angleterre. Différentes personnalités ont rejoint « l’Alliance
». Un porte-parole aurait déclaré que la consommation d’alcool était du registre des actes sociaux,
habitudes et relations qui sont sous le pouvoir de l’État. L’autre catégorie d’action serait liée à
l’individu puisqu’elle concerne sa conscience. Or, Mill ajoute une catégorie omise, soit les habitudes
individuelles ne relevant pas de l’État. La liberté brimée est celle du consommateur.
Or, certains disent que leur liberté est brimée puisque l’alcool serait à la source d’insécurité, de
lacunes de développement moral et d’injustice. La notion de droits sociaux serait alors de se permettre
d'imposer un code de conduite, pour agir comme ils le devraient. Il n’y a ainsi plus de liberté, puisque
l’homme aurait tout pouvoir sur autrui.

PARAGRAPHE 20 :
Mill présente l’exemple de la législation du Sabbat. Il s’agit d’un devoir religieux dans le judaïsme.
Toutefois, l’ensemble des travailleurs doit être en accord, puisque si certains travaillent, tous le
doivent aussi. Selon cette logique, la loi pourrait permettre le respect de cette tradition. N’empêche
que cette décision serait basée sur les convictions d’une partie de la société. De plus, la même
conclusion ne serait pas obtenue s’il était question de divertissements et de loisirs. Ainsi, si certains
veulent moins travailler, il va de soi que les salaires soient adaptés en conséquence. La seule raison de
condamner les divertissements serait la religion, mais ce n’est pas de la responsabilité d’autrui
d’interférer.
« Deorum injuriae Diis curae » (Les blessures infligées aux dieux sont la préoccupation des dieux)
Si dans la religion d’un persécuteur certaines choses sont interdites, ça ne justifie pas la persécution
du groupe pour lequel c’est important.

PARAGRAPHE 21 :
Mill prend comme dernier exemple les Mormons qui sont à la source de mécontentement chez les
chrétiens, notamment parce qu’ils tolèrent la polygamie. De nombreux individus expriment haut et
fort vouloir poser des gestes contre les Mormons pour les forcer à se comporter comme les autres
puisqu’aux yeux de la majorité, ce en quoi ils croient est absurde et une entrave à la liberté des
femmes de cette communauté. Or, Mill rappelle que ces femmes sont tout aussi volontairement
mormones que les hommes, même si elles sont dépeintes comme des victimes.
Les Mormons sont partis s’établir autre part pour fuir la persécution, mais la société voulait tout de
même tenter de les rappeler à l’ordre, considérant que les Mormons empêchaient l’avancement de la
société. Or, aucun groupe ne peut contraindre un autre groupe à agir de façon civilisée au sens de la
majorité. Ce serait une entrave à leur liberté.
Si la société a vaincu un groupe de personnes, elle n’a pas à craindre son retour puisque ce qui a
permis sa chute, c’est l’absence de conviction des figures de proue du groupe.

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