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LE PAYS BASQUE

Jean-Baptiste COYOS • Jasone SALABERRA FULDAIN

Ouvrage dirigé par Jean-Joseph Julaud


Note à l’attention des lecteurs
La présente édition de l’ouvrage Le Pays basque pour les Nuls constitue
une nouvelle édition abrégée de l’ouvrage d’origine paru dans la collection
« pour les Nuls » en novembre 2011. Ont été retirés de l’édition poche les
chapitres suivants : « Dix Basques célèbres », « Dix artistes basques »,
« Dix produits et animaux emblématiques » et « Dix recettes basques »
(Partie des Dix). Vous pouvez retrouver l’intégralité du texte de Jean-
Baptiste Coyos et Jasone Salaberria-Fuldain dans la première édition de Le
Pays basque pour les Nuls parue en grand format.

Le Pays basque pour les Nuls

« Pour les Nuls » est une marque déposée de John Wiley & Sons, Inc.
« For Dummies » est une marque déposée de John Wiley & Sons, Inc.

© Éditions First, un département d’Édi8, 2016. Publié en accord avec John


Wiley & Sons, Inc.
Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à
l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à
titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre est strictement
interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et
suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit
de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les
juridictions civiles ou pénales.
ISBN : 978-2-7540-8510-6
ISBN Numérique : 9782754089517
Dépôt légal : avril 2016

Édition : Lisa Marie


Mise en page : Soft Office
Illustrations : Marc Chalvin
Éditions First, un département d’Édi8
12, avenue d’Italie
75013 Paris – France
Tél. : 01 44 16 09 00
Fax : 01 44 16 09 01
E-mail : firstinfo@efirst.com
Internet : www.pourlesnuls.fr

Ce livre numérique a été converti initialement au format EPUB par Isako


www.isako.com à partir de l'édition papier du même ouvrage.
Remerciements
Nous tenons à adresser nos remerciements à toutes les personnes
qui nous ont aidés, soutenus, encouragés dans la rédaction de cet
ouvrage.
En premier lieu à Jean-Joseph Julaud, directeur de collection, et
à Karine Bailly, directrice éditoriale des éditions First. Leur
enthousiasme communicatif, leur sens de la rigueur, leur souci
constant du plaisir du lecteur nous ont éclairés et stimulés durant
toute la rédaction de ce livre.
Nos remerciements vont également à tous ces passionnés du
Pays basque, érudits, amateurs éclairés, chercheurs universitaires
qui ont travaillé et travaillent à comprendre, à expliquer sa
langue, sa population, sa culture, sa géographie, sa faune et sa
flore, ses spécificités économiques ou sociales. Nous mettons
largement à profit dans les lignes qui suivent leurs
connaissances, leurs découvertes, leurs hypothèses, ceci bien sûr
de la façon la plus agréable possible.
Nous remercions aussi les euskaltzale (tous ceux qui travaillent
en faveur de la langue basque), l’amatxi, la grand-mère,
jusqu’au petit enfant de l’ama-eskola, la maternelle, qui
transmettent et transmettront la langue, les associations
culturelles, artistiques, gastronomiques, sportives, et elles sont
nombreuses, qui font vivre et forgent l’identité de ce territoire.
Nous avons aussi bénéficié de tout leur savoir-faire, de leur
engagement désintéressé, de leur générosité.
Il serait difficile de citer toutes les personnes qui nous ont
conseillés et les auteurs qui ont contribué à alimenter ce travail.
Qu’ils en soient remerciés.
Introduction

L esOnBasques aiment bien dire que leur peuple est très ancien.
raconte qu’un jour un noble s’adressa à un Basque en lui
disant : « Moi, monsieur, mes ancêtres directs remontent au XIIIe
siècle. » Le Basque lui aurait répondu : « Moi, monsieur, je ne
remonte pas. » Bien sûr cette anecdote mérite d’être étayée et
nous nous y emploierons. Ce qui est sûr, c’est que l’un et l’autre
partageaient l’importance de la transmission du patrimoine
familial puisque jusqu’à il y a peu au Pays basque, la maison,
etxea, et ses dépendances étaient remises à l’aîné(e) de la fratrie,
fille ou garçon, afin que le patrimoine familial ne soit pas
dispersé. C’est ainsi que l’on a encore à l’heure actuelle de
nombreuses maisons à la campagne dont le nom était mentionné
déjà à la fin du Moyen Âge.
Une autre caractéristique très importante à noter concernant les
Basques, c’est leur langue. Elle est très ancienne, on en est sûr,
même si on a du mal à dater son apparition, nous en reparlerons.
Et leur attachement à celle-ci. Victor Hugo, suite à sa visite
en 1843 du Pays basque, écrivit dans En voyage, Alpes et
Pyrénées : « On naît basque, on parle basque, on vit basque et on
meurt basque. »
Le territoire, entre Pyrénées et Océan, a de tout temps été un lieu
de passage et certains ont pu y laisser leurs traces. Mais ceci n’a
pas altéré l’attachement des habitants à leur pays. Roland en sait
quelque chose si l’on peut dire. En effet, c’est au col d’Ibañeta,
sur la voie romaine qui allait de Roncevaux à Bordeaux que
l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne, qui venait
d’incendier Pampelune la capitale du royaume de Navarre
(Iruñea), tomba dans une embuscade tendue par les Vascons et
non les Maures. Elle était commandée par le comte Roland.
Le Pays basque, c’est aussi une terre, une nature superbe, encore
plutôt bien préservée, très variée, où mer et montagne se
rencontrent pour se confondre. Victor Hugo, toujours lui,
observait : « Je ne sache pas d’endroit plus charmant et plus
magnifique que Biarritz. » C’est à cette époque que démarre
d’une certaine façon ce que l’on appellera plus tard le tourisme
international, avec des visiteurs prestigieux venus goûter aux
bains de mer et aux charmes de la nature.
Si la montagne porte les traces d’une habitation très ancienne et
si la pratique de la transhumance est un vestige bien vivant, la
mer a aussi été et est toujours un domaine où les Basques
excellent. Savez-vous que c’est Juan Sebastián Elcano, natif de
Getaria en Guipúzcoa, qui ramena à Séville les derniers
survivants de l’expédition de Magellan, bouclant ainsi le premier
tour du monde ?
À cheval sur les Pyrénées, partagé entre deux États mais aussi
les rapprochant, comme lors du mariage de Louis XIV avec
l’infante Marie-Thérèse d’Espagne en 1660 à Saint-Jean-de-Luz,
ce territoire a toujours su garder une forme d’indépendance,
mariant tradition, audace parfois et le goût du travail.
Notre souhait, au-delà des clichés, des stéréotypes du béret, du
jambon, de la partie de pelote et des bombes d’ETA qui se sont
peut-être d’ailleurs définitivement tues, c’est de vous faire
découvrir ou apprécier encore plus si vous y vivez, le pays des
Euskaldun, « ceux qui parlent le basque », qu’ils appellent
Euskal Herria.
C’est à la découverte de ces Basques et de leur pays que nous
vous invitons.

À propos de ce livre
Cette découverte, nous pourrions la faire sous la forme d’une
publication universitaire, très argumentée au plan scientifique,
mais qui risquerait de vous lasser au bout de quelques pages. Ou
alors nous pourrions vous proposer un ouvrage plus léger, à la
manière des guides touristiques comme il en existe
suffisamment. Mais Le Pays basque pour les Nuls n’est ni l’un
ni l’autre. Il s’agit ici de faire la découverte, tout en se
distrayant, d’une région et d’une population particulièrement
originales.
Nous vous emmènerons sur les pas des pèlerins de Saint-
Jacques-de-Compostelle dont les chemins confluaient vers le
Pays basque et dont nous avons certains témoignages datant du
Moyen Âge. Nous vous ferons assister à une course de traînières
dans la baie de Saint-Sébastien avant d’aller déguster quelques
pintxos, tapas dans le reste de l’Espagne, accompagnés d’un
verre de txakolin (blanc sec légèrement pétillant produit autour
de Getaria) ou d’un verre de rioja qui risque de vous faire
oublier le bordeaux ou le bourgogne que vous connaissez. Oui,
chez les Basques, la gastronomie c’est quelque chose de très
important et plusieurs chefs cuisiniers figurent parmi les
meilleurs au monde.
Ensuite, soit nous irons admirer les falaises plongeant dans
l’Océan le long de la corniche en partant de Ciboure, la patrie de
Maurice Ravel, soit nous irons tout simplement visiter le musée
Guggenheim à Bilbao, la capitale économique et financière.
Et finalement, sans trop savoir comment, nous nous retrouverons
sur une petite place entre le fronton et l’église à essayer de
fredonner un chant inconnu, repris par le public, que des voix
puissantes font retentir dans le calme de la nuit tombante. Mais
ne serions-nous pas en pleine image d’Épinal comme dans le
célèbre roman Ramuntcho que Pierre Loti publia en 1892 ? C’est
justement ce que nous allons vous aider à dépasser grâce à ce
Pays basque pour les Nuls.
Comment ce livre est organisé
Le livre est construit pour permettre à chacun d’aller au-delà de
ses premières impressions, de comprendre pourquoi ce territoire,
cette population a su au cours d’une histoire de plusieurs milliers
d’années se forger une identité si remarquable. Nous avons
distribué de chapitre en chapitre – vingt-trois au total répartis en
six grandes parties – les nombreuses clés qui vous permettront
de pénétrer dans les différents aspects de la réalité basque.
L’ouvrage peut se lire dans l’ordre des parties et des chapitres.
On peut aussi s’y promener et faire son choix d’articles, comme
on fait ses emplettes dans un marché entre légumes frais du
jardin, fromage de brebis manech tête noire, piment d’Espelette,
vin d’Irouléguy, chocolat de Bayonne et dorade royale ramenée
à Saint-Jean-de-Luz.

Première partie : Une longue, longue


histoire !
Faut-il voir la langue basque comme le prolongement des parlers
des premières populations du continent européen installées il y
a 35 000 ou 40 000 ans, comme le proposent certains
géogénéticiens tel Cavalli-Sforza ? Pourquoi le royaume de
Navarre qui réunit au Moyen Âge l’ensemble des territoires
basques n’a-t-il pas survécu ? Dominique-Joseph Garat n’a-t-il
pas proposé à Napoléon Ier un projet politique de réunion des
provinces basques des deux côtés des Pyrénées dans une entité
qu’il appelait la Nouvelle Phénicie. C’est cette histoire d’une
population très ancienne, indépendante mais qui l’a été rarement
administrativement, que nous vous proposons de découvrir.

Seconde partie : Une forte identité, le


Basque a du caractère
La langue basque ou euskara est la seule langue non indo-
européenne d’Europe de l’Ouest, parlée déjà dans la région
avant les invasions indo-européennes du IIe millénaire avant
notre ère. Elle est le principal trait identitaire des Basques
puisqu’elle leur sert à se nommer, on l’a dit, euskaldun. Savez-
vous qu’ils sont à l’heure actuelle plus de 600 000 capables de
s’exprimer en basque, même si le français au nord et le castillan
au sud sont les langues dominantes ?
Un trait de caractère moins connu est leur goût de l’aventure. La
pratique de la piraterie dès le Moyen Âge en fera plus tard des
explorateurs et des corsaires. Ce sont aussi des entrepreneurs.
Ainsi plusieurs banques basques sont parmi les principales
banques d’Espagne.

Troisième partie : La culture, un


mariage réussi de tradition et de
modernité
C’est sûrement pour leur culture et leur façon de vivre que les
Basques sont le plus connus, et aussi par leur capacité à
emprunter et à adapter. N’ont-ils pas inventé leur propre sport, la
pelote basque aux multiples spécialités, issue semble-t-il de
l’ancien jeu de paume ? Comme les merveilleuses danses
souletines ont pour origine en partie les maîtres à danser de
l’armée de retour au pays (XVIIIe, XIXe siècles). Ici point de
folklore figé que l’on donne en pâture aux touristes, mais des
écoles de danses, de chants ou de bertsus (improvisation chantée
en basque) dans le moindre village et des artistes dans toutes les
disciplines, parfois de renommée mondiale.

Quatrième partie : Le Pays basque


aujourd’hui
Le Basque est laborieux et que ce soit dans l’agriculture au nord,
dans l’industrie au sud, il déploie beaucoup d’énergie. Savez-
vous que le plus grand groupe coopératif du monde est basque,
la Mondragón Cooperative Corporation, avec 256 entreprises et
entités et près de 100 000 employés ? Elle prolonge à sa façon
les usages d’entraide que les bergers transhumants, les paysans
ou les pêcheurs basques ont depuis des temps immémoriaux
pratiqués. Mais l’évolution actuelle ne se fait pas sans dégât, tant
dans le mode de vie que le patrimoine naturel. Terre d’accueil et
voie de passage étroite entre l’océan Atlantique et les Pyrénées
vers les pays du nord de l’Europe et ceux de la péninsule
Ibérique et du Maghreb, le Pays basque doit absorber un trafic
routier de plus en plus important, que le trafic par train ne
compense pas, ni celui par mer qui, lui, se développe un petit
peu.

Cinquième partie : Le tour du Pays


basque, océan et montagne réunis
Cette évocation des dures réalités de la vie quotidienne et du
travail ne va pas nous empêcher d’aller visiter les beautés
naturelles et architecturales que recèle le territoire et de goûter à
la joie communicative des fêtes basques. Et pour cela, nous vous
proposons dans cette partie de suivre les chemins de Saint-
Jacques-de-Compostelle qui, presque tous, convergeaient au
Pays basque. Ici l’énumération serait trop longue et contentons-
nous d’évoquer la baie de la Concha de Saint-Sébastien, lieu de
villégiature de la reine d’Autriche Maria Cristina au XIXe siècle,
ou Biarritz que Napoléon III et Eugénie avaient, eux, choisie.
Mais, cher lecteur, vous ne serez pas insensible non plus aux
fameuses fêtes de Pampelune ou de Bayonne ou au contraire à la
beauté sauvage des gorges de Kakoueta en Soule ou du désert
des Bardenas aux confins de la Navarre et de l’Aragon.

Sixième partie : La partie des Dix


Les lecteurs de cette collection qui aiment la « partie des Dix »
seront comblés : ils découvriront de façon ludique beaucoup
d’autres facettes du Pays basque et de ses habitants. Si tout un
chacun connaît la chistera, xistera, fameux gant en osier pour
jouer à la pelote, qui a entendu vibrer la txalaparta, percussion
constituée de madriers de bois ? Pour remonter le temps
instantanément, vous aurez le choix entre les grottes de
Santimamiñe avec leurs peintures rupestres dans un site naturel
incomparable en Biscaye et le très beau sanctuaire de Notre-
Dame d’Arantzaru en Guipúzcoa.
Bref, nous avons beaucoup de choses à découvrir ensemble et
c’est ce que nous vous proposons de faire sans plus tarder.

Septième partie : Annexe


Dans cette dernière partie, vous découvrirez quelques bonnes
adresses et événements du Pays basque. Un index de mots-clés
la complète.

Les icônes utilisées dans ce livre


Ces icônes jalonnent le texte pour vous faciliter la lecture. D’un
simple coup d’œil, vous pouvez ainsi partager une anecdote,
rencontrer un personnage ou découvrir un site naturel
remarquable.
Cette icône signale un fait curieux, une petite histoire qui vous
permettra de mieux comprendre le Pays basque ou
d’appréhender, par exemple, un trait du caractère basque.
Vous le devinez déjà, les curiosités sont nombreuses au Pays
basque, et pas seulement celles de la nature. Cette icône vous
emmène vers tout ce qu’il recèle d’extraordinaire.
Si certains pensent que le Pays basque n’a pas d’histoire, ils se
trompent. Au contraire, les millénaires qu’il a traversés offrent
des faits ou des dates riches d’enseignements.
Ici ce sont des choses très diverses que nous vous proposons
d’apprendre. En effet, même quand on croit connaître le Pays
basque, il y a toujours quelque chose que l’on ignorait. Suivez
cette icône pour le constater.
Les Basques ont été christianisés tardivement et les croyances,
les légendes anciennes n’ont pas totalement disparu. Loin de là !
Cette icône vous dévoilera par exemple pourquoi on informait
les abeilles de la ruche lors du décès d’un membre de la famille
ou qui était Mari, la divinité féminine qui symbolisait la nature.
Vous le savez grâce à cette introduction, l’euskara est pour les
Basques la langue qui les définit, qui fait qu’ils sont basques.
Nous vous proposerons tout au long de ce texte des mots, des
expressions utiles ou significatives en basque. Ils seront donnés
en italique. Ceux qui souhaitent aller plus loin pourront se
reporter à notre autre publication Le basque pour les Nuls.
Nombreux sont les personnages qui ont fait l’histoire du Pays
basque. Ils n’ont pas tous la reconnaissance qu’ils méritent.
Cette icône vous invite à les rencontrer.

Par où commencer ?
Le Pays basque pour les Nuls est donc organisé en six grandes
parties et vingt-trois chapitres. Il est donc bien sûr possible de le
parcourir en suivant le découpage proposé, en partant de son
histoire, son identité, sa culture et son art de vivre, son économie
et son organisation sociale, sa géographie jusqu’à la partie des
Dix.
On peut aussi se laisser aller au gré du hasard, comme vous le
ferez peut-être un jour au volant de votre voiture partant un peu
à l’aventure au gré des routes qui serpentent entre les collines
verdoyantes parsemées de taches blanches, les fameuses brebis
manech. Les panneaux de signalisation bilingues indiqueront
Donibane Garazi, Sohüta, Iruñea ou Etxarri-Aranatz et vous
saurez que vous êtes au pays des Basques.
Première partie
Une longue, longue histoire !
Dans cette partie…

L esmoins
Basques restent une énigme pour les historiens, du
leurs origines, puisqu’à partir de l’arrivée des
Romains on connaît beaucoup plus de choses à leur
propos.
Alors bien sûr cette énigme a donné lieu à une quantité
incroyable d’écrits, d’hypothèses, d’élucubrations de
toutes sortes.
Il en a été de même avec leur langue, l’euskara, qu’on a
voulu apparenter à des langues très diverses, souvent sur
la base de la ressemblance de quelques mots.
Vous comprendrez que puisque nous voulons vous
informer tout en vous distrayant, nous allons nous appuyer
sur les travaux scientifiques reconnus les plus récents et
vous en restituer le plus intéressant et le moins discutable.
Chapitre 1
Des origines au Moyen Âge
Dans ce chapitre :

Les premières données, avant les invasions indo-européennes

Des passagers qui laissent des traces

Les Basques indépendants ? Le royaume de Navarre

L ’existence des Basques a été signalée régulièrement au cours


des siècles par des auteurs très divers, des voyageurs, des
écrivains, des conquérants. Le Pays basque n’est pas isolé, c’est
une zone de passage le long de l’océan Atlantique au point le
plus bas des Pyrénées et depuis longtemps il a été traversé par
des personnes de toutes sortes, soldats bien sûr, pillards,
marchands, pèlerins, missionnaires… Certains s’y sont installés,
d’autres ont continué leur route. Chacun y a laissé sa trace ou
des témoignages. Dans ce chapitre nous allons donc balayer un
grand nombre de siècles, de millénaires même. C’est un
passionnant voyage dans le temps auquel nous vous invitons.

Les premières données, avant les


invasions indo-européennes
Non, nous ne vous dirons pas, comme cela a été fait, que les
Basques descendent d’Adam et Ève, de la civilisation engloutie
de l’Atlantide, des Hébreux, des Étrusques, des Phéniciens, des
Finnois, etc. Voyons plutôt ce dont nous sommes sûrs, et pour
cela nous allons nous tourner vers les scientifiques.
La parole aux archéologues et aux
historiens
L’installation de l’homme sur le territoire actuel du Pays basque
est très ancienne. Les plus vieux vestiges de la présence humaine
datent du Paléolithique ancien, de 400 000 à 120 000 ans
environ avant notre ère. Pour le Paléolithique moyen,
100 000 à 35 000 avant notre ère, une quarantaine de sites ont
été répertoriés. On trouve par exemple des vestiges du premier
Homo sapiens, celui de Néandertal, en Soule. On trouve aussi
des vestiges plus récents de l’époque charnière entre la
disparition de l’homme de Néandertal et l’apparition de
l’homme de Cro-Magnon dans les grottes d’Otsozelaia en
Basse-Navarre, soit vers 36 000/37 000 ans avant notre ère. Ils
permettent de mieux connaître le mode de vie de ces chasseurs-
cueilleurs nomades.

Les découvertes des grottes d’Isturitz et d’Otsozelaia


Ce site serait selon les spécialistes « exceptionnel en Europe ». De nombreux objets de
parure en os, coquillages, perles en ivoire y ont été découverts. Mais aussi le plus
ancien objet complet en ambre, une pendeloque de 4 cm de long. Une importante
collection de flûtes ou fragments de flûtes a pu être constituée, d’environ 25 cm avec ou
sans trous. Mixel Etxekopar, spécialiste d’une des flûtes basques, la txülüla, a même pu
les essayer !
Les fouilles ont permis de mettre au jour entre autres un atelier de travail de peaux et un
lieu d’activité de boucherie. On a décelé des traces de rites d’inhumation dans les
calottes crâniennes.

La grotte d’Isturitz divisée en deux salles mesure 115 mètres de long pour 2 500 m2 de
surface. Progressivement, en 8 000 ans tout de même, elle a été abandonnée avec le
refroidissement glaciaire.

Le territoire de ces chasseurs-cueilleurs est immense. Il allait au


minimum du nord de la Chalosse dans les Landes à la côte
cantabrique, comme en témoignent les sites biscayens comme
Santimamiñe, et à la haute vallée de l’Èbre au sud. On parle
donc de civilisation franco-cantabrique. Son aire correspond à
celle que l’on attribue aux ancêtres des Basques actuels. Mais
cette civilisation devait s’étendre plus largement, du sud de la
calotte glaciaire qui recouvrait le Massif central jusqu’au nord
de la Meseta castillane, ou en termes de fleuve au minimum de
la Garonne à l’Èbre.

Les représentations dans les grottes


On compte neuf grottes préhistoriques connues au Pays basque avec des
représentations d’animaux, de mains d’homme ou des figures géométriques. Les plus
anciennes gravures ou peintures ont 35 000 ans, les plus récentes 11 000 environ.
Selon les endroits, on trouve représentés une grande variété d’animaux, des poissons,
des bouquetins, des cerfs, des antilopes, des bisons, des renards, des loups, des
mammouths. Dans la grotte d’Ekain à Zestoa en Guipúzcoa, les chercheurs ont
dénombré 34 chevaux dessinés sur les parois.

Concernant l’agriculture, nous savons qu’elle est arrivée


tardivement en Europe de l’Ouest et sur le territoire basque
actuel, il y a moins de 6 000 ans. Ce sont les restes fossiles du
blé que l’on a pu recueillir qui le montrent : plus on va vers
l’ouest, plus ces restes de blé sont jeunes.
Avec 111 dolmens (72 en Labourd, 31 en Basse-Navarre, 8 en
Soule), le Pays basque nord actuel est la zone du Sud-Ouest la
plus riche pour ce monument. Le versant espagnol compte, lui,
près de 400 dolmens répertoriés. Ce sont les plus anciens
monuments de pierre, érigés à partir de 1200 avant notre ère. Ils
sont installés dans des lieux isolés, généralement à plus
de 1 000 mètres d’altitude, donc dans la partie orientale de la
région. On trouve aussi au Pays basque beaucoup de petits
cromlechs, cercles de pierre. Plus d’un millier, dont près de
500 uniquement pour le Pays basque nord malgré sa petite taille.
Ici encore c’est la zone la plus riche du massif pyrénéen. Enfin
les tumuli, amoncellement de pierres, plus anciens que les
cromlechs, ils accompagnaient souvent les dolmens. Toutes ces
constructions avaient une fonction funéraire.

Que nous disent les linguistes ?


On peut se demander ce que les linguistes peuvent bien nous
apprendre sur des populations aussi anciennes, dont les parlers
évidemment n’ont pu être enregistrés, et qui ne connaissaient
pas l’écriture. En effet les épigraphes, inscriptions sur la pierre,
ou celles sur des supports métalliques que l’on a découvertes
sont beaucoup plus récentes.

Une langue très ancienne


En fait, c’est par la comparaison de la langue basque avec les
langues qui l’entourent et par les méthodes de la linguistique
historique, qu’ils parviennent à nous apporter d’autres
informations. Bien sûr ces méthodes ne permettent pas de
remonter aussi loin dans le temps que celles des archéologues ou
des généticiens. Mais la plupart des chercheurs s’accordent pour
considérer le basque comme une langue pré-indo-européenne.
La langue basque, ou sa protolangue comme disent les
spécialistes, est antérieure à l’arrivée en Europe des langues
parlées par les Indo-Européens venus de l’Est, au IIe millénaire
avant notre ère. Elle constitue le seul témoin de l’état
linguistique ancien de l’Europe occidentale. Toutes les autres
langues que nous connaissons à l’heure actuelle sont issues
d’une langue que l’on a pu reconstituer, l’indo-européen, que ce
soit les langues celtiques comme le breton ou le gaulois qui a
disparu, les langues germaniques comme l’anglais ou l’allemand
ou l’ensemble des langues romanes qui entourent actuellement
le basque. Celles-ci sont toutes issues du latin. Bien sûr le
basque a depuis beaucoup emprunté aux langues avec lesquelles
il était en contact, celtique, latin, roman, gascon, castillan,
français, etc. Mais sa structure est unique. C’est une langue non
indo-européenne.

Et les généticiens ?
Un troisième groupe de chercheurs va nous permettre de
remonter plus loin dans le temps, d’en savoir un peu plus sur les
populations qui vivaient autrefois sur le territoire actuel du Pays
basque. Ce sont les généticiens.

Rhésus O négatif et chromosome Y, la


génétique en renfort
Les premières études génétiques avaient révélé l’importance des
groupes sanguins à rhésus négatif dans la population basque,
plus de 50 % de type O, soit le plus élevé en Europe et un des
pourcentages de rhésus négatif les plus élevés dans le monde.
Depuis, les outils beaucoup plus sophistiqués d’exploration des
génomes ont permis d’avoir une idée assez précise de la
population basque du point de vue génétique. C’est elle qui a,
avec celle du Béarn voisin, la fréquence la plus élevée d’un
chromosome Y particulier. Le chromosome Y détermine le sexe
masculin et est transmis par le père. Or le chromosome Y qui a
été mis au jour il y a peu appartient à une lignée paléolithique,
donc qui a précédé l’arrivée des Indo-Européens, de
l’agriculture, avant le Néolithique (environ 12 000 à 4 000 ans
avant notre ère). Cette population du Sud-Ouest de l’Europe
constitue donc de ce point de vue une lignée relique antérieure à
l’arrivée des agriculteurs du Moyen-Orient.
Ah ! Quand nous vous disions que ce voyage dans le temps nous
mènerait loin !

Avec Cavalli-Sforza, les géogénéticiens vont plus


loin !

Un chercheur de réputation mondiale en génétique et géographie des


populations, Luigi Luca Cavalli-Sforza, et son équipe repoussent la date
de présence des ancêtres des Basques à un horizon préhistorique
beaucoup plus éloigné, soit 35 000 à 40 000 ans. Ils ont relevé des
« analogies importantes » entre l’évolution génétique et l’évolution des
langues. Selon eux la langue basque serait le résultat de l’évolution des
parlers des premières populations du continent européen installées à cette
époque-là.
Comme on le voit, ce sont aussi des gens très sérieux, des
universitaires et chercheurs de haut niveau qui se sont intéressés
à l’origine des Basques, de leurs ancêtres et de leur présence sur
le territoire actuel. Ici point d’hypothèse farfelue, mais des
arguments scientifiques, des données expérimentales qui
commencent à converger. Gageons que leurs recherches vont
continuer à nous apporter beaucoup plus de certitudes afin de
résoudre notre première énigme, celle de l’origine même des
Basques.

Des passagers qui laissent des


traces
Les Celtes ne se seraient guère implantés dans les Pyrénées et en
Aquitaine, sauf à Bordeaux, Agen et Toulouse. Présents sur une
grande partie du continent européen et en Asie Mineure du IIIe
siècle au VIIIe siècle avant J.-C., leur civilisation, avec en
particulier la métallurgie, n’a donc pas concerné le territoire
basque. Toutefois ils ont peut-être été présents dans le sud de la
Navarre et à l’ouest en Álava.

La romanisation du Pays basque


Avec les Romains tout change, nous avons beaucoup de
documentation à propos de leur présence sur le territoire actuel
du Pays basque et en retour grâce à eux nous avons les
premières mentions des Basques nommés Ouascons ou Vascons
par Tite-Live et Salluste. Pour ne pas être trop pesants, nous
allons vous proposer un choix d’événements, d’anecdotes et de
personnages remarquables.
Silius Italius, poète latin du Ier siècle après J.-C., décrit les traits
spécifiques des Vascons qui combattirent au moment des guerres
puniques aux côtés des Carthaginois contre les armées romaines
(IIe et Ier siècle avant J.-C.) : « Les Vascons nullement habitués à
se couvrir avec le casque, n’hésitent pas à porter les armes […].
Et le jeune s’éloigna des armes meurtrières devant le Vascon
habile… » Nous trouverons à d’autres occasions au cours de
l’histoire la mention du courage des Basques ou de leur habileté,
voire de leur ruse au combat.
La côte catalane et andalouse était sous domination romaine au
IIe siècle avant J.-C. et la remontée par les armées romaines de la
péninsule Ibérique se traduit par le contrôle de la vallée de
l’Èbre en 133 avant J.-C. C’est la porte des territoires basques au
nord. En 75 avant J.-C., le général romain Pompée fonde
Pampelune à son nom (Pompaelo), sur la butte d’Iruña (ou
Iruñea en basque). Son emplacement au carrefour entre les
passages pyrénéens, la plaine d’Álava, les vallées de l’Èbre et de
ses affluents est stratégique. Elle sera au Moyen Âge la capitale
du royaume de Navarre et bien plus tard, mais là nous quittons
l’Histoire, elle proposera tous les ans du 6 au 14 juillet des fêtes
parmi les plus importantes au monde, les fameuses fêtes de la
Saint-Firmin (Sanfermines).
Les Aquitains, les Vascons, les Ibères : essayons de
nous y retrouver
Le géographe grec Strabon (58 av. J.-C.-21/25 apr. J.-C.) écrivait que « les Aquitains,
par la forme du corps et la langue, les coutumes et les lois, ressemblent plus aux Ibères
qu’aux autres peuples de la Gaule ». César aussi dans La Guerre des Gaules (52-
51 av. J.-C.) distinguait sur l’ensemble de la Gaule les Belges, les Aquitains « séparés
des Gaulois par la Garonne » et « ceux qui portent le nom de Celtes dans leur langue et
Gaulois dans la nôtre ». Les Aquitains n’étaient donc pas des Gaulois.
Sur le territoire actuel de l’Espagne se trouvaient les Ibères, premier peuple non indo-
européen à y être connu par l’Histoire, et les Celtibères dont la culture était influencée
par les premiers. À l’ouest on trouvait des peuples qui étaient restés plus celtes, les
Cantabres, les Astures et les populations de Galice.
Au nord, entre la Garonne et l’Océan, ce sont les Aquitains. Les Vascons eux habitaient
l’actuelle Navarre ; ils se distinguaient des deux autres peuples vivant dans l’actuel
Pays basque sud, les Caristii et les Varduli qui occupaient la Biscaye et le Guipúzcoa. Il
vaut donc mieux séparer les Vascons des Aquitains et n’assimiler ni les uns ni les
autres aux Basques actuels, même si ces derniers sont sûrement issus de ces
populations. Mais finalement, ces noms changent facilement. Ainsi au XVIe siècle tous
les Basques étaient appelés Biscayens (Vizcainos).

Cultures, forges, salaisons, voirie…


L’apport romain est important dans les bassins fertiles d’Álava
pour la partie sud de l’actuel Pays basque. Il concerne
l’agriculture, l’architecture, l’urbanisation. Par contre, dans la
partie océanique plus verte et plus montagneuse, la présence de
la civilisation romaine est plus discrète.
Côté aquitain, l’actuel Pays basque nord, la conquête romaine
est plus tardive. Les traces de cette civilisation y sont moins
nombreuses. On a découvert des mines de cuivre, une forge, des
« trésors » (monnaies romaines et parfois celtibères), des bassins
de salaison du poisson, un camp. Notons l’existence d’une artère
importante, construite sous l’empereur Tibère (14-37 apr. J.-C.).
Elle traversait le Pays basque nord pour rejoindre l’Èbre : c’est
la voie romaine Burdigala (Bordeaux)-Astorga (dans l’actuelle
province de León en Castille) par le Summus Pyreneus (le col
d’Ibañeta ou celui de Bentarte) et Pampelune.
La pierre d’Hasparren et la Novempopulanie
On a trouvé à Hasparren en Labourd une pierre, dont la copie se trouve maintenant sur
le mur de l’église, qui dit ceci en latin : « Flamine ainsi que duumvir, questeur et
magistrat du pays, Vérus, ayant rempli auprès d’Auguste (empereur) la charge pour
laquelle il avait été délégué, a obtenu pour les Neuf Peuples d’être séparés des
Gaulois. De retour de Rome, il dédie cet autel au génie du pays. » Qui étaient ces neuf
peuples qui constituaient une province romaine distincte ? C’était les Aquitains dont la
province qui s’arrêtait à la Garonne sous Jules César avait été étendue jusqu’à la Loire
par l’empereur Auguste et dont la région change de nom au IIIe siècle de notre ère pour
devenir la Novempopulanie (neuf peuples). Cette revendication et cette séparation des
Gaulois étaient liées à des motifs d’ordre social, culturel et linguistique (César et
Strabon le disaient), les Aquitains parlant une langue proche du basque ou peut-être
identique. Au Moyen Âge, le nom de Vascones sera donné aux habitants de la
Novempopulanie qui prendra le nom de Vasconia, « Gascogne ».

Dans la chapelle de la Madeleine en Haute-Soule, sur un


sommet à 795 mètres d’altitude, on trouve encastrée dans le mur
cette inscription en latin : Fano Herrauscorritse He. Sacrum C.
Val. Valerianus, « Caius Valerius Valerianus érige cet autel sacré
au temple d’Herrauscorritse ». On suppose qu’il s’agit d’un
mécène au nom latin, propriétaire dans la région, qui pour se
garantir de l’orage ou de la grêle invoque le dieu basque
Herrauscorritse, plutôt que son correspondant latin Jupiter !
Mais errauts en basque signifie poussière, poudre et gorri rouge.
Or la terre est rouge à cet endroit.
En bref on peut donc dire que le Pays basque antique était d’une
grande diversité géographique, linguistique et anthropologique.
La romanisation fut plus intense dans les villes de la plaine que
dans les parties montagneuses. Elle permit le développement de
plusieurs ports de commerce, le plus important Oiasso (Irún) à
l’embouchure de la Bidassoa qui sépare actuellement la France
et l’Espagne, celui de mines d’argent, de cuivre, de fer, ou de
conserveries de poissons comme à Guéthary (Labourd).

Les Francs et l’épopée de Roland à Roncevaux


Après un épisode visigoth suite à un traité avec les Romains et
un royaume visigoth avec Toulouse comme capitale qui mord
sur une partie de l’Aquitaine, nous voici au début du VIe siècle.
Oui, nous parcourons rapidement les siècles ! La
Novempopulanie devient la Vasconie, au moment de conflits qui
opposent les rois francs aux Vascons de Navarre. Mais les
frontières ne sont pas très précises, à cheval sur les Pyrénées. Le
territoire plus ou moins contrôlé par les ducs et princes de
Vasconie ne correspond pas exactement à l’espace bascophone.
Pendant deux ou trois siècles, la force des Vascons se situera
plutôt au nord des Pyrénées pour passer ensuite au sud avec
l’essor du royaume de Pampelune à partir de 824, qui deviendra
ensuite le fameux royaume de Navarre.
La longue résistance des Vascons et de leurs alliés aquitains aux
velléités d’annexion des monarques francs a été expliquée par
des techniques guerrières. La cavalerie vasconne était
particulièrement efficace en terrain vallonné, boisé, bref sur son
terrain. Face à la lourde armée franque, elle simulait la fuite
après avoir effectué une attaque surprise. Les poursuivants se
dispersaient pour les reprendre et alors les cavaliers vascons se
retournaient brusquement contre eux, dans un lieu favorable à
leur contre-attaque pour ensuite très rapidement disparaître.
Cette tactique n’était pas nouvelle, mais ces cavaliers la
pratiquaient parfaitement bien. Leur réputation atteint même
Charlemagne qui fit habiller son fils à la mode des cavaliers
vascons. La mode n’est pas un phénomène récent !
L’histoire de Roland à Roncevaux

Qui n’a pas entendu parler de l’épopée de Roland de Roncevaux ? Voilà


un grand classique de l’histoire de France racontée aux enfants. En fait la
plus ancienne et la plus célèbre des épopées françaises. Mais que s’est-il
vraiment passé ? En 778, Charlemagne va prendre possession de
Saragosse que le gouverneur musulman de la ville doit lui livrer. Mais cela
ne se fait pas. Sur le chemin du retour, il fait détruire les murailles de
Pampelune et remonte par les cols pyrénéens. Le 15 août 778, l’arrière-
garde de l’armée franque est attaquée par des montagnards basques, des
Vascons selon les sources franques et non des Sarrasins. Le lieu des
combats n’est pas précisé. La tradition retient que le site est celui de
Roncevaux, comme dans la Chanson de Roland qui date du XIIe siècle.
Ceci est tout à fait vraisemblable puisqu’il se trouve sur la voie romaine
dont nous avons parlé plus haut. Par contre, nous sommes en pleine
légende, en plein miraculeux chrétien, lorsque la chanson dit qu’au
moment de sa mort, Roland tend son gant à Dieu et qu’un ange vient le
chercher.

Et les Maures au sud


Il nous faut maintenant parler d’autres passagers, dont
l’influence n’a été importante que dans la partie sud-est du Pays
basque actuel, c’est-à-dire en Navarre.

L’harmonie entre les trois religions


Après la bataille de Guadalate en 711, les nouveaux maîtres de
l’Espagne actuelle sont les musulmans d’origine arabe et
berbère. Au VIIIe siècle, la région de la Navarre actuelle est ainsi
sous le contrôle des Banu Qasi, des Wisigoths convertis à
l’islam. Tudela, Tutera en basque, actuellement seconde ville de
Navarre, est fondée en 802 par Amrus ibn Yusuf al-Muwalad,
sous le règne du roi Al Hakan Ier. C’est l’une des villes d’origine
islamique les plus importantes d’Espagne et d’Europe. Pendant
400 ans musulmans, juifs et mozarabes y vécurent en parfaite
harmonie.
Jusqu’à l’an mille environ, les rapports entre les royaumes
musulman et chrétien en Espagne se font sous la forme
d’alliances matrimoniales. Les souverains chrétiens du Nord et
les chefs musulmans étaient unis par des liens familiaux. C’était
donc le cas des souverains de Pampelune qui étaient alliés par le
mariage aux Banu Qasi. Une Navarraise de la famille du roi de
Pampelune suivit son père envoyé prisonnier à Cordoue. Elle s’y
maria avec le fils de l’émir régnant. Son fils Muhammad devint
au Xe siècle le calife de Cordoue sous le nom de Abd al-Rahman
III. S’agit-il d’une curiosité ou plutôt d’une preuve de sagesse,
de bon sens, afin de préserver une cohabitation harmonieuse
entre des cultures et des religions différentes ? À vous de juger.

De la domination musulmane à la reconquista


chrétienne

Les sources arabes permettent de connaître les mariages qui eurent lieu
entre califes omeyyades et princesses navarraises. Une grande partie de
l’Espagne constituait ainsi la partie la plus occidentale de l’immense
empire islamique régi par les Omeyyades à partir de Damas en Syrie. La
domination musulmane en Espagne dura de trois à huit siècles, selon les
régions, soit du VIIIe au XVe siècle. Le tournant dans la reconquista par
les chrétiens fut la bataille de Las Navas de Tolosa (1212) contre les
musulmans almohades en Andalousie. Remportée par les rois chrétiens
espagnols conduits par Sanche VII de Navarre, Pierre II d’Aragon et
Alphonse VIII de Castille, elle signe le déclin de cette domination en
Espagne.

Mais revenons au VIIIe siècle. Peut-être Charlemagne se méfiait-


il d’une alliance entre les musulmans et les Vascons. Il soumit la
Navarre ainsi que tous les pays voisins jusqu’à l’Èbre. La
Navarre s’étendait à cette époque sur les deux versants des
Pyrénées. Louis le Débonnaire ou le Pieux, fils de Charlemagne,
devint roi d’Aquitaine. Devenu empereur, il dut faire face à
plusieurs soulèvements des Vascons. Il donna la Navarre à
Loup-Sanche qui devient prince des Vascons.
Les Basques indépendants ? Le
royaume de Navarre

La naissance d’un royaume sur les


terres basques
Le royaume de Navarre est né d’une alliance entre les
musulmans, la puissante famille des Banu Qasi, et les chrétiens
ayant désobéi à l’autorité religieuse pour défendre leur
indépendance. Des mariages ont renforcé l’alliance des deux
dynasties. En 824, les Vascons d’Eneko Arista écrasent une
seconde fois l’armée franque à Roncevaux. Après cette victoire,
Eneko Arista est proclamé roi de Pampelune. L’indépendance de
la Navarre est proclamée à la diète de Tribur (887), et le titre de
roi reconnu à García Iñiguez, fils d’Eneko, et à ses successeurs.
À la mort de Sanche III le Grand (1035), ce royaume comprenait
tout le Nord-Est de l’Espagne, mais le titre de roi commence à
être étendu aussi à la Gascogne. Les actuelles provinces basques
d’Álava, Biscaye et Guipúzcoa n’ont pas de cour princière, les
sources sont rares. Concernant le Labourd, on sait que les
vicomtes tiennent leurs fiefs et charges des rois de Navarre et
non des rois de France. De même la Soule dépend directement,
ou indirectement par l’intermédiaire du vicomte de Béarn, des
rois de Navarre.

De Sanche le Sage à Thibault de


Champagne en passant par Richard
Cœur de Lion
Nous laissons de côté de nombreuses péripéties, de
démembrement ou de restauration du royaume. Sanche VI le
Sage (Santxo Jakintsuna en basque), roi de Navarre, est entraîné
dans la lutte entre les rois de France et d’Angleterre au XIIe siècle
et perd Bayonne et le Labourd. En 1177, Richard Cœur de Lion
intervient contre les vassaux du roi de Navarre, en guerre contre
lui. Sanche VII le Fort (Santxo Azkarra en basque) participe à la
victoire des chrétiens sur les musulmans à Las Navas de Tolosa
(1212) et meurt sans héritier. L’héritier le plus proche était
Thibault IV, fils du comte de Champagne et de Blanche, sœur de
Sanche le Fort. Il devint roi le 8 mai 1234 et voilà des Français
dans la place.

Aimeric Picaud, un pèlerin du XIIe siècle peu


bienveillant vis-à-vis des populations locales !

Arrêtons-nous un instant sur le chapitre V du Liber Sancti Jacobi (XIIe


siècle) qui décrit les grandes routes de pèlerinage à travers les Pyrénées.
L’auteur Aimeric Picaud, d’origine poitevine, décrit en ces termes les
Navarrais et les Basques : « C’est sur cette montagne, avant que le
christianisme ne se répande en Espagne, que les Navarrais impies et les
Basques avaient coutume non seulement de dévaliser les pèlerins allant à
Saint-Jacques, mais de les “chevaucher” comme des ânes et de les faire
périr. […] C’est un peuple barbare différent de tous les peuples et par ses
coutumes et par sa race, plein de méchanceté, noir de couleur, laid de
visage, débauché, pervers, perfide, déloyal, corrompu, voluptueux,
ivrogne, expert en toutes violences… » Nous vous épargnons la liste des
qualificatifs qui continue. Pauvres Basques ! Pourtant on sait que ce
chemin était jalonné en Pays basque d’hôpitaux, d’églises, de monastères
qui accueillaient les pèlerins et, pendant tout le Moyen Âge, des milliers
d’entre eux venus de toute l’Europe ont traversé la région. Un terrain
montagneux, des forêts peuplées d’ours et de loups, une population
sûrement méfiante à l’égard des étrangers ont dû faire apparaître le Pays
basque comme une terre hostile.

Pourquoi parle-t-on de « roi de


France et de Navarre » ?
Le royaume de Navarre s’étendait de part et d’autre de la chaîne
pyrénéenne. Il était partagé administrativement en six
circonscriptions administratives et judiciaires, les merindades :
Pampelune, Tudela, Estella, Olite, Sangüesa et au nord des
Pyrénées Saint-Jean-Pied-de-Port. Cette dernière, qui n’avait pas
en réalité le statut de merindad, est maintenant la capitale de la
province de Basse-Navarre, l’une des trois provinces basques en
France. Bayonne en Labourd constituait le port de la Navarre, le
débouché maritime puisque cette Navarre au sens étroit n’avait
pas de façade maritime.
Pendant trois siècles, de 1234 à 1512, ce sont des princes
français qui ont gouverné le royaume de Navarre, de part et
d’autre des Pyrénées. La péninsule Ibérique était alors partagée
entre plusieurs souverains, Navarre, Castille, Aragon, alors que
le puissant royaume de France possédait presque déjà les limites
actuelles de la France. Le jeu des alliances, des mariages et des
successions ont alors amené différents princes venus de
Champagne, de Picardie à monter sur le trône de Navarre. Ils
conservaient les fiefs qu’ils détenaient en France.
Ainsi de 1285 à 1328 les rois de France se sont appelés roi de
France et de Navarre. Puis à nouveau en 1589 quand Henri III de
Bourbon, roi de Navarre depuis 1572, devint roi de France sous
le nom d’Henri IV, jusqu’en 1789. Henri IV (1553-1610) était le
fils de Jeanne d’Albret, reine de Navarre, et d’Antoine de
Bourbon, descendant de Louis IX.

1512 : la chute du royaume de


Navarre
Ce sont au total quarante rois qui se succéderont à la tête du
royaume de Pampelune puis de Navarre. Les seize premiers
furent de souche vasconne (824-1234), puis ce seront des
princes basco-français, puis navarro-béarnais et enfin français,
par l’intermédiaire d’héritières navarraises.
Mais en 1512, Ferdinand le Catholique, roi d’Aragon et de
Castille, envahit la Navarre où règnent Jean III d’Albret et
Catherine de Foix-Béarn. Il conquiert rapidement la Haute-
Navarre, Pampelune se rend le 25 juillet, et une partie de la
Basse-Navarre de ce côté-ci des Pyrénées. Jean d’Albret tente de
reconquérir son royaume mais échoue malgré l’aide française ; il
est accompagné du futur François Ier. En 1516, il échoue une
deuxième fois et meurt.

Charles Quint s’en mêle !


Henri II qui succède à sa mère Catherine de Navarre entreprend
la reconquête de son royaume, à nouveau grâce à l’aide
française. Après quelques victoires, il est battu le 30 juin 1521 et
perd toute la Navarre côté sud des Pyrénées, la Haute-Navarre. Il
installe sa capitale côté français à Saint-Palais (Basse-Navarre).
En 1524, Charles Quint envahit la Guyenne et la Basse-Navarre.
Henri II est fait prisonnier.

À Henri IV, la Navarre puis la France


En 1548, craignant de nouvelles attaques en Haute-Navarre,
l’empereur Charles Quint, roi de Castille et d’Aragon, fait
proclamer son fils Philippe roi de Navarre par les États de
Navarre. La Navarre est dès lors séparée définitivement en deux
parties distinctes : la Haute-Navarre au sud où un vice-roi
représente le roi d’Espagne, et la Basse-Navarre, où le roi
légitime ne possède qu’une petite vallée dans le Pays basque
nord actuel. Nous connaissons la suite : Jeanne d’Albret,
héritière du royaume, épouse Antoine de Bourbon. Leur fils
Henri monte sur le trône de France en 1589, sous le nom d’Henri
IV, roi de France et de Navarre. Mais cette Navarre n’est qu’un
tout petit bout de l’ancien royaume.

Roi de France mais plus de Navarre


Les successeurs d’Henri IV continueront de revendiquer par
principe le retour de la Haute-Navarre à la Couronne jusqu’à la
paix des Pyrénées en 1659. Louis XIV, toujours roi de France et
de Navarre, renoncera définitivement alors à cette revendication.
Signée sur l’île des Faisans, au milieu du fleuve Bidassoa, ce
dernier marque toujours la frontière entre France et Espagne.
Pour les Basques, c’est plutôt un trait d’union. L’année suivante,
le 9 juin 1660, c’est à Saint-Jean-de-Luz en Labourd qu’aura
lieu le mariage solennel de Louis XIV et de l’infante Marie-
Thérèse, fille du roi d’Espagne Philippe IV. Encore un mariage
qui scelle une entente, une cohabitation pacifique.

Le royaume de Navarre, un symbole


Mais nous venons sans nous en rendre compte de faire un bond
en avant dans le temps. Le royaume de Navarre reste pour les
Basques un symbole important, celui de la souveraineté. Il a
duré un millénaire et a rassemblé à un moment de l’Histoire
l’ensemble des territoires de langue basque avec donc au centre
la Navarre, l’actuelle Communauté forale de Navarre, à l’ouest
les trois provinces d’Álava, Biscaye et Guipúzcoa qui forment
maintenant la Communauté autonome basque, Euskadi, et au
nord les trois petites provinces de Basse-Navarre, Labourd et
Soule. Celles-ci, à la Révolution française, seront rattachées sans
leur consentement au Béarn pour former un département,
actuellement les Pyrénées-Atlantiques. Tout ceci vous sera
raconté plus loin…
Chapitre 2
L’Ancien Régime
et les libertés forales
Dans ce chapitre :

De la pêche lointaine aux découvertes et à la guerre en mer

La chasse aux sorcières

Les lois forales et la démocratie directe

La Révolution française et ses conséquences

L aOùmerquea l’on
toujours eu une grande importance au Pays basque.
soit, elle n’est pas très loin. De marins-pêcheurs
de plus en plus audacieux, ils deviennent explorateurs ou
conquistadors.
Sur terre, ils mettent en œuvre une organisation collective locale
très démocratique par certains aspects. La Révolution française
au nord la fera quasiment disparaître, au sud ce sera plus lent.
Auparavant nous évoquerons l’épisode très douloureux de la
chasse aux sorcières sous la houlette d’un Basque d’origine,
Pierre de Lancre. Voilà ce que nous allons vous raconter dans ce
chapitre.

De la pêche lointaine aux


découvertes et à la guerre en mer
Au XVe siècle, exception faite de l’agriculture, la pêche
employait plus de travailleurs que toutes les autres activités
économiques. Le poisson, source de protéines facile à conserver
et à transporter, avait une grande importance dans le régime
alimentaire. Mais la pêche a aussi préparé les marins à la
découverte de nouvelles terres, puis à devenir corsaires, des
marins si indispensables aux royautés en temps de guerre.
Au XVIe siècle, la découverte de riches territoires de pêche au
large de Terre-Neuve a vite intéressé tous les pays d’Europe
occidentale. La plupart de ces terre-neuviers sont d’origine
basque, surtout de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure, plus
rarement de Bayonne et de Capbreton dont les ports sont
continuellement bloqués par les ensablements de l’Adour. Les
navires rattachés à des ports basques constituent plus des deux
tiers du trafic de Bordeaux en 1546.

La pêche, une activité de toujours


ÀGuéthary (Getaria), en Labourd, on a découvert près du rivage un four à huile de
baleine, et, vers l’intérieur, des bassins de salaison de thon remontant au Ier siècle
après J.-C. On sait aussi qu’aux IIIe-IVe siècles après J.-C., Bayonne, appelée alors
Lapurdum, constituait un important marché de langoustes.

À partir du XIIe siècle jusqu’au XXe siècle, on peut distinguer quatre grandes périodes
de pêche au Pays basque : le temps de la pêche côtière (XIIe-XVe siècle), celui de la
pêche lointaine (XVe-XVIIe siècle) avec la baleine et la morue, un deuxième temps de
pêche côtière (XVIIIe-XXe siècle) avec la sardine, et enfin le temps de la pêche au thon
à partir du milieu du XXe siècle.

La chasse à la baleine, une spécialité


Les Basques sont les premiers chasseurs de baleine réguliers en
Atlantique nord. Ils exploitèrent, à partir du XIe siècle – et peut-
être avant –, la baleine franche, encore appelée la baleine des
Basques. Cette activité se déroulait au large des côtes de
Biarritz, Hendaye, Anglet et Saint-Jean-de-Luz puis, plus tard, à
partir du Pays basque espagnol.
Il y avait une espèce de baleine très prisée, Eubalaena glacialis.
On la connaissait sous le nom de Balaena biscayensis (à
l’époque on emploie le terme « biscayen » comme synonyme de
« basque ») ou de Balaena franca, baleine « franche ». On lui a
donné ces noms parce que, lors des mois d’hiver, elle venait
dans le golfe de Biscaye ou Gascogne pour donner naissance à
ses petits. Au nord, en France, on dit golfe de Gascogne, au sud
golfe de Biscaye. L’un et l’autre renvoient aux Basques comme
on vous l’a dit au chapitre 1.

La chasse à la baleine ou comment utiliser l’amour


maternel
L’exploitation baleinière au large des côtes basques françaises culmine au XIIIe siècle,
avant de s’éteindre peu à peu. Elle reste prospère jusqu’au XVIe siècle au Pays basque
espagnol.
Les chasseurs ciblaient les femelles et leurs petits lors de la période de reproduction
hivernale. Comme les femelles sont très attachées à leur progéniture, on capture
d’abord les petits. Ceci permettait de s’attaquer ensuite aux femelles. On chasse au
harpon sur de petites embarcations avec dix à douze rameurs. Sur la ligne du harpon, il
y a un flotteur pour repérer la baleine harponnée et l’achever à la lance lorsqu’elle
remonte à la surface. Elle était ensuite remorquée jusqu’au rivage.

Depuis très longtemps, les pêcheurs basques allaient jusqu’au


Groenland. Leur renommée de baleiniers s’étend en Europe et
les puissances européennes, la Hollande, la France et
l’Angleterre, embauchent des marins basques pour accéder à ces
endroits reculés. En 1617, le roi français Louis XIII publie un
ordre selon lequel les marins basques « experts en chasse à la
baleine, ne doivent servir à aucun prince étranger, cause de
l’évidente diminution de notre commerce ».

Du golfe de Gascogne au golfe du


Saint-Laurent
On sait que dès le XVe siècle, les Basques français et espagnols
traversent l’Atlantique pour exploiter les bancs de morues de
Terre-Neuve. Dans le même temps, ils chassent la baleine sur ses
zones d’alimentation d’été dans le golfe du Saint-Laurent, à
Terre-Neuve et au sud du Labrador.
Des recherches effectuées au Canada montrent l’importance de
la toponymie basque, c’est-à-dire les noms de lieux basques. La
présence de mots ou d’expressions basques utilisés par les
Indiens dans leurs propres langues et la façon de harponner les
baleines font penser que les Basques seraient les premiers à être
arrivés sur ces terres et à établir des rapports d’amitié avec les
populations autochtones.

La toponymie à l’embouchure du Saint-Laurent


Les noms de lieux basques représentent quelques dizaines de noms, surtout à Terre-
Neuve. En Gaspésie nous trouvons l’« île aux Basques » face à la ville de Trois-
Pistoles. Dans la baie de Sept-Îles, on trouve les îles « île Grande Basque » et « île
Petite Basque », près d’Escoumins « L’Anse aux Basques », du côté de Charlevoix le
« Lac du Basque » et « l’Anse du Chafaud aux Basques ».

Jacques Cartier bien discret sur les


Basques
Les Basques ont sûrement joué au XVIe siècle un rôle plus
important dans le Saint-Laurent que celui qu’on leur attribue,
même si Jacques Cartier est le premier à avoir décrit le Saint-
Laurent et nommé le Canada. Quand en 1534 il arrive dans le
détroit de Belle-Isle, il signale une présence basco-espagnole,
sans plus. En effet, toute la côte basque envoie des navires de
pêche dans l’Atlantique nord, de Bayonne, Ciboure et Saint-
Jean-de-Luz à Saint-Sébastien et Bilbao, mais aussi Santander
en Cantabrie. Les Français arrivent dans le Saint-Laurent au
moment où les morutiers basques sont de moins en moins
nombreux et où les baleiniers quittent le golfe pour poursuivre
les baleines plus au nord. Samuel Champlain qui crée Québec
en 1608 indique que Basques et Espagnols sont encore « en
quantité au pays » et qu’ils complotent pour l’assassiner. On
peut penser que s’il réussit à implanter une colonie française au
Canada, c’est aussi dû au déclin de l’activité des pêcheurs
basques et espagnols dans le Saint-Laurent.
Ce sont les pêcheurs basques qui ont mis au point le procédé de
conservation de la morue par séchage et salage. Ceci permettait
de partir pêcher très loin du port d’attache. Vous le savez, il n’y
avait pas de réfrigérateur alors !
Un document de la municipalité des Escoumins au Québec
indique que « vers 1550 des Basques pêchent la baleine dans les
environs, la débitent sur la plage, font fondre la graisse dans des
fours qu’ils y ont aménagés et expédient le produit en barils vers
l’Europe où il est utilisé pour l’éclairage ».
Saint-Jean-de-Luz (Donibane Lohizune) a été la capitale
mondiale de la chasse à la baleine. Au XVIIe siècle, une
cinquantaine de baleiniers sortaient chaque année du port.
Pourtant, c’est la ville d’Hendaye qui a un blason avec
représentés une baleine soufflant et des harpons entrecroisés.
Mais avec le traité d’Utrecht qui donne aux Hollandais
l’exclusivité de la chasse à la baleine, l’activité décline
rapidement. La population passe de 12 000 habitants en 1660
à 3 000 en 1774. En 1938, Saint-Jean-de-Luz est le premier port
sardinier de France et en 1959 premier port thonier. Depuis,
l’activité de pêche est moins importante. De la pêche à la course,
il n’y a pas loin. Saint-Jean-de-Luz a été aussi un port de
corsaires prospère du milieu du XVIIe siècle au début du XVIIIe.
Les marins basques ont participé à la découverte de nouvelles
routes maritimes et à la rédaction de cartes marines. Martin de
Hoyarsabal de Ciboure en Labourd est l’auteur à la fin du XVIe
siècle d’un routier de mer des côtes d’Angleterre, de France,
d’Espagne et de Terre-Neuve. C’était le livre de base des pilotes
marins terre-neuviens de langue française. De même, les
premières cartes des côtes argentines sont l’œuvre au début du
XIXesiècle de deux Basques d’origine, Andres Oyarbide et
Benito Aizpurúa, pilote principal de l’escadre argentine.

La chasse aux sorcières


Bien sûr il y a une mythologie, des légendes anciennes en Pays
basque. Nous vous en parlerons au chapitre 6. Mais certaines
croyances concernant l’existence de sorcières et de la sorcellerie
viennent de bien plus près de nous, du XVIIe siècle. En fait, il n’y
a pas plus de sorcières en Pays basque qu’ailleurs ! Simplement,
le fait d’avoir une langue et une culture différentes a rendu cette
terre et son peuple peu catholiques, si l’on peut dire, aux
observateurs. Rappelez-vous, si vous avez lu le chapitre 1,
comment au XIIe siècle le pèlerin Aimeric Picaud voyait les
Basques. Ce qui est inconnu, ce qui est différent inquiète, fait
peur et peut entraîner les pires jugements.
Selon un récit du village d’Arrayoz en Navarre, découvrir une
sorcière est l’une des choses les plus faciles au monde. Lorsque
l’on soupçonne une femme d’en être une, on l’amène à la messe.
Au moment de lever l’hostie, la suspecte regardera en arrière
car, comme chacun le sait, une sorcière ne peut regarder de face
Dieu, à moins qu’elle n’ait un lézard dans la poche.

Un terrible personnage, Pierre de


Lancre
Vous n’avez sûrement pas entendu parler du livre édité pour la
première fois en 1612 et intitulé Tableau de l’inconstance des
mauvais anges et démons, où il est amplement traité des
sorcières et de la sorcellerie. Son auteur, Pierre de Rostéguy de
Lancre, est Conseilleur du Roi au parlement de Bordeaux. Il a
aussi écrit en 1622 L’incrédulité et mescréance du sortilège
plainement convaincue, où il est amplement et curieusement
traicté de la vérité ou illusion du sortilège… et d’une infinité
d’autres rares et nouveaux subjets !
En 1609, Pierre Rostéguy de Lancre, d’origine basque d’ailleurs
(aroztegi c’est la forge), est représentant du parlement de
Bordeaux. Docteur en droit, avocat, il mène, à la demande du roi
Henri IV, une enquête en Labourd. Chargé d’éradiquer la
sorcellerie, il dispose des pleins pouvoirs. Il laissera près
de 700 victimes, femmes et prêtres, qu’il fera brûler pour
sorcellerie sur le bûcher.
Le Pays basque sud connaît aussi un drame semblable. L’année
suivante, en 1610, au procès de Logroño, l’Inquisition juge une
cinquantaine de personnes suspectées de sorcellerie. Elles sont
originaires de Zugarramurdi et de la vallée de Baztan en
Navarre. Une dizaine est condamnée à mort.

Morceaux choisis
La cible principale de Pierre de Lancre, ce sont les femmes. Le
titre du troisième chapitre du livre Premier de Tableau de
l’inconstance des mauvais anges et démons… est : « Pourquoi il
y a plus de femmes sorcières que d’hommes ». S’appuyant sur
sa vision des coutumes et du mode de vie des Basques de la
côte, il va s’acharner à le démontrer. Rappelez-vous que le
Labourd est la région côtière du Pays basque de France.
La diversité de langues est un avantage pour les sabbats. Ce pays
de montagne est à la lisière de trois royaumes, France, Navarre
et Espagne. Trois langues s’y mélangent, français, basque et
espagnol. Cela donne à Satan de merveilleuses commodités pour
faire en ce lieu ses assemblées sabbatiques, écrit-il.
Sans les hommes, le diable s’installe. Quand les hommes sont en
mer, il ne reste que des faibles dans les maisons. Les enfants et
les vieillards qui gardent le logis, des personnes « sans conduite
ni jugement, que le Diable manipule comme il lui plaît ».
Les Basques essaient leurs femmes avant de les épouser. Cette
vie fait des hommes des marins sauvages et de leurs femmes des
sorcières. Les jeunes « essayent leurs femmes » pendant
quelques années avant de les épouser. Rarement avec elles à la
maison, ils sont donc perpétuellement dans le doute et au fond,
ils ne les aiment pas. La plupart des marins trouvent à leur retour
leur femme avec un autre homme dont elle a finalement fait le
père de ses enfants… En faisant en même temps un cadeau à
Satan.
La danse et les veilles sont une claire inclination au sortilège.
Les personnes sont qualifiées de « légères et mouvantes de corps
et d’esprit », agiles et rapides, « toujours un pied en l’air et la
tête près du bonnet ». Plus la danse est violente et tourmentée,
plus elle leur plaît et plus ils [les Basques] s’y adonnent… Ils
dansent avec le tambourin qui leur sert à rythmer les danses du
sabbat.
De Lancre insiste sur le fait que le Pays basque est un pays de
pommes. Les femmes y mangent des pommes, boivent du jus de
pomme. Elles sont naturellement portées à « croquer la
pomme ». Ce sont des Ève qui séduisent continuellement les fils
d’Adam, vivant toutes nues en toute liberté et naïveté dans les
montagnes du Pays basque.
Il observe qu’en Labourd les villageois et villageoises les plus
pauvres se font appeler « sieur » et « dame » de telle ou telle
maison, même si elle n’est souvent à peine plus qu’une
porcherie.
Et voilà comment un homme cultivé, un intellectuel ayant des
responsabilités publiques, peut arriver à démontrer
l’invraisemblable. En ce début de XXIe siècle, il serait condamné
pour crime contre l’humanité ou déclaré irresponsable et mis en
maison de repos ! De Lancre est décédé paisiblement à
Bordeaux en 1631, il avait 78 ans. Un bel âge pour l’époque.

Les lois forales et la démocratie


directe
On pourrait dire que, pour donner une idée, jusqu’au XVIIIe siècle
une grande partie du Pays basque était constituée de sortes de
petites républiques. La vie quotidienne était gérée par
l’assemblée paroissiale de chaque communauté où était élu le
représentant à l’assemblée de l’administration du territoire. Ce
système d’assemblée paroissiale se retrouvait dans l’ensemble
de l’Europe. La différence, c’est que la noblesse et le clergé en
étaient exclus, sauf en Soule et en Basse-Navarre. La
centralisation de plus en plus forte des États français et
espagnols va bousculer cette organisation politique et sociale, au
rythme des guerres entre les deux pays et des guerres de
religion.

Les lois forales, la démocratie directe


à l’œuvre
Qu’est-ce que les lois forales ? Ce sont des lois et coutumes
civiles, politiques, administratives ou économiques propres.
Elles permettaient une sorte d’autogouvernement qui a perduré
au long des siècles, de façon variable selon les territoires
basques.

Démocratie directe, chaque maison est représentée


Le régime politique basque était basé sur une démocratie directe à base familiale. Les
maîtres de maison, etxeko jaunak, se réunissaient dans leur paroisse le dimanche pour
délibérer et prendre les décisions concernant la communauté paroissiale. Ils
désignaient des mandataires à l’assemblée générale du pays. Biltzar en Labourd, Silviet
en Soule, Cour générale dans les pays et vallées composant la Basse-Navarre et
Juntas en Guipúzcoa, Biscaye et Àlava. Les mandataires écoutaient les propositions et
revenaient dans leurs paroisses respectives où les maîtres de maison votaient sur
chacune d’elles. La réponse obtenue à la majorité des voix était ramenée à une
seconde session de l’assemblée générale.

Le for, fuero en espagnol, foru en basque, est un texte négocié


entre les petits États basques et leur nouveau roi. Au nord, on
parle de coutumes. Quand les Romains s’installèrent en
194 avant J.-C. dans l’actuel Pays basque, les fors existaient
verbalement et les libertés étaient assurées. Les Basques n’ont
pas senti la nécessité de concrétiser ces juridictions et lois par
écrit, jusqu’à la création des villes. Il fallut attendre 1155 pour
que les premiers fors soient écrits et signés en Navarre. Pour
ceux de Biscaye, ce ne sera fait qu’en 1452. La Coutume de
Soule a été écrite en 1520. Et en Guipúzcoa, il n’y a pas eu de
fueros réunis et approuvés dans leur ensemble par le roi jusqu’à
la fin du XVIIe siècle.

C’est le peuple qui choisit son roi


En 1200, la Castille s’empare de l’Álava et le roi devient
seigneur du Guipúzcoa. En 1379 Juan de Haro, seigneur de
Biscaye devient roi de Castille. Les trois provinces, qui
constituent de nos jours Euskadi, sont unies à la Castille. Mais
elles conservent une autonomie de fait, attestée par des fors. Les
rois de Castille doivent prêter serment de respecter les libertés
forales sous le chêne de Guernica.
Quand ils accédaient au trône, ils devaient s’engager par serment
à respecter ces fors ; ce n’est qu’ensuite qu’ils étaient reconnus
par les représentants des provinces basques. Les fors avaient une
force juridique supérieure aux édits royaux. Si un édit royal était
en contradiction avec le for provincial, l’assemblée basque
apposait la formule : « Nous obéissons mais nous n’appliquerons
pas. » Cette formule, nommée « pase foral », garantissait la
liberté des provinces basques vis-à-vis des rois de France ou de
Castille. Elle établissait dans le fait un statut d’union entre
égaux, ou « pacte avec la couronne ».
Le peuple basque vu par Larramendi au XVIIIe siècle
Le jésuite Manuel Garagorri Larramendi dans son œuvre Sobre los fueros de
Guipúzcoa définit l’identité basque. C’est le recueil des conférences qu’il a prononcées
en public devant les Juntas Generales du Guipúzcoa de 1745 à 1765, l’assemblée
représentative. « Un peuple qui n’a pas connu le servage. Un peuple qui possède “la
noblesse générale”. Un peuple qui choisit ses rois. Un peuple qui fait ses lois. Un
peuple qui se défend mais n’attaque pas hors de ses limites. Un peuple dont la langue
est l’euskara. Un peuple qui met les biens indivis au-dessus des biens particuliers. Un
peuple prêt à se battre pour ses libertés. »

Mais ces libertés forales sont balayées au Pays basque nord par
la Révolution française dans la nuit du 4 août 1789. En Espagne,
dans les faits, ces libertés perdent presque tout leur sens quand la
loi de 1839 établit que les fors des provinces basques sont
conservés pour autant qu’ils ne portent pas atteinte à la
Constitution espagnole. Les fors disparaissent (1876) et les
députations se créent. Elles négocient avec le gouvernement
espagnol pour élargir leurs fonctions. De celles-ci naîtront les
provinces autonomes et leurs gouvernements actuels : d’une part
Biscaye, Guipúzcoa et Álava réunies et Navarre d’autre part.
Rendez-vous au chapitre 4 pour découvrir ce dernier épisode.
Voyons un petit peu comment fonctionnaient ces assemblées
dans chacune des provinces du Pays basque côté français.

Le Biltzar du Labourd
Le Labourd, c’est la province côtière côté français. Bayonne
(Baiona) était à part et c’est Ustaritz (Uztaritze) qui est la
capitale du Labourd. Le Biltzar du Labourd était un parlement
qui avait des pouvoirs étendus sur tout ce qui concernait
l’administration du territoire. Biltzar signifie assemblée en
basque. Aucun représentant du roi n’assistait aux séances. Le
syndic général est chargé de l’exécution des décisions prises par
le Biltzar. Il doit défendre l’autonomie locale face aux
fonctionnaires royaux et au bailli, représentant du roi. Le
pouvoir de décision appartenait, encore à la veille de la
Révolution, aux maîtres de maison avec exclusion des maîtres
de maisons nobles et du clergé.

La sécurité sociale avant l’heure


Ces assemblées paroissiales avaient des côtés très modernes. Ainsi l’assistance
sociale. L’abandon des enfants est strictement interdit et si des enfants sont
abandonnés ou maltraités, ils sont pris en charge par l’assemblée paroissiale. La
scolarisation aussi est prise en charge assez souvent. Les pauvres, les nécessiteux, les
sinistrés de la paroisse sont aidés pour la fourniture du bois en hiver ou l’alimentation
minimum. Un des avantages particuliers du Biltzar, comme de la Cour d’ordre en Soule
et des États de Basse-Navarre, est l’autonomie financière. Le Biltzar lève non
seulement de sa propre autorité les contributions nécessaires à son fonctionnement,
mais il approuve ou négocie le montant de l’impôt perçu au profit du Trésor royal. Une
fois fixé le montant final, l’assemblée en décide à sa guise la répartition et le mode de
recouvrement. On retrouve cela à l’heure actuelle en Euskadi.

Le Biltzar avait aussi une compétence diplomatique. Il pouvait


signer des traités internationaux appelés « traités de Bonne
Correspondance ». Il le fit plusieurs fois avec le Parlement
anglais ou avec les provinces basques du Sud, notamment lors
des guerres menées par le roi de France.
Le Basque est têtu et les intendants du roi qui tentent de réduire
les larges compétences du Biltzar le constatent amèrement.
L’intendant de Bordeaux écrit ceci au ministre de Louis XVI à
propos du Labourd : « Je vous propose de ne rien changer sur
l’administration de cette province. Ce petit peuple suit pour ainsi
dire obstinément ses lois ancestrales. On publierait inutilement
des règlements nouveaux qui contrarieraient les mœurs des
Basques. »

La Basse-Navarre, de royaume à
province
Nous l’avons vu au chapitre 1, Ferdinand le Catholique
s’empare de la Navarre en 1512. Les souverains légitimes se
réfugient dans l’actuelle Basse-Navarre, côté français. Henri II
d’Albret institue dans son petit royaume des États généraux
calqués sur les antiques Cortes du royaume de Navarre. Intégré
au royaume de France en 1620, c’était un pays d’États comme il
en existait encore de nombreux en France avant la Révolution.
Henri IV, roi de France, est pragmatique. Il déclare qu’il fait de
tous les officiers de l’ancien domaine de Navarre des officiers
royaux. Il prévient ainsi les éventuels mécontentements que
l’union de la Navarre à la France pouvait susciter.
Dans les paroisses par contre, comme en Labourd et en Soule, le
régime traditionnel basque est conservé. Une démocratie directe
à base familiale et une grande autonomie administrative. Les
États généraux (États de Navarre) continuèrent de légiférer
jusqu’en 1748. Et en 1789 encore, les États de Navarre
protestent contre l’usage du mot « province » utilisé dans une
lettre de convocation de Louis XVI.

Le Silviet de Soule
En Soule, province la plus à l’est, c’était le Silviet, assemblée
générale des maîtres de maison de tout le pays, qui gérait les
terres communes appartenant à tous les habitants du pays. Mais
à une époque mal définie, le Grand Corps, groupant la noblesse
et le clergé, s’est superposé à l’assemblée des maîtres de maison.
Puis en 1730, la Soule perd ses institutions et son autonomie.
Seul le Labourd conserve une très grande autonomie
administrative au sein du royaume de France jusqu’à la
Révolution.
Le capitaine des mousquetaires immortalisés par Dumas, Arnaud
Jean de Peyré avec ses trois écuyers Aramis, Athos et Portos, a
été un personnage en chair et en os. Ce Béarnais appartient à la
garde royale de Louis XIII. Il s’y distingue par son audace et par
sa bravoure. Son amitié avec le roi lui permit de recevoir une
bonne partie du territoire de la Soule en patrimoine. Durant
trente ans, les États de la Soule plaident sans succès contre
Arnaud de Peyré qui gouverne de façon tyrannique, lève l’impôt
à sa guise. En 1661, pour protester, un curé, Bernard
Goyenetche, dit Matalas, mène une insurrection générale qui
sera durement réprimée.

Des révoltes contre l’imposition et le pouvoir abusif


Tout ne se passait pas sans heurt avec les différentes autorités extérieures et le pouvoir
royal. En 1641, c’est le soulèvement de Bayonne contre l’installation de la Ferme qui
lève des impôts pour le Roi. En 1661, ce sont donc les paysans de Soule qui se
soulèvent sous la conduite de Matalas. En 1685, la région de Saint-Jean-Pied-de-Port
en Basse-Navarre se révolte contre la gabelle… Ce sont des révoltes successives
souvent menées par des femmes, comme c’est le cas à Hasparren en Labourd
en 1784 où elles se soulèvent par milliers.

La Révolution française et ses


conséquences
En 1789, on a, en Labourd comme en Basse-Navarre, un courant
réformateur nullement opposé à la Révolution. Celle-ci était
favorable à un nouveau statut administratif du Pays basque
comme substitut aux anciennes divisions administratives et
tenant compte de ses particularités notamment linguistiques.
Mais ces libertés locales furent balayées lors de la nuit
du 4 août 1789. Il y a une grande confusion, les institutions de
l’Ancien Régime sont considérées par l’Assemblée de Paris
comme des droits féodaux, inégalitaires, sans en connaître bien
leurs fonctions.

Le Pays basque entre deux feux


De 1793 à 1794, France et Espagne sont en guerre. De
nombreux combats ont lieu dans les montagnes du Pays basque.
Les Français réussissent à repousser les Espagnols après leur
avancée jusqu’à Saint-Étienne-de-Baïgorry (Baigorri).
Le 23 avril 1793, l’armée espagnole détruit le fort d’Hendaye.
Saint-Jean-de-Luz est sauvée le 1er mai 1793 de l’invasion
espagnole grâce aux combats de Sare.
Dans la nuit du 1er au 2 ventôse de l’an II (19-20 février 1794),
47 conscrits d’Itxassou abandonnent leur unité et franchissent la
frontière. Cette désertion entraîne une répression démesurée. En
mars et avril de 1794, 4 000 hommes, femmes et enfants du
Labourd (essentiellement des villages de Sare, Ascain et
Itxassou) sont déportés vers les Landes pour contact et collusion
avec l’ennemi espagnol. Ils sont internés dans les églises
landaises. Pourtant, beaucoup de jeunes hommes
(dont 250 jeunes gens de Sare) ont répondu à l’appel aux armes
et combattent dans la Compagnie républicaine des Chasseurs
basques de Harispe (né à Saint-Étienne-de-Baïgorry). Le
premier article de la déportation disait textuellement : « Les
habitants des communes infâmes de Sare, Itxassou et Ascain
seront séquestrés de leurs domiciles et conduits à une distance
d’au moins vingt lieues des frontières. Cette mesure, obligée par
la perversité de monstres indignes d’être français, n’affectera pas
les citoyens qui, dans les communes signalées, auront donné des
preuves constantes et authentiques de civisme et d’amour pour la
patrie. » L’arrêté du 9 vendémiaire de l’an III
(30 septembre 1794) met fin à la Terreur, et permettra le retour
des déportés dans leurs villages, à l’exception des nobles et des
prêtres.
La Convention de 1792 va bouleverser les habitudes de tous les
Français en instaurant le calendrier républicain, totalement
inconnu et inutilisé par le peuple. Le Pays basque n’y échappe
pas, ni même sa langue ! Voyez comment les mois de l’année
sont basquisés :

Saisons Mois (français) Mois (basque)


Automne Vendémiaire (vendanges) Mahaxte
Brumaire (brumes) Lanhote

Hiver Frimaire (frimas) Içozte


Nivôse (neige) Elhurcor
Printemps Pluviôse (pluies) Eouricor
Ventôse (vent) Aycecor

Été Germinal (germination) Sapadun


Floréal (fleurs) Lilidun
Prairial (prairies) Belhardun
Messidor (moissons) Bihilis
Thermidor (chaleur) Berolis
Fructidor (fruits) Fructilis

En 1793, afin d’effacer les « vestiges du fanatisme féodal »,


c’est le changement des noms de rues et des localités. Voici ce
que deviennent les noms de quelques communes du Labourd et
de Basse-Navarre.

Nom usuel français Nom révolutionnaire


Arcangues Constante
Bayonne Port-de-la-Montagne
Cambo La-Montagne
Itxassou Union
Louhossoa Montagne-sur-Nive
Saint-Étienne-de-Baïgorry Thermopyles
Saint-Jean-de-Luz Chauvin-le-Dragon
Saint-Jean-Pied-de-Port Nive-Franche
Saint-Martin-d’Arrossa Grand-Pont
Saint-Palais Mont-Bidouze
Saint-Pée Beaugard
Sare La-Palombière
Urt Liberté
Ustaritz Marat-sur-Nive
Villefranque Tricolore

Bref, le traumatisme créé par la Révolution française sera très


grand en Pays basque. Dans les deux chapitres suivants, nous
vous racontons comment le XIXe siècle puis le XXe voient se
transformer ce territoire, d’une façon différenciée entre nord et
sud.
Chapitre 3
XIXe siècle, la naissance
du nationalisme
Dans ce chapitre :

L’époque napoléonienne

Les guerres carlistes et les fueros

Sabino Arana Goiri et la création des symboles actuels du nationalisme

La renaissance de la culture basque : les jeux floraux

Le thermalisme et les débuts du tourisme international

F aisons appel encore une fois à Victor Hugo qui, lors de son
voyage en 1843, a bien compris le Pays basque : « J’ajoute
qu’ici un lien secret et profond, et que rien n’a pu rompre, unit,
même en dépit des traités, ces frontières diplomatiques, même
en dépit des Pyrénées, ces frontières naturelles, tous les
membres de la famille, tous les membres de la mystérieuse
famille basque… La France a pris un revers des Pyrénées,
l’Espagne a pris l’autre ; ni la France ni l’Espagne n’ont pu
désagréger le groupe basque. Sous l’histoire nouvelle qui s’y
superpose depuis quatre siècles, il est encore parfaitement
visible comme un cratère sous un lac… » (En voyage, Alpes et
Pyrénées, 1843). Malgré leur partage entre deux États puissants,
les Basques sont toujours là. Le XIXe siècle va nous montrer
comment ils résistent, surtout au sud d’ailleurs.
L’époque napoléonienne
Après la conquête de l’Espagne en 1807, Napoléon fait abdiquer
le roi d’Espagne Fernando et son fils pour placer sur le trône son
frère Joseph. Il séjourne à Bayonne où, entouré d’une assemblée
de notables espagnols, il rédige la première Constitution
espagnole largement influencée par les constitutions françaises.
Ce sera la transition vers le monde contemporain en Espagne.
En 1808, l’armée française de Napoléon occupe le Pays basque
sud en commettant des exactions qui lèvent les Basques contre
elle. La Diputación Foral de Navarra (Députation Foral de
Navarre) entre ouvertement en guerre contre les troupes
napoléoniennes, avec l’aide de Wellington et de ses troupes. Les
troupes napoléoniennes seront défaites et devront se retirer. Au
total néanmoins, le centralisme napoléonien fera des émules en
Espagne.

La tamborrada de Saint-Sébastien

La tamborrada (fête du tambour) de Saint-Sébastien (Donostia) est


célébrée tous les ans le 20 janvier. C’est aussi la fête du saint patron de la
ville. Ce grand défilé a pour origine l’occupation napoléonienne de Saint-
Sébastien pendant la guerre d’Indépendance espagnole (1808-1812). Il
semble que lorsque les militaires napoléoniens occupant la ville défilaient
en formation, ils jouaient du tambour. Les vendeuses d’eau leur
répondaient en tapant sur les tonneaux qu’elles utilisaient. Aujourd’hui, ce
sont des adultes, il y a aussi la tamborrada des enfants, qui défilent avec
tambours et costumes napoléoniens et un groupe de cuisiniers et
vendeurs d’eau avec des tonneaux espagnols. Et tout le monde tape
joyeusement en rythme.
La fête commence le 19 janvier à minuit à la place de la Constitution avec
le lever du drapeau de la ville. Au total, c’est une bonne centaine de
compagnies formées chacune de 20 à 50 tambours et
de 50 à 100 tonneaux qui défilent dans tous les quartiers de la ville
pendant vingt-quatre heures.
Les Basques et les constitutions
d’inspiration française
Dans le droit fil de leur attachement à leur langue et à leur
organisation sociale, voir au chapitre précédent, les Basques se
positionneront contre la Constitution de Cadix, constitution
libérale de 1812. En effet, celle-ci remet en question leurs lois
ancestrales, les fors (foruak). De retour au pouvoir, Fernando
VII, libéré en 1814 par Napoléon, abolit la Constitution et
rétablit le pouvoir monarchique absolu. Les Basques se rangent
à ses côtés, dans la mesure où il respecte les fors. Quand les
libéraux prennent le pouvoir (1820), ils prétendent abolir les
fors. Carlos, prétendant à la succession de son frère Fernando
VII, promet, lui, de conserver les fors. Quand sa nièce Isabelle
l’évince du trône, Don Carlos prendra la tête de la révolte. Ce
sont les guerres carlistes, de son nom Carlos. Elles seront vécues
au Pays basque comme la défense des fors.

Les guerres carlistes et les fueros


Obligés de faire leurs choix politiques en fonction de la
sauvegarde des fueros auxquels ils sont attachés, les Basques se
rallient à Don Carlos. Ils sont donc carlistes.

La première guerre carliste


On appelle première guerre carliste la guerre civile qui
enflamme l’Espagne, essentiellement le Pays basque d’ailleurs,
entre les années 1833 et 1840. Elle est extrêmement violente, on
estime qu’elle fait 200 000 morts. Le conflit se termine par
l’accord de Bergara, ville de Guipúzcoa, en 1839. Elle marque la
défaite des carlistes.
Conséquences : la Navarre cesse d’être un royaume et les fueros
tout en étant garantis par l’Espagne, sont réduits au minimum.
La douane est déplacée de l’Èbre au sud à la Bidassoa et aux
Pyrénées. Ceci coupant de fait les quatre provinces du Sud (petit
rappel : Álava, Biscaye, Guipúzcoa et Navarre) des trois sœurs
du Nord (Labourd, Basse-Navarre et Soule). Le Nord verra ses
industries artisanales péricliter rapidement malgré la
contrebande.

La troisième guerre carliste


Nous vous faisons grâce de la deuxième guerre carliste (1846-
1849), limitée surtout à la Catalogne. La troisième guerre
carliste (1872-1876) fait suite à la publication par le prétendant
Carlos VII, en 1868, d’un manifeste pour une monarchie
constitutionnelle et parlementaire. Il est le petit-fils de Don
Carlos et s’attaque à la monarchie en place. La guerre dure
quatre ans et c’est une nouvelle défaite des carlistes. Le conflit
prend fin en 1876. Le bilan est très mauvais pour les Basques,
les fueros sont abolis. Toutefois, la Navarre après confirmation
des fueros en 1839, négocie un statut particulier au sein de l’État
espagnol. La loi dite « pactisée » votée en 1841 est conservée
en 1876.

Sabino Arana Goiri et la création des


symboles actuels du nationalisme
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la société basque est donc
confrontée au libéralisme qui a renversé la société traditionnelle
en France et tente de le faire en Espagne. Lors des guerres
carlistes, les Basques prennent deux fois les armes contre les
libéraux de Madrid. Mais une loi espagnole de 1876 supprime
les institutions juridiques ancestrales des Basques.
L’industrialisation de la Biscaye, après la seconde guerre
carliste, provoque le bouleversement d’une société basque
jusque-là rurale. C’est dans ce climat qu’émerge la figure de
Sabino Arana Goiri. Si la situation politique et sociale a été
propice à Sabino Arana Goiri pour formuler les idées
nationalistes et créer le premier parti nationaliste basque, il a eu
deux grands prédécesseurs : Manuel Larramendi et Augustin
Chaho.

Le précurseur, Manuel Larramendi :


un roi élu
Manuel Garagorri Larramendi est un jésuite d’Andoain en
Guipúzcoa (1690-1776), défenseur inconditionnel d’Euskal
Herria (le Pays basque). Avec les conférences qu’il prononce en
public devant les Juntas Generales de Guipúzcoa (voir aussi au
chapitre 2, « C’est le peuple qui choisit son roi »), on a les
premières réflexions sur l’identité culturelle et nationale du
peuple basque. Ceci vingt ans avant celles de Johan Gottfried
Von Herder, le grand théoricien du nationalisme en Europe.
Bascophile infatigable et polémiste, Larramendi prône, entre
autres, l’indépendance en se reposant sur l’identité culturelle :
« Pourquoi la langue basque aussi vive et plus vivace que
beaucoup d’autres ne doit-elle pas voir tous ses bascophones
réunis dans une seule nation ? Pourquoi les trois provinces
d’Espagne (Guipúzcoa, Álava, Biscaye) et le royaume de
Navarre doivent-ils être dépendants de la Castille et le Labourd,
la Soule, la Basse-Navarre dépendre de la France ? Sollicitons
les uns et les autres et nous nous nommerons Provinces Unies
des Pyrénées. »

Un roi élu !
Larramendi conçoit une république avec un roi, ce qui est
normal à cette époque, mais un roi élu : « Nous créerons entre
tous les Basques une république. Si cela nous convient nous
choisirons un roi et pour notre profit ce roi sera élu. Nous le
choisirons à tour de rôle dans toutes nos provinces. Ce roi
devrait avant tout recevoir une formation militaire, être d’un
grand courage, d’une énergie farouche pour mener à bien et faire
durer notre action héroïque. Le roi devra prêter serment en plus
des Fueros à une Constitution ou Pacta Conventa. Cette
république ne sera viable que si au Guipúzcoa s’ajoutent les six
autres provinces basques. »

La langue basque, langue administrative


Le basque sera la langue administrative du territoire et les lois
seront faites par les intéressés, les Basques. Il continue : « Les
lois seront modifiées par les Basques sans intervention de
quelque roi que ce soit. La langue des institutions politiques et
des assemblées sera le basque : ceux qui ne le savent pas
l’apprendront, comme les Basques l’ont fait avec le castillan. »

Augustin Chaho, pour une fédération


basque
Augustin Chaho (1811-1858) est un romantique souletin que
vous aurez l’occasion de connaître mieux au chapitre 5 sur la
langue basque. Dans son Voyage en Navarre pendant
l’insurrection des Basques publié en 1836, pendant la première
guerre carliste, il formule le nationalisme basque ainsi :
« L’indépendance basque se justifie par : la géographie ; une
frontière artificielle divise l’unité naturelle du peuple basque ; la
langue, qu’il faudra enseigner, l’histoire, dans laquelle les
Basques ont joué un rôle glorieux jusqu’à l’arrivée des
Barbares ; le droit, les fors, qui garantissent la véritable liberté et
la véritable égalité, contre le faux libéralisme qui mène au
despotisme, et contre le capitalisme […] »
Contre la conspiration franco-espagnole il prône la violence
jusqu’à l’insurrection armée, tant qu’une fédération basque
n’aura pas restauré les fors et regroupé les Basques de France et
d’Espagne.
Sabino Arana Goiri, le catalyseur du
nationalisme
Sabino Arana Goiri est un fils d’armateur et représentant aux
Assemblées de Guernica (Juntas de Gernika) en Biscaye.
Son œuvre La Lutte de la Biscaye pour l’indépendance (Bizkaya
por su independencia, 1892) peut être considérée comme l’acte
de naissance du nationalisme basque. Dans ce petit volume,
Sabino Arana fait le récit de la lutte de la Biscaye médiévale
contre les royaumes voisins du León et de Castille au Moyen
Âge. Mêlant histoire et mythe.

Une vie d’idéologue et d’homme politique agitée


En 1893, il fonde le journal nationaliste Bizkaitarra (Le Biscayen). Dans les colonnes de
son premier numéro, il y effectue sa profession de foi, s’y déclarant résolument « anti-
libéral et anti-espagnol ». Cela lui procure pas moins de sept procès par le
gouvernement espagnol. Il passe cinq mois en prison, avant que Bizkaitarra ne soit
interdit. En 1895, il fonde le Parti nationaliste basque (PNV, Partido Nacionalista Vasco
ou Euzko Alderdi Jeltzalea en basque).
En 1898, Sabino Arana Goiri est élu député provincial de Biscaye à Bilbao. Le pouvoir
central adopte une politique plus dure vis-à-vis des militants basques. Sabino a envoyé
un télégramme au président des États-Unis, Theodore Roosevelt, le félicitant d’avoir
donné l’indépendance à Cuba. C’est le prétexte. En juin 1902, il est de nouveau à la
prison de Bilbao et les conseillers municipaux de la ville, membres du Parti nationaliste
basque, sont suspendus de leurs fonctions.

Les symboles actuels du nationalisme


La plupart des symboles nationalistes basques actuels ont été
créés par Sabino Arana : Euzkadi (projet de nation basque),
Ikurrina (drapeau basque), l’Aberri Eguna (Jour de la Patrie)…
Euskal Herria est la réalité géographique, linguistique et
culturelle qui comprend tous les territoires où on parle le
basque, l’euskara. Euzkadi (aujourd’hui Euskadi,
prononcez eoushcadi), par contre, c’est le projet politique
conçu par Sabino Arana en 1895. Ce mot qu’il a créé
signifie que cet ensemble de territoires unis par la langue,
la culture et une certaine conscience de communauté,
aspire à se transformer au plan institutionnel. Euzkadi est
donc le nom avec lequel on baptise le projet de
construction nationale du Pays basque. Depuis lors, ce
projet a été poursuivi pour faire référence à un projet
essentiellement contraire à l’unité de l’Espagne. Euskadi
désigne maintenant les trois provinces qui constituent la
Communauté autonome basque : Álava, Biscaye et
Guipúzcoa.
Quand ETA (Euskadi ta Askatasuna : Euskadi et Liberté)
est né, il a incorporé à ses sigles un nom subversif :
Euskadi. Euskal Herria était une expression culturelle,
inoffensive, permise par le franquisme. Euskadi, non. Et
tout au long de cette période franquiste, Euskadi a été
l’axe autour duquel ont conflué résistants, poètes,
utopistes et militants basques dans la lutte contre le
franquisme.
Ikurrina (prononcez icourrigna). L’ikurrina est au départ
uniquement le drapeau de la Biscaye, Sabino Arana s’est
en effet inspiré de l’emblème et du blason de ce territoire.
Mais rapidement il perd sa connotation territoriale
biscayenne et est considéré comme le drapeau du Pays
basque dans son ensemble. Pendant la Seconde Guerre
mondiale, l’ikurrina est toujours présent sur le front. Il est
officiellement utilisé comme drapeau du Bataillon basque
qui combat contre les Allemands en Gironde, et le général
de Gaulle lui rend les honneurs militaires. Nous vous
présentons sa forme et ses couleurs au chapitre 6, parmi
les symboles basques.
Interdit sous Franco, on légalise l’ikurrina en
janvier 1977. C’est l’enthousiasme et la joie. Le drapeau
peut apparaître à nouveau dans toutes les mairies, les
célébrations, etc. En 1979, le Bulletin Officiel de l’État
espagnol publie comment l’ikurrina devient le drapeau
officiel du Pays basque. Il est adopté par le Statut
d’autonomie dans son article 5.
Aberri Eguna (le Jour de la Patrie). Le dimanche de
Pâques voit chaque année la célébration de l’Aberri
Eguna qui signifie en basque « journée de la patrie ». Lors
de la première édition de cette fête, célébrée à Pâques
en 1932, près de 80 000 Basques se réunissent à Bilbao.
Le nationalisme basque était en marche. Interdite
évidemment par l’État espagnol après la guerre civile, la
fête continua d’être célébrée par le gouvernement basque
en exil. En France, les premiers Aberri Egunak ont lieu au
début des années 1960, près de la stèle de la charte
d’Itxassou.
Euzko Alderdi Jeltzalea (Parti nationaliste basque, EAJ-
PNB). Fondé en 1895 par Sabino Arana Goiri, c’est
actuellement un parti de centre droit, avec des valeurs
humanistes de respect de la personne et qui prône le Pays
basque comme nation européenne ouverte. C’est le
premier parti de la Communauté autonome basque.
Euzko Alderdi Jeltzalea signifie littéralement « Le parti
(alderdi) basque (euzko) pour Dieu et les vieilles lois ».
En effet JEL, ce sont les initiales de la devise Jaungoikoa
Eta Lege zaharrak, Dieu et les vieilles lois. Le parti a été
longtemps un parti qui se revendiquait chrétien.

Un réformateur de la langue
Sabino Arana écrit : « La langue est l’élément de notre
nationalité, voix de notre indépendance ininterrompue des âges
passés et empreinte de notre race. » À cette époque « race »
signifie ethnie, peuple. Il souligne la nécessité de redonner une
utilité à la langue basque afin de freiner sa disparition
progressive : « Le remède est donc de fonder des industries,
soutenir des compagnies maritimes, organiser des sociétés d’arts
et métiers, des confréries de bienfaisance et mutualité, […] de
façon à ce que l’euskara serve à quelque chose, en étant
obligatoire pour prendre part à ces activités […] » C’est ainsi
qu’il développe des recherches sur la langue basque et que des
cours de basque sont organisés.
Dans son travail intitulé Lecciones de Ortografía del Euzkera
Bizkaíno (Leçons d’orthographe du basque biscayen), il propose
un modèle d’orthographe. Son but est de différencier le basque
de l’espagnol et de rechercher une sorte de purisme linguistique.
En créant des mots nouveaux, il essaie de faire disparaître du
lexique basque tous les emprunts, nouveaux mais aussi anciens,
venant du latin. Si la plupart des mots qu’il crée ont disparu avec
le temps, certains sont encore utilisés aujourd’hui dans la vie de
tous les jours : aberri (patrie), abertzale (patriote), lehendakari
(président), abizen (nom), idatzi (écrire), urtaro (saison), suziri
(pétard)…
Sabino Arana donne une importante impulsion aux prénoms
basques. Il se lance dans la basquisation des noms du calendrier
chrétien. Son travail aura un grand succès. Voici des prénoms
aujourd’hui très répandus : Edurne, Iker, Iñaki (Ignace), Gorka
(Georges), Jasone, Jone, Kepa, Miren, Nekane…
Il n’était pas favorable à l’imposition d’une langue basque
unifiée. Selon lui, chaque dialecte, chacun gardant ses
caractéristiques, devait avoir un statut de langue dans l’État
fédéral d’Euzkadi. Les bascophiles Resurreccion Maria Azkue et
Arturo Campion, académiciens de la toute jeune Académie de la
langue basque créée en 1919, n’étaient pas d’accord avec cette
idée. C’était un point de polémique très important à cette
époque. L’avis officiel du Parti nationaliste basque fut pendant
longtemps celui d’Arana, mais à la mort de celui-ci beaucoup
accepteront l’idée d’un basque unifié.

La renaissance de la culture
basque : les jeux floraux
Les jeux floraux sont des concours de littérature et poésie qui
ont leur origine au Moyen Âge en Occitanie à Toulouse. Ils sont
organisés en Catalogne du XIVe au XVIe siècle. Ils vont renaître
au XIXe et se répandre dans toute la péninsule Ibérique.
Au Pays basque, d’abord au nord des Pyrénées et au sud après,
alors qu’au XIXe siècle la basquitude est en train de s’éteindre,
les jeux floraux lui donnent un grand coup de pouce. Grâce à
eux, le bertsolarisme (improvisation chantée) ouvre les portes à
la poésie, et grâce à la littérature les relations entre les Basques
des deux côtés des Pyrénées se renforcent.

Antoine d’Abbadie, grand mécène de


la culture basque
Antoine d’Abbadie (1810-1897) est le fils d’un exilé souletin
durant la Révolution française et d’une riche irlandaise. Grand
savant et explorateur, président de l’Académie des sciences, de
retour de voyage en Éthiopie il fait construire un château à
Urrugne (Urruña) en Labourd. Vous pourrez visiter ce curieux
château de style néogothique dessiné par Viollet-le-Duc.
D’Abbadie a été un grand mécène de la culture basque. Il publie
avec Augustin Xaho en 1835 des études grammaticales sur la
langue. Dans les années 1851 et 1852, il soutient la pelote
basque et en 1853, il organise pour la première fois un concours
de poésie. C’est ainsi que naissent les jeux floraux basques. Tous
les Basques, qu’ils viennent du Nord ou du Sud, peuvent y
participer. Le prix pour le premier concours fut une once d’or et
un makila, le bâton traditionnel basque.
Durant plus de vingt ans, les jeux floraux eurent lieu à Urrugne,
à Sare et à Saint-Palais (Basse-Navarre). Au Pays basque sud les
premiers Jeux ne se célèbrent qu’en 1879 à Elizondo (Navarre).
Notons les jeux floraux célébrés à Bilbao en 1901, où les paroles
prononcées par Miguel de Unamuno dans son discours sur les
limites de la langue basque allumeront le débat et échaufferont
les esprits.

Une chanson culte, « Gernikako


arbola »
1853 est une date qui compte dans l’histoire de la culture
basque. D’une part, cette année-là sont organisés les premiers
jeux floraux. D’autre part, l’auteur-compositeur José María
Iparraguirre interprète pour la première fois Gernikako arbola
(L’arbre de Guernica) à Madrid.
Gernikako arbola exalte le chêne, symbole des libertés
traditionnelles des Biscayens, et par extension des Basques. Les
seigneurs de Biscaye prêtaient serment sous cet arbre, tout
comme maintenant le Lehendakari (président) de la
Communauté autonome basque. Ce chant est devenu l’hymne
non officiel des Basques du Sud.

Gernikako arbola L’arbre de Gernika


Gernikako arbola da bedeinkatua, Arbre béni de Guernica
Euskaldunen artean guztiz Aimé de tous les Basques
maitatua
Eman ta zabal zazu munduan Donne et distribue ton fruit dans le monde
frutua. entier.
Adoratzen zaitugu arbola santua ! Nous t’adorons, ô arbre saint !
Mila urte inguru da esaten dutela On dit qu’il y a environ mille ans
Jainkoak jarri zuela Gernikan Que Dieu planta l’arbre de Guernica
arbola
Zaude bada zutikan orain da Reste debout aujourd’hui et pour toujours,
denbora,
Eroritzen bazera arras galdu gera. Car si tu tombes nous serons perdus.
Ez zera eroriko arbola maitea, Mais tu ne tomberas pas, ô arbre bien-aimé,
Baldin portatzen bada Bizkaiko Tant que le peuple de Biscaye se portera
juntea. dignement.
Laurok hartuko degu zurekin Et tant que les quatre provinces feront partie,
partea,
Pakean bizi dedin euskaldun Et feront vivre le peuple basque dans la paix.
jendea.
Betiko bizi dedin Jaunari Demandons au Seigneur qu’il vive pour
eskatzeko toujours
Jarri gaitezen danok laister Demandons-le tous à genoux,
belauniko,
Eta bihotzetikan eskatu ezkero, Et demandons-le du fond du cœur,
Arbola biziko da orain eta gero. L’arbre vivra aujourd’hui et pour toujours.

Le thermalisme et les débuts du


tourisme international
Vous connaissez les plages de Biarritz ou la baie de Saint-
Sébastien. Vous vous y êtes peut-être déjà baigné(e). Bien sûr, là
aussi, il y a eu des précurseurs.

Et l’Océan devient à la mode


Ce n’est qu’au XIXe siècle que le thermalisme devient un
phénomène de mode. Il se répand grâce au développement des
chemins de fer et aux progrès de la médecine. On redécouvre
aussi en Europe les bienfaits de l’eau de mer et du climat marin.
Les bains de mer sont sans doute les plus caractéristiques des
loisirs de cette époque. Les côtes de l’Océan sont la parade à
l’insalubrité des villes industrielles et aux méfaits de la nouvelle
civilisation urbaine. Pour les plus aisés du moins !
Les stations maritimes les plus élégantes se distinguent grâce à
la présence de membres de familles royales ou de l’aristocratie
qui suivent également cette nouvelle mode. C’est l’étalage de
signes extérieurs de richesse. Il suffit de parcourir les rues de
Biarritz et de Donostia (Saint-Sébastien) pour voir tout ce que
cette époque a laissé de villas somptueuses, de vastes parcs.
Biarritz en pointe, aidée par les Anglo-Saxons
En 1868, le docteur Lee, un médecin anglais, vante dans son livre, The Health Resorts
of the South of France (Les Stations thermales du Sud de la France), l’excellence du
climat de Biarritz. En 1880, c’est au tour du docteur Yéo Burning de recommander
Biarritz dans Climate and Health Resorts (Stations climatiques et thermales). Et ce livre
devient très populaire en Angleterre.
Biarritz prend de plus en plus d’importance et c’est ainsi que le premier congrès
international d’Hydrologie et de Climatologie s’y déroule du 1er au 8 octobre 1886. Sont
réunies plus de mille personnes, médecins, météorologues, savants du monde entier.
Le New York Herald Tribune écrit le 28 février 1887 que Biarritz n’a pas sa rivale comme
station océanique climatique. Voilà une bonne publicité, cela comptait déjà !
Par décret du 30 mai 1912, Biarritz est classée « Station hydrominérale ».

Un village de pêcheurs, capitale européenne


des loisirs
Au nord des Pyrénées, un tout petit village de pêcheurs devient
ville de prestige. Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III et
impératrice, en fait son lieu de villégiature d’été. En 1854,
l’Empereur lui fait construire la villa Eugénie au bord de la mer.
Élégante et luxueuse, la villa a une originalité. Le plan de
l’énorme bâtisse forme l’E d’Eugénie. C’est aujourd’hui l’Hôtel
du Palais, un des plus somptueux palaces d’Europe.
En 1893 sont inaugurés les thermes salins de Biarritz. Des
canalisations de plus de vingt kilomètres amènent l’eau, avec
une teneur en sel dix fois plus élevée que celle de l’eau de mer,
depuis les salines de Briscous (Beskoitze) à l’est de Bayonne.
Cette nouvelle offre va fortement développer l’activité
économique de la station balnéaire.

Lekeitio et Saint-Sébastien, points de


ralliement de l’aristocratie espagnole
Au sud des Pyrénées, vers le milieu du XIXe siècle, le petit port
de Lekeitio en Biscaye et Saint-Sébastien sont les deux endroits
préférés d’Isabel II, reine d’Espagne et de son époux. Le lien
établi avec Saint-Sébastien est renforcé par la reine Marie-
Christine, épouse d’Alfonse XII à la mort de son mari. Elle
transfère les vacances des Cortes, les chambres législatives
espagnoles, à Saint-Sébastien. Cette décision décide de manière
définitive de l’avenir touristique de la ville.
Le Palais de Miramar (Miramar Jauregia en basque) est un
palais de style anglais construit en 1893 sur ordre de la Maison
royale d’Espagne. Situé en face de la baie de la Concha, il jouit
d’une des plus belles vues de Saint-Sébastien. Actuellement le
palais et ses jardins sont ouverts au public à certains horaires.
Une visite s’impose.
Chapitre 4
LeXXe siècle,
vers l’émancipation
Dans ce chapitre :

Le premier statut d’autonomie et la guerre civile espagnole

Les Basques pendant la Seconde Guerre mondiale

La période de la dictature franquiste

La résistance et la création d’ETA

La naissance des territoires autonomes au sud

Le débat autour d’une collectivité territoriale au nord

L ebasque,siècle
XXe va être particulièrement mouvementé au Pays
surtout au sud, même si l’Espagne ne participera pas
à la Seconde Guerre mondiale. Le mouvement nationaliste né en
Biscaye à la fin du siècle précédent va marquer fortement les
territoires occidentaux, industrialisés. La guerre civile espagnole
connaîtra son paroxysme avec le bombardement de la petite ville
biscayenne de Guernica le lundi 26 avril 1937. Le siècle se
terminera sur une note beaucoup plus optimiste avec des deux
côtés de la frontière, selon des modalités différentes, la
recherche d’une autonomie plus grande face aux deux grands
États dont le Pays basque dépend.
L’annonce par l’organisation armée ETA d’une trêve
permanente, générale et vérifiable le 10 janvier 2011 inaugure, à
n’en pas douter, une nouvelle page de l’histoire du Pays basque.
Le premier statut d’autonomie et la
guerre civile espagnole
L’héritage de Sabin Arana Goiri décédé en 1903 va prospérer
jusqu’à la guerre civile d’Espagne en 1936. Le Parti nationaliste
basque, Euzko Alderdi Jeltzalea, qu’il avait fondé devient le
premier parti en Biscaye et va propager ses idées en Guipúzcoa
et en Navarre.

L’essor du nationalisme et le premier


gouvernement basque
Nous sommes dans les années 1900, 1910. Des groupes
nationalistes basques se créent un peu partout, appuyés sur le
syndicalisme nationaliste. Sous leur pression et profitant de la
Seconde République espagnole, un statut d’autonomie est
approuvé par de très nombreux maires des quatre provinces
(Álava, Biscaye, Guipúzcoa et Navarre) du Sud le 14 juin 1931.
Il sera modifié par la Constitution espagnole du 9 décembre.
Avec le soutien des nationalistes, des socialistes et des
républicains mais sans celui des carlistes un nouveau statut est
proposé. Toutefois, la Navarre votera majoritairement contre et il
sera abandonné.

José Antonio Aguirre, l’autonomie puis l’exil


Profitant du succès aux élections du Front populaire en Espagne,
malgré les débuts de la guerre civile, un nouveau statut
d’autonomie est adopté le 1er octobre 1936. Le premier
gouvernement basque est formé qui réunit l’Álava, la Biscaye et
le Guipúzcoa. On nomme cet ensemble Euskadi. José Antonio
Aguirre (1904-1960) en sera le président. Avec la défaite des
républicains contre les forces de Franco, il devra s’exiler avec
son gouvernement en France. Une délégation est ouverte à Paris
à l’automne 1936, puis en Belgique. À nouveau à partir de 1945,
c’est de Paris qu’il dirigera ce gouvernement en exil jusqu’à sa
mort en 1960. Il est enterré à Saint-Jean-de-Luz.
L’exil de José Antonio Aguirre pendant la Seconde Guerre
mondiale a été particulièrement rocambolesque. En France
d’abord, il crée des camps d’entraînement et des services de
renseignement. Passé en Belgique, il va à Berlin sous un faux
nom d’où il rejoint la Suède puis Rio de Janeiro. Ensuite c’est
l’Argentine et l’Uruguay qu’il doit fuir successivement car il
révèle son identité. Son parcours se poursuit à New York où il
enseigne à l’université jusqu’en 1952 lorsque les États-Unis
commencent à se rapprocher de Franco. Il retourne alors à Paris.
La fin, vous la connaissez.

La guerre civile et le bombardement


de Guernica
L’autonomie d’Euskadi n’a été que de courte durée, mais comme
l’épisode du royaume de Navarre au Moyen Âge, elle a eu une
forte résonance chez les Basques.
Les Basques catholiques aux côtés des Républicains
dans la guerre civile espagnole
En février 1936, le Front populaire remporte les élections en Espagne. Mais le clergé,
les militaires et la grande bourgeoisie ne supportent pas cette victoire. Un groupe
d’officiers dirigé par le général Franco va entreprendre avec succès la conquête de
l’Espagne qui se terminera le 1er avril 1939. Le gouvernement républicain élu, bien
qu’anticlérical, reçoit le soutien des Basques catholiques parce qu’il admet leur
autonomie provinciale au contraire des franquistes. Le Parti nationaliste basque est en
effet un parti de droite modérée, catholique. Maintenant on dirait démocrate-chrétien.
Les Basques et leur gouvernement paieront cher leur alliance avec les républicains
pendant et après la conquête des trois provinces d’Àlava, Biscaye et Guipúzcoa
en 1937 : exil (environ 150000 réfugiés au Pays basque nord et en France, en
Angleterre, en Belgique et en Amérique), exécutions (il y eut même 16 prêtres fusillés),
incompréhension de la part de l’opinion publique internationale pour ces catholiques
séparatistes alliés aux « rouges ». L’armée basque se rendra aux Italiens
le 25 août 1937 dans la province de Santander. La Navarre, elle, se mettra vite dans le
camp des insurgés, des vainqueurs.

Le bombardement de Guernica

Même si la ville de Guernica (Gernika, Biscaye) n’était pas une place


stratégique dans la conquête de la Biscaye par les franquistes, elle avait
une valeur symbolique pour les Basques. S’y trouve toujours le fameux
arbre de Guernica, un chêne, où les rois de Castille allaient prêter serment
de respecter les fors basques, symbole de leur autonomie juridique et
fiscale. Rappelons que les fors, en particulier ceux de Biscaye, sont
élaborés par les Juntas, c’est-à-dire l’ensemble du peuple. Ils contiennent
des dispositions issues d’usages ancestraux qui garantissent les droits
essentiels de l’homme, la liberté et l’égalité. Ce bombardement par les
avions allemands de la ville le 26 avril 1937 est considéré comme le
premier raid de l’histoire de l’aviation militaire moderne sur une population
civile. La petite ville ce jour-là compte beaucoup de monde, en effet c’est
jour de marché et de nombreux réfugiés sont venus pour essayer de
s’enfuir par le train. Le bombardement fera en deux heures trente
environ 1 800 victimes sur 6 000 personnes.

Picasso et Guernica
Cette tragédie a été rendue célèbre dans le monde entier par le
tableau Guernica de Pablo Picasso. De grande dimension,
presque huit mètres sur trois et demi, l’œuvre resta près de
quarante ans aux États-Unis car Picasso ne voulait pas qu’elle
revienne en Espagne franquiste. Elle est exposée à Madrid
depuis 1981. C’est certainement une de ses œuvres les plus
connues. L’artiste aurait déclaré à son propos : « Dans le
panneau auquel je travaille et que j’appellerai Guernica et dans
toutes mes œuvres récentes, j’exprime clairement mon horreur
de la caste militaire qui a fait sombrer l’Espagne dans un océan
de douleur et de mort. »

Les Basques pendant la Seconde


Guerre mondiale

Les Basques en exil aux côtés de la


France
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, les Basques du Sud
en exil se rangeront aux côtés des Alliés contre la tyrannie nazie
dont ils avaient eu à souffrir en 1937. Le président du
gouvernement Aguirre confirme « l’entière solidarité » des
Basques avec la France. Plusieurs milliers d’entre eux
s’engagent et sont d’abord employés dans les usines de la
Défense nationale. Mais dès l’offensive allemande en mai 1940,
plusieurs centaines d’entre eux seront internés au camp de Gurs
en Béarn. En 1941, un accord est signé avec le général de Gaulle
à Londres et en 1943, un bataillon de Basques appelé Gernika
est formé. Il participe à des combats au nord de la Gironde et les
Allemands se rendront en avril 1945.
Quand il passera les troupes victorieuses en revue le 22
avril 1945, le général de Gaulle saluera le drapeau basque et
déclarera au commandant du bataillon Kepa Ordoki :
« Commandant, la France n’oubliera jamais les efforts et les
sacrifices accomplis par les Basques pour la libération de notre
sol. » Il ne semble pas que ces propos aient été suivis d’effet.

La rencontre d’Hendaye

Voilà une rencontre qui va avoir des conséquences bien au-delà du Pays
basque, même si elle s’est déroulée en Labourd à Hendaye le 23 octobre
1940. Ce jour-là, Hitler, qui a pris le train, retrouve Franco pour des
entretiens. Il s’agit pour le chef de l’Allemagne nazie d’obtenir l’entrée en
guerre de l’Espagne au côté de l’Allemagne. En échange, il propose à
Franco Gibraltar, des territoires au Maroc et en Algérie ainsi qu’un soutien
logistique. Mais Franco refuse cette alliance ; il acceptera seulement que
la marine allemande puisse abriter ses sous-marins dans les ports
espagnols. Hitler repartira d’Hendaye furieux. Le lendemain Pétain
refusera lui aussi à Hitler d’entrer en guerre contre l’Angleterre. Cette
neutralité de l’Espagne aura des conséquences favorables aux opposants
aux nazis ; elle permettra à la Résistance, aux combattants défaits, à ceux
qui devaient fuir d’y trouver refuge, avant de repartir se réorganiser en
Angleterre.

La Résistance en Pays basque nord


En Pays basque nord, côté français donc, il n’y a pas eu de
combats frontaux. En vertu des clauses de l’Armistice, signée
le 22 juin 1940, le territoire était divisé en deux par une ligne de
démarcation qui constituait une vraie frontière : d’une part, la
« zone occupée » côté littoral, sous l’autorité directe des troupes
d’occupation et, d’autre part, la zone non occupée, dite « zone
libre », côté est vers le Béarn, sous l’autorité du gouvernement
collaborationniste de Pétain. Cette ligne partait de la frontière à
Arnéguy (Arnegi) en coupant la Basse-Navarre en deux.
Le contrebandier passeur

Voilà un personnage typique du folklore basque, un peu mystérieux,


souvent connu du voisinage, sulfureux aussi, mais pour qui on avait de la
sympathie. La contrebande, activité séculaire au Pays basque, était
grandement facilitée par un relief tourmenté et une excellente
connaissance du terrain que les douaniers n’avaient pas. Physiquement il
fallait être robuste, bon marcheur, cela se faisait à dos d’homme ou de
mule, la nuit. En basque, on appelle la contrebande gau lana « le travail
de nuit ». Mais des deux côtés de la frontière on était en confiance
puisqu’on se considérait, qu’on se considère toujours, comme frères. La
contrebande permettait à des familles de vivre, à de nombreux jeunes de
ne pas partir en exil chercher du travail. Pierre Loti a immortalisé avec
Ramuntcho en 1897 le personnage du jeune contrebandier basque,
valeureux, vivant un amour impossible dans un Pays basque exotique,
mystérieux mais chaleureux, bref typique de l’« âme basque ».

Sauver des vies, aider la résistance


Faire traverser la frontière entre les deux États vers l’Espagne
qui s’était déclarée neutre, devint l’une des activités les plus
importantes du mouvement de la Résistance au nazisme en Pays
basque nord. C’est là que les Pyrénées sont le plus facilement
franchissables. Les candidats au passage étaient nombreux et
divers : Juifs fuyant la répression nazie, jeunes réfractaires au
Service du travail obligatoire en Allemagne, agents des services
de renseignement des Forces françaises libres, aviateurs et
militaires alliés, etc. Ainsi en passant par le Pays basque,
288 pilotes d’avion purent rejoindre l’Angleterre grâce au réseau
de résistance « Comète » organisé en Belgique. Près
de 30 000 personnes ont franchi les Pyrénées et parmi
elles 22 000 se sont engagées dans l’armée française en Afrique
du Nord. Les passeurs prenaient de gros risques, ils risquaient
d’être dénoncés.
L’autre grande activité fut celle d’attaquer les forces allemandes.
Des maquis importants seront organisés, en particulier à l’est en
Soule. Plusieurs dizaines de personnes mourront fusillées ou en
déportation et Mauléon (Maule), capitale de la province,
obtiendra la croix de guerre 1939-1945 pour ses actes de
résistance.
L’image du contrebandier devenu passeur pendant la Seconde
Guerre mondiale s’est alors bien sûr grandement améliorée.
Mais on aimait bien de toute façon raconter ses exploits toujours
pacifiques, au nez et à la barbe du douanier, brave fonctionnaire
venu d’ailleurs.

La période de la dictature franquiste


À partir de la défaite du Front nord en août 1937, les Basques du
Sud vont se trouver partagés en deux. D’un côté les vaincus, de
l’autre les vainqueurs. Dès que Franco prend le pouvoir, la
répression, les pertes de liberté commencent. Beaucoup de
personnes sont emprisonnées et exécutées, les partis politiques et
les syndicats sont interdits, les moyens de communication sont
sévèrement contrôlés, une administration pesante mise en place.
Pourtant en Pays basque la répression sera moins sanglante
qu’elle pourra l’être dans certaines autres régions en Espagne.
En effet, le Parti nationaliste basque était un parti catholique et
le Vatican influencera la position franquiste. La Navarre et
l’Álava qui s’étaient montrées favorables au coup d’État
militaire ne subiront pas de répression, au contraire.
Une grande autonomie fiscale

Les quatre provinces basques bénéficiaient d’une grande autonomie


fiscale depuis longtemps. En effet, elles avaient conservé leurs propres
régimes fiscaux dans le cadre des fors après leur annexion au royaume
de Castille au XVIe siècle. Ces privilèges furent modifiés en 1841 pour la
Navarre et en 1876 pour les autres provinces basques. Elles furent
obligées de contribuer au financement des charges de l’État. Mais une
certaine autonomie fiscale leur est reconnue leur permettant de lever les
impôts dans le cadre de nouveaux accords économiques jusqu’en 1937.
Un décret du 23 juillet 1937 abroge cette autonomie pour le Guipúzcoa et
la Biscaye, mais la maintient en vigueur pour l’Àlava et la Navarre. Le
régime franquiste punit le soutien accordé aux républicains par les deux
premières provinces et il récompense l’aide qu’il avait reçue de la part des
deux autres.

Ce n’est qu’après la chute du franquisme que les provinces


basques vont retrouver cette grande autonomie financière, de
façon plus marquée en Euskadi (Álava, Biscaye et Guipúzcoa)
qu’en Navarre. Nous en reparlerons plus loin.

La résistance et la création d’ETA


À partir des années 1950 une nouvelle génération commence à
se mettre en avant au Pays basque sud. Ces jeunes s’éloignent du
gouvernement en exil qu’ils considèrent loin de la réalité du
terrain et pour ce dernier il est de plus en plus difficile de
contrôler la situation. Le syndicat CCOO (Confederación
Sindical de Comisiones Obreras) et le socialisme commencent à
avoir de l’influence.

Qu’est-ce qu’ETA ?
Mais le fait le plus marquant est la création en 1959 de ETA,
sigle de Euskadi Ta Askatasuna « Pays basque et Liberté ». D’un
groupe d’opposition à la dictature franquiste, ETA va peu à peu
devenir une organisation armée luttant pour l’indépendance du
Pays basque. Les premières attaques à main armée et les
extorsions de fonds (appelé « impôt révolutionnaire ») auprès
des entreprises basques commencent en 1965. Le premier
attentat mortel a lieu le 7 juin 1968 avec l’assassinat d’un
policier. L’attentat le plus meurtrier aura lieu dans un centre
commercial de Barcelone le 19 juin 1987 faisant vingt et un
morts.
Pendant les années 1960-1970 des grèves ponctuelles ou
générales de protestation, des attentats armés commencent à
porter des coups au régime franquiste. Un décret contre le
banditisme et le terrorisme permet d’étendre l’état d’exception.
De nombreuses personnes sont emprisonnées au Pays basque,
plus de 2 000 par exemple en 1969. Le procès de seize
indépendantistes basques à Burgos en novembre-
décembre 1970 va marquer un infléchissement dans la politique
franquiste. Six sont condamnés à la peine capitale qui sera mutée
en peine d’emprisonnement face au retentissement international
du procès.

L’attentat mortel contre Carrero Blanco

Voilà un événement qui va stupéfier le monde entier et marquer un


tournant dans l’histoire de l’Espagne. Il montre que le régime franquiste
n’est pas éternel. Certes le général Franco était déjà vieillissant et malade.
Mais il avait installé l’amiral Carrero Blanco comme chef du
gouvernement, préparant ainsi sa succession. ETA avait soigneusement
préparé cet attentat. Le 20 décembre 1973 l’énorme explosion projette la
voiture de l’amiral à plus de trente mètres de haut et laisse un cratère
dans la rue de quinze mètres de long sur dix de large et quatre de
profondeur.

Un descendant de Louis XIV comme


recours !
La résistance d’ETA, ses attentats spectaculaires, joints aux
actions d’autres groupes armés espagnols et de certains partis
politiques laissent le régime franquiste de plus en plus en
difficulté. La mort de Franco en novembre 1975 voit le prince
des Asturies, Juan Carlos de Bourbon, lui succéder deux jours
après et être proclamé roi d’Espagne sous le nom de Carlos Ier.
C’est la conséquence de la loi de succession de 1947. Mais déjà
en 1974 il avait été nommé chef de l’État par intérim. Une
période de transition vers la démocratie commence, avec un
descendant direct de Louis XIV aux manettes !

La naissance des territoires


autonomes au sud
C’est Adolfo Suárez, ancien dirigeant franquiste, qui en accord
avec Juan Carlos prend les rênes du gouvernement le 3 juillet
1976. Il engage les premières réformes, légalisation des partis
politiques et amnistie générale pour tous les prisonniers
politiques en juillet 1976, et le 15 juin 1977 remporte les
premières élections législatives de l’ère démocratique avec son
parti de centre droit. Le 6 décembre 1978, une nouvelle
Constitution est approuvée par référendum ; elle décentralise
l’État ce qui va avoir des conséquences importantes dans les
régions.

Une très large autonomie


En 1980, la Communauté autonome basque organise les
premières élections de son parlement avec la victoire du Parti
nationaliste basque (Partido Nacionalista Vasco-Euzko Alderdi
Jeltzalea, PNV-EAJ). C’est le vieux parti fondé en 1895. Il
restera au pouvoir pendant trente ans, jusqu’en 2009, où malgré
un meilleur score (30 députés sur 75), il devra laisser la
présidence du Gouvernement autonome au socialiste Patxi
Lopez dont le parti s’était allié à celui de droite, le Partido
Popular, pour contrer les nationalistes.
En Navarre la transition démocratique va se passer un petit peu
différemment. Elle est devenue une autonomie distincte de celle
formée par les trois autres provinces du Sud auxquelles elle ne
veut pas se joindre. La Communauté forale de Navarre
(Nafarroako Foru Komunitatea) a obtenu le statut d’autonomie
en 1982, statut basé comme pour Euskadi sur l’ancien droit foral
hérité du Moyen Âge. Mais elle bénéficie de moins de
compétences que cette dernière. Toutefois la Communauté forale
de Navarre lève et gère elle aussi l’impôt et en reverse une
quote-part au Gouvernement central de Madrid.

La Communauté autonome basque et le Statut


d’autonomie de Guernica

Au Pays basque, grâce à l’article 151 de la nouvelle Constitution


espagnole, la Communauté autonome basque (Euskal Autonomia
Erkidegoa) constituée par l’Àlava, la Biscaye et le Guipúzcoa (Euskadi),
peut accéder à l’autonomie complète. En effet elle est considérée comme
une « Communauté historique ». Le Statut d’autonomie dit de Guernica
est approuvé par référendum le 25 octobre 1979. Il confère de
nombreuses compétences à la Communauté autonome, l’éducation, la
création d’une police propre entre autres. Mais c’est surtout le Concierto
Económico (« accord financier ») qui est remarquable, ce qu’aucune autre
Communauté autonome espagnole n’a obtenu. La Communauté
autonome basque détermine elle-même et lève l’ensemble des impôts
auxquels les habitants et les entreprises implantées sur son territoire sont
soumis. En échange, elle doit participer au financement des charges de
l’État espagnol. Pour cela, elle verse une contribution, le cupo, qui s’élève
chaque année à un peu plus de 6 % du PIB de la Communauté autonome.
Voilà qui serait impensable en France.

Vers la fin de la violence et de la


répression
Les actions armées d’ETA ont fait de nombreuses victimes en
presque cinquante ans, plus de 800 dont une petite majorité de
militaires et policiers, mais aussi de nombreux civils
complètement étrangers au conflit basque. Beaucoup de ses
membres ont perdu la vie ou sont emprisonnés. Ils sont plus
de 700 en 2011 dans les prisons espagnoles et françaises. C’est à
partir de 1995 que l’organisation armée a commencé à tuer des
élus, des intellectuels basques. Ceci a progressivement entraîné
au Pays basque une lassitude de la population et la fin de la
popularité de ses actions, telle qu’elles ont pu l’avoir dans les
années 1970, 1980.

Cette trêve, c’est la bonne !


Plusieurs fois l’organisation armée a annoncé une trêve. Mais
c’était pour ensuite l’interrompre, arguant que le gouvernement
espagnol n’avait fait aucune avancée en échange. Toutefois
l’annonce le 8 janvier 2011 d’un « cessez-le-feu permanent et
général, vérifiable par la Communauté internationale » marque
un tournant définitif. Certes le gouvernement de Madrid a
encore dit que c’était insuffisant, mais il semble bien qu’il n’y
aura pas de retour en arrière. Le dernier conflit armé d’Europe
de l’Ouest, nous le pensons, vient de se terminer.

La restriction des libertés


L’État espagnol de son côté est loin d’être resté inactif tout au
long de ces années de conflit, d’attentats. Au fur et mesure que
les actions d’ETA se développent, il amplifie la répression
d’abord directement contre ETA puis contre tout ce qui, selon
lui, touche de près ou de loin à l’organisation armée. Il procède à
l’interdiction de certains journaux, à la fermeture de radios, à
l’interdiction de certains partis indépendantistes de gauche restés
autorisés en France. En effet, la Loi des partis votée en
juin 2002 et ensuite durcie permet d’interdire un parti sur le
critère suivant : ne pas déclarer publiquement que le parti
politique rejette les actions violentes d’ETA. Une partie de
l’électorat n’a donc plus de candidat aux élections et donc de
représentant en Euskadi.
Pourtant en 2011, c’est la surprise. Le Tribunal constitutionnel
espagnol décide, à une voix près, de permettre à la coalition
indépendantiste basque Bildu de se présenter aux élections
locales du 22 mai. Deuxième surprise, si le Parti nationaliste
basque conserve la députation de Biscaye et sa capitale Bilbao,
Bildu remporte les élections en Guipúzcoa et à Saint-Sébastien.
Et voilà deux indépendantistes de gauche à la tête de la province
et de sa capitale, élus démocratiquement.

D’Egunkaria à Berria : les vicissitudes du seul


quotidien en langue basque
La lutte contre ETA a pu aller très loin à l’encontre des libertés d’expression, sur la base
de liens supposés avec ETA. Créé en 1990 avec le soutien d’associations et de
militants de la langue, le seul quotidien en langue basque Egunkaria a été fermé
en 2003. Selon le juge d’alors, il est « un instrument de l’ETA » et « diffuse dans ses
pages l’idéologie terroriste ». Pourtant en 2010 ses dirigeants vont être acquittés ; le
juge a critiqué la décision de fermeture au nom du droit à la liberté d’expression, notant
qu’il n’y avait aucune preuve de lien avec ETA, que la fermeture « manquait d’une base
légale spécifique explicite ». Depuis, un nouveau quotidien, Berria, a été créé, diffusé
comme Egunkaria des deux côtés de la frontière.

L’épisode meurtrier du GAL

Entre 1983 et 1987, l’État espagnol a financé les GAL (Grupos


Antiterroristas de Liberación), en France on disait le GAL, c’est-à-dire des
commandos parapoliciers de mercenaires pour abattre des militants
d’ETA, en particulier sur le territoire français. Il faut dire qu’alors la
coopération entre les polices espagnole et française pour lutter contre ETA
était beaucoup moins poussée que maintenant. La police espagnole ne
pouvait pas intervenir en France. Le Pays basque nord constituait un lieu
de refuge pour les membres recherchés d’ETA. Les commandos du GAL
ont commis une quarantaine d’attentats, entre 23 et 34 assassinats, ils
n’étaient pas revendiqués. Ainsi une dizaine de citoyens français
n’appartenant pas à la lutte basque armée ont été tués, par erreur ou sur
simple soupçon.

Du sang à l’espoir
Voilà donc, cher lecteur, un parcours parsemé de sang, de larmes
que nous vous avons proposé. Il nous était difficile de le raconter
autrement. Mais derrière toutes ces souffrances, le changement
de régime en Espagne avec la fin de la dictature, la volonté des
Basques d’avancer de façon démocratique vers plus d’autonomie
dans la tradition des fors, le cessez-le-feu permanent, général et
vérifiable décrété par ETA laissent augurer d’un avenir
beaucoup plus réjouissant pour le Pays basque sud. La quatrième
partie de ce Pays basque pour les Nuls intitulée « Le Pays
basque aujourd’hui » va vous montrer comment l’esprit
d’entreprise et le sérieux au travail ont fait de cette région une
des plus prospères en Europe.
Voyons maintenant ce qu’il en est de l’autre côté de la frontière,
en Pays basque de France ou Pays basque nord (Iparraldea).

Le débat autour d’une collectivité


territoriale au nord
Contrairement au Pays basque sud, après la Seconde Guerre
mondiale le Pays basque nord n’a pas connu d’épisode
dictatorial et la revendication indépendantiste y a été beaucoup
moins forte. Elle reste encore largement minoritaire,
entre 10 et 15 % aux différentes élections, alors qu’en Euskadi
les voix des nationalistes modérés jointes à celles des
indépendantistes de gauche dépassent toujours 50 %.

La question récurrente de la
reconnaissance institutionnelle
On peut considérer la fondation du mouvement Enbata le 15
avril 1963 à Itxassou (Labourd) comme une des premières dates
importantes de l’abertzalisme, le « patriotisme basque », en
France. À côté de la mise en place d’une aide aux Basques du
Sud réfugiés, d’un travail pédagogique pour populariser l’idée
d’un Pays basque indépendant, il reprend l’idée d’un
département Pays basque, la revendication déjà portée en
1789 par les députés basques.

Promesse non tenue


En effet, si l’indépendantisme n’est pas majoritaire, le souhait
d’une représentation du Pays basque dans le cadre de l’État
français a toujours été présent. En 1981, le candidat François
Mitterrand avait inscrit dans ses 110 propositions le projet du
département Pays basque. Une fois élu président de la
République, il ne donnera pas de suite. Le député RPR du Pays
basque, Michel Inchauspé, fera une nouvelle proposition en ce
sens dans les années 1990, avec la création d’une région
comprenant trois départements, basque, béarnais et bigourdan.
Mais toujours au nom de la politique étrangère, la jeune
démocratie espagnole est en lutte contre le terrorisme basque,
l’État français fera la sourde oreille.
Ne dit-on pas en basque hitza hitz (prononcez le z comme ss).
Soit hitz « mot » suivi de -a « le » et à nouveau « mot ».
Littéralement « le mot mot », c’est-à-dire « une parole est une
parole ». La parole donnée est très importante pour un Basque,
elle engage celui qui la prononce et vaut un document signé.

Un mouvement séparatiste armé : Iparretarrak


Le Pays basque nord n’a pas été sans connaître lui aussi un épisode de lutte armée
avec comme revendication l’indépendance. Le mouvement Iparretarrak (« ceux du
Nord » de ipar « nord ») créé en 1973 a commencé par des actions non violentes, puis
des explosions, au total 150 actions violentes. Il estime que par les moyens légaux le
peuple basque et sa langue ne peuvent être sauvés. En 1982, son chef Philippe Bidart
entre dans la clandestinité. Deux CRS sont tués cette année-là à Saint-Étienne-de-
Baïgorry (Baigorri), son village d’origine. Arrêté en 1988 et emprisonné pour meurtre
d’un policier en 1987, il nie ceux de 1982. Il est mis en liberté conditionnelle en 2007.
Un membre d’Iparretarrak n’a jamais été retrouvé. Le mouvement n’a plus commis
d’action depuis près de quinze ans.
Des structures palliatives non élues
Face à la revendication récurrente d’une représentation et d’une
reconnaissance institutionnelle, les pouvoirs publics ont mis en
place des structures non élues au suffrage universel, appuyées
sur la notion de « Pays » Pays basque : le Conseil de
développement et le Conseil des élus.

Le Conseil de développement et le Conseil des élus


du Pays basque
Le Conseil de développement du Pays basque (Euskal Herriko Garapen Kontseilua),
sorte de conseil économique et social créé en 1994, est constitué de représentants des
institutions et de la société civile du Pays basque nord dans sa diversité. Il produit des
avis sur des dossiers très divers et évalue la mise en œuvre des projets du territoire.
Créé en 1995, le Conseil des élus du Pays basque (Euskal Herriko Hautetsien
Kontseilua) est constitué d’élus du Pays basque et de représentants de l’État qui n’ont
pas été élus à ce titre, puisque le Pays basque ne constitue pas une entité
administrative en France. Il élabore des projets et contrats territoriaux qu’il porte auprès
des institutions et collectivités territoriales puisqu’il n’a pas lui-même de moyens de
financement.

À côté de ces deux structures, on trouve le Biltzar des


communes du Pays basque (biltzar « assemblée ») qui regroupe
les 159 communes du Pays basque nord. C’est une continuité
des assemblées représentatives des trois provinces historiques du
Labourd (Biltzar du Pays de Labourd), de Basse-Navarre (États
généraux de Basse-Navarre) et de Soule (Silviet) qui avaient été
toutes supprimées à la Révolution (voir au chapitre 2). Mais
cette assemblée n’a pas, elle non plus, de compétence déléguée,
de moyens financiers, ni de pouvoir de décision.

« Batera », mouvement citoyen


La réforme des collectivités territoriales en gestation, en créant
le conseiller territorial qui siégera à la fois au sein du conseil
général et du conseil régional, est venue modifier la donne. Elle
semble vouloir diminuer l’importance des départements. La
revendication séculaire de représentativité s’est donc modifiée et
porte maintenant sur une collectivité territoriale disposant de
compétences propres. Cette revendication, portée par le
mouvement citoyen Batera « Ensemble », est soutenue par un
large spectre de l’échiquier politique du Pays basque nord. Elle
va des abertzale (« patriotes basques ») à des élus de gauche, du
centre et même de droite modérée. Seuls les plus centralistes y
sont opposés, arguant que les structures en place suffisent. Mais
les électeurs n’ont jamais été consultés sur cette revendication,
sauf dans le cadre de votes parallèles non officiels.

Mais le Basque a de la mémoire…


Pour l’instant bien malin est celui qui peut dire si et quand les
vœux des délégués du Biltzar du Pays de Labourd réunis une
dernière fois le 18 novembre 1789 seront exaucés. Ils
mandataient ce jour-là leurs délégués à l’Assemblée constituante
pour qu’ils demandent le maintien de leur assemblée
représentative. À défaut, ils devaient obtenir la création d’un
département rassemblant uniquement les provinces basques.
C’est évident, les Basques ont de la mémoire. Nous avons pu le
constater ensemble.
Deuxième partie
Une forte identité,
le Basque a du caractère
Dans cette partie…

n a coutume de dire que le Basque a du caractère, comme


O on peut le dire des Bretons par exemple. Avoir du
caractère ne signifie pas avoir mauvais caractère. Il est
vrai qu’au début, votre interlocuteur basque pourra rester
assez silencieux, en retrait. Mais ce ne sera que pour
mieux vous adopter ensuite et vous faire goûter ce qu’il a
de meilleur ou vous faire découvrir son sens de la fête. Ne
dit-on pas en basque Ondasunik handiena, adiskide ona ?
« Le bien le plus précieux, un bon ami. »
Les publicitaires ont bien noté ce caractère et s’en sont
servi à toutes les sauces si l’on peut dire, pour vanter tel
fromage ou tel projet immobilier. Mais peut-être est-ce lui
qui leur a permis de continuer à vivre en Basques et en
particulier de conserver leur langue, alors que toutes ses
voisines disparaissaient au cours du temps ?
Nous allons dans ce chapitre découvrir certains traits de ce
caractère. Loin de nous circonscrire dans ce petit coin
d’Europe, il nous amènera au-delà des mers, à la
découverte du monde.
Chapitre 5
« La langue basque
est une patrie »
Dans ce chapitre :

De la nuit des temps à aujourd’hui : un peu d’histoire

Structure de la langue, apprenons un peu de basque

L aseulement
langue basque intrigue depuis fort longtemps, et pas
les linguistes et les philologues. « La langue
basque est une patrie, j’ai presque dit une religion », écrivait
Victor Hugo dans En voyage, Alpes et Pyrénées en 1843. Il
poursuivait : « Dites un mot basque à un montagnard dans la
montagne ; avant ce mot, vous étiez à peine un homme pour lui ;
ce mot prononcé, vous voilà son frère. »

Euskaldunak, ceux qui parlent


euskara
En effet les Basques accordent une grande importance à
l’euskara. N’en ont-ils pas fait leur symbole identitaire majeur
en se nommant Euskaldunak « ceux qui ont la langue basque »,
donc ceux qui la parlent ? Euskal- est la forme de euskara quand
il est préfixe. Euskal Herria, le Pays basque en basque, est donc
littéralement le pays de la langue basque. Mais avant d’en
découvrir l’histoire, du moins ce que l’on en sait, voici une
anecdote significative.
Le diable et la langue basque

On raconte que le diable pour tenter les Basques et les entraîner dans le
mal essaya pendant mille ans d’apprendre leur langue, l’euskara.
Finalement, n’y parvenant pas, il renonça. Et c’est grâce à cela que les
Basques ne vont pas en enfer ! Au-delà de l’anecdote, de la difficulté
supposée d’apprendre une langue à la grammaire très différente de celle
du français, cette légende met en évidence le caractère isolé de la langue
parmi toutes celles qui l’entourent. Quant à la difficulté de son
apprentissage, beaucoup de personnes qui n’étaient pas d’origine basque
on apprit la langue, comme d’ailleurs en sens inverse les Basques ont
appris et parlent le français et ou le castillan. En fait, tous les
bascophones sont au moins bilingues.

De la nuit des temps à aujourd’hui :


un peu d’histoire
Retracer l’histoire de la langue basque est une tâche difficile
puisque son ancienneté ne nous permet pas d’avoir des
documents oraux et même écrits qui témoignent de son origine.
On ne peut en connaître qu’une toute petite partie, même si
l’archéologie et la génétique peuvent venir aider la recherche
linguistique comme cela vous a été expliqué au chapitre 1.

Une langue aux origines


mystérieuses
Nous l’avons dit en début d’ouvrage, on a voulu apparenter
l’euskara à des langues très diverses, souvent sur la base de la
ressemblance de quelques mots. Ceci bien sûr n’a aucune valeur
scientifique car on trouvera toujours entre deux langues deux,
trois mots ou plus qui se ressemblent et qui ont plus ou moins le
même sens, car les langues changent en permanence. Des
rapprochements ont été faits au XIXe et au XXe siècle entre autres
avec l’ibère, langue non indo-européenne voisine du basque qui
a disparu, avec le berbère liant le basque à des substrats
linguistiques méditerranéens, avec les langues du Caucase, dont
certaines ont des ressemblances avec le basque au plan de la
grammaire. Mais finalement aucune n’a convaincu l’ensemble
des spécialistes.

Les familles de langues


Plus récemment l’hypothèse dene-caucasienne a fait sensation avec Merritt Ruhlen,
linguiste américain, et son bestseller L’Origine des langues (1994). Le basque ferait
selon lui partie d’une même famille dite dene-caucasienne avec le caucasien, le
burushaski au nord du Pakistan, le sino-tibétain, le iénisséien dans l’est de la Sibérie et
la famille américaine na-dene, des langues parlées au nord-ouest de l’Amérique du
Nord. La séparation de ces langues serait très ancienne, la macrofamille déné-
caucasique ayant précédé sur le continent eurasien la macrofamille eurasiatique, et leur
conservation serait due à des conditions géographiques favorables. Ici encore, plutôt
que des faits avérés, on pense à des suppositions qui manquent de preuves.

Au chapitre 1, nous notions que Luigi Luca Cavalli-Sforza, lui,


repousse la date de présence des ancêtres des Basques à un
horizon préhistorique très éloigné, vers 35 000 à 40 000 ans. En
s’appuyant sur des analogies importantes entre l’évolution
génétique et l’évolution des langues, il conclut que la langue
basque serait le résultat de l’évolution des parlers des premières
populations du continent européen. Ceci irait donc dans le sens
de Merritt Ruhlen : la langue basque ou plutôt celles dont elle
est issue sont très anciennes.
En s’appuyant sur la toponymie, c’est-à-dire les noms de lieux
(montagnes, vallées, rivières…) qui sont généralement anciens,
et les épigraphes de nature onomastique connues (des
inscriptions gravées de noms propres), on estime qu’il y a
2 500 ans le basque, l’ancêtre du basque, ou une langue proche
du basque actuel, était parlé sur une aire beaucoup plus étendue
qu’actuellement. À l’ouest depuis le golfe de Gascogne vers
l’est dans les Pyrénées jusqu’en Haut-Aragon, en Andorre et une
partie de la Catalogne nord et sud, au nord en Aquitaine de
l’océan Atlantique à la Garonne, au sud en deçà des limites de la
Navarre actuelle. À l’ouest, pour ce qui concerne les Asturies,
l’incertitude est plus grande.

La découverte de l’indo-européen

La découverte de l’indo-européen en 1786 par un magistrat anglais aux


Indes, Sir William Jones, a été un grand événement pour l’étude des
langues. En effet c’est lui qui à partir de ressemblances entre le sanskrit,
le grec et le latin fit l’hypothèse que beaucoup de langues connues
provenaient d’une même langue disparue, l’indo-européen.
Or, on le sait, la langue basque est antérieure à l’arrivée en Europe des
langues parlées par les Indo-Européens venus de l’Est, au IIe millénaire
avant notre ère. C’est donc une langue non indo-européenne. Elle
constitue le seul témoin de l’état linguistique ancien de l’Europe
occidentale. Toutes les autres langues que nous connaissons à l’heure
actuelle sont issues de cette langue que l’on a pu reconstituer, l’indo-
européen, que ce soient les langues celtiques comme le breton ou le
gaulois qui a disparu, les langues germaniques comme l’anglais ou
l’allemand ou l’ensemble des langues romanes qui entourent actuellement
le basque, elles sont toutes issues du latin. Bien sûr le basque a depuis
beaucoup emprunté aux langues avec lesquelles il était ou est en contact,
celtique, latin, roman, gascon, castillan, français, etc. Mais sa structure est
unique.

Le recul de la langue aux cours des


siècles
La zone d’implantation de la langue a diminué au cours des
millénaires, en particulier lors de la romanisation. Mais elle s’est
plus ou moins stabilisée depuis la fin du Moyen Âge au nord,
coïncidant avec les trois provinces en France (le Labourd, la
Basse-Navarre et la Soule). Au sud par contre, surtout dans la
partie méridionale de la ligne de partage des eaux entre
Méditerranée et Atlantique, l’érosion a été forte. Au XVIe siècle
la frontière linguistique se trouvait encore à la vallée de l’Èbre.
En Álava au XVIIIe siècle et en Navarre centrale au XIXe siècle, le
recul a été particulièrement intense.
Une langue minoritaire
À l’heure actuelle la définition de l’aire géographique est moins
évidente. Le passage d’une société rurale et traditionnelle à la
société industrielle, le Pays basque sud est très industrialisé, puis
postindustrielle, ainsi que l’action des pouvoirs publics
espagnols et français, en particulier l’enseignement obligatoire
de la langue nationale des deux États, a amené progressivement
le basque à devenir minoritaire dans beaucoup de régions.
Toutefois les efforts de revitalisation, la mise en place récente de
politiques linguistiques publiques axées sur l’enseignement en
basque (enseignement immersif), font qu’on trouve dorénavant
des locuteurs dans des zones qui n’étaient plus bascophones, en
particulier dans les grandes agglomérations Bilbao, Vitoria,
Saint-Sébastien ou Bayonne-Anglet-Biarritz.
Bernard Etxepare, le premier militant de la langue
basque

Il nous faut impérativement parler de Bernard Etxepare. D’abord parce


que c’est l’auteur du premier livre en basque connu, Linguae Vasconum
Primitae. Il date de 1545. Il s’agit d’un ensemble de poèmes religieux,
d’amour, mais aussi de deux textes finaux qui célèbrent la langue basque.
En voici un extrait, dans la graphie de l’époque :

Berce gendec vste Les autres gens


çuten pensaient
Ecin scriba Qu’il était impossible
çayteyen de l’écrire (la langue
basque)
Oray dute Maintenant ils ont
phorogatu constaté
Enganatu Qu’ils s’étaient
cirela trompés
Heuscara Langue basque
Ialgui adi Sors dans le monde.
mundura

Et c’est là que cet auteur est particulièrement moderne. Il s’inscrit certes


dans le mouvement en faveur des langues locales qui se développa en
Europe à la Renaissance, au détriment du latin. Il prouve par sa plume
que l’on peut écrire la langue. Mais Bernard Etxepare est ainsi, on peut le
dire, le premier militant connu de la langue basque. Le premier de ceux
qu’on appelle maintenant les euskaltzale.
Un passage en langue basque dans Pantagruel de
Rabelais

On sait combien Rabelais, grand érudit, humaniste, était ouvert aux


langues. Ainsi dans le livre II, chapitre IX, de Pantagruel (1542), parmi
quatorze langues ou jargons différents, il fait dire à Panurge un discours,
cinq phrases, en basque.
La langue a assez peu changé au cours des siècles, même si à l’heure
actuelle beaucoup de mots sont créés ou empruntés pour faire face aux
besoins de la vie moderne, par exemple les nouvelles technologies. La
quinzaine de mots basques notés dans le guide du pèlerin Aimeric Picaud,
au XIIe siècle, est toujours utilisée dans une forme assez proche. C’est un
indice d’une forte conservation linguistique. D’une façon générale, on
observe que la langue médiévale est fort peu différente pour l’essentiel de
la langue moderne.

Les pouvoirs successifs contre la


langue
Toutefois, la langue basque n’a pas eu que des personnes
favorables à son épanouissement, même parmi les Basques eux-
mêmes. Des essayistes tels que Joxe Azurmendi ou Joan Mari
Torrealdai ont ainsi relevé au cours des siècles les très nombreux
textes, décrets, ordonnances royales, documents officiels,
déclarations publiques de personnalités, de tous bords d’ailleurs,
qui avaient pour objet de dénigrer les Basques et la langue
basque, de l’interdire ou de nier son existence. En voici
brièvement trois exemples, sachant qu’il y aurait de quoi remplir
de nombreux ouvrages. Cela commence dès le Moyen Âge.
Au XIVe siècle, à Huesca en Aragon, le maire interdit de parler
basque dans les marchés de la ville. C’est grâce à cette
interdiction que l’on sait que la langue était parlée à l’est des
territoires basques actuels. En 1802, le sous-préfet de Mauléon
(province de Soule) autorise la construction d’un collège,
« grand moyen de franciser les Basques, trop en arrière pour les
usages, les mœurs, la civilisation et surtout la langue », écrit-il.
Cela rappelle la prose du pèlerin Aimeric Picaud évoqué au
chapitre 1. En 1938, un certain Guillermo Garmendía Ayestarán
a eu une amende de 100 pesetas car il avait parlé basque dans le
tramway, provoquant ainsi un « trouble de l’ordre public ».

La Révolution et « l’anéantissement des


patois »
On peut considérer la Révolution française comme un tournant
pour la langue basque comme pour les autres langues de France.
C’est elle qui va initier la politique linguistique d’imposition du
français avec en particulier l’établissement d’instituteurs de
langue française. Elle va aussi changer le regard porté sur la
langue par les autorités locales et par les Basques eux-mêmes.
En 1794, l’abbé Grégoire présente à la Convention son fameux
« Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et
d’universaliser l’usage de la langue française » et Bertrand
Barère peut écrire que « Le fédéralisme et la superstition parlent
bas-breton ; l’émigration et haine de la République parlent
allemand… La contrerévolution parle l’italien et le fanatisme
parle basque. Cassons ces instruments de dommage et
d’erreur ».
Il faudra beaucoup de temps et la presque disparition des
langues régionales de France pour que le regard et les politiques
publiques changent enfin, en particulier sous l’influence de la
politique favorable aux langues des pays voisins et de la
Communauté européenne. Une idéologie nouvelle apparaît qui
tend à considérer toute langue comme une richesse à
sauvegarder. Elle remet en cause le principe « un État, une
langue » et aussi l’idée que certaines langues, celles des
puissants bien sûr, seraient supérieures à d’autres.

Un grand tournant : l’Académie de la


langue basque
Mais toutes ses difficultés, ses entraves, n’ont pas eu raison de la
langue basque, ce « lien secret et profond et que rien n’a pu
rompre [qui] unit, même en dépit des Pyrénées, ces frontières
naturelles, tous les membres de la mystérieuse famille basque »,
selon l’expression de Victor Hugo, toujours lui.
Le XIXe siècle en particulier voit apparaître des défenseurs
déclarés de la langue et des pas vers une orthographe unifiée de
la langue, vers une langue standardisée et la création d’une
académie de la langue.

Agosti Xaho, une personnalité remarquable du XIXe


siècle

Joseph Auguste (ou Augustin) Chaho, Agosti Xaho en basque, né


en 1811 à Tardets (province de Soule), mérite que l’on s’attarde sur lui.
Pas seulement parce qu’il fut un homme politique important, conseiller
général du département, à la tête de la Révolution de 1848 à Bayonne,
précurseur du nationalisme basque, anticlérical, inventeur de la célèbre
formule zazpiak bat (qui signifie « les sept font un », les sept provinces
basques forment un seul pays), journaliste, polémiste, homme de lettres
qui dans sa jeunesse fréquenta à Paris les salons littéraires, ami de
Charles Nodier… C’est une autre de ses facettes que l’on souligne ici.
Celle du défenseur de la langue basque qui comprend parfaitement les
enjeux de sa survie, qui comprend la nécessité d’une orthographe
commune aux différents dialectes et d’une académie. Voici deux extraits
de textes qu’il écrit en 1845 dans Ariel, revue qu’il dirigea : « Il s’agit
d’arrêter les règles de la meilleure orthographe pour l’universalité des
dialectes euskariens », « Faute d’Académie régulatrice, nos hommes
instruits et le haut clergé, s’ils avaient un peu de patriotisme, devraient
bien se concerter pour mettre un terme à l’anarchie qui règne dans une
partie de notre littérature nationale ».
Les vœux de Chaho vont être exaucés en 1919 avec la création
d’Euskaltzaindia, l’Académie de la langue basque.

On va pouvoir se comprendre : le
renouveau actuel de la langue
Tous ces efforts, des intellectuels, des militants de la langue, des
institutions comme l’académie que se sont créées les Basques
vont avoir des effets importants après la chute du franquisme. Ils
vont permettre de dépasser les problèmes de compréhension et
faire entrer la langue dans beaucoup de domaines de la vie
publique, comme l’enseignement, les médias.

Euskaltzaindia
L’Académie de la langue basque s’est donné deux grandes missions. Mener des
travaux concernant la forme de la langue, en établissant les normes d’usage : fixation
d’une orthographe commune, fixation d’une forme écrite standardisée, rédaction de
dictionnaires, élaboration d’un atlas des formes dialectales du basque, etc. Mais elle
assure aussi un travail de veille sur les droits linguistiques, sur la place de l’euskara et
sa promotion dans la société basque.
Après des débuts difficiles et d’âpres discussions, on peut considérer que l’euskara
batua ou « basque unifié » qu’elle a établi à partir de 1968 a été accepté par la société.
Et peu à peu, celui-ci est devenu également une sorte de standard oral utilisé dans
certains domaines de la vie publique surtout en Euskadi (Àlava, Biscaye et Guipúzcoa),
dans l’administration, à l’université ou à Euskal Telebista 1, la chaîne publique de
télévision du Gouvernement autonome basque. Bien sûr dans les régions où il est bien
présent, les locuteurs continuent à parler leur dialecte.
Euskaltzaindia est officiellement reconnue Académie royale en Espagne (1976) ; elle
est un établissement reconnu d’utilité publique en France (1995).

Les dialectes
Jusqu’à l’apparition du basque unifié, les dialectes posaient des
problèmes d’intercompréhension, en particulier entre natifs de
dialectes éloignés. On distingue actuellement, pour simplifier,
cinq grands dialectes : côté espagnol l’occidental (Biscaye, le
nord de l’Álava et une petite partie du Guipúzcoa), le central
(Guipúzcoa et Navarre occidentale), le navarrais (une grande
partie de la Navarre n’est plus bascophone), et côté français le
navarro-labourdin et le souletin. Dans les centres urbains, ces
classifications dialectales ont moins de pertinence puisque les
locuteurs sont d’origines diverses. Souvent jeunes, ils ont appris
le basque unifié à l’école et ne connaissent pas de dialecte.
La fin du franquisme en 1975 avec la mort de Franco le
20 novembre et la création de la Communauté autonome basque
appelée Euskadi vont complètement transformer la situation de
l’euskara grâce à une politique publique extrêmement
volontariste. Ce sera aussi le cas, mais dans une bien moindre
mesure, dans la Communauté forale de Navarre. La Constitution
espagnole, adoptée par référendum en 1978, consacre dans son
article 3 l’officialisation des langues parlées dans la péninsule.
Elle indique aussi que tous les Espagnols doivent connaître le
castillan.

Ez Dok Amairu

Voici un groupe d’artistes avant-gardiste qui de 1965 à 1972, donc encore


sous le régime franquiste, va créer en Pays basque sud une dynamique
en faveur de l’euskara mais aussi du mouvement politique basque.
Chanteurs pour la plupart, mais le célèbre sculpteur Oteiza en fera partie,
ils vont dépasser le folklorisme d’après-guerre en popularisant des chants
revendicatifs. Voulant renouveler la musique traditionnelle, ils vont
progressivement unir le chant, la poésie, la danse, le théâtre.

Une législation en faveur de la langue basque


La Communauté autonome basque approuve son statut
d’autonomie le 18 décembre 1979. Elle a de nombreuses
compétences et peut légiférer, en particulier en faveur de la
langue. La Loi organique du 18 décembre 1979 dit ceci dans son
article 6-1 : « L’euskara, langue propre du peuple basque, a,
comme le castillan, le caractère de langue officielle en Euskadi,
et tous les habitants ont le droit de connaître et d’employer les
deux langues. » Une loi dite de normalisation de l’usage de
l’euskara est votée le 24 novembre 1982 au parlement de
Vitoria, capitale de la Communauté autonome.
Ces événements vont créer une dynamique en faveur du basque
portée par l’engagement militant très important et l’appui
institutionnel. L’enseignement en basque de l’école maternelle à
l’université est de plus en plus développé en Euskadi.
L’officialisation de la langue et la diffusion du basque unifié ont
permis le développement d’une production écrite et
audiovisuelle riche, même si elle n’atteint pas la diversité de
celle du castillan ou du français par exemple.
Les autorités françaises sont beaucoup plus en retrait. La
Constitution française mentionne, depuis 2008 seulement, les
langues régionales, ainsi dans l’article 75-1 : « Les langues
régionales appartiennent au patrimoine de la France. » Mais il
n’y a pas de loi les concernant, alors que le français, lui, est
protégé par un ensemble de textes dont le fameux article 2 de la
Constitution ajouté en 1992 : « La langue de la République est le
français », systématiquement invoqué pour bloquer toute
avancée en faveur des langues régionales.
Voici une manifestation populaire particulièrement originale qui
a lieu tous les deux ans au printemps. Elle a été reprise dans
d’autres régions pour soutenir la langue locale, en Bretagne, en
Irlande et au pays de Galles. Pendant dix jours des coureurs se
relaient nuit et jour à travers tout le Pays basque, en faisant
passer un témoin, lekukoa. C’est la Korrika « la course ». Le but
est de recueillir des fonds pour aider les cours de langue basque
aux adultes organisés par AEK, Alfabetzatze Euskalduntze
Koordinakundea, « Coordination d’alphabétisation et de
basquisation ». Cette association assure des cours du soir (gau
eskoka « école du soir »), des stages intensifs (ikastaldi) et des
formations professionnelles pour les employés des collectivités
territoriales ou des entreprises. Le parcours est partagé en
kilomètres. Les associations, les municipalités, les entreprises
achètent des kilomètres, les particuliers des dossards pour
pouvoir courir. Porter le témoin est un grand honneur, on montre
la volonté de ceux que l’on représente de conserver et de faire
vivre la langue basque.

Le Nord s’y met aussi


Le Pays basque nord de son côté ne reste pas inactif. Les efforts
militants et associatifs ont permis la mise en place de
nombreuses structures, enseignement immersif, enseignement
aux adultes, création d’outils pédagogiques, radios, accueil
extrascolaire en basque, etc. Et les pouvoirs publics finalement
se sont décidés à leur tour à prendre à leur compte la
problématique de la langue. Ils créent fin 2004 l’Office public de
la langue basque, Euskararen Erakunde Publikoa, groupement
d’intérêt public réunissant principalement l’État, la Région et le
Département. En 2006, un projet de politique linguistique
publique voit le jour. Pour l’heure, il a surtout permis un fort
développement de l’enseignement scolaire bilingue et dans une
moindre mesure de l’enseignement immersif (entièrement en
basque avec introduction du français en primaire à partir du
CE1).

L’enseignement du basque a le vent en poupe


En une vingtaine d’années les effectifs d’élèves apprenant le basque en classe bilingue
ou en immersion ont très fortement augmenté. En 2011, plus de 40 % des élèves de
maternelle sont inscrits dans une de ces filières. En primaire, ils sont plus de 30 %. Ce
sont les pourcentages les plus élevés parmi les langues de France. Par contre, les
effectifs sont beaucoup moins importants au collège et au lycée. La langue basque
étant de moins en moins transmise en famille, les militants, les associations puis les
pouvoirs publics ont compris que c’était la solution la plus sûre pour éviter que la langue
ne disparaisse rapidement. Reste maintenant à mettre en place une politique
linguistique efficace pour que la langue apprise soit utilisée dans la vie de tous les jours
et que les parents se mettent à nouveau à la transmettre à leurs enfants. Ce qu’ils ont
fait pendant des millénaires !

Herri Urrats est un exemple remarquable de ces initiatives


associatives de soutien à l’euskara. Il s’agit d’une grande fête
qui a pour but de récolter des fonds pour la fédération Seaska
qui gère les ikastolas en Pays basque nord. Les ikastolas sont
ces écoles privées laïques qui proposent un enseignement tout en
basque. Apparues au début du XXe siècle, disparues au moment
de la guerre civile d’Espagne, elles ont redémarré dans la
clandestinité sous le régime franquiste. Elles sont maintenant
reconnues ; en France, elles sont sous contrat avec l’Éducation
nationale. Organisée tous les deuxièmes dimanches du mois de
mai au lac de Saint-Pée-sur-Nivelle (Labourd) depuis 1984,
Herri Urrats rassemble chaque année
entre 60 000 et 80 000 personnes qui viennent passer une
journée agréable de fête, de musique, de jeux… et soutenir
l’euskara. Ah ! Toujours ce militantisme et cet attachement à la
langue. Pardon de nous répéter, cher lecteur.
Les quatre provinces du Sud ont aussi une fête annuelle
comparable en faveur des ikastolas : Araba Euskaraz (Álava),
Ibilaldia (Biscaye), Kilometroak (Guipúzcoa) et Nafarroa Oinez
(Navarre).

Structure de la langue, apprenons


un peu de basque
Nous n’allons pas ici vous proposer un cours en accéléré de
langue basque, ni les premières lignes d’une méthode pour la
découvrir et commencer à parler basque. Nous vous proposons
ceci ailleurs, avec Le basque pour les Nuls aux éditions First.
C’est plutôt une brève introduction à la langue que nous vous
offrons.

Deux mots de la prononciation


Quand vous visiterez le Pays basque vous remarquerez que toute
la signalisation routière est en espagnol ou français et en basque,
beaucoup d’enseignes de magasins, de restaurants également.
Quand ce n’est pas en basque seulement. Il vous sera donc bien
utile de prononcer les mots en appliquant les quelques règles qui
suivent. Prononcer correctement n’est pas trop difficile, la
prononciation est assez proche de celle de l’espagnol. Chez les
voyelles, la lettre e se prononce toujours « é » et la lettre u
« ou ». Pensez que la lettre z se prononce « s », x « ch », g
toujours « gu », ñ « gn ». N’hésitez pas à rouler les r, surtout
quand il y en a deux. Donc vous direz Donibane Garazi
« donibané garassi » qui est la petite ville historique de Saint-
Jean-Pied-de-Port en Basse-Navarre, Iruñea « irougnéa » qui est
Pampelune. Une grosse difficulté est la lettre s qui se prononce
en repliant la pointe de la langue contre le palais, plus en avant
que « ch ». Ados ? « D’accord ? » Enfin, il vaut mieux
prononcer h en expirant l’air fortement, mais ce n’est pas
indispensable.

Un peu de vocabulaire
Si la langue basque a beaucoup emprunté aux langues qui
l’entourent, elle leur a à l’inverse donné peu de mots.
On le sait, il y a parfois des doutes sur l’origine des mots, leur
étymologie. Voici ces quelques mots qui proviendraient du
basque :
Dbagarre (en passant par le provençal peut-être),
bizarre (de bizar « barbe » en basque peut-être),
chistera (xistera, le fameux gant en osier pour jouer à la
pelote basque),
orignal (nom de l’élan au Canada, de orein nom du cerf en
basque),
pelotari (joueur de pelote basque),
silhouette (de Monsieur Silhouette dont le nom est peut-
être basque),
le prénom Xavier. Xabier, saint François Xavier, saint
basque navarrais dont le nom de la maison natale très
courant est Etxeberri de etxe « maison » et berri
« neuve ». Ce nom aurait été abrégé en xabier.

Beaucoup d’emprunts
Les nombreux mots empruntés par le basque sont généralement
d’origine latine et leur forme est souvent plus proche du latin
que celle des mots français : bake « paix », eskola « école »,
kadira « chaise », liburu « livre »…
Si la langue basque n’a parfois pas de mots pour nommer telle
ou telle notion que le français nomme, elle a par contre des
raffinements que le français ignore. Arreba, c’est la sœur pour
un homme et ahizpa, c’est la sœur pour une femme. De même
anaia, c’est le frère pour un homme et neba le frère pour une
femme.

Et beaucoup de mots nouveaux


Depuis l’apparition du basque standard, euskara batua, évoqué
plus haut et le gros travail de création de mots à partir d’autres
mots, de suffixes, de racines basques, beaucoup de mots
empruntés sont peu à peu remplacés par des mots basques.
D’autres l’avaient été depuis longtemps. En voici quelques
exemples :
aurkibide « table des matières », de aurki « trouver » et
bide « chemin, moyen » ;
ordenagailu « ordinateur », de ordena « ordonner » qui est
un emprunt et gailu « dispositif, appareil » ;
hozkailu « réfrigérateur », de hotz « froid » et kailu (gailu)
de nouveau ;
helbide elektroniko « adresse électronique », de hel
« arriver » et bide « chemin » avec l’adjectif elektroniko,
mot parfaitement international.

Ainsi, la langue évolue en s’adaptant aux besoins des locuteurs,


elle permet progressivement de couvrir tous les domaines
scientifiques et techniques. C’était une nécessité car le basque
est maintenant utilisé dans l’administration, dans la justice, à
l’université…
Un (tout) petit lexique
Résumer une langue en quelques mots est impossible. En voici qui pourraient vous être
utiles.
Bai oui, prononcez « bail ». Ez non « ess ». Ados d’accord « adosh ». Otoi s’il
vous plaît « otoil ».

Milesker ou Eskerrik asko merci. Ongi ou Ontsa bien. Parkatu pardon. Ongi
etorri bienvenu(e).
Egun on bonjour. Gau on bonsoir, bonne nuit. Ikus arte au revoir. Bihar demain.
Atzo hier.

Jan manger « yann ». Edan boire « edann ». Lo egin dormir « lo éguinn ».

Ura l’eau, ardoa le vin, ogia le pain « oguiya », gasna le fromage.


Askaria, gosaria le petit déjeuner, bazkaria le déjeuner, afaria le dîner.

Itsasoa la mer, mendia la montagne, hiria la ville, herria le village, herriko etxea
la mairie, eliza l’église, pilota plaza le fronton.

Etxea la maison, ostatua l’auberge, jatetxea le restaurant, bankua la banque,


turismo bulegoa l’office de tourisme, farmazia la pharmacie, medikua,
sendagilea le médecin, ospitalea l’hôpital.

Xuri blanc, beltz noir, gorri rouge, berde vert, urdin bleu, hori jaune.

Bat un, bi deux, hiru trois, lau quatre, bost cinq, sei six, zazpi sept, zortzi huit,
bederatzi neuf et hamar dix.

Comme vous l’avez remarqué, tout au long de votre Pays basque pour les Nuls nous
vous donnons d’autres mots en rapport avec le thème traité.

En Euskadi (les trois provinces réunies d’Álava, de Biscaye et


du Guipúzcoa) certains étudiants, de plus en plus d’ailleurs, font
tout leur cursus universitaire en basque à l’Université du Pays
basque (Euskal Herriko Unibertsitatea), dans les filières les plus
diverses. Ils y soutiennent leur thèse également dans cette
langue, même si l’anglais est aussi de plus en plus la langue des
travaux scientifiques. La réponse d’Adolfo Suárez, président du
gouvernement espagnol lors de la transition démocratique de
1976 à 1981, à l’hebdomadaire Paris Match est maintenant tout
à fait hors de propos. Elle dénotait une certaine ignorance et une
forme de condescendance vis-à-vis de la langue basque. Paris
Match : « On passera le baccalauréat en basque ou en catalan ? »
– A. Suárez : « Votre question – pardonnez-moi – est idiote.
Faites-moi rencontrer d’abord des professeurs qui peuvent
enseigner la chimie nucléaire en basque… »

Et de la grammaire…
Nous ne voulons pas, cher lecteur, raviver peut-être en vous des
souvenirs scolaires douloureux, mais simplement présenter deux
particularités de la langue basque. Il s’agit de vous faire toucher
du doigt son caractère « exotique » à côté de ses voisines latines.

Les mots s’agglutinent


Le basque est une langue agglutinante, c’est-à-dire qu’au mot de
base peuvent s’accoler des suffixes, d’autres mots, des cas
(comme en latin), pour former un seul mot. En voici un exemple
que nous allons décortiquer, arrakastatsuenetarikoarengatik. Il
se prononcera sans marquer de véritable pause, puisque c’est un
seul mot. Nous l’avons choisi conséquent, mais rassurez-vous
tous les mots en basque ne sont pas de cette longueur !
Arrakastatsuenetarikoarengatik signifie « à cause de celui parmi
ceux qui ont le plus de succès ». L’adjectif arrakastatsu « qui a
du succès » est formé à partir de arrakasta « succès » et du
suffixe -tsu ; suit le superlatif -en « le plus » et la postposition
- etarik « parmi », -ko joue un peu le rôle d’un pronom relatif et
a qui suit est ce qui correspond à l’article défini « le, la » en
français « celui qui » ; enfin -rengatik est une locution que l’on
dit postpositionnelle car elle est placée après le nom, en français
elle serait devant. Elle signifie « à cause de ». Bref, si nous
osons dire, le basque montre une grande souplesse pour lier les
mots entre eux.

Les premiers voisins dans le Caucase


Les linguistes disent aussi que le basque est une langue ergative,
la seule en Europe. Les plus proches se trouvent dans le
Caucase. C’est une façon de marquer le sujet et l’objet dans les
phrases différente de celle des langues comme le français ou
l’anglais, que l’on appelle, elles, des langues accusatives. On
dira txoria ibilten da elurrean « L’oiseau marche dans la neige »,
mais txoriak artoa jaten du « l’oiseau mange le maïs ». Les deux
sujets sont marqués de façon différente en basque, de façon
identique en français : txoria/txoriak d’un côté, l’oiseau/l’oiseau
de l’autre. Gatuak txoria jaten du « le chat mange l’oiseau ». Ici,
txoria « l’oiseau » est complément d’objet. Il a la même forme
que quand il est sujet dans txoria ibilten da elurrean. On dit que
le basque marque de la même façon le complément d’objet et le
sujet des verbes intransitifs comme ibili « marcher ».
Bien ! Voilà peut-être des explications compliquées. Mais nous
tenons à vous rassurer. Si cela est clair pour vous, vous venez de
comprendre un point de typologie linguistique. Sinon, cela n’a
pas d’importance. En effet la plupart des Basques ne parlent-ils
pas sans avoir conscience de cette particularité grammaticale,
mais en l’appliquant sans coup férir ?
Chapitre 6
Symboles, traditions et
croyances
Dans ce chapitre :

Les symboles

Une tradition chrétienne tardive

Les rites et les croyances

Les mythes et leur actualité

P ays de traditions, pays très ancien comme nous venons de le


voir avec sa langue, le Pays basque n’a pas été complètement
transformé par le modernisme et la vague de la mondialisation.
Au contraire, il réussit un compromis tout à fait personnel entre
modernité et traditions. C’est à ces dernières que nous allons
nous intéresser maintenant.
Certes la romanisation partielle puis l’emprise de l’Église ont
transformé l’univers mental basque et la société traditionnelle,
mais sans complètement effacer l’ancienne vision du monde. Cet
univers mental s’est adapté, c’est une des grandes constantes que
l’on observe au Pays basque. On ne fait pas table rase du passé,
on s’appuie sur lui pour vivre le présent et construire l’avenir,
non sans se laisser influencer malgré tout par l’extérieur.
Voici une maxime un peu fataliste mais qui ne manque pas d’une
certaine insouciance : Lehen hala, orai hola, gero, ez jakin nola
« Avant comme cela, maintenant comme ceci, plus tard, on ne
sait pas comment ».
Les symboles
Le Pays basque ne manque pas de symboles. Comme vous
pourrez le remarquer, certains sont très présents dans les
magasins de souvenirs et autres babioles de plus ou moins bon
goût. Très vendeurs, l’origine basque d’un produit est presque
un certificat de qualité, on les trouve sur de nombreux produits
artisanaux, les conserves, les produits régionaux. Mais ils ne
sont pas toujours gage d’authenticité et de qualité. À vous de
prendre le temps de voir où le produit a été fabriqué, comment,
avec quels ingrédients. Mais voyons quelques-uns de ces
principaux symboles.

Le « lauburu » : la croix basque


Un peu de basque. Lau, c’est « quatre » et buru, c’est « tête,
bout, extrémité ». Le lauburu est donc la croix basque formée de
quatre virgules qui se rejoignent au centre. Les plus anciennes
représentations connues du lauburu remontent au XVIe siècle. On
en a trouvé à deux virgules, trois virgules jusqu’à neuf. On
suppose que ce symbole fait référence au soleil, à la course de la
Terre dans le ciel, au cycle de la vie, ce qui pourrait indiquer
qu’il est antérieur à la christianisation. Le soleil est un symbole
que l’on peut retrouver partout, depuis la maison sur le linteau
en bois ou en pierre jusqu’au cimetière en passant par l’église.
L’association Lauburu

On peut ici rendre hommage au travail très important réalisé par


l’association Lauburu en Pays basque nord. Dépassant le regard étonné
des voyageurs ou des premiers touristes du XIXe siècle, celle-ci s’est
employée à partir des années 1970 à inventorier, à comprendre, à
restaurer, bref à donner du sens à ce qui pour beaucoup n’était plus que
des vieilles pierres. Frappés par l’exotisme des coutumes et traditions
basques, les voyageurs du XIXe siècle, on est en plein romantisme et
mythe du bon sauvage, vont acheminer la vision d’un Pays basque
folklorique, avec un ensemble de clichés remplis d’admiration mais aussi
de condescendance.
Il reste encore beaucoup à faire pour construire un regard plus réaliste sur
ce passé, alors que les témoins de la société traditionnelle sont de moins
en moins nombreux.

La croix basque n’est pas particulièrement basque. Ce symbole


était largement répandu dans le monde. On trouvait 2 000 ans
avant J.-C., dans la région de l’Indus, déjà une forme de
svastika, la croix gammée. Finalement c’est son succès au Pays
basque qui est remarquable, sous forme de virgules et non de
traits droits. On la trouve maintenant sur tous types de supports,
comme argument commercial, alors qu’autrefois c’est surtout
sur les stèles discoïdales, les linteaux de porte d’entrée, les
meubles qu’on la trouvait.

Les stèles discoïdales


Voilà un support de pierre qui porte une forme proche du
lauburu, la stèle discoïdale, hilarria (de hil « mort » et harri
« pierre »). Du XVIe au XVIIIe siècle, le Pays basque a vu l’apogée
d’un art funéraire particulièrement original. Remplacé ensuite
par la croix, il revit depuis les années 1980-1990 grâce à des
passionnés, redonnant aux cimetières du pays un cachet qui
risquait d’être emporté par l’uniformisation. Ici on ne vient pas
retrouver la tombe de telle ou telle célébrité, même si cela peut
arriver, mais pour goûter le calme de lieux où la nature et la
pensée, l’âme humaine se fondent par l’intermédiaire d’une
pierre sculptée. Admirer les cimetières basques, c’est ressentir
comment la nature et la stèle font le trait d’union entre la vie et
la mort, l’au-delà. On y trouve parfois des bancs de pierre…
pour prier ou pour rêver, peut-être. Le cimetière paysager n’est
pas une invention récente ! Au Pays basque sud, on a retrouvé
des discoïdales datant de la protohistoire. Mais c’est au Pays
basque nord qu’il y en a le plus.

Le cercle, symbole universel


La stèle discoïdale traditionnellement orientée vers l’est, comme
toutes les maisons basques traditionnelles d’ailleurs, renvoie à
un schéma mental universel : le rond, le cercle dont le point
central voit jaillir l’énergie créatrice. Le socle de la stèle est un
carré ou rectangle qui pourrait symboliser la terre, le matériel
qui s’oppose au cercle, le soleil, le ciel, l’énergie, le cosmos, le
divin… Le cercle est une figure récurrente chez les Basques, que
l’on trouve dans les cromlechs dans les montagnes, dans les
parcelles communautaires des estives en montagne, dans les
danses traditionnelles, dans certains jeux anciens comme
urdanka qui se jouait seulement en montagne, dans la cape de
deuil d’autrefois à plis et parfaitement circulaire des hommes
(Basse-Navarre et Labourd), etc.

Les cromlechs
Les cromlechs, mot breton, en basque baratz qui signifie aussi « jardin », sont des
cercles de pierre typiques des Pyrénées qui datent de l’âge du fer, entre environ –
600 et – 50 ans avant notre ère. Situés en montagne le long des chemins de la
transhumance pour ceux que l’on a retrouvés, ils servaient de sépultures. On y
incinérait les morts. Les cendres étaient déposées dans une sorte de petit coffre en
pierre. Le plus connu est le site d’Okabe (prononcez é à la fin) à une altitude
de 1 387 mètres dans la commune de Lécumberry (Lekunberri) en Basse-Navarre. Il se
trouve au centre d’un ensemble de 10 dolmens, 63 tumulus, 17 cromlechs et 232 fonds
de cabanes !
Le cimetière d’Arcangues (Arrangoitze)

Si vous vous promenez en Labourd, voici une visite que nous vous
proposons, celle du cimetière d’Arcangues près de Biarritz. Bien d’autres
cimetières de petits villages méritent qu’on y pénètre, mais celui-ci est
particulièrement remarquable. Comme tous les cimetières basques, il
entoure l’église (eliza) qui est bâtie sur la hauteur avec juste à côté le
fronton de pelote (pilota plaza, prononcez « plassa »). L’autre côté opposé
à l’église plonge sur le golf avec un très large panorama verdoyant et au
loin la montagne de la Rhune. Laissez-vous aller ! Voilà un lieu qui ne peut
que susciter en vous des sentiments de plénitude, de paix. On y trouve de
nombreuses stèles discoïdales, certaines du XVIe siècle plus ou moins
effacées, et la tombe du fameux chanteur d’opérette d’origine basque Luis
Mariano, toujours fleurie.

Une visite au Centre d’interprétation des stèles discoïdales et de


l’art funéraire basque à Larceveau (Larzabale) en Basse-Navarre
pourra compléter votre information. Il propose un parcours à ciel
ouvert parmi une riche collection de stèles et une salle avec des
diaporamas en français, basque, espagnol et anglais.

Le cimetière, hilerria, ou « village des morts »


Le cimetière en basque se dit hilerria, de hil « mort » et herri « village ». Le cimetière,
c’est donc le village des morts. Chaque maison du village avait traditionnellement une
place au cimetière et une place dans l’église. La continuité entre la vie et la mort était
donc assurée. D’ailleurs chaque maison avait aussi un chemin particulier, hilbidea de hil
« mort », à nouveau, et bide « chemin ». Ce chemin différent du chemin habituel pour
aller à l’église était utilisé seulement pour les enterrements. Le lien entre la maison et
l’église, la vie, la mort et l’au-delà n’était pas que symbolique. Ceci nous amène à
comprendre que la maison, etxea, était bien plus que la bâtisse où l’on vivait puisque le
bétail, les terres cultivées ou pas, la place à l’église et au cimetière, la parcelle d’estive
en montagne avec sa cabane communautaire faisaient partie de ce que l’on
transmettait lors de la succession. Nous vous en reparlerons.

Voici le début du poème Hil-harria de Xabier Iratzeder (1972-


1980) :

Hil-harria, zergatik ? Stèle, pourquoi ?


Hil-harria zergatik hago Stèle pourquoi es-tu dressée de
lurretik goiz-argira xutik ? la terre vers la lumière du matin ?
Hire pean hortxet zagok Sous toi là l’homme repose
aspaldian gizona, depuis longtemps,
Lan, min, amets eta guduz Étendu, brisé par le travail, le
kraskaturik etzana. mal, les rêves et le combat.
Lur barnean urtu zaiok Son nom a disparu dans la terre
itxurekin izena, avec son apparence,
Hire pean hortxet zagok Sous toi là l’homme repose
aspaldian gizona, depuis longtemps,
Hi bainan hi, denen gatik, Mais toi, malgré tout, tu es là
hortxet hago xut xutik. bien droite.

Voici pourquoi l’aire attribuée à chaque cabane (ola)


communautaire de berger en montagne était assez circulaire.
C’est dans cette zone que les troupeaux de cette cabane gérée
collectivement par plusieurs bergers devaient paître. Pour
délimiter l’aire, un berger lançait sa hache le plus loin possible
dans les quatre directions opposées. On plaçait des bornes de
pierre là où elle avait atterri. En fait, les aires de pacage étaient
en relation avec l’importance des troupeaux et le bornage se
faisait selon la nature du terrain, car on ne savait pas toujours où
étaient ces bornes très anciennes.
Le cercle en montagne : le pastoralisme égalitaire

Pour la transhumance, plusieurs bergers font troupeau commun dans une


même cabane. Ils assurent à tour de rôle les diverses tâches : traite, soin
des bêtes, gardien dans le pâturage, repas, ménage, fabrication du
fromage. Déjà en 1520, la Coutume de Soule fixait les droits de chaque
ola (cabane, mais aussi nom du regroupement des bergers de chaque
cabane). Jusqu’au début du XXe siècle les bergers étaient six par cabane
et ils respectaient la rotation des tâches, on changeait chaque jour, ce qui
annulait toute hiérarchie. Un septième montait pour assurer le
remplacement de celui qui redescendait dans la vallée. Parmi les six rôles,
on en trouvait de féminins, ainsi neskatoa « la servante » ou etxekanderea
« la maîtresse de maison ». Chaque berger passait le même temps en
montagne et fabriquait le même nombre de fromages que ses partenaires.
Les ethnologues ont relevé dans cette organisation la primauté des
principes de rotation et d’alternance, qui plus largement régissaient toute
la vie de la communauté rurale. Toujours ce symbole du cercle. Notons
que quelques bergers continuent encore à fabriquer des fromages en
montagne (bortüko gazna). Les amateurs les préfèrent largement à ceux
fabriqués industriellement, même s’ils le sont aussi avec du lait de brebis.

Le chêne de Guernica
L’arbre est par excellence le roi des végétaux. C’est un symbole
de la vie en perpétuelle évolution, qui par ses racines et son
feuillage fait le lien entre la terre et le ciel. Les Biscayens puis
par extension les Basques en ont fait le symbole de leur peuple
et de leurs traditions avec le chêne de Guernica (Gernika). En
effet les seigneurs de Biscaye (Bizkaia), puis les rois de Castille
et d’Espagne venaient à Guernica en Biscaye y prêter le serment
de respecter les fors (foruak) dont nous vous avons déjà parlé
dans la première partie de ce livre. Les fors consacraient
l’autonomie juridique et fiscale de la province. De nos jours les
lehendakari, « président de la Communauté autonome basque »,
font de même lors de leur prise de fonction.
Le chêne (haritza) est aussi l’emblème officiel de la province de
Biscaye.
Le chêne de Guernica a d’abord été le lieu de réunion des
assemblées où se décidaient les intérêts, se réglaient les
problèmes de la communauté, comme cela était l’usage dans les
autres provinces et certaines villes basques. Ces réunions
communautaires se rencontraient ailleurs dans l’Europe
médiévale, mais les Basques les ont perpétuées très longtemps.
Depuis le règne d’Isabelle de Castille au XVe siècle
jusqu’en 1876 et Alphonse II, les représentants de la couronne
espagnole avaient coutume de venir sous le chêne renouveler
tous les ans leur serment de respecter les libertés basques. Un
rejeton de l’ancien chêne qui avait près de 150 ans a été replanté
en 2005, il est le quatrième d’une lignée qui a plus de 650 ans.
Le précédent avait survécu aux bombardements de la ville par
l’aviation allemande !

L’« ikurrina » : le drapeau basque


Voilà un symbole beaucoup plus récent du Pays basque, mais qui
s’est définitivement imposé. Prononcez « icourrigna ». On le
trouve partout, aussi bien sur les boîtes de pâté, le maillot des
joueurs de rugby que le fronton des mairies à côté des drapeaux
français et européen. Parfois au Pays basque sud il est seul, signe
que la municipalité est nationaliste.
Créé par les Biscayens Sabino Arana Goiri, le fondateur du Parti
nationaliste basque (voir au chapitre 3), et son frère Luis, il est
apparu pour la première fois dans un lieu public en 1894 à
Bilbao. Proche du drapeau anglais, il comporte deux croix verte
et blanche sur fond rouge. La croix de Saint-André verte
représente le chêne de Guernica, symbole des fors de Biscaye, la
croix blanche la religion catholique et le rouge est la couleur de
la Biscaye. C’était donc d’abord un drapeau pour la Biscaye qui
a été adopté dans l’ensemble du Pays basque.
Les premières actions non violentes d’ETA, avant la lutte armée,
consistaient à accrocher des ikurrina dans des lieux bien visibles
et difficiles d’accès pour qu’ils restent le plus longtemps
possible en vue : frontons, clochers, lignes à haute tension…

Une tradition chrétienne tardive


Le Pays basque a été tardivement christianisé, le processus ne se
serait achevé que vers le Xe siècle. Le versant sud l’a été plus tôt,
l’Álava et le sud de la Navarre plus accessibles. Le pèlerinage de
Saint-Jacques-de-Compostelle qui passe par là va jouer un rôle
important. Mais on construisait en montagne encore des cercles
de pierres au XVe siècle. On pense que les mythes païens basques
et la religion chrétienne ont cohabité pendant des siècles et
qu’ils ont ainsi échangé de nombreux éléments entre eux. Les
gens ne devaient pas les distinguer clairement. La mythologie
qui est parvenue jusqu’à nous est faite de cet entrelacement, de
ce mélange ou syncrétisme.
Le monde ancien et la religion chrétienne vont se fusionner. Le
Ciel en haut et l’Enfer en bas, la dichotomie du Bien et du Mal,
la religion chrétienne apporte une vision bipolaire. L’ancien
monde va s’incorporer au nouveau. On le voit avec les stèles
discoïdales. Il y a les lieux de culte connus, déclarés comme les
chapelles, les ermitages. Et puis les lieux de culte cachés, une
source, un arbre, un lieu particulier.

Les religieux et la vie intellectuelle


Ce que l’on peut dire c’est que les religieux ont eu une place très importante dans la vie
intellectuelle au Pays basque jusqu’à une époque récente. La plus grande part des
textes écrits en basque du XVIe au XIXe siècle sont des textes religieux, des
traductions, des catéchismes ou des grammaires et autres dictionnaires écrits par des
religieux. La langue basque était la langue principale de la religion et de l’Église, ce qui
lui a conféré un statut important avant que le français ou le castillan ne deviennent
progressivement la langue de l’administration et de l’école, et que la religion ne perde
de son importance. Nous vous renvoyons au chapitre précédent pour le renouveau
actuel de la langue basque.
Chaque maison possédait à l’intérieur de l’église, dans la nef,
une sépulture avec une pierre sculptée dans le pavage, le jarleku.
Et jusqu’au XVIIIe siècle en milieu rural, on enterrait les morts
dans l’église. Un jarleku était donc la partie de l’église
correspondant à une maison donnée.
Dans la tradition chrétienne, être baptisé c’est devenir enfant de
Dieu. Voici une coutume en Pays basque bien particulière. Les
enfants qui mouraient avant d’être baptisés n’étaient pas enterrés
à l’église ou au cimetière. On les inhumait autour de la maison,
sous l’avant-toit, dans le jardin ou même dans la cuisine. Ceci
aurait été pratiqué jusqu’au début du XXe siècle dans certains
endroits. Or, on appelait cette bande sous l’avant-toit baratz,
comme pour les cromlechs.

Les rites et les croyances


Mais que sait-on du monde ancien, de la mythologie basque
avant qu’elle ne se fonde dans la religion chrétienne ? C’est le
travail des archéologues, des historiens, des ethnologues et
anthropologues. Le plus célèbre spécialiste de la mythologie en
Pays basque a été un prêtre, José Miguel de Barandiarán (1889-
1991). On compte par exemple plus de 200 grottes qui dès la
préhistoire servaient de sépulture.
Le recueil de nombreuses superstitions et légendes a permis
d’avoir une certaine idée de la conception que les Basques
avaient de l’univers, des phénomènes physiques et des divinités
et autres génies qui leur étaient liés. En voici quelques-uns.
Le monde des divinités et des génies

Les mythes et leurs personnages expliquent le monde et les phénomènes


naturels. Tout part de la maison car on ne connaît du monde que sa
localité, son environnement. La Terre est personnifiée par Mari, divinité
féminine qui domine les autres forces, génies et divinités essentiellement
féminins. Dans ce monde de forces invisibles, on trouve Ortz le Ciel
(ortzadar « arc-en-ciel », de ortz et adar « branche, corne »), Hil (hilargi
« lune »), Egu (eguzki « soleil »), etc. Ils sortent périodiquement de la
terre, de ses entrailles, de Amalur, littéralement la terre mère. On trouve
aussi Basajaun, génie des bois et des grottes, protecteur des animaux.
Velu, il a une forme humaine. Herensuge (suge « serpent ») a une forme
de serpent à une ou plusieurs têtes, il est plutôt maléfique. Citons aussi
les laminak, petits êtres plutôt de sexe féminin, qui entretiennent de bons
rapports avec les humains.

Finalement, on n’a pas affaire à une mythologie bien structurée,


systématisée, univoque. Le fonds ancien a reçu des apports
successifs avant ceux de la religion chrétienne. Le « ciel » qui se
trouvait sous terre va passer à l’opposé en haut, au-dessus. Ce
que l’on a réussi à reconstituer ne sont que des fragments
désarticulés dont il est difficile de percevoir l’unité, s’il y en a eu
une. La religion catholique a ensuite été accueillie et pratiquée
avec beaucoup de zèle, pendant des siècles par les Basques. Elle
a marqué très fortement la société. Mais les bouleversements
économiques, politiques et sociaux des XIXe et XXe siècles ont
transformé à nouveau, chez les Basques également, la
conception de la vie. Ceci ne signifie pas que les anciennes
valeurs aient entièrement disparu.
Les laminak et le pont de Licq

Les habitants de Licq en Soule (commune de Licq-Athérey, Ligi-Atherei)


voulaient construire un pont au-dessus du gave (nom des torrents dans
les Pyrénées, uhaitz en basque). Mais l’endroit était très dangereux. Un
beau jour, ils décidèrent de confier ce travail aux laminak. Ceux-ci
acceptèrent et promirent que le pont serait réalisé en une nuit à une
condition, qu’on leur offre la plus belle fille de Licq. Les habitants
acceptèrent le marché. Les laminak se mirent rapidement au travail. Le
jeune fiancé de la belle comprit que le pont serait fini avant la fin de la nuit.
Une idée lui vint. Il alla au poulailler et commença à imiter le cri du coq et
ses battements d’ailes. Celui-ci se réveilla et poussa un grand
« Cocorico ! ». Les laminak qui en étaient à la dernière pierre crurent que
le jour allait se lever et s’enfuirent. C’est pour cela, dit-on, qu’il manque
une pierre au pont de Licq.

Quand le maître de maison (etxeko jauna) mourait ou parfois


une autre personne, un membre de la famille allait annoncer la
nouvelle aux animaux de la ferme. Ainsi on enlevait les cloches
des vaches, on informait les abeilles de la ruche de son décès.
Chaque ferme avait des ruches ; le miel était alors la seule
source de sucre et la cire servait à fabriquer les chandelles de
deuil, ezkoak. C’est un long serpentin de cire filée qui était
utilisé par les femmes à l’église, que l’on trouvait aussi en
Gascogne et dans les Pyrénées. La coutume de l’annonce aux
abeilles était connue ailleurs en Europe.
La langue elle-même peut être utile pour aider à connaître les
anciennes croyances ; elle est un témoin surtout dans le cas des
mots les plus courants qui ont plus de probabilités d’être
anciens. Mais bien sûr une certaine prudence est nécessaire dans
les conclusions que l’on peut tirer de mots qui évoluent dans leur
forme et leur sens au cours des siècles.
Dans la conception traditionnelle, le temps était perçu comme un
mouvement pendulaire d’aller-retour. Le soleil suivait ce
mouvement de balancier d’un solstice à l’autre. Il y avait donc
deux saisons principales, negua (l’hiver, prononcez « négoua »)
et uda (l’été, prononcez « ouda »). Les deux autres que nous
connaissons sont appelées udaberria (le printemps, « nouvel
été » de berri « nouveau ») et udazkena (l’automne, « ancien
été » de azken « dernier, fin »). Le mois se dit hilabete,
littéralement « pleine lune ». Le mois basque devait donc être
lunaire. Le découpage de la semaine était aussi différent
puisqu’on nomme « lundi » astelehen (de aste « semaine » et
lehen « premier »), « mardi » astearte (avec aste et arte « entre,
intervalle ») et « mercredi » asteazken (de azken « dernier »).

Les mythes et leur actualité


Le vieux Basque qui raconte, assis sur le banc près du feu, n’est
peut-être plus d’actualité, ou de moins en moins. S’adressant en
basque à ses petits-enfants, il transmettait les récits mythiques
qu’il avait appris de ses ancêtres. L’ancienneté des récits était
incontestable, l’oralité avait une capacité conservatoire certaine.
Mais le Pays basque lui aussi devient de plus en plus urbain, la
transmission de la culture, des valeurs se fait aussi par les
moyens audiovisuels modernes, la radio, la télévision, les
nouvelles technologies, l’école qui a un rôle de plus en plus
important. Les mythes ne sont plus transmis ou pour certains ils
le sont autrement.

Olentzero ne croit pas au Père Noël


Le cas du personnage d’Olentzero est en ce sens remarquable. Il
participe du mouvement de renouvellement de la culture basque
appuyé sur des emprunts à la tradition, voire une résurrection
partielle. C’est un exemple de la réappropriation des mythes et
des croyances anciennes, même si la société de consommation a
réussi à y trouver sa place.
Olentzero, le charbonnier porteur de la bonne
nouvelle

Tout d’abord soyons clairs, Olentzero, ce n’est pas le papa Noël basque.
C’est un charbonnier qui fabrique du charbon de bois dans les forêts. Ceci
ne se fait plus maintenant. À l’approche du solstice d’hiver, il descend de
la montagne. Il annonce ainsi le retour de la lumière, le changement de
saison, le nouveau cycle de la vie.
Depuis une vingtaine d’années, sous l’impulsion des ikastolas, les écoles
immersives basques, sa popularité s’est étendue à l’ensemble du Pays
basque, fournissant à l’approche de Noël une occasion d’organiser une
belle fête pour faire rêver, en basque, les enfants. Il est vrai que dans sa
hotte, il a maintenant des bonbons, voire des cadeaux ! Olentzero risque
de devenir une autre occasion de faire marcher le commerce avec la perte
de la signification de cette coutume. Le charbon est le symbole d’un
pouvoir, le feu, la lumière. Il apporte la vie et symboliquement il représente
le soleil, le changement, la transformation d’un matériau en un autre. Il a
donc un caractère magique.

Olentzero était aussi porteur de la nouvelle de la naissance de


Jésus. Ici encore on voit comment monde traditionnel et religion
chrétienne se confondaient, comme la seconde s’appuyait sur le
premier. Voici pour terminer ce chapitre le refrain d’une chanson
très connue où l’on voit qu’Olentzero avec son béret, sa pipe et
son visage tout noir est un bon vivant.
Chapitre 7
L’émigration et l’esprit
d’entreprise
Dans ce chapitre :

Les aventuriers de la mer, à la découverte du monde

L’émigration économique

L’exploitation des ressources naturelles : la mer et la montagne, les comptoirs

Les aventuriers de la mer, à la


découverte du monde
Les Basques comptent parmi les peuples qui ont donné des
individus qui, par goût de l’aventure, par leur caractère
entreprenant, n’ont pas hésité à partir au-delà des horizons qu’ils
connaissaient. Malgré leur attachement au pays, ils ont
abandonné leur terre, poussés par la nécessité et l’attrait de
l’inconnu. La présence de l’Océan, tout proche, les y incitait. Au
chapitre 2, nous avons vu comment de pêcheurs côtiers, ils se
sont aventurés toujours plus loin vers l’Amérique du Nord, dès
le XVe-XVIe siècle, à la poursuite de la baleine ou de la morue.

Explorateurs, aventuriers et
marchands
Les marins basques se font voir sur toutes les mers connues.
En 1282, lors de la conquête du pays de Galles, des volontaires
prennent une part active aux côtés de l’armée anglo-normande.
En Méditerranée, dès le XIIIe siècle, ils associent guerre et
transport. On les voit aller jusqu’à Beyrouth et Alexandrie
comme voituriers de la mer. Certains s’installent dans les ports
méditerranéens et servent de relais aux Basques itinérants.
Jusqu’à la fin du XVIe siècle, les Basques travaillent comme
transporteurs des commerçants italiens, et font communiquer la
mer Méditerranée avec d’autres régions de l’Europe du Nord.
La participation basque dans les guerres où s’affrontent Anglais
et Français aux XIVe et XVe siècles est notée. Pendant la guerre de
Cent Ans (1337-1453), des Basques s’enrôlent sur les vaisseaux
français. La flotte commerciale du Pays basque se transforme en
une vraie puissance navale. Selon les coutumes de l’époque, les
Basques montent les navires, les louent aux rois et aux étrangers.
Au XIVe siècle, les Basques établissent leur propre consulat à
Bruges, dans le quartier des « esterlings ».

Pirates et corsaires
Au Moyen Âge, la mer est considérée comme un espace libre. Il
n’y a pas de contrôle ; les pillages sur des navires marchands ou
d’autres sont fréquents. Ces voleurs des mers seront appelés
pirates ou corsaires. La course et la piraterie sont aussi anciennes
que le commerce, intimement liées au trafic maritime.

Pour se défendre des pirates, aménagement


des ports
Les IXe et Xe siècles sont très tourmentés. C’est alors
qu’apparaissent les premiers pirates sur la côte basque, Vikings
et Normands. C’est à Bayonne, port maritime et point de relation
entre l’Aquitaine, le Guipúzcoa et la Navarre, qu’on les
rencontre en premier. Celui qui a évangélisé et fondé le siège
épiscopal de Bayonne, saint Léon, est d’ailleurs décapité par les
pirates normands vers 890. Il est depuis le saint patron de la
ville.
Les rois comprennent l’importance de défendre les côtes. C’est
ainsi que Saint-Sébastien est le premier port de la péninsule
Ibérique à avoir des aménagements maritimes, avec la création
d’un véritable code maritime. Il est ensuite appliqué à tous les
ports du Guipúzcoa. Grâce à cette juridiction, le port de Saint-
Sébastien devient la sortie naturelle pour les produits de Castille,
grande puissance exportatrice de laine.

Les corsaires, des pirates légalisés


Avec la fin de la guerre de Cent Ans et les grandes découvertes,
les États naissants prennent conscience de l’importance du
commerce maritime. Pour conserver la liberté de commercer en
évitant la piraterie, ils commencent à délivrer des lettres de
marque ou lettres de course.

Voler pour la bonne cause, mais non sans risques

Une lettre de marque, c’est la permission accordée par un roi à ses sujets
marins de poursuivre les ennemis de la Couronne et de s’emparer de ce
qu’ils transportent. Un corsaire a la permission du roi pour voler mais un
autre peut le punir pour la même raison. S’il est capturé, il montre ses
lettres de marque. Cela lui garantit le sort d’un prisonnier de guerre et lui
évite d’être pendu. La course devient à partir du XVIe siècle quasi
officielle. Au début du XVIIe naît la course classique. Mandaté par le roi, le
corsaire devient un auxiliaire de guerre lors des conflits. La piraterie,
désormais entreprise d’initiative privée, devient illégale.

La meilleure défense, c’est l’attaque


Les premiers corsaires du Pays basque sont des baleiniers qui
alternent la chasse avec le pillage des ennemis sur les bancs de
Terre-Neuve. Ils obtiendront ensuite des lettres de marque. Les
pillages de prises de morue, par exemple, constituent pour eux
un butin aussi recherché que la soie, l’or ou les meilleurs vins
des navires marchands. Ayant armé leurs navires pour se
défendre contre les dangers que représentaient les pirates
étrangers, ils se consacrent eux aussi à la piraterie pour leur
propre compte. C’était une activité tout aussi lucrative, surtout
lorsque ce n’est pas la saison des baleines.
En Espagne nous avons des témoignages de la fin du XVe siècle,
comme les brevets accordés en 1497 et en 1498 par Ferdinand le
Catholique. Ils permettent aux habitants du Guipúzcoa et de
Biscaye d’exercer comme corsaires sans aucune restriction.
Les Ordonnances corsaires royales déterminent le partage du
butin. D’après elles, l’artillerie et les prisonniers relèvent de la
Justice royale. Le vaisseau et ses marchandises sont destinés aux
corsaires qui les partagent proportionnellement entre armateurs,
capitaine et équipage, selon l’ancienneté de chacun à bord. Une
autre forme de butin était la rançon, c’est-à-dire l’échange des
prisonniers faits par les corsaires pour de l’argent ou contre
d’autres prisonniers. Le navire ennemi ne doit pas subir de
dégâts car il est ensuite revendu.
La Real Compañía Guipúzcoana de Caracas

En 1728 Philippe V d’Espagne, né à Versailles, petit-fils de Louis XIV,


accorde au Guipúzcoa la permission de partager les bénéfices du
commerce avec la Couronne par la création d’une Compagnie. C’est La
Real Compañía Guipúzcoana de Caracas (La Compagnie royale
guipúzcoane de Caracas). Elle a le monopole du commerce avec le
Venezuela.
L’Espagne s’assure ainsi de la protection des côtes du Venezuela contre
les corsaires et des pirates des autres nations. Les navires de La Real
Compañía de Caracas transportent des voyageurs, le courrier, des livres,
des marchandises. La compagnie devient le moyen permanent de
communication entre l’Europe et l’Amérique. Les navires sont armés et les
corsaires de la Compagnie attaquent aussi les navires anglais et
hollandais. En 1785 la Compagnie fusionne avec la Real Compañía de
Filipinas.

Entre Basques on peut s’entendre


Le XVIIe siècle est le siècle d’or des corsaires basques. On estime
que, dans le golfe de Gascogne, leurs navires sont
proportionnellement plus nombreux que ceux de la flotte royale.
En janvier 1528, François Ier déclare à nouveau la guerre à
Charles Quint. Celui-ci presse le Guipúzcoa, armateurs de Saint-
Sébastien en tête, d’armer des navires corsaires rapidement.
Ceux-ci s’emparent d’un nombre si élevé de bateaux français
que ceux du Labourd, rappelez-vous que ce sont des Basques
eux aussi, demandent de renouer leurs anciennes relations
d’amitié. On signe donc un accord à Hendaye à la frontière
en 1536. Les deux parties se mettent d’accord : si leurs rois
respectifs se déclarent la guerre, ceux d’entre eux qui reçoivent
les premiers l’ordre de guerre ou les lettres de marque doivent en
avertir rapidement l’autre partie et prévenir de ce qu’ils vont
faire ! C’est ce que l’on a appelé les traités de Bonne
Correspondance. Quand au XVIIIe siècle les Bourbons de France
et d’Espagne s’allient, ces traités n’ont plus d’utilité.
Quelques corsaires renommés :
Ichetebe (Étienne) Pellot Surnommé le Renard, Pellot
(1765-1856) est connu par sa ruse et son audace. C’est le
dernier corsaire français connu. À 13 ans, il embarque à
Bayonne sur le Marquis de Lafayette. C’est le début de
ses campagnes, des combats contre l’ennemi, de ses
évasions rocambolesques des mains anglaises. Attention
tout de même : les informations que l’on a à son sujet,
c’est lui-même qui les a données !
À Hendaye, une stèle commémore le personnage. Chaque
année, au mois de janvier, la ville rend hommage à saint
Vincent, patron de la ville, lors de la fête de Bixintxo. À
cette occasion, les enfants, déguisés en corsaires, ouvrent
les festivités en célébrant le retour d’Étienne Pellot,
dernier corsaire basque d’Hendaye et de France, par un
défilé dans les rues de la ville.
Johannes de Suhigaraychipy dit Croisic Voilà sûrement
le plus connu parmi les corsaires basques sous le règne de
Louis XIV. Johannes de Suhigaraychipy (?-1694) a
longtemps navigué sur des vaisseaux de commerce où il
devient capitaine. Il se met à son compte pour devenir
corsaire du roi. Sur son bateau La Légère il capture en six
ans plus de cent navires.
À l’église de Plaisance à Terre-Neuve, on trouve des
pierres tombales basques. L’une d’elles porte
l’inscription : « Ci-gît Johannes de Suhergaraychipy dit
Croisic, capitaine de frégate du roi. 1694. Envieux pour
l’honneur de mon Prince, j’allais en suivant sa carrière,
attaquer les ennemis en leur même repaire. »
Jean Peritz de Haraneder Issu d’une famille d’armateurs
de Saint-Jean-de-Luz et Ciboure, propriétaire de dix-huit
navires armés pour la pêche et pour la course, Jean Peritz
de Haraneder (1652-1730) fait de nombreuses prises.
Riche, il acquiert une fortune d’environ deux millions de
livres. En récompense de ses exploits, il est nommé
vicomte de Jolimont par Louis XIV en 1692 pour le
château qu’il possède à Urrugne.
Jean Lafitte Jean Lafitte est un flibustier du début du XIXe
siècle. Un flibustier, c’est un pirate de la mer des Antilles.
Lafitte part comme lieutenant de l’armée française avec
une expédition à la colonie de Saint-Domingue. Aidé de
son frère Pierre, il a créé son propre « royaume de
Barataria » dans les marais et les bayous près de La
Nouvelle-Orléans afin de contrôler l’embouchure du
Mississippi après la vente de la Louisiane par la France
aux États-Unis en 1803. Les frères Lafitte profitent du
vide institutionnel et juridique pour développer une
économie parallèle. Barataria, ce sont trois îles en
Louisiane, dans le golfe du Mexique. L’importation
d’esclaves est interdite en 1807 par le Congrès des États-
Unis, le prix des esclaves monte en flèche. Barataria,
territoire difficile d’accès, est parfait pour cacher les
esclaves volés aux Espagnols. En 1812, l’Angleterre entre
en guerre contre les États-Unis. Lafitte se range du côté
américain. Il négocie son aide contre le pardon pour lui et
ses hommes. Il l’aura mais perd la souveraineté sur
Barataria. Etc., etc.
Vous l’avez compris, voilà un personnage extraordinaire
dont nous ne vous donnons qu’un aperçu.
Destebetxo Terminons cette présentation de pirates et
corsaires basques avec Destebetxo de Saint-Jean-de-Luz.
Entièrement couvert de cicatrices, un coup de canon
l’ampute de ses deux fesses. Il agit surtout dans les eaux
du golfe de Gascogne. Sa tête est mise à prix
en 1812 pour 500 guinées, une somme considérable pour
l’époque. Ce n’est que le jour de ses 81 ans que ses états
de service sont reconnus et qu’il reçoit la Légion
d’honneur.

Le silence est d’or


Finalement on ne sait souvent pas grand-chose de la plupart de
ces pirates et corsaires. Cette ignorance est compréhensible
puisque leurs activités n’étaient pas toujours très légales. Une
autre tient au fait que, paraît-il, beaucoup d’armateurs avaient
l’habitude de brûler les documents relatifs à ce qui leur avait
permis de s’enrichir !

L’émigration économique
Les Pyrénées connaissent au XIXe siècle une émigration très
importante. Voici les principales causes qui expliquent ces
départs massifs : la nécessité économique (pauvreté,
démographie), l’esprit d’aventure, l’exemple de la réussite des
« Américains », le refus du service militaire, la survivance du
droit d’aînesse et… la propagande des agences à l’émigration.
Des trois provinces du Pays basque nord, ce sont la Soule et la
Basse-Navarre qui fournissent le contingent le plus important
d’émigrants. Entre 1832 et 1891, ce sont 79 262 Basques du
Nord, d’après le nombre des passeports délivrés, qui embarquent
de Pasajes (Pasaia) en Guipúzcoa, Bayonne et Bordeaux
principalement. Les trois quarts pour l’Argentine.

L’insoumission
Habitué à vivre en famille et attaché à ses mœurs et coutumes, le
jeune Basque a du mal à accepter l’idée d’avoir à perdre sept
années de son existence au service militaire. Un des moyens d’y
échapper, c’est le passage légal à l’étranger. Les jeunes partent
de l’autre côté des Pyrénées ou en Amérique avant la date
d’appel de leur classe. Ils sont déclarés « absents » si un parent
ou un ami peut les représenter en fournissant une preuve de leur
présence à l’étranger.
Mais si personne ne se présente, l’appelé était déclaré insoumis.
Pire, il est déserteur si, s’étant présenté et déclaré « bon pour le
service », il disparaît après avoir tiré le « mauvais numéro » car
sa famille ne dispose pas de ressources financières pour le
paiement d’un remplaçant.

Droit d’aînesse et départ des cadets


En Soule et Basse-Navarre, on est surtout agriculteur. Or,
traditionnellement, l’héritage vise à ne pas disperser la propriété
familiale. Tous les biens et toutes les fonctions sociales sont
transmis à l’aîné(e). Les filles aînées qui héritent de leurs parents
deviennent chef de maison (maîtresses de maison), avec les
mêmes droits et devoirs qu’un garçon aîné. En compensation,
l’héritier, mâle ou femelle, doit subvenir aux besoins des cadets.
Le cadet s’il reste sur la propriété est condamné au célibat. Mais
il a la possibilité de partir en épousant un héritier ou une
héritière, de rentrer dans les ordres ou de s’expatrier. Si cette
coutume successorale a joué un rôle positif en évitant le
morcellement des propriétés et leur disparition, on vous l’a dit il
y a au Pays basque des fermes qui datent de la fin du Moyen
Âge, elle s’accompagnait de familles nombreuses. L’émigration
était une des solutions pour soulager la famille.

Négociants, compagnies et agents


d’émigration
Certains négociants bordelais et bayonnais deviennent agents
d’émigration avant l’heure. Ils se mettent à travailler pour leur
propre compte ou celui de particuliers, en recrutant en France
des artisans dont l’Argentine ou l’Uruguay ont un grand besoin.
Moyennant une commission évidemment. Menuisiers,
charpentiers, cordonniers, tonneliers, agriculteurs ou éleveurs
expérimentés, le Nouveau Monde a besoin de bras et de
personnel qualifié si possible.
Comme certains capitaines de navire puis les compagnies de
navigation elles-mêmes, ils avancent le prix du voyage contre
une obligation de remboursement. Le passager une fois arrivé
doit travailler pour cela, parfois plusieurs années.
Les anciennes agences, qui jusqu’à l’abolition de l’esclavage se
livraient à la traite des Noirs, se reconvertissent. Elles recrutent
de la main-d’œuvre pour le compte d’un employeur. La première
agence à Bayonne s’installe en 1832. Aidant les émigrants les
plus modestes en avançant le prix voyage et en offrant un
premier emploi, elles ont développé l’émigration. Elles font
beaucoup de publicité dans ce sens.
Mais le retour au pays natal des « Américains », ceux qui avaient
réussi là-bas, est vraiment la preuve imparable qui peut inciter
artisans et agriculteurs à partir.
Voici à titre d’exemple un extrait de lettre d’un émigrant. C’est
idyllique, un témoignage idéal pour les recruteurs : « Le pays est
très sain, on y aime beaucoup les Français, les habitants sont très
bons. Je viens de trouver un bon travail. Les femmes qui étaient
à bord ont été employées aussitôt leur arrivée, il y a beaucoup de
maisons riches qui en demandent… »

L’exploitation des ressources


naturelles
Plus que les produits exotiques rapportés d’une terre lointaine,
ce sont les produits de la mer qui sont la première richesse de
beaucoup de ports de l’Atlantique. Reportez-vous au début du
chapitre 2, si vous ne l’avez pas déjà lu, pour découvrir
comment la pêche s’est développée au Pays basque du XVe au
XVIIe siècle.

La construction navale
La construction navale sur le littoral basque va de pair avec les
activités de pêche et de commerce des Basques. Mais c’est avec
l’arrivée des Vikings et des Normands à l’embouchure de
l’Adour que les bateaux se transforment en navires de guerre. Au
XIe siècle apparaissent les premières coques.

Des embarcations fort anciennes selon Strabon

Dès l’Antiquité, Strabon dans sa Géographie universelle en 17 livres, parle


des habitants de la côte du golfe de Biscaye. Il écrit ceci à propos de leurs
embarcations : « Avant l’expédition de Brutus (138-137 avant J.-C.), ils
n’avaient que des barques en cuir pour naviguer par les estuaires et les
marais ; mais aujourd’hui, ils utilisent des embarcations faites d’un tronc
d’arbre, bien que leur usage soit encore peu fréquent. »
Ce type d’embarcations faites d’une seule pièce de bois dans un tronc
était très répandu en Europe. Le Pays basque ne constitue donc pas une
exception. Mais cette modeste embarcation fait preuve d’une grande
longévité sur les côtes basques puisqu’on la trouve encore au XIXe siècle.

Des circonstances favorables


La construction navale basque arrive à sa plénitude au XVIe
siècle. L’existence des ports, l’abondance des forêts de chênes et
de hêtres, de bons artisans et une bourgeoisie entreprenante, tout
concourt à la développer. De plus, la découverte de l’Amérique
entraîne le commerce vers l’Atlantique. Voilà de nouveaux
débouchés pour la construction. Les chantiers navals
approvisionnent les provinces basques mais aussi les États. On
construit des navires pour les rois, pour le commerce
international, pour la chasse et la pêche à Terre-Neuve et bien
sûr pour le cabotage traditionnel sur les côtes du golfe de
Biscaye ou Gascogne.

Au nord comme au sud


Les principaux chantiers du pays se trouvent sur les berges de
l’Adour (Bayonne) et du Nervión (Bilbao). L’arsenal du Roi se
trouve à Bayonne, où l’on construit les bateaux de la flotte
royale française. En Guipúzcoa à Lezo, Pasajes (Pasaia) et
Renteria (Errenteria), il y a des chantiers de fabrication de
galions pour la flotte royale espagnole. Le chantier royal de
Pasajes est fondé en 1597. À Saint-Sébastien (Donostia),
l’arsenal était situé sur la fameuse plage de la Concha et le
chantier naval à Anoeta où se trouve maintenant le stade de
football.
Avec la construction navale apparaissent de nombreux métiers :
charpentiers, canonniers, cordeliers, forgerons, fabricants de
voiles, etc. Les rues de Bayonne près de la Nive le rappellent :
rue des Cordeliers, rue des Tonneliers, rue de la Galuperie (les
galupes sont des barques à fond plat), etc.

Le bois de la forêt d’Iraty


En Pays basque on trouve de vastes forêts et d’importants
gisements de minerai de fer. Voilà qui est parfait pour la
fabrication de bateaux. La forêt d’Iraty (Irati), plus grande
hêtraie d’Europe, est à cheval sur la Soule et la Basse-Navarre
au nord et la Navarre au sud.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, le massif forestier est très exploité par
les deux marines royales française et espagnole. Le hêtre d’Iraty
est plutôt utilisé à la fabrication des rames alors que le sapin
servait surtout pour les mâts. La grosse difficulté, c’était le
transport : les chemins sont peu praticables et les cours d’eau
inadaptés au flottage du bois.

Cuivre, argent et fer : une tradition


depuis les Romains
La connaissance de l’industrie du fer a été introduite au Pays
basque par des peuples indo-européens, de culture celte.
L’abondance de minérai et la tradition ferronnière ont permis
qu’au XIXe siècle la « révolution industrielle » transforme
complètement la Biscaye.
Des mines fort anciennes
Une mine d’or importante existait à l’époque gallo-romaine dans
la vallée de la Nive, autour d’Itxassou (Itsasu). Les vestiges des
mines de cuivre de Banca (Basse-Navarre) datent du Haut-
Empire romain, confirmés par la découverte de monnaies
romaines de la fin du Ier siècle avant J.-C. et des IIIe et IVe siècles
aprrès J.-C. Longtemps interrompue, l’activité connaît son
apogée au XVIIIe siècle avec un arrêt définitif au début du XXe
siècle.
Les mines d’Arditurri se trouvent dans les montagnes d’Aiako
Harria (Trois couronnes), dans la commune d’Oiartzun
(Guipúzcoa). Son exploitation remonte à l’époque de l’Empire
romain. Après les mines d’or de Las Médulas (province de
León), celles d’argent d’Arditurri étaient probablement les plus
importantes de la péninsule Ibérique, et la Péninsule était une
puissance minière de l’Empire.

Les forges à soufflets : « haizeolak »


Les forges vont s’étendre d’est en ouest au pied des Pyrénées. Le
bois sert à fabriquer le charbon végétal utilisé pour la fusion du
métal. Les torrents puissants et réguliers permettent d’actionner
les soufflets et le martinet.
Les premiers fours, haizeolak « fours à vent », sont cylindriques
avec des parois de pierre de deux ou trois mètres de hauteur et
un diamètre approximatif d’un mètre. Une partie est enterrée
sous le niveau du sol. On insufflait l’air à la base avec les
soufflets.
Les haizeolak ont disparu en Biscaye vers le XIVe siècle,
remplacées par les forges à eau, zeharrolak. Celles-ci
constituaient alors des techniques de pointe en Europe.

Les fors des forges


Les forges avaient un règlement très protectionniste, la
« Juridiction des forges de Biscaye et des Encartaciones ». Elle
est écrite par les Assemblées générales de Guernica en 1440,
bien après les juridictions de Segura (Sancho IV en 1290) ou
d’Oiartzun (Alfonso XI en 1338) en Guipúzcoa. Les forges
constituaient la principale richesse de la Biscaye, il fallait les
protéger. Cela représentait beaucoup de métiers : propriétaires,
administrateurs, locataires, forgerons, charbonniers, bouviers,
marins, commerçants, etc.
On trouvait des gisements de fer dans tous les territoires, mais
ceux qui ont une renommée universelle par leur qualité et leur
quantité sont, sans doute, ceux de la vallée de Somorrostro en
Biscaye.

La révolution industrielle
On peut situer en Espagne l’époque clef du début de la
révolution industrielle vers 1832. L’énergie à vapeur est utilisée
par l’industrie textile catalane et les hauts-fourneaux de la
sidérurgie basque.
Mais c’est vers 1876, après la troisième guerre carliste, que
décolle vraiment l’industrialisation de la Biscaye, avec la
sidérurgie. Suppression des douanes intérieures, facilités pour
les capitaux étrangers, construction du chemin de fer ont permis
cet essor. Les Anglais, qui ont besoin de placer leurs capitaux
dans des pays moins développés, ont jusqu’à 64 compagnies
dans les concessions minières basques entre 1871 et 1914.
Vers 1900, la production de minérai de fer de Biscaye représente
presque le dixième de la production mondiale. Le minérai est
expédié par le port de Bilbao en Angleterre, Écosse, Hollande,
Allemagne, Belgique et France, entre autres.
À la fin du XXe siècle, le déclin de la sidérurgie et des chantiers
navals va voir Bilbao, toujours ville portuaire, se transformer en
une ville de services et de culture.
De la baleine et la morue aux ports de
plaisance
Une grande partie de l’histoire du Pays basque est liée à la mer.
Beaucoup de Basques ont vécu et continuent à vivre de la mer et
pour la mer.
Au fil du temps et au gré des conditions imposées par le progrès
et les lois de l’offre et de la demande du marché, les ports
basques se sont spécialisés dans la pêche ou dans le commerce.
Le résultat de cela a été la configuration d’une carte sur laquelle
les deux principaux ports du Pays basque, Bilbao, largement en
tête, et Pasajes, ont centré leurs activités sur les transactions
commerciales pour l’industrie et le commerce du pays. Et les
autres, nous vous les indiquons seulement en basque cette fois-
ci – Hondarribia, Getaria, Ondarroa, Bermeo, Donostia, Otio,
Mutriku, Lekeitio, Mundaka, Armintza au sud, Donibane
Lohizune, Hendaia au nord – sont surtout des ports de pêche
côtière et artisanale. Beaucoup ont combiné cette activité avec
celle des loisirs, afin de diversifier leur offre. Ils sont devenus
des ports de plaisance et des stations balnéaires. Bayonne est
resté un port de commerce et industriel, le neuvième de France.
Troisième partie
La culture, un mariage réussi
de tradition et de modernité
Dans cette partie…

L asouvent,
culture basque a une très forte image à l’extérieur. Mais
ce sont des clichés désuets et réducteurs. C’est
un peu l’héritage des écrivains romantiques du XIXe siècle
qui découvraient un territoire sauvage, simple et
mystérieux pour eux. Et ces clichés sont pratiques et
vendeurs. Le béret, le joueur de pelote et la danseuse de
fandango, le jambon de Bayonne ou les moutons paisibles
au milieu de collines verdoyantes… Ça « marche ».
Mais ceci ne reflète pas le dynamisme culturel basque et la
grande variété des modes d’expression. On a d’un côté la
tradition et de l’autre l’innovation, d’un côté la
permanence et de l’autre le changement. Et les deux se
marient dans un bouillonnement que les stéréotypes
ignorent et que le touriste pressé a du mal à remarquer.
C’est ce que nous allons vous faire découvrir dans cette
nouvelle partie du Pays basque pour les Nuls.
Chapitre 8
Aperçu de la culture
au cours des siècles
Dans ce chapitre :

La culture basque. Tradition, transmission et création

Des premiers concours littéraires à la littérature contemporaine

Carnavals, mascarades, pastorales : une tribune millénaire

La culture basque. Tradition,


transmission et création
On s’accorde à lier langue et culture, à considérer qu’il s’agit
d’un patrimoine très important. On parle de patrimoine
immatériel. Le patrimoine matériel ce sont les monuments, les
châteaux, les églises, les meubles, etc. Nous vous en parlerons
également. La langue, nous vous en avons parlé au chapitre 5 ;
les traditions, les symboles et les croyances au chapitre 6. Dans
les prochains chapitres, nous allons découvrir successivement la
danse, le chant et la musique, le bertsolarisme, les sports et les
arts plastiques.
Le Pays basque compte actuellement un grand nombre
d’associations culturelles, de groupes de danses, de chanteurs, de
musiciens, des formes artistiques que l’on ne trouve (presque)
plus en Europe comme la pastorale ou le bertsolarisme, l’art de
l’improvisation chantée. Comment en est-on arrivé là ?
On peut remonter à la préhistoire avec les flûtes découvertes
dans les grottes d’Isturitz et d’Otsozelaia en Basse-Navarre, avec
les peintures d’animaux dans la grotte de Santimamiñe en
Biscaye qui ont environ 15 000 ans, avec les cromlechs d’Okabe
également en Basse-Navarre, ces cercles de pierres levées qui
datent de 1 000 à 4 000 ans avant J.-C. Cette grande richesse
culturelle qui a évolué au cours des siècles, qui a subi les
influences extérieures car le Pays basque n’est pas un monde
clos comme certains pourraient le croire, se concrétise de nos
jours dans de nombreux domaines. Elle constitue la spécificité
du Pays basque, Euskal Herria. Bien au-delà des spectacles
folkloriques, c’est une culture très diverse à la fois rurale et
urbaine, marquée par la tradition mais aussi dans certains
domaines au cœur de la création contemporaine.

La tradition orale
Le grand moteur de l’identité culturelle au Pays basque a été
jusqu’à il y a peu la tradition orale. Issu d’une civilisation très
ancienne, le peuple basque accorde beaucoup d’importance aux
traditions. Elles étaient transmises oralement de génération en
génération. L’attachement à la famille et à la maison familiale,
etxea, était la base du système social. La langue basque,
euskara, était le vecteur par lequel on transmettait les valeurs,
les coutumes, les techniques mais aussi les légendes, les chants,
les danses, bref la culture basque. Il faut dire que jusqu’au XIXe
siècle, dans certaines parties du territoire beaucoup ne savaient
ni lire ni écrire ou très peu.
L’exemple de transmission orale le plus connu est celui du
poème en dialecte souletin Bereterretxen khantoria, la chanson
de Bereterretxe. On dit aussi Berterretxe. Il a été composé dans
la première moitié du XVe siècle et pourtant sa première version
écrite connue ne date que de 1870. Voilà donc une histoire qui a
traversé les siècles, plus de 400 ans, uniquement par la parole.
Elle raconte une histoire vécue, l’assassinat de l’héritier ou jeune
maître de la maison noble Bereterretxe par le comte de Lérin,
gouverneur du château de Mauléon, la capitale de la Soule,
vers 1440.
De nos jours, la tradition orale n’a pas complètement disparu.
Les championnats d’improvisation chantée, art des bertsolari,
connaissent un très grand succès populaire. Un conteur comme
Koldo Amestoy en Pays basque nord perpétue la tradition du
conte, en basque comme en français d’ailleurs.

Des premiers concours littéraires à


la littérature contemporaine
Nous n’allons pas vous faire un cours d’histoire de l’art ou de la
culture au Pays basque ; cette histoire n’est d’ailleurs pas encore
bien connue. Nous allons plutôt partir d’un moment important,
au XIXe siècle, dont nous avons dit quelques mots au chapitre 3.
C’est celui des jeux floraux, lore jokoak. Sous l’impulsion du
savant et mécène Antoine d’Abbadie, ils vont raviver l’intérêt
pour l’improvisation, la poésie, le chant. Ainsi, ce ne sont pas
moins de 400 poèmes qui ont été présentés au cours des
différents jeux floraux. Les fêtes basques et leurs jeux floraux se
dérouleront jusqu’en 1935, veille de la guerre civile d’Espagne
qui va profondément affecter le Pays basque sud.
En août 1897, alors qu’Antoine d’Abbadie est mort en mars, se
déroule la Fête de la tradition basque à Saint-Jean-de-Luz. Voici
les spécialités qui y ont été primées. On a la poésie écrite avec
sujet imposé, la poésie écrite avec sujet non imposé, le cantique
à créer avec musique et paroles. Deux vainqueurs sont de Saint-
Sébastien, les deux autres des curés du Pays basque nord. Quatre
improvisateurs sont primés, tous sont du Nord. La pelote aussi
fait partie de la fête et sur trois spécialités, un des vainqueurs est
d’Irún. La fête dure huit jours avec des cérémonies religieuses,
des danses, un concours d’improvisateurs, une mascarade
souletine, une représentation de pastorale, des conférences, une
exposition. Bref, c’est un véritable tour d’horizon complet de la
culture basque, sous l’autorité des représentants politiques et de
l’Église.

La littérature actuelle
Si vous avez lu le portrait de Bernard Etxepare au chapitre 5,
vous savez que le premier livre en basque connu, Linguae
Vasconum Primitae, date de 1545. Pourtant, jusqu’au XXe siècle
la plupart des ouvrages publiés seront des ouvrages religieux ou
des traductions en basque de textes religieux. À partir des
années 1950, la production augmente et les religieux ne sont
plus majoritaires. Après la mort de Franco et la fin de tous les
interdits qui pesaient sur les Basques et leur langue, on assiste à
un grand foisonnement et dans des genres littéraires très divers :
le roman, les nouvelles, la poésie dont la tradition ne s’est pas
arrêtée, les contes, le livre pour enfants et pour la jeunesse, etc.
Bernardo Atxaga (né en 1951), de son vrai nom Joseba Irazu
Garmendia, est né à Asteasu, un petit village près de Saint-
Sébastien. C’est certainement l’écrivain basque le plus connu à
l’étranger. Traduit dans de nombreuses langues, il a été inclus en
1999 dans le « 21 Top Writers » (le classement des 21 écrivains)
du journal britannique The Observer. Il a publié des recueils de
poèmes, des romans, des pièces de théâtre, des ouvrages pour la
jeunesse. Son plus grand succès de librairie s’appelle
Obabakoak (1988), ceux de Obaba, un village imaginaire. Il a
été traduit en au moins vingt-six langues différentes. Même
Soinujolearen semea (2004), « Le fils de l’accordéoniste »,
roman plus difficile, a été traduit du basque en dix langues.
Mais Bernardo Atxaga est un arbre qui cache un peu la forêt.
Les écrivains basques sont maintenant nombreux. Les femmes
parmi eux également. Et si les tirages ne sont pas très
importants, car les gens capables de lire le basque ne sont pas
aussi nombreux que ceux qui lisent l’anglais ou le français, il y a
une véritable littérature en langue basque.
Carnavals, mascarades, pastorales :
une tribune millénaire
On compte au Pays basque beaucoup de carnavals qui varient de
forme selon la province, selon le village. Ce peut être le procès
de San Pantzar en Labourd que l’on brûle pour se débarrasser de
tous les maux dont il est accusé, les Libertimendu de Basse-
Navarre où se mêlent danses, charivari, musique, improvisation
et critique sociale ou, comme à Bayonne, la tradition ancienne
de célébration des jours gras. Le Pays basque sud n’est pas en
reste, avec là aussi une grande variété de carnavals. D’une façon
générale, ce sont des fêtes populaires païennes qui se déroulent à
la fin de l’hiver et qui ont une longue tradition. Attention ! Ils
n’ont rien à voir avec le carnaval de Nice, de Venise ou de Rio
de Janeiro, même si les participants se déguisent. On n’est
d’ailleurs pas près de voir des touristes masqués venir y prendre
part.
Les carnavals, on les appellera comme cela à défaut de mieux,
ihauteriak ou inauteriak en basque, étaient considérés comme
des « soupapes de sécurité ». Mal vus des autorités civiles et
religieuses, le masque, le déguisement permettaient le
défoulement, le dépassement des interdits. On signale dans les
archives du royaume de Navarre qu’un prêtre a profité du
carnaval pour tuer un adversaire ! Pendant la période du
franquisme, beaucoup de carnavals ont été interdits au Pays
basque sud. Ceci n’a fait évidemment que renforcer leur attrait.
Depuis une trentaine d’années, les carnavals connaissent un
regain de vitalité au Pays basque nord. Là aussi, le mouvement
culturel et politique basque a beaucoup valorisé le carnaval ;
c’est une bonne tribune pour amener par l’humour et la dérision
les revendications sociales et politiques.
Au chapitre suivant consacré à la danse vous découvrirez plus en
détail une forme de carnaval, celle de la Soule qu’on appelle la
mascarade. La danse y a une grande place. Pour le moment,
voyons ce qu’est la pastorale.
Allons à la pastorale
Voilà un théâtre populaire très ancien qui connaît toujours
beaucoup de succès en Soule. Joué en langue basque, il est aussi
chanté et dansé. Il est monté par un village différent tous les ans.
Les acteurs sont tous amateurs. Pour les rôles principaux dont le
premier rôle, sujeta, le metteur en scène, errejenta, choisit de
bons chanteurs et des personnes à l’aise sur scène, une estrade
en pleine nature. Les prés alentour font office de parkings.
En deux représentations, entre quatre et sept mille spectateurs
viennent de tout le Pays basque assister au spectacle. La
pastorale est ensuite très souvent donnée une troisième fois au
Pays basque sud. « Pastorale », en basque pastorala, désigne le
texte lui-même, écrit parfois plusieurs années avant, et le
spectacle lui-même, sa représentation. La plus ancienne
pastorale remonterait à 1634. C’est Saint-Jacques donnée à
Tardets (Atharratze). Mais la suivante date de 1750, Sainte
Élisabeth du Portugal donnée à Esquiule (Eskuila). Certains
spécialistes doutent de l’existence de la pastorale de 1634. Quoi
qu’il en soit, la pastorale ne date pas d’aujourd’hui ! Les thèmes
ne concernent plus maintenant les saints, saintes ou autres héros
de l’histoire de France, mais des héros basques, récents ou plus
anciens. C’est une histoire qui n’était pas enseignée à l’école et
que le public des pastorales découvre ainsi, sous une forme
romancée, théâtralisée.
Le basque souletin est moins parlé qu’autrefois. Si le texte joué
est entièrement en dialecte souletin, un livret bilingue ou
trilingue basque souletin-français-espagnol vous est proposé.
Bref, si vous n’avez pas peur de passer entre trois et quatre
heures, c’est la durée d’une pastorale, autrefois elle durait toute
la journée, assis sur un banc de bois, nous vous conseillons d’y
assister au moins une fois. Même si vous ne comprenez pas le
basque, la traduction du livret, les chants, les danses, le soin
apporté aux costumes, la présence des brebis manech tête noire
et de l’âne lors du chant des bergers devraient vous faire passer
un bon moment. Vous serez surpris par l’attention, la passion
même des spectateurs.
C’est le village qui produit, organise et joue la pastorale de A à
Z. Les répétitions durent plus de six mois. Il faut apprendre le
texte, les danseurs du village préparent les chorégraphies, on
répète les chants, en solo, duo ou avec tous les acteurs. Et
l’événement se déroule toute la journée, la représentation de la
pastorale n’en étant que le point d’orgue : défilés des acteurs en
costume, messe chantée par les acteurs, repas avec eux, etc. Tous
les villageois sont unis, toutes générations confondues, pour la
réussite qui met l’honneur du village en jeu. En effet, l’année
prochaine ce sera un autre village de Soule qui montera une
autre pastorale et il faut que la sienne fasse date.

Un portail de la culture basque : le


site www.eke.org
Terminons ce bref chapitre d’introduction à la culture basque
avec le site Web d’un organisme installé à Ustaritz en Labourd,
l’Institut culturel basque (Euskal Kultur Erakundea). Cette
structure aide la culture d’expression basque au Pays basque
nord, les projets de la centaine d’associations qui en est membre
et ceux des compagnies et artistes locaux. Elle a ses propres
projets et aide aussi à l’élaboration des politiques culturelles des
pouvoirs publics français.
Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur la culture, le
patrimoine, la création artistique basques, nous conseillons son
site Web, www.eke.org.fr pour la version française.
Particulièrement riche, il se présente comme le portail de la
culture basque. Un agenda mis à jour quotidiennement vous
permet de savoir quels sont les spectacles, les expositions, les
conférences du jour. Vous y trouverez aussi un annuaire et une
base de données sur les artistes et les différents domaines de la
culture.
Bien, maintenant c’est à vous de jouer. L’offre culturelle est
variée, pas seulement concentrée en été, mais aussi diffuse,
hybride et couverte en partie par l’offre culturelle française et
internationale.
Chapitre 9
« Un peuple qui danse
et chante au pied
des Pyrénées »
Dans ce chapitre :

La Soule, au pays de Pitxu et du zamalzain

L’aurresku : une danse vaut mieux qu’un long discours

Rendez-vous dansant avec les mutxikos

De la danse traditionnelle à la danse classique et contemporaine

O n« répète souvent que Voltaire a décrit les Basques comme


Un peuple qui danse et chante au pied des Pyrénées ». En
effet, la danse (dantza) constitue une part importante de la
culture basque et la danse traditionnelle est une activité sociale
encore bien ancrée. Certes vous assisterez à des spectacles de
danses basques ; il y a aussi des danses de carnaval, de
processions ou liées à d’autres manifestations particulières. Mais
c’est lors des fêtes locales (herriko bestak) que vous verrez des
gens de tous âges danser. Ne soyez pas surpris. L’orchestre
commencera avec des danses basques en cercle, les mutxiko,
puis ce sera plutôt des danses de salon pour les moins jeunes,
tango, valse, etc., et plus tard dans la nuit il passera à des danses
modernes, de style rock et autres pour les plus jeunes.
Il y a des danses connues sur tout le territoire, d’autres sont
propres à telle ou telle province, à tel ou tel village parfois.
Comme votre Pays basque pour les Nuls ne cherche pas à tout
vous dire mais plutôt à vous donner l’envie de découvrir, de
connaître, voici quelques aspects particulièrement remarquables
des danses basques. Et nous commençons en nous rendant en
Soule, la toute petite province à l’est, une vallée côté nord des
Pyrénées.

La Soule, au pays de Pitxu et du


zamalzain
La Soule, c’est un concentré de culture basque. À peine plus
de 13 000 habitants et beaucoup de domaines de la culture où
elle a conservé et développé des spécificités : la pastorale, sorte
de théâtre rural en plein air chanté et dansé, la mascarade,
animation burlesque de carnaval qui se répète tous les
dimanches de village en village à la fin de l’hiver. Le chant a
capella y a une grande place et elle a aussi certaines danses qui
lui sont propres.

Tradition et création
Il faut dire que la tradition, c’est du présent avec une vingtaine
d’écoles de danses basques pour trente-cinq communes ! Qui dit
danse, dit musique. Et là aussi on prépare régulièrement la
relève parmi les joueurs de txülüla, la flûte à trois trous locale, et
de ttun ttun, instrument allongé en bois à cordes métalliques
frappées avec un petit bout de bois. Le musicien joue des deux à
la fois, la flûte jouée de la main gauche, le ttun ttun calé sous le
bras droit qu’il frappe de cette main droite.
Les danseurs souletins, dans leur magnifique costume, sont au
nombre de cinq différents : txerreroa qui ouvre le cortège,
gatüzaina le gardien du chat, autrefois sorte de bouffon,
kantiniersa la cantinière, zamalzaina le gardien du cheval ou
cavalier et entsainaria qui porte le drapeau de la Soule et ferme
le cortège. Ils doivent maîtriser de nombreux pas et sauts, les
fameux sauts basques souletins. C’est une danse savante,
précise, technique, issue pour partie des maîtres à danser de
l’armée de retour au pays au cours du XIXe siècle. Comme
souvent dans les danses basques, les bras servent à s’équilibrer
ou ils restent le long du corps, c’est tout. Lors des pastorales,
plus particulièrement, de nouvelles façons d’évoluer, de
nouveaux enchaînements de pas et de sauts, sont proposées
quasiment chaque année. Il y a donc d’un côté un strict respect
de la tradition, des techniques transmises, et de l’autre une
grande capacité de création, dès l’instant où le cadre musical est
respecté.
Comme souvent l’origine d’une tradition n’est pas bien définie,
elle a plusieurs sources distinctes que l’on a du mal à démêler.
Les sauts basques ou danses en rond, on dit « sauts » car lors de
ces danses il y a des sauts, font sûrement partie du fonds
commun au Pays basque et pour quelques-uns plus généralement
aux Pyrénées. Les danseurs souletins ont rajouté à ce fonds les
danses dites « par principes », il s’agit d’une dizaine de pas
différents. Issues des danses du XVIIe siècle pratiquées dans les
théâtres et salons parisiens, elles sont enseignées dans les armées
dès le début du XIXe siècle. Oui. Ne soyez pas étonné, on y
apprenait la danse comme l’escrime ou la boxe ! Certains
conscrits de Soule les y apprennent et les ramènent pour les
joindre aux danses traditionnelles déjà pratiquées. Ce seront les
maîtres de danse. Cela va donner une nouvelle tradition que l’on
enseigne toujours avec passion en ce début de XXIe siècle. Allez
en Soule voir une pastorale ou une mascarade, vous vous
rendrez tout de suite compte de la qualité de ces danseurs.
Faisons la connaissance de l’un d’eux, le zamalzain (le cavalier
ou gardien de cheval), une espèce d’homme-cheval. Son
costume magnifique, haute coiffe ornée de plumes, sorte de
mannequin à tête de cheval autour de sa taille qu’il actionne de
la main droite, ne l’empêche pas de danser comme les autres. La
danse la plus périlleuse à exécuter est godalet dantza, la danse
du verre. Il exécute les sauts en se rapprochant du verre de vin
posé à même le sol. À un moment donné, il pose un pied sur le
verre et se dresse dessus. Bien sûr il ne doit pas le renverser,
alors qu’au contraire des autres danseurs, il a du mal à voir le
verre au travers de son costume de cheval.

La mascarade : Hou ! Hou ! Pitxu


La danse a une grande place dans la mascarade (maskarada).
C’est une sorte de théâtre de rue, satirique, dont se chargent les
jeunes d’un village différent chaque année. Au début de l’année,
avec les « jours fous » (zotal egünak), chaque dimanche un
village reçoit la mascarade, alternance de danses, de jeux
débridés, de farces. Deux groupes s’opposent. Les « rouges »
(gorriak), c’est la bonne société, ceux qui danseront. Parmi eux
se trouvent les aintzindariak (ceux qui sont devant), les cinq
meilleurs danseurs, en tête de cortège. Les « noirs » (beltzak), ce
sont les marginaux, bohémiens, chaudronniers, rémouleurs
ambulants, etc. qui se livrent à des provocations, se jettent les
uns sur les autres en hurlant, transgressent les tabous sexuels,
critiquent la société, les notables du village qui les accueillent.
Bref le peuple prend la parole ! Et chaque dimanche, on change
de texte, de provocation, de personnes mises en cause puisqu’on
se trouve dans un autre village. Les spécialistes y voient des rites
ancestraux perpétués, comme la célébration de la fin de l’hiver,
le culte d’animaux comme l’ours, une fête bachique, etc.
Le personnage emblématique de la mascarade, c’est Pitxu,
prononcez « pitchou », un des « noirs ». C’est le champion de la
facétie. Il surprend toujours le public et ses comparses ; on le
cherche et brusquement il surgit d’un toit, apparaît derrière
l’église en mobylette pétaradante. Dans le rituel, Pitxu meurt
mais il renaît grâce aux soins de docteurs, plus proches de
bouchers, qui jettent au public ses intestins et ses entrailles.
La barricade est la première danse de la mascarade que l’on
exécute justement pour franchir une barricade. Dès le matin, en
effet, il faut passer des obstacles pour rentrer dans le village qui
l’accueille puis devant certaines maisons. Maintenant
symbolique, la barricade est une table garnie de nourriture et de
boissons, ou quelques bouteilles de vin au sol. Les participants à
la mascarade vont danser pour pouvoir continuer leur route. De
quartier en quartier, on arrive plus ou moins épuisé et éméché à
l’heure du spectacle de la mascarade qui aura lieu l’après-midi
sur la place du village. À côté des coups de folie et des
hurlements des « noirs », de la mort de Pitxu, on dansera aussi le
branle, une longue danse collective en file qui ramène
l’équilibre, la mesure, l’harmonie.
Seule ombre à ce tableau presque idyllique d’une culture
traditionnelle bien vivante, la perte de la pratique de la langue
basque chez les jeunes, malgré un enseignement scolaire que se
développe. Certes cela n’empêchera pas de former de bons
danseurs. Mais la mascarade nécessite aussi parmi les « noirs »
de bons locuteurs, des euskaldun (bascophones), pour haranguer
Pitxu, se moquer en public des notables du village ou de la
politique du président de la République française !

L’« aurresku » : une danse vaut


mieux qu’un long discours
Quittons la Soule pour découvrir une danse remarquable,
l’aurresku de aurre « devant ». C’est une danse collective en
file, proche du branle de Soule, venue de Biscaye et Guipúzcoa.
Maintenant, de plus en plus, on danse l’aurresku d’honneur dans
les actes officiels, les cérémonies d’hommage, les noces. Un
danseur et un simple txistulari (joueur de txistu, voir au
chapitre 21) qui va accompagner le danseur, seul.
C’est une danse lente, solennelle et élégante, exécutée devant
celle, celui, ceux que l’on veut honorer. Le danseur est vêtu de
blanc, avec une large ceinture rouge de flanelle et un béret. Il
réalise des entrechats et des jetés de la jambe gauche au-dessus
de l’épaule particulièrement impressionnants. Face à la solennité
de cette danse, on se dit vraiment qu’une danse vaut bien plus
qu’un long discours.
Rendez-vous dansant avec les
mutxikos
Les mutxikos (mutxikoak) sont des danses collectives en cercle
que l’on peut voir et danser sur les places de village, mais aussi
lors des fêtes de Bayonne. Pour cela, rendez-vous place Jacques-
Portes, dans le Grand-Bayonne toutes les fins d’après-midi du
jeudi au dimanche. C’est le Karrikaldi (littéralement le moment
de rue). Peut-être vous risquerez-vous à esquisser les pas et il y
aura toujours quelque danseur content de vous aider. Il s’agit
d’un enchaînement de pas entrecoupé de changements de sens
de rotation. Le buste reste droit et les bras ballants le long du
corps ou pliés et écartés main en l’air.
Parmi les musiciens, l’un d’eux indique au fur et à mesure, en
basque bien sûr, ces changements et leur nature. Vous entendrez
donc erdizka ! (demi-tour), erdizka lauetan ! (quatre fois le pas
en deux allers-retours), erdizka eta hiru !… Et tout le monde de
s’exécuter. Explication : erdi signifie demi, lau quatre et hiru
trois. Pika (coupé), ebats (volé), jauzi (saut), dobla (doublé,
égale un tour complet), luze (long, faire deux pas en avant), jo
(frappé, frapper trois fois dans les mains) sont d’autres
consignes. Nous n’insistons pas. Ah ! Si. Eskuin et ezker (droite
et gauche) sont deux mots qui vous serviront dans bien d’autres
circonstances.
À partir de ces consignes vous pouvez danser les mutxikos mais
aussi d’autres danses ; il y a une infinité de variantes selon la
région.
Les mutxikos sont à nouveau bien ancrés dans les fêtes au Pays
basque. Tous les ans en octobre à Arcangues, en Labourd, est
organisée la Journée du mutxiko (Mutxikoaren eguna) par la
fédération de danse basque Euskal Dantzarien Biltzarra. C’est
un passionné, Pierre Betelu, qui crée en 1977 les premiers cours
de danse et relance les mutxikos qui étaient quasiment tombés
dans l’oubli. Les femmes ne les dansaient pas alors : mutxiko
vient de mutiko qui veut dire garçon, jeune homme, -x- c’est un
diminutif. Elles sont maintenant largement majoritaires, comme
d’ailleurs en Soule où là aussi les femmes ne dansaient pas les
danses traditionnelles.
Ah ! L’égalité hommes/femmes n’était pas aussi parfaite que
certains ont voulu le croire. Alors si vous êtes de passage à une
de ces nombreuses fêtes de village au Pays basque tout au long
de l’été, en fait toutes les communes en ont une, très souvent
même les différents quartiers ont la leur, il va falloir vous mettre
aux mutxikos. Sinon vous risquez de rester à la buvette avec une
bonne partie des membres du sexe dit fort à boire un verre de
sagardo (cidre) ou de garagardo (bière), en admirant la légèreté
des danseurs et danseuses !

De la danse traditionnelle à la danse


classique et contemporaine
La danse au Pays basque ne se résume pas aux danses
traditionnelles et à leur évolution. Elle peut aussi donner une
danseuse étoile comme Lucia Lacarra. Un projet basé à Hendaye
comme Dantza Hirian (danse dans la ville) a pour objectif de
développer la promotion de la danse contemporaine de Bayonne
à Saint-Sébastien. Ces créations cherchent à faire dialoguer la
culture, la langue basque et la danse contemporaine. Les
créations actuelles, les nouvelles chorégraphies sur les danses
traditionnelles font le lien avec un patrimoine qui remonte à la
nuit des temps. Si la danse basque est issue de rites ancestraux
dont on a perdu un peu le sens, elle fait plus que jamais partie
aujourd’hui au Pays basque de la fête au sens large. Elle a su ne
pas se limiter aux représentations et festivals de danses
folkloriques comme ce peut être le cas ailleurs.
Le festival Le temps d’aimer à Biarritz, depuis 1990, propose
des compagnies de danse du monde entier. Son directeur
artistique, Thierry Malandain, est aussi directeur du Centre
chorégraphique national de Biarritz. Ici la danse que l’on
qualifie de basque a peu de place, mais cet apport extérieur peut
lui aussi nourrir la danse basque.
Le fandango est une danse traditionnelle de couple, d’origine
andalouse. Elle se danse en Espagne, au Portugal, en Amérique
du Sud. Venue du Pays basque sud, la pratique du fandango s’est
propagée dans tout le Pays basque. On la danse les bras levés
avec un léger claquement des doigts qui rythme la musique. Il
existe des variantes locales. Un des grands succès du chanteur
d’opérette d’origine basque Luis Mariano s’intitule Fandango
du Pays basque.
Chapitre 10
Le chant et la musique
Dans ce chapitre :

Le bertsolarisme ou l’art d’improviser

Le chant, un second langage

La musique savante

Txalaparta, txistu, ttun ttun et compagnie

L ebasque,
chant est un mode d’expression très populaire au Pays
rappelez-vous la citation de Voltaire. De génération
en génération, l’art du chant et celui de l’improvisation chantée
se sont transmis. Grâce au travail de passionnés au XIXe et au XXe
siècle, de nombreux recueils de chants et musiques populaires
nous sont parvenus, contenant des milliers de chansons, parfois
très anciennes. La chanson de Berterretxe en Soule date
d’environ 1445, parvenue jusqu’à nous par transmission orale.
Avec les mouvements populaires à travers le monde dans les
années 1960, l’apparition de la musique rock et la diffusion de la
musique folk, la chanson au Pays basque connaît un grand
renouveau. De jeunes auteurs-compositeurs se mettent à chanter
en basque avec des contenus revendicatifs. Ils ont une grande
influence sur la jeunesse. C’est le cas par exemple de Mikel
Laboa. Puis ce sera le rock radical basque et la world music que
nous vous présentons également. En une quarantaine d’années,
la chanson basque a participé largement au bouleversement de la
société traditionnelle et à l’émancipation du franquisme. Elle a
aussi aidé le mouvement de réappropriation de la langue basque.
Le bertsolarisme ou l’art
d’improviser
Mais commençons par un art très particulier qui rencontre un
très grand succès au Pays basque. C’est le bertsolarisme ou
l’improvisation versifiée chantée (bertsolaritza). De quoi s’agit-
il ? Le ou la, il y a de plus en plus de femmes, bertsulari ou
bertsolari doit improviser des vers (bertsu/bertso) sur un air
qu’il/elle choisit mais avec un thème et des longueurs de vers
imposés, en rime, sans répétition. Il doit improviser et chanter
des strophes de quatre vers mais de longueur variable : zortziko
handia (le grand de huit) est un vers de 18 syllabes, avec deux
coupures ; zortziko txikia (le petit de huit) est un vers de 13
syllabes, avec une coupure. Passons, vous devinez la difficulté.
Attention, le bertsolari n’a pas de papier pour écrire, ni de temps
pour préparer le texte qu’il va dire. Non ! Il l’improvise dans
l’instant, au maximum au bout de quelques secondes. Dans les
championnats de bertsolaris attendre un peu trop est considéré
comme une faute. Et le public écoute. La communion de
sentiments entre le bertsolari et l’auditeur est très directe. La
pression est très forte sur l’improvisateur puisqu’il doit réussir à
inventer dans l’instant des textes de qualité, qui correspondent
bien au thème imposé et qui montrent sa finesse d’esprit, son
humour, son sens de la repartie quand il répond à un autre
improvisateur. Au cours des championnats, on improvise soit
seul, soit avec un partenaire.
Voici comment le bertsolari Xabier Amuriza définit le
bertsolarisme :

Neurriz eta errimaz En vers et en rime


kantatzea hitza chanter le mot
horra hor zer kirol mota voilà là quel type de sport
den bertsolaritza. est le bertsolarisme.
Des stades combles
Deux faits importants sont en train de se dérouler actuellement.
Les bertsolaris sont de plus en plus jeunes et l’art de
l’improvisation, de rural et traditionnel qu’il était, devient un
phénomène urbain et moderne. Des écoles de bertsu se sont
créées un peu partout ces dix dernières années ; les jeunes y
apprennent les techniques de l’improvisation. Le phénomène
s’étend, même en Pays basque nord où il était moins développé.
Autrefois on devenait improvisateur « naturellement ». En
montant sur une table lors d’une fin de repas et en improvisant
ses premiers vers en l’honneur de la mariée ou de la personne
qui vous avait invité ; en provoquant, oralement bien sûr, un
bertsolari déjà connu lors d’une fête de village, dans une
taverne, etc.
Le deuxième point, c’est l’énorme succès populaire que
rencontrent les grands championnats. Celui qui attribue le titre
de champion, txapeldun, pour l’ensemble du Pays basque a lieu
tous les quatre ans, comme les Jeux olympiques. C’est
Bertsolari Txapelketa Nagusia. On peut d’ailleurs considérer le
bertsolarisme comme un véritable sport cérébral qui demande
aussi des qualités physiques. Les finales durent toute une
journée et l’esprit doit être en permanence en éveil, puisque
chaque bertsolari est sollicité alternativement en duo ou en solo !

L’improvisation chantée dans le monde


Cet art de l’improvisation orale n’est pas propre aux seuls Basques, même s’il n’est pas
très répandu dans le monde. En Europe, on le trouve ou le trouvait en Albanie, au pays
de Galles, en Corse, aux îles Canaries, en Géorgie, en Russie, etc. Ailleurs, en
Afghanistan, à Madagascar, à Cuba, au Brésil ou en Argentine. En tout cas, il n’y a
qu’au Pays basque que l’improvisation peut rassembler ainsi des milliers de
spectateurs, les bertsozale, les amateurs de bertsos.

Nous sommes le 13 décembre 2009 dans l’immense salle


d’exposition de Baracaldo, le Bilbao Exhibition Center, dans la
banlieue de Bilbao. Près de 15 000 personnes vont rester
attentives de 11 heures du matin à la fin de l’après-midi pour
assister à un double événement. La salle bondée est électrique.
Chaque passage est suivi d’applaudissements frénétiques, de
olas (« vague » en espagnol, on dit olatu ou uhain en basque). Et
voilà que Andoni Egaña de Zarautz (Guipúzcoa), champion en
titre, le seul à avoir réussi à l’être quatre fois de suite, est battu
par une femme ! Parmi les huit finalistes, c’est en effet Maialen
Lujanbio, 33 ans, d’Hernani tout près de Saint-Sébastien, qui
l’emporte avec 1630,75 points. C’est la première femme à le
faire. Elle gagne devant le bertsolari d’Hendaye, Amets Arzallus
qui n’a que 25 ans. Andoni Egaña est quatrième.
La langue basque et les bertsolaris n’étaient pas du goût de tout
le monde autrefois. Voici une juridiction du milieu du XIXe siècle
qui s’adresse aux bertsolaris, même si elle ne les cite pas
directement. « La loi espagnole interdit à toute personne de
prononcer des mots obscènes ou de chanter des chansons
grivoises, ni la nuit, ni le jour, que ce soit dans la rue, sur la
place publique ou en chemin, sous peine de recevoir cent coups
de fouet et de devoir quitter le village pendant un an. »
Bref, si vous vous trouvez au Pays basque au moment d’une de
ces compétitions, allez-y. Ah ! Nous allions oublier de le
préciser. Comprendre la langue basque est indispensable car ici
pas de livret en français pour suivre comme lors des spectacles
de pastorale, c’est de l’improvisation !

Le chant, un second langage


C’est vers la fin du XIXe siècle que des chants populaires sont
harmonisés par des compositeurs basques tels que Jesus Guridi
ou José María Usandizaga. Ce seront les débuts du chant choral.
On a maintenant des chœurs d’hommes mais aussi des chœurs
mixtes. Le festival de chant choral de Tolosa en Guipúzcoa est
particulièrement renommé dans ce domaine, c’est un des plus
grands concours internationaux de chœurs.
Le Pays basque aurait d’ailleurs proportionnellement le record
européen du nombre de groupes de chant choral. Il faut dire que
la pratique collective du chant collectif dans le cadre de la messe
était très développée. Et quand on y chante, ce n’est pas à mi-
voix ! La messe se disait en basque et l’on chantait, on chante
encore en basque, avec force. Ah ! Oui. Il ne faut pas oublier
non plus les troisièmes mi-temps de rugby où, après le match,
certains joueurs ne sont pas les derniers à entonner quelques
chants basques. Les piliers basques de l’équipe de France de
rugby étaient bien connus pour cela !
En effet le chant traditionnel, a capella, seul, à deux voix ou
plus, est toujours bien vivant. Pour s’en rendre compte et avoir
une idée de ce qui se fait actuellement au Pays basque nord,
nous vous conseillons de vous rendre la veille du quinze août au
festival de la chanson de Garindein (Garindaine) en Soule :
Euskaldun Kantarien Biltzarra, le rassemblement des chanteurs
basques. Même si les chanteurs souletins y ont une place de
choix, ceux de Basse-Navarre et du Labourd y sont toujours
représentés. Ici un simple micro suffit, parfois une guitare. C’est
la voix qui est la reine, une voix féminine parfois.
Il y a aussi Haur Kantu Xapelketa, le concours de chants
basques pour enfants, organisé tous les deux ans. Des enfants
de 6 à 15 ans de toutes les provinces basques y participent. C’est
un grand découvreur de talents ; des enfants ou des jeunes qui
plus tard seront pour certains des chanteurs reconnus y font leurs
premiers pas.
Bref, le chant a une place privilégiée au Pays basque.

Faire la fête, c’est chanter


Chanter, cela donne soif. Ou plutôt c’est l’inverse, plus le repas
avance, et plus les esprits s’échauffent. Chez les Basques, pas
tous, cela se traduit par une envie de chanter. L’un commence, le
refrain est repris par un ou deux autres. Et puis c’est presque
toute la salle qui reprend, en la la la pour ceux qui ne
connaissent pas les paroles.
Nous avons dit au chapitre précédent que vous pouviez danser
les mutxikos, ces danses collectives en cercle, lors des fêtes de
Bayonne, toutes les fins d’après-midi du jeudi au dimanche.
Qu’il fallait pour cela vous rendre au Karrikaldi, place Jacques-
Portes, dans le Grand-Bayonne. Mais, le Karrikaldi c’est aussi le
chant. L’ambiance y est très chaleureuse.
Le programme est divisé en deux parties. De 16 h 30 à
19 heures, vous assistez gratuitement à des spectacles de danses
et de chants basques. Puis c’est au tour de la foule des
participants à la fête, on dit les festayres en gascon et
bestazaleak en basque, de danser et chanter. D’abord, c’est le
Dantzazpi. Tous les amateurs se mettent à danser les mutxiko, le
fandango. Puis, c’est Baionan Kantuz (Bayonne en chantant)
à 20 heures. Tout le monde reprend les chants traditionnels. Ne
vous inquiétez pas, les textes des paroles sont distribués. Ces
centaines de voix à l’unisson, rassurez-vous la vôtre sera
couverte, procurent vraiment beaucoup d’émotion. Plus tard un
bal traditionnel permet de poursuivre la fête. Karrikaldi, c’est
une oasis basque au milieu de ces immenses fêtes. Évidemment,
vous serez habillé en blanc et rouge, de pied en cap. Mais ça, le
million de personnes qui déferle sur Bayonne vous y fera penser.

Le « baso berri », le verre festif


réutilisable
Les fêtes de Bayonne, comme les autres d’ailleurs, sont
l’occasion de produire beaucoup de déchets. En particulier ces
verres jetables en plastique qui jonchent les rues. Il faut dire que
tous les bars installent sur la rue des comptoirs où l’on boit
debout, épaule contre épaule, au son de sonos plus ou moins
bruyantes et coordonnées. Les services de nettoyage municipaux
sont très efficaces, mais cela fait des tonnes de plastique perdu.
À l’initiative de quelques militants écologistes locaux regroupés
dans une association, des verres en plastique dur, lavables et
réutilisables ont été proposés progressivement à différentes
manifestations. Lorsque le client commande une première
consommation, le serveur lui propose le baso berri à un euro en
plus de sa consommation. Il peut aller ensuite consommer
ailleurs s’il le souhaite. Son baso berri sera accepté. Quand le
client quitte la fête ou la manifestation, il rend son verre
consigné et on lui donne un euro. Les verres sont régulièrement
lavés. Peu à peu le baso berri, en basque le nouveau verre, a
commencé à remplacer les verres en plastique jetables. Le baso
berri peut être personnalisé au nom de l’association, de
l’événement, avec la date, le logo ou un texte, à la demande. Le
succès a été foudroyant.
Le phénomène s’est répandu très rapidement dans les
événements festifs du Pays basque : repas associatifs, fêtes de
village, matchs de rugby, etc. Les fêtes de Bayonne ne sont que
le dernier bastion conquis par le baso berri ! Il a encore d’autres
batailles à gagner. Seule ombre au tableau pour certains, boire
dans un verre en plastique n’a pas la même saveur que dans un
verre en verre. Mais de toute façon, cela aurait été un verre
jetable en plastique qui aurait été utilisé.
Voici, à titre d’exemple, ce que portait écrit le baso berri des
fêtes de Bayonne 2011. D’un côté en grand on lit Baionako
bestak, « Les fêtes de Bayonne ». Mot à mot : Baiona Bayonne,
- ko de, besta fête, -k pluriel. De l’autre côté du gobelet, on lit
Besta ederragoa izan dadin, « Pour que la fête soit plus belle »,
de eder beau, -ago plus, izan être, dadin elle soit. En dessous est
écrit nere gain ere, « c’est aussi mon affaire », nere ma, gain
charge, responsabilité, ere aussi.

Un chant incontournable, « Hegoak »


Pour terminer, voici une chanson incontournable que vous ne
manquerez pas d’entendre lors d’une fête, d’un repas, d’une
troisième mi-temps de rugby. Courte, avec une belle mélodie,
elle a vite rencontré beaucoup de succès, même auprès de ceux
qui ne comprennent pas le basque.
Écrite par Joxean Artze, elle a été mise en musique par Mikel
Laboa dans les années 1960. Le thème de l’oiseau figure souvent
dans les chants traditionnels. Il symbolise évidemment la liberté,
c’est alors encore la dictature franquiste. Depuis, cette chanson a
acquis une portée beaucoup plus générale.

Hegoak Les ailes


Hegoak ebaki banizkion Si je lui avais coupé les ailes
Neuria izango zen Il aurait été à moi
Ez zuen aldegingo. Il ne se serait pas échappé.
Bainan horrela Mais ainsi
Ez zen gehiago xoria izango (bis) Il n’aurait plus été un oiseau
Eta nik Et moi
Xoria nuen maite. (bis) J’aimais l’oiseau.

La musique savante
Le Pays basque a vu naître des compositeurs et des interprètes
importants. Maurice Ravel est natif de Ciboure. Julián Gayarre,
le violoniste Pablo Sarasate ont eu des carrières internationales
au XIXe siècle ou la soprano Ainhoa Arteta actuellement. Luis
Mariano pour l’opérette est aussi d’origine basque.
Même s’ils ne sont pas toujours connus au plan international, il
y a aussi eu au Pays basque des compositeurs d’opéras en
basque ou bilingues. Ils s’appuient sur la musique traditionnelle
et ont connu un grand succès de la fin du XIXe siècle au milieu
du XXe. Ce sont parfois plusieurs milliers de spectateurs pour les
représentations en plein air. De même la chorégraphie utilise les
danses basques. Avec l’évolution de la société, des goûts, ce
genre musical n’a plus beaucoup de succès.
Pour terminer ce chapitre sur le chant et la musique basques,
voyons quels sont les instruments que l’on pourrait qualifier de
basques ou qui sont très utilisés au Pays basque. Vous allez être
surpris par leur diversité et leur originalité.

« Txalaparta », « txistu », « ttun


ttun » et compagnie
On compte au Pays basque plusieurs instruments de musique
typiques ; certains d’ailleurs lui sont propres. La danse
traditionnelle, nous l’avons vu au chapitre précédent, nécessite
des musiciens. Leurs instruments doivent être légers, faciles
d’utilisation et avoir un son assez puissant pour se passer de
toute sonorisation, laquelle est une technique assez récente.
On a des instruments comme la flûte à trois trous qui
remontent à la préhistoire puisqu’on en a découvert de
cette époque, ce sont le txistu et la txülüla actuellement.
D’autres qui avaient quasiment disparu ont été réhabilités
et connaissent maintenant un grand succès comme la
txalaparta, sorte de grand xylophone de deux à quatre
planches posées horizontalement que l’on frappe avec
deux bâtons.
La kirikoketa est une percussion proche de la txalaparta.
Le pandero ou tambourin basque dont on frappe la peau
tout en faisant vibrer les cymbalettes, lui, n’a jamais
risqué de disparaître. Il faut dire qu’il est utilisé dans
d’autres régions, d’autres cultures, d’autres styles de
musique jusqu’à la musique rock parfois.
L’alboka fait de deux cornes de vache et sa cousine la
gaita navarraise, instruments dans lesquels on souffle,
sont très prisés lors des fêtes, des défilés par la puissance
de leur son.
La dultzaina est une sorte de hautbois.
Le trikitixa, accordéon diatonique, est souvent
accompagné par le rythme du tambourin. Facile à
transporter, le trikitixa est lui aussi utilisé en marchant
pour entraîner un défilé de danseurs, appeler à une
festivité ou animer un passe-rue. Des joueurs de trikitixa,
des trikitilari comme Kepa Junkera ou Joseba Tapia sont
très connus, ce dernier accompagné au pandero par
Xabier Leturia.
On a aussi l’atabal, sorte de tambour que l’on peut frapper
aux deux bouts. Le danbolin est son voisin.
Le ttun ttun, lui, est un instrument allongé à cordes que
l’on frappe avec un bâton court. Il accompagne la flûte
pour faire danser les sauts basques.

Bref, les Basques ont inventé, recyclé, adapté à leur goût


plusieurs instruments à percussion et d’autres à vent.
Vous compléterez votre information au chapitre 21, « Dix objets
basques », où sont présentés l’alboka, le tambourin basque, la
txalaparta et le txistu. Et si vous voulez encore en savoir plus,
allez au Centre de documentation de musique populaire (Herri
Musikaren Txokoa) d’Oiartzun en Guipúzcoa. Il compte plus
de 1 200 instruments de musique du Pays basque et d’ailleurs.
Chapitre 11
De la pelote au surf,
un paradis pour les sportifs
Dans ce chapitre :

Le Basque bondissant

Xistera, paleta, xare, main nue, cesta punta, que de spécialités !

La force basque n’est pas un vain mot

La naissance du surf en Europe

Rugby au nord, football au sud, beaucoup de passion

Quelques grands sportifs basques

Au poker menteur : le mus

U nidéal
territoire où la mer et la montagne se côtoient est un terrain
pour pratiquer de nombreux sports. À ceci vient
s’ajouter une tradition de défi entre hommes forts, d’épreuves
issues des travaux des champs où l’on se mesure entre villages.
Enfin les sports collectifs, plus récents, ont eux aussi trouvé leur
place avec au nord le rugby et au sud le football. Mais nous
allions oublier que les Basques ont en plus créé leur propre
sport, la pelote basque…
Bref, comme nous le disons en titre, vous voilà au paradis des
sportifs.

Le Basque bondissant
Commençons notre parcours par un personnage, Jean Borotra
(1898-1994), né à Biarritz, que vous connaissez peut-être sous
son surnom de « Basque bondissant », en anglais The Bounding
Basque. Il illustre bien cette capacité des Basques à s’adapter et
à s’approprier des façons de faire, des techniques qui à l’origine
leur sont inconnues. Il faut rapprocher aussi ce surnom du fait
que les Basques aiment beaucoup la danse où les sauts ont une
grande place, voir les fameux sauts basques.
C’est à 21 ans seulement que Borotra découvre le tennis. Cinq
ans plus tard, il gagne les trois titres au Championnat de France
(simple, double messieurs et double mixte) et un mois après, à
Wimbledon, son premier titre de simple face au jeune et non
moins célèbre René Lacoste. Son ascension fulgurante est due à
de grandes qualités athlétiques, à sa pratique antérieure de la
pelote basque et à son goût de l’attaque. C’est d’ailleurs à
Wimbledon qu’il reçoit son surnom (The Bounding Basque) à
cause de son jeu de volée au filet où il est presque imbattable. Il
fera partie des mousquetaires français qui régneront sur le tennis
mondial des années 1920 à 1930. Son palmarès en grand
chelem, c’est-à-dire les quatre tournois majeurs d’Australie,
France, Angleterre et États-Unis, est le suivant : 4 simples
messieurs, 9 doubles messieurs et 5 doubles mixtes.
Sa technique de jeu à la volée, à l’époque très peu pratiquée,
serait venue du fait que lors de son second tournoi il bondit vers
le filet et renvoie un peu par hasard une balle de volée que son
adversaire ne peut ramener. Il gagnera ensuite la partie qu’il
perdait largement en marquant ses points au filet.

Chistera, paleta, xare, main nue,


cesta punta, que de spécialités !
Ceci nous amène tout naturellement à parler de la pelote basque.
Voilà un sport auquel les Basques ont donné leur nom, mieux
qu’ils ont inventé ou du moins qu’ils ont su faire évoluer pour en
faire leur sport national. Pas un village basque sans son fronton,
près de l’église et du cimetière, mais c’est aussi souvent le cas
en Béarn et dans les Landes.
Les nombreuses spécialités de pelote basque

Avec sept instruments différents plus la main nue et quatre types d’aire de
jeu, la pelote basque se décline en un (trop ?) grand nombre de
spécialités. Les pelotes elles aussi sont de plusieurs sortes.
La main nue est la plus naturelle des spécialités et certainement
la plus ancienne, puisqu’on peut y jouer n’importe où. La pelote
est frappée directement par la main, légèrement protégée car la
pelote est très dure. Celle-ci est recouverte de cuir et pèse
environ 95 gammes. On joue des deux mains. C’est la spécialité
la plus noble selon les puristes. Jouée en mur à gauche par des
professionnels au sud, les parties font l’objet de paris tout à fait
légaux en Espagne.

Une des plus spectaculaires est certainement la cesta punta.


Elle se joue avec un grand chistera ; c’est le sport de balle le
plus rapide au monde (record : 306 km/h). Elle se joue dans de
grands murs à gauche couverts, les jai alai. Donnant lieu à des
paris, avec des joueurs professionnels, on trouve ou trouvait des
jai alai en Europe, en Amérique (il y en a cinq en Floride) et
même en Asie aux Philippines.

Avec un gant plus petit, on joue au joko garbi (littéralement le jeu


propre) aussi bien en extérieur, en fronton, qu’en mur à gauche
couvert de 36 mètres. On a aussi le rebot qui se joue dehors en
deux équipes de cinq, quatre joueurs de chistera, un buteur à
main nue, face à face, avec une comptabilité de points
complexe, proche de celle du tennis.

La paleta cuir. Cette spécialité est très spectaculaire car le jeu


est très rapide. On utilise une raquette (paleta) en bois
de 600 grammes. La pelote recouverte en cuir pèse
environ 53 grammes.
La paleta gomme. La raquette en bois pèse 400 grammes, elle
permet de faire une grande variété d’effets. La pelote de gomme
est plus légère, 40 grammes.

Notons aussi le xare ou raquette argentine, sorte d’arceau de


bois courbé avec du fil tressé en forme de toile d’araignée qui
permet de renvoyer la balle rapidement. Bon ! On en oublie
volontairement…
Ah ! Une dernière spécialité est venue se rajouter à cette déjà
bien longue liste, le frontenis. Importé du Mexique où il est
considéré comme sport national, il se joue avec une raquette de
tennis renforcée dans un mur à gauche couvert de 30 mètres,
comme la paleta gomme. La pelote en gomme
d’environ 40 grammes permet de réaliser un grand nombre
d’effets.

Alors après tout cela, si vous vous y retrouvez, biba zu ! « bravo à


vous ! ».

La pelote basque est issue du jeu de paume, sport français très


populaire au XVIe siècle. Le jeu de paume consiste à envoyer une
balle entre deux adversaires ou deux équipes face à face, ou que
l’on frappe contre un mur. On pratique le jeu de paume d’abord
en extérieur, dans les parcs des châteaux ou les places publiques.
C’est la « longue paume ». Pour pouvoir jouer quel que soit le
temps, on construit ensuite les tripots, c’est la « courte paume ».
Les Basques ont repris les tripots, ce sont les trinquets et murs à
gauche couverts actuels. Notons d’ailleurs que souvent au Pays
basque un bar et un restaurant sont attenants aux trinquets. On
joue aussi en extérieur contre des frontons.
Quand la pratique du jeu de paume se perd au cours du XVIIe
siècle en France, elle persiste au Pays basque et va se décliner
peu à peu en de nombreuses spécialités qui vont venir se rajouter
successivement. Le fameux gant en osier, le chistera (xistera),
date par exemple seulement du XIXe siècle. C’est en 1857 que
Jean Dithurbide de Saint-Pée-sur-Nivelle (Senpere) fixe à sa
main le panier d’osier qui remplacera les lourds gants de cuir
utilisés jusqu’alors pour attraper et renvoyer les pelotes. Plus
léger, le chistera permet d’envoyer la pelote plus fort, plus loin
et il fatigue moins le bras. Très populaire au nord comme au sud,
la pelote basque va se répandre dans le monde avec les immigrés
basques au XIXe et au XXe siècle, principalement en Amérique du
Sud et du Nord.
Comme tous les sports, la pelote basque a ses histoires
extraordinaires. En voici une. Nous sommes en 1793 aux
Aldudes (Aldude), en Basse-Navarre près de la frontière. Perkain
est un grand champion de pelote, mais il est recherché par les
gendarmes. N’oublions pas que la contrebande est un autre sport
national chez les Basques. Les gendarmes arrivent sur le terrain
de jeu pour l’appréhender, puisqu’il a préféré jouer sa partie
plutôt que de se rendre à la convocation. Perkain a une pelote à
la main, il la lance avec force et atteint un gendarme en plein
front. La foule des spectateurs intervient, fait barrage aux
gendarmes et permet à Perkain de s’échapper.
Un dernier mot. N’hésitez pas à aller voir une partie de pelote.
Vous l’avez compris, il y en a pour tous les goûts. Que ce soit
une partie de main nue entre joueurs locaux dans un petit village
blotti dans une vallée, un soir d’été à l’ombre des platanes. Ou
au jai alai de Biarritz, de Saint-Jean-de-Luz ou de Mauléon pour
admirer les meilleurs joueurs de cesta punta, vivacité, puissance
et vista (coup d’œil) au programme.
Pour la pratique, la spécialité la plus accessible, c’est la pala.
Une raquette en bois que vous pouvez acheter même au
supermarché le plus proche, une pelote, même une balle de
tennis, et vous pouvez jouer n’importe où. Cette pratique de
loisirs est très répandue, chez les hommes de tous âges, mais
parmi les femmes également, en trinquet, en mur à gauche ou en
fronton en été.

La force basque n’est pas un vain


mot
Si l’on dit « fort comme un Turc », on parle de la « force
basque ». Les jeux de force ou sports traditionnels (herri kirolak
en basque) viennent des travaux quotidiens de la ferme qui ont
été repris plus ou moins tels quels et réglementés. Comme dans
le cas de la pelote, se lancer des défis publics auxquels on
greffait des paris d’argent constituait des moments de loisirs très
prisés.
C’est ainsi que l’on trouve les épreuves suivantes :
le lever de bottes de paille (lasto altxatzea) à la poulie (un
ballot de 45 kg),
le lancer à la fourche (une botte de 12,5 à 14 kg tout de
même),
le lever de l’enclume de 18 kg (ingude altxatzea),
les bûcherons (aizkolariak) à la hache ou les scieurs de
tronc d’arbre (arpanariak) à deux au passe-partout,
les leveurs de pierre (harri jasotzaileak),
le lever de la charrette (orga jokoa),
la course aux sacs portés sur l’épaule (zaku lasterka),
le parcours avec les pichets de lait de 41 kg
(untziketariak), etc.

Mais, il y a aussi au Pays basque sud les concours de faucheurs


(segalariak) ou les épreuves de tracter d’énormes pierres par des
bœufs (idi proba). Bref, avec les Basques toute activité physique
pourrait faire l’objet d’une épreuve et d’un défi ! Notez que les
femmes commencent à en pratiquer certaines. C’est un
mouvement général que l’on retrouve dans le chant ou d’autres
activités culturelles qui étaient réservées aux hommes.
Nous avons gardé pour la fin le soka tira, le tir à la corde, peut-
être l’épreuve reine qui permet d’étalonner la force d’un village
en mettant face à face huit hommes forts. Cette discipline est
internationalement reconnue et fait l’objet de compétitions avec
des catégories de poids. Elle a même été épreuve olympique au
début de l’ère moderne en 1896, 1900 et 1904.
Iñaki Perurena né à Leitza en Navarre en 1956 est le plus connu
des leveurs de pierre basques (harri jasotzaileak, de harri pierre
et jasotze action de lever). Un leveur de pierre va de place en
place, d’arène en arène pour se mesurer à ses concurrents et tenir
les paris les plus fous. En 2011, il déclare : « À 54 ans, je n’ai
plus la force de ma jeunesse, mais j’ai toujours des choses à dire.
Montrer ce qu’est la pratique du leveur de pierre, démontrer
qu’il n’est pas cette machine à battre des records, mais qu’il
porte en lui une part de l’âme du peuple auquel il appartient. »
Il détient plusieurs records assez incroyables, comme par
exemple le lever à deux mains d’une pierre de 315 kg, celui du
lever avec une seule main d’une pierre de 250 kg ou celui en
1999 de 1 000 levers sans interruption d’une pierre de 100 kg, en
cinq heures et quatre minutes ! Perurena est aussi l’un des
personnages favoris de la série télévisée Goenkale de la chaîne
en basque ETB1 de la télévision basque Euskal Telebista. « Tel
père, tel fils », son fils Ignacio est aussi leveur de pierre.
Alors si vous vous promenez au Pays basque nord, prenez le
temps d’assister au moins une fois à un festival de force basque.
Ceux de Saint-Étienne-de-Baïgorry et de Saint-Palais, tous deux
en Basse-Navarre, sont les plus connus.
Et où classer le concours d’irrintzina, le cri basque ? Irrintzi en
basque signifie hennissement. En tout cas, il faut du souffle car
c’est un cri tenu puissant, qui vous saisit, et se termine par des
sortes de gros éclats de rire sarcastiques. Difficile de le décrire.
Mais si vous en entendez un, vous ne l’oublierez pas. Il marque
les moments forts comme lors d’un mariage ou d’une
manifestation indépendantiste. Cri de joie, de défi, de guerre…

La naissance du surf en Europe


Voilà un autre sport qui jusqu’en 1956 était inconnu en Europe
et qui va devenir un des sports phares du Pays basque. Cette
année-là, le scénariste Peter Viertel venu tourner un film à
Biarritz remarque les fortes vagues. Il se fait envoyer une
planche de Californie. Les premiers pionniers locaux,
surnommés les Tontons surfers, l’imitent rapidement et
propagent le surf sur la côte basque. De la Gironde à la Biscaye,
l’océan Atlantique offre en effet de belles vagues propices à la
pratique du surf. Cette qualité des vagues et la douceur du climat
font de la Côte basque un paradis pour les surfeurs. Au
chapitre 13, nous vous expliquons comment une aventure de
quelques pionniers, amoureux de l’Océan, est devenue une
activité économique très importante pour la région. L’apparition
de nouveaux matériels et les nouveaux matériaux composites ont
fait se multiplier les disciplines de glisse sur l’eau : le longboard
(planche plus longue), le bodyboard (petite planche et position
allongée), le bodysurf (pas de planche mais des palmes courtes),
le knee-bord (en position à genoux), le funboard, la planche à
voile, le kitesurf… C’est un peu comme la pelote, il est facile
d’inventer une nouvelle spécialité.
Voici quelques spots de surf côté nord. Celui d’Hendaye-plage
est parfait pour les débutants. Parlementia, entre Guéthary et
Saint-Jean-de-Luz, est un spot mondialement connu mais plutôt
pour les surfers expérimentés. À Anglet (la Barre ou la Chambre
d’Amour) ou Biarritz, presque toutes les plages permettent la
pratique du surf. Attention aux baigneurs.
Par contre, nous vous déconseillons la fameuse vague Belharra
(l’herbe en basque) qui se forme quelquefois dans l’année entre
Saint-Jean-de-Luz et Hendaye, parfois pas du tout. Considérée
comme la plus grosse vague en Europe, elle déferle sur un haut-
fond rocheux au large de la corniche et peut dépasser
les 10 mètres. Les rares spécialistes s’y font tracter en jet-ski,
avant de goûter le grand frisson. Kasu ! (prononcez « ca-shou »)
Attention ! Et quel site magnifique : la montagne de la Rhune
juste derrière soi, celles des Trois-Couronnes et du Jaizquibel sur
le côté gauche, l’Océan majestueux en face… Belharra a été
surfée pour la première fois en 2002, la technique du surf tracté
ne datant que de 1998. Au chapitre 20, vous découvrirez aussi la
vague gauche très réputée de Mundaka en Biscaye.

Rugby au nord, football au sud,


beaucoup de passion
Certains grands sports collectifs ont beaucoup de succès au Pays
basque. Mais pour les présenter, nous allons devoir cette fois-ci
bien distinguer les deux côtés des Pyrénées. Au nord, c’est le
rugby ; au sud, c’est le football.
Le « rrubi », c’est sacré
Côté français, le rugby est le sport collectif le plus pratiqué.
L’expression « rugby des villages » y prend tout son sens.
Prononcez « rrubi », en roulant si possible le r et en escamotant
le g. Le rugby est apparu au Pays basque dès la fin du XIXe
siècle. Il compte de très grands joueurs que nous vous
évoquerons à la fin du chapitre et de grands clubs. L’Aviron
Bayonnais et le Biarritz Olympique, tous deux dans l’élite du
rugby français, ne sont-ils pas voisins et frères ennemis ? À eux
deux, ils cumulent huit titres de champion de France. L’Aviron,
comme on dit, l’a été trois fois (1913, 1934, 1943) et le BO
(prononcez « béo ») cinq fois (1935, 1939, 2002, 2005 et 2006).
Il a été de plus deux fois finaliste de la Coupe d’Europe (2006 et
2010).
Voici le refrain de l’« hymne » de l’Aviron Bayonnais que vous
ne manquerez pas d’entendre, repris en chœur par la foule, si
vous allez regarder les gars de l’Aviron dans leur stade Jean-
Dauger. Les peñas sont des clubs de supporters, la peña Baiona
(Bayonne en basque) est la plus connue, et les couleurs du club
sont le bleu et le blanc.
« Allez allez
Les bleus et blancs de l’Aviron Bayonnais
C’est la Peña
C’est la Peña Baiona
On est tous là
Allez les gars
Encore une fois…
Allez allez
Les bleus et blancs
De l’Aviron Bayonnais
Jouez au ras
Puis écartez
C’est l’essai
On applaudit à vos exploits
C’est gagné… »
Le Biarritz Olympique n’est pas en reste avec son stade
d’Aguiléra et son chant « Aupa ! Aupa BO ! Chantons tous le
Biarritz Olympique… ». Le BO a lancé ces dernières années
l’idée de « décentraliser » les grands matchs comme ceux de
Coupe d’Europe, côté sud, dans le stade de football d’Anoeta à
Saint-Sébastien, siège du club de la ville, la Real Sociedad. Et
c’est un succès, puisque les 32 000 places sont généralement
prises d’assaut. Ici, c’est le rugby qui ignore la frontière et
favorise le rapprochement entre les deux Pays basques.

Le football tout autant


Mais ceci nous amène à parler football. Le Pays basque sud
compte trois grands clubs en Liga, la première division de
football espagnole. La Real Sociedad de Saint-Sébastien déjà
citée, l’Athletic de Bilbao, huit fois champion d’Espagne, vingt-
quatre fois vainqueur de la Coupe d’Espagne, et l’Osasuna (la
santé en basque) de Pampelune. Notons que José Antonio
Aguirre, premier président du gouvernement basque en 1936
jusqu’en 1960, voir au chapitre 4, est un ancien joueur de
l’Athletic Bilbao. Ce club fondé en 1898 a pour spécificité de ne
prendre dans son effectif que des joueurs basques, soit nés au
Pays basque comme ce fut le cas de Bixente Lizarazu
international français né à Hendaye, soit formés dans un club
basque.
L’équipe du Pays basque de football (Euskal Herriko futbol
selekzioa) est une équipe non reconnue internationalement.
Pourtant depuis 1937, elle participe à des matchs amicaux contre
des équipes officielles. Les Basques rêvent qu’elle soit reconnue
par les instances internationales comme le sont l’Écosse ou le
pays de Galles qui ne sont pas, eux non plus, des États
souverains.
Ah ! Nous allions oublier le cyclisme, la natation, la voile, la
randonnée en montagne, l’alpinisme, le ski de fond à Iraty, etc.
Et le golf. Si vous pratiquez ce sport, sachez que côté français on
ne compte pas moins de huit parcours de 18 trous, plus trois tout
proches dans les Landes et celui frontalier de Fontarabie
(Hondarribia). Soit douze parcours praticables toute l’année
dans un rayon de 30 minutes, avec vue sur l’Océan et air iodé
garanti ou parcours champêtre au milieu de collines verdoyantes.

Quelques grands sportifs basques


Nous vous avons déjà parlé du tennisman Jean Borotra et du
leveur de pierre Iñaki Perurena. En football, on compte deux
grands footballeurs côté français : Didier Deschamps né à
Bayonne et Bixente Lizarazu d’Hendaye. Tous deux ont été
champions du monde en 1998. Côté espagnol, les internationaux
d’origine basque sont nombreux.
Le goal Luis Arconada né à Saint-Sébastien a été presque dix
ans goal de l’équipe d’Espagne. Il est devenu célèbre bien
malgré lui. En 1984 en finale de l’Euro contre la France, il arrête
un coup franc de Michel Platini. Mais il bloque mal le ballon qui
lui glisse sous le corps et rentre dans le but. Et c’est la France
qui gagne. C’est devenu un nom commun, faire une arconada !
En rugby les joueurs basques français qui ont été internationaux
sont nombreux. Il y a eu longtemps une tradition de piliers
basques. Toujours cette « force basque » : Jean-Louis Azarete,
Peio Dospital, Jean Iraçabal, Grégoire Lacombe, Pascal
Ondarts…, Jean-Michel Gonzalez comme talonneur. Le plus
spectaculaire et le plus connu est sûrement Serge Blanco, basque
par sa mère, qui a été sans discussion le meilleur arrière du
monde de son époque. Patrice Lagisquet a été un grand ailier,
Imanol Harinordoquy est un grand troisième ligne.
L’énumération pourrait continuer. Mais les joueurs basques sont
aussi connus pour leur talent lors de l’après-match, la fameuse
« troisième mi-temps ». Ils font retentir les chants basques dans
les vestiaires et plus d’un de leurs partenaires ou adversaires en
ont ainsi appris !
En cyclisme, c’est sans conteste le Navarrais Miguel Indurain
qui a le plus beau palmarès. Il est, entre autres, le premier
cycliste à avoir remporté le Tour de France cinq fois de suite,
de 1991 à 1995. Il gagne aussi deux fois le Tour d’Italie (le
Giro) et est ainsi le seul coureur à avoir réalisé le doublé Giro-
Tour deux années de suite, en 1992 et 1993.
Arnaud Massy né en 1877 à Biarritz est considéré comme le plus
grand joueur de l’histoire du golf en France. Blessé lors de la
Première Guerre mondiale, sa carrière a été interrompue.
D’autres golfeurs basques pourraient être cités comme Jean
Garaialde, meilleur joueur de golf européen en 1969 et 1970,
Sandrine Mendiburu ou José María Olazábal, né à Fontarabie,
vainqueur de deux Masters en 1994 et 1999.
Évidemment, les Basques ont donné beaucoup de très très bons
joueurs de pelote. En voici un qui mérite bien une mention, c’est
Joseph Apestéguy dit Chiquito de Cambo (1881-1950). Colosse
pour l’époque de 1,95 mètre et 90 kilos, c’est un incroyable
champion de chistera. Il jouera en Espagne, en Amérique du
Sud, devant les têtes couronnées qui veulent l’admirer comme
Édouard VII d’Angleterre ou Alphonse XIII d’Espagne. On
raconte que lors de la guerre 14-18, il se met en évidence dans
les tranchées. Utilisant son chistera ou un autre gant et sa grande
force, il parvient à projeter les grenades dans les tranchées
adverses. Les Allemands ne comprenaient pas quel surhomme
pouvait lancer les grenades aussi loin, alors qu’ils se croyaient
hors d’atteinte.

Au poker menteur : le « mus »


Terminons ce chapitre par un jeu de cartes typiquement basque,
le mus (prononcez « moush »). Nous sommes d’accord, ce n’est
pas un sport. Mais dans l’esprit des Basques, ce n’est pas loin
d’en être un. Il a ses championnats du Monde, demande
beaucoup de concentration, de l’observation, de la psychologie,
de l’audace aussi. Le jésuite Manuel Larramendi en parle dans
son Dictionnaire trilingue castillan-basque et latin de 1745.
Le mus se joue à deux contre deux avec les cartes espagnoles :
au lieu du cœur, du carreau, du pique et du trèfle, on a les
bâtons, les épées, les coupes et les pièces de monnaie. C’est un
jeu assez proche du poker où l’on mise. Les points s’appellent
tanto ou ttantto, en mouillant le t-. On peut bien évidemment
mentir pour impressionner l’adversaire. Le coup maximum est
Hor dago ! Littéralement « Là il se trouve », quelque chose
comme « Tout est là ». On met alors en jeu sur un seul coup la
manche entière, sans tenir compte du nombre de points atteints
jusque-là par chaque équipe.
Comme dans tout jeu de cartes, le but est d’avoir les meilleures
cartes. Ou, et c’est là que se révèlent les bons joueurs de mus, de
faire croire que l’on a de bonnes cartes. Un bon muslari est un
fin psychologue et un bon menteur !
Voilà, nous en restons là de ce petit voyage parmi les sports
basques ou que l’on pratique au Pays basque. Il y en a d’autres.

Nous n’avons pas parlé, par exemple, des régates de traînières


(estropadak). Celles-ci suscitent pourtant un très grand
engouement, principalement en Biscaye et Guipúzcoa mais aussi
en Cantabrie. Le Labourd, lui, ne compte que trois équipages à
Hendaye, Saint-Jean-de-Luz et Anglet. Ce bateau à rames,
trainerua, d’environ 12 mètres de long servait à la pêche côtière.
Les pêcheurs se seraient lancé des défis, au premier qui rentrait
au port. C’est devenu maintenant un véritable championnat de
régates entre provinces et ports, avec une ligue et deux divisions.
Orio Arraun Elkartea (Association de rame d’Orio) de Orio en
Guipúzcoa est celle qui a remporté le plus souvent la plus
fameuse des régates, Kontxako Bandera en basque, qui a lieu
dans la baie de Saint-Sébastien, la Concha. Elle attire plus
de 100 000 spectateurs lors des deux premiers week-ends de
septembre et existe depuis 1879.
Chapitre 12
Des peintures rupestres
à l’art contemporain
Dans ce chapitre :

Des artistes de la préhistoire

Quelques joyaux architecturaux du Moyen Âge

Que fait-on de l’art populaire ?

Avec l’industrialisation et le tourisme, le renouveau artistique

Les créateurs contemporains

D ans ce chapitre nous allons parcourir grâce à l’art, l’histoire


du Pays basque. Tranquillisez-vous, ce sera un parcours
rapide, qui ne s’adresse pas à des spécialistes. Disons que l’art,
ce serait créer pour faire quelque chose de beau, d’esthétique.
Alors les hommes qui ont peint dans les grottes au Pays basque
doivent-ils être considérés comme des artistes ? Ou a-t-on affaire
plutôt à des représentations à caractère religieux ou mystique qui
ne cherchent pas à être belles ? Laissons ce débat à d’autres, plus
compétents.

Des artistes de la préhistoire


On vous l’a dit au chapitre 1, on a découvert au Pays basque des
grottes qui contiennent des objets datant de la préhistoire. Dans
les grottes d’Isturitz en Basse-Navarre ce sont des parures en os,
en coquillages, en perles, en ivoire et des flûtes datant
de 30 000 à 10 000 ans. Dans la grotte d’Ekain en Guipúzcoa,
c’est un ensemble de chevaux peints datant
d’entre 17 000 et 10 000 ans avant notre ère. Dans celle de
Santimamiñe en Biscaye, on trouve différentes représentations
d’animaux comme des bisons, des chevaux, des cerfs, des
chèvres ou des ours bruns datant d’environ 13 000 ans.

Bref dessiner et peindre, c’est une


activité ancienne au Pays basque !
La beauté, ce n’est pas d’aujourd’hui
En août 2011, c’est une pierre polie percée datant d’environ
25 000 ans qui a été découverte sur le site archéologique
d’Irikaitz à Zestao en Biscaye. La perforation permettait de la
porter en pendentif. Il s’agit du collier le plus ancien découvert à
ce jour dans la péninsule Ibérique.

Deux joyaux architecturaux du


Moyen Âge
Avant de passer directement au XIXe siècle, évoquons
l’architecture religieuse romane et gothique qui a laissé pendant
le Moyen Âge des œuvres importantes au Pays basque.
L’architecture militaire a aussi donné de puissants châteaux et
fortifications. Nous vous en présenterons quelques-uns au
chapitre 22. Attardons-nous ici sur deux lieux, une église au
nord, en Soule, une cité médiévale au sud en Navarre.

L’Hôpital-Saint-Blaise, l’harmonie
musulmane-chrétienne
L’église romane de L’Hôpital-Saint-Blaise (Ospitalepea) près de
Mauléon-Licharre (Maule) est classée monument historique
depuis… 1888. Et inscrite au patrimoine mondial par l’Unesco
depuis 1998, dans le cadre des chemins de Saint-Jacques-de-
Compostelle. Reportez-vous au chapitre 15 où nous vous
présentons les chemins de Saint-Jacques qui confluaient par le
Pays basque avant de franchir les Pyrénées.
L’église bâtie au milieu du XIIe siècle faisait partie d’un hôpital,
établissement d’accueil pour pèlerins et autres voyageurs, et
duquel elle seule subsiste. Des travaux de restauration ont
montré que la charpente est en grande partie d’origine. L’église
est surmontée d’une coupole octogonale. Elle a des fenêtres à
grilles en pierre sculptée à motifs décoratifs, des corniches en
bois sculpté. Le toit est recouvert de bardeaux, petites lames de
bois comme on en trouve aussi dans les cabanes de bergers en
montagne. Le tout constitue un exemple architectural unique en
France où se croisent des influences musulmanes et chrétiennes.
On parle d’art hispano-mauresque. Pour la visite, un dispositif
audio-guidé en sept langues avec son et lumière vous est
proposé.

Olite, un séjour chez les rois de


Navarre
Voilà un ensemble architectural qui mérite aussi votre visite. Le
château, siège de la cour royale de Navarre au Moyen Âge,
domine le petit bourg d’Olite (Erriberri, nouveau village/ ville
en basque). Il se trouve à 42 kilomètres au sud de Pampelune
(Iruñea) et est classé monument national espagnol depuis 1925.
On se croirait dans un film. Par certains côtés, l’ensemble vous
fera penser à Carcassonne, même si ce n’est pas la même
architecture : d’épaisses murailles, des tours crénelées ; c’est un
exemple remarquable du style gothique. Le palais médiéval a
accueilli la cour des rois de Navarre jusqu’à son rattachement à
la Castille en 1512. C’était un des châteaux les plus luxueux de
son époque. Un voyageur allemand a écrit dans un document
conservé au British Museum de Londres : « Je suis sûr qu’aucun
roi n’a de palais ni de château plus beau et avec tant de pièces
dorées. »
Le bourg lui-même est particulièrement dépaysant avec ses rues
étroites, ses maisons nobles en pierre avec blasons, des avant-
toits en bois, de belles églises et des murailles romaines. Des
fêtes médiévales sont organisées chaque année en août avec
tournois, fauconniers, magiciens, troubadours, archers, etc.

Que fait-on de l’art populaire ?


Certains ont pu dire tout simplement qu’il n’y a pas d’art
basque, au moins jusqu’à la fin du XIXe siècle. Ceci pourrait être
dit de beaucoup de régions ou de pays du monde.
Cela n’a rien à voir avec une éventuelle insensibilité des
Basques au beau, à l’art, à l’esthétique. Il y a eu bien sûr un art
populaire. On vous a parlé au chapitre 6, par exemple, de l’art
funéraire et en particulier des stèles discoïdales. La danse, le
chant, l’improvisation orale, l’architecture de la maison (etxea),
le mobilier, au cours du temps les Basques ont exploré beaucoup
de domaines avec talent. En fait, un art comme la peinture était
un art urbain, un art lié au luxe, aux mécènes, à l’aristocratie.
Ceci ne correspondait pas au mode de vie rural et plutôt
démocratique des Basques.
L’art populaire basque est riche, il s’exprime particulièrement
dans les objets de la vie domestique et spirituelle. Les stèles, les
meubles, les linteaux de porte, la vaisselle, le tissu, les
instruments de musique… Il y a peu de domaines où il n’y a pas
une expression particulière, personnelle. Tout au long de ce Pays
basque pour les Nuls vous vous en rendez compte. Voir en
particulier le chapitre 21, « Dix objets basques ». Citons comme
autre exemple un meuble original, le zuzulu (prononcez
« soussoulou ») ou züzülü pour les Souletins. C’est une sorte de
coffre-banc en bois avec un haut dossier généralement muni
d’une tablette rabattable, des accoudoirs aux deux extrémités,
parfois des tiroirs en dessous. Il est plus ou moins décoré. On
pouvait y prendre son repas, installé près du feu, ou jouer aux
cartes.
Une autre caractéristique de cet art populaire, c’est l’aptitude des
Basques à emprunter, à s’approprier des techniques, des savoir-
faire pour ensuite les développer, les faire leurs. Nous l’avons vu
avec la pelote basque (chapitre 11) ou les sauts basques souletins
(chapitre 9).

Avec l’industrialisation et le
tourisme, le renouveau artistique
Faisons un bond dans le temps et nous voici au XIXe siècle. Ce
n’est pas qu’il n’y a rien qui soit digne d’intérêt depuis le Moyen
Âge, mais encore une fois il ne s’agit pas d’un traité sur l’art au
Pays basque.
Les spécialistes considèrent que la peinture basque est née
vers 1850, avec le développement du tourisme et des bains de
mer et de l’industrialisation au sud. Jusque-là, les peintres
étaient des peintres de cour, ils faisaient carrière à Paris ou à
Madrid. Mais ils ne prenaient pas en compte leur région
d’origine. Avec le XXe siècle des peintres de renom viennent sur
la Côte basque, attirés par la richesse de la vie artistique et
culturelle. C’est le cas de Marquet, Picasso ou Van Dongen. La
grande époque se situe dans les années 1930-1940. Mais voyons
ce qu’il en est des peintres basques.
Une intense créativité : peindre le Pays basque,
Euskal Herria

À partir de 1850 donc, des deux côtés de la Bidassoa (rappelons que c’est
la rivière qui sépare le Nord du Sud, la France de l’Espagne), des dizaines
d’artistes se mettent à peindre leur pays, Euskal Herria. Influencés par les
courants artistiques qui traversent l’Europe pendant près de cent ans, ils
se les approprient : classicisme, réalisme, symbolisme, impressionnisme,
pointillisme, cubisme, etc. Tous les styles auront une influence sur les
œuvres.
Certains sont fascinés par les paysages, d’autres par les gens, les
coutumes, les traditions, les travaux des champs, les marins, la pelote…
Beaucoup cherchent à rendre la réalité, quel que soit le style. C’est le
musée des Beaux-Arts de Bilbao qui en offre le meilleur panorama. Il
existe d’autres musées d’art contemporain importants au Pays basque
comme le Guggenheim, toujours à Bilbao, dont nous vous parlerons au
chapitre 22, ou le musée Artium de Vitoria. Ce dernier est le musée
basque d’art contemporain quasi officiel puisqu’il a son siège dans la
capitale administrative d’Euskadi, comme le Gouvernement autonome
basque.

Alors voici quelques noms de ces peintres des XIXe et XXe siècles
qui n’ont pas tous atteint la renommée internationale :
les frères Arrue dont l’emblématique Ramiro (1892-1971),
Aurelio Arteta (1879-1940),
Adolfo Guiard (1860-1916),
Francisco Iturrino (1864-1924),
les frères Valentin (1879-1963) et Ramón (1989-1969)
Zubiaurre,
Ignacio Zuloaga (1870-1945). Ce dernier toutefois,
Ignacio Zuloaga Zabaleta, né à Eibar (Guipúzcoa), est
considéré comme un des plus importants peintres
espagnols de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.
Formé chez les jésuites en France, puis à Madrid et à
Rome, un musée lui est consacré près de Ségovie à
Pedraza où il possédait un château.
Le peintre basque dont vous risquez le plus facilement
d’entendre parler, c’est Ramiro Arrue, né à Bilbao et mort à
Saint-Jean-de-Luz. Il est considéré comme le peintre le plus
représentatif du Pays basque et de son « âme ». Son père était
déjà collectionneur. Pour payer les études de ses fils, il met en
vente ses collections dont un Goya. Ramiro a pu ainsi dès
ses 19 ans se rendre à Paris pour étudier l’art et fréquenter
quelques-uns des plus grands artistes de l’époque. C’est à cet
âge-là qu’il expose déjà au Salon des artistes français et en 1925
il gagne la médaille d’or de l’Exposition des arts décoratifs. Le
style de Ramiro a été beaucoup imité. Simple, figuratif, presque
massif, avec des couleurs estompées, il offre des images qui sont
devenues des classiques du Pays basque, pour ne pas dire des
clichés : paysages bucoliques, travaux des champs, marins, fêtes
populaires, danseurs, joueurs de pelote… Il est aussi un des
fondateurs du Musée basque de Bayonne.

Les créateurs contemporains


Un moment essentiel du renouveau de l’art basque contemporain
est celui de la création du mouvement Gaur « Aujourd’hui »
dans les années 1960 en Guipúzcoa. Fondé par huit artistes
basques dont les sculpteurs Eduardo Chillida, Jorge Oteiza et
Nestor Basterretxea, le peintre et cinéaste Jose Antonio Sistiaga,
ce mouvement d’avant-garde s’engage entièrement dans l’art
abstrait. Il se propose de créer un dialogue entre la culture
ancestrale basque et la sensibilité humaniste universelle.
Voici trois de ces artistes brièvement présentés, d’autres auraient
pu être cités.
Jorge Oteiza est né en 1903 à Orio (Guipúzcoa) et mort
en 2003 à Saint-Sébastien. C’est véritablement le pionnier
de la sculpture abstraite en Pays basque, mais aussi un
penseur et théoricien qui a beaucoup écrit sur l’art. Pour
lui c’est le vide créé, un vide actif, dynamique, qui
devient l’élément principal de la sculpture. Il a reçu
plusieurs prix internationaux, même s’il est peu connu du
grand public. Il n’a été redécouvert qu’à partir des
années 1980. Il faut dire que le régime franquiste ne
l’appréciait pas, il s’est exilé en Amérique du Sud pendant
treize ans, et que pour lui l’art avait un rôle éthique,
politique et social.
Eduardo Chillida Juantegui est né en 1924 et mort
en 2002 à Saint-Sébastien. Connu surtout comme
sculpteur, ses œuvres (sculptures, dessins, gravures, livres
illustrés) font partie des plus grandes collections privées
et publiques dans le monde entier. Il est à Paris en 1948.
Mais alors que son marchand, Aimé Maeght l’expose déjà
en 1950, il préfère revenir au Pays basque et travailler
seul. Toute sa vie il a dessiné ses mains, sa gauche car il
est droitier puis la droite de la main gauche. Écarter ou
serrer ses doigts, c’est à l’image de son art, inventer des
espaces, les ouvrir, les cerner plus que d’inventer des
formes. Sa sculpture la plus connue est sûrement le
« Peigne du Vent » (Peine del Viento) en bord de mer à
Saint-Sébastien. Il s’agit de trois structures en acier
installées à même les rochers et fouettées par les vagues
de l’Océan. À ne pas manquer.
Jose Antonio Sistiaga est né en 1932 à Saint-Sébastien.
S’il a commencé sa formation en copiant des œuvres
classiques, Sistiaga est bien un peintre et cinéaste d’avant-
garde reconnu au plan international. Une citation de
Sistiaga : « Ôtez vos œillères rationalistes et jouissez
sereinement de l’inconnu, qui en vaut la peine. N’ayez
pas peur, ne cherchez pas ce que vous connaissez dans
l’art mais demandez-lui plutôt de vous ouvrir de nouvelles
portes de la perception » (1990). On est loin de l’artiste à
la carrière planifiée programmant ses apparitions dans les
médias, ses expositions et ses conférences, ses
publications dans les revues et dont le talent se mesure à
la valeur marchande des œuvres.
Agustín Ibarrola Goicoechea né en 1930 à Basauri en
Biscaye est aussi un peintre et sculpteur reconnu. Peintre
engagé, il a été plusieurs fois emprisonné comme militant
communiste sous Franco, ses peintures sur arbres ont
frappé l’imagination. Son travail le plus connu est
sûrement la forêt d’Oma dans la réserve naturelle
d’Urdaibai près de Guernica (Gernika). Ibarrola y a peint
sur un grand nombre de pins des figures humaines,
animales et géométriques de couleurs vives. On y
retrouve cette harmonie entre la nature et la présence
humaine, caractéristique récurrente au Pays basque. Sur le
même principe il a réalisé à Salamanque la « Forêt
enchantée ».

Deux lieux remarquables


Voici deux musées, plus que des musées d’ailleurs, deux lieux
remarquables qui valent vraiment le déplacement. L’art et la
nature s’y rencontrent pour le plus grand bonheur du visiteur.
Chillida Leku (de leku, lieu en basque), c’est le musée
d’Eduardo Chillida. Chillida s’est rendu propriétaire
d’une vieille ferme. La ferme Zabalaga, qui date de 1594,
se trouve près de la ville d’Hernani (c’est l’Hernani de
Victor Hugo) en Guipúzcoa, à 10 kilomètres de Saint-
Sébastien. Il l’a presque vidée, tout en conservant
l’extérieur et en le restaurant. L’espace intérieur est
devenu une véritable sculpture où il présente des œuvres
de petite et moyenne dimensions et son parcours
intellectuel. À l’extérieur, dans un espace naturel
de 12 hectares planté de hêtres, de chênes et de
magnolias, sont présentées une quarantaine de sculptures
de grandes dimensions. C’est un véritable bonheur qui
rappelle un peu celui qu’on peut connaître dans les
cimetières basques en pleine nature. Chillida Leku a été
inauguré en 2000. Fermé à l’heure où nous écrivons ces
lignes, il connaît actuellement des difficultés financières.
Le musée Oteiza, musée dédié à Jorge Oteiza, se trouve
dans le petit village d’Alzuza sur une hauteur,
à 8 kilomètres de Pampelune. Il abrite sa collection
personnelle dans un bâtiment moderne remarquable. Mais
c’est là aussi qu’Oteiza a vécu une vingtaine d’années et
qu’il est enterré avec son épouse. C’est le lieu idéal pour
comprendre le parcours d’un des artistes basques les plus
remarquables.
Quatrième partie
Le Pays basque aujourd’hui
Dans cette partie…

A près avoir parcouru le Pays basque d’antan, nous voici


plongés dans le XXIesiècle. Économie, uniformisation,
transport… Venez découvrir le Pays basque d’aujourd’hui.
Chapitre 13
Une économie dynamique
mais fragile
Dans ce chapitre :

Au sud : une industrie diversifiée

Un autre type d’entreprise : les coopératives

Vers une agriculture responsable

Le poids du tourisme

L ebancaire,
Pays basque sud a une longue tradition industrielle et
alors qu’au nord, en Pays basque de France, c’est
l’agriculture, l’élevage et la pêche qui constituaient les
principales activités économiques. À partir du XIXe siècle le
tourisme est venu s’y ajouter. Il a actuellement une place très
importante.
Une réflexion se développe afin de protéger et maîtriser l’image
du Pays basque et de ses produits. Le but est, tout en faisant la
promotion des productions locales et des services, de développer
une économie responsable qui respecte toutes les richesses du
territoire. Le « marketing territorial » est en train de changer. La
dimension humaine y est intégrée, l’histoire, la langue, la culture
et l’identité, mais aussi la dimension environnementale, la nature
à préserver et à valoriser. Ils constituent la spécificité du Pays
basque.
Voilà une nouvelle approche de l’économie et c’est ce que nous
allons vous présenter dans ce chapitre.
Au sud : une industrie diversifiée
Au Moyen Âge déjà une ville comme Eibar en Guipúzcoa était
réputée pour son industrie d’armes. Mais c’est au XIXe siècle que
la révolution industrielle connaît un grand essor au Pays basque
sud, surtout en Biscaye. En effet on y trouve de nombreux
gisements miniers. Une industrie métallurgique prospère s’y
développe. Viennent s’y ajouter au début du XXe siècle celles du
papier, de la chimie, des machines-outils et de la construction
navale.
Comme il ne s’agit pas d’un cours d’histoire économique,
sautons les étapes, en particulier les graves crises de la fin du
siècle dernier qui verra le taux de chômage dépasser les 20 % et
certaines industries quasiment disparaître comme les chantiers
navals ! Bilbao est l’exemple d’une reconversion réussie grâce
entre autres au musée Guggenheim qui est venu prendre la place
des friches industrielles le long du Nervión, la rivière qui
traverse la ville.

Les pôles de compétitivité


Il s’agit de définir des points forts sur lesquels on va se focaliser en réunissant tous les
partenaires pour les faire travailler ensemble et être le plus performant possible. C’est la
mise en œuvre du principe, « l’union fait la force ». Sont associés les entreprises bien
sûr, les centres de recherche publics et privés mais aussi les pouvoirs publics qui
participent au projet. En Euskadi les principaux clusters concernent l’électroménager,
l’automobile, les machines-outils, l’environnement, l’énergie éolienne en particulier,
l’aéronautique, le papier, la construction navale, le transport logistique et l’audiovisuel.
Et les résultats sont là. Euskadi a toujours un des taux de chômage les plus bas
d’Espagne, la Navarre n’est pas en reste, et certaines marques ou groupes industriels
sont mondialement connus.

Vous ne le savez peut-être pas, mais la Communauté autonome


basque (Álava, Biscaye et Guipúzcoa qui forment l’Euskadi) fait
partie des dix régions les plus industrialisées et les plus riches
d’Europe, avec Londres, la Bavière, la Lombardie ou l’Île-de-
France par exemple. Ceci est le résultat d’une politique
gouvernementale basée sur la mise en place de pôles de
compétitivité ou clusters (grappe en anglais). Quand vous vous
promenez en Euskadi vous êtes frappé(e) par le nombre
d’usines, d’entreprises blotties dans le moindre vallon, le
moindre méandre de rivière. Le Basque est industrieux.

Inégalités et précarité
Excusez-nous, cher lecteur, mais nous allons vous donner
quelques chiffres. Cela nous paraît important pour bien
comprendre la réalité actuelle du Pays basque, car l’économie et
l’emploi c’est aussi le nerf de la guerre !
Le tableau positif que nous venons de dresser ne doit pas cacher
des inégalités en termes d’emploi et de salaires. Il y a d’un côté
des secteurs protégés par des conventions collectives, des
mutuelles et de l’autre des travailleurs au statut précaire de plus
en plus nombreux. Ce mouvement est général en Europe et dans
le monde, mais il a un fort impact au Pays basque, et au sud
encore plus où la protection sociale est moins développée. Par
contre le taux d’investissement industriel est élevé, plus qu’en
Europe. Mais il tient compte de la spéculation financière et
immobilière. Les richesses vont en se concentrant. Si le revenu
par habitant est de 33 % supérieur à la moyenne européenne, un
tiers des jeunes de 18 à 44 ans ne disposent pas au Pays basque
de ressources économiques suffisantes pour pouvoir quitter le
foyer familial. De nombreuses catégories de la population,
jeunes, femmes, immigrés, ne gagnent pas plus de 1 000 euros
par mois en moyenne.

Un autre type d’entreprise : les


coopératives
Voici une autre façon d’organiser les entreprises et la production
qui a eu un gros succès au Pays basque Sud, la coopérative. Le
groupe emblématique en est le groupe Mondragón (Mondragón
Corporacion Cooperativa, MCC) qui constitue le plus grand
groupe industriel du Pays basque et la plus grande coopérative
ouvrière du monde.
Tout est parti en 1956 de la petite ville de Mondragón en
Guipúzcoa, Arrasate en basque. Le jeune vicaire de la paroisse,
José María Arizmendiarrieta, visionnaire et les salariés associés
aux décisions et aux bénéfices vont faire progressivement du
petit atelier de fabrication de fourneaux et de réchauds à pétrole,
le septième groupe industriel d’Espagne. Il est basé sur un
fonctionnement très démocratique qui rappelle le système des
fors dont nous vous avons parlé au chapitre 1 ; chaque salarié est
en effet électeur et éligible aux organes de direction. Chaque
coopérative est dirigée par un conseil qui élit son président pour
quatre ans. Les bénéfices sont partagés entre les œuvres sociales,
10 %, un fonds de réserve pour les entreprises du groupe en
difficulté, 30 %, et les membres de la coopérative. Ces derniers
sont réinvestis dans l’entreprise, mais le salarié peut les
reprendre lorsqu’il la quitte. Ce modèle presque idéal a été
écorné au cours du temps sous l’effet des crises successives et
des aléas de la concurrence économique. L’exportation du
modèle basque dans les filiales étrangères rachetées par des
entreprises du groupe n’a pas réussi ou n’a même pas été tentée.
Les entreprises les plus connues du groupe sont celles de
l’électroménager Fagor (avec d’autres marques comme Brandt,
Edesa, Vedette, Sauter, De Dietrich), les hypermarchés Eroski, la
banque Caja Laboral ou Danobat, leader en fabrication de
machines-outils qui se situe parmi les vingt premiers fabricants
européens du secteur. L’entreprise Gamesa est leader mondial
dans la fabrication et la maintenance d’aérogénérateurs. Elle
assure la construction et l’exploitation de parcs éoliens jusqu’en
Chine ou aux États-Unis. Cerise sur le gâteau, le groupe
Mondragón a même créé en 1997 son université, l’Université de
Mondragón, qui compte plus de 5 000 étudiants.
Début 2011, le groupe de coopératives Mondragón comptait
225 entreprises, 77 usines au Pays basque et hors d’Espagne,
85 000 employés dont 33 000 au Pays basque. Il détient douze
usines en Chine, six au Brésil et trois en Inde. La recherche et
l’innovation sont des secteurs stratégiques avec 1 293
chercheurs. Comme tous les employés sont sociétaires du
groupe, les restrictions liées à la crise économique mondiale sont
plus facilement partagées, comme les diminutions de salaire.
L’écart des salaires entre le simple employé et le directeur
d’entreprise – il n’y a pas de PDG – était au début de l’aventure
de un à trois. Il est passé depuis de un à six, parfois de un à
douze dans certaines entreprises. Pourtant les salaires des
ouvriers de MCC sont supérieurs de 15 % à la moyenne du Pays
basque et celui des cadres inférieurs de 30 % à ceux du secteur
privé comparable.
Ah ces Basques ! Ils n’aiment pas faire tout comme les autres. Et
en paraphrasant Voltaire, voir le chapitre 9, nous parlerons des
Basques comme d’un petit peuple « qui danse, chante et travaille
au pied des Pyrénées ».
Enfin un mot du secteur bancaire. Les banques BBVA (Banco
Bilbao Vizcaya Argentaria), deuxième d’Espagne, et Banco
Guipúzcoano ont leur siège dans la Communauté autonome
basque, comme les trois caisses d’épargne (BBK, Kutxa, Caja
Vital). Ces dernières regroupées en 2011 constituent la
quatrième caisse d’épargne et la huitième entité financière
d’Espagne.

Vers une agriculture responsable


Quittons les territoires industrieux de Biscaye et du Guipúzcoa,
pour retrouver le Pays basque nord, notre petit Pays basque de
France. On vous l’a dit c’est l’agriculture, l’élevage et la pêche
qui constituaient les principales ressources économiques. Les
industries traditionnelles de main-d’œuvre comme la chaussure
et l’espadrille qui représentaient à l’intérieur de nombreux
emplois ont subi de plein fouet la concurrence mondiale. Si la
pêche est en difficulté, l’agriculture et surtout l’élevage restent
encore en ce début de XXIe siècle un domaine d’activité très
important. Mais avant de vous en parler, donnons un petit aperçu
de l’activité économique du Pays basque nord.
Au Pays basque, l’agriculture résiste mieux qu’ailleurs en
France. Elle représente encore 5 000 exploitations pour
environ 6 000 emplois, près de 19 % de la population active du
Pays basque intérieur. C’est la deuxième région pour le nombre
annuel d’installations. Faite de petites exploitations, 26 hectares
en moyenne, cette agriculture s’appuie sur un patrimoine naturel
et humain riche et vise une production de qualité, saine,
respectueuse de la nature. Ici encore la tradition va tout à fait
dans le sens des évolutions actuelles puisque l’avenir se trouve
justement dans une production alimentaire de qualité, après celle
industrielle, intensive et chimique des décennies passées. Un
secteur important est celui de l’élevage ovin et de la fabrication
de fromages, avec plus de 600 000 têtes pour 120 000 bovins.

L’économie du Pays basque nord en quelques lignes


Depuis les années 1990, la région connaît une certaine dynamique économique. Elle
s’appuie sur les secteurs de la construction, du commerce et des services. L’artisanat
se développe. La métallurgie, l’aéronautique et l’agroalimentaire sont les principaux
domaines industriels et des secteurs nouveaux comme la glisse – nous sommes au
pays du surf – et les nouvelles technologies sont en plein essor. Malgré tout, c’est une
économie que l’on peut qualifier de résidentielle plus que de productive. L’attraction
pour le Pays basque joue donc un grand rôle dans cette évolution. Le taux de petites
entreprises est très élevé et le taux de chômage est inférieur à celui de la France. Les
femmes sont deux fois plus concernées par les emplois aidés et les contrats à durée
déterminée. Les services représentent plus de la moitié des emplois, avec en premier
lieu le secteur de la santé et de l’action sociale. L’industrie ne représente que 18 % des
emplois, contre 36 % dans la Communauté autonome basque et 38 % en Navarre.

Euskal Herriko Laborantza Ganbara, la Chambre d’agriculture


du Pays basque, est une association créée début 2005 à
l’initiative du syndicat paysan ELB (Euskal Herriko Laborarien
Batasuna, l’Union des paysans du Pays basque) devenu
majoritaire au Pays basque. On sait qu’en France il y a une
chambre d’agriculture par département. Les autorités n’ont pas
accepté sa création, la considérant comme illégale, puisque la
Chambre d’agriculture officielle est à la préfecture, à Pau en
Béarn. Mais après de longues péripéties judiciaires, l’association
militante qui compte dix salariés a pu développer ses activités.
Voici les dix principes qui guident son action ; ils nous
paraissent particulièrement fondés dans le cadre de l’évolution
nécessaire des pratiques agricoles actuelles.
Répartir les volumes de production afin de permettre au
plus grand nombre d’accéder au métier et d’en vivre.
Être solidaire avec des paysans des autres régions
d’Europe et du monde.
Respecter la nature…
Valoriser les ressources abondantes et économiser les
ressources rares.
Rechercher la transparence dans les actes d’achat, de
production, de transformation et de vente des produits
agricoles.
Assurer la bonne qualité gustative et sanitaire des produits.
Viser le maximum d’autonomie dans le fonctionnement
des exploitations agricoles.
Rechercher les partenariats avec les autres acteurs du
monde rural.
Maintenir la diversité des populations animales élevées et
des variétés végétales cultivées.
Raisonner à long terme et toujours de manière globale.

Le poids du tourisme
Nous vous l’avons dit au chapitre 3, le tourisme en Pays basque
a connu ses grands débuts au XIXe siècle. C’est à cette époque
que démarre d’une certaine façon ce que l’on appellera plus tard
le tourisme international, avec des visiteurs prestigieux venus
goûter aux bains de mer et aux charmes de la nature basque. Un
de ses ambassadeurs a été Victor Hugo qui écrit : « Je ne sache
pas d’endroit plus charmant et plus magnifique que Biarritz »,
alors simple petit port de pêche. Et si Napoléon III et Eugénie
avaient eux aussi choisi Biarritz, comme l’aristocratie russe, la
baie de la Concha de Saint-Sébastien était le lieu de villégiature
de la reine d’Autriche Maria Cristina mais aussi plus tard du
dictateur Franco. Ce dernier y passera le mois d’août de 1940
à 1975. Le nom concha, coquille de mollusque en espagnol,
traduit parfaitement la forme remarquable de cette baie unique
au monde.

Un climat doux et tempéré


Le climat du Pays basque est très doux et tempéré. Vous ne
rencontrerez donc pas la neige ni le froid, sauf parfois en hiver
en montagne ou dans certaines régions plus continentales de la
Navarre ou de l’Álava au sud. En effet toute la côte basque est
sous l’influence du Gulf Stream, courant océanique permanent et
chaud venu de l’Atlantique nord, qui maintient des températures
très douces. À ceci s’ajoute la protection naturelle de la barrière
des Pyrénées. Et voilà un territoire avec une température
moyenne annuelle d’environ 13 oC et de très rares gelées, des
automnes et hivers doux et agréables. Le printemps est aussi
plutôt doux mais souvent pluvieux et l’été sans grosses chaleurs,
même si parfois il peut y avoir des journées très chaudes. Elles
seront suivies généralement d’un bel orage.
La pluviométrie est importante. Cela permet au Pays basque
nord et une bonne partie du Pays basque sud d’être verdoyants
tout au long de l’année. Et voilà pourquoi le maïs, arto en
basque, importé d’Amérique au début du XVIe siècle s’est si bien
acclimaté au Pays basque. De l’eau et de la chaleur, voilà ce qui
lui convient. Le vent du sud, venant d’Espagne, est appelé hegoa
(prononcez le h- « hé-go-a ») ou haize hegoa. Il est porteur d’air
chaud, parfois même très chaud. Quand c’est le vent d’ouest qui
souffle, il vient de la mer et apporte de la pluie.
Un tourisme en pleine expansion
Depuis une trentaine d’années, le tourisme connaît une
progression constante au Pays basque. L’image du territoire est
très bonne avec une nature superbe, encore plutôt bien
préservée, très variée, où mer et montagne se rencontrent pour se
confondre. S’y ajoutent une culture et une identité propres bien
vivantes. Le Pays basque sud connaît lui aussi un regain
d’activités alors que les attentats d’ETA se sont arrêtés. Un
musée comme le Guggenheim à Bilbao a eu un effet de
locomotive très important, mais bien d’autres musées, lieux
d’expositions ou sites naturels méritent que vous les découvriez.
Au chapitre 22 nous vous en présentons quelques-uns parmi les
plus remarquables.
Le secteur du tourisme génère beaucoup d’emplois, saisonniers
pour certains, bien que la saison tende à s’étaler de plus en plus
tout au long de l’année. L’Île-de-France représente la première
région d’origine des touristes du Pays basque nord avec 15 %
des visiteurs. La fréquentation totale annuelle y est
d’environ 13 millions (chiffres de 2008). Les destinations
internationales comme Biarritz ou Saint-Sébastien subissent une
concurrence de plus en plus forte. Mais les pouvoirs publics
mènent une politique active pour maintenir l’attrait de ces
stations. En 2011, Biarritz a doublé la surface du musée de la
Mer, le parcours suit celui du Gulf Stream en cinquante
aquariums, et vient d’inaugurer la Cité de l’océan et du surf.
Avec 2 000 m2 d’espace muséographique en sous-sol, ce
nouveau lieu propose une plongée au cœur des océans grâce
notamment à de nombreux dispositifs multimédia en 3D.
Un pôle de compétitivité, le cluster Goazen (qui signifie
« Allons-y » en basque) a été créé au Pays basque nord. Il
regroupe 580 entreprises de l’hôtellerie, de campings, de
résidences de tourisme et villages de vacances, du tourisme
social, de la thalassothérapie, des agences et transporteurs
touristiques. Ses objectifs sont les suivants : « Augmenter la part
de valeur ajoutée des entreprises. Faire du Pays basque une
destination de qualité. Promouvoir le tourisme en respectant les
valeurs et le territoire basques. »
C’est à Biarritz en 1956 qu’est né le surf en Europe. La côte
basco-landaise est depuis devenue le premier pôle de la glisse du
continent. De Capbreton dans le sud des Landes à Hendaye à la
frontière, elle représente près de 3 000 emplois. Les plus grandes
marques internationales de matériels et de vêtements y ont leur
siège européen. Le cluster Glisse créé en 2006 a cinq objectifs :
le soutien à la filière artisanale de fabrication et de formatage
des planches (shape), l’observation du marché de la glisse, la
recherche et le développement, la formation, les ressources
humaines et le développement durable. Il regroupe les
entreprises des sports de glisse, les centres de formation et de
recherche et les institutions qui les aident.
Et voilà comment une aventure de pionniers, passionnés
amoureux de liberté et de nature, est devenue une activité
économique importante pour la région. Le Pays basque sud n’est
pas en reste avec la vague de Mundaka en Biscaye
mondialement connue. La rivière Oka s’y jette dans la mer et
forme par l’effet des courants un banc de sable sur lequel l’eau
vient buter et former un tube remarquable.
Alors, prêt ! Que les néophytes se rassurent, les écoles de surf ne
manquent pas sur la côte basque.
Chapitre 14
De l’« etxe » à
l’uniformisation ?
Dans ce chapitre :

La maison traditionnelle

L’impact de l’évolution sociale et économique

Comment maîtriser la pression démographique et foncière ?

D ans ce chapitre nous allons aborder ensemble bien plus que


la question de l’habitat autrefois et maintenant. En effet la
maison au Pays basque, etxea (prononcez etchéa), constituait
jusqu’à il y a peu la cellule de base de toute l’organisation
sociale, économique et politique. Tout partait d’elle ; ses
habitants prenaient son nom, même l’épouse ou l’époux venus
d’une autre maison. Etxea traversait les siècles grâce à une
forme de transmission particulière. Nous parlerons également du
droit coutumier et des droits dont jouissaient les maîtres de
maison (etxeko jaunak). Ceci va nous ramener à l’anecdote en
introduction à propos du Basque anonyme qui se considérait
bien plus ancien que le noble, pourtant sûr de son hérédité et de
ses titres de noblesse.
Voici un dicton qui montre tout l’attachement que l’on a pour
son etxe : Bere etxe pobrea, erregearena baino hobea,
littéralement « Sa pauvre maison, mieux que celle du roi ».

La maison traditionnelle
Au chapitre 6, nous vous avons expliqué comment la maison et
ses terres, l’église, le cimetière, l’estive en montagne
constituaient finalement une seule entité. Cela allait plus loin.
Beaucoup de terres, bois, landes étaient collectifs, ils
appartenaient à l’ensemble des maisons qui constituaient le
village ou la paroisse. Chaque maison pouvait en jouir, par
exemple ramasser du bois de chauffage ou faire paître les
animaux, dans le respect de la coutume.

L’« etxe », un patrimoine inaliénable


et indivisible
La famille s’assimilait à la maison, c’est-à-dire à l’ensemble des
biens et droits, comme le siège à l’église, le droit de sépulture au
cimetière, la part dans la cabane de l’estive en montagne. Etxea
constituait le patrimoine familial qu’on ne pouvait pas partager
ou vendre. Pour assurer sa pérennité, à chaque génération, l’aîné,
quel que soit son sexe, héritait au moment de son mariage de la
moitié du patrimoine. Les deux couples, les parents qui
continuaient à vivre sur place et le nouveau couple de mariés,
avaient des droits égaux. On parlait de maîtres jeunes et de
maîtres vieux.
L’etxe

La maison traditionnelle labourdine était en un seul volume où vivaient la


famille élargie, généralement à l’étage, et les animaux. La façade orientée
à l’est pouvait être protégée par un large auvent avec balcon et les
principales ouvertures. Le toit était large, à deux versants. Le côté ouest
n’avait pas de fenêtre pour se protéger du vent et de la pluie venant de
l’Océan. Au rez-de-chaussée se trouvaient les animaux, les outils de la
ferme et une pièce centrale, ezkaratza. Tout en haut le fenil. Au fil des
siècles, l’etxe a évolué mais les grands principes ont été conservés. La
maison navarraise, elle, est plus massive et le recours à la pierre
beaucoup plus important. En ville, les maisons comportaient plus d’un
étage et la construction en pans de bois apparents en façade leur donne
un cachet remarquable comme à Bayonne le long de la Nive ou à Ainhoa
(Ainhoa), village labourdin classé parmi les plus beaux villages de France.
La tuile canal rose foncé, sauf en Soule où c’est l’ardoise, et les murs
soigneusement blanchis, autrefois à la chaux, donnent un charme certain
à la campagne basque toute verdoyante et rappellent les couleurs de
l’ikurriña, le drapeau.

Transmetteur et non propriétaire


Les autres enfants devaient recevoir une dot ou une situation et
tous ceux qui n’étaient pas mariés continuaient à vivre dans la
maison s’ils le souhaitaient. Les maîtres de maison devaient
aussi s’occuper des morts de la famille, des ancêtres.
Finalement, ils n’étaient pas propriétaires au sens actuel du
patrimoine ; ils n’en étaient que ceux qui le pérennisaient et le
transmettaient.
Des etché à l’infini

Prenez un annuaire téléphonique des Pyrénées-Atlantiques et vous serez


frappé par le nombre de noms qui commencent par etché-, etche-, éch-,
ech- ou etx- dans la partie basque de ce département. En fait beaucoup
de noms de famille basques proviennent du nom de la maison d’origine.
Celui-ci était lié à l’endroit où elle se trouvait. En voici une liste très
incomplète en graphie française, le même nom pouvait avoir plusieurs
graphies car la transcription des noms en français était plutôt fantaisiste :
Etchart de arte « entre », Etchave de be « en bas », Etchebarne de barne
« à l’intérieur », Etchegarray de garai « hauteur », Etchégorry de gorri
« rouge », Etchegoyen de goyen « en haut », Etchemaité de maite
« aimé », Etchemendy de mendi « montagne », Etchéto de -to « petit,
diminutif », Etchezarreta de zahar « ancien » et - eta « endroit »…
Echeverry, Etxeberri en basque, « maison neuve » est peut-être le nom le
plus répandu. En effet, certains cadets pouvaient réussir à s’installer
ailleurs, défricher sur des terres libres, construire et ensuite obtenir la
création d’une église, elizaberri « nouvelle église ». Ce fut le cas lors de
fortes poussées démographiques, en particulier au XVIIIe siècle.

Un droit coutumier ancien et original


La transmission de l’etxe s’inscrivait dans un cadre plus large,
celui d’un droit coutumier d’origine populaire façonné à partir
des besoins de la vie collective locale et des souhaits du groupe,
pour assurer la stabilité de la société. Il constituait un système
juridique original, resté à l’écart du droit romain et qui n’a été
progressivement remis en cause qu’avec le Code napoléonien
de 1804. Ce dernier en assurant le partage égalitaire lors des
héritages a commencé à entraîner des ventes de propriétés ou
des partages. Si les Fueros (Foruak) en Pays basque sud
témoignaient d’un grand respect des libertés, les Coutumes en
Pays basque nord contenaient beaucoup plus d’obligations et de
règles impératives, peut-être pour mieux se garantir du droit
individualiste romain en vigueur ailleurs en France.
« Libres et de franche condition, avec le droit de
porter leurs armes en tout temps »

La Coutume de Soule rédigée en 1520 en dialecte gascon commence


ainsi au titre premier : « Par la coutume observée et gardée de toute
antiquité, tous les natifs et habitants de la terre (de Soule) sont libres et de
franche condition, sans tâche de servitude. Personne ne peut lever
aucune troupe demeurant dans ladite terre. » Et au titre III : « Les
habitants de la Soule, du fait qu’ils sont situés à l’extrémité du Royaume,
entourés et enfermés par les Royaumes de Navarre et d’Aragon et le pays
de Béarn ont le droit de porter leurs armes en tout temps pour leur
défense et celle dudit pays. » Voilà qui faisait des Basques, ici des
Souletins, des hommes libres, mais montrait aussi peut-être le
pragmatisme du roi de France qui s’évitait ainsi l’entretien de garnisons et
de défenses coûteuses comme c’était le cas à Bayonne. Cela ne lui
interdisait pas si nécessaire d’intervenir, mais la capitale du royaume était
bien loin de nos Pyrénées basques !

Chaque maison avait un représentant dans les assemblées


communautaires, que ce soit directement dans celle du village
devenue ensuite paroissiale, ou indirectement dans celle d’une
vallée ou d’un pays. On a présenté ceci comme un modèle de
démocratie directe qui participait de l’imagerie et des clichés
enthousiastes sur le Pays basque. En fait ces assemblées avaient
surtout pour fonction de gérer le patrimoine communautaire.
Elles n’avaient pas le pouvoir législatif ou judiciaire qui
appartenait du XVIe au XVIIIe siècle aux nobles ou au roi. En Pays
basque sud les compétences des assemblées étaient plus grandes.

Je ne suis pas d’accord


Les décisions n’étaient pas toujours acceptées de tous. Une
délibération de 1876 à Ustaritz en Labourd dit ceci : « Une telle
administration ne peut recevoir d’atteinte que par des esprits
rebelles et sur ses trois cens (sic) habitants, il n’y a que Bidart et
Marithury qui osent se plaindre. » Au moins, Bidart et Marithury
avaient-ils un lieu pour exprimer de vive voix leur opposition à
une décision commune ! Ce qui de nos jours n’est peut-être pas
tout à fait le cas.
Les textes des Coutumes étaient particulièrement fouillés et
essayaient de prévoir toutes les situations. Voici deux exemples
pris dans la Coutume de Soule. Au titre 35e intitulé « Des
criminels et de leurs punitions », il est dit ceci en XXI : « Si un
garçon ou une fille de moins de quinze ans gardant le bétail le
laisse commettre des dégâts, il sera battu de verge légèrement ou
avec quelque petit bâton en manière de correction. » Au titre 26e
intitulé « Des testaments et de leur exécution », il est dit ceci en
I : « Toute personne, maître de ses droits (homme ou femme de
quinze ans révolus), peut faire un testament. »

La femme basque égale de l’homme ?


Le contenu de ce dernier titre fait que l’aîné qu’il soit femme ou
homme « héritait ». D’autres observations ont amené certains à
considérer que la femme était l’égale de l’homme au Pays
basque. On a même parlé de société matriarcale, c’est-à-dire que
l’autorité de la femme y était prépondérante. Mais d’autres,
s’appuyant sur d’autres faits, ont complètement mis en doute ce
point de vue.

L’impact de l’évolution sociale et


économique
Mais la coutume basque va subir de plein fouet les
bouleversements entraînés par la Révolution française et le Code
napoléonien. Elle réussit à se maintenir partiellement dans les
communes rurales de l’intérieur, en particulier dans le cas de la
transmission de la maison familiale et aussi pour la gestion des
terres collectives en montagne. Malgré tout elle n’est plus
maintenant qu’un vestige du système juridique qui organisait la
société basque pendant des siècles.
La propriété en dehors de la maison au sens large était
collective. Ceci pourrait aussi expliquer le succès actuel des
coopératives industrielles et aussi le nombre impressionnant
d’associations en tout genre en Pays basque. Au sud, les
institutions forales seront abolies progressivement au cours du
XIXe siècle pour renaître à nouveau au cours du XXe siècle.

La révolution urbaine et industrielle

À partir du milieu du XIXe siècle, le Pays basque va lui aussi connaître l’apparition
d’une société industrielle et urbaine, mais selon deux modes différents. Au sud, en
Biscaye, on assiste à un grand essor de l’industrie minière et de la métallurgie. Au nord,
sur la côte, voilà que le tourisme connaît son premier essor à partir de Biarritz. En fait,
c’est tout le long de la côte basque que la société traditionnelle rurale est transformée
en très peu de temps. L’électrification, l’arrivée du chemin de fer vont renforcer ce
bouleversement rapide.

C’est encore à Victor Hugo que nous allons faire appel, pour son
don d’observation et sa perspicacité. Voici ce qu’il dit de Biarritz
après son passage en 1843 : « Déjà on y vient de Madrid, bientôt
on y viendra de Paris […]. Il y a dix ans, on y venait de Bayonne
en cacolet […], maintenant on y vient en omnibus […]. Il y a dix
ans, il y avait à peine une auberge à Biarritz ; aujourd’hui, il y a
trois ou quatre hôtels. »

Faire du neuf avec du vieux


Comme on le voit, même au Pays basque, rien n’est figé, même
si parfois c’est ce qui peut nous sembler. En voici un autre
exemple plus récent. C’est celui des architectes bayonnais des
années 1920 et de l’essor du style « néo-basque » ou « basco-
landais », villa moderne inspirée de la ferme traditionnelle
labourdine. On la retrouve dans toutes les stations balnéaires de
la côte aquitaine et dans les quartiers résidentiels des villes du
Sud-Ouest.
Parmi les créateurs les plus connus de ce style, on trouve les
frères bayonnais Louis (1876-1940) et Benjamin (1885-1959)
Gomez. Le premier est architecte et le second plus décorateur
d’intérieur. C’est lui qui, alors conseiller municipal, propose en
1932 de lancer les fêtes basques qui deviendront les célèbres
fêtes de Bayonne. Ils bâtiront surtout à Bayonne, Biarritz, mais
aussi sur la côte landaise. La maison néo-basque est vaste, à
plusieurs étages avec la façade en colombage, une porte d’entrée
sous un porche, un toit à deux pans identiques. Maison de
qualité, souvent décorée avec raffinement, les clients étaient des
gens aisés.

Le XXIe siècle : une société en


mutation et de nouveaux défis
Nous voici maintenant à la fin du XXe siècle, au début du XXIe.
Le Pays basque doit faire face à de nouveaux défis. La pression
démographique surtout liée à l’arrivée de population extérieure,
le besoin de logements, la quasi-disparition du droit coutumier
ont des effets très divers. On voit maintenant de grandes fermes
être vendues et transformées en appartements. Il est vrai que les
besoins de foncier sont très importants, ceux de l’agriculture qui
veut se maintenir, ceux du logement et de l’urbanisation qui
grignotent implacablement le pourtour des villes, ceux de
l’industrie et du très important secteur tertiaire, il faut créer des
emplois, ceux des transports car une partie de la population
moins aisée est obligée d’aller se loger de plus en plus loin à
l’intérieur du Pays basque.

La poussée démographique et
l’évolution de la famille
Nous allons nous intéresser au Pays basque nord, mais la
situation générale est assez comparable au sud sur ce plan. Pour
ne pas être indigestes, nous ne vous donnerons pas trop de
chiffres.

Le Pays basque : une vue d’ensemble


En 2006, le Pays basque dans son ensemble comptait 3 015 558
habitants. Rappelez-vous que le Pays basque est constitué au sud
des trois provinces d’Álava, Biscaye et Guipúzcoa qui forment
la Communauté autonome d’Euskadi, et de la Navarre, au nord
côté français des trois petites provinces de Basse-Navarre,
Labourd et Soule. Le vieillissement de la population est
important, mais il est moins marqué au nord. Au Pays basque
nord, 31,7 % de la population a moins de 30 ans, au Pays basque
sud, ils ne sont que 24 % à avoir moins de 30 ans.
70 % de la population vit dans les agglomérations des grandes
villes : Bilbao (Bilbo), capitale industrielle et financière, Vitoria
(Gasteiz), capitale administrative pour Euskadi, Saint-Sébastien
(Donostia) la balnéaire, Pampelune (Iruñea), capitale
administrative et économique de la Navarre, et l’agglomération
Bayonne-Anglet-Biarritz (Baiona-Angelu-Miarritze) qui joue ce
rôle pour le Pays basque nord.

La côte a la cote !
On est passé en quarante ans au Pays basque nord selon l’Insee
de 218 637 habitants en 1968 à 290 891 en 2007. La population
de la côte a été multipliée par 1,3, celle de la zone intermédiaire
par 1,8 et celle de l’intérieur (Basse-Navarre et Soule) a
diminué, même si le dépeuplement s’y ralentit maintenant. Ceci
est dû principalement au solde migratoire, car il meurt à l’heure
actuelle plus de personnes qu’il n’en naît. Ces nouveaux
arrivants s’installent plutôt sur la côte ; c’est là aussi qu’il y a le
plus fort taux de personnes âgées comme dans les zones rurales
de l’intérieur. Bien sûr l’attrait de l’Océan joue un grand rôle
dans cette situation pour les personnes aisées et la recherche de
logements moins chers dans la zone intermédiaire.
À titre d’exemple, Biarritz compte 38,1 % de personnes de plus
de 60 ans, mais Tardets, petite bourgade de Soule, en compte
43,8 %.
De moins en moins d’enfants
La famille, elle aussi, a subi une forte évolution ces trente
dernières années. On est loin de la famille traditionnelle qui
comptait généralement plus de dix personnes : les jeunes maîtres
de maison, leurs enfants, les parents de l’héritier, les oncles et
tantes qui ne s’étaient pas mariés ou n’avaient pas immigré à la
recherche d’une autre vie. De plus les enfants étaient nombreux
en l’absence de contraception. Aujourd’hui plus de la moitié des
familles n’a pas d’enfant.

Comment maîtriser le foncier ?


Encore un sujet sérieux, technique, mais il nous a semblé
important de vous en parler car la question du logement et du
foncier est devenue cruciale au Pays basque. Le territoire est en
train de subir un bouleversement profond, qui paraît irréversible.
Les constructions, même si elles sont peintes en rouge et blanc,
n’ont plus grand-chose à voir avec la maison traditionnelle.

Secondaires, les résidences ?


Le nombre de logements a été multiplié par deux en quarante
ans, mais celui des résidences secondaires, lui, a été multiplié
par 3,6 ! Elles représentent maintenant 21 % des logements. En
tête bien sûr la côte avec 43 % à Saint-Jean-de-Luz (Donibane
Lohizune) ou 44 % à Guéthary (Getaria), fameux port de pêche
à la baleine autrefois. Mais le village de montagne de Larrau
(Larraine) en Soule en compte 60 %. Ici ce sont les fermes qui
sont abandonnées et revendues à des personnes qui en font des
maisons de vacances. Évidemment, voilà des maisons qui
peuvent être fermées une bonne partie de l’année et en montagne
des terres qui ne seront plus exploitées.
Et le foncier atteint des prix exorbitants sur la côte. Les paysans
eux-mêmes sont tentés de vendre car leur terre une fois devenue
constructible vaut une fortune. En quelques dizaines d’années la
situation a été bouleversée, alors que le droit coutumier avait
réussi à la conserver quasi immuable pendant des siècles !

Un début de réponse
Pour essayer de lutter contre la spéculation et la diminution
rapide de foncier disponible, les pouvoirs publics ont créé un
organisme particulier, l’EPFL Pays basque (Établissement public
foncier local). Il essaie de construire une véritable politique
foncière qui prend en compte la nécessité de foncier agricole
dans l’aménagement du territoire, qui aide les communes à
anticiper leurs besoins en zone rurale et périurbaine. Il leur
apporte une aide financière à l’acquisition, leur assure un conseil
juridique et d’assistance, intervient à leur côté dans les
opérations. Pour l’heure, ce pas en avant n’a que peu limité la
pression foncière et la spéculation.

Relever les défis de l’uniformisation


Nous concluons ce chapitre, cher lecteur, avec un sentiment
contradictoire. Certes un retour en arrière n’aurait aucun sens, le
Pays basque change, il est attractif et c’est tant mieux. Et tout le
monde ne pourra pas vivre dans une vaste etxe avec du terrain
autour et une vue imprenable sur la montagne ou l’Océan ! Mais
la frénésie de construction, la disparition rapide de territoires
ruraux autour des villes, la mort lente de certaines vallées nous
font craindre que des dégâts irrémédiables ne soient commis,
non seulement aux paysages mais aussi au mode de vie, à la
façon que les Basques avaient, ont de concevoir la vie sur leur
petit territoire. L’uniformisation guette le Pays basque, même si
ce n’est pas ce que l’on ressent au premier abord.
Comment concilier développement économique, protection d’un
environnement encore plutôt bien conservé et d’un mode de vie
particulier mais déjà largement influencé ? Saura-t-on relever les
défis ? Le chapitre précédent nous a aidés à donner une réponse
plutôt positive. Le suivant va nous faire prendre la mesure d’un
autre défi auquel doit faire face le Pays basque, l’explosion des
transports.
Chapitre 15
Une voie de passage :
l’explosion des transports
Dans ce chapitre :

De la voie romaine au chemin de Saint-Jacques

L’axe atlantique européen nord-sud

D epuis l’Antiquité, il y a trois passages principaux dans les


Pyrénées : le long de la Méditerranée par le col du Perthus,
au centre par le col du Somport et, c’est ce à quoi nous allons
nous intéresser, près de l’Atlantique par le fameux col de
Roncevaux. De nos jours, ce passage par le Pays basque se fait
beaucoup plus le long de l’Océan lui-même, par l’autoroute, la
nationale 10 ou le chemin de fer qui se côtoient.
Traverser les Pyrénées n’a jamais été facile, mais de tout temps
les hommes ont utilisé les voies passant par le Pays basque.
Finalement ces Basques, que certains présentent comme fermés
ou pire, ont vu et voient encore passer beaucoup de personnes,
de cultures, de peuples très divers. Rappelez-vous la description
qu’en fait Aimeric Picaud le moine de Parthenay au XIIe siècle, à
voir dans notre chapitre 1.
Pour des gens peu avenants, ils n’ont pas à ce point rebuté les
passagers, les visiteurs, les touristes et même les nouveaux
résidents toujours plus nombreux en ce début de XXIe siècle !
L’attractivité de la région en fait aussi son handicap.
De la voie romaine au chemin de
Saint-Jacques
En commençant par les pasteurs transhumants, puis quelques
légions romaines, les premiers missionnaires chrétiens, les
incursions des musulmans, les pèlerins en route pour Saint-
Jacques-de-Compostelle, les soldats napoléoniens en déroute ou
les aviateurs alliés abattus rejoignant l’Angleterre par exemple,
et maintenant les amoureux de nature, de bonne chère et de fêtes
populaires, les Basques auraient pu avoir le tournis. Mais ceci se
déroule sur plusieurs millénaires ! Voyons cela dans l’ordre.

Les chemins de crête, millénaires


C’est bien sûr la période la plus ancienne qui est la moins
connue puisque nous n’avons pas de documents écrits. Mais une
longue tradition de transhumance existe au Pays basque qui
perdure encore. Certes les paysans installés près des montagnes
ne pratiquent pas la transhumance toute l’année, mais les brebis
et les vaches continuent de passer une partie de l’année dans les
estives.
On a ainsi pu repérer de nombreuses pistes qui sillonnaient la
montagne dès la préhistoire. Empruntées par les pasteurs
nomades depuis des temps immémoriaux, elles suivent de
préférence les lignes de crête et en particulier la ligne de partage
des eaux. Ainsi, le col de Lepoeder en Navarre, que l’on peut
traduire par « beau col », est situé à 1 482 mètres. Il marque le
partage entre le versant sud méditerranéen avec le bassin de
l’Èbre et le versant nord atlantique avec le bassin de l’Adour.
En montagne, l’environnement a été généralement bien
conservé, même si ces trente dernières années l’ouverture de
pistes, de routes, de stations de ski et autres aménagements l’ont
profondément bouleversé à certains endroits. Malgré cela on y
repère facilement les pistes de transhumance, les vestiges
protohistoriques comme les dolmens, les cromlechs, nous vous
en avons parlé au chapitre 6, les enceintes et autres refuges. La
protohistoire, c’est la période de transition entre la préhistoire et
l’histoire que l’on connaît par les documents écrits.

Les cols comme limites. Le col de Galcetaburu


Les cols étaient évidemment de tout temps des lieux de passage privilégiés. Servant de
repère, leur sommet marquait une frontière entre deux territoires. C’est le cas du col de
Galcetaburu, le « bout de la chaussée » en basque, dans la province de Basse-
Navarre. De basse altitude, 262 mètres, il marquait la frontière entre le royaume de
Navarre au sud et le duché de Gascogne au nord. Il marque encore la limite
administrative entre les cantons de Saint-Jean-Pied-de-Port (Donibane Garazi) et de
Saint-Palais (Donapaleu).

Au tour des Romains


Les Romains étaient plus organisés. Militaires, fonctionnaires,
marchands, ils disposaient de guides, de véritables cartes
routières. L’Itinéraire d’Antonin est le seul document concernant
le territoire basque nous étant parvenu. Il indique une route
décomposée en milles qui traverse les Pyrénées navarraises et va
jusqu’à Dax (Aquae Tarbellicae en latin) vers le nord. Elle
constituait une partie de l’importante voie romaine qui reliait
Bordeaux à Astorga dans la province de León en Espagne.

La voie romaine
At tention, les voies construites par les Romains étaient des voies réservées. Reliant
Rome aux capitales des provinces, elles étaient utilisées pour le cursus publicus sorte
de poste impériale, les ordres de l’empereur et les rapports des fonctionnaires c’est
important, par les fonctionnaires et les légions qui devaient se déplacer rapidement.
Depuis l’Èbre au sud de la Navarre, la voie romaine pénètre dans la montagne et passe
par le col de Lepoeder, le point culminant. Quatre sites archéologiques ont été étudiés
le long de la voie. La découverte de pièces de monnaie ou de pointes de lance, par
exemple, aide à avoir une idée de leur époque.

Jusqu’au début du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-


Compostelle, au Xe siècle, il n’a plus été créé de routes nouvelles
en Europe occidentale. On se contentait d’utiliser le réseau
existant, c’est-à-dire les nombreux chemins de passage
immémoriaux et bien sûr les voies romaines. Finalement cette
frénésie de création de nouvelles voies de transport, routes,
autoroutes, voies ferrées, lignes maritimes ou aériennes… est
toute récente à l’échelle de l’humanité.
Les pistes millénaires pouvaient être utilisées à peu de frais car
elles étaient solides, tracées sur la roche et les crêtes. Par contre
les voies romaines qui demandaient de l’entretien ont été peu à
peu abandonnées.

Et puis les pèlerins


Le Pays basque s’est trouvé être la principale voie de passage en
direction de Saint-Jacques-de-Compostelle en Galice, sur le
camino francés « chemin français » en espagnol. Les trois
chemins allant à Saint-Jacques en provenance de Tours, du Puy
et de Vézelay se rejoignaient à Ostabat (Izura) en Basse-
Navarre. Il y avait aussi deux itinéraires le long de la côte
beaucoup moins utilisés.
Le chemin qui passe par Ostabat au nord vers Zubiri et
Pampelune au sud a été étudié par des spécialistes. Ils concluent
qu’il n’a pas été créé par les pèlerins. En fait il suit des
itinéraires bien antérieurs et en particulier la voie romaine
Bordeaux-Astorga. La chaussée n’existe plus. Les labours et le
travail acharné pendant de nombreux siècles des paysans
basques en ont effacé presque toute trace. Mais l’étude des
anciens plans cadastraux et les photographies aériennes
permettent d’en repérer des tronçons maintenant totalement
invisibles au sol.
Saint Blaise est le patron des éleveurs de bovins et d’ovins, des
cardeurs, des meuniers, des drapiers, des tailleurs de pierre, des
musiciens… Ce n’est pas tout. Il est aussi est un des saints
protecteurs des voyageurs pauvres et des pèlerins. Il a dû être
beaucoup sollicité au Pays basque. Reportez-vous au
chapitre 12 pour découvrir l’église romane du XIIe siècle de
L’Hôpital-Saint-Blaise (Ospitalepea). En forme de croix
grecque, elle est classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Comme son nom l’indique, elle faisait partie d’un parmi les
nombreux hôpitaux, églises, monastères qui accueillaient les
pèlerins et autres voyageurs tout au long de leur traversée du
Pays basque.
Au milieu du XIXe siècle, trois compagnies de diligence assurent
le trajet entre Madrid et Bayonne. La diligence doit s’arrêter
toutes les trois lieues. Une lieue, c’est 4 288 mètres. Il y a
84 lieues de Madrid à Irún à la frontière, soit 360 kilomètres
(nous vous évitons le calcul). Il fallait donc changer 28 fois
d’attelage, soit la nécessité de 224 chevaux frais. Le trajet durait
environ 56 heures !

Le chemin de Saint-Jacques, un nouvel atout


touristique

Mille ans plus tard, la rencontre de trois des principaux chemins de Saint-
Jacques à Ostabat en Basse-Navarre est devenue un nouvel atout
touristique pour le Pays basque. Certes, les pèlerins et autres marcheurs
qui effectuent le parcours sont plus disséminés que les baigneurs sur la
Grande Plage de Biarritz par une belle journée d’août. Mais ils sont de
plus en plus nombreux ceux que l’on rencontre le long des routes
marchant avec un sac à dos, avec ou sans la célèbre coquille. Les
monuments, hôpitaux ou villes qui ponctuent le parcours sont nombreux.
Ainsi Saint-Jean-Pied-de-Port, petite bastide touristique fondée au XIIe
siècle, passage obligé des pèlerins après Ostabat pour franchir la
montagne. De là, il ne reste plus que 878 kilomètres pour atteindre Saint-
Jacques-de-Compostelle…

L’axe atlantique européen nord-sud


Laissons la marche à pied à dos de mule, la diligence et la
charrette. Nous voici au début du XXIe siècle. Êtes-vous prêt,
cher lecteur, à aborder un pan de la réalité du Pays basque moins
léger ? Il nous semble important de l’évoquer.
Une position géographique
stratégique
Les déplacements, le trafic local et international, les
infrastructures sont une question essentielle au Pays basque
également, à l’heure de la crise énergétique et du changement
climatique. La population augmente rapidement, les
déplacements sont toujours plus fréquents et plus longs. Un
résident au Pays basque en 2011 a un autre rayon d’action qu’un
etxeko jauna (« maître de maison ») du XVIIIe siècle ! Comment
concilier dynamisme économique, besoins croissants en
logements, en mobilité et espaces, ressources à préserver ?
Si vous arrivez au Pays basque du nord depuis Bordeaux par la
nationale 10, vous serez frappé par l’importance du trafic routier,
des camions en particulier. Vous êtes sur le grand axe qui relie
l’Espagne, le Portugal, le Maghreb et le Nord de l’Europe : un
véritable corridor de transit où la circulation est en augmentation
permanente. Dans le même temps, le transport ferroviaire de
marchandises diminue.

Vers une saturation routière ?


La traversée de l’agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz est
devenue de plus en plus difficile ces vingt dernières années.
L’autoroute A63 qui traverse tout le Pays basque le long de la
côte lui sert aussi de rocade. En période estivale, c’est pire. En
2008, on compte en pleine saison 52 000 véhicules par jour à la
hauteur de Bayonne.
Les transports en commun sont peu développés, même si les
autorités semblent vouloir modifier la situation. Un réseau de
bus en site propre commence à être mis en place à Bayonne-
Anglet-Biarritz. Le train est peu utilisé car mal adapté aux
besoins locaux. La voiture est quasiment indispensable à une
large partie de la population dont le trajet domicile-travail se
rallonge pour cause de renchérissement du logement le long du
littoral. Bref plus d’un se demande si l’autoroute en phase
d’élargissement pour passer à deux fois trois voies ne sera pas
saturée quand les travaux seront terminés…

Informations pratiques : quelques temps de trajets par


la route
Voici quelques temps de trajets moyens depuis Bayonne (Baiona) vers les grandes
agglomérations du sud-ouest de la France et du nord de l’Espagne :
Saint-Sébastien (Donostia) : 40 min

Pau (Paue) : 1 h 10

Bilbao (Bilbo) : 1 h 30

Pampelune (Iruñea) : 1 h 30

Bordeaux (Bordale) : 1 h 30
Toulouse (Tolosa) : 1 h 30

Saragosse (Zaragoza) : 3 h 00

Le contraste avec l’intérieur du pays


Vers l’intérieur, c’est la carte postale. De jolies fermes ou
résidences disséminées dans des vallons verdoyants. On retrouve
le Pays basque champêtre et folklorique des romantiques du XIXe
siècle. Le revers de la médaille, c’est que l’emploi y est rare, en
particulier pour les jeunes, même si l’agriculture souvent de
qualité y est bien implantée. Les revenus sont plus faibles, la
population plus âgée. Souhaitons que le rééquilibrage
côte/intérieur qui alimente les rapports des décideurs depuis un
certain temps devienne réalité. La ligne de chemin de fer
Bayonne - Saint-Jean-Pied-de-Port n’est plus électrifiée. Elle
longe pourtant l’axe le plus emprunté par les automobiles,
toujours plus nombreuses, pour pénétrer vers l’intérieur.

Le Sud n’est pas en reste


Et en Pays basque sud ? La Navarre, très étendue, peu peuplée
sauf l’agglomération de Pampelune, est à part. Mais le
Guipúzcoa et la Biscaye surtout ont connu la révolution
industrielle puis postindustrielle, l’Álava dans une moindre
mesure. Pas un village d’Euskadi sans son ou ses usines. Au
fond d’une vallée qui vous semble isolée, vous découvrez un
fabricant de machines-outils et quelques immeubles autour d’un
petit bourg pittoresque aux rues pavées.
Les transports routiers ont été une priorité en Euskadi, la
population est plus dense et l’activité industrielle importante. Le
territoire très vallonné a nécessité de nombreux tunnels, ponts
suspendus et autres ouvrages d’art. On peut dire que maintenant
le réseau routier est de bonne qualité, que ce soient les grands
axes qui relient les grandes villes ou le réseau secondaire que
comme amoureux de la nature vous pourrez emprunter au gré de
vos envies.

Les alternatives et le projet de ligne à


grande vitesse
Bien sûr, l’alternative au « tout voiture » c’est de développer les
transports ferroviaires, portuaires et aéroportuaires, mais aussi
les transports « doux » comme la bicyclette ou la marche à pied.
Plusieurs dossiers suscitent des polémiques importantes avec les
associations de défense de l’environnement et la population. En
voici deux. L’un concerne le transport ferroviaire, l’autre les
ports.

Le projet de super-port à Pasajes


Le port de Bilbao est en termes de trafic parmi les plus grands
ports d’Espagne. Le port de Bayonne est 9e parmi les ports
français. Celui de Pasajes (Pasaia) près de Saint-Sébastien,
moins important, est le 16e port espagnol. Mais voilà qu’un
projet de port extérieur vise à déplacer ses activités sur les flancs
du mont Jaizkibel qui ferme au nord l’abri naturel de Pasajes en
plongeant dans l’océan. Une plate-forme en béton d’au
moins 100 hectares serait construite avec un bassin de même
superficie, des docks de 2 700 mètres de long avec des assises
à 35 mètres de profondeur dans l’océan. L’accès depuis la terre
se ferait en creusant deux tunnels sous le Jaizkibel. Toutefois,
l’étude environnementale estime que l’impact de cette
construction sur l’environnement serait très important,
irrémédiable. Sa réalisation pourrait être annulée.

Le projet de ligne à grande vitesse


La ligne à grande vitesse Paris-Tours va être prolongée jusqu’à
Bordeaux. Mais Réseau Ferré de France étudie son
prolongement jusqu’à Hendaye pour la relier au réseau
espagnol ; c’est la ligne dite Sud Europe Atlantique. Nous
n’allons pas ici vous donner les arguments détaillés, chiffrés et
contradictoires des uns et des autres dans un débat qui soulève
les passions. Un seul exemple : une manifestation anti-LGV a
réuni le 23 janvier 2010 15 000 à 20 000 opposants entre les
villes voisines d’Hendaye (Labourd) et d’Irún (Guipúzcoa).
13 000 personnes selon la police. Cette nouvelle ligne est
« inutile, ruineuse et destructrice », disent-elles, alors que la
ligne actuelle modernisée peut supporter le trafic prévu
jusqu’en 2050. Il faut dire qu’en certains points, elle passerait au
même endroit que l’autoroute, la route nationale et la ligne
actuelle de chemin de fer, avec force tunnels, ponts dans une
région très vallonnée. Là aussi l’impact sur l’environnement
serait très important.
En vous promenant en Labourd, vous risquez de rencontrer
souvent le sigle AHT suivi de ez. Ez, c’est « non » en basque et
AHT signifie Abiadura Handiko Treina « Le Train à Grande
Vitesse ». Vous trouverez souvent à côté TGV non. Bref, vous
l’avez compris, l’utilité de la création d’une nouvelle ligne à
grande vitesse est loin d’être évidente pour tous en Pays basque.
Bref, le Pays basque se trouve lui aussi confronté aux grands
problèmes actuels et à des mutations profondes et rapides. Son
patrimoine naturel de grande qualité est fragilisé et menacé par
des pressions de plus en plus grandes. Celle des transports n’est
pas la moindre. Des choix importants sont à faire si l’on veut
préserver ce capital essentiel.
Cinquième partie
Le tour du Pays basque, océan
et montagne réunis
Dans cette partie…

P rêt pour faire un tour du Pays basque avec nous ? Nous


allons le faire en quatre parties, en quatre chapitres,
auxquels nous rajouterons un dernier pour vous faire
découvrir plus précisément une douzaine de lieux
extraordinaires.
Chapitre 16
Sur les chemins de Saint-
Jacques
par Pampelune
Dans ce chapitre :

Le trait d’union entre les deux Navarre

Iruñea (Pampelune), capitale du royaume

La Tierra Estella

De Puente la Reina à Estella

D’Estella à Viana

P our connaître la partie centrale du Pays basque nous allons


suivre le principal chemin de Saint-Jacques. Il sera
l’itinéraire de notre voyage. C’est un véritable creuset de
cultures où la vie actuelle se déroule sur des scènes
préhistoriques, romaines et médiévales. Nous partirons de Saint-
Jean-Pied-de-Port en Basse-Navarre, donc côté français. Cette
bourgade est la plus importante plaque de convergence des
pèlerinages vers Saint-Jacques-de-Compostelle, depuis le IXe
siècle. C’est l’époque de la découverte du tombeau de saint
Jacques à Compostelle. Et nous terminerons à Viana, ville
médiévale à l’extrême sud de la Navarre, toute proche de
Logroño, la capitale de la Rioja.
N’hésitez pas à utiliser la carte p. 215 pour vous y retrouver. En
fait, nous partons du nord-est plein sud et légèrement vers
l’ouest. En effet, Saint-Jacques-de-Compostelle se trouve en
Galice tout à fait à l’ouest.

Le trait d’union entre les deux


Navarre
Le parcours entre Saint-Jean-Pied-de-Port (Donibane Garazi) et
Pampelune (Iruñea) fait le trait d’union entre les deux Navarre :
la Basse-Navarre et la Haute-Navarre. En chemin, vous aurez
l’occasion de connaître, en plus de ces deux cités, la collégiale
de Roncevaux et d’autres curiosités et légendes.

Donibane Garazi/Saint-Jean-Pied-de-
Port
C’est l’ancienne capitale politique et administrative du sixième
(merindad), appelée aussi « tierra de ultrapuertos » (c’est-à-dire
d’« outre-monts »), du royaume de Navarre. En effet, c’est le
seul au nord des Pyrénées. Quand la Navarre est annexée à la
couronne de Castille (1515), ce district devient la Basse-
Navarre.
La petite cité de Saint-Jean-Pied-de-Port doit son nom à sa
situation au pied du port ou col de Roncevaux (Orreaga en
basque). Elle est construite et fortifiée par Sanche VII le Fort, roi
de Navarre, au début du XIIIe siècle. C’est Santxo Azkarra que
vous avez déjà rencontré au chapitre 1. En entrant par la Porte
Saint-Jacques, classée au patrimoine mondial de l’humanité par
l’Unesco, on peut admirer les magnifiques façades et les
linteaux sculptés des maisons. Les maisons navarraises,
massives, en pierre de taille (c’est du grès rose), sont
remarquables. Visitez la Prison dite des Évêques et découvrez
l’énigme de cet édifice. Montez sur le chemin de ronde et longez
les remparts. L’église Notre-Dame-du-Bout-du-Pont mérite une
halte. Une fois traversé le pont se trouve la rue d’Espagne qui
remonte en direction de Roncevaux. Attention, en plein été,
surtout s’il ne fait pas très beau sur la côte, il y a beaucoup de
touristes à Saint-Jean-Pied-de-Port.
Prenons la route, nous ne coupons pas à travers la montagne
comme les pèlerins. Entre Arnéguy (Arnegi) et Valcarlos
(Luzaide), nous passons la frontière et montons vers le col
d’Ibañeta (1 057 m) par la N135. Très rapidement, dans la
descente, nous arrivons à la collégiale de Roncevaux.

Orreaga/Roncevaux
La défaite historique de Roland, neveu de Charlemagne (voir au
chapitre 1), et le chemin de Saint-Jacques ont fait de Roncevaux
(Orreaga) un site célèbre, point de rencontre de différentes
cultures.
Le nom Roncevaux viendrait du basque Errozabal « la plaine de
l’Erro », nom de la vallée traversée par la rivière Erro. Les
Francs en ont fait Ronzabal, Roncesvals et Roncesvaux (vallée
d’aubépines), d’où en espagnol Roncesvalles. Le nom basque
Errozabal se serait transformé d’autre part en basque en Orreaga,
prenant la signification de « lieu de genévriers ». Bref,
l’étymologie n’est pas toujours une science aisée.
Roncevaux se trouve dans un endroit plutôt accessible des
Pyrénées occidentales, pratiqué dès la préhistoire par les
chasseurs nomades (voir le chapitre précédent). Ceci peut
expliquer la quantité de restes mégalithiques dans cette zone
appelée « Urepel-Ibañeta-Orbaiceta ». Ce n’est pas par hasard
que les Romains, pour leur réseau de voies carrossables à travers
toute l’Europe, choisissent cette zone pour tracer la voie qui va
de la Gaule à la partie occidentale de la péninsule Ibérique. Ils
ne font que se servir de voies déjà existantes.
Le site d’Orreaga est donc un point de passage essentiel pour les
voyageurs et les soldats. À la fin du XIIe siècle, la collégiale jouit
de la protection du roi de Navarre, Sanche VII le Fort. La
communauté de chanoines choisit un prieur et administre ses
biens en toute liberté. La richesse et le développement de
Roncevaux sont tels qu’elle peut lever l’impôt et créer sa propre
administration. La collégiale de Roncevaux avait des biens des
deux côtés des Pyrénées, mais aussi à Londres, à Bologne en
Italie ou à Toulouse.
La chapelle de Saint-Augustin de la collégiale contient la tombe
de Sanche VII le Fort. De très grande taille, d’où son nom, les
enquêtes effectuées sur ses os estiment qu’il mesurait
2,25 mètres. Mais à dire vrai, on ne sait pas exactement où il se
trouve car ses restes ont été déplacés en 1622. Sa tombe était en
très mauvais état. Entre histoire et légende, la limite n’est pas
toujours nette !
Fermée par une grille, au pied de l’autel, un coussin rouge avec
des morceaux de chaîne. Selon la légende, ce sont les chaînes
des esclaves du roi musulman battu par les forces chrétiennes à
la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212 ou celles qui
défendaient la tente du sultan. Sanche le Fort les aurait brisées
avec son épée. Les chaînes sont devenues partie intégrante des
armoiries de la Navarre et l’émeraude au centre représente celle
que le sultan portait sur son turban.
Prenons la direction de Pampelune. La vallée d’Esteribar fait
suite à la vallée de l’Erro. À Zubiri, vous traversez le pont
romain sur la rivière Arga. Il est connu comme le pont la Rabia
(la rage), car selon la légende il a le pouvoir surnaturel de
soigner la rage. Si l’on suit l’Arga, on arrive à Pampelune
(Iruñea ou Iruña, on dit les deux).

Iruñea (Pampelune), capitale du


royaume
Comme dit au chapitre 1, le royaume basque de Pampelune est
fondé vers la moitié du IXe siècle, quand Eneko Arista à la tête
des Vascons écrase l’armée franque à Roncevaux. Il devient
ensuite le royaume de Navarre à la fin du Xe siècle.

Un peu d’histoire
Le noyau primitif de Pampelune se trouve sur une colline. Au Ier
siècle avant J.-C., le général romain Pompée lui donne du
prestige. Il la baptise Pompaelo, ce qui donnera Pampelune,
Pamplona. À côté de la vieille cité apparaît à partir de la fin du
XIe siècle un bourg d’immigrants « francs », celui de San Sernin
(San Saturnino pour les Pampelonais), voulu par Alfonso Ier le
Batailleur qui lui accorde des droits, ceux des Fueros de Jaca
(1129). Le même statut est appliqué ensuite aux négociants et
artisans du nouveau quartier de San Nicolas et en 1189 à la
vieille ville. Pour couper court aux conflits entre les diverses
communes, le roi Carlos III le Noble décide en 1423 la fusion
des trois quartiers en une seule commune.
Le pont de la Magdalena sur l’Arga date du XIIIe siècle. C’était le
point d’arrivée des pèlerins au pied des remparts. Ils traversaient
la Porte de France, la plus ancienne de la ville, pour entrer dans
la cité. C’est avec l’annexion du royaume de Navarre par la
Castille que son emplacement stratégique a fait de Pampelune un
avant-poste face à la France. Sa protection est alors renforcée.
C’est l’un des ensembles fortifiés les plus riches et les mieux
conservés d’Espagne.

La cathédrale de Santa María


Construite sur le site même de Pompaelo la ville romaine, c’est
une église gothique des XIVe et XVe siècles. C’est là que les rois
de Navarre sont couronnés, que le Parlement se réunit. Son
cloître est considéré comme l’un des plus beaux de l’art
gothique mondial. La cathédrale est dédiée à Santa María la
Real, sainte Marie la Royale. Une statue d’elle du XIIe siècle, en
bois et recouverte d’argent, servait lors du baptême et du
couronnement des rois de Navarre.

Les Sanfermines !!
Les fameuses fêtes de Pampelune, fêtes de San Fermín
(Sanferminak), ont leur origine au Moyen Âge, à la fois
événement religieux et foire commerciale. Mais c’est au XXe
siècle que les Sanfermines deviennent mondialement connues
grâce au roman The Sun Also Rises (Le soleil se lève aussi)
d’Ernest Hemingway, publié en 1926.
Des millions de personnes dans le monde entier, tous les 6 juillet
à midi pile, ont les yeux rivés sur l’horloge du XVIIIe siècle de
l’hôtel de ville de Pampelune. Ils attendent le « chupinazo », la
fusée qui ouvre les fêtes. Du 7 au 14 juillet, tous les jours, un des
moments les plus attendus est l’« encierro ». Il commence
lorsque l’horloge de l’église Saint-Sernin sonne les huit coups. Il
s’agit de conduire les taureaux de la corrida du jour dans les rues
du centre de la ville jusqu’aux arènes. Après le lancement de
deux fusées, les bêtes sortent en troupeau du corral de Santo
Domingo pour parcourir les 800 mètres qui les séparent des
arènes. Devant elles, vêtus de rouge et blanc comme tous les
participants aux fêtes, des audacieux plus ou moins jeunes
courent en évitant de se faire écraser ou plus grave encorner !
D’autres bien trop fatigués de la nuit ne les voient même pas
passer.
Puis tout au long de la journée (et de la nuit), la fête bat son
plein au rythme des fanfares (les bandas) et des peñas (groupes
de membres réunis en société pour partager des passions en
commun, le plus souvent la bonne chère). Le 14 juillet, à minuit
pile, du balcon de l’hôtel de ville le maire ou la mairesse
annonce la fin des fêtes et invite ses voisins pour le chupinazo
de l’année suivante. Le public lui répond en chantant le « Pobre
de mí » : Pobre de mí, pobre de mí, que se han acabado las
fiestas de San Fermín (« Pauvre de moi, pauvre de moi, les fêtes
de San Fermín sont terminées »). Et on se donne rendez-vous à
l’année prochaine.

La Tierra Estella
Quittons Pampelune et prenons la route en direction de Logroño.
Bien sûr, prenant le temps, nous laissons l’autoroute pour suivre
la nationale 111, le chemin des pèlerins. Une fois passé le col del
Perdón (du Pardon), on se trouve en Tierra Estella, la région
administrative (comarca) d’Estella. Les amoureux de la nature
profiteront de la rencontre de la forêt atlantique et du paysage
méditerranéen, de la montagne et de la plaine, du vert et de l’or.
Les passionnés d’art et d’architecture pourront admirer des
monuments civils ou religieux remarquables, romans ou
gothiques, des palais de la Renaissance, de grandes demeures
baroques et même quelques exemples d’architecture
contemporaine.
Avant d’atteindre le sommet du col del Perdón (du Pardon), vous
trouverez au pied de la montagne la source de Gambellacos qui a
une belle légende. À vrai dire, ce chemin de Saint-Jacques est
parsemé de légendes et autres miracles.
Un jour, le diable apparaît sous les traits d’un beau jeune homme
à un pèlerin assoiffé qui monte le col en plein été. Il lui donne à
boire s’il renie Dieu. Le pèlerin refuse. Alors le diable lui dit
qu’il suffira de renier la Vierge Marie. Cette fois encore le jeune
homme refuse. Alors Satan lui dit qu’il lui suffit de renier saint
Jacques. Mais le pèlerin refuse toujours et, pour échapper à la
tentation, il commence à prier pour obtenir de l’aide du ciel.
Aussitôt le diable disparaît dans un nuage de soufre et à sa place
apparaît la source cristalline où le pèlerin boit enfin tout son
saoul.

Puente la Reina/Gares
À Puente la Reina, en basque Gares, se rejoignent deux voies du
pèlerinage de Saint-Jacques pour n’en faire qu’une. Celle qui
vient du col Somport entre Béarn et Aragon et celle de
Roncevaux que nous suivons. C’est là que commence au sens
strict el Camino francés (le chemin français), qui est l’itinéraire
le plus fréquenté en Espagne en direction de Saint-Jacques-de-
Compostelle. Le nom de la ville vient du pont que la reine
Munia ordonna de construire sur la rivière Arga pour faciliter le
passage des pèlerins.
La ville est une bastide, une ville neuve médiévale avec un plan
rectangulaire. L’église du Crucifix de style roman tardif est
aujourd’hui un point de repos des pèlerins. Dans la Rúa Mayor
(rue principale) se dresse l’église Santiago (Jacques). La Rúa
Mayor débouche sur le magnifique pont construit au XIe siècle.
Tout en haut du pont il y avait une petite tour couverte avec une
image de la Vierge. On raconte qu’un petit oiseau, txori en
basque, allait souvent enlever les toiles d’araignées de l’image
avec ses ailes et, en mouillant son bec dans l’eau, il la nettoyait.
La population y voyait un miracle et faisait exploser des fusées
et même organisait des courses de taureaux. En 1834, pendant la
première guerre carliste (nous vous en parlons au chapitre 3), le
commandant des troupes libérales qui gardaient la ville
ridiculise publiquement les croyants, parlant d’attardés et de
superstition. La population se révolte. Et deux semaines après, le
commandant est battu et fusillé par les carlistes. Les croyants y
voient une punition divine, et la dévotion envers l’image de la
Vierge et l’oiseau ne fait que se renforcer. L’image se trouve
maintenant à la paroisse de San Pedro.

De Puente la Reina à Estella

L’église d’Eunate
Peu avant d’arriver à Puente la Reina (Gares), la petite église
romane d’Eunate (Muruzabal) mérite que l’on fasse un détour.
Datant de la fin du XIIe siècle, toute simple, elle a une forme
octogonale, pas bien symétrique. À l’intérieur de l’église, on
remarque l’influence musulmane. Elle a un très beau cloître avec
une galerie de 33 arcades à chapiteaux. Eunate est classée
monument national. Comme le montrent les tombes découvertes
dans le cloître, l’église a servi de sépulture aux pèlerins qui
mouraient en route vers Saint-Jacques-de-Compostelle.

Lizarra/ Estella
Nous continuons la route qui de Puente la Reina prend
maintenant plus nettement la direction de l’ouest. Et voici
Estella (Lizarra, l’étoile). Appelée « Estella la belle » au XVe
siècle, elle a connu son apogée aux XIIe et XIIIe siècles. Le roi de
Navarre Sancho Ramirez lui avait octroyé en 1090 une charte
qui autorisait l’installation de francs, hommes libres de tout lien
de vassalité vis-à-vis des nobles et du clergé. Il construit le
château entouré de murailles. L’architecture de la ville est très
riche avec des églises et palais romans, dont le palais des rois de
Navarre, des bâtiments de la Renaissance et de style baroque. La
communauté juive était la troisième en importance après celles
de Tudela et de Pampelune. Avec une tour imposante d’où elle
domine la ville, San Pedro de la Rua est l’église principale
d’Estella. Joyau de l’art roman en Navarre, elle conserve son
cloître du XVIIe siècle.

Deux monastères remarquables


Un peu avant Estella, à l’ouest se trouve le monastère d’Iranzu
(Irantzuko monasterioa). C’est une abbaye cistercienne
construite de la fin du XIIe siècle au XIVe siècle. Elle possède un
beau cloître gothique. Abandonné, en ruine, le monastère a été
restauré à partir de 1942.
Le monastère Santa María d’Irache (Iratxe) est lui aussi situé
près d’Estella, sur le chemin de Saint-Jacques. Les styles
médiéval, Renaissance et baroque s’y côtoient. Il compte deux
cloîtres et une grande église de la fin du XIIe. La tour date
de 1609. Le portail du XIIIe siècle est particulièrement
remarquable. Le monastère a accueilli une université de 1569
à 1824, la première de Navarre. Elle était spécialisée dans le
droit, la théologie, la philosophie et la médecine. Après avoir été
jusqu’au XXe siècle un séminaire, le monastère abrite maintenant
le musée Julio Caro Baroja, musée ethnologique de Navarre.
Julio Caro Baroja (1914-1995) est un grand ethnologue et
historien du Pays basque, membre de l’Académie royale de la
langue espagnole, de l’Académie royale d’histoire et de
l’Académie royale de la langue basque.

D’Estella à Viana

Los Arcos
Entre Estella et Viana, sur la rivière Odron, se trouve Los Arcos.
La ville n’a pas de nom en basque, nous sommes dans la partie
sud de la Navarre qui n’est plus bascophone depuis très
longtemps. Sa rue principale faisait partie du chemin de
Compostelle qui en a fait sa richesse. La ville médiévale est
composée de longues rues parallèles, enfermées à l’époque dans
les remparts de la ville. Il en subsiste aujourd’hui les portes de
l’Estanco et de Castille. L’église de Santa María de style
baroque est une des plus imposantes de Navarre. À l’intérieur de
l’église, dans le retable principal (XVIIe siècle) se trouve une
remarquable vierge gothique.

Viana
Et nous voici à Viana, la dernière commune de Navarre, à la
frontière de la Rioja et donc du royaume de Castille. La cité est
bâtie sur une butte entourée par une enceinte murée. C’est le roi
de Navarre, Sanche VII le Fort (Santxo Azkarra), toujours lui,
qui fonde en 1219 cette ville fortifiée avec quatre portes aux
quatre points cardinaux. À l’intérieur des remparts de nombreux
bâtiments civils et religieux rappellent l’importance de Viana au
long de l’histoire. L’imposante église Santa María de
l’Assomption construite sur la colline est particulièrement
remarquable. C’était aussi une forteresse avec ses gros murs et
de puissants contreforts. Devant le portail, on trouve la dalle de
César Borgia, seigneur italien, guerrier et cardinal, fils du pape
Alejandro VI, capitaine des armées navarraises, mort dans une
embuscade au siège de Viana en 1507 à l’âge de 31 ans. Il doit
sa célébrité à Nicolas Machiavel qui le cite dans Le Prince
publié en 1532. La basilique de Nuestra Señora de la Gracia
dans la Rúa Mayor (rue principale) a été à l’origine un hôpital
civil pour les pauvres et les pèlerins. C’est un des rares
bâtiments gothiques civils du XVe siècle conservés en Navarre.
L’église San Pedro est la première église construite à Viana (XIIIe
siècle). De l’ancien cimetière de l’église transformé en parc, on
a une vue magnifique sur les remparts et sur les terres de la
Rioja au sud et d’Álava à l’ouest.
À la fin du XVIe siècle, la peste arrive en Espagne depuis les
Flandres par le nord. À Viana la maladie et la mort se répandent.
Aucune prière, aucun médicament, aucune pénitence, ne
parvient à stopper l’épidémie. Les autorités civiles et religieuses
décident de faire des prières collectives publiques. On priera
chaque jour et le seul patron de la ville sera le saint ou la sainte
que l’on a prié le jour où l’épidémie s’arrêtera. On lui consacrera
aussi un autel dans l’église. Et c’est le jour de Sainte María
Magdalena, le 22 juillet, que pour la première fois personne ne
meurt à Viana. Depuis 1599 Marie Madeleine est patronne de la
ville et tous les ans les fêtes de Viana ont lieu à la Sainte-Marie-
Madeleine.
Non loin de Viana en prenant la route d’Aras vers le nord se
trouve la chambre souterraine de Longar qui date d’environ
4 500 ans. Creusée dans la roche argileuse, elle servait à enterrer
les morts. Les spécialistes parlent d’hypogée. Comme l’entrée
s’était effondrée, la chambre est arrivée intacte jusqu’à nous,
fournissant aux archéologues et aux historiens un important
matériel d’étude. À l’intérieur se trouvaient les restes
de 80 personnes, la majorité en position de flexion. On a trouvé
des outils en silex, des pointes de flèche dans le squelette de
quelques individus.
Le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle se termine en Pays
basque juste après Viana. Le Camino francés traverse ensuite la
province de la Rioja pour se diriger vers Burgos, León et enfin la
Galice. Pour notre part, après la montagne et les plaines
navarraises, nous allons maintenant suivre une autre route, un
autre chemin, celui du littoral qui va nous mener de Bayonne à
Bilbao en longeant l’Océan.
Figure 16-1 : Sur les chemins de Saint-Jacques
Chapitre 17
De Bayonne à Bilbao,
le long du golfe de
Gascogne
Dans ce chapitre :

De Bayonne à Biarritz au fil de l’eau

En empruntant le sentier du littoral de Bidart à Hendaye

De la Bidassoa aux confins du Guipúzcoa

Du village d’origine de Simón Bolívar au chêne de Guernica

Le grand Bilbao

P our continuer notre périple, nous vous invitons à emprunter


le chemin qui longe le golfe de Biscaye ou de Gascogne.
C’est le même. Au nord, en français on dit le golfe de Gascogne.
Au sud, en espagnol c’est el Golfo de Vizcaya. En basque, on dit
Bizkaiko golkoa. Les Basques nomment aussi cette partie de
l’océan Atlantique Kantauri itsasoa, la mer Cantabrique. Bien,
pour ne pas s’y perdre nous parlerons du golfe de Gascogne.
Nous partirons de Bayonne (Baiona), en longeant l’Océan, pour
traverser trois provinces : le Labourd (Lapurdi), le Guipúzcoa
(Gipuzkoa) et la Biscaye (Bizkaia). Bilbao (Bilbo), Saint-
Sébastien (Donostia) et Bayonne en sont les trois villes
principales. Une chanson connue dit :
Baionatik Bilbora,
itaso petrala !
Aspaldi esan zidaten,
besterik ez zala…
De Bayonne à Bilbao, quelle mer impertinente !
Depuis longtemps on m’avait dit,
qu’il n’y en avait pas d’autre pareille…

De Bayonne à Biarritz au fil de l’eau


Comme le nom du pont qui traverse la Bidassoa à Hendaye
l’indique, cette route fait partie des chemins pour Saint-Jacques-
de-Compostelle, celui de la côte qui longe la corniche
cantabrique. Moins utilisé mais pas moins célèbre, il est aussi
beau que son correspondant dit chemin francés (français).

Du Lapurdum de l’époque romaine à


Bayonne, ville de garnison
L’ancien nom de Bayonne est Lapurdum (nom du castrum
romain qui se tenait sur l’emplacement de la ville). Lapurdum a
donné son nom à la province du Labourd, Lapurdi en basque. Au
IVe siècle, la ville était un cantonnement militaire de la cohorte
de Novempopulanie. Le nom de Bayonne n’apparaît qu’au début
du XIIe siècle. En basque comme en gascon Bayonne s’écrit
Baiona, prononcé en basque bayona et en gascon bayouno. Sa
signification serait le composé basque bai una, le lieu de la
rivière (ibai), ou bai ona, la colline de la rivière. Ceci
correspond bien au site où l’eau est partout, entre l’Adour et la
Nive, au rythme des marées, entre mer et collines.
Bayonne est une place forte du royaume de France. Elle a de
nombreux ouvrages défensifs dont les remparts qui ceinturent la
ville, renforcés par Vauban. De nos jours, des espaces verts sont
aménagés tout au long. C’est la « promenade des remparts ». De
nombreuses espèces différentes d’arbres ont été plantées tout du
long.
François Ier a entassé dans une des tours du Château Vieux une
énorme rançon exigée par l’Espagne, par l’empereur Charles
Quint. C’est la monnaie d’échange contre le retour en France de
ses enfants après la défaite de Pavie en 1525. Pendant près d’un
demi-siècle la France est ruinée.
La baïonnette a été inventée par des couteliers forgerons locaux
au XVIe siècle. D’autres disent que c’est au milieu du XVIIe siècle.
Des habitants de Bayonne à court de poudre et de balles ajustent
leurs longs couteaux de chasse aux canons de leurs mousquets.
Ils attaquent alors avec ces lances improvisées. Et voilà
l’apparition d’une nouvelle arme qui va équiper l’infanterie de
nombreuses armées dans le monde jusqu’au début du XXe siècle.
Enfin, capitale du chocolat, c’est de Bayonne que la technique
de fabrication du chocolat va se répandre en France.

Petite promenade autour des


enceintes romaines
En partant du Château Vieux, prenez la rue Orbe jusqu’à la rue
Poissonnerie. Traversez-la et en longeant la rue Lagréou, vous
arriverez à l’escalier qui la fait communiquer avec la rue Tour-
de-Sault. Vous y trouverez deux tours romaines. Un peu plus
loin, vous trouverez la tour des Deux Sœurs et vous voilà à la
Porte d’Espagne, ancienne porte sud du castrum. Beaucoup de
têtes couronnées sont entrées dans Bayonne par là : Élisabeth de
Valois reine d’Espagne, Anne d’Autriche reine de France,
Marie-Thérèse d’Espagne, François Ier, Charles Quint, Napoléon
Ier, etc.
Bref, vous l’avez deviné, Bayonne est une place forte pour se
défendre avant tout des Espagnols. Et selon la période on les
reçoit avec les honneurs ou avec des coups de canon ! Quand on
ne se marie pas avec eux ou elles…

La cathédrale Sainte-Marie
La cathédrale gothique de Bayonne a été construite du XIIIe au
XVIe siècle au centre de la ville de l’époque, sur une hauteur.
Commencée en 1213, elle n’a vraiment été terminée qu’au XIXe
siècle avec la fin de l’édification de deux tours flèches. Certains
vitraux sont très anciens, le plus vieux a été offert par François
Ier. Son cloître date du XIIIe siècle. C’est une pure merveille, l’un
des plus grands de France. Au Moyen Âge au côté des tombes et
des chapelles funéraires, le cloître est également un lieu de vie
publique. En 1998, elle est inscrite sur la liste du patrimoine
mondial dans le cadre des chemins de Saint-Jacques-de-
Compostelle.
Bien avant les corridas, les courses de bœufs étaient l’une des
attractions de Bayonne au Moyen Âge. Les bouchers, avant d’en
tuer un, annonçaient qu’ils allaient le lâcher dans la rue. Il était
excité par des chiens. Évidemment il y avait des dégâts, des
blessés, des magasins dévastés. Un jour, un bœuf entre dans
l’église des Carmélites pendant la messe et provoque la panique.
En 1745, on décide d’interdire ces courses dans la ville même.
En 1800, c’est l’abolition définitive.
Ces courses rappellent celles des fêtes de Pampelune, las
Sanfermines, les fêtes de Saint-Firmin (voir au chapitre
précédent). Tous les matins les taureaux de la corrida du jour
sont lâchés dans les rues du centre-ville et suivent au pas de
course un parcours bien délimité pour rejoindre les arènes. C’est
l’encierro. Mais à Pampelune, pas question de les interdire, c’est
une des grandes attractions des fêtes malgré les blessés et parfois
les morts encornés sur le parcours ! Bayonne est d’ailleurs
jumelée avec Pampelune. Elle s’est inspirée de ses fêtes pour
faire des siennes les plus importantes de France. Mais ces
relations sont bien plus anciennes puisque, au Moyen Âge,
Bayonne était le port de la capitale de la Navarre.
La Croix Blanche rue de Pampelune vient du miracle de
Bayonne du 20 août 1451. Depuis qu’Aliénor d’Aquitaine s’est
mariée à Henri Plantagenet devenu roi d’Angleterre, Bayonne
est sous domination anglaise. Cela durera 300 ans. Au XVe
siècle, l’armée française ragaillardie grâce à Jeanne d’Arc se
dirige vers les Pyrénées. Alors que les soldats de Charles VII
tentent de prendre possession du château de Bayonne, une
grande croix blanche apparaît dans le ciel de la ville. Elle
s’arrête de bouger pendant environ une heure. D’après le
courrier envoyé au roi par le chef des armées, elle est donc en
forme de croix avec une couronne d’épines sur la tête puis elle
se transforme en couronne de fleurs de lys ! C’est un signe. Les
Bayonnais ouvrent les portes de la ville aux Français. De là vient
le nom du quartier Sainte-Croix qui se trouve au nord de l’Adour
sur les hauteurs de Bayonne.

Le Petit Bayonne
Voilà un quartier de Bayonne particulièrement pittoresque, le
Petit Bayonne, Baiona ttipia en basque. Le Bourg Neuf, « Borc
Nau » en gascon, est urbanisé à partir du XIIe siècle. Bayonne
s’étend alors vers les bords de la Nive, la rivière qui se jette dans
l’Adour, à l’abri de nouvelles fortifications. Le quartier vit au
rythme du port, le long des canaux et des quais. Il se peuple de
marins, de bateliers, de corsaires, de marchands, de
transporteurs, de nombreux artisans. Plus tard, les activités
portuaires se sont déplacées vers la mer le long de l’Adour.
Maintenant le Petit Bayonne est le rendez-vous de la jeunesse,
toutes les fins de semaine. D’une jeunesse qui ne boit pas que de
l’eau et du jus de fruit… Dans le quartier on trouve le Musée
basque, le musée Bonnat, le Château Neuf et l’un des plus
anciens trinquets du Pays basque. Les quais de la Nive aménagés
et bordés de très belles maisons à plusieurs étages méritent
vraiment une promenade.
Passé la place Saint-André, vous voilà au pied du Château Neuf
qui domine tout le Bayonne historique. Terminé en 1463 sur des
fortifications anglaises, c’était encore une place militaire jusqu’à
il y a peu. Aujourd’hui les bâtiments ont été réhabilités, ils
abritent un complexe universitaire. Le Petit Bayonne a des airs
de Quartier latin.

Suivons l’Adour jusqu’à son


embouchure
Laissez-vous emporter par la marée descendante sur l’Adour en
traversant Anglet (Angelu, prononcez « anguélou ») et d’un coup
apparaissent une immense digue et l’Océan. L’embouchure de
l’Adour s’étend sur les communes de Tarnos, Boucau, Anglet et
Bayonne.
Pendant deux siècles et demi, de 1310 à 1578, l’Adour change
régulièrement d’embouchure ce qui pose problème aux chantiers
navals très réputés. Enfin, l’Adour se fraie une nouvelle
embouchure plus haut, dans les Landes, à Vieux-Boucau. Il
laisse les Bayonnais sans accès à la mer. Louis de Foix,
ingénieur du Roi, va ramener l’embouchure à son tracé actuel.
Depuis, les ouvrages de protection sont régulièrement renforcés
et des digues ont été construites sur les plages pour tenter de
casser les assauts de l’Océan.
Vous pouvez suivre le chemin piétonnier qui longe les onze
plages d’Anglet sur 4,5 kilomètres. Depuis la plage de la Barre à
l’embouchure jusqu’à Biarritz, c’est une agréable balade passant
par les plages des Cavaliers, des Corsaires, des Sables d’Or et la
Chambre d’Amour… Si les vastes plages de sable d’Anglet
rappellent celles des Landes, le phare de Biarritz qui vous
accueille au bout, posé sur une falaise, vous indique qu’ici
commence vraiment la Côte basque.
Biarritz, des chasseurs de baleine à
la plage des rois
Nous vous avons déjà parlé de Biarritz aux chapitres 3 et 13 à
propos de l’apparition du tourisme, de son poids économique et
du surf. Nous serons donc plus brefs. Biarritz, c’est d’abord un
port de pêcheurs avec comme activité principale la pêche côtière
et la chasse à la baleine au large. Ce sera ensuite une ville
touristique. On vous l’a dit, c’est l’impératrice Eugénie qui, en
décidant d’en faire son lieu de villégiature après y avoir séjourné
deux mois en 1854, va en faire la station que nous connaissons.

Victor Hugo : « Biarritz ne sera plus Biarritz »

Quand Victor Hugo découvre Biarritz en 1843, il évoque déjà le risque de


la voir devenir une « ville balnéaire ». Voici ce qu’il écrit dans En voyage,
Alpes et Pyrénées : « Je ne sache pas d’endroit plus charmant et plus
magnifique que Biarritz… […] Je n’ai qu’une peur, c’est qu’il devienne à la
mode… Alors Biarritz, ce village si agreste, si rustique sera pris du
mauvais appétit de l’argent […]. Alors Biarritz ne sera plus Biarritz. Ce
sera quelque chose de décoloré et de bâtard comme Dieppe et
Ostende. » Le grand écrivain et penseur avait déjà compris ce qui allait se
passer.

En empruntant le sentier du littoral


de Bidart à Hendaye
Après Biarritz, c’est Bidart (Bidarte). Les montagnes d’un côté,
des plages de sable, des grèves et des falaises et l’Océan de
l’autre… De Bidart à Hendaye, le sentier du littoral vous offre
25 kilomètres de panoramas grandioses. La promenade est facile
avec l’Océan sous vos yeux sur la plus grande partie de
l’itinéraire. Comptez entre six à sept heures pour faire tout le
parcours. Partez plutôt dans le sens que nous vous indiquons, du
nord au sud, de Bidart vers Hendaye, et à marée basse. Vous
aurez une vue encore plus belle, vers le Guipúzcoa, sur les
montagnes du Jaizkibel et des Trois Couronnes (Aiako Harria).
Ainsi, sans croiser une voiture, vous arriverez à la plage
d’Hendaye et à la Bidassoa.

Une halte à Saint-Jean-de-Luz


Vous arrivez du nord sur la baie de Saint-Jean-de-Luz (Donibane
Lohizune). Il est très agréable de flâner sur la promenade qui
contourne la grande plage abritée de la houle par les ouvrages de
protection. Sur la place Louis XIV face à l’hôtel de ville,
rappelez-vous qu’il s’est marié là avec Marie-Thérèse l’infante
d’Espagne, vous pourrez admirer de belles demeures du XVIIe
siècle. Vous terminerez votre balade sur le port de pêche, encore
très actif. Voyez au chapitre 2 comment la ville fut la capitale de
la chasse à la baleine. La criée de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure est
devenue la criée unique du quartier maritime de Bayonne, elle
s’étend de la frontière espagnole jusqu’à Capbreton dans les
Landes. De là partaient également aux XVIIe et XVIIIe siècles les
célèbres corsaires luziens (voir au chapitre 7). Saint-Jean-de-Luz
est d’ailleurs appelée la « cité des corsaires ».
Juste en face, de l’autre côté du port, c’est Ciboure (Ziburu) qui
compte elle aussi de superbes maisons dans ses rues sinueuses.
En longeant le port, on voit une maison à fronton de style
flamand. C’est la maison d’Estebania de l’armateur Esteban
Etcheto qui la fait construire en 1630 sur le modèle des maisons
d’Amsterdam. C’est dans cette maison que Maurice Ravel est né
le 7 mars 1875. Continuez le chemin du bord de mer, vous
découvrez le gardien de la cité, le fort de Socoa (Sokoa) et la
digue de protection de la baie.

De la corniche basque à Hendaye


De Socoa continuons notre marche. Nous voici sur la corniche
basque qui mène à Hendaye par Urrugne, en surplombant la mer.
Elle constitue un vaste domaine naturel préservé sans aucune
construction. Des falaises vertigineuses découpées, des criques
profondes, des landes de bruyère, quelques champs et la
montagne de la Rhune dans votre dos. Quel privilège !
Mais voici le château d’Abbadia dressé sur les falaises, face aux
rochers des « Deux Jumeaux » à Hendaye. C’est encore un lieu
unique à découvrir ! Antoine d’Abbadie, savant hors du
commun, sera un ardent défenseur de sa langue et de sa culture
comme vous avez pu le constater au chapitre 3.
Du domaine d’Abbadia la vue est magnifique. Au pied du
château s’étend sur 3 kilomètres la plage de sable d’Hendaye,
jusqu’à l’embouchure de la Bidassoa. En traversant le port de
plaisance, on longe le chemin de la baie de Txingudi, réserve
naturelle classée. C’est un milieu naturel exceptionnel qui
accueille un grand nombre d’espèces d’oiseaux marins et offre
une vue panoramique sur les villes d’Irún et de Fontarabie
(Hondarribia), de « l’autre côté » en Guipúzcoa. À cheval sur la
frontière, les trois villes ont récemment créé une structure
administrative, le « consorcio », pour gérer leurs affaires
communes. Il faut dire qu’on a là un espace unique mêlant
océan, montagne et rivière, langues et cultures basque, française
et espagnole !
Pierre Loti a vécu à Hendaye dans la maison Bakhar-Etchea
(bakar etxea, la maison du solitaire). Il découvre Hendaye
en 1891 alors qu’il commande une canonnière qui stationne à la
base navale de la Bidassoa. Pourtant grand voyageur, il est
émerveillé par la lumière de la région. Il séjournera dans cette
maison occasionnellement de 1894 jusqu’à sa mort en 1923.
C’est de là qu’il visite le Pays basque. Ces observations lui
inspireront son fameux roman Ramuntcho (1897). Notez que
marié, il a eu quatre enfants avec sa maîtresse basquaise, Crucita
Gainza, qu’il a installée à Rochefort en Charente-Maritime sa
ville natale.
L’île aux Faisans est une petite île de 3 000 m2 au milieu de la
Bidassoa. Elle marque la frontière entre la France et l’Espagne.
C’est là qu’en 1659 le mariage de Louis XIV avec Marie-
Thérèse d’Espagne y est négocié lors d’une conférence qui dure
trois mois ! Elle se conclut par le traité des Pyrénées.
Les 5 et 6 juin 1660, Louis XIV et Philippe IV roi d’Espagne s’y
rencontrent pour la confirmation de ce traité de paix. Depuis le
traité, l’îlot est une copropriété partagée entre la France et
l’Espagne qui change tous les six mois.

De la Bidassoa aux confins du


Guipúzcoa
En traversant la Bidassoa par le pont Saint-Jacques, en référence
au chemin du littoral vers Saint-Jacques-de-Compostelle, vous
voilà à Irún.
Sur l’emplacement de la ville moderne d’Irún, durant
l’Antiquité, sous l’Empire romain, se trouvait Oiasso, la cité
portuaire des Vascons. Ce port faisait partie d’un réseau de ports
tout le long de la côte atlantique. Il se trouvait à mi-distance
entre Burdigala (Bordeaux) et Portus Victoriae Iuliobrigensium
(Santander), au centre du golfe de Gascogne. Oiasso est un port
minéralier, on extrayait l’argent dans le massif des Trois
Couronnes tout proche.
Plus vers l’Océan, toujours le long de la baie de Txingudi, c’est
Fontarabie. Joli port, protégé par des murailles, où il fait bon se
promener tranquillement et déguster quelques tapas, pintxoak en
basque, ces petits toasts souvent délicieux. Un conseil : rendez-
vous-y directement d’Hendaye en bateau. Depuis le port de
plaisance d’Hendaye, une navette part toutes les 15 minutes vers
Fontarabie et traverse en quelques minutes la baie. Voilà une
manière très agréable d’arriver au cœur même de Fontarabie. Le
soir vous pouvez rentrer par le même moyen. Attention, c’est
jusqu’à une heure du matin en juillet et août et
seulement 19 heures les autres mois de l’année.
Continuons notre route. De Fontarabie on accède au mont
Jaizkibel. La route qui le traverse surplombe la côte, elle est
magnifique et nous mène au port de Pasajes (Pasaia), le
principal port du Guipúzcoa.
Sur la rive droite de la baie de Pasajes, se trouve Pasajes de San
Juan (Pasai Donibane). C’est tout à fait par hasard que Victor
Hugo y passe une dizaine de jours en 1843. En route pour Saint-
Sébastien il est tellement charmé par les rameuses du bateau qui
relie les deux rives qu’il décide d’y rester ! La maison où il a
séjourné s’appelle Victor Hugo Etxea. Plus besoin de vous
traduire. C’est un centre culturel et l’office du tourisme.

Donostia/Saint Sébastien, la perle de


l’Atlantique
Nous n’allons pas trop nous attarder sur la capitale du
Guipúzcoa que nous avons déjà évoquée. Résidence d’été de la
monarchie espagnole et lieu de villégiature de la haute société
dans le passé (voir la fin du chapitre 3), la beauté de Saint-
Sébastien continue à étonner ses visiteurs.
Aujourd’hui, la ville cherche par des actions diverses, espaces
piétonniers, congrès, festivals et autres événements culturels très
diversifiés, à se projeter dans un tourisme raisonné et le
développement durable. Elle a été retenue comme capitale
européenne de la culture en 2016.
La vitrine de la ville, c’est la fameuse baie de la Concha
(Kontxa, coquille). À gauche en regardant l’Océan se dresse le
Monte Igeldo. De là-haut, la vue sur la ville y est inoubliable. En
face, au milieu de la baie, c’est l’île de Santa Clara. À droite, le
mont Urgull surplombe le petit port de pêche et la Parte Vieja
(Alde zaharra, le Vieux Quartier). Du quai bordé de cafés et
restaurants typiques, on rejoint l’Aquarium. Sa visite mérite le
déplacement ! Notamment le tunnel de verre qui traverse
l’Océanorium. Il y a beaucoup de promenades à faire. Le
« Paseo de la Concha » bordé de tamaris et d’une balustrade
blanche est la promenade qui surplombe la plage de la Concha.
Après le palais Miramar, la promenade se prolonge par les
jardins et la promenade d’Ondarreta, jusqu’à la célèbre sculpture
d’Eduardo Chillida, El Peine del Viento (Haizearen Horazia, le
Peigne des Vents), dont nous avons parlé au chapitre 12. Vous
pouvez vous promener le long du fleuve Urumea, dans les rues
piétonnes et commerçantes du centre. Bref, laissez-vous aller.
La ville et ses alentours proposent le meilleur de la gastronomie
mondiale avec plusieurs trois étoiles au guide Michelin. Elle
offre des manifestations internationales de premier plan comme
le Festival international de cinéma, le Festival de jazz, la
Quinzaine musicale… Notez aussi la Semana Grande (Aste
Nagusia, la Grande Semaine) en août qui met la ville en
ébullition pendant une semaine. Le concours de feux d’artifice
organisé tous les soirs sur la plage de la Concha est
mondialement réputé.

Zarautz, Getaria, etc. Plages, ports et


falaises de flysch
Quittons Saint-Sébastien et continuons vers l’ouest en longeant
la côte. Zarautz mérite votre visite. Sa belle plage avec un front
de mer orné de sculptures modernes est la plus longue et étendue
du Guipúzcoa. Elle est d’ailleurs surnommée la Reine des
plages.
Voici maintenant Getaria. Oui il y a deux ports basques nommés
Getaria, l’un en Labourd entre Biarritz et Saint-Jean-de-Luz,
Guéthary en français, et celui-ci. Berceau du navigateur Juan
Sebastián Elcano (que vous découvrirez au chapitre consacré
aux dix personnages célèbres) et du couturier Cristóbal
Balenciaga, Getaria est un village et port médiéval, entouré de
murailles, au flanc de la montagne qui plonge dans l’Océan.
C’est peut-être le port de pêche le plus pittoresque de
Guipúzcoa. Ne manquez pas de déguster le poisson frais cuit à la
braise en plein air, dans les rues, arrosé d’un bon tchakoli
(txakolin), le vin blanc légèrement pétillant de la région.
Une légende raconte qu’à Getaria vivait un jeune, bon et beau
pêcheur appelé Queta (Keta). Les dames d’Itegi et d’Alsakarte
en étaient follement amoureuses. Un jour, en promenade vers la
côte de Golindo, Queta trouve les deux amoureuses jalouses en
train de se battre. Queta ne peut supporter d’être la raison d’une
telle dispute. Il demande au ciel d’être transformé en pierre.
Alors, il est aussitôt transformé en une montagne qui vient
fermer l’anse de Getaria. Voilà l’explication de l’origine de la
montagne de San Anton. Mais ce n’est pas tout. Honteuses,
désespérées, les dames d’Itegi et d’Alsakarte demandent elles
aussi à subir le même sort que Queta. Et voilà que se forment les
deux pointes rocheuses d’Altzokoarri et d’Iteko qui regardent
vers la montagne de San Anton… Il n’est pas nécessaire d’être
un spécialiste de géomorphologie pour expliquer le relief
tourmenté de la Côte basque !
Nous continuons notre route vers la Biscaye, nous aurions
d’ailleurs jusque-là pu la faire en bateau. Laissons d’autres jolis
ports comme Zumaia, Mutriku ou Ondarroa qui se trouve déjà
en Biscaye. Signalons tout de même qu’une balade en bateau en
face de Mutriku, Deba et Zumaia permet d’admirer plusieurs
kilomètres de falaises abruptes et stratifiées qui se dressent sur la
mer. C’est la « route du flysch » (Flyscharen Ibilbidea), lequel
est formé de sédiments de grès, de schistes et de calcaires (karst)
que l’Océan sculpte inlassablement depuis des millions
d’années.

Markina-Xemein, ville du Moyen Âge


et université de la pelote
Nous entrons un peu à l’intérieur des terres de Biscaye pour
rejoindre Markina-Xemein, fusion de Markina et du faubourg de
Xemein. La ville compte de beaux éléments architecturaux. La
tour Antxia du début du XVIe siècle est l’édifice le plus ancien.
Elle donne une idée du mode de vie des petites lignées basques
dans les villes à la fin du Moyen Âge. La tour Ansotegi est un
palais noble de la même époque. Le palais de Solartekua est lui
de style Renaissance et baroque. L’hôtel de ville, toujours du
XVIe siècle, faisait aussi office de halle au blé, de magasin et de
lieu d’habitation. En face de l’hôtel de ville on peut admirer le
magnifique palais baroque d’Andonaegi datant du XVIIe siècle.
Plusieurs églises sont aussi dignes d’intérêt.
Markina-Xemein est synonyme de pelote basque. Son fronton
municipal est connu comme l’Université de la pelote. Il faut dire
qu’il est à l’origine de nombreux très bons pilotari (joueur de
pelote). Beaucoup de pilotaris qui jouent ou ont joué à la cesta
punta (voir chapitre 11), dans les jai alai des États-Unis ou de
Manille sont originaires de Markina. En 1985, il y avait
400 pelotaris basques qui jouaient à l’étranger et rapportaient
des devises. Maintenant, il n’y en a même pas cent.
L’ermitage de San Miguel d’Arretxinaga est particulièrement
étonnant. À l’intérieur trois grandes pierres calcaires dressées
semblent avaler l’autel. Ceci nous ramène au Pays basque
préchrétien, aux cultes païens où l’on vénérait Lur, la Terre
mère. Avec l’arrivée du christianisme et le passage du pèlerinage
vers Saint-Jacques, le lieu a été sanctifié. Si l’ermitage est du
XVIIe siècle, le culte des pierres dressées remonte à la nuit des
temps. La tradition populaire dit que si un célibataire veut se
marier dans l’année, il doit passer trois fois par la cavité créée
par les rochers de l’ermitage.

Du village d’origine de Simón


Bolívar au chêne de Guernica

Ziortza-Bolibar
La dénomination de la commune de Ziortza-Bolibar vient de
l’union des noms de deux quartiers historiques. Le nom Ziortza
apparaît pour la première fois, mentionné en 1082, dans un
ancien manuscrit du monastère de San Millán de la Cogolla. Son
église transformée en collégiale et actuellement en monastère
cistercien est un des sites les plus importants du chemin de
Saint-Jacques du littoral.
Ziortza est un nom composé du mot zihaurri (sureau) et du
suffixe -tza (abondance), c’est-à-dire l’endroit où il y a beaucoup
de sureau. Bolibar serait un composé basque de bolu (moulin) et
ibar (vallée), soit vallée du moulin. Ce nom a été celui d’un
ancien peuple et ensuite un nom de famille.
Grâce à un des descendants de la famille, Simón Bolívar, le
libérateur d’Amérique, ce nom s’est répandu dans le monde,
surtout dans le continent américain. De ce petit coin de Biscaye
vient le nom de la Bolivie, de provinces, de populations, de rues,
de la monnaie du Venezuela, de liqueurs, etc., et même le nom
du chien mascotte créé par Walt Disney apparaissant dans un
épisode de « Mickey Mouse » et comme chien de Donald.

Gernika/Guernica
Continuons vers l’ouest à travers la campagne. Guernica
(Gernika) est le symbole des libertés basques et de la paix. Vous
avez découvert cette ville au chapitre 4 à propos du
bombardement allemand de 1937 et au chapitre 6 à propos de
son chêne séculaire, garant des libertés forales. Elle a été
déclarée par l’Unesco « Ville pour la Paix ». Guernica est un
point de départ pour des randonnées dans la réserve mondiale de
la biosphère d’Urdaibai toute proche (voir au chapitre 20).
Chaque lundi le marché de Guernica, celui qui avait été
bombardé, permet d’acheter des produits fermiers de qualité
venant de toute la région. Le piment doux et le haricot de
Guernica sont réputés. Vert, plus petit et plus dodu que celui
d’Espelette, de 6 à 9 centimètres, le piment se consomme frit ou
à l’apéritif.

Le grand Bilbao
Et nous voici à Bilbao (Bilbo), la plus grande ville du Pays
basque, capitale économique, financière et principal port.

Bilbao, capitale économique


Depuis sa fondation au XIIIe siècle par Don Diego López de
Haro, seigneur de Biscaye, Bilbao n’a pas cessé de se
transformer. Le centre historique, Zazpi kaleak (les sept rues), et
la cathédrale Santiago (Saint-Jacques) datent du XVe siècle. C’est
l’époque des échanges avec les ports du continent européen et
d’Amérique, ainsi qu’avec les pèlerins sur le chemin de Saint-
Jacques. Mais c’est au XIXe siècle que Bilbao connaît un
développement sans précédent, basé sur l’exploitation minière
toute proche. Le commerce maritime et l’activité portuaire
favorisent une importante industrie sidérurgique et la
construction navale. L’immigration venue d’autres régions
pauvres d’Espagne est très importante.
Apparaissent alors la Banque de Bilbao et la Banque de Biscaye
et, à la fin du siècle, la Bourse. On crée des boulevards, des rues
rectilignes, des promenades et les bâtiments les plus
représentatifs de la ville, comme l’actuelle mairie ou le théâtre
Arriaga, inspiré de l’Opéra de Paris. Cette croissance
spectaculaire et l’important développement culturel vont être
interrompus par la guerre civile (1936-1939).
La crise profonde de l’industrie sidérurgique et des chantiers
navals à la fin du XXe siècle oblige la ville à reconvertir son
économie. Le musée Guggenheim, le Palais des congrès et de la
musique Euskalduna, le métro de Norman Foster, l’aéroport de
Calatrava, le nouveau tramway… vont transformer Bilbao qui
est maintenant une métropole de plus d’un million d’habitants.
C’est au chapitre 22 de votre Pays basque pour les Nuls que
nous présentons le musée Guggenheim parmi les « Dix
monuments remarquables ».

Le musée des Beaux-Arts


Il n’y a pas que le Guggenheim à Bilbao. Le musée des Beaux-
Arts auquel a été réuni le musée d’Art moderne offre un large
parcours à travers l’art du XIIe siècle à nos jours. Ce sont plus
de 6 000 œuvres qui sont exposées. La collection rassemble de
l’art Renaissance et baroque (Le Greco, Goya, Van Dyck,
Murillo…), de l’art contemporain (Gauguin, Bacon, Tàpies,
Oteiza, Chillida, d’autres artistes basques…). Une collection
privée temporaire, la Colección Arte XX, composée de 48
tableaux et de 15 sculptures est également présentée. Elle
compte des œuvres d’artistes majeurs du XXe siècle comme
Picasso, Miró, Dalí, Kandinsky, Max Ernst, Francis Picabia,
Georges Braque, Fernand Léger, Marc Chagall ou Paul Klee. À
voir évidemment.

Une nouvelle vie pour L’Alhóndiga


L’Alhóndiga de Bilbao est situé au cœur de la capitale. C’est un
immense bâtiment (40 000 m2) du début du XXe siècle construit
pour le stockage du vin. Vide et désaffecté très longtemps, il a
été transformé récemment en un centre de culture, de sport et de
loisirs. Le bâtiment compte sept étages, un vaste atrium et un
parking souterrain. C’est le bureau d’études du designer français
Philippe Starck qui a été chargé de cette reconversion.
« Reconversion » est vraiment un maître mot à Bilbao.

Le théâtre Arriaga
Le théâtre Arriaga (1890) doit son nom au compositeur de
Bilbao Juan Crisóstomo Arriaga. Les façades sont inspirées de
celles de l’Opéra de Paris, surtout la façade principale et les
éléments décoratifs. Il a été ouvert à nouveau en 1986 après une
restauration complète. Tout au long de l’année, il propose des
représentations théâtrales, de l’opéra, des ballets, des concerts et
autres manifestations culturelles.
Il paraît que le théâtre Arriaga avait une loge secrète pour les
autorités appelée Orient Express. Deux autres balcons
entièrement noirs avec des entrées dérobées accueillaient à une
époque les veuves pour qu’elles puissent assister aux
représentations sans être vues et critiquées.

Les ponts de Bilbao


Bilbao possède des ponts remarquables. Le pont de Calatraba ou
Zubizuri (Pont Blanc) est pavé de verre. C’est une passerelle au-
dessus du Nervión, tout près du Guggenheim. Le Puente del
Ayuntamiento (pont de la Mairie), lui, était un pont-levis qu’on a
rendu fixe puisqu’il n’y a plus de trafic sur le fleuve à cet
endroit. Le pont Euskalduna est un viaduc avec quatre voies,
piste cyclable et trottoir couvert pour les piétons. Le pont de
Biscaye, tout proche de Bilbao, est le plus vieux pont
transbordeur du monde et il est toujours en fonctionnement.
Inauguré en 1893, il est inscrit au patrimoine mondial par
l’Unesco. La technique alors révolutionnaire consiste en une
nacelle suspendue qui se déplace d’une rive à l’autre,
transportant des passagers et toutes sortes de marchandises.
La Biscaye ne s’arrête pas à Bilbao. Plus à l’est, juste avant la
Cantabrie, se trouve une région remarquable : las Encartaciones
(Enkarterri). On y trouve le parc naturel d’Armañón ou Ranero,
un massif montagneux qui fait la transition entre les montagnes
du Pays basque et la chaîne cantabrique. Le sol calcaire est
creusé de nombreuses grottes. Celle de la Torca del Carlista est
l’une des plus grandes grottes d’Europe : 400 mètres de long,
250 mètres de large et 90 mètres de haut. On note une grande
variété d’espèces de chauves-souris. Le loup peut s’y rencontrer,
venu de Cantabrie.
Voilà. Notre parcours d’est en ouest, de Bayonne à Bilbao, se
termine. Bien d’autres choses auraient pu être dites. Il nous a
permis en tout cas d’admirer l’ensemble de la Côte basque mais
aussi d’apprécier le travail des Basques, ceux de la mer
(itsasoa).
Figure 17-1 : De Bayonne à Bilbao : le golfe de Gascogne
Chapitre 18
Des vallées pyrénéennes
à l’Èbrea
Dans ce chapitre :

De L’Hôpital-Saint-Blaise au sommet de l’Orhy

Les vallées de Salazar et de Roncal

Les joyaux architecturaux de la sierra de Leyre

La Ribera, verger du Pays basque

N ous reprenons la route pour parcourir dans ce chapitre


différents chemins empruntés depuis l’Antiquité par les
Basques et les gens de passage. Nous partirons de L’Hôpital-
Saint-Blaise en Soule, pour traverser les Pyrénées par Larrau au
pied du pic d’Orhy et passer en Navarre.
À partir du Roncal à la limite de l’Aragon, suivant les chemins
des pèlerins, des bergers et des almadieros nous parviendrons à
l’Èbre, le grand fleuve du nord de l’Espagne au sud de la
Navarre. En un voyage d’à peine 200 kilomètres, vous serez
passé du Saltum à l’Ager vasconum des auteurs latins, c’est-à-
dire des hauteurs des Pyrénées aux vastes plaines et plateaux du
sud.

De L’Hôpital-Saint-Blaise au sommet
de l’Orhy
Laissant le Béarn au nord, nous empruntons la D25 qui va nous
mener, à travers la vaste forêt de Chéraute, de L’Hôpital-Saint-
Blaise à Mauléon-Licharre, la capitale de la petite province de
Soule. Puis nous entrerons en Haute-Soule par la D918 et la
D26 pour atteindre le village haut perché de Larrau au pied de
l’Orhy, le premier sommet à 2 000 mètres depuis l’Océan.

L’Hôpital-Saint-Blaise
Si vous avez lu le chapitre 12, vous avez découvert l’étonnante
église de L’Hôpital-Saint-Blaise (Ospitalepea), au nord de la
Soule, à la limite du Béarn. Comme le nom du village l’indique,
ce site est un lieu d’accueil pour les pèlerins en route vers Saint-
Jacques-de-Compostelle. L’hôpital permettait aux voyageurs de
faire une halte avant la difficile traversée des Pyrénées. Si
l’église est toujours là, l’hôpital a disparu à la fin du XVIIe siècle
pour laisser la place à un petit village.
La magnifique église est entourée de maisons des XVIe et XVIIe
siècles. C’est un joyau d’architecture romane de la fin du XIIe
siècle. Elle porte les marques de la diversité des gens qui se
croisaient sur les chemins du nord au sud, style roman, et du sud
au nord, influence mauresque très marquée.
Quelques péripéties au cours d’un millénaire

On pense que la Soule a été le quartier général des Vascons. Un petit


détour par le chapitre 1 vous aidera à y voir plus clair. La défaite « in vallis
Subola », dans la vallée de la Soule, en 635, de l’armée franque du duc
Arimbert au temps du roi Dagobert anticipe celle de Roland, neveu de
Charlemagne, à Roncevaux en 778. La vicomté de Soule apparaît
vers 1023 entre celle du Béarn, née vers 820 comme le royaume de
Navarre, et celle du Labourd créée par le roi de Navarre Sanche le Grand
en 1023. Le duc et comte de Gascogne investit Guillaume le Fort (Gillen
Azkarra en basque) vicomte de Soule. C’est un seigneur bigourdan déjà
vicomte de Lavedan (la Bigorre serait alors encore bascophone). Ce
seigneur aurait construit le premier château à cette époque. Au XVIe
siècle, lors des guerres de Religion, le château est très disputé entre le
capitaine-châtelain Jean de Belzunce qui représente le roi d’Angleterre et
qui est favorable à la Réforme et le seigneur catholique de Tardets,
Charles de Luxe. Si certains notables et érudits souletins deviendront
protestants, la Soule restera globalement catholique au contraire du
Béarn. Le château servira aussi de prison. Au XVIIe siècle, le curé
Matalas réussit à soulever les Souletins contre la noblesse de Soule et les
impôts royaux, et y sera emprisonné.

Le château fort de Mauléon


C’est une construction massive du Moyen Âge qui domine la
ville de Mauléon (Maule) et la vallée du gave, le Saison
(Ühaitza). « Gave », c’est le nom des torrents et rivières dans les
Pyrénées. Ce château a connu des luttes innombrables,
changeant régulièrement de maître, entraînant des invasions
ruinant ponctuellement la Soule. Les Anglais, la maison de Foix-
Béarn et le royaume de France se le sont disputé inlassablement.
Aujourd’hui encore, on devine les stigmates des nombreuses
attaques et tentatives de destruction qu’il a subies.
La forteresse est construite vers le XIe siècle sur l’emplacement
d’un camp protohistorique. On a trouvé sur un des terre-pleins
des outils de pierre datant du Néolithique (entre 3 000 et 2 500
ans avant J.-C.). On y a trouvé aussi cinq pièces de monnaie des
rois wisigoths d’Espagne frappées entre 631 et 636, indices
d’échanges commerciaux avec le Sud. Les murs qui l’entourent
datent du XVe siècle et l’aspect actuel du XVIIe siècle car il a été
démoli sur ordre de Louis XIV en 1642, et reconstruit six ans
plus tard.
Mais laissons cette histoire mouvementée et la Basse-Soule
(Pettarra, plaine autour de Mauléon) pour monter vers la Haute-
Soule (Basabürüa) et son point culminant le pic d’Orhy (Ori,
2 017 m).

Larraine/Larrau
Au pied du pic d’Orhy, Larrau est un village de montagne
attaché à sa terre malgré l’éloignement et les conditions de vie
difficiles. Le nom du lieu Larraine en basque vient de larre
lande et gain sur, ce qui rappelle sa situation géographique. Les
premières mentions de Larrau remontent à la fin du XIIe siècle
dans le recueil de titres de Sauvelade, abbaye bénédictine en
Béarn.
Le territoire est un lieu de pâturages, la transhumance remonte à
la nuit des temps. Par le port (col) de Larrau (1 573 m), Iturzaeta
mendatea en basque, on accède à la Navarre, à sa capitale
Pampelune et on peut rejoindre Jaca, Huesca et Saragosse en
Aragon par la vallée de Roncal. L’ascension du col à bicyclette
est redoutable : 14,5 kilomètres à 8 % en moyenne. Les coureurs
du Tour de France qui ont eu l’occasion de le connaître peuvent
en témoigner.
Au XIVe siècle, la Soule paie une redevance de dix vaches et
quatre saumons au roi de Navarre. Pourquoi ? En échange de
l’autorisation d’importer « du pain et du vin suffisamment pour
leur provision, de même que le faisaient les autres sujets du Roi
vivant Outre-Ports » (ce sont les Bas-Navarrais dont la province,
même si elle est au nord des Pyrénées, fait aussi partie du
royaume de Navarre). Ceci est un exemple des relations
permanentes qui existent au Moyen Âge entre la Soule et la
Navarre.

Le pic d’Orhy
Le pic d’Orhy (Ori) est le premier sommet occidental des
Pyrénées dépassant les 2 000 mètres. Sa forme caractéristique se
voit de loin. Même du Labourd, à l’extrême ouest.
Voilà une montagne pleine de légendes. Tout un symbole comme
le montre cette chanson de Roger Idiart qui compare les jeunes
Souletins aux oiseaux d’Orhy qui reviennent dans leur
montagne. Partis pour trouver du travail, l’émigration a été très
importante en Soule à certaines époques, il souhaite que les
jeunes reviennent au pays, en restant toujours basques.
L’attachement au pays et à la maison natale est une valeur très
importante au Pays basque.

Jente gaztia dabila etxetik hurrun Les jeunes vont loin de chez
lanila, eux pour travailler,
Ez erran galdurik dela : utzul ditake Ne dis pas qu’ils sont perdus :
berhala Jin bedi gure artila ils peuvent vite revenir
Oriko txori Orila. Qu’ils viennent parmi nous
Txoriak jiten zaizkula huts egin gabe L’oiseau d’Orhy à Orhy.
sekula, Les oiseaux nous viennent
Lehenik bat, gero mila : txortak sans jamais manquer,
egiten ixtila. D’abord un, puis mille : la
Jin bedi… goutte fait la mare.
Qu’ils viennent…
Txorittuaren hegala arhin aidia L’aile du petit oiseau légère
bezala : comme l’air :
Gaztek begira dezela azkar uskaldun Que les jeunes gardent avec
odola. ardeur le sang basque.
Jin bedi… Qu’ils viennent…
Txoria izan dadila Euskaldun gazten Que l’oiseau soit le modèle
mudela : des jeunes Basques :
Mothiko la neskatila, tziauste denak Garçon ou fille, revenez tous
sor lekhila ! au pays natal !

Passé le port de Larrau, nous changeons de versant et nous voilà


en Navarre, sans trop nous rendre compte que nous avons
changé d’État.

Les vallées de Salazar et de Roncal


D’Orhy on descend par le col Portillo de Lazar (1129 m), Lazar
Gaina en basque, d’où vous apprécierez une vue magnifique sur
les forêts et les vallées de Salazar (Zaraitzu) et de Roncal
(Erronkari). Dans ces vallées dont la principale richesse était
l’exploitation forestière et l’élevage, on a imaginé des voies de
transport astucieuses. Ce sont las almadías et la Cañada Real en
espagnol.

Las almadías
Les cours d’eau pyrénéens ont été utilisés pour le transport de
bois dès l’Antiquité. Un des systèmes utilisés pour cela était les
almadías (radeaux). Le nom « almadía » vient de l’arabe « al-
madiya » qui signifie bateau.
C’est au XVIIIe siècle que le besoin d’augmenter le nombre de
bateaux de la marine royale espagnole va renforcer le trafic du
bois. Les arbres coupés étaient entraînés par le courant des
rivières de Salazar et de Roncal. La force du courant entraînait le
bois jusqu’aux rives plus larges. Là, on préparait les almadías en
attachant les troncs avec des branches de noisetier vert ou de
roseau sauvage. Les conducteurs de ces attelages étaient appelés
almadieros. Les almadieros navarrais étaient exempts du
paiement de droits « de ponts et presas » si le bois qu’ils
transportaient était le leur ou de leur vallée. La période du
transport était commandée par le niveau des eaux, des premiers
jours de décembre au 30 mai dans le Salazar et au 29 juin dans
le Roncal.
Comme vous vous en doutez, le danger était très important,
surtout, dans les magnifiques gorges de Lumbier et Arbayún
(voir au chapitre 20), dans les rapides, au passage des ponts et
dans les courbes. En effet, l’almadía peut être dirigée, mais pas
freinée ou stoppée. Après Sangüesa (Zangoza), les almadías
entraient dans la rivière Aragon (Aragoi), affluent de l’Èbre.
Une fois dans l’Èbre, le bois était dirigé vers les marchés de
Saragosse ou de Tortosa. La traversée durait une semaine
jusqu’à Saragosse. On a compté au début du XXe siècle jusqu’à
1 800 almadías sur une année. Mais la construction du barrage
de Yesa en 1951 les a stoppées. Place aux camions !
Au début du mois de mai, on fête le jour de l’almadía sur de
vrais radeaux pour se rappeler ce dur métier. À Burgui (Burgi)
dans le Roncal, vous pouvez visiter le musée de l’almadía qui se
trouve à la mairie.

La Cañada Real de los Roncaleses


Nous restons dans la partie orientale de la Navarre, limitrophe de
l’Aragon. La Cañada Real de los Roncaleses, le Vallon royal des
Roncalais, est une des voies ancestrales de la transhumance qui
depuis les pâturages pyrénéens d’été emmène les troupeaux aux
bords de l’Èbre. Ils passent l’hiver dans les steppes des
Bárdenas, désert présenté au chapitre 20 qui est consacré à
quelques lieux extraordinaires. Ce parcours constitue une
véritable leçon de nature, jalonné de lieux d’intérêt historique et
architectural comme le monastère de Leyre, le château de Javier,
la ville de Sangüesa ou le monastère d’Olite.
Couvertes d’herbe pendant l’hiver et parsemées de flaques d’eau
jusqu’au printemps, les plaines des Bárdenas sont un territoire
idéal pour nourrir le bétail pendant les mois d’hiver, alors qu’en
montagne la neige couvre la végétation. L’entrée dans les
Bárdenas se fait le 18 septembre pour tous les bergers, après plus
de 130 kilomètres de marche, depuis plus de cinq cents années,
comme établi par décret du roi Jean d’Albret au XVIe siècle.
Parmi la vingtaine de communes ou vallées qui bénéficient de ce
droit de transhumance en hiver, le Roncal est le premier à en
jouir depuis l’an 882 pour services de guerre rendus.

La vallée de Salazar
À l’ouest du Roncal, c’est la vallée de Salazar traversée par la
rivière du même nom. Les nombreux restes mégalithiques
(pierres dressées) témoignent de la présence de l’homme depuis
des millénaires. Vallée isolée dans un paysage très vert où
prédomine la hêtraie, on y trouve des églises médiévales, des
ermitages avec des vues splendides, de belles maisons
navarraises.
Pas loin d’Ochagavía (Otxagabia), belle bourgade de maisons
anciennes en pierre et à toits typiques à tuiles plates, se dresse
tout en haut d’une colline l’église romane du XIIIe siècle de
Notre-Dame-de-Muskilda (Nuestra Señora de Muskilda). On y
conserve une Vierge sculptée de la fin du XIIe siècle.
Selon la légende, un jeune berger un jour perd un taureau. Il le
retrouve sous un chêne. En s’approchant, au pied de l’arbre, il
aperçoit une image de la Vierge. Il part avec les vaches et laisse
l’image, pensant la reprendre le lendemain. Mais en se
retournant, il voit que l’image a disparu. Et de retour à la
maison, il a de nouveau perdu le taureau. Il le retrouve au même
endroit en compagnie de la Vierge. Le berger prend l’image et
rentre chez lui. Un homme l’accuse de l’avoir volée. Il enferme
le jeune berger et dépose l’image dans l’église d’Ochagavía.
Mais le lendemain, ni la Vierge ni le berger ne se trouvent où il
les avait laissés. Le jeune berger s’est installé à côté du chêne et
s’est mis à construire une église de ses propres mains aidé de
son âne, Notre-Dame-de-Muskilda.
Tous les 8 septembre, le sanctuaire Notre-Dame-de-Muskilda est
témoin de danses primitives depuis des siècles. Dans ce site
privilégié, offrant une spectaculaire vue panoramique sur la forêt
d’Iraty, se déroule l’une des danses les plus emblématiques et
intéressantes du point de vue ethnographique de Navarre. Elle
est exécutée par huit danseurs, avec Bobo (l’idiot), curieux
personnage dans une tenue qui rappelle Arlequin.
La tradition du pain bénit est une coutume immémoriale en
vallée de Salazar. Tous les dimanches, une famille différente est
chargée de porter le pain coupé en rondelles à la messe
dominicale. Ce pain est béni à la messe et il est ensuite distribué
à chacun des fidèles. Jusqu’à il y a quelques années, à
Ochagavía, on distribuait seulement le pain aux hommes. Mais
une décision municipale a fait que la tradition a changé et il est
distribué aussi aux femmes. Après la consécration du pain, on a
coutume aussi de porter un morceau de ce pain à chaque maison
en se souhaitant : « Avec ceci ayez la paix et du pain pour toute
l’année. »
Selon la légende, le roi maure Abderrahmane devait passer en
Navarre. Le roi Don Sancho, le sachant, envoya des messagers
dans les vallées de Roncal, de Salazar et d’Aezkoa avec l’ordre
de réunir tous les hommes disponibles. Les gens de Roncal et de
Salazar prennent les armes dont ils disposent et attaquent au
pont de Ledea. Bien que les Maures soient plus nombreux que
les Navarrais, ces derniers l’emportent. Ceux de Salazar tuent
Abderrahmane et lui coupent la tête. Ils pensent aller présenter le
trophée au roi Sancho, espérant une bonne récompense. Mais les
Roncalais, jaloux, pendant la nuit prennent la tête
d’Abderrahmane et lui coupent la langue. Quand ceux de
Salazar montrent la tête au roi, les Roncalais interviennent pour
dire que ce sont eux qui lui ont coupé la tête puisqu’ils sont en
possession de la langue. Le roi, pour calmer les esprits, donne à
chacun des armoiries. À ceux de Salazar un loup avec un agneau
dans la bouche, à ceux de Roncal un renard comme symbole de
leur ruse.

La vallée de Roncal
La vallée de Roncal est la plus orientale des vallées navarraises,
à la frontière avec la Soule, la vallée béarnaise du Barétous et
l’Aragon. Signalons à Burgui un joli pont romain qui conserve
les arches d’origine. Le village de Roncal aux rues pavées et aux
grandes maisons en pierre et toits de tuiles bombées est au centre
de la vallée. Là est né et enterré le célèbre ténor Julián Gayarre.
À Uztárroz, vous pourrez visiter le musée du Fromage et de la
Transhumance. Le fromage a la dénomination d’origine Roncal.
Au nord-est, dans la vallée de Belagua se trouve la Table des
Trois Rois (Hiru Erregeen Mahaia) avec 2 428 mètres, le point
culminant de Navarre et du Pays basque.
La Junte de Roncal

Le 13 juillet, chaque année, au col de la Pierre de Saint-Martin


à 1 760 mètres d’altitude, à la borne frontière entre la vallée navarraise de
Roncal et celle béarnaise de Barétous, on peut assister à une cérémonie
multiséculaire, peut-être unique au monde, dans un cadre naturel d’une
beauté extraordinaire. La Junte de Roncal, Junta de Roncal en espagnol.
C’est le traité international en vigueur le plus ancien d’Europe. Lors de cet
acte les Béarnais du Barétous paient aux Roncalais un impôt annuel et
inchangé de trois vaches au pelage et aux cornes semblables : el Tributo
de las Tres Vacas. La cérémonie commence par la superposition sur la
borne des mains des six maires du Barétous et de celles de quatre maires
du Roncal. Les élus béarnais s’engagent à maintenir la paix en payant le
tribut. Celle-ci est scellée avec l’imposition de la main du maire roncalais
d’Isaba sur toutes les mains alors qu’il prononce les mots « Pax avant,
pax avant, pax avant » (Paix dorénavant…).

On ne connaît pas l’origine de cette cérémonie. On sait qu’au XIVe siècle


on a interrompu le paiement de cet impôt et cela a été à l’origine d’un
conflit mortel entre les voisins des deux vallées. Un document
de 1375 indique que le paiement de cet impôt avait lieu depuis longtemps.
Certains historiens avancent qu’il s’agit d’un impôt de guerre et non d’une
compensation pour utilisation des pâturages et des sources en territoire
roncalais. De nos jours la cérémonie est suivie d’une fête sur place.

Les joyaux architecturaux de la


sierra de Leyre
Quittons les vallées montagneuses et dirigeons-nous vers le sud.
À l’est de Lumbier et au-dessus de Sangüesa se trouvent deux
monuments très importants de l’histoire de la Navarre.

Le monastère de Leyre
Au pied de la sierra de Leyre se trouve un monastère qui au
cours des siècles a été siège de la cour royale, évêché et tombeau
des rois de Navarre. Le monastère de Leyre (Leireko
monasterioa) est fondé au bas Moyen Âge. Incendié par les
musulmans au Xe siècle, puis reconstruit en 1020 par ordre du
roi Sancho García. Austère à l’extérieur, les portails de l’église
sont très ouvragés, spécialement la Porte spacieuse du XIIe siècle,
une des merveilles du monastère, véritable bible de pierre. À
l’intérieur, la crypte du XIe siècle est la plus ancienne de tout le
monastère, de style roman archaïque. On considère Leyre
comme la première œuvre de l’art roman en Navarre, le
prototype des constructions romanes en Espagne.

Zangoza/Sangüesa
Quittons la montagne pour Sangüesa sur la rivière Aragon. C’est
une petite ville parsemée d’édifices civils et religieux
intéressants, depuis l’art roman jusqu’au baroque. Le noyau
primitif est l’actuel bourg de Rocaforte (Rochefort), qui comme
son nom l’indique est construit sur un éperon rocheux. C’est au
XIIe siècle que la nouvelle Sangüesa devient rapidement une ville
importante. Elle se trouve sur le chemin vers Saint-Jacques-de-
Compostelle qui vient du col du Somport. C’est la Via Tolosana
(voie toulousaine) qui, venant d’Italie, part d’Arles vers
Montpellier, Toulouse, Auch, Pau et le col du Somport entre
Béarn et Aragon.

Le château de Xavier
À 8 kilomètres à l’est de Sangüesa, dressé lui aussi sur un
éperon rocheux dans la sierra de Leyre, le Castillo de Javier (en
basque Xabierko Gaztelua) est le lieu de naissance de saint
François Xavier.
En 1223, Sancho VII de Navarre acquiert la forteresse qui n’est
qu’une tour de guet et de signaux de la fin du Xe siècle. Mais son
emplacement est stratégique, à la frontière entre les royaumes de
Navarre et d’Aragon. La tour est renforcée jusqu’à constituer un
château. À la mort de Sancho VII, la forteresse passe entre les
mains de Thibault Ier de Navarre, ascendant lointain de François
Xavier. Lorsque la Navarre est annexée par la Castille en 1512,
les frères aînés de François Xavier luttent au côté du roi
navarrais Jean d’Albret. Ce qui entraînera la démolition du
château, de ses défenses du moins.
Entre le premier et le deuxième dimanche de mars, des milliers
de pèlerins parcourent à pied des dizaines de kilomètres pour
venir vénérer le saint, c’est la Javierada. C’est la reconnaissance
des Navarrais lorsque saint François Xavier fut invoqué pour
qu’il arrête l’épidémie de choléra qui ravageait la Navarre
en 1886.

D’autres forteresses et villages


médiévaux
Partons vers l’ouest, quittons la sierra de Leyre, croisons
l’autoroute de Pampelune à Tudela, pour aller à Artajona
(Artaxoa). Une imposante fortification médiévale connue sous le
nom de El Cerco, parfaitement adaptée à la forme de la colline
où elle se trouve, entoure la petite ville d’Artajona. C’est un
ensemble fortifié du XIe siècle, remanié maintes fois, qui relie
par le chemin de ronde les neufs tours crénelées sur quatorze qui
restent debout. À l’intérieur se trouve l’église-forteresse Saint-
Saturnin du XIIIe siècle. Ce sont les fortifications médiévales les
plus importantes du centre de la Navarre.
Nous croisons à nouveau l’autoroute pour revenir vers l’est, à
Ujué (Uxue). C’est un petit village médiéval construit sur une
hauteur. Ses ruelles pavées sont bordées de grandes portes
médiévales et de façades blasonnées pleines de charme. Du
chemin de ronde vous apercevez au loin la cité d’Olite
(Erriberri) qui a été siège de la cour royale de Navarre (voir au
chapitre 12 une description d’Olite). Du chemin de ronde s’offre
à vous une superbe vue des Pyrénées jusqu’aux rives de l’Èbre.
Selon la légende, dans la tradition locale on attribue l’origine
d’Ujué au miracle vécu par un berger. Alors qu’il surveille son
troupeau, il est attiré par le vol d’une colombe qui entre et sort
sans arrêt d’un trou. Le berger décide de monter jusque-là et il
découvre une image de Sainte Marie. Tiens, encore une… Les
gens des alentours alors restent sur les lieux de l’apparition pour
veiller et honorer la Vierge. C’est la naissance du sanctuaire-
forteresse de Santa María de Ujué.
Poursuivons notre route vers le sud, vers la Ribera (région de
l’Èbre). Entre Tafalla et Caparroso, vous pouvez visiter le marais
de Pitillas, réserve naturelle classée zone spéciale de
conservation pour les oiseaux et zone humide d’importance
internationale.

La Ribera, verger du Pays basque


Nous voici tout au sud dans la Ribera de Navarre (Erribera), la
région de l’Èbre (Ebro). Le cierzo, le vent fort d’Aragon et de la
Ribera, et l’eau ont sculpté un paysage particulier et varié. Les
rivières et les canaux qui la sillonnent arrosent des potagers
verdoyants qui contrastent avec le désert voisin de Las Bárdenas
(Bardeak). Terre de bonne chère, la gastronomie est un point fort
de la Ribera : grande variété de légumes de qualité, d’excellents
vins et huiles d’olive. La Ribera a vu coexister pendant des
siècles juifs, musulmans et chrétiens qui ont laissé un héritage
culturel remarquable. Tudela la capitale en est l’exemple le plus
frappant.

Tutera/Tudela
Nous atteignons l’Èbre et voici Tudela, seconde ville de Navarre
et capitale de la Ribera. Connue depuis l’époque de la
domination musulmane, la ville est fondée en 802 par Amrus ibn
Yusuf al-Muwalad, sous le règne du roi Al Hakan Ier. C’est l’une
des villes d’origine islamique les plus importantes d’Espagne et
d’Europe. Le pont avec ses 17 arches et ses 360 mètres de long
qui nous accueille à l’entrée de la ville a été construit au IXe
siècle par les Arabes. Le mieux pour découvrir la ville et sentir
la cohabitation des cultures est peut-être de se perdre dans les
ruelles et les passages des anciens quartiers juif et musulman.
Le monument emblématique de Tudela, c’est la cathédrale Santa
María bâtie au XIIe siècle sur la grande mosquée de la ville. Ses
trois portails sont remarquables, en particulier celui appelé Porte
du Jugement final, mélange de roman et de gothique d’influence
française. Le cloître roman conserve quelques éléments de la
mosquée d’origine. Par le cloître, on accède à la chapelle
mudéjare du XVe siècle construite sur le lieu qu’occupait la
principale synagogue de la ville. Bien d’autres monuments
méritent une visite, comme la place de los Fueros, le palais du
Marquis de Huarte, le palais du Marquis de San Adrián ou
l’église de la Magdalena. À l’intérieur de celle-ci, dans l’une des
sépultures, le comte Rotrón d’Alperche a été enterré. C’est lui
qui, sous les ordres d’Alfonso Ier le Batailleur, roi d’Aragon et
de Navarre, prit Tudela aux musulmans en 1119.
Voilà, nous terminons notre troisième parcours à travers le Pays
basque. Dans le chapitre qui suit, nous vous faisons découvrir la
vallée de l’Urola, la plaine d’Álava et bien d’autres choses !
Figure 18-1 : Des vallées pyrénéennes à l’Èbre
Chapitre 19
De la vallée de l’Urola
à la plaine d’Álava
Dans ce chapitre :

Urola, la vallée de pierre, de bois et de fer

De Zumaia en remontant l’Urola

Sur les terres d’Ignace de Loyola

De la vallée du fer à la vallée du sel

Vitoria-Gasteiz, capitale de la Communauté autonome basque

Des chapelles troglodytes aux terres du vin

C emènera
dernier itinéraire sera plus court que les précédents. Il nous
de la côte du Guipúzcoa aux confins de l’Álava en
passant par Vitoria (Gasteiz) sa capitale. Partant de Zumaia au
bord de l’Océan, nous allons d’abord remonter le cours de
l’Urola, rivière qui forme la vallée centrale du Guipúzcoa. Nous
irons donc de la côte vers l’intérieur. Nous traverserons des
vallées encaissées jusqu’à arriver à la vaste plaine de Vitoria-
Gasteiz après avoir franchi les hauteurs qui séparent les deux
provinces. Nous n’emprunterons pas le chemin le plus direct
jusqu’à Vitoria qui se fait essentiellement par l’autoroute en
traversant pas moins de dix tunnels. En effet, cette balade
souhaite vous faire découvrir les trésors culturels et naturels qui
constituent le riche patrimoine de cette région.
Urola, la vallée de pierre, de bois et
de fer
Au cœur du Guipúzcoa, la vallée de l’Urola offre un voyage
attrayant à travers l’histoire. Sur une distance de seulement
50 kilomètres, elle transporte les visiteurs depuis la préhistoire
jusqu’à l’époque de l’industrialisation, au XXe siècle. Ses
bâtiments en pierre et brique, la décoration de style mudéjar
aragonais, vous raconteront le Moyen Âge riche et mouvementé
de la vallée. Beaucoup plus haut dans la vallée, à Urretxu et
Zumárraga, c’est le fer qui a apporté une intense activité
économique.
On appelle architecture mudéjare et style mudéjar une
architecture et un style qui se sont développés dans la péninsule
Ibérique du XIIe siècle au XVIe siècle. Suite à la reconquête par
les royaumes chrétiens de León, de Castille, d’Aragon et du
Portugal, la construction des bâtiments chrétiens et juifs subit
des influences musulmanes dans les techniques et le choix des
matériaux. Les Mudéjars sont des musulmans qui sont devenus
sujets de ces différents royaumes. Le mot espagnol modéjar
vient du mot arabe mudajjan « domestiqué ». Vous noterez au
passage que le royaume de Navarre, pourtant lui aussi chrétien,
ne figure pas dans la liste. Il subira beaucoup moins l’influence
musulmane, sauf évidemment Tudela fondée par les musulmans
(voir à la fin du chapitre précédent).

Dès la préhistoire…
La vallée de l’Urola est un endroit privilégié dans la préhistoire
basque. Des centaines de grottes, dolmens, tumulus parsèment la
région. Signalons d’abord Ekainberri (« nouvelle Ekain » en
basque) à Zestoa, qui est la réplique exacte de la grotte toute
proche d’Ekain, dans la vallée de Sastarrain. Ce site découvert
en 1969 seulement contient un nombre impressionnant de
peintures de l’époque magdalénienne, soixante-dix dessins, il y a
environ 14 000 ans. Déclaré au patrimoine mondial de
l’humanité par l’Unesco le 7 juillet 2008, sa réplique permet une
visite détaillée sans endommager le site original.
Avec le Centre d’interprétation de la nature Algorri à Zumaia, on
remonte beaucoup plus loin dans le temps, à la formation de la
côte basque. À côté d’expositions et autres films documentaires
classiques, le centre propose des visites guidées le long de la
côte entre Zumaia et Deba. Sur plus de 8 kilomètres de falaises,
le flysch, trésor géologique unique, est roi. C’est la « route du
flysch » (Flyscharen Ibilbidea) évoquée au chapitre 17. À
Zumaia les plages d’Itzurun et de Santiago et les rouleaux de la
petite baie d’Orrua, connue des surfeurs pour la vague de droite
qui se forme sur un côté de la baie, offrent le complément idéal à
un séjour, dans laquelle l’eau et la pierre sont les acteurs
principaux.

De Zumaia en remontant l’Urola

Zumaia
Zumaia, belle petite ville citée pour la première fois sur un vieux
parchemin conservé à Roncevaux, est née autour du monastère
de Santa María. Ce monastère, comme le parchemin l’indique, a
été l’objet d’un don du roi de Castille Sanche IV au couvent de
Roncevaux en 1292. C’est l’un des ports de pêche les plus
importants du Guipúzcoa.
Construite sur une petite butte, l’église de San Pedro domine
l’embouchure de l’Urola. L’extérieur est très sobre, c’est un
bâtiment à caractère défensif, avec une tour carrée accolée
s’élevant à 34 mètres. L’intérieur gothique est remarquable avec
une nef unique, une des plus belles du Pays basque. Sa
construction remonte probablement au milieu du XIVe siècle.
Notez un très beau retable sculpté de la fin du XVIe siècle déclaré
monument national.
Situé dans la maison familiale, le musée Zuloaga est un espace
pour admirer la riche collection d’art rassemblée tout au long de
sa vie par Ignacio Zuloaga (1870-1945), son atelier, des toiles de
l’artiste. L’autre musée consacré à Zuloaga se trouve à Pedraza
près de Ségovie.

Zestoa
De Zumaia on remonte l’Urola. À 8,5 kilomètres, c’est déjà
Zestoa. Cité thermale depuis 1804, à la fin du XIXe et au début du
XXe siècle l’aristocratie européenne s’y retrouvait autour de ses
sources d’eau chaude. Mis à part le tourisme thermal, il faut
visiter le palais de Lili.

Le palais de Lili
Tout près de Zestoa, le palais de Lili attire l’attention par sa puissance et son
emplacement sur une pente. De style gothique avec des influences de la Renaissance,
il a été construit à partir du XVe siècle. À côté du château se trouvent la maison de
campagne Lilibea, une forge et des vestiges de moulins. C’est l’un des bâtiments les
plus importants de l’architecture civile gothique du Guipúzcoa, et il garde un secret, « le
secret de Lili ». Il s’agit d’une fenêtre condamnée située à l’intérieur du hall principal que
l’on ne retrouve pas sur la façade extérieure. C’est une énigme pour les architectes.

C’est Pedro de Zeaorrorte qui, en 1822, fait connaître la légende,


devenue célèbre ensuite, de la découverte des eaux de Gesalaga,
connues aussi comme celles de Zestoa. Selon elle, des chiens ou
d’autres animaux affectés par la gale étaient passés
accidentellement dans la source. Ils se trempent dans les eaux et
voient disparaître tous leurs maux. De Zeaorrorte ajoute que les
truites, anguilles et autres poissons pêchés dans la partie de la
rivière qui reçoit les eaux thermales, sont plus savoureux et
délicats que ceux qui sont pris ailleurs. Mais les eaux étaient
connues dès le XVIIIe siècle et en 1776 il y avait un petit
établissement de bains. Les eaux ont été déclarées d’utilité
publique en 1792.
Une autre légende que l’on raconte dans la région. Mateo-
Txistularixa (prononcez tchichtoularicha) est la version basque
de la légende du chasseur errant. Comme punition pour son goût
excessif pour la chasse, il court sans relâche partout dans le
monde, accompagné de ses chiens. Le chasseur est généralement
un prêtre, qui délaisse à moitié la célébration de la messe pour
ne plus revenir. Personne ne l’a encore vu, mais nombreux sont
ceux qui affirment avoir entendu, dans nos forêts et nos
montagnes, son sifflet et le hurlement triste et monotone de ses
chiens.

Sur les terres d’Ignace de Loyola


Nous remontons l’Urola jusqu’à Azpeitia. Si l’architecture
traditionnelle au Pays basque est avant tout de pierre, dans cette
vallée isolée vous allez découvrir une série de bâtiments en
pierre et en brique d’architecture de style mudéjar aragonais,
style lié à des faits précis de l’histoire de cette région.

Azpeitia, palais, églises et musée du


chemin de fer
Cette petite ville portait avec Azkoitia le titre de Ville majeure et
comme sa voisine, tous les quatre ans elle était le siège du
Gouvernement du Roi et de la Députation du Guipúzcoa. Les
Assemblées générales du territoire (Juntas Generales) s’y
réunissent jusqu’au XVIIIe siècle. Bien que le hameau de Loyola
et ses alentours soient très populaires, vous trouverez à Azpeitia
des bâtiments remarquables comme les palais d’Antxieta et
d’Altuna, ou l’église de San Sebastián de Soreasu. Enfants et
adultes pourront y découvrir des locomotives et des wagons de
toutes sortes au Musée basque du chemin de fer.
Si nous entrons par Eliza Kalea (la rue de l’Église), nous
arrivons à la paroisse de Saint-Sébastien de Soreasu. C’est là
qu’a été baptisé saint Ignace de Loyola. À l’origine construite
par les Templiers, elle a été transformée et agrandie au XVIe
siècle. Deux siècles plus tard, on a ajouté une entrée
néoclassique à l’entrée originale plateresque (style architectural
espagnol de transition entre l’art gothique et celui de la
Renaissance). Le clocher constitue la partie la plus ancienne de
l’église. À l’intérieur soulignons le retable baroque de l’autel
principal et, évidemment, la pile (cuve) baptismale protégée par
une grande grille baroque sous le chœur où a été baptisé le futur
saint. Face à l’église Saint-Sébastien de Soreasu se trouve le
palais d’Anchieta.
Le beau palais d’Anchieta doit son nom à son constructeur, le
compositeur de la Renaissance Joanes d’Anchieta. Sa
construction a été développée pendant le dernier tiers du XVe
siècle et le premier du XVIe. La façade s’inspire des tours et
églises aragonaises, mêlant éléments chrétiens et ornements
arabes. C’est le style mudéjar dont nous vous avons parlé plus
haut. Ce qui est innovant dans cette maison, c’est l’incorporation
d’éléments décoratifs religieux à une construction civile. La
façade exotique du palais d’Anchieta a dû rendre jalouses les
familles principales de la vallée, parce qu’on a peu après
construit la maison Altuna, sur l’actuelle Grand-Place. Sa façade
de style mudéjar aragonais a été conservée avec la partie
inférieure en pierre et le reste en brique.

Joanes d’Anchieta, un remarquable musicien et


compositeur
Joanes d’Anchieta (1462-1523) est considéré comme un des fondateurs de la
polyphonie religieuse et profane du XVe siècle en Espagne. Il est une des figures
principales des débuts de l’art musical de la Renaissance. Il est nommé
en 1489 aumônier et chanteur d’Isabelle Ire de Castille. En 1495, il est maître de
chapelle musicale du prince de Gerona et d’Asturies, Juan d’Aragon et de Castille. À la
mort de la reine en 1504, il continue comme aumônier et chanteur de ses successeurs
Juana I, dite Jeanne la Folle, de Felipe I de Castille et de Fernando II d’Aragon jusqu’au
décès de ce dernier en 1516. Éloigné de la cour à cause de son âge, il retourne à
Azpeitia comme recteur de la paroisse Saint-Sébastien de Soreasu.
La basilique de saint Ignace de
Loyola
Entre Azpeitia et Azkoitia se trouve l’un des plus grands
ensembles monumentaux du Guipúzcoa, le sanctuaire de Loyola.
Il a été construit entre le XVIIe et le XVIIIe siècle en l’honneur de
saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus. Sa
maison natale est intégrée dans un ensemble monumental
dominé par une basilique de style baroque.
L’imposante basilique, un des plus étonnants exemples de
l’architecture baroque dans le monde, a été dessinée par
l’architecte italien Carlo Fontana comme un petit Vatican.
Commencée en 1682, elle a été réalisée par les maîtres basques
Zaldua, Lecuna et Ignacio Íbero mais achevée seulement en
1888. C’est un grand édifice avec une façade de 150 mètres de
long dont le centre est surmonté d’une coupole. L’autel principal
est en marbre sculpté et orné d’abondantes incrustations d’or,
avec en son centre la statue de saint Ignace. Le sol couvert par
un dallage en marbre couleur gris et rose forme une magnifique
mosaïque concentrique. Signalons que les portes extérieures de
la basilique sont en cèdre du Liban et que le reste de la boiserie
est fait de bois d’acajou provenant de La Havane.
La maison-tour construite à la fin du XIVe siècle, détruite puis
partiellement reconstruite, se situe dans les limites du sanctuaire.
Il s’agit d’une tour médiévale carrée à quatre étages où est né
saint Ignace. C’est, semble-t-il, le plus ancien des bâtiments de
l’architecture mudéjare aragonaise de la vallée d’Urola, et
probablement le modèle de tous. Il abrite aujourd’hui un petit
musée dédié à la famille de Loyola.
Cette maison-tour a été construite par l’arrière-grand-père de
saint Ignace, Beltrán Yañez de Loyola, vers la fin du XIVe siècle,
pour faire face aux Ganboar, une lignée locale ennemie. Pour se
défendre, les chefs de lignée construisaient leurs maisons
comme des forteresses. C’est ce qu’on appelle les maisons-tours,
dorretxeak. En 1457, Henri IV de Castille dicte un ordre contre
ces chefs, ordonne de détruire leurs maisons et les envoie en
exil. La punition est levée en 1460. Elle autorise les exilés à
retourner au pays où ils reconstruisent leurs maisons. La pierre
leur étant interdite, elles seront de bois et de brique. Voilà
comment le grand-père de saint Ignace, Juan Pérez de Loyola,
de son exil en Andalousie aurait rapporté les belles arabesques
mudéjares qui ornent la partie supérieure de sa maison. Il
n’existait pas de constructions de ce type en Andalousie. Sans
doute, Juan Pérez de Loyola devait connaître Saragosse en
Aragon, ou au moins la Ribera de Navarre. Il a dû engager des
maîtres de travaux maures pour reconstruire sa maison. C’est
donc au XVIe siècle que le style mudéjar aragonais fait son
apparition en Guipúzcoa à partir d’Azpeitia.

Le Musée basque du chemin de fer


Quittons l’architecture pour un tout autre exemple du génie
humain, le transport ferroviaire. C’est dans les garages et les
ateliers de l’ancien chemin de fer de l’Urola à Azpeitia que se
trouve le Musée basque du chemin de fer. Vous y découvrirez
l’histoire du chemin de fer au Pays basque, depuis les vieux
trains qui ont permis la révolution industrielle jusqu’aux unités
ultramodernes du métro de Bilbao. Du mode de fonctionnement
des trains à vapeur à l’importance des transports publics dans le
développement durable dans la société actuelle. Le musée
compte une des meilleures collections de trains de l’Europe,
avec des véhicules de tous types : locomotives à vapeur, diesels,
électriques, véhicules à moteur, et wagons de toutes sortes.
Une balade en train à vapeur
Quoi de plus excitant qu’un voyage en train à vapeur ! Un train à vapeur effectue un
parcours de cinq kilomètres sur l’ancien tracé du chemin de fer Zumárraga-Zumaia
appelé aussi chemin de fer de l’Urola. Le matériel utilisé est la locomotive Aurrera (« en
avant » en basque du sud) construite en Grande-Bretagne en 1898 pour le chemin de
fer reliant Saint-Sébastien à Elgoibar à la limite de la Biscaye. Les voitures de troisième
classe Pagoa (« le hêtre ») et Aritza (« le chêne ») ont été fabriquées par la Compagnie
auxiliaire du chemin de fer (CAF-Beasain) en 1925. Ce train à vapeur fonctionne du
21 avril jusqu’au 1er novembre. Certains jours, on met en marche cinq des sept
locomotives à vapeur qui se trouvent dans le musée. Le train à vapeur de la vallée de
l’Urola peut être loué et vous pouvez prendre des cours d’initiation à la conduite des
locomotives.

Construcciónes y Auxiliar de Ferrocarriles (CAF) est une


importante entreprise de construction ferroviaire basée à Beasain
en Guipúzcoa, à 34 kilomètres d’Azpeitia. Produisant du
matériel innovant, c’est un acteur important sur les marchés
internationaux. CAF a par exemple fourni du matériel roulant
pour le métro de Washington, le métro d’Alger, la ligne à grande
vitesse entre Istanbul et Ankara en Turquie, ou obtenu une
concession de trente ans pour la fourniture du matériel roulant et
l’exploitation du Ferrocarril suburbano de la zone
métropolitaine de Mexico.

Azkoitia, berceau des Lumières


basques et de pelotaris
À l’origine, Azkoitia est une enceinte murée avec deux rues et
deux portes (la Porte d’en Haut et la Porte d’en Bas). Comme
Azpeitia distante de seulement 5 kilomètres, c’est une ville
administrative importante jusqu’au XVIIe siècle. À l’époque
moderne apparaît le mouvement des Lumières avec comme chef
de file Xavier de Munibe, comte de Peñaflorida. Celui-ci crée
en 1763 à Azkoitia la Société royale des amis du pays. Les
membres de cette société savante sont connus comme les
« Caballeritos d’Azkoitia » (les petits cavaliers d’Azkoitia).
Parmi les nombreux palais et maisons nobles d’Azkoitia, vous
pourrez visiter le palais baroque d’Insausti, demeure de Xavier
de Munibe. Unique en son genre puisqu’il correspond à l’esprit
novateur de son propriétaire, tout un traité théorique
d’architecture a été développé pour sa construction. Notez le
palais de Floreaga de style mudéjar et la maison-tour de Balda,
bâtiments modifiés sur ordre d’Henri IV pour supprimer leur
caractère défensif – vous connaissez maintenant cette histoire –
et reconstruits peu après. L’église Santa María la Real est
terminée au XVIIIe siècle. La tour, le porche, la sacristie et le
presbytère sont dans le style baroque le plus pur. Mais c’est
l’orgue qui en est le joyau. Construit en 1898 par Cavaillé-Coll,
célèbre facteur parisien, peu avant sa mort, il a été inauguré par
Fernand de La Tombelle, compositeur et organiste français
réputé. Avec ses quarante jeux, ses trois claviers, cet orgue est
considéré comme l’un des plus importants du monde dans son
genre.

De l’importance de la pelote basque


Sous les arcades de la Maison Consistorial est situé le
Kontsekupe (« Sous le Conseil » en basque) où le culte de la
pelote basque est élevé au plus haut niveau. Azkoitia est
considérée comme le berceau des pelotaris. Mais rappelez-vous
que Markina-Xemein revendique, elle, le titre d’Université de la
pelote (voir chapitre 17). Azkoitia, ville adoptive du sculpteur
Jorge Oteiza, dispose aussi d’un ensemble architectural d’avant-
garde. Inspiré directement par Oteiza et combiné à la tradition
pelotazale (« amateur de pelote ») de la ville, un ensemble de
sept frontons de pelote a été construit. Ils symbolisent les sept
provinces historiques basques. Chacun d’eux correspond à une
des spécialités de la pelote. Quand on vous dit que la pelote,
c’est quelque chose au Pays basque !

De la vallée du fer à la vallée du sel


Nous quittons Azkoitia et suivons la route qui remonte le long
de l’Urola. Près de la moitié de la population de la vallée habite
dans l’agglomération formée par les petites villes de Zumárraga,
Urretxu, Ezkio-Itsaso et Legazpi. Nous sommes dans le haut
Urola (Urola-Garaia), plus très loin de la source de l’Urola dans
la montagne Aizkorri. Avec ses 1 528 mètres d’altitude,
1 531 selon d’autres, l’Aizkorri n’est pas le point culminant de
la Sierra d’Aizkorri, mais c’est le sommet le plus connu.
L’étymologie basque est évidente, aitz « pierre, rocher » et gorri
« rouge ».
On note dans la région la présence de l’homme préhistorique
avec les tumulus d’Arrolamendi, d’Aantzetako Gaña, de
Pagobakarra, d’Oleta et d’Elorrieta ou les dolmens d’Oamendi et
d’Irumugarrieta. Des ermitages et des églises pour l’architecture
religieuse, des maisons nobles, les fermes d’Urretxu ou la place
de Zumárraga sont de bons témoignages de l’architecture civile.
Mais elle est d’abord connue comme la vallée du fer – les
scories, les forges, les barrages, les canaux, les mines, les fours,
les ateliers… parsèment le paysage –, produit d’une activité
industrielle très ancienne.

L’ermitage de Santa María de


Zumárraga
L’ermitage de Santa María de Zumárraga, appelé Antigua
(l’ancienne) a été l’église primitive de la cité de Zumárraga. Elle
est restée seule sur sa colline alors que la population, soucieuse
de progrès, est descendue au bord de l’Urola, et a commencé à
s’installer en direction d’Urretxu et de Legazpi. À l’exception
des murs et des colonnes, tout est en bois. On ne sait quoi
admirer le plus, la boiserie de son plafond, les formes du chœur
(on y a découvert dans la charpente des restes des peintures
d’origine), ou les hauteurs, les poutres et les étais décorés de
figures féminines, de têtes de loup et de dessins géométriques.
Avec le portail, sous le chœur, la cuve baptismale est
magnifique.
Cette église, dont les origines remontent aux XIIe-XIIIe siècles, est
entourée d’une légende qui fait référence à sa construction. La
tradition orale rapporte que les pierres avec lesquelles on a
construit le sanctuaire ont été lancées par les Gentils (Jentilak),
des géants de la mythologie basque, êtres dotés d’une force
extraordinaire, constructeurs des dolmens, des cromlechs, des
menhirs, des maisons-tours. On a attribué la construction de
beaucoup d’églises du pays à ces architectes bien particuliers
aux pouvoirs extraordinaires. Depuis Aznabarreta, ils lançaient
les rochers au-dessus de la montagne d’Aizkorri.

Ezkio-Itsaso, relique de la ruralité


Laissons l’Urola à Zumárraga et prenons sur notre gauche, vers
l’est. La localité d’Ezkio-Itsaso à 6,5 kilomètres est un bon reflet
des enclaves rurales que l’on peut trouver dans cette zone. La
chapelle Andra Mari de Kizkitza se trouve sur un des chemins
de Saint-Jacques. Une vierge adorée par les marins à l’intérieur
des terres pourrait surprendre. En effet la chapelle dispose d’un
phare qui servait à guider les bateaux qui naviguaient sur la côte
guipúzcoane.
La ferme Igartubeiti représente, comme aucune autre, ce que
nous pourrions appeler l’âge d’or de l’etxe basque en
Guipúzcoa. Vers 1630, à son apogée, la ferme a été étendue et
transformée afin de s’adapter aux nouveaux modes de vie et de
travail. La structure originale en bois du XVIe siècle n’a pas été
affectée, ce qui permet d’apprécier actuellement les différentes
techniques de construction de chaque époque. La structure de
bois parfaitement conservée et le pressoir à pommes du XVIe
siècle font d’Igartubeiti une des fermes les plus intéressantes de
tout le Pays basque. Devenue musée, centre d’interprétation,
vous y trouverez en concentré un reflet des valeurs culturelles,
historiques, anthropologiques et symboliques de cette époque.
Les supposées apparitions d’Ezkio-Itsaso ont eu lieu dans les
années trente, pendant la République. Au cours des premiers
mois, des foules énormes se rendent à la prairie d’Anduaga
d’Ezkio. Deux jeunes bergers, Andrés et Antonia Bereziartua, y
ont eu des visions de la Vierge. Après le désaccord de l’Église
sur leur authenticité, les rassemblements diminuent
d’importance mais ne vont pas totalement disparaître. Les
pèlerinages continuent encore de nos jours.
La Vierge se serait présentée avec une épée dans une main et le
rosaire dans l’autre. Ceci a été interprété comme un signe clair
qui donnait à choisir aux hommes la guerre ou la paix. La
prophétie s’est accomplie selon les partisans de l’authenticité
puisque cinq années après c’était la guerre civile espagnole…

Le parc de Mirandaola, une intense


activité industrielle
Remontons encore la vallée. À 5 kilomètres de Zumárraga se
trouve la petite cité minière de Legazpi, nous sommes déjà à
400 mètres d’altitude. Dans le parc de Mirandaola situé sur les
versants de l’Aizkorri où naît l’Urola, vous aurez l’occasion de
vous immerger dans l’industrie du fer du Moyen Âge. En effet,
autrefois le martèlement des forges et l’odeur du fer
envahissaient toute la vallée. Vous trouverez dans le parc le seul
fronton d’Europe entièrement construit en fer et des zones
aménagées avec des barbecues où passer de bons moments.
L’ancienne forge de Mirandaola offre donc la possibilité de faire
un voyage dans le passé dans une reconstruction fidèle d’une
forge du XVIe siècle. Vous pourrez assister au travail des
forgerons en costume d’époque dans un décor sans pareil. Les
ouvriers ouvrent la vanne de sortie d’eau en fonction de la force
dont ils ont besoin pour actionner les soufflets et les marteaux au
moyen de roues hydrauliques. Le four est chargé en alternant des
couches de charbon et de minerai émietté. Les deux soufflets
actionnés par la force de l’eau fonctionnent alternativement pour
maintenir le feu toujours à la température souhaitée. Dans le
four, la masse de fer peu à peu se transforme en une masse molle
en se libérant des impuretés. Le forgeron à l’aide de longues
tenailles sort la masse pâteuse incandescente et il la place sur
l’enclume sous le martinet qui la frappe avec force. Le bruit
assourdissant que produisent les coups secs du martinet contre le
fer se répand dans toute la vallée.

Le miracle de la forge de Mirandaola


La forge de Mirandaola est renommée pour avoir été une des dernières à fermer ses
portes et pour un miracle qui est rappelé chaque année. On met en marche la forge le
jour de la Sainte-Croix, le dimanche qui suit le 3 mai. Elle est en parfait état de
fonctionnement car elle a été reconstruite durant les années cinquante. Le miracle s’est
produit, selon ce que l’on rapporte, en 1580 quand les forgerons n’ont pas respecté le
repos dominical obligatoire. Ils ont été complètement étonnés quand au lieu de la
quantité de fer qu’ils attendaient, ils n’ont obtenu qu’une petite croix de fer ! C’est le
miracle de la Sainte-Croix. Pour les visites, la forge est ouverte tous les dimanches en
époque estivale et le premier dimanche de chaque mois pendant l’hiver.

La vallée du haut Deba


Après Legazpi, nous continuons la route qui mène à Oñati en
laissant l’Urola sur notre gauche et en franchissant le col de
(574 mètres d’altitude). La Deba est une rivière à peu près
parallèle à l’Urola qui se jette dans l’Océan dans la station
balnéaire du même nom. Nous voilà dans la vallée du haut Deba
(Debagoiena en basque). On traverse la petite ville d’Oñati qui
depuis le XVe siècle jusqu’à 1845, année où elle se joint à la
province du Guipúzcoa a été sous la seigneurie des Guebara.
Elle est considérée comme la ville la plus monumentale du
Guipúzcoa. Le peintre Ignacio Zuloaga dont nous vous avons
parlé plus haut l’a décrite comme la Tolède basque. Au
chapitre 222, vous aurez l’occasion de connaître deux
monuments remarquables d’Oñati, on dit aussi Oñate, l’ancienne
université d’une part et le sanctuaire de Notre-Dame
d’Arantzazu à 10 kilomètres, en pleine montagne à 750 mètres
d’altitude. Mais n’hésitez pas à visiter la ville pour découvrir les
maisons nobles, les couvents et sa belle église.
Le Corpus ou Fête-Dieu était une espèce de représentation
théâtrale, à l’origine, une fête médiévale modeste qui devient, à
partir du XVIe siècle, l’une des plus importantes de la liturgie
catholique. À Oñati, comme ailleurs, la procession comprenait
des images de saints, des carrosses représentant des
bouffonneries, des musiciens, des danseurs, des confréries, des
groupements de métiers, et des autorités civiles et religieuses.
Actuellement, en tête du cortège se situe la Confrérie du Saint-
Sacrement, dont les confrères défilent derrière l’étendard,
portant des cierges et vêtus de capes sombres. Ensuite, les
Apôtres et l’archange saint Michel patron de la ville, avec leurs
perruques, leurs masques et leurs attributs caractéristiques. Et
finalement, les « dantzaris » (danseurs), qui accompagnent le
cortège, symboles du respect et de la joie, caractéristiques de
cette festivité.
Après avoir passé Mondragón (Arrasate) le berceau du
coopérativisme industriel, comme vous l’avez appris au
chapitre 13, et avant d’entrer dans la province d’Álava, vous
pouvez vous arrêter à Leintz-Gatzaga (gatzaga en basque
signifie salines), une localité dont l’identité est liée à
l’exploitation du sel.
Voici une légende, encore une, à propos du nom de la ville de
Mondragón. Dans la grotte de Murugain dans la montagne de
Santa Bárbara habitait un dragon, Herensuge. Il tuait et mangeait
autant les animaux que les humains, il dominait et terrorisait
toute la vallée. Mais il fut vaincu par les ferronniers de la région.
On pense que cette légende est née après l’attribution du nom à
la ville, pour le justifier.

Leintz-Gatzaga
L’industrie saline a été étroitement attachée à la fondation de
Leintz-Gatzaga comme à son développement économique au
cours de l’histoire. Les deux chaudières de cuivre pour
l’obtention du sel présentes sur l’écusson de la ville le
rappellent. Vous pourrez visiter le musée du Sel situé dans les
anciennes installations de production, et connaître de cette façon
l’histoire des producteurs de sel sur le lieu même de son
exploitation.
À Leintz-Gatzaga se trouve le sanctuaire de la Vierge de
Dorleta. Et voilà que la Vierge de Dorleta est couronnée
le 26 octobre 1958. Rapidement, des amateurs de vélo
demandent aux autorités ecclésiastiques basques d’élire cette
Vierge patronne des cyclistes. Trois cyclistes basques,
accompagnés par des représentants des fédérations, se rendent à
Rome en bicyclette pour être reçus par le pape Jean XXIII. La
rencontre est couronnée de succès puisqu’à la suite de cette
audience papale la Vierge de Dorleta est intronisée patronne
universelle des cyclistes. Les cyclistes sont aujourd’hui
nombreux à venir se recueillir devant la Vierge de Dorleta.

La polémique d’Iruña-Veleia
Une polémique a enflammé tout récemment les philologues et linguistes basques et
bien au-delà les milieux intellectuels et des médias au Pays basque. On a découvert il y
a peu dans le site archéologique d’Iruña-Veleia des objets romains, dont un ensemble
de supports gravés avec des inscriptions à caractère religieux d’origine chrétienne en
langue basque. Ceci serait d’une importance capitale pour l’étude de la langue basque.
Elles dateraient d’une période allant du IIIe au VIe siècle après J.-C. Il y aurait donc eu
coexistence des deux langues et cultures basques et latines. Parmi ces inscriptions en
argile, on a trouvé des mots du vocabulaire basque actuel courant comme edan
« boire », jan « manger » ou lo « dormir ». Nous employons le conditionnel car après
avis d’universitaires et d’experts, les autorités ont déclaré que si les inscriptions sont
bien réelles elles sont fausses. D’autres continuent à affirmer qu’on a bien des mots en
basque écrits il y a fort longtemps.

La plaine d’Álava
Nous quittons Leintz-Gatzaga en direction de Vitoria au sud qui
se trouve à 40 kilomètres. Nous franchissons le col d’Arlaban
à 617 mètres qui nous permet de descendre sur la plaine d’Álava
(la Llanura Alavesa en espagnol). C’est une terre de transition
dont le paysage rappelle déjà les plaines du sud de la péninsule
Ibérique. Les Romains s’installèrent dans la plaine d’Álava qui
était traversée par la célèbre voie Astorga-Bordeaux. L’oppidum
d’Iruña-Veleia est l’un des principaux vestiges de la présence
des Romains. Ils contribuèrent au développement de
l’agriculture dans la vallée de l’Èbre.

Vitoria-Gasteiz, capitale de la
Communauté autonome basque
Vitoria (Gasteiz) est la capitale de la province d’Álava et de la
Communauté autonome basque (réunion des trois provinces
d’Álava, de Biscaye et du Guipúzcoa). Le quartier médiéval se
dresse sur un monticule dominé par la cathédrale Santa María.
Nous vous en parlons au chapitre 22 parmi dix monuments
remarquables. Les rues du quartier forment un réseau en forme
d’amande. On peut commencer par la place de la Virgen Blanca
(la Vierge Blanche), axe qui sépare la partie moderne de la ville
du quartier médiéval. Avec le monument en commémoration de
la bataille de Vitoria au centre, la place donne sur l’église San
Miguel.
La bataille de Vitoria a eu lieu le 21 juin 1813. Les troupes
françaises qui escortent Joseph Bonaparte, roi d’Espagne, dans
sa fuite, y sont battues par des troupes britanniques, espagnoles
et portugaises alliées commandées par Arthur Wellesley, duc de
Wellington. Elles vont ensuite conquérir tout le Pays basque
occupé par les troupes napoléoniennes.
Revenons à l’église San Miguel. Dans le portique de la façade se
trouve une niche contenant la statue polychrome de la Vierge
Blanche, la patronne de Vitoria. À l’intérieur, le maître-autel est
un véritable chef-d’œuvre baroque. Sur la gauche de l’église,
vous accéderez à la place du Machete, où se dresse le palais de
Villasuso (XVIe siècle). En montant les escaliers qui le
contournent, vous déboucherez dans la rue de Santa María. On y
voit l’une des premières constructions nobles de Vitoria, le
palais de Montehermoso. En descendant par la ruelle Santa Ana,
vous apercevez le palais de Bendaña qui abrite le musée Bibat
né de la fusion du musée d’Archéologie et du musée Fournier de
cartes. De retour dans la rue Correría et en descendant par la
venelle Carnicerías, on voit pointer la tour de Doña Otxanda.
Vous pouvez terminer la promenade par l’église gothique de San
Pedro.

Les fêtes de Vitoria-Gasteiz et la « Bajada del Celedón


»
La fête de « La Blanca » (La Blanche) est célébrée la première semaine du mois d’août,
en l’honneur de la « Virgen de las Nieves » (La Vierge des Neiges). Les festivités
démarrent avec le « chupinazo » comme à Pampelune mais ici c’est la « Bajada del
Celedón » (la Descente de Celedón). Celedón représente un villageois de Zaldueno qui
venait aux fêtes de Vitoria. À l’aide de son parapluie qu’il utilise en guise de parachute, il
descend du haut du clocher de l’église de San Miguel (Saint-Michel) jusqu’à la place de
la Virgen Blanca où la foule l’accueille. Comme à Bilbao, Pampelune ou Saint-
Sébastien, c’est le départ pour une semaine ininterrompue de festivités.

Aux alentours de Vitoria-Gasteiz


Le centre-ville est entouré de parcs naturels avec sentiers,
ruisseaux et une grande forêt de chênes rouvres. Vitoria est ainsi
la ville avec le taux le plus élevé de zones naturelles de tout
l’État espagnol (20 m2 par habitant). Si Bilbao est la capitale
économique, Saint-Sébastien la capitale touristique, Vitoria est
la capitale administrative. Depuis 1980, elle accueille les
institutions les plus importantes du Pays basque : le palais
d’Ajuria Enea est la résidence officielle du président de la
Communauté autonome (le Lehendakari), le siège du
Gouvernement basque (Eusko Jaurlaritza) à Lakua et celui du
Parlement basque.
En quittant le centre de Vitoria, vous pouvez vous promener
jusqu’à Armentia où se trouve la basilique San Prudencio. C’est
une construction romane modifiée qui fut le siège de l’évêché
jusqu’à son transfert à Calahorra. On ne peut pas quitter Vitoria
sans passer par la basilique d’Estíbaliz, une église romane
consacrée à la patronne de l’Álava, avec un magnifique portail et
une statue de la Vierge datant du XIIe siècle.

Des chapelles troglodytes aux terres


du vin
Notre itinéraire se termine, à deux pas de la capitale, dans le
parc naturel d’Izki, après avoir traversé le comté de Treviño,
enclave appartenant administrativement à la province de Burgos
mais située au beau milieu de l’Álava. À hauteur de Ventas de
Armentia, vous allez sur la BU-741 en direction de Bernedo
pour prendre très vite une bifurcation à droite. Là se trouve
Faido, avec ses gobas ou grottes creusées par l’homme dans
l’Antiquité. La plus grande de ces grottes est occupée par
l’ermitage de la Virgen de la Peña, la plus ancienne église
chrétienne du Pays basque. C’est un joyau extrêmement curieux
d’architecture, taillé dans la roche. De retour sur la BU-741, la
bifurcation suivante sur la gauche vous conduira à Markinez,
avec ses seize grottes creusées dont la plus célèbre est la grotte
de Santa Leocadia, avec ses reliefs sculptés.

Laguardia, capitale du vin


De Vitoria empruntez la route A-2124 direction Laguardia qui se
trouve à 44 kilomètres. En haut du col de Herrera, prenez le
temps de vous arrêter au Balcon de la Rioja qui domine
l’immense plaine de l’Èbre. Vous atteindrez bientôt Laguardia
(Guardia en basque), capitale du vin, la localité la plus
importante de la Rioja Alavesa (Arabako Errioxa). Située sur un
plateau, Laguardia conserve une bonne partie de ses épaisses
murailles construites au XIIIe siècle, sous le règne de Sanche VII
le Fort (Santxo Azkarra). Nous vous avons souvent parlé de lui
au chapitre 1. Flânez dans ses ruelles ; au détour de l’une d’elles
vous apercevrez la maison natale du fabuliste Samaniego ou les
automates articulés de l’horloge de l’Hôtel de Ville. Laguardia
possède deux églises fortifiées, San Juan et Santa María de los
Reyes, avec son portail polychrome du XVIIIe siècle
exceptionnellement bien conservé. En effet, normalement la
peinture sur pierre disparaît au fil du temps.

La Rioja Alavesa sur les rives de


l’Èbre
L’Èbre constitue la frontière naturelle qui sépare les provinces
d’Álava et de la Rioja. La Rioja Alavesa, en Álava donc, tournée
vers l’Èbre, est la terre d’excellents vins et de villages aux
fortifications médiévales. Ainsi Labastida (Bastida) où les deux
arcs d’entrée à la ville, Toloño et Larrazuria, appartenant aux
anciennes murailles ont été conservés. La localité de Lapuebla
de Labarca doit son nom à une barque qui autrefois traversait
l’Èbre à cet endroit. Les lointaines origines de la culture du vin
dans la région peuvent être observées dans les caves de Las
Cuevas datant des XVIIe et XVIIIe siècles.
Selon la légende, la Vierge du village d’Assa sur les bords de
l’Èbre apparaissait souvent à Lapuebla de Labarca. Les habitants
d’Assa, constatant que la Vierge disparaissait, la ramenaient
régulièrement chez eux. Mais à chaque fois, la Vierge revenait à
Lapuebla de Labarca. Les habitants d’Assa en conclurent donc
que la Vierge souhaitait rester à Lapuebla et décidèrent donc de
l’y laisser une fois pour toutes.
Voilà, notre quatrième et dernier parcours à travers le Pays
basque se termine. Plus court que les autres, il a été aussi plus
détaillé. Dans le chapitre qui suit et qui clôt cette partie intitulée
« Le tour du Pays basque, océan et montagne réunis », nous
vous faisons découvrir une douzaine de lieux extraordinaires.
Mais comme vous avez pu le constater peut-être, c’est tout au
long de votre Pays basque pour les Nuls que vous pouvez
découvrir tel port, tel site étonnant, telle montagne, en fonction
des sujets traités, des anecdotes racontées.
Chapitre 20
Quelques lieux
extraordinaires
Dans ce chapitre :

Urdaibai, réserve mondiale de la biosphère

La vallée salée d’Añana

Les gorges de la montagne de Leyre

Le désert des Bárdenas Reales

Le paradis de l’eau : Urederra

Les lacs artificiels de La Arboleda

Artikutza, une relique vivante

Le parc naturel de la Seigneurie de Bertitz

À perte de vue du haut de la Rhune

Les gorges de Kakouetta

Le pont d’Holtzarte

D ans ce pays où les contrastes ne manquent pas, vous


trouverez facilement des paysages surprenants, éclaboussés
de beauté. Nous voudrions vous en présenter quelques-uns que
nous avons choisis pour vous. La plupart d’entre eux sont des
parcs naturels ou réserves de la biosphère. Ils nous amèneront
dans les différentes provinces.
Urdaibai, réserve mondiale de la
biosphère
La superbe réserve de la biosphère Urdaibai se situe dans
l’embouchure de la rivière Oka en Biscaye (Bizkaia). Bordée par
les falaises et les plages de la côte sur 12 kilomètres, à l’intérieur
ce sont des forêts et des rivières avec d’importants marais. Elle
représente probablement la plus grande diversité de paysages et
de réserves écologiques de la Communauté autonome
d’Euskadi.
Pourtant l’homme fait partie intégrante de ses nombreux
écosystèmes et biotopes. Cette présence ancestrale de l’être
humain dans les fermes dispersées a façonné le paysage.
Urdaibai a été classée réserve mondiale de la biosphère par
l’Unesco en 1984.

Mundaka, une vague mythique


Dans cette splendide réserve où les marées jouent un rôle
important, vous serez surpris par la ria de Mundaka qui occupe
le centre d’Urdaibai. C’est là que se crée une des vagues
techniquement les plus parfaites du monde, la meilleure vague
gauche d’Europe, véritable mythe pour les surfeurs ! Et voilà
qu’en 2005 le fleuve est dragué. Ceci entraîne la modification de
son cours naturel et supprime la vague, rendant bien des surfeurs
malheureux. Par chance, la vague est reparue ensuite de manière
naturelle. Elle a retrouvé sa puissance, sa rapidité et sa
régularité, formant un rouleau de plus de 300 mètres de long.
L’épreuve Billabong Pro Mundaka qui compte pour le
Championnat du monde de surf s’y déroule de nouveau. Des
plages magnifiques (Kanalpe, Laida, Laga…) et des petites
criques (Ondartzape, Antzoras, Ogeia, Lapatza…) entrecoupées
de falaises vous y attendent.
La très grande diversité qui caractérise ce site se retrouve dans
les forêts de chênes verts, de maquis, de landes, de rochers et de
plantes aquatiques. En ce qui concerne la faune, la communauté
la plus importante est constituée par des oiseaux. En effet, cette
zone humide est un endroit de passage pour de nombreux
oiseaux migrateurs que vous pouvez admirer, ainsi que beaucoup
d’oiseaux sédentaires qui nidifient. Parmi les mammifères de
cette réserve, mentionnons le vison d’Europe dont subsistent
quelques rares exemplaires. Espèce très menacée, ce sont les
seuls au Pays basque.
La tradition dit que le litige qui opposait Bermeo et Mundaka
pour la possession de la petite île d’Izaro a été réglé par une
régate entre deux équipages de chacun des deux petits ports.
Celui d’Elantxobe servait d’arbitre. L’île se trouve à
3 kilomètres de Bermeo et à 2,2 kilomètres de Mundaka. Le
chalutier de Bermeo en tête aurait heurté un rocher avec une
telle force qu’il a été cassé en deux et qu’un marin a été noyé.
Bermeo perdait un homme mais gagnait une île ! La mairie de
Bermeo rappelle sa possession de l’île d’Izaro tous les ans le
22 juillet, fête de la Magdalena. Pendant une romería maritime,
sorte de pèlerinage et de fête populaire, le maire lance dans les
eaux de l’île une tuile de Bermeo. Ceci prouve que les toits de
Bermeo arrivent jusqu’au lieu où tombe la tuile. La promenade
en mer continue jusqu’à Elantxobe. Là, le maire souhaite la
bienvenue à celui de Bermeo et lui remet son bâton de maire.
Ainsi le maire de Bermeo détient le pouvoir sur les deux
localités pendant toute la durée de la fête à Elantxobe. Enfin, en
milieu d’après-midi, ils partent vers Mundaka où se répète la
cérémonie. La romería continue ensuite à Bermeo avec de la
musique et une grande animation qui attire de très nombreux
visiteurs. Et voilà comment un conflit devient une occasion de
fête !

La vallée salée d’Añana


Nous voici maintenant en Álava (Araba), à Añana. C’est une
vallée parsemée de terrasses blanches où l’eau coule de l’une à
l’autre, formant une mosaïque de morceaux de miroir blanc. Ce
sont en fait des centaines de plates-formes sur pilotis qui sont
disposées en terrasses. Le sel blanc obtenu est d’une grande
pureté. La vallée salée d’Añana (Añanako gatz harana) est
peuplée depuis la nuit des temps. À l’âge de fer, les habitants
quittent la partie basse des versants et s’installent dans des
enclaves élevées et faciles à défendre. Au temps de l’Empire
romain, à quelques kilomètres de l’exploitation, une nouvelle
ville, Salionca, est édifiée. La population attirée par son
développement économique abandonne les camps fortifiés pour
aller habiter la ville. Mais Salionca est détruite par un incendie
vers le Ve siècle.
Les salines d’Añana ont connu leur heure de gloire au XIXe
siècle. À l’Exposition universelle de Londres en 1851, la qualité
de leur sel est récompensée. L’exploitation atteint son apogée au
milieu du XXe siècle : la vallée compte alors 5 648 bassins
exploités. Mais l’amélioration de la production des salines du
littoral, les méthodes industrielles dans les gisements de sel
gemme, l’apparition de lignes ferroviaires vont rendre le sel
d’Añana trop cher.
La saumure est fournie par des sources, de manière naturelle et
continue. Il en existe en grand nombre dans la vallée. L’eau
salée s’écoule naturellement et son transport se fait par un réseau
de canaux. Il suffit de laisser évaporer l’eau contenue dans la
saumure par voie naturelle et… voilà le sel !
Dans le mont Somo situé au sud d’Añana se trouve le lac
Caicedo (Kaizedo). On raconte qu’une femme demanda à
manger dans une maison située à l’endroit où se trouve
aujourd’hui le lac. Les patrons lui refusent de la nourriture,
tandis que le domestique lui offre un morceau de pain qu’il avait
gardé pour lui. La femme, en le remerciant, l’avertit alors que la
maison sera engloutie par les eaux et l’invite à s’enfuir. Le
domestique s’échappe immédiatement en courant, juste avant
que la maison ne disparaisse sous les eaux qui formeront le lac.
À Añana et à Koartango, les gens croient depuis que les orages
viennent de ce lac.
Les gorges de la montagne de Leyre
Partons maintenant vers l’est, en Navarre (Nafarroa). La sierra
de Leyre est la première montagne avant les Pyrénées, au sud-est
de Pampelune. La roche est traversée par les magnifiques gorges
de Lumbier et d’Arbayún.

Lumbier/Irunberri
Avant de découvrir ces gorges, visitons Lumbier, Irunberri en
basque, la nouvelle Irún. Cette localité est située au confluent
des rivières Irati et Salazar qui ont creusé ces canyons. Son
patrimoine intéressant mérite bien une promenade. Parmi les
constructions civiles notons la mairie du XVIe siècle. En ce qui
concerne l’art religieux, vous trouverez des retables baroques
ornés de peintures rares et de sculptures de style gothique des
XIVe et XVe siècles.

Mais les extraordinaires gorges toutes proches d’Arbaiun et de


Lumbier nous invitent à entrer dans un univers naturel unique.

Le canyon d’Arbayún
Pendant des millions d’années, la rivière Salazar a creusé les
montagnes de Lumbier, forgeant la plus étendue et la plus
impressionnante des gorges navarraises : le canyon d’Arbayún,
Arbaiungo arroilla en basque. C’est un défilé de 6 kilomètres de
longueur parcouru par des eaux rapides entre des parois
verticales allant jusqu’à 385 mètres de profondeur. La zone a
une faune particulièrement riche, avec par exemple plusieurs
sortes de vautours ou le lynx. Cet endroit constituait le couloir le
plus spectaculaire que traversaient autrefois les almadieros, des
radeleurs. Ces hommes transportaient, descendaient les arbres
des Pyrénées à travers les rivières en radeaux, les almadías.
Articulés entre eux par des cordes, ils les dirigeaient dans les
rapides. Voir au chapitre 18.
Le canyon de Lumbier
Le canyon de Lumbier, Irunberriko arroilla, est un autre de ces
trésors naturels de Navarre. Moins sauvage que celui d’Arbayún,
il nous offre l’occasion de jouir de la beauté d’un défilé
remarquable. Creusé comme par un couteau par la rivière Irati,
le trajet d’un peu plus d’un kilomètre est surplombé par des
parois de 120 mètres de haut. Un sentier mène à l’ancien chemin
de fer d’Irati, premier train électrique de la péninsule Ibérique.
Au début, ce train, pratiquement parallèle à la rivière, servait au
transport du bois. Il a fonctionné jusqu’en 1955. Au bout du
chemin, on débouche sur le Pont du Diable. Dans ce cadre
incomparable vivent de nombreux rapaces et autres oiseaux :
vautours, aigles royaux, choucas, monticoles bleus, hirondelles
de rochers…

Le désert des Bárdenas Reales


Restons en Navarre, plus à l’est encore. Ce parc naturel d’une
beauté sauvage remarquable est classé réserve de la biosphère
par l’Unesco depuis 2000. Un quart environ se trouve dans la
province non basque d’Aragon, plus à l’est. Le reste en Navarre.
Les Bárdenas constituent le deuxième désert européen après
celui de Tabernas en Andalousie. Quand nous vous disions
qu’au Pays basque, question paysages, on trouvait (presque)
tout !
L’érosion des sols a modelé des formes surprenantes qui donnent
l’impression d’être sur une planète inconnue. Les paysages sont
d’une très grande diversité : reliefs montagneux, en forme de
table, de plateaux, de ruines, de cônes, avec de vastes plaines
arides, des zones vierges de toute végétation… Le randonneur
s’attend à tout moment à voir surgir un chef peau-rouge sur son
mustang… On distingue la Bárdena Blanche qui doit son nom
aux dépôts de sel et plâtre blanc, la Bárdena Noire couverte
d’une forêt de pins et la Bárdena de la Plaine qui elle est arrosée
par les canaux du lac de Yesa. Ceci permet des cultures de type
méditerranéen, blé et riz.

Le paradis de l’eau : Urederra


Toujours en Navarre, en dessous de Pampelune, au nord
d’Estella, voici Urederra qui signifie en basque « la belle eau ».
Déclarée réserve naturelle en 1987, la source de l’Urederra jaillit
dans le massif karstique d’Urbasa, « eau sauvage » en basque.
Après une chute de plus de 100 mètres, l’eau a creusé un
amphithéâtre rocheux remarquable. D’autres cascades et de
nombreux puits d’eau se succèdent, avec une eau de couleur
turquoise.
C’est cette couleur spéciale qui a dû sûrement inspirer le nom
Urederra, la belle eau. Le mot est formé de ur eau, eder beau et
- a qui correspond à l’article le/la en français. En basque, il n’y a
pas de masculin ou de féminin et l’article se met à la fin du mot.
Donc, littéralement, urederra c’est « eau beau la ».
Mais outre l’eau, la faune et la flore de cet espace naturel sont
aussi à observer. En particulier des rapaces comme les vautours,
les percnoptères, les milans, les aigles. Urederra fait partie du
parc naturel d’Urbasa-Andía qui fait la transition entre la
Navarre atlantique influencée par l’Océan et la Navarre
méditerranéenne, plus aride.

Les lacs artificiels de La Arboleda


Quittons la Navarre pour la Biscaye, plus à l’ouest, non loin de
Bilbao. La Arboleda, Zugaztieta en basque, était un village
minier où l’on extrayait le minerai de fer. Les anciennes mines à
ciel ouvert sont devenues des lacs artificiels entourés d’espaces
verts. On peut pratiquer la pêche mais la baignade est interdite.
Ici, donc, c’est la main de l’homme qui a transformé le paysage
avant que la nature ne reprenne (une partie de) ses droits.
Au XIXe siècle à La Arboleda (le bosquet en français), on extrait
donc le fer à coups de pic, de pioche et de pelle, pour ensuite
fondre le minérai dans les forges. On le transporte avec des
bœufs jusqu’aux ports de Galindo, Portugalete et Muskiz. Des
eaux souterraines ont surgi dans les anciennes mines et créé une
série de lacs d’où émergent de grands rochers avec des reliefs
très particuliers. L’oxydation du fer leur a donné des couleurs
très variées.
La Arboleda ne porte pas bien son nom car le sol y est très
pauvre. Et ses arbres ont été longtemps surexploités pour fournir
les forges, les fours en fusion, et plus tard, la construction. Un
plan de reforestation a été entrepris. Du hameau de La Reineta
auquel on accède par le funiculaire utilisé à l’époque de
l’extraction minière, on a de magnifiques points de vue sur
l’estuaire de Bilbao.

Artikutza, une relique vivante


Nous retournons en Navarre, vers le nord-ouest. Artikutza est
une réserve naturelle protégée de 3 680 hectares. Ce lieu
magique, propriété de la ville de Saint-Sébastien qui se trouve
à 34 kilomètres, est le point le plus pluvieux de toute la
péninsule Ibérique. La couleur des arbres vous surprendra,
d’épaisses couches de mousse les recouvrent entièrement. Ceci
est un indicateur du microclimat particulier du lieu, ainsi que du
haut degré d’humidité. Nous nous trouvons en effet dans un des
territoires les plus anciens du Pays basque.
Artikutza garde les particularités des forêts autochtones dont
l’écosystème principal est la hêtraie ; elle s’est imposée face à la
chênaie et à l’aulnaie. Empruntez un sentier et traversez la forêt,
un sentiment de solitude et de virginité vous envahit. Ceci est
aussi le résultat de la gestion faite par la mairie de Donostia
depuis 1919. Artikutza est destinée au captage des eaux, tout
autre type d’utilisation y est interdit sauf les randonnées.
La véritable exploitation d’Artikutza a commencé au Moyen
Âge. Du XIIIe au XIXe siècle, la propriété se trouve entre les
mains de la Collégiale royale de Sainte-Marie de Roncevaux.
Oui, Roland, le neveu de Charlemagne. Vous vous en souvenez
(voir au chapitre 1) ? L’activité principale, l’exploitation du bois,
a eu une influence importante dans la forêt ; toute l’économie se
basait autour du bois.
Voyant que le rythme de coupe allait entraîner le recul de la
forêt, les forestiers ont conçu une technique pour obtenir du bois
sans abattre les arbres. En taillant l’arbre dès sa jeunesse, ils
obtiennent des troncs gros et courts avec de nombreuses
ramifications. On parle du traitement en têtard ; il est
caractéristique des chênaies et hêtraies au Pays basque. De cette
manière, en coupant régulièrement les branches latérales, ils
prélevaient du bois tout en maintenant vivants les arbres. Cette
technique de l’arbre en têtard a permis la conservation de la
forêt.
Le domaine d’Artikutza est clôturé de façon à empêcher le bétail
d’entrer. Il est nécessaire de se munir d’une autorisation auprès
de la mairie pour rentrer dans le parc forestier en voiture ;
l’entrée pour les promeneurs et les cyclistes est libre.
On raconte que dans la prairie d’Errolbide, pas loin d’Artikutza,
il y a une mine d’or pur. Le gisement est tellement à fleur de
terre que tous les jours les brebis de la propriété de Portuberri le
touchent avec leur museau. Mais pourtant il est totalement
invisible aux hommes. Seul un homme a possédé son secret. On
dit de lui qu’avec le métal il frappait de la monnaie. Avec cette
monnaie, sa fille allait au marché de Bayonne faire des achats.
Un jour la pièce de monnaie qu’elle avait était tellement
récemment frappée qu’on remarquait encore sa chaleur. Quand
quelqu’un lui fait une observation sur cette étrange chaleur, elle
répond innocemment que son père l’a frappée et qu’il la frappait
autant qu’il voulait. Mais personne n’a rien su d’autre.
Le parc naturel de la Seigneurie de
Bertitz
Le troisième grand parc naturel que compte la Navarre est celui
de la Seigneurie de Bertitz. Les deux autres sont ceux d’Urbasa-
Andía et des Bárdenas Reales.
Ce site d’une beauté rare est particulièrement représentatif de la
Navarre humide du nord-ouest. Le parc part des rives de la
Bidassoa jusqu’au pic Aizkolegi à 841 mètres. Il est presque
entièrement recouvert de forêts d’âge mûr. À la fin du XIXe
siècle, les époux Pedro Ciga et Dorotea Fernández acquièrent la
propriété. Ils construisent un petit manoir d’été au sommet et ils
réhabilitent les écuries et les jardins de la partie basse. Ils font
venir des centaines de plantes de tous les coins du monde pour
faire de ce domaine un lieu sans égal. Vous pouvez y admirer
aussi bien un majestueux séquoia californien qu’un cyprès
chauve, un impressionnant bosquet de bambous chinois ou un
cèdre du Japon. Les espèces d’arbres autochtones y sont aussi
bien représentées.
En 1949, le propriétaire lègue la Seigneurie au Gouvernement de
Navarre, à condition qu’il soit entretenu, qu’il serve à l’étude de
la nature et que quelques bâtiments soient destinés au logement
de personnes défavorisées religieuses et d’enfants aveugles.
Depuis, le parc abrite un centre d’interprétation de la nature.

À perte de vue du haut de la Rhune


Et hop ! Un petit tour en Labourd (Lapurdi) ou plutôt à la
frontière du Labourd et de la Navarre, frontière entre la France
et l’Espagne également. Voilà une petite montagne mythique du
Pays basque. Si vous descendez du nord de la France par
l’autoroute A63 ou par la nationale 10, dès Bayonne, elle ne
vous échappera pas.
Si son altitude n’est que de 905 mètres, la Rhune, Larrun en
basque, prononcez « larrounn », offre l’un des plus beaux
panoramas du Pays basque. C’est sa proximité de l’Océan et le
fait qu’elle s’élève de façon abrupte qui permet, par beau temps
évidemment, d’admirer ce panorama à 360 degrés. Faisons le
tour : d’un côté vous pouvez voir l’Océan depuis Saint-Sébastien
jusqu’à l’embouchure de l’Adour et aux plages des Landes. Le
port de Saint-Jean-de-Luz et Ciboure et la baie sont bien
visibles. De l’autre côté, dans votre dos si vous avez la mer à
gauche, ce sont les massifs du Guipúzcoa et ceux plus élevés de
la Navarre. À droite, vous devinez les sommets pyrénéens, alors
qu’à vos pieds, devant vous, ce sont les vallons du Labourd et
leurs petits villages.
Curiosité mais bien pratique, le petit train à crémaillère construit
en 1924 est toujours en activité. Il vous permet de gravir les
pentes de la Rhune en 35 minutes. Sa vitesse de 8 km/h laisse
tout le temps d’apprécier la beauté des lieux, royaume des
pottocks… et des randonneurs. Le départ du train a lieu au col
de Saint-Ignace à 169 mètres. À pied, on peut partir des villages
de Sare, Ascain ou Urrugne. Prévoir environ deux heures et
demie pour la montée et deux heures pour la descente. Attention,
en hiver, on peut trouver la neige au sommet de la Rhune alors
qu’à son pied il n’y a pas eu un flocon. De plus la Rhune peut se
trouver dans les nuages quand tout autour le soleil brille. Le petit
train ne circule pas en hiver.

Les gorges de Kakouetta


Terminons ce petit tour de sites remarquables du Pays basque
par la Soule, Zuberoa en basque unifié, Xiberoa en dialecte
souletin. Ça y est, vous avez la carte en tête. Vous savez que
cette petite province se trouve à l’est, côté français. Plus
précisément, nous sommes en Haute-Soule, Basabürüa en
basque. Prononcez « bashabuya ». C’est ici que l’on trouve les
premiers sommets à 2 000 mètres des Pyrénées occidentales.
Nous allons y visiter deux sites naturels remarquables qui ont
suscité plus d’une légende. Commençons par les gorges de
Kakouetta, Kakueta. Elles se trouvent sur le territoire de la
commune de Sainte-Engrâce (Santa Grazi).
Nous sommes au cœur de la haute montagne basque dans une
nature vierge, luxuriante, car les gorges conservent l’humidité et
la fraîcheur en permanence. La végétation s’est installée tout au
long des parois profondes et ruisselantes. Le parcours est
d’environ 2 000 mètres et la profondeur varie entre 30
et 350 mètres. Alors là-haut, le ciel n’est plus qu’un petit
rectangle. La largeur entre les deux parois varie et peut parfois
n’atteindre que 3 mètres comme au passage appelé le Grand
Étroit. Au bout du parcours, de petits ponts en passerelles
suspendues, déjà émerveillé, le visiteur est vraiment récompensé
quand il aperçoit la cascade de 20 mètres de haut. Il peut ensuite
se reposer près de la grotte qui termine le parcours, avant de
revenir sur ses pas.
Les gorges de Kakouetta ont été explorées pour la première fois
en 1906 par Édouard-Alfred Martel (1859-1938), lequel est
considéré comme le fondateur de la spéléologie moderne en
France mais aussi au plan international. Il y a des grottes ou des
gouffres qui portent son nom un peu partout dans le monde.
Les gorges se visitent du 15 mars au 15 novembre, sans
interruption. Elles sont ouvertes tous les jours de 8 heures à la
tombée de la nuit. Le billet d’entrée est à prendre au bar « La
Cascade ». Les chaussures de marche sont bien sûr conseillées ;
mais la balade est assez facile, même pour des enfants car le
dénivelé n’est pas important. Le parcours le long des parois est
aménagé pour éviter au randonneur de tomber dans l’eau du
Kakouetta qu’il surplombe. Certains passages rocheux, lisses et
humides, sont glissants. Alors Egizu kasu « éguissou kashou »,
« Faites attention ».

Le pont d’Holtzarte
Non loin de Kakouetta, voici une autre balade que vous
n’oublierez pas. Elle a comme objectif la passerelle d’Holtzarte,
mais les randonneurs chevronnés peuvent la poursuivre bien au-
delà avant de revenir au point de départ. Atteindre la passerelle
demande toutefois une marche d’approche un petit peu
fastidieuse à travers bois puis en montée sur une colline, une
colline basque donc plutôt abrupte !
Le pont d’Holtzarte se trouve sur la commune de Larrau
(Larraine). Avertissement à ceux qui ont le vertige, la passerelle
surplombe la magnifique gorge d’Olhadubi de 180 mètres !
Dévastée par la tempête Xynthia, elle a été refaite en 2010. Vous
vous y sentirez donc plus en sécurité encore. Elle ne se balance
plus comme auparavant, des câbles latéraux d’équilibrage ont
été rajoutés et le plancher en bois imputrescible est neuf. La
marche d’approche balisée dure environ quarante minutes. Mais
vous serez vraiment récompensé de vos efforts par une vue
impressionnante.
Ne croyez pas que cette passerelle qui a nécessité l’emploi d’un
hélicoptère pour sa rénovation a été mise là uniquement pour
que vous puissiez avoir le grand frisson. Il s’agissait d’exploiter
le bois et vu l’étroitesse des gorges, il était impossible de le
transporter sur l’eau. À la fin du XIXe siècle, on tend deux câbles
au-dessus du ravin pour y faire rouler un chariot sur poulies.
Puis ce seront des Italiens qui à partir de 1920 vont développer
l’exploitation du bois du côté de la forêt jusque-là inaccessible.
Ils utilisent une technique nouvelle de débardage des arbres à
l’aide de câbles d’acier. Maintenant, ce sont surtout les
randonneurs qui utilisent la passerelle d’Holtzarte. Le point de
départ se trouve à l’auberge Logibar, sur la D26 à 2 kilomètres
avant le village de Larrau en venant de Tardets.
Nous vous en avons parlé au chapitre 6, la mythologie basque
compte des personnages variés. Parmi eux, on a le basajaun,
littéralement le monsieur des bois, qui est une sorte de génie des
bois et des grottes, protecteur des animaux. Or il se trouve que la
passerelle d’Holzarte et les gorges sont peuplées de basajaun et
de lamina, ces petits êtres plutôt bénéfiques. Ce sont les
basajaun qui ont taillé les gorges avec un énorme couteau. Leurs
compagnes, les basandere, les dames des bois, ont l’habitude de
rester à l’entrée des grottes ou près des fontaines où elles passent
des heures à se peigner. Le basajaun n’est pas seulement un
protecteur des animaux, il effraie les hommes. Quand le village
de Larrau est fondé, le pays est couvert de forêts sauvages. Le
basajaun venait inquiéter les habitants et causait beaucoup de
dégâts. Alors, le curé du village décide de dire tous les samedis
le Salve Regina, prière en latin, à l’approche de la nuit. Et
depuis, le basajaun ne vient plus embêter les habitants de Larrau.
Vous le voyez, la religion catholique et les croyances ancestrales
peuvent faire bon ménage.
Sixième partie
La partie des Dix
Dans cette partie…

N ous arrivons bientôt au terme de notre voyage... Mais


voici enfin la fameuse partie des Dix ! Venez
découvrir 10 objets basques, 10 monuments remarquables
et 10 événements festifs !
Chapitre 21
Dix objets basques
Dans ce chapitre :

L’alboka, un olifant double en corne de vache

Le béret

Le chistera

Les espadrilles

Le makila, bâton traditionnel

La pelote

Le tambourin basque

Les tissus basques

La txalaparta, le xylophone ancestral

Le txistu, la flûte à trois trous

D ire qu’un objet est français, espagnol, basque ou de toute


autre origine n’est pas toujours facile. On vous l’a laissé
entendre, le Basque, c’est sur un point un peu un Japonais
d’Europe. Il sait parfois emprunter, « copier », améliorer et
finalement faire d’un produit, d’une technique quelque chose de
basque. D’un autre côté, le Basque est conservateur. C’est
évident. Ce chapitre des « Dix objets » va nous le montrer ;
beaucoup sont anciens, fruits de techniques artisanales souvent
très élaborées.
Malgré tout, il y a certains objets qui sont typiques du Pays
basque, d’autres qui en sont devenus des emblèmes, parfois des
clichés. La caricature du Basque avec son béret jouant à la
pelote n’est-elle pas proche de celle du Français avec le béret et
sa baguette sous le bras ? S’il y a très peu de Français qui
portent le béret, on trouve encore des Basques, en général d’un
certain âge, qui le portent.
Alors basque, pas basque ? Tiens, voici un objet que vous ne
connaissez sûrement pas : txakostea. C’est en Soule une
ingénieuse petite échelle à deux versants et quelques marches
qui permet de franchir les haies qui séparent deux prés, deux
champs. Les animaux ne peuvent les utiliser et cela évite
d’installer une barrière ou un portail.
Bien, voici donc par ordre alphabétique dix objets que nous
qualifierons de basques. Parfois, on en trouve ou trouvait un
ressemblant ou identique dans les vallées pyrénéennes du Béarn,
de Bigorre ou jusqu’en Catalogne.

L’alboka, un olifant double en corne


de vache
Un olifant c’est, à l’origine, un instrument de musique
médiévale de la famille du cor et creusé dans une défense
d’éléphant (olifant = éléphant). L’alboka est sûrement aussi
ancien, fait de deux cornes de vache creusées, l’une pour
l’embouchure, l’autre qui forme le pavillon, réunies par une
pièce en bois. Une corne est percée de cinq trous, l’autre de
trois. Cela permet de jouer une musique polyphonique à deux
voix.
On y souffle comme dans une trompette. Avec la technique du
souffle continu, on peut jouer à deux voix, avec un son pouvant
ressembler à la cornemuse. Dans le cas de l’alboka, l’air est
aussi insufflé dans l’instrument de façon continue, mais c’est la
cavité buccale qui assure la fonction de l’outre ou de la poche
des cornemuses.
Le mot provient de l’arabe al-bûq « la corne ». Si l’on se base
sur le nom, vous voyez que déjà la piste de l’origine se brouille.
L’alboka accompagne en général un chanteur ou koblakaria qui
joue du tambourin (pandero).
Considéré comme un instrument en voie de disparition, on l’a vu
renaître grâce à l’activité des Biscayens Leon Bilbao et Maurizia
Aldaiturriaga (Maurizia chanteuse et joueuse de pandero), et de
Txilibrin, qui ont réussi à maintenir la tradition et participer à la
renaissance d’un intérêt de la part de jeunes qui se sont mis à
étudier cet instrument.
Un instrument assez proche est la gaita navarraise, à ne pas
confondre avec les différentes cornemuses que l’on retrouve en
Espagne et tout autour de la Méditerranée. Il n’y a pas de fête en
Pays basque, pas de rassemblement populaire sans passage dans
la rue de gaiteros (joueurs de gaita) qui font retentir son son
puissant, certains diraient strident, qui appelle à la fête. Taillée
dans du roseau renforcé de cercles d’acier, elle a une anche
double.

Le béret
Ah ! Voilà un grand classique. Ne parle-t-on pas du béret
basque ? Pourtant, on ne fabrique plus le béret basque qu’à
Tolosa (Guipúzcoa) et en Béarn ; le mot français d’origine latine
vient aussi du béarnais. En basque, on dit bonet ou txapel. Ce
sont deux mots d’origine latine eux aussi, vous reconnaissez
« bonnet » et « chapeau »… Le béret basque est noir, la petite
queue au centre s’appelle le cabillou. Encore un mot occitan.
Il y a plusieurs façons de le porter et plusieurs tailles. Depuis
quelque temps, voilà qu’il est devenu rouge pour les fêtes.
Attention tout de même. La tenue complète que vendent à
l’approche des fêtes de Bayonne les supermarchés, pantalon
blanc, chemise blanche, foulard rouge à nouer autour du cou,
ceinture de flanelle rouge et le fameux béret rouge, risque de
vous faire passer plus pour un touriste consciencieux que pour
un véritable Bayonnais prêt à affronter cinq jours endiablés et
épuisants. Même si le blanc et le rouge sont de rigueur, le béret
rouge reste un peu anachronique. Il est utilisé par les danseurs
traditionnels.
Notez qu’Ertzaintza, la police du Gouvernement autonome
basque d’Euskadi (rappel : ce sont les trois provinces d’Álava,
Biscaye et Guipúzcoa) a aussi adopté le béret rouge. Quand vous
remportez une course, que vous gagnez une grande partie de
pelote ou de mus (prononcez mouch, jeu de cartes populaire
d’origine basque), que vous devenez le meilleur bertsulari
(improvisateur) de la région, on vous remet un très très grand
béret noir. C’est la txapela. Vous êtes le txapeldun (prononcez
tchapeldounn), le champion, littéralement celui qui a le béret,
mot formé avec le nom txapel et le suffixe -dun « qui a ». Même
si vous êtes un champion modeste, cela vous fait une grosse
tête !

Le chistera
Le mot chistera fait partie des rares mots basques passés en
français. Si vous avez lu le chapitre 11, vous savez déjà que le
célèbre gant en osier a été inventé en 1857 par un certain Jean
Dithurbide de Saint-Pée-sur-Nivelle. On trouve d’ailleurs dans
cette ville du Labourd un musée de la pelote, l’écomusée de la
Pelote et du Chistera Pilotari. Le pilotari, c’est le joueur de
pelote.
Entièrement artisanale, la fabrication d’un chistera demande
entre vingt et vingt-cinq heures.
Il y a deux types de chistera, le petit gant et le grand gant qui
correspondent à des spécialités de jeu différentes. Avec le grand
chistera, plus profond le joueur peut garder la pelote dans le gant
et faire un ou deux pas avant de lancer la pelote contre le
fronton. Avec le petit gant, c’est interdit. Cette faute s’appelle
atxiki, tenu. Le grand gant est utilisé à l’extérieur en fronton
place libre ou à l’intérieur dans les jai alai pour jouer à la cesta
punta. Voir le chapitre sur les sports au Pays basque. Le remonte
est un autre type de chistera utilisé en Espagne plus long que le
petit gant et fait en rotin. Quand nous vous disions qu’il y a de
quoi s’y perdre !

Les espadrilles
Les espadrilles (espartinak). Voilà les chaussures qui avec le
béret font partie de la tenue traditionnelle des Basques, tels
qu’on se les imagine et que les peintres les représentaient. C’est
dans cette tenue que vous découvrirez les troupes folkloriques.
De nos jours, la petite sandale de toile à semelle de chanvre est
devenue une chaussure de loisirs, que l’on porte en été quand il
ne pleut pas. Pourtant, elle a connu son heure de gloire, comme
le béret.
L’espadrille s’est exportée jusqu’en Amérique du Sud, il faut
dire que les Basques natifs ou d’origine y sont nombreux. Elle
était utilisée dans les mines de charbon du nord de la France à la
fin du XIXe siècle, une paire par mineur par semaine dit-on.
Légères, elles permettent d’avoir moins chaud et suscitent alors
une industrie très prospère au Pays basque. Mais quand on a
commencé à humidifier les mines pour éviter les coups de
grisou, les espadrilles se sont révélées inadaptées. Elle n’a plus
été la chaussure des mineurs. Il faut dire que depuis, les
chaussures de sécurité se sont imposées ! L’arrivée du
caoutchouc a permis de rendre la semelle des espadrilles plus
résistante.
À partir de 1880, à Mauléon-Licharre (Maule-Lextarre) en Soule
la fabrication de l’espadrille va donc connaître un grand essor.
Afin d’assurer la fabrication qui augmente sans cesse, on fait
appel à la main-d’œuvre venue d’Aragon et de Navarre, sur
l’autre versant des Pyrénées. Surnommés ainherak, les
hirondelles, ces jeunes passaient chaque saison la frontière à
pied, comme les palombes survolent les Pyrénées chaque année.
Capitale de l’espadrille, Mauléon-Licharre la fête tous les 15
août. À partir des années 1970-1980, la concurrence espagnole
puis chinoise va quasiment faire disparaître cette production. Il
ne reste que quelques producteurs qui fabriquent des produits
recherchant la qualité, des modèles plus variés, plus
sophistiqués. Il existe aussi une chaussure proche de l’espadrille,
plus solide pour le travail, en toile bleue avec une semelle de
caoutchouc plus couvrante, portée par les hommes.
L’ancêtre de l’espadrille ou plutôt la chaussure traditionnelle,
c’est l’abarka. Elle est faite d’une sorte de chausson en cuir
d’une seule pièce. Elle est tenue par des lacets qui remontent au-
dessous des genoux sur des grosses chaussettes blanches de
laine. Un béret, une peau de mouton et vous voilà prêt(e) pour
aller danser avec le groupe folklorique qui égaie la fête locale.

Une chaussure fort ancienne

C’est dans les textes de l’écrivain latin Pline le Jeune en l’an 100, qu’on
trouve une chaussure correspondant à l’espadrille. Il note le fait que les
troupes d’Hannibal (247-183 av. J.-C.) portent des chaussures très
anciennes, attribuées aux habitants du sud de la Gaule et aux bergers des
montagnes ibériques. Durant plusieurs siècles l’espadrille aurait été la
seule chaussure du paysan basque. Chacun la fabrique selon ses
besoins. Les matériaux utilisés à l’époque sont ceux trouvés sur place. Le
lin pour tisser le dessus, le chanvre, l’alfa et le sparte tressés pour la
semelle, d’où le nom d’espartina en basque.

Le makila, bâton traditionnel


Voilà un objet particulièrement typique du Pays basque. C’est à
la fois un objet de décoration personnalisé et une arme de
défense, autrefois du moins. Également compagnon de marche,
le makila a beaucoup de qualités. Le makila est fabriqué à partir
de bois de néflier incisé sur pied au fur et à mesure que la sève
monte. À une extrémité, il a un pommeau dans lequel est insérée
une pointe que l’on découvre en dévissant ce pommeau et à
l’autre une base en métal solide, crantée, comme une petite
massue. C’était au départ un bâton de marche, de bergers pour
guider les bêtes, mais qui pouvait servir à se battre. Les bergers
ont toujours un bâton que l’on appelle makila, c’est le nom
générique. Au XIXe siècle, c’est devenu un objet plus élégant que
les hommes des classes sociales aisées aimaient à porter comme
une canne.
Sa grande vocation actuellement, c’est objet honorifique avec
une devise sculptée, en basque bien sûr, que l’on choisit en
fonction de la personne à qui on l’offrira. Si c’est pour soi, le
propriétaire choisit une devise qui lui correspond. Même si peu
de personnes se promènent avec un vrai makila, il existe
toujours des fabricants. Le plus connu est peut-être la famille
Ainciart Bergara à Larressore (Larresoro) en Labourd. Papes,
présidents et autres souverains de passage au Pays basque se
sont vu offrir un makila.

La pelote
Nous avons déjà présenté la pelote basque (pilota) au
chapitre 11. La pelote traditionnelle est recouverte de cuir, sur un
noyau de buis entouré de fil élastique et de fil de laine. Elle se
fabrique à la main et demande, comme beaucoup de productions
artisanales, du temps et du doigté. Ajoutons que l’arrivée du
caoutchouc a changé la donne. Celui-ci a permis la fabrication
de pelotes plus légères et plus vives en gomme et… de rajouter
des spécialités nouvelles. Les dimensions, le poids de chacune
des pelotes sont réglementés selon la spécialité.

Le tambourin basque
Voilà un autre objet que l’on dit basque mais qui n’est pas propre
aux Basques. Malgré tout il est indispensable dans un des styles
de la musique traditionnelle. Le tambourin basque comporte en
plus de la peau tendue sur un petit cadre en bois, des anneaux
métalliques fixés sur ce cadre, les cymbalettes, que l’on fait
vibrer tout en frappant la peau avec les doigts.
En basque on dit pandero et pendereta comme en Espagne ou
pandeiro au Portugal. Il accompagne le trikiti ou trikitixa, un
petit accordéon diatonique, et l’alboka. Et en avant ! Deux
musiciens, un joueur de pandero ou une, c’est souvent le cas et
un de trikitixa suffisent largement à animer une fête, à sonoriser
une place et à entraîner les badauds. L’un des deux trikitilari
peut chanter et les voilà sur la scène, sur le kiosque pour un
concert.

Les tissus basques


Il existe aussi des tissus et du linge basques. De quoi s’agit-il ?
Autrefois au Pays basque, on faisait du tissu en lin. Le linge
basque vient de la mante, une toile de lin à rayures dont on
couvrait les bœufs pour les protéger du soleil. Saial était une
toile robuste, rustique. On faisait avec des toiles plus fines du
linge de corps, des nappes ou des torchons. Actuellement les
créateurs rivalisent de couleurs, de motifs et d’emplois. Au-delà
des nappes, serviettes, linge de maison, on a ainsi des serviettes
de bain, des coussins en tissu basque, en coton généralement. Ce
sont les rayures qui en font l’appellation mais bien sûr, on est
loin du tissu d’origine. Et même si tout ce qui est vendu sous le
nom de linge basque n’est pas fabriqué sur place, le tissage et les
produits sont généralement de qualité. Là, c’est à vous de faire
attention.

La txalaparta, le xylophone ancestral


Alors oui, cet instrument de musique est typiquement basque.
Peut-être même n’en avez-vous jamais entendu parler. Il est vrai
qu’il a été ressuscité il y a peu. C’est une sorte de grand
xylophone de deux à quatre planches d’environ deux mètres de
long posées horizontalement sur des tréteaux et dont elles sont
séparées par un isolant pour leur permettre de vibrer. La
txalaparta se joue à deux percussionnistes, debout, face à face
ou côte à côte munis de deux bâtons chacun. Ceci permet de
multiplier les sons qui se chevauchent ou se répondent.
La txalaparta se jouait de nuit, c’était un instrument de la
campagne autour de Saint-Sébastien. Après le broyage et le
pressage des pommes pour faire le cidre, on faisait une petite
fête et un repas pour ceux qui avaient aidé. Ensuite, la txalaparta
pouvait retentir toute la nuit. Elle avait quasiment disparu dans
les années 1960 quand certains passionnés (les frères Artze et
Juan Mari Beltran) ont été recueillir la technique auprès des
derniers connaisseurs. C’est ainsi qu’elle a été réhabilitée.
Depuis, les joueurs sont de plus en plus nombreux, au Pays
basque nord également.
Le jeu de la txalaparta est improvisé. Un des joueurs assure le
txakun, un rythme basique répétitif à deux coups, et l’autre
rompt ce rythme en insérant un coup, deux coups ou en
superposant un autre coup. Le chercheur biscayen Josu Goiri a
écrit à propos de la txalaparta : « Elle nous rappelle que la
musique est la vie. C’est une manière de vivre, de jouir de la vie,
et de vibrer. Elle nous montre, à nous, perdus dans la technique,
ce que nous avons oublié : prendre une chose toute simple et
faire du rythme avec. Le fondement de la musique. »

Le txistu, la flûte à trois trous


Nous terminons cette série des dix objets avec un autre
instrument de musique basque. Le txistu, prononcez tchishtou,
est une flûte à bec à trois trous accordée en fa. La variété des
notes est obtenue par le doigté, mais aussi en variant l’intensité
du souffle. Il se joue seul ou de la main gauche. Dans ce cas,
cela permet de la droite de frapper l’atabal, un petit tambour, ou
le ttun-ttun (prononcez tioun tioun en mouillant le t-), un
instrument allongé à cordes que l’on frappe également. Ah, voilà
que la liste d’instruments de musique s’allonge et ce n’est pas
tout à fait terminé.
On vous l’a dit au chapitre 1, l’origine du txistu est très ancienne
puisqu’on a découvert des flûtes en os datant
d’environ 20 000 à 30 000 ans dans les grottes d’Isturitz et
d’Oxocelhaya. En Soule, on joue de la txülüla (tchulula) qui,
elle, est accordée en do. C’est avec ces flûtes et l’une ou l’autre
des percussions qu’un ou deux musiciens, en général pas plus,
jouent pour accompagner la plupart des danses basques. D’une
façon générale, ces instruments traditionnels se passent aisément
de micro et sont facilement transportables. Alors, on peut danser
n’importe où.
Chapitre 22
Dix monuments
remarquables
Dans ce chapitre :

L’église de Sainte-Engrâce

Le château d’Andurain à Mauléon

La rue principale d’Aïnhoa

L’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz

Le sanctuaire de Notre-Dame d’Arantzazu

Oñate, la première université du Pays basque

La grotte de Santimamiñe

La Maison des Assemblées de Guernica

La cathédrale Sainte-Marie de Vitoria

Le musée Guggenheim de Bilbao

L efaire
voyage est bientôt terminé. Nous avons essayé de vous
découvrir un pays riche, complexe, tout proche et
finalement très surprenant. Mais nous avons du mal à en rester
là…
Alors pour ne pas nous quitter trop vite, voici une dernière
balade parmi dix monuments remarquables. Certes tout au long
de ce Pays basque pour les Nuls, vous en avez découvert un
certain nombre. En voici encore d’autres, souvent très connus
mais que vous ne devez pas manquer. Nous partirons de l’est, de
Soule, la plus petite des sept provinces, calme, sauvage, aux
mille verts, pour terminer au bord de l’Océan, à Bilbao, la
capitale économique, trépidante, en plein renouveau.

L’église de Sainte-Engrâce
Nous sommes en Haute-Soule, à Sainte-Engrâce (Santa Grazi ou
en basque Urdax), à plus de 600 mètres d’altitude. Au centre
d’un cirque de hautes montagnes, vous découvrez l’église
romane de Sainte-Engrâce du XIe siècle. Elle se trouve sur une
petite butte. Massive, elle a de hauts murs, un toit d’ardoise
asymétrique. Son clocher est plus récent. Au portail, le nom du
Christ est soutenu par deux anges chevelus, surmontés d’un arc
sculpté d’oiseaux. À l’intérieur, sur les chapiteaux sont sculptés
des personnages dont Salomon qui tient la Reine de Saba sur ses
genoux en la caressant, beaucoup d’animaux, chevaux, lions,
centaures, un ours qui danse et un éléphant dont la trompe est
une grande langue.
En l’an 300, une jeune Portugaise de Braga, Grâce ou Engrâce,
se rend en Gaule narbonnaise avec sa famille pour épouser un
noble chrétien. Elle est arrêtée par des soldats romains à
Saragosse et martyrisée. Elle meurt en 303. Le culte de sainte
Engrâce s’installe. On dit qu’au Xe siècle des voleurs prennent
un bras de la sainte couvert de bijoux. Ils le cachent en Soule
dans un chêne, près d’une fontaine. Un taureau s’agenouille
devant le tronc et ses cornes flamboyèrent. C’est un miracle ;
dès le XIe siècle on construit une église à l’emplacement du
chêne. La collégiale devient un lieu de pèlerinage très réputé. On
évoque sainte Engrâce contre la sécheresse, les intempéries et
même les maux de tête.
Comme toujours au Pays basque, le cimetière est attenant à
l’église avec de superbes stèles discoïdales. En venant de
Mauléon, avant d’arriver à Sainte-Engrâce, vous avez les gorges
de Kakouetta et après Sainte-Engrâce, le gouffre de La Pierre-
Saint-Martin, en fait près de 2 000 gouffres répertoriés à l’heure
actuelle, et l’immense salle de la Verna (255 m sur 245 m
et 180 m) que l’on peut visiter sur réservation.

Le château d’Andurain à Mauléon


À Mauléon-Licharre, petite capitale de la Soule (3 500
habitants), vous pouvez bien sûr visiter le château fort du XIe
siècle qui domine la ville, inscrit aux Monuments historiques
en 1925. Mais nous vous présentons ici plutôt le château
d’Andurain ou château de Maytie, classé lui aussi monument
historique.
Le château d’Andurain est une remarquable demeure construite
au début du XVIIe siècle par Arnaud de Maytie. Évêque
d’Oloron-Sainte-Marie en Béarn tout proche, il a été nommé par
Henri IV en 1598.
L’architecture est de style renaissance avec des fenêtres et des
lucarnes de pierre ouvragée, des gargouilles situées aux angles
des tours. Le toit est immense car il est très incliné. Ici pas
d’ardoise, traditionnelle en Soule. Il est recouvert de bardeaux
de châtaignier, ces petites lattes de bois que nous vous avons
déjà signalées. Sa charpente rappelle celle de la carène (partie
immergée de la coque) d’un bateau renversée.
À l’intérieur, on trouve en particulier de très belles cheminées
sculptées, un escalier remarquable. La bibliothèque contient des
livres rares anciens des XVIe et XVIIe siècles. Toujours habitée, ce
sont les descendants de la famille Maytie qui font visiter la
demeure.

La rue principale d’Aïnhoa


Direction l’ouest, l’Océan, sans nous arrêter en Basse-Navarre
que nous n’avons pas oubliée dans les chapitres précédents, nous
voici à Aïnhoa (Ainhoa) en Labourd. Et mettons à l’honneur non
pas l’architecture militaire, l’architecture religieuse, celles des
maîtres, mais celle qui a perduré en Pays basque au cours des
siècles, celle du peuple si l’on peut dire.
Aïnhoa est une bastide au sud du Labourd, limitrophe de la
Navarre. Classé parmi les « plus beaux villages de France », un
des chemins pour Saint-Jacques-de-Compostelle y passe. Détruit
pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648), seules restent de
l’époque l’église et Machitorenea, maison datée de 1629. Au
Pays basque, toutes les maisons ont un nom. L’alignement des
maisons dans la rue principale, leur qualité architecturale sont
remarquables. Ce sont ces maisons labourdines à toits de tuiles
avancés, avec façades blanchies à la chaux, colombages et volets
de bois rouge ou vert. Au-dessus de la porte est gravée la date,
parfois le nom du constructeur et/ou du propriétaire. Les villages
labourdins voisins de Sare (Sara), Espelette (Ezpeleta) ou
Itxassou (Itsasu) sont aussi remarquables.
Attention tout de même, Aïnhoa se trouve tout près de la
frontière et des ventas (les magasins en territoire espagnol) de
Dancharia (Dantxarinea) sur la commune navarraise d’Urdax/
Urdazubi. Y passent des cohortes de voitures et d’autocars
venues faire des achats de tabac, d’alcool moins taxés, de
conserves et d’artisanat espagnols.

L’église Saint-Jean-Baptiste de
Saint-Jean-de-Luz
L’église Saint-Jean-Baptiste possède le plus grand retable du
Pays basque, en bois doré sculpté, sur tout le mur de fond du
chœur et les deux ailes. Il compte dix-huit statues de saints et
saintes et de nombreuses autres sculptures. Il est classé aux
Monuments historiques. Mais ce que nous retenons pour notre
part, ce sont les trois galeries en bois ici de très grandes
dimensions. Comme presque toutes les églises du Pays basque
nord, même la plus humble, elle a en effet des galeries en bois.
Réservées aux hommes, placées en hauteur au fond de l’église, il
y en a parfois en plus sur les côtés, c’est une façon d’augmenter
leur capacité. Voilà encore une particularité basque.
Si le clocher porche et quelques fenêtres datent des XIVe et XVe
siècles, le reste de l’église Saint-Jean-Baptiste est postérieur
à 1649, date du début de son agrandissement. La ville est alors
très prospère, grâce à la pêche et la course (voir chapitres 2 et 7),
et la population a beaucoup augmenté. C’est donc dans une
église en chantier que se vont se marier en 1660 Louis XIV et
l’infante Marie-Thérèse.
Saint-Jean-de-Luz, en basque, c’est Donibane Lohizune. Nous
avons d’une part Don Iban « Saint Jean » et lohi « boue » avec
le suffixe -zu, -zun qui signifie « abondant, qui a beaucoup de ».
Donc c’est « Saint-Jean la boueuse » pourrait-on dire. En effet,
Saint-Jean-de-Luz est en bord de mer et traversée par la Nivelle
(Urdazuri) qui se jette dans la baie. La marée a une grande
influence, elle laisse des terres marécageuses.
Mais mis à part sa beauté, l’église Saint-Jean-Baptiste doit sa
célébrité à un événement qui aujourd’hui aurait mis en émoi tous
les paparazzi : le mariage de Louis XIV avec l’infante Marie-
Thérèse d’Autriche, fille aînée du roi d’Espagne, Philippe IV,
le 9 juin 1660. Tous deux sont alors âgés de 21 ans. Il s’agit d’un
mariage plus qu’arrangé. En effet, le traité des Pyrénées, négocié
par le cardinal Mazarin, qui met fin à une interminable guerre
entre la France et l’Espagne, compte 124 points. L’un d’eux est
justement l’union du roi de France à l’infante d’Espagne, Marie-
Thérèse d’Autriche. La porte par où est passé le couple a été
murée plus tard.

Le sanctuaire de Notre-Dame
d’Arantzazu
Descendons vers l’ouest pour nous rendre en Guipúzcoa. Encore
un monument religieux : Notre-Dame d’Arantzazu. Rappelez-
vous que si les Basques ont été christianisés tardivement, ils ont
été ensuite de fervents catholiques et ont fourni de nombreux
hommes (et femmes) d’Église.
Le sanctuaire de Notre-Dame d’Arantzazu se trouve à
10 kilomètres d’Oñati en pleine montagne à une altitude de
750 mètres. Si des religieux s’y trouvent depuis 1514, en effet la
Vierge y serait apparue en 1469, c’est la nouvelle basilique
construite dans les années 1950 qui a fait la renommée actuelle
du lieu.
C’est un monument d’une très grande importance pour le Pays
basque car plusieurs artistes basques de renommée internationale
y ont travaillé aux côtés des architectes. Le sculpteur Jorge
Oteiza la façade principale, le sculpteur Eduardo Chillida les
portes d’accès principales en fer, le sculpteur et peintre Néstor
Basterretxea la décoration des murs de la crypte, le franciscain
Donostiar et le frère Javier Maria de Eulate les vitraux réalisés à
Metz, etc. Vous connaissez un peu les deux premiers si vous
avez lu le chapitre 12.
En 1955, la commission diocésaine refuse certains projets
présentés pour l’édifice qui devait pourtant être la vitrine
religieuse de la « modernité basque ». Ils sont trop audacieux :
« On ne discute pas les bonnes intentions des auteurs, mais on
conclut qu’ils ont été égarés par des courants modernistes, ne
tenant pas compte des préceptes de la Sainte Église en matière
d’art sacré », dit-elle. Oteiza ne pourra installer ses 14 statues
qu’en 1969. Les 18 grands tableaux de Basterretxea ne sont pas
du goût de tout le monde à cause de « l’utilisation assez
agressive des couleurs »…
Bref, voilà une visite qui devrait vous surprendre si vous aimez
l’art religieux.

Oñate, la première université du


Pays basque
C’est à Oñate (Oñati) en Guipúzcoa que se trouvait la première
université du Pays basque, l’Université Saint-Esprit. Elle a été
en activité de 1543 à 1901. Le bâtiment a été construit en 1540
par l’évêque Rodrigo Mercado de Zuazola. Elle comporte un
cloître et une chapelle avec un grand retable du XVIe siècle
remarquable. Elle comprenait des facultés de théologie, de droit,
de « redevances » (économie), d’art et de médecine.
À l’heure actuelle, l’Université du Pays basque est une
université publique créée en 1980, présente à Bilbao, Saint-
Sébastien et Vitoria. Sa devise en basque Eman ta zabal zazu,
Donne et ouvre-toi, a été prise dans le chant Gernikako Arbola
(voir au chapitre 3). On compte aussi des universités privées,
comme l’Université de Deusto à Bilbao qui date de 1886, et
l’Université publique de Navarre. Au Pays basque nord, il n’y a
pas d’université mais une faculté et des établissements
d’enseignement supérieur répartis entre Bayonne, Anglet et
Bidart.

La grotte de Santimamiñe
Au chapitre 12 nous avons évoqué les artistes de la préhistoire et
la grotte de Santimamiñe. Faisons connaissance un peu mieux
avec elle.
Ici c’est dans ses deux sens que le mot « curiosité » est pris. En
effet, c’est la curiosité d’enfants en 1916 qui a permis de
découvrir les figures rupestres de Santimamiñe en Biscaye, non
loin de Guernica. Ils sont entrés dans la caverne. Au bout
de 60 mètres, ils ont grimpé une galerie latérale étroite, et sont
arrivés à la chambre où se trouve le premier groupe de peintures
de la grotte. Maintenant, c’est un escalier mécanique qui amène
le visiteur jusque-là.
La grotte comprend des couloirs, des salles sur plusieurs
kilomètres. Les peintures sont réparties dans trois zones de la
grotte. Elles datent du Magdalénien final, vers – 13000. On a
trouvé représentés un ours, un cerf, un bouquetin, des bisons et
des chevaux, tracés à la couleur noire. Un des bisons a deux
queues, elle a sûrement été repassée. Un autre a une tête
humaine. La grotte permet de plus d’admirer de belles
formations de stalactites et de stalagmites.
La grotte est maintenant fermée au public. Mais on peut voir les
peintures grâce à des itinéraires virtuels en 3D proposés par son
centre d’interprétation.

La Maison des Assemblées de


Guernica
La Maison des Assemblées de Guernica (Gernika) ou Casa de
Juntas en espagnol est un monument particulièrement important
au plan politique et symbolique pour la Biscaye, mais bien au-
delà pour l’ensemble du Pays basque. C’était le siège des
assemblées entre les représentants des paroisses de Bizkaia.
Mais le cœur de cet ensemble est le fameux « chêne de
Guernica », celui devant lequel les seigneurs de Biscaye, puis les
rois de Castille et d’Espagne venaient prêter le serment de
respecter les fors, les libertés basques. Voyez le chapitre 6 à
propos du chêne et le chapitre 2 à propos des fors.
Alors que la capitale économique, financière de la Biscaye est
Bilbao, Guernica garde encore aujourd’hui le siège des
Assemblées générales de Biscaye, c’est-à-dire le parlement de la
province. C’est là que le lehendakari, le chef du Gouvernement
autonome basque (Eusko Jaurlaritza en basque) vient prêter
serment, alors que le siège du gouvernement est à Vitoria
(Gasteiz) en Alava. Le statut d’autonomie de la Communauté
autonome basque qui date de 1979 s’appelle d’ailleurs Statut
d’autonomie de Guernica. Ici, c’est à la dernière partie du
chapitre 4 que vous pouvez vous reporter pour en savoir plus.
Rajoutez-y le terrible bombardement de 1937 par l’aviation
allemande et vous comprenez pourquoi la petite ville de
Guernica occupe une place vraiment à part chez les Basques.
La cathédrale Sainte-Marie de Vitoria
Faisons maintenant un détour par l’Alava et Vitoria (Gasteiz),
capitale de cette province mais aussi capitale administrative
d’Euskadi, la Communauté autonome basque. Visitons la
cathédrale Sainte-Marie de Vitoria.
En fait on a deux cathédrales consacrées à Marie à Vitoria. La
cathédrale Sainte-Marie de Vitoria (Vieille cathédrale) est un
édifice gothique du XIVe siècle avec une tour du XVIIe siècle. À
l’intérieur, dans les chapelles, on trouve des statues Renaissance,
flamandes et italiennes, dans celles de gauche des peintures de
Rubens et Van Dyck.
La cathédrale de Marie-Immaculée (Cathédrale nouvelle) de
style néogothique a été construite, elle, au XXe siècle. Une des
plus volumineuses d’Europe même si elle est inachevée, c’est
aussi la dernière grande cathédrale construite en Espagne.

Le musée Guggenheim de Bilbao


Terminons ce parcours avec un édifice qui est devenu très
rapidement le symbole de Bilbao, comme la Tour Eiffel est celui
de Paris. Ce ne sont plus les chantiers navals ou le pont
transbordeur de Biscaye datant de 1893, premier pont de ce type
au monde. C’est le musée Guggenheim, en plein centre de la
ville. Un bâtiment très moderne qui conjugue l’acier, la pierre, le
titane, à l’extérieur des panneaux en feuille de titane recouvrent
la plus grande partie, et l’eau du fleuve à ses pieds. Une sorte
d’immense cargo amarré en pleine ville.
C’est par la volonté du gouvernement basque qu’est créé
en 1997 le Guggenheim à Bilbao, musée d’art moderne et
contemporain dessiné par l’architecte américano-canadien Frank
O. Gehry. Il est entièrement financé par la députation de
Biscaye, à la charge de la fondation Guggenheim les collections
et leur gestion. Il y a plusieurs motifs, entre autres relancer la
cité en pleine crise industrielle, prendre part à la compétition
culturelle mondiale en attirant un nombre important de visiteurs
et espérer des retombées économiques. Sur ce plan, c’est une
réussite. Le musée accueille un million de visiteurs par an
environ.
Tout le monde n’est pas aussi enthousiaste et certains pensent
que le Guggenheim n’a pas servi à promouvoir les artistes
basques. Il aurait plutôt aidé les artistes américains déjà leaders
sur la scène internationale du commerce de l’art. De plus, c’est
plutôt le superbe bâtiment lui-même qui attire, 24 000 m2 en
tout, plutôt que les œuvres peu nombreuses…
Nous n’allons pas entrer dans ces débats. Quelle que soit votre
opinion sur l’art contemporain, une visite au Guggenheim et une
balade autour, le long du Nervión, valent vraiment le
déplacement.
Chapitre 23
Dix événements festifs
Dans ce chapitre :

Lurrama : le salon de l’agriculture durable

Durangoko azoka : le salon du livre et de la musique

Estropadak : les courses de traînières

Euskal Herria Zuzenean : le festival alternatif

Korrika : la course pour la langue basque

Le carnaval de Lantz

Le carnaval d’Ituren et de Zubieta

Les concours de chiens de berger

Idi probak : les concours de bœufs

Les fêtes de la diaspora

P our se quitter dans la bonne humeur, voici une dernière série


de dix, une série d’événements populaires et festifs. Alors
nous n’irons pas jusqu’à dire que tout est une occasion de fête,
c’est un peu l’image que l’on donne à l’extérieur du Pays basque
et du Sud-Ouest en général, mais tout de même. Vous serez
surpris par leur diversité, de thème, de contenu.
Tout au long de ce Pays basque pour les Nuls, nous vous en
avons présenté quelques-uns comme les fêtes de Bayonne, celles
de Pampelune, le championnat des bertsolaris ou la mascarade
souletine. En voici encore d’autres. Ils ne figurent pas tous dans
les listes habituelles de festivités que les offices de tourisme
diffusent en été. Ce sont des occasions de voir le Pays basque
autrement.

Lurrama : le salon de l’agriculture


durable
Commençons par le salon Lurrama, la ferme basque. Lurrama
signifie la terre-mère en basque. On dit d’ailleurs plutôt amalur,
de ama « mère » et lur « terre ». Il est organisé depuis 2006 par
l’association Euskal Herriko Laborantza Ganbara (la Chambre
d’agriculture du Pays basque) dont nous vous avons parlé au
chapitre 7. Il se revendique comme le salon de l’agriculture
paysanne et durable, en opposition à l’agriculture industrielle et
intensive.
Le slogan général de Laborantza Ganbara est le suivant :
Laborantza herrikoia eta iraunkorra helburu. Mot à mot :
laborantza « agriculture », herrikoi « populaire, paysan » + a
l’article la, eta « et », iraunkorr « durable » + a l’article la,
helburu « objectif ». Ceci donne « Objectif l’agriculture
paysanne et durable ».
Le salon se déroule pendant un week-end fin octobre-début
novembre. À Bayonne d’abord, un peu à l’étroit, il est
maintenant à Biarritz. Chaque année un thème différent est
retenu, par exemple l’eau en 2009, l’alimentation-santé en 2011.
Comme souvent au Pays basque, c’est une initiative associative
et militante. Grâce à des centaines de bénévoles qui assurent la
logistique, les éleveurs ou les producteurs locaux présentent au
public leur travail. Les pêcheurs sont aussi présents. Ici pas de
concours du taureau le plus lourd ou de la brebis laitière la plus
productive. Des tables rondes, des débats, des interventions des
éleveurs et producteurs, des films, des expositions, des
démonstrations de traite ou de tonte, tout ceci cherche à créer un
véritable échange avec le public, à l’informer de façon
pédagogique et ludique pour les enfants. Des invités extérieurs
viennent faire des conférences sur des sujets techniques ou de
société plus généraux. Un repas gastronomique, « le Repas des
Chefs », confectionné par des chefs locaux avec des produits de
qualité est aussi proposé. La fête est présente avec des danses,
des musiciens, des concerts, des dégustations, un méchoui (en
basque zikiro).
Le but du salon est donc de favoriser l’échange entre citadins et
ruraux, la rencontre des consommateurs et des producteurs, de
les sensibiliser à la nécessité d’une agriculture de qualité, de les
informer des enjeux de l’agriculture qui touchent directement
leur alimentation et plus généralement leur mode de vie. Bref,
une démarche qui va vers une agriculture responsable qui
préserve la terre dont elle tire son existence même.

Durangoko azoka : le salon du livre


et de la musique
Quittons le Labourd pour la Biscaye. Le salon (azoka) de
Durango est le plus grand salon du livre et de la musique du
Pays basque. Il se déroule début décembre. En 2010, on fêtait
son 45e anniversaire. Il s’étend sur près de 4 000 m2 avec plus
de 30 000 références de livres et de disques et autres supports
audiovisuels. Ils sont en langue basque dans leur grande
majorité. Des concerts, des débats, des expositions lui confèrent
une ambiance agréable, festive. Les écrivains et artistes du Pays
basque nord peuvent y présenter leurs œuvres. Il faut dire que le
Pays basque sud bien plus peuplé représente un marché
important pour eux. Nous vous l’avons dit au chapitre 5,
l’euskara batua, « le basque unifié », élaboré par l’Académie de
la langue basque a permis de dépasser les difficultés de
compréhension entre dialectes parfois assez différents.
Le salon présente en moyenne 500 nouveautés, disques, livres en
tout genre, différents supports audiovisuels et électroniques.
En 2010 par exemple, au côté de 321 livres et 76 CD produits au
sud, il y avait 18 livres et 9 CD produits au nord. C’est
évidemment le rendez-vous à ne pas manquer pour ceux qui
écrivent ou chantent en basque. Mais ce dynamisme ne doit pas
faire oublier la forte concurrence que ces productions subissent
de la part de celles dans les langues internationales, à
commencer par l’espagnol et le français. Tous les lecteurs
bascophones ne sont pas des militants qui s’obligeraient à ne lire
que du basque, à n’écouter que des chants basques pour soutenir
l’édition en basque ! Et les grandes compagnies mondiales ont
d’autres moyens de promotion.
Le petit frère de ce côté-ci de la frontière, le Biltzar des écrivains
de Sare en Labourd (Sarako Idazleen Biltzarra) se déroule
chaque lundi de Pâques depuis 1984. Beaucoup plus modeste,
bon enfant, il remporte de plus en plus de succès. On ne s’y
bouscule pas dans les allées à la recherche d’un peu d’air comme
c’est le cas à Durango parfois. Ce sont environ 150 auteurs ou
musiciens, essentiellement du Pays basque nord, avec lesquels
on peut échanger tranquillement, à qui l’on peut demander une
dédicace. Les œuvres présentées sont autant en français qu’en
basque, elles doivent porter sur le Pays basque.

Estropadak : les courses de


traînières
À la fin du chapitre sur le sport, chapitre 11, nous vous avons
parlé brièvement des courses de traînières, estropadak. Elles
méritent que nous nous y attardions un peu plus. Le mot français
traînière comme le mot basque traineru viennent du latin,
comme traîner. C’est le filet treina dont était équipé ce bateau
qui lui a donné son nom. La traînière était utilisée pour la
capture de la sardine et de l’anchois, en s’éloignant des côtes
munie d’une voile pour celle du thon. Le dictionnaire Littré a
retenu le mot traînière avec comme définition « Sorte
d’embarcation du Pays basque ». Une traînière, c’est donc un
bateau à rames propre au Pays basque.
Mais depuis la fin du XIXe siècle, elle est devenue un bateau de
compétition. Véritable bateau de course, la traînière compte
treize rameurs et un barreur (patroia, le patron). Il dirige le
bateau et harangue les rameurs afin qu’ils donnent le meilleur
d’eux-mêmes. Debout à la barre, il est le seul à voir la direction
puisque les rameurs tournent le dos à la ligne d’arrivée.
Longs de 12 mètres, larges au centre de 1,72 mètre, les bateaux
sont fabriqués maintenant en fibre de verre et fibre de carbone.
Leur poids se situe entre 210 et 230 kilos. Le parcours est
d’environ trois milles, soit 5 kilomètres et demi (un mille marin,
c’est 1 852 mètres). À mi-parcours est placée une bouée. Mais
chaque bateau a une sorte de ligne, un couloir à suivre. Ce qui
fait qu’au moment du retour, il ne peut normalement croiser ou
même toucher un autre bateau. Lorsque le plan d’eau n’est pas
assez large et ne permet pas un départ en ligne, la compétition a
lieu sous la forme d’un contre-la-montre. Le vainqueur reçoit le
drapeau (bandera) de la ville où a lieu la compétition. Le plus
convoité est Kontxako Bandera (le drapeau de la Concha), de la
régate qui a lieu dans la baie de Saint-Sébastien, la Concha.
La première estropada a eu lieu en 1871 entre deux équipages
de Fontarabie et Pasajes en Guipúzcoa. Il s’agissait de rejoindre
Saint-Sébastien au départ de Fontarabie. C’est Pasajes qui a
parcouru en premier les 13 milles marins. Depuis, la compétition
s’est élargie, structurée. Elle se déroule à partir d’un port
différent, au large. Les douze meilleurs bateaux du Pays basque,
des Asturies, de Cantabrie et même de Galice sont regroupés
dans une ligue, la Liga San Miguel, la 1re division. Seize régates
sont organisées de juin à septembre, et pour la première fois une
sur la Garonne à Bordeaux en 2011. La multitude de sponsors
qui orne la coque des bateaux est le signe de ce que sont
devenues les courses de traînières, un sport professionnel.
Quelques vainqueurs récents de la ligue : en 2006 Fontarabie
(Guipúzcoa), en 2007 et 2008 Urdaibai (Biscaye),
en 2009 Castro (Cantabrie), en 2010 à nouveau Urdaibai. Il y a
aussi des régates féminines.
Pour assister à la régate la plus spectaculaire, rendez-vous à
Saint-Sébastien, à la Concha. Kontxako Bandera attire plus
de 100 000 spectateurs pendant les deux premiers week-ends de
septembre.

Euskal Herria Zuzenean : le festival


alternatif
Voilà, c’est certain, le festival de musique qui a le plus de succès
auprès des jeunes en Pays basque nord. Organisé par des jeunes,
avec l’aide de 600 à 700 volontaires, il propose une
programmation principalement à l’intention des jeunes. Euskal
Herria Zuzenean se déroule fin juin, début juillet pendant trois
jours, dans le petit village d’Hélette en Basse-Navarre ces
dernières années. En 2010, à cause d’intempéries, il y a
eu 16 400 entrées, la première soirée ayant dû être annulée. Le
plus souvent, c’est entre 20 000 et 30 000 entrées. En 2011,
presque 20 000 festivaliers ont été accueillis par 700 bénévoles.
Ces derniers assurent une grande partie de la logistique avant,
pendant et après le festival.
Pendant trois jours, le festival se déroule sur cinq scènes
différentes, autour et dans le village. Il propose une soixantaine
de spectacles et concerts. À côté de quelques têtes d’affiche, on
peut découvrir des arts de rue, du théâtre, des conférences, des
spectacles de danse, du cabaret, des expositions, un coin pour les
enfants, un village de stands associatifs. Le dimanche s’adresse
plus aux familles, avec un repas, des animations de rue, des
parties de pelote.
Alternatif, Euskal Herria Zuzenean n’est pas promotionné par
des marques publicitaires ou des entreprises privées.
Revendicatif, parmi les idées et valeurs qu’il défend : l’usage de
la langue basque, la lutte contre toute forme de discrimination, le
soutien aux prisonniers politiques basques, le développement
durable, l’altermondialisme, etc.
Euskal Herria Zuzenean signifie « le Pays basque en direct » :
Euskal Herria, c’est « le Pays basque », vous le savez
maintenant et zuzen signifie « droit, direct ». Le suffixe -n, c’est
un cas qui signifie « dans, en ». En effet le basque est une langue
à cas comme le latin par exemple. Il en a une bonne dizaine.
Le festival veut donner une large place à la langue basque,
l’euskara. Des actions diversifiées y sont menées en faveur de la
langue. La plaquette du programme est bilingue. Un petit
lexique est distribué pour parler basque pendant le festival.
Toute la signalétique dans le festival est bilingue. Les annonces
se font aussi en basque et bien sûr tous les ans les artistes
basques ont une place dans la programmation.
Du discours aux actes, les festivaliers sont invités au tri des
déchets. On utilise les baso berri, ces gobelets en plastique dur
réutilisables (voir au chapitre 10). Les toilettes sèches sont assez
pittoresques, du moins les urinoirs en plein air pour hommes qui
consistent en une gouttière qui achemine le liquide vers un
conteneur ! Des « brigades vertes » sensibilisent les festivaliers
au respect de l’environnement. La restauration est assurée avec
des produits locaux parfois issus de l’agriculture biologique. La
bière servie est fabriquée au Pays basque, mais, il faut quand
même le dire, comme les autres elle est alcoolisée !
Hélette (Heleta) se trouve en Pays basque intérieur, un peu à
l’écart des grands axes et la circulation y serait vite impossible
sur les petites routes qui y mènent. Des navettes sont mises à
disposition depuis différents axes routiers, des correspondances
avec les trains à la gare de Bayonne sont assurées, des parkings
et des campings gratuits sont proposés sur place.
Orduan, aurten Heletara bazoaz ? Alors, cette année vous allez
à Hélette ?

Korrika : la course pour la langue


basque
Korrika « la course », en français on dit « la Korrika », nous
vous en avons parlé au chapitre 5 qui concerne la langue basque,
euskara. C’est une course ininterrompue qui traverse tout le
Pays basque pendant onze jours et… dix nuits. Elle a lieu tous
les deux ans, au printemps. Alors, qu’il pleuve, qu’il vente et
parfois même qu’il neige, de nuit comme de jour, beaucoup
d’euskaltzale (bascophiles) se relaient tous les kilomètres pour
faire avancer le témoin, lekukoa, porté par l’un d’eux. À
l’intérieur de ce témoin se trouve un texte que l’on lira
solennellement à l’arrivée devant la foule. Pour courir, il faut
acheter un dossard (bizkarrekoa). Les collectivités, les
entreprises, les associations, elles, achètent un kilomètre et un de
leurs membres aura l’honneur de porter le témoin. Ce peut être
une personnalité du village traversé, souvent le maire.
Organisée par l’association AEK (Alfabetzatze Euskalduntze
Koordinakundea, « Coordination d’alphabétisation et de
basquisation »), la Korrika a un double objectif : « d’une part
étendre et renforcer la mobilisation des habitants du Pays basque
en faveur de la langue basque et d’autre part, collecter les fonds
nécessaires au développement des centres d’apprentissage de la
langue aux adultes », nous dit-elle. En effet, AEK propose des
cours du soir pour adultes (les gau eskoka « école du soir ») sur
l’ensemble du Pays basque, des stages intensifs aux vacances
scolaires et en été (ikastaldi), des formations professionnelles
pour les employés des collectivités territoriales ou des
entreprises qui le souhaitent afin qu’ils puissent utiliser le
basque dans le cadre de leur travail.
Prenons l’exemple de la Korrika de 2009, la seizième depuis son
origine. Elle a commencé à Tudela (Tutera) au sud de la Navarre
le 26 mars pour parcourir plus de 2 000 kilomètres et se terminer
le 5 avril à Vitoria (Gasteiz) en Álava. Elle traversait le Pays
basque nord les 29 et 30 mars. Pensez à utiliser la carte pour
vous y retrouver.
Son slogan, il change à chaque fois, était Ongi etorri euskaraz
bizi nahi dugunon herria. Soit « Bienvenue (ongi etorri) au pays
(herria) de nous qui voulons (nahi dugunon) vivre (bizi) en
basque (euskaraz) ». Pour la 17e édition de la Korrika, celle
de 2011, le slogan était Maitatu, ikasi, ari… euskala-kari
« Aimer, apprendre, pratiquer… euskalakari ! ». Euskalakari est
un néologisme, c’est-à-dire un mot inventé pour cette édition.
Euskal- c’est le suffixe qui signifie « basque », vous le
connaissez maintenant, et kalakari signifie « bavard ». Donc un
« kalakari », c’est quelqu’un qui parle beaucoup et en basque.
Grâce à l’apprentissage du basque dans les cours d’AEK, bien
sûr, s’il n’a pas appris la langue enfant à la maison ou à l’école.
Alors c’est toujours un peu étonnant mais aussi réconfortant
pour un Basque de voir dans la nuit les lumières de la
camionnette de la Korrika, d’apercevoir les coureurs derrière, et
d’entendre chacun reprendre le slogan « Ttipi Ttapa Ttipa Ttapa
Korrika ! » pour se motiver. Prononcez le t mouillé. Attention,
ce n’est pas une compétition, le rythme est assez lent pour que
tous ceux qui le souhaitent puissent participer à la Korrika. Bien
sûr quand on monte le col d’Osquich (Ozkaxeko lepoa,
505 mètres d’altitude) en Soule par exemple, c’est plus difficile
que la traversée de Biarritz.

Le carnaval de Lantz
Quittons le soutien à la langue basque et plongeons-nous dans de
très anciennes traditions, celles du carnaval (en basque c’est
plutôt au pluriel, ihauteriak ou inauteriak). Le carnaval de Lantz
(Lantzeko ihauteriak) est un des plus connus de Navarre, pour
ses costumes, ses couleurs et l’ambiance débridée. Il se déroule
sur plusieurs jours avant Carême et consiste en la capture et la
crémation du légendaire bandit Miel Otxin. À la suite des
chercheurs, ethnologues attirés par ces festivités rurales
traditionnelles qui gardent leur côté brut, sauvage, mystérieux,
les visiteurs sont de plus en plus nombreux. Ici, on est loin des
paillettes de Rio de Janeiro ou de Venise, et de l’industrie
touristique !
À Lantz, quand tombe la nuit, le lundi avant Carême les rues du
village se remplissent pour faire la fête et capturer Miel Otxin,
un mauvais bandit. Une fois pris, ce géant de paille est promené
dans les rues au son du txistu et du tambourin. Le lendemain,
c’est Mardi gras. On le promène à nouveau dans les rues et
l’après-midi, il est brûlé sur le bûcher pendant que les habitants
dansent le zortziko autour de ce dernier. Le carnaval de Lantz ou
zortziko de Lantz est aussi le nom de cette danse binaire au
tempo très rapide.
Ceci rappelle le carnaval en Béarn ou au Pays basque nord où
l’on brûle San Pantzar. Ce dernier est un bon vivant, amateur de
ripailles, que l’on accuse de tous les maux pour s’en débarrasser
ensuite après un jugement sommaire.
Voici les principaux personnages du carnaval de Lantz,
l’ensemble donne l’impression d’une horde de sauvages en route
pour une expédition punitive, de sorcières se rendant au sabbat.
Miel Otxin. C’est le personnage principal, un grand
mannequin, bandit qui représente les mauvais esprits et
que l’on brûlera.
Ziripot. Habillé de sacs bourrés d’herbe ou de fougère,
obèse, Ziripot parcourt les rues de Lantz tandis que
Zaldiko l’attaque continuellement le long du parcours.
Zaldiko. Mi-homme mi-cheval, habillé de ses plus beaux
atours avec un cheval à sa ceinture, il rappelle le
zamalzain des danses souletines dont nous vous avons
parlé au chapitre 9. Sa seule obsession, c’est de démolir
Ziripot en le mettant à terre.
Arotzak ou Perretzellak. Ce sont les forgerons, avec des
marteaux et des tenailles qui mettent les fers à cheval à
Zaldiko. Ils sèment la perturbation parmi le public.
Txatxoak. Couverts de peaux d’animaux et de vieux
vêtements colorés, de couvre-lits ou de vieux rideaux, ils
brandissent des balais de paille en criant, en bousculant
ceux qui participent au carnaval. Attention, ils peuvent
être agressifs.
Le carnaval d’Ituren et Zubieta
Deux autres petits villages navarrais, Ituren et Zubieta, sont
aussi réputés pour leur carnaval qui a lieu la dernière semaine de
janvier. On parle d’Iturengo iñauteria, le carnaval d’Ituren. Les
principaux personnages sont les joaldunak (de joare, cloche que
l’on met aux animaux, donc « ceux qui ont une cloche »). Ils se
réunissent et se mettent à marcher en marquant le rythme avec la
grosse cloche qu’ils ont, attachée au bas du dos. Ils ont à la main
izopua, un petit manche de bois recouvert d’une queue de cheval
noire. En marchant dans les rues et à travers champs, ils relient
les trois quartiers d’Ituren puis par la route se rendent au village
de Zubieta. C’est le dambolin nagusi qui a, suspendue au cou,
une corne de vache qui commande aux autres joaldun les
changements de direction, tout au long des quatre kilomètres qui
séparent Ituren de Zubieta.
Tout au long de la procession, on retrouve les terribles Txatxo
agressifs, Xaldoki l’homme-cheval et Ziripot l’homme-sac. Le
lendemain ce sont les joaldun de Zubieta qui se rendront à
Ituren.
Les joaldun sont vêtus d’une chemise blanche, d’une peau de
mouton par-dessus les épaules, de chaussettes épaisses de laine
qui montent jusqu’aux mollets, d’un pantalon bleu de travail,
d’un jupon de dentelle qui descend à mi-cuisse et ils sont
chaussés des abarkak, les chaussures traditionnelles en cuir des
bergers. Un foulard de couleur autour du cou, ils portent de plus
un haut chapeau en forme de cône orné de rubans colorés. Cette
tenue un peu féminine pour des hommes souvent massifs
surprend. Leur arrivée d’un pas rapide au son cadencé des
grosses cloches est toujours impressionnante. On trouve
maintenant des groupes de joaldun en Pays basque nord. Ils sont
souvent sollicités pour les manifestations revendicatives, on les
place alors en tête de cortège, ou pour des événements festifs. Ils
ouvrent la marche en dégageant une force qui paraît invincible.
Les concours de chiens de berger
Les concours de chiens de berger (artzain txakur txapelketak) ne
sont pas une spécialité basque. Mais comme l’élevage y a une
grande place et que la transhumance n’y a pas complètement
disparu, le chien reste un compagnon utile à l’éleveur et au
berger. Les concours comportent généralement trois épreuves :
le contournement et le regroupement du troupeau, le
franchissement de haies et la mise en enclos du troupeau. Il
s’agit d’évaluer les capacités de travail du chien et la complicité
entre lui et son maître. Il doit obéir à la voix, au geste, au sifflet
de son maître. Le dressage est donc très important.
S’il n’y a pas de race de chien de berger, au Pays basque c’est le
petit labrit qui domine, comme ailleurs dans les Pyrénées. Blanc,
beige ou marron clair, il a le poil souvent mi-long et un peu
hirsute. Têtu et aboyant facilement, il n’est pas facile à dresser.
Le border collie bien dressé est aussi excellent. Le gros patou ou
montagne des Pyrénées, lui, faisait office de gardien de troupeau
contre les attaques d’ours. On le trouve en Béarn et dans les
Pyrénées centrales.
À Oñate en Guipúzkoa se déroule chaque année, un concours
important, sorte de championnat du monde des concours de
chiens de berger. Il réunit des bergers du Pays basque sud, du
Pays basque nord, de Catalogne, etc. En été vous pouvez
facilement voir un concours de chiens de berger côté français, on
en organise dans plusieurs villages.
En basque on dit artzain txakur txapelketa, de artzain « berger »,
txakur « chien », txapelketa « championnat ». Donc, par rapport
au français, c’est tout à l’envers « berger chien championnat ».
Pas besoin de mettre d’article, en basque c’est le suffixe -a, car
txapelketa se finit déjà par un a, ou de préposition comme « de »
en français parce que l’ordre des mots indique quel mot
détermine l’autre. Donc artzain txakur txapelketa, c’est « le
championnat de chiens de berger ». Parfois la langue basque
paraît simple…
Idi probak : les concours de bœufs
Au Pays basque sud on organise un autre type de concours avec
d’autres animaux, les idi probak ou concours de bœufs (idiak).
Au chapitre 11, nous avons vu que les Basques aiment bien se
défier, de là sont venus les jeux de force ou herri kirolak, issus
des travaux des champs. Mais voilà que non contents de se
mesurer entre eux, ils mettent à l’épreuve la force des bœufs,
qu’ils ont évidemment remplacés par des tracteurs dans les
travaux qu’ils leur faisaient faire.
Voici en quoi cela consiste. Une paire de bœufs attelés est guidée
et doit entraîner sur une place ou une enceinte aménagée, une
pierre dont le poids varie entre 1 500 kilos et plus de 4 000 kilos,
4 tonnes ! Le vainqueur est le guide d’attelage (idi probalari)
dont les bœufs parcourent la plus grande distance en un temps
donné. On ajuste le poids en fonction de celui des bœufs. La
pierre est percée afin de faire passer la chaîne qui permet la
traction. Le poids de la pierre varie selon les endroits, à Tolosa
elle fait 4 000 kilos, à Guernica 4 500 et à Mungia 4 700. C’est
celle de Berriatua qui est la plus lourde avec 5 250 kilos, mais
elle n’est plus utilisée depuis 1950.
Encore un domaine jusque-là réservé aux hommes où les dames
commencent à pénétrer. En mars 2011, Irene Artetxe a remporté
le premier concours de bœufs pour femmes à Leioa en Biscaye.
Il y avait trois compétitrices, deux de Biscaye, une du
Guipúzcoa.

Les fêtes de la diaspora


Nous vous l’avons raconté au chapitre 7, beaucoup de Basques
ont émigré, surtout au XIXe siècle et au début du XXe, et
principalement en Amérique. On parle de la « huitième
province ». Ils seraient environ dix millions, ces descendants de
Basques à travers le monde. Certains parmi eux font vivre leur
langue, leur culture, leur identité d’origine. L’émigration n’a
presque plus lieu, en tout cas pas plus que dans le cas d’autres
régions de France ou d’Espagne, et on estime que la crise
économique a pu faire retourner au pays certains Basques
d’origine.
S’ils ont souvent, pas toujours, perdu la langue, ces émigré et
descendants d’émigrés basques avaient et ont encore l’habitude
de se retrouver dans des associations, des lieux d’entraide, des
rassemblements, de créer des lieux de rencontre. Ce qu’on
appelle les maisons basques (Euskal etxeak). Il y en a plus
de 200 réparties dans plus de vingt pays. Le record, c’est pour
l’Argentine avec environ 90 maisons basques. Il faut dire que
près de trois millions et demi de personnes sont d’origine
basque, environ 10 % de la population totale du pays.
L’association basque la plus ancienne y a été fondée en
mars 1887.
Pariseko Eskual Etxea « La Maison basque de Paris » date
seulement de 1955. Elle se trouve maintenant 59, avenue
Gabriel-Péri à Saint-Ouen. Il existe aussi une importante
communauté basque aux États-Unis. Elle se trouve
essentiellement dans les États de Californie, du Nevada et
d’Idaho. Il faut dire que beaucoup ont commencé en étant
berger, jardinier dans ces territoires de l’Ouest américain. Ces
maisons basques sont souvent très bien équipées. Ainsi le
Basque Cultural Center de San Francisco compte un bar, un
restaurant, une salle de conférences, une grande salle pour les
repas avec une scène pour danser ou accueillir des musiciens, et
bien sûr un fronton mur à gauche. Danser, chanter, jouer à la
pelote… La troisième partie de votre Pays basque pour les Nuls
vous a décrit en détail ces activités qu’adorent les Basques.
Certains Basques ont connu l’ascension sociale comme John
Garamendi, secrétaire au Département de l’Intérieur des États-
Unis, ou Robert Laxalt, fils d’émigré souletin, devenu
gouverneur du Nevada et conseiller du président des États-Unis
Ronald Reagan. Robert Laxalt raconte dans un livre très
touchant paru en 1957, Sweet Promised Land « Douce Terre
Promise », les péripéties de la vie de son père comme berger,
une vie rude et solitaire. Comment revenu dans sa Soule natale à
un certain âge pour l’enterrement d’un parent, il décida de
retourner aux États-Unis où il avait fait sa vie. On dit que
l’obsession des Basques qui ont immigré est souvent de revenir
au pays, ce ne fut pas le cas de celui-ci. Traduit en français sous
le titre Mon père était berger – Un Basque dans l’Ouest
américain, le livre l’a été aussi en basque unifié et en 2011 en
basque souletin sous le titre « Aita artzain zen » qui est la
traduction de la première partie du titre français.
En 1973, certains Basques d’origine ont constitué la North
American Basque Organizations (NABO, l’Organisation des
Basques d’Amérique du Nord) qui réunit une trentaine
d’associations basques nord-américaines. Celle-ci organise des
activités variées, comme des « Uda Leku » de uda « été » et leku
« lieu », camps de vacances où les jeunes d’origine basque de
toute l’Amérique du Nord se rassemblent pour apprendre à
danser, jouer du twist, chanter en basque, jouer à la pelote,
cuisiner des plats basques, etc. Elle veille à coordonner les
activités de toutes les associations membres. Les Basco-
Américains se réunissent aux grands rassemblements et festivals
qu’organise la NABO. En Argentine le grand rassemblement
annuel s’appelle la Semana Nacional Vasca (la Semaine
nationale basque). Même à Saint-Pierre-et-Miquelon il y a une
fête basque organisée par l’association La Pelote basque, car des
familles de pêcheurs basques s’y sont installées principalement
au XIXe siècle. On y joue à la pelote sur le fronton construit
en 1906. Rappelez-vous que les pêcheurs basques pratiquaient la
chasse à la baleine et la pêche à la morue dès le XVIe siècle dans
l’Atlantique nord. Au Québec, des Basques d’origine ont créé
une association en 1996, et en février 2005 ils ont inauguré leur
Euskal Etxea à Montréal. Leurs ancêtres connaissaient ces
territoires depuis bien longtemps !
Septième partie
Annexes
Quelques bonnes adresses
et événements

E tévénements
pour terminer, voici quelques bonnes adresses et
que nous avons sélectionnés pour vous. Nous ne
vous indiquons pas les plus connus car il est très facile de les
trouver sur Internet.

Musées
Eresbil, Archive basque de la musique, Calle Alfonso
XI, 20100 Errenteria ; +34 943 00 08 68 ;
bulegoa@eresbil.com ; http://www.eresbil.com/
Jorge Oteiza Fundation musée/Jorge Oteiza Fundazio
museoa, 7, rue de la Cuesta, 31486 Alzuza (Navarre) ;
+34 948 33 20 74 ; info@museooteiza.org ;
http://www.museooteiza.org
Musée basque Bilbao/Euskal Museoa Bilbao, 4, place
Miguel-Unamuno, 48006 Bilbao ; +34 944 15 54 23 ;
museoa@euskal-museoa.org ; http://www.euskal-
museoa.org/
Musée basque et de l’histoire de Bayonne, 37, quai des
Corsaires, 64100 Bayonne/Baiona ; +33 (0) 5 59 59 98 ;
contact@musee-basque.fr ;
http://www.museebasque.com/fr/information
Musée Cristobal Balenciaga, Parque Aldamar 6,
20208 Getaria ; +34 943 00 88 40 ;
info@cristobalbalenciagamuseoa.com ;
http://cristobalbalenciagamuseoa.com/
Musée de Basse-Navarre et des Chemins de Saint-
Jacques, Place Charles-de-Gaulle 64120 Saint-Palais ;
089 923 00 95 ; http://www.paysenfrance.com/64-pays-
basque/Saint-Palais/fr/culture-musees.html
Musée de Navarre, 47, rue Santo-Domingo, 31001
Pampelune ; 848 42 64 92/848 42 64 98 ;
museo@cfnavarra.es ; http://www.navarra.es
Musée de Tudela, Calle Roso 2, 31500 Tudela ;
+34 948 40 21 61 ; info@museodetudela.com ;
http://www.museodetudela.com/
Musée des Beaux-Arts/Museo de Bellas Artes, 8, Paseo
Fray Francisco, 01007 Vitoria-Gasteiz ;
+34 945 18 19 18 ;
http://www.alavaturismo.com/es/index.php
Musée Gustavo de Maeztu, Calle San Nicolás 1,
31200 Estella ; +34 948 54 60 37 ;
museogmaeztu@estella-lizarra.com ;
http://www.museogustavodemaeztu.com/
Musée Julio Beobide/Lantoki-Museoa Kresala, 27,
Julio Beobide pasealekua, 20750 Zumaia ;
+34 943 86 16 08 ; m.beobide@hotmail.com
Musée maritime Ria de Bilbao/Bilboko Itsas Adarra
Itsas Museoa, à Muelle Ramón de la Sota, 48013 Bilbao ;
+34 946 08 55 00 ; info@museomaritimobilbao.org ;
http://www.museomaritimobilbao.org
Musée naval/Untzi Museoa, 24 Kaiko pasealekua, San
Sebastián/Donostia 20003 ; +34 943 43 00 51 ;
mnaval@gipuzkoa.net ; http://um.gipuzkoakultura.net/
Musée San Telmo, San Telmo Museoa, 1, place Zuloaga,
20003 San Sebastián-Donostia ; +34 943 48 15 80 ;
santelmo@donostia.org ;
http://www.santelmomuseoa.com/
Musée Zuloaga Museoa, Santiago Etxea 20750 Zumaia ;
+34 943 86 23 41 ; museozumaia@ignaciozuloaga.com ;
http://www.ignaciozuloaga.com
Photomuseum, Musée de la Photographie et du
Cinéma, 11, San Ignacio Kalea, 20800 Zarautz ;
+34 943 13 09 06 ; photomuseum@photomuseum.name ;
http://www.photomuseum.es/
Topic. Centre international de la marionnette, 1, Euskal
Herria Plaza, 20400 Tolosa ; +34 943 65 04 14 ;
cit@cittolosa.com ; http://www.topictolosa.com/

Ethno-écomusées
Bateau-musée Mater, rue Arraunlari-Torreatze,
20110 Pasai/Pasajes San Pedro ; +34 619 81 42 25 ;
itsasgela@itsasgela.org ; http://www.itsasgela.org
Centre d’interprétation de l’art funéraire à
64120 Larceveau-Larzabale ; +33 (0) 5 59 37 81 92 ;
ComLarceveau@cdg-64.fr ; http://www.lauburu.fr
Centre d’interprétation du fromage IDIAZABAL,
37 Kale Nagusia, 20213 Idiazabal ; +34 943 18 82 03 ;
info@idiazabalgaztarenmuseoa.com ;
http://www.idiazabalgaztarenmuseoa.com/
Écomusée du Moulin de Zubieta/Zubietako Errota,
Route de Leiza, 31746 Zubieta ; +34 948 45 19 26/
+34 619 08 46 03 ; udala@zubieta.es ;
http://www.zubietakoerrota.net/
Erreminta Makinaren Museoa/Musée de la Machine-
outil, 1 Azkue Auzoa, 20870 Elgoibar ;
+34 943 74 84 56 ; museo@imh.es ; http://www.makina-
erremintaren-museoa.com
Gatzaren Ekomuseoa/Écomusée du Sel, San Antonio
Auzoa 20530 Leintz Gatzaga ; +34 943 71 47 92 ;
labidea@euskalnet.net ; http://www.leintzgatzaga.com/
Herri Musikaren Txokoa/Centre de documentation de
la musique et des instruments populaires, 6 Tornola
Kalea, 20180 Oiartzun ; +34 943 49 35 78 ;
herrimusika@herrimusika.org ;
http://www.herrimusika.org/
Igartubeiti Baserri Museoa/Ferme-musée Igartubeiti
Baserria, 20709 Ezkio/Itsaso ; +34 943 72 29 78 ;
igartubeiti@gipuzkoa.net ;
http://www.gipuzkoakultura.net/museos/igartu/index.php
Izenaduba basoa, parc thématique sur la mythologie
basque, Casa de Olentzero à Landetxo goikoa, 48100
Mungia ; +34 946 74 00 61 ; olentzero@izenaduba.com ;
http://www.izenaduba.com/
La maison labourdine, Quartier Arrauntz,
64480 Ustaritz/ Uztaritze ; +33 (0) 5 59 70 35 41 ;
xlan@lamaisonlabourdine.com ;
http://www.lamaisonlabourdine.com/pagefr.htm
La Vallée Salée d’Añana/Añanako Gatz-Harana,
01426 Gesaltza-Añana / Salinas de Añana - Araba/Álava ;
+34 945 35 11 11 ; info@vallesalado.com ;
http://www.vallesalado.com/es/
Maison de la mémoire d’Isaba/Casa de la Memoria de
Isaba, Calle Izargentea nº 28, 31417 Isaba/Izaba ;
+34 948 89 32 51 ; casadelamemoria@isaba.es ;
http://www.isabacasadelamemoria.com/
Maison Musée de Julián Gayarre/Casa Museo de
Julián Gayarre, Calle Arana s/n, 31415 Roncal ;
+34 948 47 51 80 ; info@juliangayarre.com ;
http://www.juliangayarre.com/
Maison de Victor Hugo, Office de tourisme de Pasaia,
63 Donibane, 20110 Pasaia Donibane ; +34 943 34 15 56
Mirandola, ancienne forge en fonctionnement, dans le
parc de Mirandola, Telleriarte auzoa z/g, 20230 Legazpi ;
+34 943 73 04 28 ; mirandaola@lenbur.com ;
http://www.nekatur.net/ferreria-de-mirandaola/
Musée des Abeilles AIKUR, Santa Barbarako bidea,
20700 Urretxu ; +34 630 70 25 87/+34 656 78 57 48 ;
aikur@aikur.com ; http://www.aikur.com/
Musée ethnographique de Artziniega, 12 Arteko
Aldapa, 01474 Artziniega ; +34 945 39 62 10/39 60 01 ;
http://www.alavaturismo.com/es/index.php
Musée minier du Pays basque, Campodiego auzoa s/n
(abanto Zierbena), 48500 Gallarta ; +34 946 36 36 82 ;
informacion@museominero.net ;
http://www.museominero.net
Musée du Ciment Rezola/Museum Cemento Rezola,
36 avda Añorga, 20018 Rezola, Donostia/San Sebastián ;
+34 943 36 41 92 ;
museumcemento@k6gestioncultural.com ;
http://www.museumcemento.rezola.net/
Ontziola, chantier naval traditionnel, 33 Donibane,
20110 Pasaia/Donibane +34 943 34 15 56 ;
turismo@oarsoaldea.net ;
http://www.spain.info/fr/conoce/museo/guipuzcoa/ontziol
a.html
Ortillopitz/la maison basque de Sare F 64310 Sare ;
+33 (0) 5 59 85 91 92/+33 (0) 5 59 85 91 93 ;
basque@ortillopitz.com ; http://www.ortillopitz.fr/
Sagardo etxea museoa/musée du Cidre, 48 Kale
Nagusia, 20115 Astigarraga ; +34 943 55 05 75 ;
info@sagardoetxea.com ; museo@sagardoetxea.com ;
http://www.sagardoetxea.com
Sentier pédagogique sur l’élevage du porc basque,
Pierre Oteiza 64430 Les Aldudes ; +33 (0) 5 59 37 56 11 ;
contact@pierreoteiza.com ;
http://www.pierreoteiza.com/parcours-decouverte
Zerain Parke Kulturala/Musée ethnographique,
Herriko plaza, z/g 20214 Zerain ; +34 943 80 15 05 ;
turismobulegoa@zerain.com ; http://www.zerain.com

Sites préhistoriques
Ekain Berri, réplique de la grotte d’Ekain, 9, rue Portale,
20740 Zestoa ; +34 943 86 88 11 ; info@ekainberri.com ;
www.ekainberri.com
Grottes Arrikrutz, Office de tourisme, 14, rue San Juan,
20560 Oñati ; +34 943 78 34 53 ; turismo@oinati.org ;
http://www.oinati.eu/turisme/arrikrutz-les-grottes-donati
Grottes préhistoriques d’Isturitz et Oxocelhaya,
Quartier Herebehere, 64640 Saint-Martin-
d’Arberoue/Donamartiri ; +33 (0) 5 59 47 07 06 ;
Grottes.isturitz@gmail.com ; http://www.grottes-
isturitz.com/grottes-isturitz
Les grottes de Sare 64310 Sara ; +33 (0) 5 59 54 21 88 ;
lezea@grottesdesare.fr ; http://www.grottesdesare.fr/

Centres de culture et d’expositions


Koldo Mitxelena Kulturunea, 9 Urdaneta kalea,
20006 Donostia/San Sebastián ; +34 943 11 27 60 ;
http://kmk.gipuzkoakultura.net/index.php/es/home/contac
to
Larraldea, maison des associations basques ; Quartier
Amotze, 64310 Saint-Pée/Senpere ; http://larraldea-
amotz.com

Parcs naturels
Centre d’interprétation du Moyen Âge, Ardixarra
Etxea, 12 Kale Nagusia, 20214 Segura ;
+34 943 80 17 49/ +34 943 80 10 06 ; turismobulegoa-
segura@telefonica.net ;
http://www.seguragoierri.net/eu/portada/
Domaine d’Abbadia, « Larretxea », Rue d’Armatonde,
64700 Hendaye/Hendaia ; +33 (0) 5 59 20 37 20 ;
domaine. abbadia@hendaye.com ; http://www.abbadia.fr
Forêt d’Iraty, entre la Soule, la Basse-Navarre et la
Haute-Navarre ; http://www.tourisme64.com/1-12648-
Foret-d-Iraty.php ; http://www.aezkoa.net/ ;
http://www.irati.org/
Centre d’interprétation et d’information du parc
naturel de Pagoeta, Iturraran Parketxea ;
+34 943 83 53 89 ; iturraran@gipuzkoa.net ;
http://www.aiapagoeta.com
Karpin Abentura, parc d’aventure, 48891 Karrantza ;
+34 946 10 70 66 ; info@karrantza.com ;
http://www.karpinabentura.com
Massif des Arbailles, entre la Soule et la Basse-Navarre ;
http://www.valleedesoule.com/FR/visites_en_soule/sites_
naturels_en_soule/massif_des_arbailles.aspx

Agrotourisme
Gîtes ruraux d’Euskadi, Nekatur ;
http://www.nekatur.net/
Gîtes ruraux de Navarre ;
http://www.agroturismosnavarra.com/?lang=fr

Festivals de musique et de danse


Concours international de Chœurs de Tolosa, aux
alentours de la Toussaint (1er novembre) à 20400 Tolosa
Guipúzcoa ; http://www.cittolosa.com/
Errobiko Festibala. Pendant la 3e semaine de juillet de
jeudi à dimanche à 64250 Itxassou/Itsasu ;
http://www.errobikofestibala.fr/
Euskal Herria Zuzenean. Week-end fin juin-début juillet
à 64460 Hélette/Heleta ; +33 (0) 5 59 70 20 08 ;
www.ehz-festibala.com
Festival international du Chant choral au Pays basque.
Le festival se tient sur deux fins de semaine, fin octobre/
début novembre en même temps que le concours
international de chœurs de Tolosa ; +33 (0)
5 59 51 61 58 ; contact@chantchoralpaysbasque.net ;
http://www.chantchoralpaysbasque.net/
Festival transfrontalier de danse, Dantza Hirian. 3e
et 4e semaines de septembre ; +33 (0) 647 81 45 04 ;
komunika@dantzahirian.com ;
http://www.dantzahirian.com/
Festival Xiru. Festival éclectique de culture basque et
d’ailleurs, au printemps, vers la fin du mois de mars.
Gotein-Libarrenx, Soule/Zuberoa ; http://www.soule-
xiberoa.fr/
Festivals internationaux de Jazz. Pendant le mois de
juillet, à Getxo (Biscaye), à Vitoria/Gasteiz (Araba) et à
Donostia/San Sebastián ; http://www.jazzeuskadi.com/
Festival international du Film de Saint-Sébastien. Entre
la 3e et la 4e semaine de septembre ;
http://www.sansebastianfestival.com/
Müsikaren egüna, le jour de la musique. Trois jours de
rencontres pour une fête populaire qui donne une place
particulière aux langues identitaires, 3e semaine du mois
de mai à Ordiarp/Urdiñarbe ; http://www.soule-xiberoa.fr/

Rendez-vous dans la rue


Manifestations de chants
Baionan Kantuz/En chantant à Bayonne. Une
animation de chants aux halles de Bayonne, le 4e samedi
de chaque mois, de 11h30 à 12h30. Précédée d’une
répétition générale place Lacarre à 11h.
Kantu zaharraren eguna Senperen/Jour de la vieille
chanson. Repas chantant le 3e dimanche de septembre à
partir de midi à la maison Oxtikenea à Saint-Pée-sur-
Nivelle.
Kantuaren Eguna. Journée autour du chant basque à
Saint-Jean-de-Luz, le 2e dimanche d’avril ;
http://www.begiraleak.com/

Manifestations dansantes
Les mutxikos sont un type de danse sociale traditionnelle du
Pays basque (voir au chapitre 9). Voici les rendez-vous :
Anglet/Angelu, à 11h à la place de Cinq-Cantons le 3e
dimanche de chaque mois.
Bayonne/Baiona, à 11h à la place des Gascons le 2e
dimanche de chaque mois.
Biarritz/Miarritze, à 11h sur l’Esplanade du Casino
municipal le 1er dimanche de chaque mois.
Hendaye/Hendaia, chaque 4e dimanche du mois au
Fronton Gaztelu-Zahar.

Journées populaires revendicatives


Nafarroaren Eguna, la Journée de la Navarre. Le
dernier dimanche d’avril à Saint-Étienne-de-
Baïgorry/Baigorri.
Lapurtarren Biltzarra, l’Assemblée des Labourdins.
Dans les rues d’Ustaritz qui deviennent le théâtre des
revendications labourdines. Il a lieu le dernier dimanche
de septembre.

Manifestations en faveur de la
langue basque
Les ikastola, écoles immersives en basque, de chaque territoire
historique organisent tous les ans une fête géante rassemblant
des dizaines de milliers de personnes. Les buts sont de collecter
des fonds pour les investissements des fédérations d’ikastolas,
de faire connaître les ikastolas à l’occasion d’un événement
culturel fort.
Araba Euskaraz en Álava, le 3e dimanche de juin.
Herri Urrats, au Pays basque nord, se célèbre chaque
année au lac de Saint-Pée-sur-Nivelle, le 2e dimanche de
mai.
Ibilaldia, en Biscaye, le dernier dimanche de mai.
Kilometroak, en Guipúzcoa, le 1er dimanche d’octobre.
Nafarroa Oinez, en Navarre, le 3e dimanche d’octobre.

La Korrika, course ininterrompue traversant tout le Pays basque


organisée par AEK, association pour l’Alphabétisation et
l’Euskaldunisation des adultes, a lieu tous les deux ans (voir au
chapitre 5).

Sites de tourisme
Tourisme en Euskadi ; http://tourisme.euskadi.net/fr/
Tourisme en Navarre ;
http://www.turismo.navarra.es/fre/home/
Le portail de la Soule ; http://www.soule-xiberoa.fr/
Tourisme en Pays basque (nord) et Béarn ;
http://www.tourisme64.com/
Sommaire

Couverture
Pays Basque Poche Pour les Nuls
Copyright
Remerciements

Introduction
À propos de ce livre
Comment ce livre est organisé
Les icônes utilisées dans ce livre
Par où commencer ?

Première partie - Une longue, longue histoire !


Chapitre 1 - Des origines au Moyen Âge
Les premières données, avant les invasions indo-européennes

Des passagers qui laissent des traces

Les Basques indépendants ? Le royaume de Navarre

Chapitre 2 - L’Ancien Régime et les libertés forales


De la pêche lointaine aux découvertes et à la guerre en mer

La chasse aux sorcières

Les lois forales et la démocratie directe

La Révolution française et ses conséquences


Chapitre 3 - XIXe siècle, la naissance du nationalisme
L’époque napoléonienne

Les guerres carlistes et les fueros

Sabino Arana Goiri et la création des symboles actuels du nationalisme

La renaissance de la culture basque : les jeux floraux

Le thermalisme et les débuts du tourisme international

Chapitre 4 - LeXXe siècle, vers l’émancipation


Le premier statut d’autonomie et la guerre civile espagnole

Les Basques pendant la Seconde Guerre mondiale

La période de la dictature franquiste

La résistance et la création d’ETA

La naissance des territoires autonomes au sud

Le débat autour d’une collectivité territoriale au nord

Des structures palliatives non élues

Deuxième partie - Une forte identité, le Basque a du caractère


Chapitre 5 - « La langue basque est une patrie »
Euskaldunak, ceux qui parlent euskara

De la nuit des temps à aujourd’hui : un peu d’histoire

Structure de la langue, apprenons un peu de basque

Chapitre 6 - Symboles, traditions et croyances


Les symboles

Une tradition chrétienne tardive

Les rites et les croyances

Les mythes et leur actualité

Chapitre 7 - L’émigration et l’esprit d’entreprise


Les aventuriers de la mer, à la découverte du monde

L’émigration économique

L’exploitation des ressources naturelles

Troisième partie - La culture, un mariage réussi de tradition et


de modernité
Chapitre 8 - Aperçu de la culture au cours des siècles
La culture basque. Tradition, transmission et création

Des premiers concours littéraires à la littérature contemporaine

Carnavals, mascarades, pastorales : une tribune millénaire

Chapitre 9 - « Un peuple qui danse et chante au pied des Pyrénées


»
La Soule, au pays de Pitxu et du zamalzain

L’« aurresku » : une danse vaut mieux qu’un long discours

Rendez-vous dansant avec les mutxikos

De la danse traditionnelle à la danse classique et contemporaine

Chapitre 10 - Le chant et la musique


Le bertsolarisme ou l’art d’improviser

Le chant, un second langage

La musique savante

« Txalaparta », « txistu », « ttun ttun » et compagnie

Chapitre 11 - De la pelote au surf, un paradis pour les sportifs


Le Basque bondissant

Chistera, paleta, xare, main nue, cesta punta, que de spécialités !

La force basque n’est pas un vain mot

La naissance du surf en Europe

Rugby au nord, football au sud, beaucoup de passion


Quelques grands sportifs basques

Au poker menteur : le « mus »

Chapitre 12 - Des peintures rupestres à l’art contemporain


Des artistes de la préhistoire

Deux joyaux architecturaux du Moyen Âge

Que fait-on de l’art populaire ?

Avec l’industrialisation et le tourisme, le renouveau artistique

Les créateurs contemporains

Quatrième partie - Le Pays basque aujourd’hui


Chapitre 13 - Une économie dynamique mais fragile
Au sud : une industrie diversifiée

Un autre type d’entreprise : les coopératives

Vers une agriculture responsable

Le poids du tourisme

Chapitre 14 - De l’« etxe » à l’uniformisation ?


La maison traditionnelle

L’impact de l’évolution sociale et économique

Le XXIe siècle : une société en mutation et de nouveaux défis

Chapitre 15 - Une voie de passage : l’explosion des transports


De la voie romaine au chemin de Saint-Jacques

L’axe atlantique européen nord-sud

Cinquième partie - Le tour du Pays basque, océan et montagne


réunis
Chapitre 16 - Sur les chemins de Saint-Jacques par Pampelune
Le trait d’union entre les deux Navarre
Iruñea (Pampelune), capitale du royaume

La Tierra Estella

De Puente la Reina à Estella

D’Estella à Viana

Chapitre 17 - De Bayonne à Bilbao, le long du golfe de Gascogne


De Bayonne à Biarritz au fil de l’eau

En empruntant le sentier du littoral de Bidart à Hendaye

De la Bidassoa aux confins du Guipúzcoa

Du village d’origine de Simón Bolívar au chêne de Guernica

Le grand Bilbao

Chapitre 18 - Des vallées pyrénéennes à l’Èbrea


De L’Hôpital-Saint-Blaise au sommet de l’Orhy

Les vallées de Salazar et de Roncal

Les joyaux architecturaux de la sierra de Leyre

La Ribera, verger du Pays basque

Chapitre 19 - De la vallée de l’Urola à la plaine d’Álava


Urola, la vallée de pierre, de bois et de fer

De Zumaia en remontant l’Urola

Sur les terres d’Ignace de Loyola

De la vallée du fer à la vallée du sel

Vitoria-Gasteiz, capitale de la - Communauté autonome basque

Des chapelles troglodytes aux terres du vin

Chapitre 20 - Quelques lieux extraordinaires


Urdaibai, réserve mondiale de la biosphère

La vallée salée d’Añana

Les gorges de la montagne de Leyre


Le désert des Bárdenas Reales

Le paradis de l’eau : Urederra

Les lacs artificiels de La Arboleda

Artikutza, une relique vivante

Le parc naturel de la Seigneurie de Bertitz

À perte de vue du haut de la Rhune

Les gorges de Kakouetta

Le pont d’Holtzarte

Sixième partie - La partie des Dix


Chapitre 21 - Dix objets basques
L’alboka, un olifant double en corne de vache

Le béret

Le chistera

Les espadrilles

Le makila, bâton traditionnel

La pelote

Le tambourin basque

Les tissus basques

La txalaparta, le xylophone ancestral

Le txistu, la flûte à trois trous

Chapitre 22 - Dix monuments remarquables


L’église de Sainte-Engrâce

Le château d’Andurain à Mauléon

La rue principale d’Aïnhoa

L’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz

Le sanctuaire de Notre-Dame d’Arantzazu


Oñate, la première université du Pays basque

La grotte de Santimamiñe

La Maison des Assemblées de Guernica

La cathédrale Sainte-Marie de Vitoria

Le musée Guggenheim de Bilbao

Chapitre 23 - Dix événements festifs


Lurrama : le salon de l’agriculture durable

Durangoko azoka : le salon du livre et de la musique

Estropadak : les courses de traînières

Euskal Herria Zuzenean : le festival alternatif

Korrika : la course pour la langue basque

Le carnaval de Lantz

Le carnaval d’Ituren et Zubieta

Les concours de chiens de berger

Idi probak : les concours de bœufs

Les fêtes de la diaspora

Septième partie - Annexes


Quelques bonnes adresses et événements
Musées

Ethno-écomusées

Sites préhistoriques

Centres de culture et d’expositions

Parcs naturels

Agrotourisme

Festivals de musique et de danse

Rendez-vous dans la rue - Manifestations de chants


Manifestations dansantes

Journées populaires revendicatives

Manifestations en faveur de la langue basque

Sites de tourisme

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