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DROIT ADMINISTRATIF

Pr. Abdelhamid BERCHICHE

Année (2021-2022)
Sommaire
INTRODUCTION ................................................................................................................... I
I – Définition du droit administratif .................................................................................. I
II – Les sources du droit administratif ............................................................................. II
PREMIERE PARTIE- L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE..................................................... 9
CHAPITRE 1. LA THEORIE DE LA PERSONNALITE MORALE ................................................. 9
Section 1 : Le concept de personne morale .................................................................... 9
Section 2 : Les concepts de centralisation, décentralisation et déconcentration .......... 10
Section 3 : La tutelle administrative .............................................................................. 14
CHAPITRE 2. PRESENTATION GENERALE DE L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE ............. 17
Section 1 : L’administration centrale ............................................................................. 17
Section 2 : L’administration territoriale......................................................................... 17
Section 3 : Les organes consultatifs............................................................................... 24
DEUXIEME PARTIE. L’ACTION ADMINISTRATIVE .............................................................. 28
CHAPITRE I. LES ACTES ADMINISTRATIFS UNILATERAUX ................................................ 28
Section 1. La notion d’acte administratif unilatéral ...................................................... 29
Section 2. Le régime juridique des actes administratifs unilatéraux ............................. 34
Section 3. Abrogation et retrait des actes administratifs ............................................. 43
CHAPITRE II. LE PRINCIPE DE LA LEGALITE ADMINISTRATIVE............................................ 44
Section 1. Les sanctions du principe de la légalité ......................................................... 45
Section 2. Les limites du principe de la légalité ............................................................. 47
CHAPITRE III. LES CONTRATS ADMINISTRATIFS ............................................................... 49
Section 1. La distinction des contrats administratifs et des contrats de droit privé ...... 50
Section 2. Les différents types de contrats administratifs ............................................ 51
Section 3. L’exécution des contrats administratifs ....................................................... 54
CHAPITRE IV. LA POLICE ADMINISTRATIVE ...................................................................... 57
Section 1. Les finalités de la police administrative ....................................................... 57
Section 2. Police générale et polices spéciales ............................................................. 58
CHAPITRE V. LES SERVICES PUBLICS ................................................................................ 60
Section 1. Définition du service public ......................................................................... 60
Section 2. Les principes de fonctionnement des services publics .................................. 61
Section 3. Les modes de gestion des services publics ................................................... 62
Section 4. Les contrôles internes ou contrôles non juridictionnels ............................... 67
TROISIEME PARTIE. LE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF ................................................... 69
CHAPITRE I. L’ORGANISATION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE ............................. 70
Section 1. Les différentes juridictions administratives ................................................. 70
Section 2. Les règles de répartition des compétences à l’intérieur de la juridiction
administrative ............................................................................................................... 72
CHAPITRE II. LA PROCEDURE CONTENTIEUSE ADMINISTRATIVE..................................... 74
Section 1 : L’introduction des recours ........................................................................... 74
Section 2 : Le déroulement de l’instance ...................................................................... 76
Section 3. Les mesures d’urgence ................................................................................. 78
Section 4 : La portée et l’exécution des décisions juridictionnelles ............................... 79
Section 5 : Les voies de recours..................................................................................... 79
CHAPITRE III. LES CARACTERES GENERAUX DE LA RESPONSABILITE PUBLIQUE .............. 83
Section 1 : La responsabilité pour faute ........................................................................ 83
Section 2 : La responsabilité sans faute......................................................................... 85
INTRODUCTION

I – Définition du droit administratif


La première repose sur une acception large du droit administratif et regroupe
l’ensemble des règles juridiques applicables à l’administration, qu’elles soient de
« droit public » ou de « droit privé », qu’elles soient sanctionnées par le juge
administratif ou par le juge judiciaire.

Toutefois, il est possible et usuel de s’en tenir à une définition plus stricte, ne
retenant comme objet d’étude du droit administratif que les seules règles
spécifiques applicables à l’administration et sanctionnées par le juge administratif,
dont l’autonomie tient tant à la spécificité des fins (le service public) que des
moyens (la puissance publique).

L’une et l’autre définition du droit administratif, qu’elle soit large ou étroite,


supposent, en tout état de cause, que soit défini leur objet même, c'est-à-dire
l’administration et l’activité administrative. Celle-ci se définit par soustraction. Au
sein des activités de l’Etat, elle est l’activité qui n’est ni législative, ni
gouvernementale, ni juridictionnelle.

Proche de la fonction gouvernementale, elle s’en différencie cependant en ce


que « les missions de l’administration ne sont jamais initiales mais toujours
secondes » ; elles consistent en effet à exécuter les tâches que les organes
fondamentaux de l’Etat lui confient. L’administration apparaît donc toujours
comme l’ensemble des moyens permettant d’exécuter les décisions du pouvoir
politique.

Elle s’insère dans la sphère du pouvoir exécutif, lequel diffère du pouvoir


législatif chargé de légiférer au nom du peuple et du pouvoir judiciaire, garant des
libertés individuelles, selon le principe de la séparation des pouvoirs.

En tout cas, l’administration est soumise au droit, même si elle contribue, elle-
même, à faire le droit, notamment par l’exercice de son pouvoir règlementaire.
Celui-ci est en effet une source de droit, mais il est simultanément soumis au
respect des règles supérieures.

Le principe de « légalité » énonce le principe fondamental selon lequel les actes


de l’administration doivent respecter toutes les normes qui lui sont supérieures,
qu’il s’agisse de celles émanant directement ou indirectement du peuple algérien,

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telles les normes constitutionnelles ou les lois, ou des normes résultant de traités
internationaux.

L’expression même de « principe de légalité » date d’une époque à laquelle, en


l’absence de contrôle de constitutionnalité des lois (le Conseil constitutionnel
n’existait pas encore), ces dernières apparaissaient comme la norme supérieure.
Aujourd’hui, par contre, la légalité doit s’entendre dans un sens plus large, comme
ne visant pas la loi uniquement, mais aussi les normes constitutionnelles, les normes
internationales, des principes non écrits mais dont la jurisprudence impose le
respect, de la loi ou des ordonnances dès lors qu’elles ont été ratifiées par le
Parlement. Cependant, les règles édictées par l’administration elle-même sont
également sources de la « légalité », en ce sens notamment que toutes les
décisions particulières de l’administration devront se conformer aux règles
générales qu’elle aura elle-même édictées, y compris les circulaires lorsqu’elles ont
un caractère impératif et à condition qu’elles ne soient pas elles-mêmes illégales.

II – Les sources du droit administratif


Déterminer les sources du droit, c’est rechercher les auteurs et les procédés qui
président à la formation, à la création des règles qui le composent.

On relève trois sources essentiellement : les textes, la jurisprudence et les


principes généraux du droit.

A. Les textes ou normes juridiques

Il s’agit hiérarchiquement de la Constitution, des traités, de la loi et des


règlements.

1°/ La Constitution est un texte qui régit normalement les institutions politiques et
ne concerne pas l’administration proprement dite. Cependant, certaines
dispositions visent directement des secteurs importants du droit administratif,
constituant des bases constitutionnelles du droit administratif.

Ainsi, les articles 26 et 27 de la Constitution évoquent l’administration en ces


termes : « L’administration est au service du citoyen.

L’impartialité de l’administration est garantie par la loi.

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L’administration est tenue, pour les demandes nécessitant une décision
administrative, de donner une réponse motivée dans un délai raisonnable.

L’administration agit avec le public en toute neutralité dans le respect de la


légalité et avec célérité.

Les services publics garantissent un égal accès et un traitement non


discriminatoire à tout usager.

Les services publics sont organisés sur la base du principe de continuité,


d’adaptation constante et d’une couverture équitable du territoire national ou, le
cas échéant, assurent un service minimum ».

Il en est également des notions de règlement et de pouvoir règlementaire, du


principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, du principe de
légalité, des libertés publiques, etc.

2°/ Les traités : en principe, les traités internationaux ratifiés s’imposent à


l’administration. On leur reconnaît une autorité supérieure à celle des lois.

3°/ La loi : c’est la source textuelle la plus importante et elle sert de base au contrôle
de légalité exercé par le juge sur l’action administrative. Parallèlement, on trouve
les ordonnances : elles correspondent à un empiètement matériel du pouvoir
exécutif sur le domaine législatif par l’intermédiaire d’une technique de délégation
de compétence législative.

4°/ Enfin, les règlements sont variés :

- Décret présidentiel émanant du chef de l’Etat ;

- Décret exécutif pris par le Premier ministre, après approbation du Président

de la République ;

- Arrêtés pris par les ministres ;

- Arrêtés des walis ;

- Arrêtés communaux des présidents d’APC.

Tous ces règlements administratifs sont rangés hiérarchiquement et aucune


règle inférieure ne peut contrevenir à une règle supérieure, ce qui explique

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l’importance du recours contentieux pour les particuliers qui veulent confronter les
textes les uns aux autres et veiller sur leur légalité.

A côté, ont été élaborés différents codes comme le code de wilaya, le code
communal, le code de l’urbanisme, le code de la santé …

B. La jurisprudence

Beaucoup de secteurs, en droit administratif, n’ont fait l’objet d’aucune


législation ou règlementation écrite. Le juge administratif n’a pas hésité à combler
les lacunes, soit en précisant, soit en créant les règles de droit. Il a de la sorte
élaboré l’essentiel du droit administratif, notamment toutes les règles relatives au
contentieux. Ce qui a fait dire que le droit administratif est d’origine
jurisprudentielle ou prétorienne.

En effet, le Conseil d’Etat véritable maître d’œuvre du droit administratif se


reconnaît une grande liberté dans l’élaboration du droit et des théories
fondamentales, telles que la théorie de la responsabilité administrative
(l’administration répond des dommages qu’elle cause), la théorie de la mutabilité
des contrats (l’administration peut, dans certaines conditions, modifier le contenu
des contrats).

La place des règles jurisprudentielles parmi les sources du droit administratif


est substantielle, malgré l’importance croissante des sources écrites de ce droit. Il
semble donc utile de rappeler les caractéristiques essentielles du pouvoir normatif
du juge administratif. Par rapport aux normes écrites, les règles jurisprudentielles
présentent essentiellement trois caractéristiques.

1°) Elles sont d’abord par nature même rétroactives, puisque le juge administratif
énonce la règle en même temps qu’il l’applique au litige qui lui est soumis et, le cas
échéant, en sanctionne le non-respect. Cependant, peut-être pour atténuer
quelque peu les conséquences fâcheuses que pourrait entraîner ce caractère
rétroactif, on s’en remet plutôt aux arrêts du Conseil d’Etat qui énoncent un
nouveau principe dans des espèces où les conditions ne sont pas réunies pour que
son application pratique donne lieu à sanction, le juge se réservant d’en faire des
applications concrètes plus drastiques par leurs conséquences à l’occasion
d’espèces ultérieures.

2°) Une seconde caractéristique de la règle jurisprudentielle est sa souplesse, dans


la mesure où le juge administratif n’est juridiquement pas lié par l’autorité du

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précédent. Les revirements jurisprudentiels sont donc toujours possibles, même
s’ils sont en général progressifs, le juge administratif veillant toutefois à ne pas
perturber de manière brutale l’action administrative par l’application de règles
nouvelles que l’administration n’avait pas pu prendre en compte à l’époque,
puisqu’elles ne résultaient pas encore de la jurisprudence, au moment de l’édiction
de l’acte soumis à la censure du juge.

3°) Enfin, un certain hermétisme peut résulter de la concision de motivation des


décisions de la juridiction administrative, le juge administratif (contrairement au
juge judiciaire) ne formulant pas toujours avec précision, dans les considérants de
son jugement ou de son arrêt, la règle dont il s’inspire.

Toujours est-il que la jurisprudence administrative occupe une place


exceptionnelle. C’est elle qui a élaboré et continue d’élaborer ce droit spécial
qu’est le droit administratif. L’élaboration jurisprudentielle porte d’abord sur la
théorie générale de droit administratif : les constructions juridiques les plus
importantes ont été édifiées grâce à elle, telles que les théories de la notion de
responsabilité de l’administration, des contrats administratifs, du domaine public…
C’est la jurisprudence du Conseil d’Etat qui, au premier chef, joue ce rôle, cette
juridiction étant non seulement juge administratif de premier et dernier ressort n
certaines matières, mais encore juge d’appel ou de cassation et assurant ainsi, à
l’instar de la Cour suprême à l’égard du droit privé, l’unité de jurisprudence.
Du rôle de la jurisprudence administrative résultent d’importantes
conséquences en ce qui concerne les caractères du droit administratif ; à cela
s’ajoute le fait que la jurisprudence du Conseil d’Etat est marquée d’un caractère
fortement prétorien, c’est-à-dire que le Conseil d’Etat se reconnaît une grande
liberté dans l’élaboration du droit ; sa jurisprudence administrative est sans
conteste créatrice de droit.

En deuxième lieu, cette jurisprudence est caractérisée par sa grande souplesse,


dans la mesure où le Conseil d’Etat rend des décisions empreintes d’empirisme et
de réalisme. Sa jurisprudence est nuancée, évolutive, adaptant de manière
constante le droit administratif aux exigences mouvantes de la vie administrative.
Cette souplesse et cette faculté d’adaptation de la règle jurisprudentielle
expliquent l’autonomie du droit administratif.

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Comment se manifeste cette autonomie ?

a) Le plus souvent, la règle de droit administratif est, à quelque égard, différente


de la règle de droit privé. Ainsi, les prérogatives de coercition que
l’administration peut employer à l’encontre des particuliers ; exprimées par
l’emploi de l’acte unilatéral, elle contraste avec les techniques de droit privé
dominées par le principe de l’égalité des volontés et la technique
contractuelle (principe de l’équilibre des prestations dans un contrat
synallagmatique). On peut citer, à titre d’exemples :
- le pouvoir d’imposer aux administrés des prescriptions obligatoires ;
- le pouvoir d’imposer aux particuliers à fournir des prestations
(expropriation, réquisition, taxation…) ;
- le pouvoir d’infliger, dans certaines conditions, aux administrés des
sanctions administratives.
b) Mais il arrive aussi que la règle de droit administratif ne soit pas différente
par son contenu de la règle de droit privé, parce que le législateur ou le juge
lui-même auront estimé que les exigences de la vie administrative sont, en la
matière, analogues à celles des relations de la vie privée.
Le droit administratif opère de la sorte des emprunts directs au droit privé
(Code civil ou code de commerce), par exemple en matière d’allocation
d’indemnités lorsque la responsabilité de l’administration est engagée.
Toutefois, le principe d’autonomie n’est pas remis en cause car le juge
administratif reste maître de ces emprunts.
En tout état de cause, le droit administratif est lié étroitement à deux
notions essentielles, celle de puissance publique et celle de service public.
La puissance publique découle du fait que l’administration agit par voie
d’autorité, donne des ordres.
Le service public sous-entend, quant à lui, toute activité d’une collectivité
publique visant à satisfaire un besoin d’intérêt général : la défense nationale,
la sécurité publique, le transport ferroviaire, la tenue de l’état-civil sont des
services publics. Les diverses collectivités publiques (Etat, wilayas,
communes) assurent au plan national ou au plan local des services publics :
enseignement, santé, voirie…
Finalement, il est admis aujourd’hui que ce sont les besoins du service
public, et non plus seulement les besoins des activités d’autorité, qui
expliquent et justifient les règles et théories spéciales de droit administratif.

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C. Les principes généraux du droit

On appelle principes généraux du droit un certain nombre de principes qui ne


figurent pas dans le dispositif des textes juridiques proprement dits (loi,
règlement), mais dans leur préambule ou leur exposé des motifs et que la
jurisprudence reconnaît comme devant être respectés par l’administration.

La Constitution qui détermine les règles relatives à la dévolution et à l’exercice


du pouvoir politique, dont l’étude relève essentiellement du droit constitutionnel,
comporte de nombreuses règles encadrant directement l’action de
l’administration.

Ainsi, la Constitution a consacré son titre premier à ces principes généraux. Le


Préambule de la Constitution proclame que le peuple algérien « exprime son
attachement aux Droits de l’Homme tels qu’ils sont définis dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme de 1948 et les traités internationaux ratifiés par
l’Algérie.

De plus, son article 165 dispose clairement que « la justice est fondée sur les
principes de légalité et d’égalité ».

Par exemple, le principe d’égalité des citoyens devant la loi (article 37) avec ses
corollaires : égalité devant l’impôt, devant les charges publiques (article 82) ; le
principe des droits de la défense (article 35).

Il s’agit du « bloc de constitutionnalité » qui souligne l’étendue du champ des


normes constitutionnelles et qui fait pendant au « bloc de légalité ».

Les principes généraux du droit, dont le juge administratif sanctionne la


violation par l’administration, ont pour caractéristique d’être applicables, même en
l’absence de texte, alors même qu’ils s’imposent dans tous les cas au pouvoir
réglementaire.

Par ailleurs, pour compléter les sources du droit administratif (comme toute
autre matière juridique), la doctrine, celle qui regroupe l’opinion des auteurs du
droit, des professeurs et praticiens du droit, commentateurs d’arrêts, peut jouer
également un rôle important dans l’évolution des idées.

Trois parties sont prévues pour donner un aperçu général sur le droit administratif :

VII
Première partie : L’organisation administrative

Deuxième partie : L’activité administrative

Troisième partie : Le contentieux administratif

VIII
PREMIERE PARTIE- L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE

Etudier la structure de l’administration, c’est se demander comment sont


organisés et comment fonctionnent les communes, les wilayas, les ministères.

Il convient au préalable de connaître quelques grandes notions qui servent


de base à tout système administratif, telles que la personnalité morale, la
centralisation, la décentralisation, la déconcentration.

CHAPITRE 1. LA THEORIE DE LA PERSONNALITE MORALE

Section 1 : Le concept de personne morale


La personne morale est une entité qui a des organes propres et un
patrimoine propre. L’idée de patrimonialité est liée à celle de personnalité morale.
Le concept de personne morale est utilisé en droit privé pour distinguer la personne
physique et la personne morale. La personne physique est un être en chair et en
os, considéré comme sujet de droit. Par contre, la société commerciale est une
personne morale de droit privé et, en tant que telle, elle possède des organes qui
agissent en son nom et un patrimoine ; elle est titulaire de droits et d’obligations,
donc sujet de droit.

Il y a également des personnes morales de droit public : l’Etat, la wilaya, la


commune, l’établissement public (article 49 du code civil).

Trois théories justifient la personne morale :

1°/ La théorie de la fiction légale : la loi permet, par le détour de la personne


morale, de créer artificiellement des sujets de droit ;

2°/ La théorie de la réalité de la personne morale, laquelle regroupe des individus.


Lorsque certains individus qui ont créé des groupes disparaissent, les groupes
demeurent. Il y a idée de continuité ou de permanence ;

3°/ La théorie de la réalité technique s’inspire de chacune des deux précédentes.


La personne morale n’est pas une fiction juridique seulement mais également une

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technique juridique, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences,
reconnues d’ailleurs par l’article 50 du code civil :

- L’autonomie administrative et financière : c’est l’avantage le plus important


qui résulte généralement de la reconnaissance de la personnalité morale ou
juridique à un organisme public ;
- L’autonomie patrimoniale : les biens qui échoient à l’établissement
constituent son patrimoine propre ;
- Le droit d’ester en justice.

Tout organisme doté de la personnalité juridique peut faire valoir ses droits en
justice ; il peut être demandeur ou défendeur devant les juridictions.

Section 2 : Les concepts de centralisation, décentralisation et déconcentration


L’administration est non seulement constituée par les ministères qui forment
l’ensemble de l’administration centrale, mais aussi par les administrations locales
au niveau des wilayas et des communes, ainsi que par les établissements publics.

Les relations entre ces diverses administrations, notamment entre le niveau


local et le niveau central, posent le problème de leur aménagement. A quel principe
doivent-elles obéir ? : centralisation, décentralisation, concentration ou
déconcentration ?

Toute organisation administrative repose sur l’un ou sur l’autre de ces principes,
centralisation ou décentralisation. Cependant, la formule centralisée est
susceptible d’un assouplissement par déconcentration.

A la base des rapports entre l’administration centrale et l’administration


territoriale, on rencontre donc la distinction fondamentale de la centralisation et
de la décentralisation administratives, les rapports en question pouvant être bâtis
sur l’un ou l’autre des deux systèmes.

§ 1 - La centralisation

Un système administratif est centralisé lorsqu’il tend à réunir tous les pouvoirs
aux mains d’une autorité centrale. Il y a alors un seul organe central (l’Etat) dont
les agents intégrés dans les structures hiérarchisées sont placés sous l’autorité

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directe des différents ministres qui représentent l’Etat et dont la mission consiste
à assurer l’exécution des mesures décidées par l’autorité centrale.

§ 2 - La déconcentration

C’est une notion tout à fait différente de la décentralisation. Elle se situe dans
le cadre de la centralisation elle-même.

Elle consiste, en effet, à augmenter les pouvoirs et les attributions des


représentants locaux du pouvoir central afin de décongestionner celui-ci ; elle
concerne donc des autorités elles-mêmes centralisées. Ainsi, le wali et le chef de
daïra sont les agents de la déconcentration ; ils décident aux lieu et place des
ministres à propos de certaines opérations.

Autrement dit, la déconcentration ne constitue qu’un réaménagement interne


du pouvoir décisionnel, une simple dévolution ou une délégation de compétence
au sein de l’Etat entre l’administration centrale et les administrations
déconcentrées comme les walis. Le pouvoir est confié à des fonctionnaires
recevant de l’échelon central une délégation d’autorité et de compétences leur
permettant d’assurer localement ces fonctions.

Quelle est son utilité ? Elle est double :

 d’une part, la déconcentration vise à décongestionner l’administration centrale


en conférant à des services extérieurs (au niveau des wilayas notamment) une
relative marge d’action pouvant d’ailleurs être remise en cause par la
mécanique de l’évocation (l’échelon central se réapproprie alors le domaine
en cause). La concentration engendre, au contraire, l’engorgement du pouvoir
central, entraîne la lenteur dans le règlement des affaires, des dossiers ;

 d’autre part, la déconcentration accroît utilement l’autorité des représentants


locaux et leur permet de régler les questions en tenant compte d’une optique
locale généralement utile.

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Quant aux risques d’une déconcentration excessive (danger en particulier
d’une omnipotence abusive des agents locaux), ils peuvent être corrigés par
l’emploi du pouvoir hiérarchique, notamment du pouvoir d’instruction.

Toujours est-il qu’il convient de ne pas confondre ce concept de


déconcentration avec celui de décentralisation.

§ 3 – La décentralisation

Il y a décentralisation lorsque des pouvoirs propres de décision appartiennent


à des organes normalement élus qui agissent au nom et pour le compte d’une
collectivité personnalisée, qu’il s’agisse d’une collectivité territoriale (on parle de
décentralisation géographique ou territoriale) ou d’un établissement public (on
parle de décentralisation par services ou technique)

Elle correspond à un transfert, à un abandon de compétence opéré entre l’Etat


et les collectivités locales, autrement dit à une autonomie de gestion qui réserve
en permanence un domaine propre d’intervention aux collectivités locales. Ainsi,
la commune est une collectivité décentralisée parce qu’elle est pourvue d’une APC
et d’un maire élus par les habitants de la commune et chargés de gérer les affaires
locales ; par contre, la daïra est une circonscription déconcentrée parce que la
seule autorité prévue est un agent nommé par le pouvoir central et dont les
pouvoirs sont d’ailleurs réduits.

Il est habituel de distinguer les deux formes de décentralisation : celle


territoriale et celle technique.

- La décentralisation territoriale se fait au profit des structures administratives


territoriales : la wilaya et la commune. C’est la
reconnaissance de la personnalité morale à une circonscription territoriale
avec, comme corollaire, le droit d’établir un budget autonome, d’exercer des
prérogatives de puissance publique ;

- La décentralisation technique s’effectue par le transfert d’attribution du


pouvoir de décision à des structures administratives spécialisées dans un
service déterminé, tels les établissements publics comme l’université,
l’hôpital.

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On peut dire que la décentralisation est une forme d’autonomie mais non
d’indépendance. Elle suppose donc l’existence de personnes publiques autonomes
par rapport à l’Etat ou autres structures de l’Etat.
En tout cas, il existe une identité profonde des deux types de décentralisation
qui permet de les rapprocher.
Leur objectif principal est, en général, le même à savoir réaliser une autonomie
dans l’organisation administrative.
Surtout, le parallélisme des procédés techniques est à souligner ; on retrouve
notamment dans le régime juridique de l’établissement public :

- l’existence d’un patrimoine et de la personnalité morale dont


l’établissement public est doté ;

- une spécialité relative à la gestion d’un service public :

- le contrôle de tutelle, exercé sur le fonctionnement de


l’établissement décentralisé, par les autorités de la collectivité dont
dépend l’établissement.

Quoiqu’il en soit, pour assurer une bonne organisation de l’administration,


doit-on encourager la décentralisation au détriment de la centralisation ? La
comparaison des avantages et des inconvénients inhérents à chaque système est
susceptible de nous fournir une réponse :

Pour ce qui est de la centralisation, elle renforce l’autorité de l’Etat en tant que
détenteur du pouvoir central mais cause des retards parfois préjudiciables dans le
traitement des dossiers avec parfois l’ignorance des besoins locaux.

Quant à la décentralisation, elle encourage la démocratie participative


permettant aux citoyens de la localité de mieux contrôler l’action et la
gestion des représentants locaux d’une part ; elle soulage le pouvoir
central des nombreuses tâches de gestion auxquelles celui-ci n’est pas
toujours bien préparé compte tenu des particularités régionales d’autre
part. Par contre, l'autorité centrale risque de s’émousser.

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Section 3 : La tutelle administrative
La tutelle poursuit un double but : d’une part, faire respecter la légalité par les
personnes publiques qui y sont soumises ; d’autre part, sur le plan de l’opportunité,
elle est destinée à veiller sur la bonne administration des collectivités
décentralisées.

§ 1 – Définition

Pour définir la tutelle administrative, il est important de la distinguer d’une autre


forme de contrôle administratif, à savoir le pouvoir hiérarchique.

A. Les deux formes de contrôles concernent des autorités différentes

Le contrôle hiérarchique s’établit au sein d’une administration centralisée ou


déconcentrée, entre une autorité supérieure et une autorité subordonnée. Par
exemple, entre le directeur d’un ministère et le chef de service.

Autrement dit, le contrôle hiérarchique est le contrôle exercé par le pouvoir


central sur l’activité des agents du type centralisé.

Le contrôle de tutelle s’établit essentiellement au sein d’une administration


décentralisée, entre l’autorité de tutelle et une autorité décentralisée. Par
exemple, le contrôle exercé par le ministère de l’Intérieur sur les délibérations
d’une APW.

B. Les fondements des deux contrôles

Le pouvoir hiérarchique existe implicitement dans toute administration non


décentralisée ; il est présumé et il n’est pas besoin de texte pour sa mise en œuvre.
Par contre, le pouvoir de tutelle est prévu et encadré par la loi ; il ne peut s’exercer
que dans les cas et selon les formes prévues pour elle (principe de légalité).

La portée des deux contrôles n’est pas la même. Le pouvoir hiérarchique


implique la possibilité de donner des ordres obligatoires pour l’autorité
subordonnée, tandis que le pouvoir de tutelle ne comporte pas cette conséquence
car les organes sous tutelle possèdent une autonomie organique et fonctionnelle
que l’autorité de contrôle doit respecter.

§ 2 - Les procédés de la tutelle

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La tutelle s’exerce soit sur les agents ou organes des personnes morales
administratives (une sorte de tutelle subjective), soit sur leurs décisions ou actes
(tutelle objective).

A. La tutelle sur les agents ou organes

Le contrôle dont dispose l’autorité centrale sur les organes des personnes
administratives est plus ou moins énergique selon que ces organes sont nommés
ou élus, selon qu’ils sont soumis à un pouvoir disciplinaire relevant du contrôle
hiérarchique ou du contrôle de tutelle.

La nomination est le procédé le plus efficace aux mains de l’autorité de tutelle.


Elle porte atteinte en quelque sorte au principe même de la décentralisation et elle
est plutôt compatible avec la déconcentration. En réalité, la nomination est
incompatible avec la tutelle qui est essentiellement un pouvoir de contrôle a
posteriori.

Le pouvoir disciplinaire est l’autre procédé de tutelle sur les organes. Toutefois,
ce pouvoir ne s’exerce pas dans les mêmes conditions selon que l’on se trouve en
présence d’une personne morale de type corporatif ou de type fondatif. En effet,
en présence d’autorités décentralisées qui ont davantage de garanties légales,
l’autorité centrale peut révoquer le représentant ou dissoudre l’assemblée
délibérante, mais elle ne peut les remplacer.

En revanche, s’agissant de personnes déconcentrées (établissements publics),


l’autorité centrale procédera elle-même au remplacement, en nommant les
nouveaux dirigeants. Par ailleurs, certaines sanctions prises contre les agents
déconcentrés (mutation, rétrogradation) ne peuvent l’être contre les agents élus.

B. La tutelle sur les actes

Le but de la tutelle étant de s’assurer de la légalité et de l’opportunité des


décisions des autorités décentralisées, il est atteint par le contrôle des actes qui va
de la simple approbation à l’annulation.

1°/ L’approbation préalable : certaines décisions des personnes administratives ne


sont applicables qu’après leur approbation par l’autorité de tutelle. Leur caractère
exécutoire est donc suspendu à l’accord de l’organe compétent.

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2°/ L’annulation : ce pouvoir permet à l’autorité de tutelle d’anéantir les actes
considérés comme illégaux. L’article 44 du code communal dispose que la nullité
de plein droit est prononcée par le wali à l’encontre « des délibérations des APC
qui portent sur un objet étranger à leurs attributions » ou qui sont « prises en
violation des dispositions de la Constitution et des lois ou règlements ».

Par contre, d’autres délibérations sont simplement annulables, c'est-à-dire qu’il


appartient au wali de décider si l’annulation doit être prononcée ou non.

Il en est de même des délibérations de l’APW (voir article 51 et suivants du code


de wilaya) annulées par le Ministre de l’Intérieur.

Le pouvoir de suspension consiste, lui, dans la possibilité pour l’autorité de


contrôle de différer l’entrée en application de la décision du subordonné.

3°/ Le pouvoir de substitution : il accorde à l’autorité de tutelle la possibilité de


décider au lieu et place de la personne sous tutelle, à deux conditions cependant :

- La personne décentralisée n’a pas pris les décisions conformes à ses


obligations légales et réglementaires ;
- La personne décentralisée a été, au préalable, mise en demeure d’agir et
s’est refusée à faire l’acte prescrit par la loi.

Il existe également un procédé de contrôle que l’on retrouve toujours dans le


système hiérarchique et qui est absent de la tutelle : c’est le pouvoir d’instruction.
Le supérieur hiérarchique peut, par des instructions, imposer ses directives à
l’action de son subordonné ; il reste ainsi en toute circonstance maître de
l’utilisation des compétences par le subordonné qui les exercera. En revanche, la
décentralisation impliquant une autonomie exclut tout pouvoir d’instruction du
contrôle de tutelle.

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CHAPITRE 2. PRESENTATION GENERALE DE L’ORGANISATION
ADMINISTRATIVE

Section 1 : L’administration centrale


Elle est constituée par l’ensemble des autorités qui forment le pouvoir exécutif.
Ces autorités ont, de prime abord, un rôle politique qui rattache leur étude au droit
constitutionnel mais également, un rôle administratif qui relève du droit
administratif.

La Constitution consacre plusieurs articles au pouvoir exécutif et détermine les


attributions du Président de la République qui incarne l’Etat. C’est lui qui préside le
Conseil des Ministres, mais l’application du programme présidentiel est assurée par
le Premier Ministre. Celui-ci coordonne l’activité ministérielle. Chaque ministère,
chargé d’un secteur, fonctionne selon un organigramme assez uniforme, mais
pouvant différer selon l’importance. On y retrouve un secrétariat général chargé
de l’administration, un cabinet et des conseillers auprès du Ministre, des directions,
sous-directions et bureaux ou services.

Section 2 : L’administration territoriale


Il semble utile de rappeler que la Constitution, en son article 16 alinéa 2, pose
le principe que « l’assemblée élue constitue le cadre dans lequel s’exprime la
volonté du peuple et s’exerce le contrôle de l’action des pouvoirs publics », la base
étant consacrée par l’article 17 selon lequel « les collectivités locales de l’Etat sont
la commune et la wilaya ».

La nouvelle Constitution n’a fait que reprendre les dispositions de la


Constitution de 1996 quelque peu modifiée par la suite.

L’administration territoriale est organisée pour la commune par la loi n°11-10


du 22 juin 2011 et pour la wilaya par la loi n°12-07 du 21 février 2012.

§ 1 – L’organisation communale

La commune, collectivité de base de l’Erat (article 17 alinéa 2 de la Constitution),


« correspond à l’administration du plus petit groupement d’habitants. Elle est dotée
de la personnalité morale et de l’autonomie financière. La commune a un nom, un
territoire et un chef-lieu (article 1er de la loi de 2011 précitée).

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L’article 2 de cette même loi dispose que « la commune est l’assise territoriale
de la décentralisation et le lieu d’exercice de la citoyenneté. Elle constitue le cadre
de participation des citoyens à la gestion des affaires publiques ».
La commune est, selon l’article 15 de la loi précitée, dotée de trois instances :
- une instance délibérante : l’assemblée populaire communale
- un organe exécutif : présidé par le président de l’assemblée populaire
- une administration animée par le secrétaire général de la commune

A. L’assemblée populaire communale (APC)

L’APC est une assemblée unique élue pour une période de cinq ans au suffrage
universel par les habitants de la commune inscrits. Elle se réunit en session
ordinaire, une fois tous les deux mois ; elle peut se réunir en session extraordinaire,
chaque fois que les affaires communales le commandent, à la demande de son
président, du deux tiers de ses membres ou du wali. L’assemblée délibère lorsque
la majorité des membres sont présents ; ses séances sont publiques en principe,
mais il est possible de délibérer à huit clos pour l’examen des cas disciplinaires des
élus ou de questions liées à la sécurité et au maintien de l’ordre public. C’est le
président d’APC qui assure le bon déroulement et la police des débats, comme c’est
lui qui fixe la date et l’ordre du jour des sessions de l’APC, en concertation avec
l’instance exécutive.

Les principales attributions de l’APC sont les suivantes :

- elle vote le budget ;

- elle adopte le plan communal de développement ;

- elle arrête les plans directeurs d’aménagement et d’urbanisme ;

- elle décide de la création des services publics communaux ;

- elle assure l’administration des biens communaux.

Pour son organisation interne, l’assemblée peut former en son sein des
commissions permanentes ou temporaires sur les questions intéressant la
commune, notamment en matière d’économie et de finances, d’aménagement du
territoire et d’urbanisme, d’affaires sociales et culturelles. Des personnes autres

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que les élus locaux peuvent, en raison de leur compétence, apporter aux travaux
de commission des éléments d’information utiles.

Les délibérations de l’APC sont prises à la majorité des membres de l’APC et en


cas de partage des voix, celle du président est prépondérante. Les délibérations
sont inscrites par ordre chronologique, sur un registre côté et paraphé par le
président du tribunal territorialement compétent ; elles sont signées séance
tenante par tous les élus communaux présents.

En principe, les délibérations de l’APC sont exécutoires, quinze jours après leur
dépôt à la wilaya. Mais certaines délibérations sont soumises à l’approbation
préalable de l’autorité de tutelle, en matière de budgets et de comptes et pour la
création de services et d’établissements publics communaux.

Toutefois, le wali dispose d’un délai d’un mois pour statuer, faute de quoi la
délibération est considérée comme approuvée tacitement.

L’APC peut recourir auprès de la juridiction compétente contre tout arrêté du wali
constatant la nullité ou le refus d’approbation d’une délibération.

B. L’exécutif communal

C’est un organe collégial, comprenant un président assisté d’un ou de plusieurs


adjoints (vice-présidents). Le président est élu parmi les membres de la liste ayant
obtenu la majorité des sièges, au plus tard dans les huit jours qui suivent la
proclamation des résultats, ce pour la durée du mandat de l’APC. En cas de décès
ou de démission ou d’exclusion, il est procédé à son remplacement par les
membres de la même liste majoritaire.

En raison du phénomène de dédoublement fonctionnel, le président d’APC agit


tantôt au nom de la commune, tantôt au nom de l’Etat.

- Au titre de la représentation de la commune, il est le représentant de la


commune dans tous les actes de la vie civile et administrative, il est
ordonnateur des dépenses, il passe les contrats, il représente la commune
en justice. Le président accomplit tous actes de gestion du patrimoine
communal, exerce son autorité sur le personnel communal et veille au bon
fonctionnement des services communaux. C’est lui qui prépare et exécute le
budget de la commune ; le budget communal est l’état des prévisions des

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recettes et des dépenses annuelles de la commune. Il présente les
caractéristiques suivantes :
 C’est un acte d’autorisation et d’administration qui permet le fonctionnement
des services communaux et l’exécution du programme d’équipement et
d’investissement de la commune :
 Il est établi par le secrétaire général sous l’autorité du président de l’APC ;
 Il est élaboré sous trois formes :
le budget primitif : établi avant le début de l’exercice et voté avant le 31
octobre de l’exercice précédent celui auquel il s’applique ;
le budget supplémentaire : devant être voté avant le 15 juin de l’exercice
auquel il s’applique ;
le compte administratif : établi à la fin de la période complémentaire de
l’exercice. Il est soumis par le président à l’assemblée populaire communale
pour adoption.
Quelles sont les recettes de la commune ? Les ressources de la commune
proviennent essentiellement :
- des produits de la fiscalité locale (taxe foncière, taxe sur la propriété
bâtis ou non bâtis, taxe d’habitation…),
- des domaines (revenu du patrimoine) ;
- de l’exploitation au niveau communal (par exemple, salle de fête
communale, marché communal).
L’un des objectifs de la décentralisation est d’ encourager les collectivités
territoriales à développer leurs ressources au niveau local, notamment les recettes
fiscales.

- Au titre de la représentation de l’Etat, il incombe au président d’APC,


sous l’autorité du wali, d’assurer la publication et l’exécution des lois
et règlements sur le territoire de la commune, de veiller au bon ordre,
à la sûreté, à la sécurité. Il a qualité d’officier d’état civil et d’officier
de police judiciaire. Il dispose d’un corps de police communale.

Les actes de l’exécutif, c’est-à-dire essentiellement les arrêtés pris par le


président de l’APC, sont soumis au contrôle du wali à la connaissance duquel ils
sont obligatoirement portés. Ils ne sont exécutoires qu’un mois après leur

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transmission sauf, en cas d’urgence, lorsque le wali autorise leur exécution
immédiate. Le wali est chargé d’annuler tout arrêté pris en violation d’une loi ou
d’un règlement.

Il peut, pour des raisons d’ordre public, suspendre provisoirement l’exécution


des arrêtés communaux. Enfin, lorsque le président de l’APC refuse ou néglige de
faire un des actes prescrits par les lois et règlements, le wali peut, après l’en avoir
requis, y procéder d’office à l’issue des délais fixés par la mise en demeure.

§ 2 - L’administration wilayale

Aux termes de l’article 1er de la loi n° 12-07 du 21 février 2012, « la wilaya est
une collectivité territoriale de l’Etat. Elle est dotée de la personnalité morale et de
l’autonomie financière. Elle est également-une circonscription administrative de
l’Etat…Elle est créée par la loi ». L’article 9 de cette même loi précise que « la wilaya
a un territoire, un nom et un chef-lieu ».

Elle est composée de deux organes : l’Assemblée Populaire de Wilaya et le Wali.

A. L’Assemblée Populaire de Wilaya (APW)

Elle est l’organe délibérant de la wilaya et l’expression de la décentralisation. Les


membres sont élus en suffrage universel ; l’APW élit à son tour son président,
lequel se consacre pleinement à son mandat électif et perçoit une indemnité de
fonction, tout comme les autres élus d’ailleurs. Le président choisit, dans les huit
jours de son installation ses vice-présidents parmi les membres, qu’il soumet à
l’approbation de l’APW.

L’assemblée est tenue de créer des commissions permanentes, au moins trois


chargées de l’économie et des finances, d’aménagement du territoire et
d’équipement, des affaires sociales et culturelles.

Les séances sont, en principe, publiques sauf pour les cas disciplinaires des élus
et les questions liées à la sécurité et au maintien de l’ordre (huis clos). Le Wali
assiste aux réunions et peut se faire entendre quand il le souhaite.

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Les délibérations sont prises à la majorité des membres de l’APW en exercice ;
en cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.

Le code de wilaya dispose que l’APW règle par délibération les affaires relevant
de ses compétences. Une formule aussi générale fait de l’assemblée l’organe
essentiel qui délibère et statue sur tout ce qui touche aux intérêts de la wilaya. Elle
donne les avis requis par la législation et peut émettre des propositions ou formuler
des observations qui sont transmises au Ministre compétent (du secteur concerné)
par le Wali qui y joint son avis, dans un délai maximum d’un mois. En outre, l’APW
peut saisir directement le Ministre de l’Intérieur par l’intermédiaire de son
président de toute question relative au fonctionnement des services déconcentrés
de l’Etat.

Les compétences de l’APW portent généralement sur les actions de


développement économique, social et culturel, d’aménagement du
territoire de la wilaya, de protection de l’environnement et de promotion
des vacations spécifiques. A cet effet, l’APW adopte un plan qui retrace
les programmes, moyens et objectifs, déterminés de manière
contractuelle entre l’Etat et les collectivités locales pour assurer le
développement économique, social et culturel de la wilaya.

Quoi qu’il en soit, l’APW peut constituer, à tout moment, une commission
d’enquête sur les questions liées à la gestion et au développement de la wilaya.

L’APW délibère sur les points relevant de ses compétences et sur toute affaire
présentant un intérêt pour la wilaya et dont elle est saisie, sur proposition du tiers
de ses membres, par son président ou par le wali.

Enfin, dans le cadre de la complémentarité et de l’harmonie des actions à


entreprendre par les collectivités territoriales, la wilaya prête assistance aux
communes.

Les délibérations de l’assemblée, prises à la majorité simple des membres,


sont soumises à un contrôle de légalité, en vertu des règles relatives à l’annulation
et à l’approbation. Le contrôle de la légalité des actes de l’APW peut prendre deux
formes :

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- Il se manifeste tout d’abord par le pouvoir reconnu aux autorités de tutelle
de constater la nullité des délibérations excédant la compétence de
l’assemblée et de prononcer l’annulation de celles auxquelles ont pris part
des membres de l’assemblée intéressés à l’affaire qui en fait l’objet. Ce
pouvoir appartient au Ministre de l’Intérieur saisi par le Wali dans les quinze
jours qui suivent la clôture de la session de l’APW au cours de laquelle la
délibération a été prise. L’annulation peut également être demandée par
tout électeur dans un délai de quinze jours après son affichage (article 53).
- Le Ministre de l’Intérieur doit statuer dans un délai d’un mois ; à défaut, la
délibération devient exécutoire.

En tout état de cause, toute décision du Ministre de l’Intérieur prononçant


l’annulation ou le refus d’approbation d’une délibération est susceptible d’un
recours devant le Conseil d’Etat par le président de l’APW au nom de la wilaya.

Les délibérations de l’APW sont exécutées par le Wali.

B. Les pouvoirs du Wali

Ils se concrétisent à un double titre :

- Au titre de l’exécutif de l’APW, d’abord : le Wali représente la wilaya dans


tous les actes de la vie civile et administrative, conformément à la législation
en vigueur ; il représente la wilaya en justice et élabore, au plan technique,
le projet de budget qu’il exécute, après adoption par l’APW, en étant
l’ordonnateur. Il veille à la mise en place et au bon fonctionnement des
services et établissements publics de la wilaya ; il assure le contrôle de leurs
activités.

Le Wali présente à l’APW une communication annuelle sur les activités de la


wilaya, suivie d’un débat.

- Au titre de la représentation de l’Etat, ensuite : représentant de l’Etat, il est


le délégué du gouvernement et les instructions qu’il reçoit de chacun des
ministres. Le Wali anime, coordonne et contrôle l’activité des services de
l’Etat chargés des différents secteurs d’activités dans la wilaya.

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C’est lui qui est responsable du maintien de l’ordre, de la sécurité publique et
a un pouvoir de réquisition des personnes et des biens, dans le cadre des plans
d’organisation et d’intervention des secours dans la wilaya, notamment.

Pour fonctionner, la wilaya dispose d’une administration placée sous l’autorité


hiérarchique du Wali, chargé d’en assurer la coordination générale. A cet effet, la
wilaya dispose de services publics, en vue de satisfaire les besoins collectifs de ses
citoyens. Ces services publics sont créés sur délibération de l’APW ; ils prennent la
forme soit de régies soit d’établissements publics de wilaya (voir infra).

Dans le cas d’une régie, ses recettes et ses dépenses sont portées au budget de
la wilaya, selon les règles de la comptabilité publique, sauf si l’APW décide de faire
bénéficier la régie d’un budget autonome, à condition d’en garantir l’équilibre
financier.

Quant à l’établissement public de wilaya, il prend la forme d’établissement


public à caractère administratif (EPA) ou d’établissement public à caractère
industriel et commercial (EPIC), selon l’objet poursuivi.

Quoi qu’il en soit, le wali prend des arrêtés à l’effet de mettre en œuvre les
délibérations de l’APW er d’exercer ses pouvoirs.

Quel est le budget de la wilaya ?

Le budget de la wilaya est l’état des prévisions des recettes et des dépenses
annuelles de la wilaya. C’est une acte d’autorisation et d’administration permettant
le fonctionnement des services de la wilaya et l’exécution de son programme
d’équipement et d’investissement.

Les ressources budgétaires sont constituées essentiellement par les dotations,


les produits de la fiscalité, les subventions, le revenu de son patrimoine et du
domaine de la wilaya, les prestations des services relevant de la wilaya…

Section 3 : Les organes consultatifs


Dans l’administration, la préparation et l’exécution des décisions sont
souvent le fait de plusieurs personnes ou organismes. La plupart des affaires
concernent plusieurs services et il est donc souhaitable que la phase préparatoire
les associe pour faciliter les solutions comme il est souhaitable également d’éviter
un fonctionnement technocratique et autoritaire qui consiste à confier aux seuls

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experts le soin de régler les problèmes. L’administration moderne développe par
conséquent la technique consultative.

De nombreux organes consultatifs ont été créés, dont la consultation est


tantôt obligatoire pour l’administration, tantôt facultative. Dans l’un et l’autre cas,
cependant, l’administration doit veiller à ce que la consultation soit régulièrement
opérée, ce qui implique notamment que les personnes qui ont un intérêt personnel
à l’affaire ne participent pas aux délibérations de l’organe collégial. En outre, la
consultation doit effectivement précéder la décision et ne pas apparaître comme
un faux – semblant.

La procédure de consultation peut être plus ou moins contraignante pour


l’administration. Plusieurs cas doivent être distingués :

- Si la consultation est purement facultative, la liberté de décision de l’autorité


administrative reste entière et celle–ci conserve la faculté d’apporter à son
projet toutes les modifications qui lui paraissent utiles, sans avoir l’obligation
de saisir à nouveau l’organisme consulté ;
- En cas de consultation obligatoire, la décision finalement adoptée par
l’administration ne peut être que soit la décision soumise à consultation, soit
la décision proposée ou modifiée par l’organe consultatif.

Si l’administration entend adopter une toute autre solution, elle doit


préalablement la soumettre à l’organe consultatif ;

- Lorsque, par exception, la décision ne peut être prise que sur « avis
conforme » de tel ou tel organisme, l’autorité ne peut que suivre l’avis de
l’organe consulté ou renoncer purement et simplement à la décision ;
- Enfin, lorsqu’une décision ne peut être prise que « sur la proposition » de
telle ou telle entité, l’administration ne peut agir si elle n’a pas été saisie
d’une proposition. Elle ne peut que se conformer à cette proposition, ou en
demander une nouvelle, ou encore s’abstenir de toute décision.

Exemple d’organe consultatif : le Conseil National Economique Social et


Environnemental (C.N.E.S.E).

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Ce conseil créé par l’ordonnance du 06 novembre 1968 est l’organisme
consultatif le plus important. Il a subi une modification et est devenu le Conseil
national économique, social et environnemental dont la composition et le
fonctionnement ont été fixés par le Décret présidentiel n°21-37 du 06 janvier 2021 ;
cet organe est chargé d’assurer la permanence du dialogue et de la concertation
entre partenaires économiques et sociaux, d’évaluer et d’étudier les questions
d’intérêt national portant sur le développement économique et culturel, d’initier
des propositions et des recommandations et de donner des avis sur des questions
d’intérêt économique, social et culturel ».

En examinant la composition du C.N.E.S.E, il ressort que les membres sont


choisis au sein des organes politiques, de l’administration économique et
financière, parmi les opérateurs et les personnalités compétentes en matière
économique et sociale. Les membres sont désignés et non pas élus. Le C.N.E.S.E est
structuré en commissions spécialisées dans différents secteurs ; il est présidé par
une personnalité désignée par le chef de l’Etat (décret présidentiel). Le C.N.E.S.E se
réunit au moins deux fois par an et les séances ne sont pas publiques.

L’article 2 de l’ordonnance instituant le conseil précise qu’il s’agit d’un


organisme à caractère consultatif ayant pour objet de faire participer certains
organes à l’élaboration et à l’exécution de la politique économique et sociale du
gouvernement. Cette participation peut se réaliser selon plusieurs procédés.

- En premier lieu, par le procédé de l’avis. En tant qu’organisme consultatif, le


C.N.E.S.E est à la disposition du gouvernement qui peut solliciter un avis sur
toute question de nature économique ou sociale. Le gouvernement n’est pas
obligé de demander cet avis qui est purement facultatif. Le C.N.E.S.E peut,
aussi de sa propre initiative, porter à la connaissance du gouvernement,
toute remarque considérée comme utile ou opportune ;

-En second lieu, le C.N.E.S.E établit des rapports sur la situation économique
susceptibles d’éclairer le gouvernement, en particulier le rapport annuel sur la
conjoncture économique et les perspectives.

On peut citer également le Conseil de la concurrence créé par Ordonnance n°


03-03 du 19 juillet 2003 relative à la concurrence, modifiée et complétée par la loi
n° 08-12 du 25 juin 2008 et la loi n°10-05 du 15 août 2010, lequel organisme se voit

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confier la mission de donner son avis sur toute question concernant la concurrence,
sur demande du Gouvernement et de formuler toute proposition sur les aspects de
la concurrence, sans occulter son rôle de juridiction pour régler les litiges portant
sur la concurrence.

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DEUXIEME PARTIE. L’ACTION ADMINISTRATIVE

Fonction administrative et acte administratif.

La fonction administrative est considérée traditionnellement comme l’une


des trois fonctions de l’Etat, les deux autres étant la fonction législative er la
fonction juridictionnelle. Ces fonctions sont définies d’après la nature juridique des
actes accomplis pour les réaliser, c’est-à-dire respect des actes législatifs,
administratifs et juridictionnels. La définition de l’acte administratif commande
donc celle de la fonction administrative.

L’action administrative se manifeste, tout d’abord, par cet ensemble de moyens


juridiques que constituent les actes administratifs unilatéraux appelés encore
décisions exécutoires (chapitre I). Toutefois, l’exercice de la fonction administrative
par le biais des actes administratifs est dominé par le principe sacro-saint de la
légalité ; ce principe signifie que les autorités administratives sont tenues, à travers
les décisions qu’elles prennent, de se conformer à légalité, c’est-à-dire à un
ensemble de règles de droit dont beaucoup, mais pas toutes, sont contenues dans
des lois formelles (chapitre II). Par ailleurs, cette même action administrative est
également concrétisée par les contrats passés par l’administration dont il faut se
demander s’ils sont identiques aux contrats de droit privé (chapitre III). Cette action
trouve un autre prolongement dans les activités de police administrative (chapitre
IV) et, enfin, dans les activités des services publics (chapitre V).

CHAPITRE I. LES ACTES ADMINISTRATIFS UNILATERAUX

L’une des caractéristiques du droit administratif est de faire une place très
importante aux actes unilatéraux. Il convient de retenir que seuls les actes
administratifs unilatéraux peuvent être vraiment considérés comme « émanant de
l’administration », puisque les contrats conclus par l’administration avec les
particuliers comportent le concours de deux volontés dont une seule est celle de
l’administration. C’est pourquoi il est assez habituel de limiter la notion d’acte
administratif, au moins au sens strict, uniquement aux actes unilatéraux. Ce point
de vue trouve un renfort dans la règle de l’irrecevabilité du recours pour excès de

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pouvoir contre les actes contractuels de l’administration ; cette irrecevabilité est
précisément justifiée par le fait que le recours pour excès de pouvoir n’est
recevable, aux termes de la loi que « contre les actes des autorités administratives »
(il est sous-entendu que ces actes sont unilatéraux).

Alors qu’en droit privé, le contrat est la règle, l’acte unilatéral l’exception
(comme la donation, le testament), en droit public à l’inverse, l’acte unilatéral est
prééminent. Il comporte pour sa réalisation l’intervention d’une seule volonté :
c’est l’acte par lequel l’administration ordonne ou interdit de faire ou d’agir. Au
contraire, l’acte contractuel comporte pour sa réalisation au moins deux volontés :
c’est l’acte par lequel une personne s’accorde avec une autre (échange des
consentements).

Exemple d’acte administratif unilatéral : le règlement communal interdisant le


stationnement dans une rue. Un tel règlement a été édicté par l’autorité
communale seule, sans jamais en avoir débattu avec les usagers, c'est-à-dire les
automobilistes.

Exemple d’acte contractuel : l’achat d’un véhicule par l’administration. Ici, deux
volontés sont en présence : celle de l’administration et celle du vendeur de
voitures.

Cependant, il peut exister des actes mixtes qui s’apparentent à la fois aux actes
unilatéraux et aux contrats (par exemple, la concession).

Essayons de préciser et de définir la notion d’acte unilatéral dans un premier


temps avant d’établir son régime juridique, c'est-à-dire les règles qui lui sont
applicables.

Section 1. La notion d’acte administratif unilatéral


§ 1 – Définition

On est en présence d’un acte administratif unilatéral lorsque trois conditions


sont réunies :

- L’acte doit émaner d’une autorité administrative,


- Il doit être un acte juridique,
- Il doit avoir valeur de décision exécutoire.

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A. Première condition : l’acte administratif émane d’une autorité administrative

Il convient de rappeler que les autorités administratives ne sont pas les seules
autorités publiques. Chacun des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire se
manifeste par des actes juridiques de nature différente qu’il est nécessaire de
distinguer.

1°/ L’acte administratif est distinct de l’acte législatif : pour opérer cette distinction,
on peut se placer à deux points de vue, organique et matériel.

- Du point de vue organique, on tient compte de l’auteur de l’acte et l’on dit


alors que l’acte législatif ou loi est l’acte émanant du parlement, l’acte
administratif ou règlement est l’acte émanant de l’autorité exécutive ou du
gouvernement ;
- Du point de vue matériel, on tient compte du contenu et de l’objet de l’acte.
On dit alors qu’un acte est législatif ou administratif selon qu’il porte sur des
matières réservées au pouvoir législatif ou au pouvoir exécutif. Cette
répartition selon le contenu dépend de l’importance accordée à chaque
matière : celle d’importance reconnue relève de la loi, celle de moindre
importance relève du règlement.

Cette distinction entraîne deux conséquences essentielles :

- L’acte administratif ou règlement est susceptible d’un recours pour excès de


pouvoir, l’acte législatif ou loi non ;
- L’acte administratif est susceptible d’engager la responsabilité de
l’administration, pas l’acte législatif. Ainsi, une personne peut réclamer une
indemnité si un règlement porte atteinte à ses droits et lui cause un
préjudice.

2°/ L’acte administratif est distinct de l’acte juridictionnel : l’acte juridictionnel est
un acte fait par le juge (judiciaire ou administratif).

L’activité administrative a pour but l’exécution de la loi, l’élaboration et


l’exécution des règlements, tandis que l’activité juridictionnelle a pour finalité de
résoudre une situation contentieuse, c’est à dire un litige né de l’application de la
loi ou du règlement ; elle se manifeste sous la forme de jugements ou arrêtés qui
constituent des actes juridictionnels.

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Cela entraîne comme conséquence que l’acte juridictionnel est soumis aux
recours juridictionnels classiques que constituent l’appel et le recours en cassation,
alors que l’acte administratif est soumis à des recours contentieux qui lui sont
propres : le recours pour excès de pouvoir et le recours de pleine juridiction.

En outre, l’acte juridictionnel n’entraîne, en principe, aucune responsabilité de


la part du juge, alors que l’acte administratif engage la responsabilité de ses
auteurs.

3°/ L’acte administratif est distinct de l’acte privé : en principe, la distinction entre
les deux est facile à établir puisqu’elle repose sur la différenciation des organes
administratifs et des organismes privés. L’organe administratif est régi par le droit
public et dispose des prérogatives de puissance publique dont l’une d’elles
consiste, précisément, dans le pouvoir d’édicter des actes administratifs.
L’organisme privé relève du droit privé et ne dispose pas de telles prérogatives ; il
est soumis aux règles du droit civil (ou droit commun).

Toutefois, cette différence entre les deux secteurs public et privé n’est pas
absolue. Dans certains cas, on assiste à une interpénétration respective du droit
public et du droit privé, ce qui a donné naissance à des organismes mixtes, soumis
partiellement à l’une et à l’autre branches du droit : par exemple, les EPIC. Il en
résulte que ces organismes peuvent, dans certaines conditions, bénéficier de
prérogatives de puissance publique ou être reconnus d’utilité publique.

B. L’acte administratif unilatéral est un acte juridique

On distingue généralement l’acte juridique de l’acte matériel. Un acte juridique


est un acte qui a des effets de droit, lesquels peuvent consister soit dans la création
d’une règle à portée générale, soit dans la création d’une situation juridique
individuelle. L’acte juridique crée toujours des droits ou des obligations, modifie
l’ordre juridique existant.

Par exemple, un décret nomme un haut fonctionnaire à un poste déterminé.


C’est un acte juridique qui crée des droits et des obligations au profit et à la charge
de l’intéressé ; parmi les droits ainsi acquis, citons le droit au traitement, le droit
de donner des ordres ou des instructions à ses subordonnés et parmi les devoirs,
celui de remplir correctement ses fonctions, d’obéir à ses supérieurs hiérarchiques.

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L’acte matériel, lui, est sans effets de droit ; c’est une opération matérielle
d’exécution dont l’objet est de viser un résultat de fait et d’assurer concrètement
l’observation d’une règle de droit. Par exemple, lorsqu’un Wali prend un arrêté
d’interdiction d’une marche ou d’une manifestation, il s’agit là d’un acte juridique
administratif d’interdiction. Mais lorsque les forces de police empêchent ladite
manifestation, il y a là acte matériel.

Il s’ensuit des conséquences : l’acte juridique est susceptible d’annulation


lorsqu’il est illégal ; il peut être attaqué devant le Conseil d’Etat par la voie du
recours en excès de pouvoir. Par contre, l’annulation d’un acte matériel est
inconcevable, car il est déjà accompli, avant toute saisine juridictionnelle.

Toutefois, l’acte matériel peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction et,
si le juge estime l’action administrative illégale, il condamnera l’administration à
indemniser le demandeur pour le préjudice à lui causé.

C. L’acte administratif unilatéral est une décision exécutoire

a) L’administration dispose d’une prérogative fondamentale, celle de prendre


des décisions exécutoires par elles-mêmes. L’acte administratif bénéficie, avant
toute vérification par le juge, d’une présomption de conformité au droit qui
entraîne d’importantes conséquences liées au « privilège du préalable ».

b) L’administration a le privilège de faire exécuter ses décisions immédiatement.


Dès que l’acte administratif est intervenu, il produit ses effets à l’égard des
personnes visées. Exemple : l’acte de nomination ou de révocation d’un
fonctionnaire prend effet le jour même de la décision.

c) L’administration n’a pas besoin de se faire délivrer un titre exécutoire par le


juge pour assurer l’application des actes administratifs ; elle se le délivre elle-
même. Les particuliers doivent s’incliner et ils peuvent seulement déférer les
décisions devant le juge administratif s’ils les estiment contraires à la loi.

En revanche, les particuliers qui résistent peuvent encourir des sanctions


pénales et administratives.

Le caractère exécutoire de l’acte administratif est le symbole de la puissance


publique, illustrant la notion de prérogative exorbitante du droit commun.

P a g e | 32
L’activité administrative se manifeste généralement sous la forme de décrets et
arrêtés portés à la connaissance du public par la publication au Journal officiel ou
la notification. Elle se réalise également sous la forme de circulaires et instructions
de service adressées par les ministres à leurs subordonnés pour leur faire connaître
la manière d’appliquer ou d’interpréter les lois et règlements.

Ne faisant l’objet d’aucune publication, elles sont considérées comme des actes
purement internes à l’administration, destinées aux seuls agents de service et sans
effet à l’égard des administrés, sauf lorsque ces circulaires modifient une situation
juridique. Dans ce cas, elles sont susceptibles d’un recours pour excès de pouvoir.

§ 2 – Les différentes catégories d’actes administratifs unilatéraux

Une classification peut être établie, selon trois critères :

- organique,
- formel,
- de finalité.
A. Classification basée sur le critère organique (auteur de l’acte)

Les autorités administratives étant organisées hiérarchiquement, à chacune


correspond une décision déterminée.

- Les décrets présidentiels sont les décisions prises par le chef de l’Etat,
Président de la République ;
- Les décrets exécutifs, celles du Premier Ministre, après approbation par le
Président de la République ;
- Les arrêtés ministériels sont les décisions prises par les ministres.

Lorsqu’un arrêté est pris conjointement par deux ou plusieurs ministres, il


est appelé arrêté interministériel.

- Les arrêtés de wilaya sont pris par le Wali ;


- Au bas de l’échelle, les arrêtés communaux sont pris par le président d’APC.

B. Classification basée sur le critère formel (forme de l’acte)

Une même autorité peut prendre des décisions selon des formes et procédures
variées. Ainsi, les actes du chef de l’Etat peuvent se présenter :

P a g e | 33
- Sous forme d’ordonnances, lorsque le Président de la République dispose
d’une délégation du pouvoir législatif, en vertu des articles 122 et 124 de la
Constitution,
- Sous forme de décrets présidentiels, notamment pour les nominations aux
postes supérieurs, ratification des traités et conventions internationales…

Alors que le Premier Ministre signe les décrets exécutifs, après approbation du
Président de la République.

Seules les ordonnances ont valeur législative, car elles se transforment en lois,
après adoption par le Parlement.

C. Classification selon le critère de finalité (portée de l’acte)

On rencontre ici la distinction entre les actes administratifs réglementaires et


les actes administratifs individuels ou encore entre les décisions générales et les
décisions individuelles.

Exemple : la nomination d’un fonctionnaire est un acte individuel. L’arrêté du Wali


réglementant la circulation dans son ressort est une décision générale concernant
tous les automobilistes.

Section 2. Le régime juridique des actes administratifs unilatéraux

Le régime juridique de ces actes est l’ensemble des règles qui gouvernent leur
élaboration, leur exécution et leur disparition, dans le respect du principe de
légalité.

§ 1 - L’élaboration des actes administratifs unilatéraux

En élaborant de tels actes, l’administration doit respecter trois règles


essentielles qui constituent le fondement même de la légalité :

- la règle de la hiérarchie des actes administratifs,


- la règle de compétence,
- la règle de procédure.
A. La hiérarchie des actes administratifs

Elle est liée à la hiérarchie des normes ou des actes juridiques ; ainsi, c’est de la
Constitution et de la loi que découlent tous les actes administratifs, notamment le

P a g e | 34
décret qui doit leur être conforme. Les arrêtés doivent respecter les lois et les
décrets pour ne pas être entachés d’illégalité ; enfin, les circulaires et les
instructions doivent se conformer aux lois, aux règlements tels que les décrets et
arrêtés.

La hiérarchie des actes correspond à la hiérarchie des organes de


l’administration et chaque organe tire sa compétence de la loi qui détermine les
règles à respecter.

B. La règle de compétence

Chaque autorité possède la compétence pour décider à propos d’une matière


donnée ou dans un secteur géographique donné ; si elle sort des limites fixées,

l’acte serait entaché du vice d’incompétence et serait annulé si le juge en est saisi.

L’autorité titulaire d’une compétence doit agir personnellement, sous réserve


des cas de suppléance ou de délégation de compétence.

La suppléance apparaît quand la loi prévoit que, lorsqu’un agent administratif


déterminé est absent ou empêché, il sera remplacé, suppléé dans l’exercice de ses
fonctions par un autre agent. La suppléance joue à deux conditions :

- Qu’elle ait été prévue par un texte,


- Que l’autorité compétente soit dans l’impossibilité d’agir elle-même pour
une raison quelconque.

Quant à la délégation, elle permet à une autorité de confier, si elle l’estime utile,
à un agent déterminé une ou plusieurs de ses attributions.

La délégation a pour objet, de la part d’une autorité administrative, de charger


une autre autorité, qui lui est hiérarchiquement subordonnée, d’agir en son nom,
dans certains cas déterminés. Si deux modes de délégation doivent être distingués
(délégation de pouvoir et délégation de signature), certaines règles communes
s’appliquent tant à l’une qu’à l’autre.

a/ Règles communes

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Compte tenu de l’importance d’un strict respect des règles de compétence
mais aussi de la nécessité pratique d’aménagement pour permettre à
l’administration de faire face effectivement à l’ensemble des situations auxquelles
elle est confrontée, la jurisprudence a dû aménager un régime de délégation
permettant de concilier ces deux exigences.

- Une délégation de compétence doit être autorisée par un texte, qui peut être
une loi mais aussi un simple décret (pour autoriser par exemple les
délégations données par les ministres ou les walis à leurs collaborateurs
respectifs).
- La décision de délégation doit préciser son étendue, celle-ci ne pouvant
aboutir à un transfert pur et simple des compétences de l’autorité supérieure
à l’autorité inférieure. Elle doit désigner le titulaire de la délégation (le
délégataire).

Il en résulte qu’une délégation ne peut jamais être implicite mais doit résulter
d’une décision expresse.

b/ Délégation de pouvoir et délégation de signature

La délégation de pouvoir a des effets plus importants que ceux d’une


délégation de signature, dans la mesure où l’autorité délégante se dessaisit elle-
même et devient donc incompétente pour décider dans les matières qu’elle a
déléguées (sauf à révoquer préalablement la délégation qu’elle avait donnée).

La délégation de pouvoir vise non pas une personne nommément désignée,


mais le titulaire d’une fonction ; elle demeure donc valable même si le délégant ou
le délégataire ne sont plus les mêmes personnes physiques. Le délégataire ne peut
pas procéder à une subdélégation de pouvoir mais peut, en revanche, déléguer sa
signature.

La délégation de signature ne dessaisit pas, quant à elle, le délégant, qui peut


toujours prendre lui-même des décisions dans les domaines pour lesquels il a
simplement délégué sa signature à un collaborateur. Elle n’est en effet qu’une
mesure d’organisation interne du service, qui ne modifie en rien la répartition des
compétences. Elle est accordée à une personne nommément désignée et cesse si
cette personne quitte ses fonctions, aussi bien que si le délégant lui-même perd les

P a g e | 36
fonctions au titre desquelles il avait accordé cette délégation de signature. Le
délégataire ne faisant qu’agir en lieu et place du délégant, il ne pourra procéder à
aucune subdélégation.

c/ La règle de la procédure administrative non contentieuse

Même lorsqu’elle dispose d’un pouvoir de décision unilatérale, l’administration


s’efforce de plus en plus de tenir compte des avis de ceux que cette décision
concerne, sans doute parce qu’une décision concertée peut être mieux adaptée et
emporter davantage d’adhésion qu’une décision qui serait perçue comme
« aveugle » en quelque sorte et dont les administrés ne comprendraient pas le
sens.

C’est pourquoi l’administration est parfois astreinte au respect d’un certain


nombre de règles, qu’il s’agisse de respecter le parallélisme des formes, ou le
caractère contradictoire de la procédure ou encore de suivre des procédures
consultatives avant la prise de décision.

 La règle du parallélisme des formes

Cette règle concerne l’acte administratif qui intervient en vue de supprimer ou


de modifier un acte antérieur. Cet acte contraire doit émaner de la même

autorité et être de même nature que l’acte initial : c’est ce qu’on appelle le
parallélisme des formes dont le respect s’impose à l’administration.

 Les procédures contradictoires

Un des premiers principes généraux du droit consacré par la Constitution et par


la jurisprudence a été celui du respect des droits de la défense. Il implique que
toute mesure ayant le caractère d’une sanction soit précédée d’une procédure
permettant à l’intéressé de discuter les griefs formulés contre lui.

 Les procédures consultatives

De nombreux organes consultatifs ont été créés dont la consultation est tantôt
obligatoire pour l’administration, tantôt facultative.

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- En cas de consultation obligatoire, la décision finalement adoptée par
l’administration ne peut être que soit la décision soumise à consultation, soit
la décision proposée ou modifiée par l’organe consultatif. Si l’administration
entend adopter une toute autre solution, elle doit préalablement la
soumettre à l’organe consultatif.
- Si la consultation est purement facultative, la liberté de décision de l’autorité
administrative reste entière et celle-ci conserve la faculté d’apporter à son
projet toutes les modifications qui lui paraissent utiles, sans avoir l’obligation
de saisir à nouveau l’organisme consulté.

Lorsque, par exception, la décision ne peut être prise que sur « avis conforme »
de tel ou tel organisme, l’autorité ne peut que suivre l’avis de l’organe consulté ou
renoncer purement et simplement à la décision.

§ 2 – L’exécution des actes administratifs unilatéraux

A partir de leur entrée en vigueur (A), les actes administratifs ont « force
obligatoire » en ce sens qu’ils s’imposent unilatéralement sans que le recours au
juge ait en principe un effet suspensif. Les actes administratifs entraînent en
général des charges ou obligations pour les administrés, lesquels ne s’y plient pas
toujours de bon gré. Pour les y contraindre, l’administration dispose de moyens
dans lesquels apparaissent des privilèges exorbitants , ce qui ne signifie nullement
que, hors certaines situations précisément définies, l’administration puisse
recourir de façon générale à l’exécution forcée de ses actes (B). Enfin, il est possible
que l’administration inflige des sanctions, dans certains cas, ce qui évite
l’intervention d’un juge (C).

A. L’entrée en vigueur des actes administratifs

L’acte administratif ne sera opposable aux administrés qu’à compter de son


entrée en vigueur, c’est-à-dire après l’accomplissement de certaines formalités de
publicité, différentes selon qu’il s’agit de règlement ou de décisions individuelles.

Cette entrée en vigueur ne saurait être rétroactive, sauf exceptions prévues par
la loi.

La publication des actes réglementaires, nécessaire à leur entrée en vigueur,


peut prendre des fromes diverses :

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- Publication au Journal officiel pour les décrets et arrêtés,
- Publication dans les bulletins officiels de divers ministères,
- Publication dans des « recueils des actes administratifs » pour les mesures
réglementaires de diverses autorités locales décentralisées,
- Affichage à la wilaya et à la commune.

S’agissant non plus d’un acte règlementaire mais d’une décision individuelle, la
publicité prend la forme de notification individuelle à l’intéressé, laquelle s’effectue
généralement par simple lettre.

Si l’administration peut retarder l’entrée en vigueur d’un acte, en précisant


expressément que son application prendra effet à une date postérieure à la
notification ou à la publication de l’acte, elle ne peut, en revanche, prévoir que
l’acte commencera à prendre effet à une date antérieure à son adoption. C’est le
principe de la non rétroactivité des actes administratifs, inspiré de l’article 2 du
code civil aux termes duquel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point
d’effet rétroactif ».

Ce principe suppose toutefois des dérogations lorsque la loi elle-même a autorisé


l’administration à prendre des mesures rétroactives. Ainsi, la rétroactivité d’un acte
administratif sera exceptionnellement admise lorsqu’elle est liée à la nature même
de l’acte (décision d’approbation d’un acte d’une autorité décentralisée).

B. Les privilèges de l’administration


Pour l’exécution de leurs décisions, les autorités administratives disposent de
deux privilèges, le privilège du préalable et le privilège de l’exécution d’office. Afin
de bien les comprendre, il convient de les opposer aux procédés dont disposent les
particuliers, en droit privé, pour faire valoir leurs droits.
Lorsqu’un particulier se prétend titulaire d’un droit vis-à-vis d’un autre
particulier, qui lui conteste ce droit et s’oppose à sa réalisation, le premier est
obligé de s’adresser à un juge à un juge afin d’obtenir la constatation
juridictionnelle de son droit et le titre exécutoire (jugement) qui lui permettra de
provoquer l’intervention de la contrainte publique. Ce sont précisément ces
principes qui se trouvent écartés en droit administratif par les deux privilèges.
a) Le privilège du préalable :

Cette expression signifie que les décisions administratives s’appliquent


immédiatement, elles sont exécutoires sans que le recours susceptible d’être

P a g e | 39
exercé contre elles ait, sauf exception, un caractère suspensif. En d’autres termes,
l’administration se trouve dispensée, pour réaliser ses droits, de s’adresser au
préalable à un juge (d’où l’expression « privilège du préalable »). Si l’administré
vient à contester les prétentions de l’administration, c’est à lui qu’il appartient de
saisir le juge administratif.

Il est vrai que, dans la pratique, l’usage extrêmement modéré que fait le juge
administratif de son pouvoir de prononcer le sursis à exécution des décisions
administratives et la rigueur des conditions à remplir pour l’obtenir, peuvent faire
percevoir ce caractère non suspensif du recours comme la marque d’un vrai
« privilège » reconnu à l’administration.

En tout cas, le privilège du préalable entraîne celui de l’exécution administrative.


Toutefois, ce privilège connaît certaines limites ; l’administration ne peut pas
toujours prendre des décisions exécutoires. Le principe est en effet que la décision
n’est exécutoire que lorsque la loi le prévoit. D’ailleurs, la loi prévoit la possibilité
de prendre de telles décisions, en matière de police, de réquisitions…

b) Le privilège de l’exécution d’office administrative (ou action d’office) :

Il consiste dans la faculté qu’a l’administration, lorsqu’elle a pris une décision


exécutoire, d’en réaliser directement elle-même l’exécution par la contrainte, en
mettant en mouvement la force publique contre le particulier récalcitrant.

C’est seulement dans trois cas que l’administration peut recourir à l’exécution
d’office :

 Autorisation de la loi : par exemple la mise en fourrière des véhicules autorisée


par le code de la route, ou encore les mesures d’expulsion et de reconduite à
la frontière d’étrangers en situation irrégulière.

 Inexistence d’autre voie de droit, par exemple l’inexistence de sanctions


pénales. En effet, lorsque le refus par l'administré de se plier à la décision
administrative peut faire l’objet d’une sanction pénale, c’est la voie de la
poursuite pénale que l’administration doit employer

 Urgence : par exemple, en cas de danger grave et imminent, de nécessité


publique urgente

P a g e | 40
Limitée dans son application, l’action d’office en tant que procédure
exorbitante entraîne la responsabilité de l’administration (ou éventuellement de
l’agent public lui-même pour faute personnelle) dans l’hypothèse d’un emploi
illégal de la contrainte.

Il est donc important de connaître exactement les cas dans lesquels


l’administration peut recourir légalement à l’exécution.

C. La mise en œuvre de sanctions

Il arrive que les administrés qui doivent se conformer à l’exécution de la


décision administrative, s’y refusent ; ils peuvent dès lors encourir des sanctions
pénales et des sanctions administratives.

1°/ Les sanctions pénales

Leur étude relève du droit pénal car ces sanctions consistent à punir l’administré
par le biais du juge répressif. L’article 459 du code pénal punit, en effet, d’une
amende ou d’un emprisonnement « ceux qui contreviennent aux décrets et arrêtés
légalement pris par l’autorité administrative ».

L’intervention du juge pénal s’effectue selon la procédure suivante : il constate


le non respect par le citoyen du règlement administratif, puis il prononce la
sanction prévue par la loi à l’encontre de l’auteur de l’infraction. L’administration
ne fera ensuite qu’exécuter la décision du juge répressif car elle ne peut prendre
elle-même de sanctions pénales, contrairement aux sanctions administratives.

2°/ Les sanctions administratives

Elles sont prises par l’administration, en tant que puissance publique avec
toutes les prérogatives qui s’y rattachent. Elles sont variées :

- La suspension ou retrait du permis de conduire, pour infraction au code de


la route (commission au niveau de la wilaya) ;
- La fermeture d’établissement, pour infraction au code de commerce ;
- Le retrait d’agrément pour certaines activités qui y sont soumises.

Les sanctions administratives ne sont possibles qu’à la condition qu’elles soient


prévues par la loi, selon le principe de légalité, et dans le respect des droits de la

P a g e | 41
défense. D’ailleurs, l’administration est rendue responsable en cas de préjudice
résultant d’une application irrégulière de ces sanctions.

§ 3 - Les recours contre les actes administratifs unilatéraux

Les recours sont les moyens mis à la disposition des citoyens pour faire
redresser une situation et assurer le respect de la légalité.

On distingue deux sortes de recours, selon qu’ils s’exercent devant


l’administration elle-même ou devant le juge.

A. Les recours administratifs

Ils s’exercent selon deux modalités :

- Le recours gracieux introduit devant l’agent public qui est l’auteur de la


décision : on demande à cet auteur de revenir sur sa décision. L’agent a une
option entre le maintien de sa décision, son abrogation ou révocation pour
l’avenir, ou son retrait qui fait disparaître ses effets passés et présents.
- Le recours hiérarchique porté devant le supérieur de l’auteur de l’acte : on
met alors en mouvement le contrôle du supérieur hiérarchique qui peut
annuler l’acte de son subordonné.

L’exercice de ces recours est libre.

B. Les recours contentieux

Ils sont également variés :

- Le recours pour excès de pouvoir ou recours en annulation est la principale


voie offerte au citoyen pour veiller sur le respect de la légalité, par la saisine
de la juridiction administrative ;
- L’exception d’illégalité est une voie de recours qui vise aussi à constater
l’irrégularité d’un acte administratif ; elle se distingue du recours pour excès
de pouvoir en ce qu’elle est généralement soulevée devant le juge judiciaire
par la personne poursuivie pour non obéissance à une décision dont elle
conteste la légalité. Le juge ordinaire, saisi de cette exception, ne peut pas
annuler la décision illégale dont il écarte simplement l’application, car seul le
juge administratif peut prononcer son annulation.

P a g e | 42
- Le recours de pleine juridiction ou recours en indemnité est la voie offerte
au citoyen pour obtenir réparation d’un préjudice causé par un acte
administratif. Le juge saisi condamnera l’administration pécuniairement si sa
responsabilité est effectivement engagée.

Section 3. Abrogation et retrait des actes administratifs


Le souci de stabilité des situations juridiques explique que les conditions de
retrait d’un acte, qui a un effet rétroactif en ce sens que l’acte est censé n’avoir
jamais existé, sont plus restrictives que celles de l’abrogation, qui n’a d’effet que
pour l’avenir.

§ 1 – Le retrait

Les solutions apportées à la question de la possibilité ou non du retrait des actes


administratifs différent selon que ceux-ci sont réguliers ou irréguliers d’une part,
et selon qu’ils sont créateurs de droits ou non créateurs de droits, d’autre part.

A. Le retrait des actes réguliers

Il ne peut intervenir que dans certains cas relativement rares. Le retrait d’un
acte régulier peut intervenir, tout d’abord, lorsqu’il est sollicité par le bénéficiaire
de l’acte lui-même, pour lui substituer une décision plus favorable à l’auteur de ce
recours. Si le retrait de l’acte ne porte préjudice à aucun tiers, l’administration
pourra y procéder à tout moment.

Il en va de même lorsque nul n’a intérêt au maintien de l’acte, celui-ci n’ayant


créé aucun droit pour quiconque, même indirectement.

B. Le retrait des actes irréguliers

Les conditions de licéité du retrait d’un acte administratif irrégulier sont


fondamentalement différentes selon que l’acte est ou non créateur de droits.

En effet, si l’acte irrégulier n’a, au surplus, créé aucun droit, il peut naturellement
être retiré à tout moment par l’administration.

Le retrait des actes irréguliers créateurs de droits ne peut intervenir que pour
des motifs d’illégalité et dans le délai du recours contentieux (deux mois). Si
l’administration n’opère pas dans les deux mois, l’acte et les droits qu’il a fait naître
deviennent définitifs.

P a g e | 43
§ 2. L’abrogation

L’abrogation est la révocation pour l’avenir d’un acte administratif, soit par
l’auteur de l’acte, soit par son supérieur hiérarchique.

On doit faire une distinction entre les actes réglementaires et les actes non
réglementaires.

A. L’abrogation des règlements

Il n’existe jamais de droit acquis au maintien d’un règlement et celui-ci peut donc
être abrogé à tout moment, même pour de simples considérations d’opportunité
dès lors que l’administration agit dans l’intérêt général.

Si le règlement est illégal, ce pouvoir d’abrogation devient au surplus une


obligation pour l’administration.

B. L’abrogation des actes non réglementaires ou individuels

Les actes qui ne confèrent pas de droit définitif, tels que les autorisations de
nature précaire et révocable d’occupation du domaine public, les autorisations de
police peuvent être librement abrogés par l’administration.

S’agissant des actes créateurs de droits, tels que les nominations aux emplois
supérieurs ou les autorisations d’ouverture d’un établissement, l’abrogation ne
peut intervenir que par la voie de l’acte « contraire », c'est-à-dire la révocation ou
la décision de fermeture de l’établissement. Celles-ci ne sont possibles que lorsque
certaines conditions de droit ou de fait, prévues par les textes, sont réunies. En
outre, ces « actes contraires » ne peuvent intervenir en principe que selon la règle
du parallélisme des formes : ils doivent donc être pris par la même autorité.

CHAPITRE II. LE PRINCIPE DE LA LEGALITE ADMINISTRATIVE

On a déjà vu, au niveau de l’introduction, que la légalité est issue de toutes les
règles d droit qui s’imposent à l’administration. Ces règles procèdent de sources
écrites et de sources non écrites ; elles sont, d’autre part, hiérarchisées et cette
hiérarchie constitue un nouvel élément du mécanisme de la légalité.

P a g e | 44
Il convient de se demander quelles sont les sanctions de ce principe, au cas où il
ne serait pas respecté par l’administration et de se pencher sur les limites du
principe de la légalité.

Section 1. Les sanctions du principe de la légalité


La sanction principale du principe de la légalité est la nullité de l’acte
administratif illégal. Mais cette nullité doit être constatée par une autorité publique
et consacrée par l’annulation de l’acte illégal ; la sanction pratique du principe de
la légalité se trouve donc finalement dans le contrôle de la légalité.

§1. La nullité des actes administratifs

En droit administratif, comme en droit privé, les effets de la nullité d’un acte
juridique se ramènent à la règle générale que l’acte nul étant censé n’avoir jamais
existé, ses conséquences sont rétroactivement anéanties. Par exemple,
l’annulation de la révocation illégale d’un fonctionnaire entraînera la reconstitution
administrative de sa carrière.

Alors qu’en droit privé seul le juge peut prononcer la nullité d’un acte juridique,
en droit administratif l’annulation peut être décidée soit par un juge soit par
l’autorité administrative elle-même (voir infra à propos du contrôle de la légalité).

§2. Le contrôle de la légalité

La nullité de l’acte illégal devant être nécessairement constatée par une


autorité publique, le principe de la légalité n’a d’efficacité réelle que s’il est assorti
d’un contrôle de la légalité destiné à assurer la constatation de la nullité.

On distingue habituellement le contrôle administratif et le contrôle


juridictionnel qui présentent les différences juridiques suivantes :

- Le contrôle juridictionnel est exercé par un juge, le contrôle


administratif par une autorité administrative ;

- Le contrôle juridictionnel est nécessairement provoqué par un


recours d’un administré (recours contentieux), car c’est un principe
fondamental qu’un tribunal ne peut jamais se saisir d’office (lui-
même) ; le contrôle administratif peut, lui aussi, être provoqué par un
recours dit recours administratif, mais il ne l’est pas nécessairement
car l’autorité administrative peut l’exercer de manière spontanée ;

P a g e | 45
- Le contrôle juridictionnel ne peut s’exercer que pour illégalité et ne
peut aboutir qu’à écarter ou annuler l’acte illégal ; le contrôle
administratif, outre cette même finalité, peut également s’exercer
pour inopportunité et porter sur le pouvoir discrétionnaire de
l’administration (voir infra) ;

- Le contrôle administratif n’est pas assujetti aux règles de formes du


contrôle juridictionnel ;

- La décision à laquelle aboutit le contrôle administratif ne comporte


pas l’effet propre à tout acte juridictionnel, à savoir l’autorité de la
chose jugée ; il s’ensuit que, après que le contrôle administratif s’est
exercé, le contrôle juridictionnel peut s’exercer à son tour et se greffer
sur le premier. C’est ainsi que l’administré dont le recours
administratif aura échoué pourra intenter le recours contentieux enj
vue de faire annuler à la fois l’acte administratif initial qui lui fait grief
et la décision administrative de contrôle qui a refusé de lui donner
satisfaction.

Quelles sont les modalités du contrôle administratif ?

Le contrôle administratif est normalement exercé par le supérieur


hiérarchique de l’auteur de la décision critiquée. Le supérieur annule l’acte de son
subordonné en utilisant son pouvoir hiérarchique ; le recours par lequel
l’administré demande ainsi au supérieur hiérarchique d’annuler l’acte du
subordonné s’appelle recours administratif hiérarchique. L’administré peut aussi
s’adresser directement à l’auteur de l’acte lui-même et lui demander de revenir sur
sa décision ; ce recours s’appelle recours administratif gracieux. L’auteur de l’acte
peut, ou bien révoquer sa décision (l’abroger pour l’avenir) ou la retirer, ce qui fait
disparaître rétroactivement ses effets passés.

Quelles sont les modalités du contrôle juridictionnel ?

Le contrôle juridictionnel comporte lui-même deux modalités : le recours en


annulation (ou recours par voie d’action) et l’exception d’illégalité (ou recours par
voie d’exception). Ces deux voies de droit diffèrent :

- Quant à leurs effets : le recours en annulation aboutit à faire annuler


par le juge l’acte illégal. L’exception d’illégalité tend seulement à faire

P a g e | 46
écarter son application ; elle consiste en ce que, au cours d’un procès,
la partie contre laquelle est invoqué un acte administratif soutient
que cet acte est illégal ; le seul résultat est que le juge, s’il reconnaît
l’illégalité de l’acte, ne fera pas application de celui-ci mais l’acte
illégal subsiste ;

- Quant aux compétences : le recours en annulation ne peut être porté


que devant un seul juge, le juge de la légalité de l’acte en cause.
L’exception d’illégalité peut être soulevée devant tout tribunal devant
lequel est invoqué, au cours d’un procès, l’acte critiquable ;

- Quant aux délais : le recours en annulation est enfermé dans des


délais assez brefs, tandis que l’exception d’illégalité peut être
soulevée à toute époque.

Section 2. Les limites du principe de la légalité


La stricte observation de la légalité peut constituer une contrainte pour
l’administration, laquelle ne doit pas être excessivement gênée dans son activité
quotidienne ; c’est la raison pour laquelle la portée du principe de la légalité est
limitée dans certaines circonstances : trop de rigueur ferait disparaître tout esprit
d’initiative au sein de l’administration, d’où le pouvoir discrétionnaire qu’on lui
accorde dans son activité. Par ailleurs, il se peut que l’administration ait besoin
d’une certaine latitude soit dans certaines circonstances extraordinaires soit à
l’égard de certaines activités de type spécial.

P a g e | 47
§1. Le pouvoir discrétionnaire

La notion de pouvoir discrétionnaire (ou compétence discrétionnaire) s’oppose


à la notion de pouvoir lié (ou compétence liée).

Il y a pouvoir discrétionnaire lorsque, en présence de circonstances de fait


données, l’autorité administrative est libre de prendre telle ou telle décision ; en
d’autres termes, elle a la faculté de choisir entre plusieurs décisions, qui sont toutes
conformes à la légalité. Elle reste donc libre d’apprécier en opportunité, en fonction
des circonstances, la solution qui lui paraît la mieux adaptée à la situation, le droit
en vigueur lui laissant une marge d’autonomie à cet égard. Par exemple,
l’administration détient un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser,
lorsqu’un particulier lui en fait la demande, l’autorisation d’occuper, à titre privatif,
une portion du domaine public pour y installer un parking de voitures.

Il y a, au contraire, pouvoir lié lorsque l’administration doit adopter une décision


qui est la seule possible (donc pas de choix), sa conduite lui étant dictée à l’avance
par la règle de droit ; ainsi, en ne prenant pas cette décision, elle violerait le droit
en vigueur. Tel est le cas, par exemple, lorsqu’elle doit abroger un règlement
devenu illégal du fait d’une modification des dispositions législatives ou
réglementaires applicables.

§2. La théorie des circonstances exceptionnelles

Cette théorie est une construction juridique élaborée par la jurisprudence du


Conseil d’Etat français, selon laquelle certaines décisions administratives qui
seraient en temps normal illégales peuvent devenir légales en certaines
circonstances parce qu’elles apparaissent alors nécessaires pour assurer l’ordre
public et la marche des services publics.

Le type même de la circonstance exceptionnelle est la circonstance de guerre ;


c’est là une simple application de l’idée générale d’état de nécessité, laquelle
trouve son fondement dans les devoirs généraux des autorités administratives (à
savoir assurer l’ordre public et le fonctionnement des services publics).

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§3. Les actes de gouvernement

On appelle « actes de gouvernement » certains actes, accomplis par des


autorités administratives, qui ne sont pas susceptibles d’un recours devant les
tribunaux, que ce soit de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire.

Sont considérés comme actes de gouvernement, insusceptibles de tout recours


contentieux, les actes touchant aux rapports entre les pouvoirs publics
constitutionnels et les actes intervenus dans le cadre de la politique internationale
de l’Etat.

Par exemple, est considérée comme acte de gouvernement la décision prise par
le Président de la République de dissoudre l’assemblée nationale.

Constitue également un acte de gouvernement en tant qu’il n’est pas détachable


des relations internationales de l’Algérie et qu’il concerne les rapports d’Etat à Etat,
la ratification ou l’approbation d’un accord international.

CHAPITRE III. LES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Si l’un des traits caractéristiques du droit administratif est la place qu’y


occupe l’acte unilatéral, les diverses collectivités publiques utilisent également très
souvent la technique contractuelle.

Parmi les nombreux contrats passés par l’administration, certains sont des
contrats de droit privé tandis que d’autres, de par leur objet spécifique ou leurs
caractéristiques particulières, seront qualifiés de contrats administratifs (section1).
Ces contrats administratifs sont eux-mêmes d’une grande diversité, qu’il s’agisse
de marchés publics, de conventions d’occupation du domaine public ou encore de
contrats de délégation de service public (section 2).

Par delà cette diversité, il existe cependant un régime général du contrat


administratif, concernant son élaboration, ses effets (section 3).

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Section 1. La distinction des contrats administratifs et des contrats de droit privé
Tous les contrats de l’administration ne sont pas des contrats administratifs.
Une distinction capitale oppose aux contrats administratifs proprement dits les
contrats de droit privé. L’intérêt de la distinction est que les contrats administratifs
sont soumis à des règles spéciales du droit administratif, différentes des règles du
droit civil des obligations et que leur contentieux relève des tribunaux
administratifs alors que les seconds sont de la compétence judiciaire.

Il est donc essentiel de se demander, en présence d’un contrat conclu par


l’administration, s’il s’agit d’un contrat administratif proprement dit ou d’un
contrat de droit privé (droit commun). La jurisprudence a dû dégager le critère du
droit administratif pour éviter de les confondre.

1°/ Certains contrats sont administratifs par détermination de la loi :

Cette détermination résulte de ce que la loi prévoit pour le contentieux de ces


contrats la compétence des tribunaux administratifs : c’est le cas des marchés de
travaux publics, celui des ventes d’immeubles de l’Etat.

2°/ En l’absence de texte, la jurisprudence recourt, pour qualifier un contrat de


contrat administratif, au critère de la participation à l’exécution du service public
ou à celui de la clause exorbitante ou de régime exorbitant. Comme exemple de
clause exorbitante, on peut citer celle qui confère à l’autorité administrative un
pouvoir de résiliation du contrat sans mise en demeure préalable et sans
indemnité. La raison est que, contrairement au droit privé où les particuliers sont
théoriquement sur un même pied d’égalité, il y a un déséquilibre favorable à
l’administration qui représente l’intérêt général.

3°/ Un contrat ne peut être, sauf exception, qualifié d’administratif par le juge
que si l’une des parties au moins au contrat est une personne publique. Lorsqu’un
contrat entraîne la participation du partenaire de l’administration à l’exécution
d’un service public, il a le caractère administratif.

4°/ Enfin, un contrat conclu entre deux personnes publiques revêt en principe
un caractère administratif. Il ne s’agit là cependant que d’une présomption simple,
qui peut s’effacer si, eu égard à son objet, le contrat ne fait naître entre les parties
que des rapports de droit privé. C’est ainsi par exemple que les contrats
d’abonnement à l’électricité ou au gaz passés par des collectivités publiques avec

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Sonelgaz restent des contrats de droit privé, puisque ces collectivités agissent alors
simplement comme usagers d’un service public industriel et commercial.

Section 2. Les différents types de contrats administratifs


Les contrats administratifs sont très divers ; ils peuvent être passés pour le
recrutement d’agents publics, pour l’achat de biens mobiliers ou immobiliers, ou
pour des prestations de services, sans oublier les conventions d’occupation du
domaine public.

Les plus importants sont les marchés publics (1) et les délégations de service
public (2).

§ 1 – Les marchés publics

Ils ont fait l’objet d’une réforme introduite par le décret présidentiel n° 15-247
du 16 septembre 2015 ; il est à noter également la promulgation du décret exécutif
n°21-219 du 20 mai 2021 portant approbation du cahier des clauses
administratives générales applicables aux marchés publics de travaux.

Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux avec des
personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public pour
répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. Ils
doivent répondre aux règles spécifiques du code des marchés publics.

Ces contrats contiennent des cahiers des charges qui déterminent les
conditions dans lesquelles les marchés sont exécutés. Celles-ci comprennent des
documents généraux, en l’occurrence les cahiers des clauses administratives
générales qui fixent les dispositions administratives applicables à une catégorie de
marchés, les cahiers des clauses techniques générales qui fixent les dispositions
techniques applicables à toutes les prestations d’une même nature, ainsi que des
documents particuliers, en l’occurrence les cahiers des clauses administratives
particulières (dites clauses spéciales) qui fixent les dispositions administratives
propres à chaque marché ainsi que les clauses techniques particulières qui fixent
les dispositions techniques nécessaires à l’exécution des prestations de chaque
marché.

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Le code des marchés publics retient principalement deux modes de passation
des contrats de marchés publics, avec des modalités :

- L’appel d’offres, ouvert ou restreint


- Le marché de gré à gré, simple ou après consultation

Il convient d’y ajouter la procédure du concours, prévue dans certains marchés


(études ou services).

A. L’appel d’offres

Cette procédure fait appel à la concurrence et demande aux entrepreneurs ou


fournisseurs intéressés de faire leurs soumissions. Une fois les soumissions faites,
l’administration n’est pas obligée d’attribuer le marché à celui qui offre le prix le
plus bas ; elle choisit librement l’offre qu’elle juge la plus intéressante compte tenu
de toutes les données du marché. D’ailleurs, le code précise que « les
administrations doivent avoir recours à l’appel d’offres lorsque les prestations
envisagées exigent de la part des soumissionnaires des qualifications techniques et
des capacités financières suffisantes ».

L’appel d’offres permet donc une sélection après une confrontation des
différents soumissionnaires qui permet de mieux apprécier la valeur réelle du futur
cocontractant. Il est d’ailleurs susceptible de revêtir deux formes :

- L’appel ouvert lorsque tout le monde peut soumissionner et que


l’administration fait appel à la concurrence générale ;
- L’appel fermé ou restreint lorsque certaines entreprises seulement sont
admises à soumissionner.

B. Le marché de gré à gré

Le marché de gré à gré appelé aussi entente directe est une procédure plus
souple encore puisqu’elle laisse une entière liberté à l’administration, mais celle-ci
doit respecter certaines règles communes aux diverses formes de marché. Ces
règles sont contenues dans des documents écrits ou cahiers des charges (décrits
supra).

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L’importance des marchés publics par la voie desquels l’administration obtient
les fournitures et travaux nécessaires, avec comme contrepartie la mise en jeu de
sommes considérables, implique des contrôles aussi bien avant qu’après leur
passation. Chaque ministère, chaque collectivité locale, chaque établissement
public doit procéder à un examen sérieux des contrats par ses propres services,
avant de s’engager.

En outre, la loi prévoit un contrôle a priori par l’intermédiaire des commissions


des marchés : commission centrale des marchés, commissions de wilaya et comités
auprès des ministères.

§ 2 - Les contrats de délégation de service public

Ce sont des contrats par lesquels une personne morale de droit public confie la
gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou
privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de
l’exploitation du service.

La procédure de passation des conventions de délégation de service public


prévoit, en amont, une ou des publicités permettant la présentation de plusieurs
offres concurrentes et la sélection rigoureuse des candidats admis à présenter une
offre mais, en aval, une pleine liberté finale pour la collectivité publique dans le
choix du délégataire parmi les candidats régulièrement admis à présenter une
offre.

Après la sélection des candidats admis à déposer une offre, la collectivité adresse
à chacun de ces derniers un document définissant les caractéristiques qualitatives
et quantitatives des prestations à fournir.

L’ouverture des plis est effectuée par une commission présidée par l’autorité
habilitée à signer la convention de délégation de service public. Cette dernière a un
pouvoir de libre négociation, lequel n’est pas encadré par une quelconque
définition légale des critères de choix, à l’inverse de ce qui existe en matière de
marchés publics.

Exemple : secteurs de l’eau, de l’assainissement, et des déchets.

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Section 3. L’exécution des contrats administratifs
Les règles gouvernant l’exécution des contrats administratifs revêtent une
originalité certaine par rapport aux principes fondamentaux du droit privé qui
veulent que « le contrat fait la loi des parties. Il ne peut être révoqué, ni modifié
que de leur consentement mutuel ou pour les causes prévues par la loi » (article
106 du code civil).

L’ampleur des prérogatives de l’administration (§1) est, cependant, contre


balancée par le droit du cocontractant au respect de l’équilibre financier du contrat
(§2).

§ 1 – Les prérogatives de l’administration

Ces prérogatives, qu’il s’agisse du pouvoir de direction et de contrôle, du pouvoir


de sanction, du pouvoir de modification unilatérale ou du pouvoir de résiliation,
appartiennent à l’administration même lorsqu’elles ne sont pas expressément
prévues par le contrat et celle-ci ne saurait y renoncer.

A. Le pouvoir de direction et de contrôle

L’administration dispose tout d’abord du pouvoir de veiller à ce que le


cocontractant respecte les clauses du contrat et qu’il lui fournisse tous les
renseignements nécessaires afin de pouvoir le vérifier.

Cette prérogative lui permet également de lui donner des instructions sur les
modalités d’exécution du contrat, même en dehors des prescriptions du marché.
L’administration peut ainsi imposer l’ordre des opérations à accomplir ou de
l’emploi de certains procédés de réalisation des prestations.

Ce pouvoir se manifeste par des ordres de service que le cocontractant est tenu
d’exécuter. Ce dernier peut, cependant, émettre des réserves sur les conséquences
éventuelles de ces ordres de service, en termes financiers ou de solidité de
l’ouvrage.

B. Le pouvoir de sanction

Le pouvoir de direction de l’administration est d’autant plus important qu’il est


assorti d’un pouvoir de sanction, les sanctions pouvant être pécuniaires ou
coercitives.

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- Les sanctions pécuniaires prennent la forme de pénalités ou de retenues
destinées en particulier à sanctionner des retards d’exécution.
- Les sanctions coercitives permettent à l’administration de se substituer elle-
même ou de substituer un tiers au cocontractant, l’exécution du contrat
étant poursuivie aux frais et risques de ce dernier.
C. Le pouvoir de modification unilatérale

L’administration dispose d’un pouvoir de modification unilatérale des conditions


d’exécution d’un contrat, à condition que l’intérêt général ou les nécessités du
service public l’exigent.

D. Le pouvoir de résiliation

L’administration peut prononcer unilatéralement la résiliation d’un contrat


administratif, soit à titre de sanction (sauf en matière de concession où celle-ci ne
peut être prononcée que par le juge), soit, même en l’absence de faute du
cocontractant, pour des motifs d’intérêt général.

Toutefois, ce pouvoir ne peut être exercé que sous réserve des droits à
l’indemnité des intéressés, du moins lorsque le cocontractant de l’administration
n’a pas commis de faute.

§ 2 - Le droit au respect de l’équilibre financier du contrat

Les prérogatives de l’administration, pour extraordinaires qu’elles puissent


paraître au regard de la théorie générale des contrats en droit privé, ne vont pas
jusqu’à autoriser celle-ci à rompre unilatéralement l’équilibre économique du
contrat, sur la base duquel le cocontractant de l’administration s’était engagé.

Dans l’hypothèse où des charges nouvelles doivent être supportées par le


cocontractant, celui-ci ne pourra se tourner vers l’administration et, en cas d’échec
des discussions amiables, vers le juge pour obtenir le respect de l’équilibre financier
du contrat.

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A. La rémunération des prestations supplémentaires imposées par
l’administration

Le titulaire du contrat a droit non seulement au paiement du prix fixé


initialement, mais également à la rémunération des prestations supplémentaires
que l’administration lui a demandé d’effectuer.

Le cocontractant peut également avoir droit à une rémunération


supplémentaire, lorsque le surcoût qu’il a supporté résulte de difficultés
matérielles qui n’étaient ni prévues, ni prévisibles lors de la passation du marché.

La théorie des « sujétions imprévues » lui ouvre ce droit à rémunération même


lorsque ces contraintes ne résultent pas directement du fait de l’administration.

B. La théorie du fait du prince

Le fait du prince consiste dans toute mesure édictée par les pouvoirs publics et
ayant pour conséquence de rendre l’exécution du contrat plus onéreuse pour le
cocontractant. Celui-ci a droit à une indemnisation permettant de rétablir
l’équilibre financier initial du contrat.

C. La théorie de l’imprévision

Alors que le fait du prince résulte de la volonté de l’administration, l’imprévision


est indépendante de la volonté des parties au contrat, Il peut arriver, en effet, qu’au
cours de l’exécution d’un contrat, des circonstances économiques surviennent, qui
imposent au cocontractant une charge onéreuse ou même ruineuse (cas en
période de hausse brutale des prix ou de dévaluation monétaire). Lorsque les
conditions de l’imprévision sont réunies (circonstances exceptionnelles
indépendantes de la volonté des parties, bouleversement économique du contrat
notamment), le cocontractant a droit à une indemnisation.

En conclusion, l’action de l’administration se manifeste selon deux techniques


juridiques : les contrats administratifs et surtout les actes administratifs
unilatéraux.

En utilisant ces derniers, l’administration a pour but d’autoriser ou d’interdire tel


ou tel agissement des citoyens. Cette activité d’interdiction constitue la police
administrative en vue du maintien de l’ordre public.

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CHAPITRE IV. LA POLICE ADMINISTRATIVE

L’expression de « police administrative » est entendue dans son acception


matérielle, c'est-à-dire comme désignant l’activité qui consiste à prévenir les
troubles à l’ordre public et à maintenir celui-ci.

Le maintien de l’ordre peut prendre, concrètement, des formes diverses, puisque


les autorités de police peuvent intervenir, d’abord par la réglementation mais aussi
par des décisions particulières, telle que l’interdiction d’une manifestation.

Les opérations matérielles de maintien de l’ordre relèvent également de la police


administrative, lorsqu’elles n’ont pas directement pour objet de rechercher
l’auteur d’une infraction en vue de sa répression.

Le régime juridique particulier de la police administrative se caractérise d’abord


par la définition de ses finalités (section 1), les pouvoirs conférés aux différentes
autorités de police donnant lieu à un contrôle approfondi de l’adéquation des
procédés aux fins (section 2).

Section 1. Les finalités de la police administrative


Visant au maintien de l’ordre public (§1), la police administrative a
essentiellement un caractère préventif qui la distingue de la police judiciaire (§2).

§ 1 – La notion d’ordre public

Elle distingue plusieurs composantes de l’ordre public : la sécurité publique, la


tranquillité publique et la salubrité publique.

Les mesures de police ont donc pour objet d’éviter les risques d’accident,
d’incendies ; elles peuvent également avoir pour but d’assurer la tranquillité, en
réglementant le bruit, les manifestations ; elles doivent enfin s’attacher à maintenir
l’hygiène et la santé, en veillant notamment à la salubrité de l’eau, des denrées
alimentaires, etc.

L’ordre public, au sens de la police, est l’ordre matériel et extérieur. Mais pas
seulement, car il s’étend à une valeur aussi essentielle que le respect de la dignité
de la personne humaine.

§ 2 - Les différences de finalité entre police administrative et police judiciaire

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Souvent, on oppose police administrative et police judiciaire en distinguant le
caractère préventif de la première du caractère répressif de la seconde.
L’opposition n’est pourtant pas aussi tranchée, en ce sens que la police
administrative a pour but le maintien, au sens large, de l’ordre public, et s’attache
donc certes à prévenir les désordres mais aussi à les faire cesser lorsqu’ils se
produisent et à éviter qu’ils ne se reproduisent.

La différence essentielle entre la police administrative et la polie judiciaire tient


donc plutôt au fait que la première correspond à une mission générale de maintien
de l’ordre public tandis que la seconde vise spécifiquement la recherche des
auteurs d’une infraction déterminée et la répression des infractions.

La distinction entre police administrative et police judiciaire est d’autant plus


délicate que les mêmes personnes, notamment les présidents d’APC, les
commissaires de police et gardiens de la paix, peuvent agir tantôt comme autorité
administrative, tantôt comme officiers ou agents de police judiciaire.

L’enjeu de cette distinction tient particulièrement au fait que le contentieux des


opérations de police administrative relève de la juridiction administrative tandis
que le contentieux des opérations de police judiciaire relève des juridictions
judiciaires, d’autant que les officiers et agents de police judiciaire agissent sous
l’autorité du procureur de la République.

Section 2. Police générale et polices spéciales


La police administrative permet à certaines autorités administratives de
contribuer à l’établissement de l’ordre public, en prenant les réglementations
nécessaires. Mais parmi ces mesures, certaines concernent l’ordre public en
général, alors que d’autres concernent certains domaines particuliers et l’on parle
alors de polices administratives spéciales.

1°/ La police administrative générale

C’est celle qui est confiée aux autorités publiques en vue de s’exercer d’une
manière générale à l’égard de toute activité et en tout domaine. Les autorités
titulaires d’une telle police générale peuvent intervenir pour réglementer tout ce
qui touche à l’ordre, la sécurité et la salubrité publique sur un territoire donné. Ces
autorités sont d’ailleurs strictement déterminées : le Chef de l’Etat à l’échelon

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national, le Premier Ministre par délégation, le Wali à l’échelon de la wilaya, le
Président d’APC à l’échelon de la commune.

2°/ Les polices administratives spéciales

Elles s’appliquent, en revanche, à un secteur bien précis ; tout en se référant à la


notion d’ordre public, elles visent un domaine ou un objet bien particulier. Cela
peut être une branche d’activité : police de la pêche, police de la chasse, police des
forêts, police des jeux … Cela peut aussi être une catégorie particulière d’individus :
police des étrangers, police de l’air et des frontières, police des mineurs …

Enfin, les polices spéciales peuvent viser un but déterminé comme la protection
des sites et monuments historiques.

Ces polices administratives spéciales font, chacune, l’objet de textes particuliers


qui les organisent, déterminent les autorités compétentes pour les exercer.

La coexistence de pouvoirs de police générale et de polices spéciales, ainsi que


la superposition des pouvoirs de police générale du chef de l’Etat, du wali et du
président d’APC, imposent de respecter quelques règles simples pour que
l’ensemble de ces pouvoirs puissent s’exercer de manière harmonieuse, sans
contradiction.

La première règle, conforme au principe de la hiérarchie des normes juridiques


applicables à l’administration, veut que les règles édictées par l’autorité supérieure
priment sur celles édictées à un échelon moins élevé. C’est ainsi que les mesures
de police prises par le Président de la République pour l’ensemble du territoire
devront être respectées dans toutes les wilayas et toutes les communes, sans que
le wali ou le président d’APC puisse se dispenser localement de leur application.

En revanche, les autorités locales ne sont pas dessaisies du seul fait que des
mesures ont été édictées au niveau national ou que des pouvoirs particuliers ont
été remis à des autorités de police spéciale et elles peuvent, si les circonstances
locales le justifient, prendre des mesures supplémentaires de police (par exemple,
en matière de voirie).

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CHAPITRE V. LES SERVICES PUBLICS
Le service public est destiné à donner « satisfaction » à _un besoin d’intérêt
général.

Appréhendées globalement, les fonctions de l’administration peuvent se


caractériser, d’une part, en une fonction normative, ayant pour objet de prescrire,
d’autoriser, d’interdire ou d’encadrer certaines activités privées et, d’autre part, en
une fonction de prestation, par laquelle la collectivité publique fournit des biens et
des services, tels l’enseignement et la formation, la santé publique, certains
transports communs.

Ces deux fonctions sont certes étroitement imbriquées, car la fonction de


prestation suppose l’exercice de la fonction normative pour organiser les services
à rendre à la collectivité, tandis que l’exercice de la fonction normative elle-même
peut être considéré comme une certaine forme de prestation.

Section 1. Définition du service public


Le service public peut se définir par la réunion d’éléments organiques, c'est-à-
dire son rattachement direct ou indirect à une collectivité publique, et d’éléments
matériels, c'est-à-dire la poursuite d’une finalité d’utilité publique.

§ 1 – Les éléments organiques du service public

Il n’y a « service public » que si une activité d’intérêt général est assurée soit
directement par l’Etat ou une collectivité publique, soit au moins contrôlée par
ceux-ci et assumée indirectement par eux.

La première hypothèse, celle de l’exercice direct d’une activité de service public


par une personne publique, est la plus fréquente. La majorité des services publics
sont en effet directement assurés par l’Etat, les collectivités territoriales et leurs
établissements publics.

Cependant, un organisme privé peut assurer également une mission de service


public, à condition qu’il existe un certain rattachement au moins indirect de cette
activité à une personne publique (exemple de la concession). La condition est que
ces services publics ne relèvent pas de fonctions de souveraineté, telles que le
maintien de l’ordre, la défense du territoire ou l’activité de réglementation.

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§ 2 - Les éléments matériels du service public

Ils concernent le contenu même et le but de l’activité considérée, c'est-à-dire


son caractère d’intérêt public. Toute entité publique n’exerce pas nécessairement
à tout moment des missions d’intérêt général (par exemple, la gestion du domaine
privé des personnes publiques est opérée dans un but exclusivement financier).
Inversement, des entités privées peuvent exercer des missions d’intérêt général,
qu’il s’agisse d’activités de formation, d’aide à l’insertion sociale ou encore
d’animation culturelle.

Section 2. Les principes de fonctionnement des services publics


Ils sont caractérisés par la trilogie continuité, égalité et mutabilité du service
public.

§ 1 – Le principe de continuité

Il est au cœur du service public. C’est pourquoi l’exercice du droit de grève, dont
le principe est certes consacré par la Constitution, doit se concilier avec les
nécessités du service public. Certaines obligations particulières, tels le respect d’un
délai de préavis et l’institution d’un service minimum, peuvent donc être imposées
aux agents des services publics.

L’administration est tenue de prendre toutes mesures, de façon plus générale,


pour assurer un fonctionnement continu du service, sans que des incidents
provoquent son interruption. Le principe de continuité n’implique certes pas que
les services publics fonctionnent en permanence, mais il impose un
fonctionnement régulier sans autres interruptions que celles autorisées par les
textes ou la jurisprudence.

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§ 2 - Le principe d’égalité

Le principe d’égalité devant les services publics, corollaire du principe d’égalité


des citoyens devant la loi, bénéficie tant aux usagers des services publics qu’aux
agents des services publics. Il impose en effet l’égalité d’accès aux emplois publics,
dans le respect de la règlementation.

Le service public doit traiter ses usagers sur un pied d’égalité, sans
discriminations, dans toute la mesure où ces usagers se trouvent dans des
situations comparables au regard du service.

On rapproche de ce principe le principe de neutralité selon lequel le service


public doit fonctionner uniquement en tenant compte de l’exigence de l’intérêt
général ; c’est ainsi que le gestionnaire du service public ne peut l’utiliser comme
un instrument pour avantager certains intérêts ou faire preuve de favoritisme.

§ 3 – Le principe de mutabilité

Qualifié également de principe d’adaptation constante du service public, il


implique que le service public puisse en permanence s’adapter aux nécessités
changeantes de l’intérêt général. Ce principe est notamment à l’origine de la
jurisprudence relative au pouvoir de modification unilatérale des contrats par
l’administration.

Par ailleurs, les usages ne peuvent pas se réclamer d’un droit au maintien en
l’état des règles d’organisation du service public.

La conciliation du principe de mutabilité et du principe d’égalité devant le service


public peut cependant se révéler délicate lorsque l’administration invoque le
principe de l’adaptation constante du service public pour procéder, par exemple, à
un redéploiement géographique de l’organisation du service public (par exemple,
regroupement de classes d’école ou fermeture de certains établissements scolaires
ou hospitaliers).

Section 3. Les modes de gestion des services publics


Ils sont variés, compte tenu des buts poursuivis et des moyens mis en œuvre. On
distingue les modes classiques et les modes nouveaux de gestion.

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§ 1 - Les modes classiques de gestion

Ils sont essentiellement au nombre de trois : la régie, la concession,


l’établissement public.

A. La régie

Un service public est géré en régie lorsque sa gestion est directement assurée par
la collectivité publique qui a la responsabilité de ce service. Cette gestion peut
prendre trois formes :

1°/ La régie directe

C’est la forme normale de fonctionnement de l’administration. C’est


l’administration elle-même qui agit, par ses propres agents, avec ses propres
finances (budget de l’Etat et des collectivités locales) et en utilisant des procédés
du droit public (prérogatives de puissance publique notamment). Le droit
administratif s’applique ici totalement.

2°/ La régie autonome

C’est une variante qui apparaît lorsque le service public concerné reçoit une
certaine autonomie (juridique ou financière) ; il est alors doté de la personnalité
morale (voir code communal).

3°/ La régie intéressée

C’est une modalité où c’est l’administration qui fait fonctionner le service, mais
la personne (physique ou morale) placée à la tête du service est intéressée
financièrement aux résultats de l’exploitation. Ce mode de gestion se rapproche
beaucoup de la concession.

B. La concession de service public

La concession est une convention par laquelle l’administration charge une


personne physique ou morale d’assurer le fonctionnement d’un service public.

En tant que mode de gestion, elle consiste dans la prise en charge par une
personne, généralement privée (le concessionnaire), d’un service pendant un
certain temps, en assumant les dépenses et en se rémunérant sur les usagers du
service.

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L’acte de concession contient des dispositions aussi bien réglementaires que
contractuelles. Les clauses réglementaires sont celles concernant l’organisation et
le fonctionnement du service concédé. Elles peuvent être modifiées
unilatéralement par l’administration sans consultation du concessionnaire qui est,
cependant, en droit de réclamer une indemnisation en application de la théorie du
fait du prince. Ces clauses sont contenues dans le cahier des charges établi par
l’autorité concédante et s’imposent au concessionnaire.

Les clauses contractuelles sont celles qui stipulent des avantages matériels et
financiers au profit du concessionnaire. Etablies dans la convention qui constate
l’accord entre les parties, elles ne peuvent être modifiées unilatéralement par
l’administration.

L’obligation principale qui pèse sur le concessionnaire est d’assurer le


fonctionnement du service et de se conformer aux règles suivantes :

- veiller sur la continuité du service, sauf en cas de force majeure ;


- respecter l’égalité des usagers devant le service public ;
- se plier aux modifications du service décidées par l’autorité concédante dans
le but de l’adapter à l’intérêt général ;
- se conformer aux contrôles techniques et financiers.

En retour, le concessionnaire se voit reconnaitre deux droits essentiels :

- le droit à une rémunération, c'est-à-dire le droit de retirer de sa gestion des


bénéfices ;
- le droit d’user des certaines prérogatives de puissance publique : droit
d’utiliser le domaine public, de bénéficier de l’expropriation pour cause
d’utilité publique.

La concession prend fin soit par l’expiration du contrat après un délai prévu
(échéance), soit par la résiliation accordée par le juge à la demande de l’une des
parties, soit par la déchéance du concessionnaire en cas de faute grave, soit enfin
par le rachat avec indemnisation.

C. L’établissement public

C’est une personne morale administrative, dont la création a pour but d’assurer
la gestion autonome d’un service de l’Etat, d’une wilaya ou d’une commune. L’idée

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de personne morale implique diverses conséquences sur les plans juridique et
financier.

1°/ L’établissement public bénéficie en premier lieu d’une relative autonomie


juridique. Celle-ci se traduit essentiellement sur le plan de l’organisation par
l’existence d’organes propres de direction, lesquels consistent, en principe, en un
organe délibérant (assemblée ou conseil d’administration) et en un organe exécutif
(directeur ou directeur général). Le mode de recrutement de ces organes est
généralement la nomination.

2°/ L’établissement public bénéficie en deuxième lieu de l’autonomie financière,


c'est-à-dire d’un budget propre établi par les autorités qui dirigent le service.
Normalement, ce budget est alimenté par des ressources propres affectées aux
dépenses de l’établissement mais, en fait, il arrive souvent que l’établissement
administratif dépende étroitement des subventions de l’Etat ou de la collectivité
locale, de rattachement.

3°/ L’établissement public obéit au principe de spécialité, ce qui signifie qu’il n’a
d’attributions et de compétence que pour remplir la mission définie par l’acte de
création.

Il ne peut employer son patrimoine à une autre activité.

4°/ Enfin, l’établissement public est toujours rattaché à une collectivité territoriale
qui exerce un contrôle sur ses organes et ses actes.

§ 1 – Les modes nouveaux de gestion

De nombreux biens et de multiples activités sont propriétés de l’Etat, lequel s’est


de plus en plus investi en matière économique. Les procédés classiques n’étant pas
adaptés à ce genre d’activités, on a eu recours à des procédés nouveaux, deux
essentiellement : les Etablissements Publics à Caractère Industriel et Commercial
(EPIC), et les Entreprises Publiques Economiques (EPE).

A. Les Etablissements Publics à caractère Industriel et Commercial (EPIC)

L’EPIC, tout en étant un organisme public, exerce des activités de nature privée
et il est géré comme une entreprise privée. Il ressemble donc, par certains côtés, à
l’établissement public à caractère administratif (EPA) et s’en distingue par d’autres.

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1°/ Ressemblances entre EPA et EPIC

- Gestion d’un service public,


- Création et organisation par un texte législatif ou réglementaire,
- Personnalité morale de droit public,
- Bénéficie de prérogative de puissance publique.

2°/ Différences

- L’activité de l’EPA est non commerciale et non lucrative (pas de recherche de


profits),
- Les règles de droit applicables à l’EPA sont uniquement celles de droit public :
le personnel est composé d’agents publics, les contrats sont administratifs et
les cocontractants privés sont des usagers du service public.

A l’inverse, l’EPIC est soumis à la fois aux règles de droit public et de droit
privé (droit commercial notamment) ; le personnel est souvent composé de
salariés de droit privé (statut du travailleur fixé par le code du travail), les
contrats sont en général de droit privé et les cocontractants sont des clients.

- Le budget de l’EPA fait partie du budget général de l’Etat et il est soumis aux
règles budgétaires et comptables publiques ; le budget de l’EPIC est
totalement autonome, et les règles comptables applicables sont celles du
droit commercial (commissariat aux comptes, notamment).
- Enfin, le contentieux de l’EPA est essentiellement administratif et soumis au
juge administratif alors que le contentieux de l’EPIC est mixte, relevant tantôt
des règles de droit public et du juge administratif, tantôt des règles de droit
privé et du juge judiciaire.

Exemple d’EPA : université, hôpital public.

Exemple d’EPIC : la plupart des offices comme l’office national de


tourisme ou l’office de promotion et de gestion immobilière (OPGI).

Lorsque l’activité d’un EPIC relève des mécanismes du marché dans les
conditions prévues par le plan national de développement, il est transformé en
entreprise publique économique.

B. Les Entreprises Publiques Economiques (EPE)

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Elles ont été instituées par la loi n°88.01 du 12 janvier 1988, dans le cadre des
réformes économiques intervenues pour adopter le système d’économie de
marché.

L’Etat, propriétaire des capitaux marchands de ces entreprises, se désengage de


leur gestion ; les pouvoirs publics assimilent désormais ces EPE (la plupart d’ex-
sociétés nationales à l’instar de Sonatrach et Sonelgaz) à de véritables sociétés
commerciales de droit privé dont elles épousent l’une des formes, à savoir une
société par actions faisant appel public à l’épargne (SPA) avec toutes les règles
contenues dans le code de commerce.

Section 4. Les contrôles internes ou contrôles non juridictionnels


Rattachés le plus souvent directement au ministre, les corps d’inspection ou de
contrôle ont tantôt vocation à exercer leurs missions à l’égard de certaines
administrations déterminées (par exemple, inspection générale de l’éducation
nationale pour les aspects proprement pédagogiques ; contrôle général des
armées ; inspection générale de la sûreté nationale …), tantôt une vocation qui va
au-delà de leur ministère de rattachement, telle l’Inspection Générale des
Finances.

Les contrôles effectués par cette dernière, exercés généralement sur place au
cours de tournées d’inspection, portent non seulement sur les administrations de
l’Etat, mais aussi sur celles des autres collectivités publiques et les établissements
publics aussi bien à l’échelle centrale qu’à l’échelle locale. Son rôle ne se borne pas
à détecter les éventuelles pratiques irrégulières, mais également à proposer les
mesures aptes à assurer les conditions d’une meilleure gestion des services de
l’Etat et des personnes publiques en général.

Parallèlement à ces contrôles techniques en quelque sorte, il est bon de rappeler


le contrôle parlementaire qu’exercent les deux chambres sur l’utilisation par le
pouvoir exécutif des crédits budgétaires alloués (article 156 de la Constitution) et
la possibilité pour ces mêmes chambres de mettre sur pied des commissions
d’enquête sur des affaires d’intérêt général (article 159).

Enfin, l’article 199 de la Constitution institue une Cour des comptes chargée du
contrôle a posteriori des finances de l’Etat, des collectivités territoriales, des
services publics et des capitaux marchands de l’Etat.

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Elle contribue au développement de la bonne gouvernance, à la transparence
dans la gestion des finances publiques et à la reddition des comptes.

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TROISIEME PARTIE. LE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

Le système juridictionnel algérien se caractérise par une dualité de juridictions,


c’est-à-dire par l’existence de deux ordres distincts de juridiction. L’ordre judiciaire,
avec la Cour suprême à son sommet, connaît principalement des litiges opposant
les particuliers entre eux en matière civile, pénale, commerciale et sociale. L’ordre
administratif, avec le Conseil d’Etat en haut de l’échelle, connaît quant à lui des
litiges opposant les particuliers à l’administration, ou les administrations entre
elles.

Le contentieux administratif concerne les affaires, les litiges que peut avoir à
connaître le juge administratif (de premier ressort, d’appel et de cassation). Ce
contentieux fait l’objet d’une classification en trois catégories, chacune des
catégories représentant un type de question pouvant être posée audit juge.

Tout d’abord, le contentieux de l’excès de pouvoir ou contentieux de l’annulation


par l’intermédiaire duquel le requérant saisit le juge afin d’obtenir l’annulation d’un
acte administratif qu’il estime illégal et lui faisant grief. Au travers de ce recours, le
juge administratif vérifie la légalité de l’acte litigieux et procède à son annulation
ou à sa confirmation.

Ensuite, le contentieux de pleine juridiction ou plein contentieux par


l’intermédiaire duquel le requérant saisit le juge afin d’obtenir l’allocation de
dommages intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi de par le comportement
d’un agent public ou d’une administration.

Enfin, le contentieux de la répression par l’intermédiaire duquel le requérant


saisit le juge afin d’obtenir le prononcé d’une sanction à l’encontre d’un administré
ou d’une administration.

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CHAPITRE I. L’ORGANISATION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE

Section 1. Les différentes juridictions administratives


Les juridictions administratives de droit commun sont les tribunaux
administratifs, et le Conseil d’Etat (en qualité soit de juge d’appel soit de juge de
cassation).

§ 1 - Les tribunaux administratifs

La réforme ayant introduit le double ordre juridictionnel qualifie les tribunaux


administratifs de juges de droit commun du contentieux administratif en premier
ressort. Ceci signifie que les tribunaux administratifs sont compétents sur les litiges
relevant de l’ordre administratif en première instance et qu’il n’est dérogé à cette
compétence générale qu’en cas de disposition expresse d’un texte. De telles
dérogations existent en faveur du Conseil d’Etat, très rarement des cours
administratives d’appel, sinon dans certains cas particuliers de contentieux fiscal
ou sur demande de renvoi pour cause de suspicion légitime concernant le tribunal
administratif saisi.

Les tribunaux administratifs ne sont pas nombreux actuellement, par manque


de juges spécialisés.

§2. Le Conseil d’Etat

Il a reçu d’abord une compétence pour les appels concernant :

- essentiellement, les jugements rendus en matière de plein contentieux ;


- les jugements rendus en matière d’excès de pouvoir relativement à
l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux impôts et taxes

Ensuite, au sommet de la hiérarchie juridictionnelle en matière administrative,


le Conseil d’Etat est un organe régulateur de l’activité des juridictions
administratives ; à l’instar de la Cour suprême dans l’ordre judiciaire, le Conseil
d’Etat assure l’unification de la jurisprudence à travers le pays et veille au respect
de la loi (article 179 alinéas 2 et 3 de la Constitution).

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Le Conseil d’Etat possède deux séries d’attributions :

A. Les attributions consultatives

Les attributions consultatives du Conseil d’Etat représentent une part


importante de son activité. Le Conseil d’Etat est obligatoirement consulté sur les
projets de loi avant leur adoption en Conseil des Ministres et leur dépôt au bureau
de l’Assemblée Populaire Nationale (APN) par le Premier Ministre, conformément
à l’article 143 alinéa 2 de la Constitution.

En outre, le gouvernement dispose de la faculté de recueillir de sa propre


initiative l’avis du Conseil d’Etat sur tout projet de texte ou sur toute difficulté
s’élevant en matière administrative.

Enfin, le Conseil d’Etat réalise des études sur la demande du Premier Ministre ou
de sa propre initiative sur des questions d’intérêt national.

B. Les attributions contentieuses

Ayant remplacé l’ancienne chambre administrative de la Cour suprême, au cours


de toute la période où prévalait l’unicité de l’ordre juridictionnel, le Conseil d’Etat
a vu ses attributions modifiées par la création successive des tribunaux
administratifs.

L’état actuel du droit présente une certaine complexité.

1°/ Le Conseil d’Etat ne reste juge en premier et dernier ressort que pour un nombre
restreint de questions depuis la réorganisation judiciaire qui a qualifié les tribunaux
administratifs juges de droit commun en premier ressort. Il s’agit notamment des
compétences suivantes :

- Les recours pour excès de pouvoir contre les décrets exécutifs ;


- Les recours pour excès de pouvoir contre les actes réglementaires des
ministres ;
- Les recours pour excès de pouvoir contre les décisions administratives des
organismes collégiaux à compétence nationale ;
- Les recours en interprétation et les recours en appréciation de légalité des
actes dont l’annulation peut être demandée directement au Conseil d’Etat
(voir article 901 du Code de procédure civile et administrative).

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2°/ Le Conseil d’Etat joue également le rôle de juge d’appel contre les jugements
et ordonnances rendus par les tribunaux administratifs (article 902 C.P.C.A).

3°/ Le Conseil d’Etat est essentiellement un juge de cassation placé au sommet de


l’ordre juridictionnel administratif.

Enfin, le Conseil d’Etat a compétence pour statuer sur les demandes d’avis,
présentées par les juges de premier ressort ; il est ainsi amené à se prononcer par
un avis sur des questions de droit nouvelles, c'est-à-dire présentant une difficulté
sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, et favorise par là l’unification de la
jurisprudence.

Section 2. Les règles de répartition des compétences à l’intérieur de la juridiction


administrative
Les règles concernant la compétence des juridictions administratives ont un
caractère d’ordre public. Ce principe vaut aussi bien pour la compétence matérielle
que pour la compétence territoriale des juridictions et s’applique à l’ensemble des
juridictions administratives.

1°/ Les parties peuvent donc invoquer, à tout moment de la procédure,


l’incompétence de la juridiction saisie et cela en première instance, en appel voire
en cassation.

Par ailleurs, le juge a l’obligation de soulever d’office son incompétence ou celle


du juge qui a précédemment statué ; sauf lorsqu’un texte exprès le prévoit, il ne
peut être dérogé à ces règles par les parties par voie d’accord.

La préoccupation d’une bonne administration de la justice peut justifier


cependant des aménagements de la compétence des juridictions. Ainsi, le juge
compétent pour statuer sur la demande principale l’est-il également sur toutes les
demandes incidentes liées au recours principal, quand bien même elles
relèveraient à titre principal de la compétence territoriale d’une autre juridiction ;
ce principe est connu sous l’adage « le juge du principal est le juge de l’incident ».

D’autre part, le juge compétent pour statuer sur le recours principal l’est
également pour connaître des exceptions relevant de la compétence d’une autre
juridiction administrative. Cela est exprimé par l’adage « le juge de l’action est le
juge de l’exception ». Ce principe interdit les questions préjudicielles au sein de

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l’ordre administratif. Il n’en va autrement que lorsque la question soulevée
présentant une difficulté sérieuse est de la compétence du juge judiciaire.

Enfin, la bonne administration de la justice justifie que soit prise en compte la


connexité existant entre plusieurs demandes. Ainsi, lorsque la solution d’un litige
dépend directement et nécessairement de la solution apportée à une autre
demande, la juridiction qui n’était pas normalement compétente pour connaître
de la totalité des demandes relatives à un litige pourra cependant les examiner
dans leur ensemble.

2°/ La compétence territoriale des tribunaux administratifs est régie par un principe
général : le tribunal administratif territorialement compétent est en principe celui
dans le ressort duquel l’autorité qui a pris la décision attaquée ou signé le contrat
litigieux a également le siège de son activité.

S’agissant des cours administratives d’appel, la cour est compétente à l’égard


des jugements des tribunaux administratifs situés dans son ressort.

La répartition des compétences à l’intérieur de l’ordre administratif présentant


une certaine complexité, il a été institué une procédure de règlement des questions
de compétence au sein de l’ordre administratif. Celle-ci interdit aux juridictions
administratives de rendre des décisions d’incompétence au motif qu’une autre
juridiction administrative serait compétente.

L’erreur commise dans la saisine de la juridiction doit être corrigée sans qu’il soit
besoin pour le requérant de la demander.

Sur renvoi de la juridiction, le président de la section du contentieux du Conseil


d’Etat désigne la juridiction compétente par une ordonnance non motivée et
insusceptible de recours.

Concernant la compétence matérielle d’attribution (affaire relevant soit de la


juridiction judiciaire soit de la juridiction administrative), c’est le Tribunal des
conflits institué par l’article 179 alinéa 4 de la Constitution qui réglera le différend
(conflit) de compétence entre les deux ordres juridictionnels.

P a g e | 73
CHAPITRE II. LA PROCEDURE CONTENTIEUSE ADMINISTRATIVE

Les différentes étapes de la procédure contentieuse administrative seront


étudiées dans leur ordre logique, avec l’introduction des recours (section 1), puis
le déroulement de l’instance (section 2), une attention toute particulière devant
être portée aux mesures d’urgence (section 3), enfin la question de la portée et de
l’exécution des décisions juridictionnelles (section 4) et les voies de recours (section
5).

Section 1 : L’introduction des recours


Les règles tenant à la présentation de la requête (§1) et à la capacité et l’intérêt
à agir du requérant (§2) sont d’autant plus importantes que les règles de
recevabilité ont un caractère d’ordre public (§3) et que l’un des traits
caractéristiques du contentieux administratif est le grand nombre de rejets fondés
sur l’irrecevabilité des requêtes, sans même qu’elles aient été examinées au fond.

§ 1. Les règles tenant à la présentation de la requête

Les règles de procédure applicables devant les différentes juridictions


administratives n’ont pas été regroupées dans un texte unique mais sont similaires.

1°) La rédaction du recours en langue arabe est une condition de sa recevabilité :

elle constitue une règle générale de procédure.

2°) La requête doit contenir l’exposé des faits et moyens : en cas de non-respect
de cette exigence, la requête peut être régularisée, mais seulement dans le délai
du recours lui-même.

Pour éviter de nombreuses irrecevabilités, la jurisprudence fait cependant


preuve d’une certaine souplesse : l’exposé peut être seulement sommaire et
complété par la suite par un mémoire complémentaire.

3°) La recevabilité de la requête est subordonnée au paiement d’un droit de


timbre : ce droit met fin au principe de gratuité pour l’accès à la justice.

4°) La requête doit être accompagnée de la décision attaquée ou de la pièce


justifiant du dépôt d’une demande lorsque c’est une décision implicite de rejet qui

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est attaquée : cette exigence est le corollaire de la « règle de la décision
préalable », qui veut que, même en matière de responsabilité par exemple, les
justiciables ne puissent saisir la juridiction administrative qu’après s’être
préalablement adressés à l’administration et s’être heurtés à son refus, explicite ou
implicite.

Doivent également être jointes à la requête toutes les pièces justificatives


venant à l’appui de l’argumentation développée dans le mémoire. La requête et
l’ensemble de ces pièces doivent être déposés au greffe de la juridiction en un
nombre égal à celui des autres parties au procès.

5°) La requête n’est recevable que si elle est déposée dans le délai du recours : le
principe est que toute demande adressée à une autorité administrative fait l’objet
d’un accusé de réception qui doit comporter la mention de la date de réception de
la demande. C’est à partir de là que commence à courir le délai de deux mois pour
agir.

Le délai peut être prorogé par l’exercice d’un recours administratif, à condition
que celui-ci ait été lui-même exercé dans le délai de deux mois.

Il peut s’agir d’un recours hiérarchique, adressé à l’autorité hiérarchiquement


supérieure par rapport à l’auteur de l’acte, ou d’un recours gracieux, adressé à
l’auteur de l’acte lui-même. Le délai du recours contentieux court alors de nouveau
dés l’intervention d’une décision, expresse ou implicite, sur ce recours
administratif.

Le requérant est forclos, s’il a laissé expirer le délai du recours contentieux sans
déposer son recours. Il ne sera plus recevable à exercer de recours ni contre la
décision concernée, ni contre aucune décision confirmative ultérieure.

En revanche, si un recours a été exercé dans le délai du recours contentieux,


l’expiration du délai conduit à la fixation définitive du cadre de l’instance ; le
contenu de la demande est alors définitivement fixé et le requérant est irrecevable
à ajouter une demande nouvelle à sa requête initiale, dés lors que cette demande
nouvelle serait formulée après l’expiration du délai initial du recours contentieux.

§ 2. Les règles tenant au requérant

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Pour être recevable à agir devant la juridiction administrative, trois conditions
cumulatives doivent être réunies.

1°/ Le requérant doit, tout d’abord, disposer de la capacité d’agir en justice. Pour
les personnes physiques, cette capacité est régie par les dispositions du droit civil.
Pour les personnes morales, la capacité est subordonnée à la possession de la
personnalité juridique (morale). Un service non doté d’une personnalité morale
autonome ne peut donc pas déposer un recours.

2°/ Le requérant doit justifier qu’il est bien mandaté pour agir. Cette condition
s’applique essentiellement au mandataire d’une personne morale, qui doit
démontrer qu’il a bien été habilité pour agir en justice.

Devant le Conseil d’Etat, le ministère d’avocat est obligatoire.

3°/ Le requérant doit démontrer son intérêt à agir. Le requérant est recevable pour
agir dés lors qu’il a un intérêt personnel, que celui-ci soit matériel ou moral,
individuel ou collectif. Cet intérêt doit être légitime, c'est-à-dire que son intérêt
doit être directement lésé par la décision qu’il attaque.

§3. Le caractère d’ordre public des règles de recevabilité

Les règles de recevabilité des recours sont d’ordre public, l’irrecevabilité des
recours pouvant donc être invoquée à tout moment et même d’office par le juge.

Cependant, certaines possibilités de régularisation admises par la jurisprudence


feront que le requérant pourra signer par exemple son mémoire après son dépôt
ou produire en cours d’instance le mandat habilitant la personne à le représenter.

Section 2 : Le déroulement de l’instance


C’est dans le cadre fixé par les conclusions et moyens des parties (§1) que se
déroulera l’instruction (§2), qui permettra, le cas échéant, de faire elle-même
apparaître de nouveaux éléments de fait par rapport à ceux indiqués par les parties.

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§ 1. La définition du cadre de l’instance

Le déroulement de l’instance devant le juge administratif est marqué, comme


en matière civile, par le principe de l’immutabilité du litige. Les parties fixent en
effet le cadre du procès par les conclusions et les moyens qu’elles présentent au
juge.

Les conclusions sont présentées par chacune des parties, demandeurs et


défendeurs, dans leurs mémoires respectifs. Elles contiennent l’exposé de la
demande de chaque partie, qui doit être précise, exacte et chiffrée lorsqu’elle a
pour objet une revendication pécuniaire.

Les moyens de fait sont aussi importants que les moyens de droit puisque
l’application du droit dépend généralement de l’appréciation opérée sur les faits
de l’espèce. Le rappel précis et circonstancié des faits est donc un élément essentiel
du mémoire produit par les parties.

S’agissant des moyens de droit, la jurisprudence distingue entre les moyens de


« légalité externe », qui visent l’incompétence, le vice de procédure ou le vice de
forme, et les moyens de « légalité interne », qui visent les motifs de l’acte ou le
détournement de pouvoir. Cette distinction entre les deux branches de la légalité
est importante car le requérant ne peut invoquer au cours de l’instance que les
moyens qui se rattachent aux mêmes « causes juridiques » que ceux qu’il a
soulevés dans le délai du recours. Les moyens qui ne se rattacheraient pas à la
même cause juridique sont assimilés à des demandes nouvelles et sont donc
irrecevables.

Les moyens d’ordre public peuvent être invoqués à tout moment de l’instance
et à chaque étape de la procédure, de la première instance à la cassation. Ils
peuvent également être soulevés d’office par le juge.

§2. Le déroulement de l’instruction

Toute affaire soumise au juge administratif doit être mise en état d’être jugée.
Le principe de l’obligation d’instruire constitue une formalité essentielle qui
s’impose à toutes juridictions. Le rapporteur en charge du dossier, désigné par le
président de la juridiction, fixe les délais impartis tant au demandeur qu’au
défendeur pour produire leurs mémoires en veillant à respecter un juste équilibre
pour le respect du principe du contradictoire.

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En vue de l’audience, le rapporteur retrace, dans un rapport écrit, les
conclusions et moyens des parties, les questions de droit en cause et rappelle les
textes en vigueur. Enfin, le commissaire du gouvernement expose à la
juridiction les questions soulevées par le litige et développe, en toute
indépendance, ses conclusions sur les circonstances de fait et les règles de droit
applicables en proposant une solution au litige.

Le déroulement de l’instance fait apparaître, en fin de compte, deux


caractéristiques majeures de la procédure administrative contentieuse. Celle-ci est
essentiellement écrite, les observations orales des parties n’ayant qu’une place
limitée. Elle a un caractère inquisitorial : les parties s’adressent en effet au juge, et
non à leurs adversaires comme en matière civile, et c’est à lui qu’il appartient de
diriger l’instruction.

Section 3. Les mesures d’urgence


Le caractère non suspensif des recours dans le contentieux administratif et la
durée, souvent trop longue, des instances devant les juridictions administratives
rendent indispensables, pour l’effectivité même du contrôle juridictionnel de
l’administration, que puissent être obtenues des mesures provisoires dans
l’attente du règlement au fond du litige. Il s’agit du constat d’urgence (§1) et des
référés administratifs (§2).

§ 1 - Le constat d’urgence

Dans le cadre de cette procédure, le juge désigne un expert pour constater des
faits sans délai. L’expert est chargé de décrire une situation concrète en s’en tenant
à un constat purement matériel et sans procéder à aucune appréciation juridique.
Pour obtenir la désignation de l’expert, le requérant devra démontrer la réalité de
l’urgence d’un tel constat au vu des circonstances de l’espèce.

Le juge du constat d’urgence ne peut être saisi de demandes portant sur des
pouvoirs qu’il n’a pas ou ne se reconnaît pas. Par exemple, il ne pourra prononcer
des injonctions à l’encontre de l’administration.

§ 2 – Les référés administratifs

Dans le cadre des référés administratifs, les requérants ne peuvent espérer


obtenir du juge administratif des référés que le prononcé d’une mesure

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d’instruction, le versement d’une provision ou toute autre mesure conservatoire
ne faisant pas obstacle à l’exécution d’une décision administrative.

La portée de la procédure de référé est cependant limitée car la demande ne


sera accueillie que si quatre conditions sont réunies :

- La mise en œuvre de ces mesures doit être urgente ;


- La prescription de ces mesures doit être utile ;
- La mesure ne doit pas faire obstacle à l’exécution d’une décision
administrative ;
- Le juge des référés ne peut ordonner de mesures qui « préjudicieraient à
l’affaire au principal », c’est-à-dire que le conduiraient à trancher des
questions relevant du juge du fond.

Section 4 : La portée et l’exécution des décisions juridictionnelles


Pour l’effectivité d’un Etat de droit, il ne suffit pas que des jugements puissent
être obtenus. Encore faut-il que ces jugements soient exécutés et ce dans un délai
raisonnable.

Le juge est tenu de statuer sur le litige qui lui est soumis mais seulement dans
les limites des conclusions des parties. L’intervention du jugement entraîne
normalement le dessaisissement de la juridiction. La notification aux parties de la
décision juridictionnelle rend celle-ci exécutoire et fait courir les délais des recours
éventuellement ouverts contre cette décision juridictionnelle.

La chose jugée doit être exécutée par l’ensemble des parties. Le juge
administratif peut prononcer des injonctions à l’égard de l’administration en vue
de l’exécution de la chose jugée.

Section 5 : Les voies de recours


Elles sont diverses.

§ 1 - L’appel

Les appels sont portés, pour l’essentiel, devant une chambre du Conseil d’Etat
qui conserve une certaine compétence en la matière.

Dans les domaines où il existe une voie d’appel, celui-ci est ouvert à toutes les
parties à l’instance de premier ressort, dans un délai de deux mois à compter de la

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notification du jugement ; ce délai est ramené à quinze jours pour ce qui concerne
les ordonnances de référé (article 950 CPCA).

De par l’effet dévolutif de l’appel, le juge d’appel est compétent non seulement
pour apprécier la validité de la solution adoptée par le juge ayant statué en premier
ressort, mais aussi pour se prononcer lui-même sur l’ensemble des moyens et
conclusions qui avaient été présentés en premier ressort et sur lesquels il n’a pas
été statué par le premier juge.

§ 2 – Le pourvoi en cassation

Le délai pour se pourvoir en cassation est de deux mois, à compter de la


signification de la décision dont pourvoi (article 956 CPCA).

Outre les moyens tirés de l’irrégularité même de la décision juridictionnelle


attaquée, seuls les moyens développés devant le juge du fond peuvent être
invoqués devant le juge de cassation. Les moyens non repris en appel ne sont pas
recevables en cassation. Les moyens d’ordre public peuvent cependant être
présentés pour la première fois en cassation ou relevés même d’office par le juge
du pourvoi.

Si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie, le Conseil d’Etat


peut décider de régler lui-même le litige au fond. Il statue alors dans les conditions
qui auraient été celles du juge de renvoi, c’est-à-dire avec une plénitude de
pouvoirs pour rejuger l’affaire.

§ 3 - Les autres voies de recours

L’opposition (article 953 CPCA) est une voie de recours ouverte contre les
décisions rendues par défaut, c'est-à-dire sans que l’une des parties à l’instance ait
présenté d’observations sur la requête.

Elle doit être formée dans le délai d’un mois, à compter de la date de
signification de la décision rendue par défaut.

La tierce opposition (article 960 CPCA) est une voie de recours permettant à un
tiers à l’instance, dont les droits ont été atteints par une décision juridictionnelle,
de contester le bien fondé de cette décision.

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Le recours en rétractation (article 966 CPCA) peut être exercé devant le Conseil
d’Etat, lorsque la décision juridictionnelle a été rendue sur le fondement d’un faux,
ou si la partie au procès a été condamnée faute d’avoir produit une pièce décisive
retenue par son adversaire.

Le recours en rectification d’erreur matérielle (article 964 CPCA) tend à corriger


de simples erreurs de plume (date par exemple). Il doit être introduit dans le délai
de deux mois à compter de la signification de la décision entachée de l’erreur.

Le recours en interprétation (article 965 CPCA) est également prévu dans les
formes du droit commun, en ce sens qu’il appartient, aux termes de l’article 285
du CPCA, à la juridiction qui a rendu la décision « d’en faire l’interprétation en vue
d’en déterminer le sens ou d’en préciser le contenu ».

§ 4 – Le recours pour excès de pouvoir

Le recours pour excès de pouvoir est une demande adressée au juge tendant à
l’annulation d’un acte administratif. Il est ouvert de plein droit contre tous les actes
faisant grief. Il tient donc une place particulièrement importante dans le
contentieux administratif.

A. Les cas d’ouverture du recours

Une distinction bipartite, opposant la légalité externe et la légalité interne de


l’acte a été consacrée par la jurisprudence.

1°/ La légalité externe de l’acte

Les moyens de légalité externe sont l’incompétence, le vice de procédure et le


vice de forme.

a/ L’incompétence : c’est un moyen d’ordre public susceptible d’être invoqué par


les parties à tout moment de la procédure, voire d’office par le juge.

L’incompétence peut être matérielle ou territoriale.

b/ Le vice de procédure : la violation des « formes substantielles » entraîne la nullité


de l’acte.

P a g e | 81
c/ Le vice de forme : les annulations pour vice de forme sont peu fréquentes, le juge
administratif cherchant à éviter d’imposer à l’administration un formalisme qui
serait susceptible d’entraver son action.

2°/ La légalité interne

Tous les vices de légalité susceptibles d’être sanctionnés par la voie du recours
pour excès de pouvoir constituent des violations de la loi au sens large, puisque
toute prescription découle d’un texte ou d’une norme jurisprudentielle. L’autorité
administrative peut cependant commettre une illégalité du fait d’une erreur non
pas seulement sur le droit applicable (erreur de droit), mais aussi sur les faits qui la
conduisent à prendre telle ou telle décision (erreur dans la qualification juridique
des faits). Il se peut aussi que l’illégalité résulte du fait que l’autorité a poursuivi un
but autre que celui pour lequel telle ou telle compétence lui a été conférée
(détournement de pouvoir).

B. L’étendue du contrôle du juge

La distinction du pouvoir discrétionnaire et de la compétence liée commande la


distinction entre contrôle restreint et contrôle normal.

Une autorité administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire, nous l’avons


déjà vu, lorsqu’elle a la faculté de choisir entre plusieurs décisions, qui sont toutes
conformes à la légalité. Elle reste donc libre d’apprécier en opportunité, en fonction
des circonstances, la solution qui lui paraît la mieux adaptée à la situation.

L’administration est en revanche en situation de compétence liée, lorsqu’elle


doit adopter une décision ou un comportement qui est le seul possible en vertu de
la légalité. Ainsi, en ne prenant pas cette décision, l’administration violerait le droit
en vigueur.

Lorsque l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire, elle peut donc


choisir en opportunité la décision qui lui apparaît la mieux adaptée et le contrôle
du juge sera alors « restreint ».

En certaines matières, le juge administratif est passé d’un contrôle restreint,


limité à l’erreur manifeste d’appréciation, à un contrôle normal, dans lequel il est
procédé au contrôle de l’appréciation des faits dans toute sa plénitude.

§ 5 - Le recours de plein contentieux

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Le contentieux de pleine juridiction (ou « plein contentieux ») regroupe une
grande diversité de recours, qui ont cependant pour point commun l’étendue des
pouvoirs reconnus au juge. Celui-ci peut alors non seulement annuler un acte, mais
également modifier ou réformer la décision contestée.

Dans le cadre de ses pouvoirs de pleine juridiction, le juge peut d’autre part
prononcer des condamnations pécuniaires en obligeant, par exemple,
l’administration à réparer les conséquences d’une faute qu’elle a commise.

CHAPITRE III. LES CARACTERES GENERAUX DE LA RESPONSABILITE PUBLIQUE

L’administration doit répondre des actes préjudiciables commis par ses agents
et réparer financièrement les atteintes subies par la victime, comme dans le cadre
de l’article 124 du code civil.

Cet engagement de la responsabilité administrative s’effectue soit sur le


fondement d’un régime de responsabilité pour faute, soit sur le fondement d’un
régime de responsabilité sans faute.

Section 1 : La responsabilité pour faute


Il est important tout d’abord de déterminer si l’agent, représentant l’Etat, a
commis une faute de service engageant l’administration ou une faute personnelle.

§ 1 – La distinction entre faute de service et faute personnelle

A. La faute personnelle

Elle est souvent qualifiée de « détachable », en ce sens qu’elle doit se détacher


suffisamment du service pour que le juge judiciaire puisse la constater et en tirer
les conséquences sans porter une appréciation sur le fonctionnement même de
l’administration.

Elle peut se détacher du service matériellement : c’est le cas des fautes


commises en dehors du service et sans lien avec celui-ci.

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Elle peut également s’en détacher psychologiquement : la faute, même
commise à l’occasion du service, sera considérée comme « détachable »,
lorsqu’elle a été accomplie pour des mobiles personnels, tel le désir de vengeance.

B. La faute de service

Elle n’est pas nécessairement une faute anonyme. Cependant, même lorsqu’il
est possible d’identifier les agents de l’administration à l’origine d’une défaillance
dans son fonctionnement, la faute n’en reste pas moins une faute de service.

Il y a faute de service si l’acte dommageable est impersonnel.

La faute de service peut naturellement résulter aussi d’une carence ou d’une


mauvaise organisation du service, telle qu’aucun fonctionnaire n’est directement à
l’origine des faits qui n’en restent pas moins dommageables.

La faute ne peut ouvrir droit à réparation que si elle a entraîné un préjudice qui
en est la conséquence directe : l’existence d’une faute, la survenance du préjudice
et le lien de causalité entre les deux sont les trois éléments constitutifs, d’une façon
classique, de la responsabilité civile.

Toutefois, la mise en œuvre de la responsabilité pour faute suppose que soit


rapportée la preuve de cette faute.

§ 2 - La preuve de la faute

Sauf exception, la victime a la charge de la preuve de la faute qu’elle invoque.


Elle peut cependant être aidée, dans cette démonstration de la faute, par les
mesures d’instruction susceptibles d’être ordonnées par le juge.

Cependant, dans certaines hypothèses, des présomptions de faute ont été


instituées, qui ont pour effet de renverser la charge de la preuve, puisqu’il
appartiendra à l’administration de prouver qu’aucune faute ne lui est imputable.
Le régime de la responsabilité présumée se rapproche certes de celui de la
responsabilité sans faute (voir infra), en ce sens que la victime n’a pas à établir la
preuve de la faute imputable à l’administration, mais il s’en différencie néanmoins
dès lors que la présomption de faute n’est pas irréfragable (absolue) et que
l’administration peut donc échapper à toute responsabilité en démontrant qu’elle
n’a commis aucune faute.

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Les deux principales hypothèses de présomption de faute concernent les
dommages subis par les usagers des ouvrages publics et ceux subis par les
personnes en traitement dans les hôpitaux publics.

Section 2 : La responsabilité sans faute


L’idée que l’action administrative peut être de nature à faire courir des risques
particuliers à certains et que la collectivité doit assumer ces risques dans
l’hypothèse où ils se concrétisent en un préjudice subi par tel ou tel, a conduit la
jurisprudence à admettre une obligation de réparer à la charge de l’Etat dans
certaines circonstances, même si l’administration n’a commis aucune faute.

§ 1 - La responsabilité pour risque

Le principe de la responsabilité pour risque, susceptible d’être engagée même


sans faute de l’administration, a été consacré tant à l’égard des collaborateurs du
service public, qu’à l’égard des victimes de dommages de travaux publics et de
dommages causés par les choses et les activités dangereuses.

A. La responsabilité à l’égard des collaborateurs du service public

Un droit à réparation est ouvert, à certaines conditions, à toute personne qui a


participé à l’exécution d’un service public et a subi un dommage à cette occasion.

La collaboration au service public peut résulter non seulement d’une réquisition


par l’autorité publique, mais aussi d’une initiative personnelle qui s’est, par
exemple, portée au secours d’autrui alors que l’urgence justifiait son intervention
immédiate.

La collaboration au service public doit avoir été cependant effective et justifiée.

B. La responsabilité à l’égard des victimes de dommages accidentels de


travaux publics

Une responsabilité sans faute du fait du risque généré par l’ouvrage ou les
travaux n’est consacrée qu’à l’égard des tiers par rapport à l’ouvrage ou aux
travaux publics. Pour les usagers des ouvrages publics, le régime de responsabilité
reste en effet fondé sur la faute mais a été aménagé par un système de
présomption de faute (voir supra). C’est à l’administration qu’il appartiendra en
effet de prouver l’absence de tout défaut d’entretien normal de l’ouvrage ou de
toute autre faute commise dans l’exécution des travaux.

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A l’égard des tiers, à l’inverse, la personne publique ne peut s’exonérer de sa
responsabilité en démontrant l’absence de faute. Seule la faute de la victime ou la
force majeure seront susceptibles d’atténuer ou de faire disparaitre sa
responsabilité.

Enfin, même les usagers, comme les tiers, peuvent bénéficier d’un régime de
responsabilité sans faute, du fait des dommages causés par les choses et les
activités dangereuses : par exemple, victimes de balles perdues lors d’une
opération de police.

Sur le plan pénal, le principe de la responsabilité pénale des personnes morales


de droit privé (sociétés commerciales notamment) s’applique également aux
personnes morales de droit public, autres que l’Etat et les collectivités publiques,
sauf que des peines telle la dissolution de la personne morale ou l’interdiction de
certaines activités sont exclues pour les personnes publiques. Celles-ci ne
pourraient se voir infliger que des amendes ou des peines telles que la confiscation
de la chose ayant servi à la commission de l’infraction.

Quant aux agents publics, en tant que personnes physiques, ils encourent,
comme toute autre personne, des sanctions pénales lorsque leur responsabilité
pénale qui est personnelle (principe de la personnalité consacré par la Constitution)
est engagée, après la commission d’actes répréhensibles entrant dans la définition
d’infractions, conformément au principe de la légalité des infractions et des peines.
Les articles 119 et suivants du code pénal leur sont directement applicables. La
qualité de fonctionnaire ou d’agent public est d’ailleurs une circonstance
aggravante.

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