Vous êtes sur la page 1sur 24

Distance culturelle, perception du multiculturalisme et

préjugés envers les immigrés en France


Yara Mahfud, Constantina Badea, Serge Guimond, Nolwenn Anier,
Andreea Ernst-Vintila
Dans L’Année psychologique 2016/2 (Vol. 116), pages 203 à 225
Éditions NecPlus
ISSN 0003-5033
DOI 10.3917/anpsy.162.0203
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique1-2016-2-page-203.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour NecPlus.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Distance culturelle,
perception du multiculturalisme
et préjugés envers les immigrés en France
1∗ 1 2 2
Yara Mahfud , Constantina Badea , Serge Guimond , Nolwenn Anier
1
et Andreea Ernst-Vintila
1 Université Paris Ouest Nanterre, France
2 Université Blaise Pascal, LAPSCO UMR 6024 CNRS, Clermont Ferrand, France

RÉSUMÉ
Nous présentons deux études réalisées en France auprès de membres du
groupe majoritaire français. Dans une première étude, corrélationnelle,
nous les avons interrogés sur leur perception de distance culturelle entre les
différents groupes d’immigrés et le groupe majoritaire, sur leur adhésion
au multiculturalisme et à l’assimilation, sur les préjugés à l’égard de
chaque groupe minoritaire et sur la perception du multiculturalisme
comme étant une menace à l’identité nationale. Dans une deuxième étude,
nous avons manipulé expérimentalement la distance culturelle. En accord
avec notre hypothèse, les Français qui perçoivent le multiculturalisme
comme menaçant expriment plus de préjugés envers les immigrés que
les Français qui le perçoivent moins menaçant. Les résultats montrent
aussi une interaction entre la distance culturelle, la perception de la
menace du multiculturalisme et l’adhésion aux modèles d’intégration. Les
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


Français qui adhèrent davantage au multiculturalisme et qui perçoivent ce
modèle comme menaçant expriment plus de préjugés, qu’ils perçoivent
une grande distance culturelle ou non. En revanche, les Français qui
adhèrent davantage à l’assimilation et qui perçoivent le multiculturalisme
comme une menace ont plus de préjugés lorsqu’ils perçoivent une grande
distance culturelle plutôt que lorsqu’ils perçoivent une faible distance
culturelle.

∗ Correspondance : Yara Mahfud, Université Paris Ouest Nanterre, UFR Sciences Psychologiques et Sciences
de l’Éducation, 200 avenue de la République, 92001 Nanterre cedex. E-mail : yara.mahfud@gmail.com
Cette recherche bénéficie du financement doctoral de la Région Ile-de-France dans le cadre du Domaine d’Intérêt
Majeur : Genre, Inégalités, Discriminations.

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


204 Yara Mahfud et al.

Cultural distance, perception of multiculturalism


and prejudices against immigrants in France

ABSTRACT
Two studies conducted in France with members of the French majority group are
presented. In a first correlational study, participants were questioned about their
perception of a cultural distance between different immigrants’ groups and the majority
group, about their personal support toward multiculturalism and assimilation, about
their level of prejudice toward each minority group and about their perception of
multiculturalism as a threat toward national identity. In a second, similar study,
we experimentally manipulated cultural distance. In agreement with our hypothesis,
French people who perceive multiculturalism as a threat express more prejudice toward
immigrants than French people who perceive multiculturalism as less threatening. Results
also showed an interaction between cultural distance, perception of multiculturalism as
threatening and personal support toward integration models. On the one hand, French
people who personally support multiculturalism and perceive this model as threatening
express more prejudice, regardless of their perception of cultural distance. On the other
hand, French people who personally support assimilation and perceive multiculturalism
as threatening express more prejudice when they also perceive a large cultural distance
than when they perceive a small one.

1. INTRODUCTION
Percevoir une grande distance culturelle entre les groupes minoritaires,
issus de l’immigration, et le groupe majoritaire, dans un pays d’accueil,
conduit les membres de ce dernier à exprimer des préjugés envers ces
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


minorités (Mahfud, Badea, & N’Gbala, 2015). Triandis (1994) suggère de
prendre en compte plusieurs critères de distance culturelle parmi lesquels :
la langue maternelle, la religion, la conception du mariage, la conception de
la famille, les valeurs et le niveau économique. Des recherches antérieures
suggèrent que le lien entre la distance culturelle perçue et les attitudes
intergroupes négatives peut être modéré par le modèle d’intégration des
immigrés auquel les membres du groupe majoritaire sont attachés (Wolsko,
Park, & Judd, 2002). Une étude réalisée en France (Mahfud et al., 2015)
montre que chez les Français qui adhèrent davantage à l’assimilation,
la perception d’une grande distance culturelle entre les immigrés et le
groupe majoritaire est associée à des préjugés envers les immigrés. Plus les
immigrés sont perçus comme étant différents des Français sur les critères
définis par Triandis (1994), moins ils sont appréciés par les Français qui
adhèrent à l’assimilation. Ce modèle d’intégration défend la primauté de
la culture nationale par rapport aux cultures minoritaires (Guimond, de

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 205

la Sablonnière, & Nugier, 2014). Les résultats montrent aussi que, chez
les individus qui se disent adhérer au multiculturalisme, ce modèle qui
encourage les identités culturelles multiples (Guimond et al., 2014), le lien
entre la distance culturelle perçue et les préjugés à l’égard des immigrés
est plus faible mais reste significatif. Pourquoi certains membres du groupe
majoritaire qui se disent attachés au multiculturalisme, perçoivent-ils ce
lien entre la distance culturelle et les préjugés ? L’objectif de cette recherche
est de montrer que la perception du multiculturalisme comme étant une
menace à l’identité nationale modère le lien entre la distance culturelle et
les préjugés.

1.1. Multiculturalisme et attitudes intergroupes


De nombreuses études réalisées dans des pays dont la politique officielle
de l’immigration est ou a été à un moment donné le multiculturalisme
mettent en avant les effets bénéfiques de ce modèle d’intégration dans les
rapports entre le groupe majoritaire et les minorités issues de l’immigration
(Guimond et al., 2013 ; Richeson & Nussbaum, 2004 ; Verkuyten, 2005 ;
Wolsko et al., 2006). Néanmoins, d’autres recherches montrent des résultats
plus ambigus. Ainsi, par exemple, Ginges et Cairns (2000) ont examiné
l’évaluation que les membres du groupe majoritaire australien font de
la politique du multiculturalisme menée par le gouvernement (Office of
Multicultural Affairs, 1988). L’analyse de contenu des réponses montre que
certains participants conçoivent le multiculturalisme comme une politique
active du gouvernement qui apporte des bénéfices importants à la société.
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


D’autres, au contraire, le perçoivent comme une menace pour la stabilité
et l’unité du pays. Les résultats montrent aussi des participants ambivalents
qui perçoivent les changements apportés par le multiculturalisme comme
étant à la fois bénéfiques et menaçants pour la société australienne. Les
auteurs interprètent ces résultats comme une compréhension minimale de
la politique du multiculturalisme.
Aux Pays-Bas, Verkuyten (2004) a examiné les arguments utilisés par
les membres du groupe majoritaire pour parler du multiculturalisme.
Ces arguments font référence à la politique du gouvernement mais aussi
à la diversité culturelle existante au sein de la société néerlandaise.
Parmi les arguments en faveur du multiculturalisme, on retrouve :
l’apprentissage, la tolérance, l’égalité, la compréhension, l’enrichissement.
Le multiculturalisme favoriserait l’apprentissage d’autres façons de vivre
et un meilleur développement personnel. Il serait un moyen de prévenir
les discriminations et le racisme en incitant à être plus tolérant et plus

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


206 Yara Mahfud et al.

respectueux des autres. Ce modèle défendrait l’égalité entre les différents


groupes en offrant la possibilité à chacun d’être soi-même et de vivre sa
propre vie. Il permettrait une prise de conscience des différents points de
vue et par conséquent une relativité de sa vision du monde (ni la seule, ni
la meilleure). Enfin, la diversité en tant que telle enrichirait la société par le
biais de cultures culinaires et musicales.
En ce qui concerne les arguments contre le multiculturalisme et en
faveur de l’assimilation, plusieurs éléments ont émergé. Le multicultur-
alisme peut être perçu comme une menace, tandis que l’assimilation
des minorités peut donner un sentiment de sécurité, de confiance et de
contrôle. La diversité amènerait à des tensions sociales et à des conflits qui
conduiraient au désordre social. Certains Néerlandais pensent aussi que le
multiculturalisme présente des difficultés pratiques puisqu’il poserait des
problèmes de communication intergroupe alors que l’assimilation, de ce
point de vue, serait plus fonctionnelle. Le multiculturalisme mettrait aussi
en péril l’unité et la force de la nation. Enfin, un dernier argument était
que le multiculturalisme affectait la clarté des valeurs et des normes de
référence. Ces arguments contre le multiculturalisme ont été utilisés dans
la construction d’une échelle de menace perçue du multiculturalisme que
nous allons présenter dans la partie Méthode.
Yogeeswaran et Dasgupta (2014) proposent de réconcilier ces con-
clusions divergentes concernant les effets du multiculturalisme sur les
attitudes intergroupes en prenant en compte le niveau d’abstraction
auquel ce modèle d’intégration est présenté aux participants d’une
recherche. On peut remarquer, dans les travaux de Verkuyten (2004),
que les participants se réfèrent au multiculturalisme en parlant de la
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


diversité culturelle concrète. Dans les travaux de Ginges et Cairns (2000),
les auteurs examinent la perception de l’efficacité de la politique du
multiculturalisme mise en place par le gouvernement australien. La
définition du multiculturalisme en termes concrets faisant référence aux
pratiques existantes pour gérer la diversité culturelle peut amener les
individus à percevoir ce modèle d’intégration comme étant une menace
à l’identité nationale, en particulier au niveau symbolique (Yogeeswaran &
Dasgupta, 2014). En effet, Stephan et Stephan (2000) font la distinction
entre menace « réaliste » qui fait référence au domaine économique et la
menace « symbolique » qui se réfère aux différences perçues sur le plan
culturel. Or, le multiculturalisme représente plus que la reconnaissance de
la diversité culturelle et plus qu’une pratique gouvernementale. Ce modèle
inclut le partage interculturel, l’équité entre les groupes et leur inclusion
dans une catégorie commune super-ordonnée (Guimond et al., 2014).

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 207

1.2. Multiculturalisme et menace à l’identité nationale


En France, le multiculturalisme peut être perçu comme une menace à
l’identité nationale, d’une part, à cause de sa présentation négative dans les
médias nationaux (May, 2015), d’autre part, à cause de sa confusion avec
la ségrégation (Hahn, Judd, & Park, 2012). Des travaux récents (Guimond,
Streith, & Roebroeck, 2015) montrent que le multiculturalisme possède
une connotation négative dans ce contexte national. En effet, ces auteurs
montrent que, si les Français possèdent pour la plupart une attitude
favorable au multiculturalisme, ils ont aussi l’impression qu’une majorité
d’entre eux est contre ce principe. Notamment, l’orientation politique
des participants joue un rôle important aussi bien dans la perception du
multiculturalisme comme étant une menace à l’identité nationale que dans
les attitudes à l’égard des immigrés : plus l’orientation politique penche
vers la droite, plus on perçoit de menace et plus on exprime des préjugés
(Sidanius, Pratto, & Bobo, 1996 ; Yogeeswaran & Dasgupta, 2014).
Certaines indications permettent de penser que les discours médi-
atiques et politiques envers le multiculturalisme, globalement négatifs,
participeraient à la mise en place et au renforcement de cette image. May
(2015) a examiné la présentation du multiculturalisme dans les principaux
journaux nationaux. Comme dans le contexte néerlandais (Verkuyten,
2004), les journalistes français se réfèrent à ce modèle d’intégration en
employant des termes tels que « désordre », « division », « ghettos »,
« communautarisme ». May (2015) observe que le multiculturalisme est
associé à une forme de différenciation intergroupe qui s’oppose aux droits
universels. Le multiculturalisme est considéré comme une « marionnette de
l’islam radical », comme une menace pour la cohésion nationale, comme la
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


source de la violence sur le sol français. Aussi, nous avons de bonnes raisons
de penser que les Français peuvent percevoir le multiculturalisme comme
une menace à l’identité nationale. Ici, il s’agirait plutôt d’une identité dite
nationaliste (Kervyn, Leyens, & Deschamps, 2015), proche du concept de
« pseudo-patriotisme » (Adorno, Frankel-Brunswik, Levinson, & Sanford,
1950) défini comme un dévouement aveugle à des valeurs nationales, sans
aucune attitude critique vis-à-vis des agissements de son pays.
Une autre source de menace dans la perception de ce modèle
serait la confusion entre le multiculturalisme et la ségrégation. Il nous
semble ainsi important de distinguer ces deux modèles d’intégration.
Les changements qui résultent du contact entre des groupes de cultures
différentes définissent ce qu’on appelle en psychologie interculturelle,
l’acculturation. L’acculturation peut être examinée à plusieurs niveaux :
intra-individuel, intergroupe ou idéologique. Au niveau intra-individuel,
Berry (1999 ; 2001) définit quatre stratégies d’acculturation des immigrés

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


208 Yara Mahfud et al.

en fonction de la réponse « oui » ou « non » à deux questions : « maintenir


sa culture d’origine ? » et « établir des contacts avec le groupe majoritaire ? ».
Ici on s’intéresse à deux stratégies en particulier : l’intégration et la
séparation. L’intégration suppose à la fois le maintien de la culture d’origine
et le développement des contacts avec les membres du groupe majoritaire.
La séparation c’est le choix des immigrés qui souhaitent préserver leur
culture d’origine sans établir de contacts avec les membres de la société
d’accueil (Ramos et al., 2013). Au niveau intergroupe, il s’agit d’examiner
la concordance entre les choix des immigrés d’une part et les souhaits des
membres du groupe majoritaire d’autre part (Bourhis, Moïse, Perreault, &
Senecal, 1997). Il se peut que les membres du groupe majoritaire optent
aussi pour l’intégration des immigrés, or, au contraire, ils imposent leur
assimilation (Zagefka & Brown, 2002). Au niveau idéologique, les stratégies
d’acculturation présentées plus haut correspondent à des normes sociales
résultant des politiques d’immigration menées par les gouvernements
(Guimond et al., 2013). L’intégration en tant que stratégie d’acculturation
définie par Berry (1999, 2001) correspond, au niveau idéologique, au
multiculturalisme, tandis que la séparation correspond à la ségrégation.
Selon Hahn et ses collaborateurs (Hahn et al., 2010), la distinction
entre le multiculturalisme et la ségrégation réside dans la façon dont
les membres de la majorité nationale évaluent les différences entre
les groupes cohabitant dans leur pays. Une évaluation positive de ces
différences renvoie à une approche multiculturelle tandis qu’une évaluation
négative de celles-ci renvoie au séparatisme. Plus précisément, aussi bien
le multiculturalisme que la ségrégation reconnaissent les différences entre
les groupes culturels mais ne leur accordent pas les mêmes valeurs. Dans
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


le cas du multiculturalisme, ces différences sont encouragées et perçues de
manière favorable alors que dans le cas de la ségrégation, ces différences sont
mises en avant et considérées de manière défavorable (Hahn et al., 2010). La
perception du multiculturalisme comme étant une menace pour l’identité
nationale résulte ici de sa confusion avec le séparatisme.

1.3. La présente recherche


Dans cette recherche, nous souhaitons montrer que la perception d’une
grande distance culturelle amène les individus, membres de la majorité
nationale, à manifester des préjugés à l’égard des immigrés, lorsqu’ils
perçoivent le multiculturalisme comme étant menaçant. D’une part, la
présentation du multiculturalisme dans les médias français peut amener
les individus à percevoir ce modèle d’intégration comme étant une menace

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 209

à l’identité nationale (May, 2015). D’autre part, le multiculturalisme peut


être confondu avec la ségrégation, où les différences interculturelles sont
évaluées négativement (Hahn et al., 2010).
L’impact de cette perception de menace peut dépendre aussi du modèle
d’intégration préféré par les participants. Chez les individus ambivalents
qui préfèrent le multiculturalisme mais expriment une certaine crainte à
l’égard de ce modèle (Verkuyten, 2004), la perception de la menace est
associée aux préjugés indépendamment de la distance culturelle perçue
entre les immigrés et le groupe majoritaire. En effet, la distance culturelle
est congruente avec le système de croyances des individus adhérant
au multiculturalisme (Guan et al., 2009 ; Mahfud et al., 2015). En
revanche, chez les individus qui préfèrent l’assimilation et qui perçoivent le
multiculturalisme comme étant menaçant, le niveau de préjugés augmente
avec la distance culturelle perçue. Ce modèle d’intégration défend la
primauté de la culture majoritaire par rapport aux cultures minoritaire
et s’attache à l’homogénéité au sein de la culture nationale (Waldzus,
Mummendey, & Wenzel, 2005). Nous présentons deux études réalisées en
France auprès d’individus qui déclarent leur langue maternelle comme
étant le français.

2. ÉTUDE 1

Dans une première étude, corrélationnelle, nous avons interrogé les


© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


Français sur leur perception de distance culturelle entre les différents
groupes d’immigrés (Roumains, Chinois, Sénégalais, Marocains) et
le groupe majoritaire, sur leur adhésion au multiculturalisme et à
l’assimilation, sur les préjugés à l’égard de chaque groupe minoritaire et sur
la perception du multiculturalisme comme étant une menace à l’identité
nationale.
Nous faisons les hypothèses suivantes : Chez les membres de la majorité
nationale qui perçoivent le multiculturalisme comme étant menaçant, le
lien entre la distance culturelle et les préjugés à l’égard des immigrés est plus
fort que chez les individus qui perçoivent ce modèle d’intégration comme
étant moins menaçant (Hypothèse 1). Chez les individus qui adhèrent
davantage au multiculturalisme qu’à l’assimilation, la perception de ce
modèle comme étant menaçant est associée aux préjugés indépendamment
de la distance culturelle perçue entre les immigrés et le groupe majoritaire.
Chez les individus qui adhèrent davantage à l’assimilation, la perception
du multiculturalisme comme étant menaçant augmente le niveau de
préjugés d’autant plus que la distance culturelle perçue est importante

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


210 Yara Mahfud et al.

(Hypothèse 2). Nous mesurons également l’orientation politique des


participants afin de vérifier si le niveau de préjugés est plus élevé chez ceux
qui se déclarent de droite (voir par exemple, Badea, 2012).

2.1. Méthode
2.1.1. Participants
Notre étude a réuni 457 participants, 93 % d’entre eux, soit 427 personnes,
déclarant que leur langue maternelle est le français (Mâge = 26,8 ans,
63 % de femmes et 37 % d’hommes). Dans notre échantillon, plusieurs
catégories socioprofessionnelles étaient représentées (étudiants 63 %,
employés 14 %, cadres et professions intellectuelles supérieures, 11 %, sans
activité professionnelle 4 %, commerçants 2 %, retraité 2 %, professions
libérales 2 %, ouvriers et agriculteurs 1 % chacun). Le niveau de diplôme
le plus représenté dans notre échantillon est le baccalauréat, correspondant
à 42 % des participants. 32 % d’entre eux ont la licence, 18 % le master,
7 % a un niveau de diplôme inférieur à celui du baccalauréat et enfin 1 % le
doctorat. En ce qui concerne l’orientation politique de nos participants :
le centre 36 %, toute la gauche modérée réunie 32 %, toute la droite
modérée réunie représente 26 %, extrême gauche 5 % et d’extrême droite
1 %. Notre étude a débuté en octobre 2014 et s’est achevée en décembre
2014.
Comme mesures, nous avons inclus la perception de distance culturelle
entre les différents groupes d’immigrés et les Français natifs, l’adhésion
à différents modèles d’intégration (assimilation, multiculturalisme) – en
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


ordre contrebalancé, les préjugés à l’égard des immigrés et la perception de
menace du multiculturalisme. Afin de restreindre les catégories d’immigrés
par rapport à l’étude de Mahfud et al., (2015), nous avons sélectionné
quatre groupes minoritaires représentés en France : les Chinois, les
Roumains, les Sénégalais et les Marocains. Ces groupes ont été sélectionnés
sur la base d’absence de conflit historique avec les pays dont sont issus
ces migrants. Une analyse de variance ANOVA 4 (type de groupes :
Chinois, Roumains, Sénégalais, Marocains) sur les préjugés en intra-sujets
a été effectuée. Les résultats ne montrent pas d’effet significatif de l’ordre
F(1, 425) = 0 ; 04, p = 0,84, ni d’effet d’interaction entre l’ordre et le type
de groupes, F(3,1275) = 0,78, p = 0,51.

2.1.2. Distance culturelle


Comme dans l’Étude de Mahfud et al. (2015), dans cette partie du
questionnaire, nous avons demandé aux participants d’estimer la différence

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 211

ou distance qu’ils percevaient entre les minorités culturelles (les immigrés)


et la majorité (les Français). Il s’agit d’une mesure inspirée de travaux de
Triandis (1994). Chaque item a été répété quatre fois en fonction de chaque
minorité culturelle. Pour exprimer leur opinion sur les différences entre
Français et immigrés, les participants ont coché un nombre entre 1 (faible
distance) et 9 (grande distance). Le niveau de distance culturelle perçue
pour chaque minorité correspond à la moyenne des scores de ces items par
minorité. Les alphas de Cronbach par groupe culturel sont 0,69 pour les
Chinois, 0,79 pour les Roumains, 0,76 pour les Sénégalais et 0,79 pour les
Marocains.

2.1.3. Modèles d’intégration


Nous avons pris en compte l’adhésion à l’assimilation et au multicultur-
alisme. Les participants devaient donner leur degré d’accord allant de 1
(« pas du tout d’accord ») à 9 (« tout à fait d’accord ») pour chaque
item correspondant à ces modèles d’intégration. Ces mesures ont déjà
été utilisées dans des études réalisées en France (Badea, 2012 ; Kamiejski,
Guimond, De Oliveira, Er-Rafiy, & Brauer, 2012). Pour l’assimilation, nous
avons utilisé des items tels que : « La nation française doit être considérée
comme une et indivisible », « Les immigrés doivent adopter les coutumes
et les traditions françaises », l’alpha de Cronbach était de 0,81. Pour le
multiculturalisme, nous avons utilisé des items tels que : « Les Français
doivent reconnaître que la société française actuelle est constituée de divers
groupes ethniques », « Le gouvernement doit aider les immigrés à préserver
leur héritage culturel en France », l’alpha de Cronbach était de 0,88.
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


2.1.4. Préjugés
Pour mesurer les préjugés envers les minorités culturelles, nous avons utilisé
une mesure de préjugés explicite (Badea, 2012 ; Pearhson, Vignoles, et
Brown, 2009). Les participants devaient donner leur degré d’accord, sur
une échelle allant de 1 à 9 (1 = « pas du tout d’accord », 9 = « tout
à fait d’accord »), pour les items suivants, pour chacune des minorités
de notre étude (Chinois, Roumains, Sénégalais, Marocains). Par exemple,
pour les Chinois : « Les Chinois augmentent le taux de criminalité », « Les
Chinois sont un bien pour l’économie de notre pays », « Les Chinois
prennent les postes de travail des Français », « Les Chinois améliorent
notre société en apportant des idées et des cultures nouvelles », « Le
gouvernement dépense trop d’argent pour assister les Chinois », « À mon
avis, le nombre de Chinois dans notre pays devrait être : (1 = « Diminué »,
9 = « Augmenté ») ». Les alphas de Cronbach par groupe ethnique sont

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


212 Yara Mahfud et al.

0,62 pour les Chinois, 0,79 pour les Roumains, 0,78 pour les Sénégalais et
0,81 pour les Marocains.

2.1.5. Perception de la menace du multiculturalisme


Notre dernière mesure est inspirée des travaux de Verkuyten (2004) sur
la perception du multiculturalisme aux Pays-Bas. Les items sont présentés
dans le Tableau 1. Nous avons effectué une analyse factorielle des items
mesurant la perception du multiculturalisme. Nous avons soumis les items
à une analyse factorielle exploratoire Direct Oblimin dont le poids marqué
de chaque item devait être supérieur à 0,70. Les résultats de l’analyse facto-
rielle ne révèlent qu’un seul facteur expliquant plus de 51 % de la variance
totale (voir Tableau 1). Quatre items ont été exclus de notre mesure car ils ne
présentaient pas une forte saturation au sein du facteur 1 et d’aucun autre

Tableau 1. Analyse factorielle exploratoire des items mesurant la


perception du multiculturalisme (Étude 1)

Facteur 1 Facteur 2
Le multiculturalisme est une source d’insécurité dans −0.81 0.23
notre pays.
La stabilité de la France est menacée par le −0.84 0.22
multiculturalisme.
Le multiculturalisme conduit à des tensions sociales en −0.75 0.14
France.
Le multiculturalisme favorise la communication entre les 0.42 −0.58
minorités culturelles et les Français.
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


L’unité de la France est menacée par le multiculturalisme. −0.84 0.20
Le multiculturalisme affecte la clarté des valeurs et des −0.79 0.18
normes sociales françaises.
La sécurité dans notre pays est augmentée par le 0.05 −0.55
multiculturalisme.
Le multiculturalisme est source de conflit entre les −0.65 0.11
minorités culturelles et les Français.
Le multiculturalisme est une forme de communautarisme. −0.58 −0.36
Le multiculturalisme conduit à la ségrégation (séparation −0.78 −0.28
physique) des groupes.
Le multiculturalisme encourage les immigrés à vivre −0.80 −0.32
séparément, dans leur propre communauté.
Le multiculturalisme provoque une fracture sociale entre −0.82 −0.21
le groupe majoritaire français et les minorités
culturelles.
Le multiculturalisme favorise l’isolement des minorités −0.77 −0.37
culturelles.
Pourcentage de la variance expliquée 51 % 1%

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 213

facteur. Ces items sont : « Le multiculturalisme favorise la communication


entre les minorités culturelles et les Français », « La sécurité dans notre
pays est augmentée par le multiculturalisme », « Le multiculturalisme est
source de conflit entre les minorités culturelles et les Français » et « Le
multiculturalisme est une forme de communautarisme ». Après exclusion
de ces items, l’alpha de Cronbach des 9 items restant est de 0,93.

2.2. Résultats et discussion


2.2.1. Statistiques descriptives
Dans un premier temps, nous décrivons le lien entre la perception de
distance culturelle et les préjugés que les participants ont exprimé à l’égard
des immigrés en France (voir Tableau 2). Une analyse de variance ANOVA
4 (type de groupes : Chinois, Roumains, Sénégalais, Marocains) sur la
distance culturelle perçue en intra-sujets montre un effet significatif du
type de groupe, F(3,1278) = 34,15, p < 0,001. De façon générale, ce sont les
Roumains que les participants ont considérés comme les moins éloignés des
Français, d’un point de vue culturel, test LSD, p < 0,001. Aucune différence
significative n’est observée entre les Chinois, les Sénégalais et les Marocains
au niveau de la perception de distance culturelle, test LSD, p > 0,28. La
distance culturelle perçue est corrélée avec les préjugés pour toutes les
minorités. Ainsi, plus on perçoit les immigrés comme différents, plus on
exprime de préjugés à leur égard. Lorsque l’on regarde les coefficients
de corrélation pour chacune des minorités, nous pouvons noter que le
coefficient de corrélation le plus fort est celui obtenu par les Marocains
(r = 0,48, p < 0,001), suivi des Roumains (r = 0,26, p < 0,001), des
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


Tableau 2. Moyennes, écart-types et coefficients de corrélation
entre la distance culturelle perçue et les préjugés (Étude 1).

Corrélation entre distance


Facteurs M (SD) culturelle et préjugés
Chinois Distance culturelle 5,67 (1,43) 0,20**
Préjugés 3,84 (1,16)
Roumains Distance culturelle 5,10 (1,53) 0,36**
Préjugés 5,07 (1,64)
Sénégalais Distance culturelle 5,60 (1,47) 0,35**
Préjugés 4,35 (1,39)
Marocains Distance culturelle 5,61 (1,57) 0,48**
Préjugés 4,56 (1,56)
*p < 0,01 ; **p < 0,001

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


214 Yara Mahfud et al.

Sénégalais (r = 0,25, p < 0,001) et des Chinois (r = 0,20, p < 0,001). Le


coefficient de corrélation pour les Marocains est significativement différent
des autres groupes (p < 0,01).
Concernant l’orientation politique des participants, on observe des cor-
rélations significatives avec les scores d’adhésion aux modèles d’intégration,
avec la distance culturelle perçue, les préjugés et la menace perçue pour
le multiculturalisme. Ainsi, plus on est de droite et plus on adhère à
l’assimilation (r = 0,46, p < 0,001), moins on adhère au multiculturalisme
(r = -0,44, p < 0,001), plus on perçoit de distance culturelle entre les
groupes minoritaires et le groupe majoritaire (r = 0,32, p < 0,001), plus on
a de préjugés envers les immigrés (r = 0,47, p < 0,001) et plus on perçoit le
multiculturalisme comme une menace pour l’identité nationale (r = 0,42,
p < 0,001).

2.2.2. Test des hypothèses


Afin de tester nos hypothèses, nous avons suivi la procédure de Wolsko
et al., 2002. Nous avons réalisé une analyse de régression multiple ayant
comme variable dépendante le niveau des préjugés et comme critères la
distance culturelle perçue (centrée), le modèle d’intégration (adhésion plus
forte au multiculturalisme qu’à l’assimilation = -1, adhésion plus forte
à l’assimilation = 1), la menace du multiculturalisme (centrée) et leurs
produits. Nous avons également contrôlé pour l’orientation politique des
participants. Cette analyse a été effectuée sur un score moyen de préjugés
(incluant tous les groupes d’immigrés, R2 = 0,49).
Notre hypothèse était celle d’une interaction entre la perception de
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


menace et la distance culturelle : le lien entre la distance culturelle et les
préjugés est plus marqué lorsque la perception du multiculturalisme est
menaçante. Les résultats montrent que cette interaction est significative,
b = 0,21, t(417) = 3,21, p < 0,05. On note aussi un effet principal du
modèle d’intégration : comparés aux Français qui adhèrent davantage
au multiculturalisme, les Français qui adhèrent davantage à l’assimilation
expriment plus de préjugés envers les immigrés, b = 0,31, t(416) = 4,86,
p < 0,001.
Notre deuxième hypothèse posait une interaction entre la perception du
multiculturalisme comme une menace, la distance culturelle et l’adhésion
aux modèles d’intégration : Chez les Français qui adhèrent davantage
à l’assimilation et qui perçoivent le multiculturalisme comme étant
menaçant, le niveau de préjugé augmente avec la distance culturelle
perçue. Chez les Français qui adhèrent davantage au multiculturalisme, la
perception de ce modèle comme étant menaçant est associée aux préjugés

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 215

Figure 1. Préjugés exprimés envers les immigrés en fonction du modèle d’intégration,


de la distance culturelle perçue et de la menace du multiculturalisme (Étude 1).

indépendamment de la distance culturelle perçue entre les immigrés et le


groupe majoritaire. Cette interaction est significative, b = 0,16, t(416) =
2,48, p < 0,05.
Afin de comprendre cette interaction nous l’avons décomposée en
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


fonction du modèle d’intégration, en utilisant des dummy codings, code
1 : (« assimilation » = 1, « multiculturalisme » = 0) et code 2 :
(« assimilation » = 0, « multiculturalisme » = 1), (Judd, Yzerbyt, &
Muller, 2014). La même analyse de régression décrite plus haut a été réalisée
séparément pour chacun des codes. L’interaction entre la distance culturelle
et la menace n’est pas significative pour les participants qui adhèrent
davantage au multiculturalisme, b = 0,05, t(416) = 0 ,61, p = 0,54 En
revanche elle est significative pour les participants qui adhèrent davantage
à l’assimilation, b = 0,26, t(416) = 2,45, p < 0,05.
En d’autres termes, les participants qui adhèrent au multiculturalisme
ont davantage de préjugés envers les immigrés lorsqu’ils perçoivent une
menace véhiculée par ce modèle, qu’ils perçoivent une grande distance
culturelle ou non. Cependant, chez ceux qui adhèrent davantage à
l’assimilation, percevoir une forte menace et une grande distance culturelle
induit plus de préjugés envers les immigrés (voir Figure 1).

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


216 Yara Mahfud et al.

Une limite importante de cette enquête peut être le fait que les
items du questionnaire n’ont pas été contrebalancés en intégralité. Des
théories naïves concernant le lien entre nos mesures ont pu influencer
nos participants, comme par exemple « si les groupes d’immigrés sont
plus ou moins différents de Français, les attitudes envers eux devraient
aussi varier ». Une deuxième étude, expérimentale, pourrait renforcer les
conclusions en faveur de nos prédictions.

3. ÉTUDE 2
Dans cette deuxième étude, nous avons manipulé expérimentalement la
distance culturelle (renforcée versus contrôle) après avoir mesuré l’adhésion
des participants à l’assimilation et au multiculturalisme. On mesure ensuite
la perception de la valence des différences interculturelles et les préjugés. En
effet, une autre source de menace du multiculturalisme serait sa confusion
avec le séparatisme, où les différences entre les groupes sont évaluées
négativement. Nous faisons les hypothèses suivantes : L’effet de la distance
culturelle sur les préjugés est plus important chez les individus qui préfèrent
l’assimilation par rapport à ceux qui préfèrent le multiculturalisme
(Hypothèse 1). Chez les individus qui adhèrent davantage au multicultur-
alisme, la perception des différences interculturelles comme étant négatives
est associée aux préjugés indépendamment de la condition expérimentale.
Chez les individus qui adhèrent davantage à l’assimilation, la perception
négative des différences interculturelles est associée à un grand niveau de
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


préjugés surtout en condition de distance culturelle (Hypothèse 2).

3.1. Méthode
3.1.1. Participants
Notre étude expérimentale a été menée auprès de 114 personnes dont la
langue maternelle est le français. La moyenne d’âge de notre échantillon
est de 31 ans (la valeur minimum était 18 ans et la valeur maximum
était 81 ans). Parmi les participants, 41 % étaient des hommes et 59 %
des femmes. Notre échantillon compte 51 % d’étudiants, 15 % de cadres,
13 % d’employés, 8 % de retraités, 4 % de « professions libérales ». Les
« artisans commerçants » et les « ouvriers » représentent chacun 3 % de
notre échantillon, les « fonctionnaires » 2 % et les « chefs d’entreprise » 1 %.
31 % des participants ont une licence, 24 % un master, 19 % le baccalauréat,
10 % un BTS ou un DUT, 7 % le brevet, 5 % d’eux n’ont aucun diplôme

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 217

et enfin 4 % le doctorat. Les orientations politiques représentées par notre


échantillon sont : le centre (35 %), toute la droite modérée réunie (20 %) et
toute la gauche modérée réunie (37 %), 3 % de l’échantillon est d’extrême
gauche et 4 % d’extrême droite.

3.1.2. Procédure
Nous avons tout d’abord mesuré l’adhésion à l’assimilation et au
multiculturalisme avec les mêmes items que dans l’Étude 1 (α = 0,76 pour
l’assimilation et α = 0,84 pour le multiculturalisme). La distance culturelle
(renforcée vs. contrôle) a été manipulée à l’aide d’un exercice de réflexion
autour des groupes culturels que les participants percevaient différents du
groupe français pour les six critères de Triandis (1994). La consigne était :
« Nous nous proposons d’examiner la perception de distance culturelle
entre différents groupes d’immigrés et le groupe majoritaire français. Pour
chacun des critères suivants, donnez un exemple de groupe d’immigrés
qui est différent par rapport à la culture française (par exemple, pour le
critère langue maternelle, les immigrés d’origine serbe) ». Les participants
répondaient ensuite à un questionnaire qui incluait les mesures suivantes.

3.1.3. Valence des différences interculturelles


En nous inspirant des travaux de Hahn et al., 2010, nous avons mesuré
la valence différences interculturelles à travers deux items. Les participants
devaient donner leur degré d’accord sur une échelle de 1 (« pas du
tout d’accord ») à 9 (« tout à fait d’accord ») pour les affirmations
suivantes : « Selon moi, les différences culturelles entre deux groupes ont
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


une valeur positive » (inversé), « Selon moi, les différences culturelles entre
deux groupes ont une valeur négative ». Étant donné que ces items sont
fortement corrélés (r = -0.64, p < 0,001), nous avons calculé un score de
valence qui représente leur moyenne.

3.1.4. Préjugés
Comme dans l’Étude 1, nous avons utilisé une mesure de préjugés inspirée
de Pehrson, et al., 2009. Les participants devaient donner leur degré
d’accord, sur une échelle allant de 1 à 9 (1 = « pas du tout d’accord »,
9 = « tout à fait d’accord »), pour les items suivants : « Les immigrés
augmentent le taux de criminalité », « Les immigrés sont un bien pour
l’économie de notre pays » (inversé), « Les immigrés prennent les postes
de travail des Français », « Les immigrés améliorent notre société en
apportant des idées et des cultures nouvelles » (inversé), « Le gouvernement
dépense trop d’argent pour assister les immigrés », « À mon avis, le

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


218 Yara Mahfud et al.

nombre d’immigrés dans notre pays devrait être : (1 = « Diminué »,


9 = « Augmenté ») » (inversé), (α = 0, 85).

3.2. Résultats et discussion


Pour tester nos hypothèses, nous avons effectué une analyse de régression
multiple ayant comme variable dépendante le niveau des préjugés et comme
critères la condition expérimentale (distance culturelle = 1, contrôle = -1),
les modèles d’intégration (assimilation = 1, multiculturalisme = -1),
la valence des différences interculturelles centrée et leurs produits (voir
Wolsko et al., 2002). (Aucun effet de la manipulation expérimentale n’est
observé sur la valence des différences interculturelles, t(112) = 1,51,
p = 0,13).
Nous avons également contrôlé pour l’orientation politique des
participants, R2 = 0,63, F(8,92) = 22,72, p < 0,001. Ainsi, on note un effet
de la distance culturelle sur les préjugés b = 0,54, t(92) = 3,47, p < 0,001 :
le niveau du préjugé est plus important en condition de distance culturelle
par rapport à la condition contrôle. On observe aussi un effet du modèle
d’intégration, b = 0,51, t(92) = 3,15, p < 0,05 : les participants qui adhèrent
davantage à l’assimilation ont plus de préjugés que les participants qui
adhèrent davantage au multiculturalisme. De plus, l’orientation politique
corrèle avec les préjugés, b = 0,16, t(92) = 2,04, p < 0,05 : plus les
participants sont de droite, plus ils ont de préjugés envers les immigrés.
En accord avec notre première hypothèse, les résultats montrent un
effet d’interaction entre la distance culturelle et les modèles d’intégration
b = 0,32, t(92) = 2,06, p < 0,05. Afin de comprendre cette interaction
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


nous avons réalisé une ANOVA (2 condition expérimentale : distance
culturelle vs. contrôle) x 2 (score modèle d’intégration : assimilation vs.
multiculturalisme) qui nous a permis de retrouver le pattern de moyennes
(Breuer, 2000). Le score du modèle d’intégration a été calculé comme
dans l’Étude 1. Les participants qui adhèrent davantage à l’assimilation
ont plus de préjugés en condition d’activation de la distance culturelle
qu’en condition contrôle. En revanche, chez les participants qui adhèrent
davantage au multiculturalisme il n’y a pas de différence significative
(voir Figure 2). Ensuite on observe un effet de la valence des différences
interculturelles, b = -0,96, t(92) = -6 ,33, p < 0,001 : plus ces différences
sont perçues comme étant positives, moins il y a des préjugés.
Enfin, en accord avec notre deuxième hypothèse, on observe une
interaction entre la condition expérimentale, le modèle d’intégration
et la valence des différences interculturelles, b = 0,29, t(92) = 1,99,
p < 0,05. Afin de comprendre cette interaction, nous l’avons décomposée
en fonction du modèle d’intégration, en utilisant des dummy codings,

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 219

Figure 2. Moyennes de préjugés pour chaque condition expérimentale en fonction du


modèle d’intégration préféré par les participants (Étude 2).

code 1 : « assimilation » = 0, « multiculturalisme » = 1 et code 2 :


« assimilation » = 1, « multiculturalisme » = 0, (Judd, Yzerbyt, & Muller,
2014). La même analyse de régression décrite plus haut a été réalisée
séparément pour chacun des codes et en recalculant les produits. Comme
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


dans l’étude précédente, les participants qui adhèrent au multiculturalisme
ont davantage de préjugés envers les immigrés lorsqu’ils perçoivent les
différences interculturelles comme étant négatives, b = -0,94, t(92) = -4,54,
p < 0,001, indépendamment de la condition expérimentale, b =-0,11,
t(92) = -0,52, ns. Cependant, chez ceux qui adhèrent davantage à
l’assimilation, la perception négative des différences et une grande distance
culturelle induit plus de préjugés envers les immigrés b = 0,47, t(92) = 2,37,
p < 0,05.

4. DISCUSSION GÉNÉRALE

Nous avons présenté deux études réalisées en France auprès de membres


du groupe majoritaire français. Dans une première étude, corrélationnelle,
nous les avons interrogés sur leur perception de distance culturelle entre les
différents groupes d’immigrés (Roumains, Chinois, Sénégalais, Marocains)

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


220 Yara Mahfud et al.

Figure 3. Moyennes de préjugés exprimés envers les différents groupes d’immigrés en


fonction du modèle d’intégration, de la distance culturelle perçue et de la valence de la
diversité (Étude 2).

et le groupe majoritaire, sur leur adhésion au multiculturalisme et à


l’assimilation, sur les préjugés à l’égard de chaque groupe minoritaire et sur
la perception du multiculturalisme comme étant une menace à l’identité
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


nationale. En accord avec notre hypothèse, les Français qui perçoivent
le multiculturalisme comme étant menaçant expriment plus de préjugés
envers les immigrés que les Français qui le perçoivent moins menaçant.
Les résultats montrent aussi une interaction entre la distance culturelle, la
perception de la menace du multiculturalisme et l’adhésion aux modèles
d’intégration. Les Français qui adhèrent davantage au multiculturalisme et
qui perçoivent ce modèle comme menaçant expriment plus de préjugés,
qu’ils perçoivent une grande distance culturelle ou non.
En revanche, les Français qui adhèrent davantage à l’assimilation et qui
perçoivent le multiculturalisme comme une menace ont plus de préjugés
lorsqu’ils perçoivent une grande distance culturelle plutôt que lorsqu’ils
perçoivent une faible distance culturelle.
Dans une deuxième étude, nous avons manipulé expérimentalement la
distance culturelle (renforcée versus contrôle) après avoir mesuré l’adhésion
des participants à l’assimilation et au multiculturalisme. On a mesuré

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 221

ensuite la perception de la valence des différences interculturelle et les


préjugés. Les résultats montrent que l’effet de la distance culturelle sur les
préjugés est plus important chez les individus qui préfèrent l’assimilation
par rapport à ceux qui préfèrent le multiculturalisme. Comme dans
l’étude précédente, chez les individus qui préfèrent le multiculturalisme,
la perception des différences interculturelles comme étant négatives est
associée aux préjugés indépendamment de la condition expérimentale.
Chez les individus qui préfèrent l’assimilation, la perception négative des
différences interculturelles est associée à un grand niveau de préjugé surtout
en condition de distance culturelle.
Dans la lignée des travaux de Yogeeswaran et Dasgupta (2014), ces
résultats mettent en évidence le fait que le multiculturalisme peut être
perçu comme une menace à l’identité nationale. On peut supposer que
les participants de notre recherche se réfèrent à des aspects concrets
du multiculturalisme tels que la mise en place de cette politique
d’immigration. En effet, il est possible de distinguer plusieurs significations
du terme de « multiculturalisme » (Guimond et al., 2014). Tout
d’abord, le multiculturalisme est compris au sens démographique, en
tant que diversité culturelle réelle. De fait, la France est une société
multiculturelle composée de différents groupes culturels. Ensuite, le
multiculturalisme fait référence à une politique gouvernementale mise
en place dans un pays et/ou présente dans les discours politiques. Le
multiculturalisme représente également une idéologie de groupe qui
souligne la nécessité de reconnaître la diversité ethnique, culturelle ou
religieuse, ou encore un modèle philosophique. Les études examinant
la perception du multiculturalisme ou ses conséquences au niveau des
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


relations intergroupes peuvent faire référence au multiculturalisme en
tant que politique gouvernementale (Ginges & Cairns, 2000), en tant
que diversité culturelle existante (Morisson, Plaut, & Ybarra, 2010 ;
Verkuyten, 2004) ou en tant qu’idéologie de groupe (Badea, Er-Rafiy,
Chekroun, Légal, & Gosling, 2015). La définition du multiculturalisme
en termes abstraits, en mettant en évidence ses grands objectifs, réduit
les préjugés de la majorité nationale envers les minorités dans une plus
grande mesure que la définition du multiculturalisme en termes concrets,
en mettant en évidence la façon dont ces objectifs peuvent être atteints
(Yogeeswaran & Dasgupta, 2014). Une prochaine étude devrait tester
directement l’interprétation selon laquelle les participants font référence
à des aspects concrets du multiculturalisme, en examinant le rôle du
degré d’abstraction de cette notion dans le lien entre distance culturelle et
préjugés.

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


222 Yara Mahfud et al.

Nous avons supposé une ambivalence dans l’attitude des participants


à l’égard du multiculturalisme : être d’accord avec ses principes tout
en exprimant un sentiment de menace. Dans l’échantillon de l’enquête,
16,2 % des gens qui adhèrent davantage au multiculturalisme ont un
score de menace supérieur à la valeur médiane de notre échelle. Une
interprétation alternative serait que ces participants se disent d’accord
avec le multiculturalisme pour donner des réponses en accord avec la
désirabilité sociale. Cependant, on observe chez les mêmes participants des
scores élevés au niveau de la perception de menace et des préjugés. Nous
souhaitons néanmoins attirer l’attention sur le fait que ces résultats sont
propres au contexte français où, nous le rappelons, le multiculturalisme
semble posséder une image négative (Guimond et al., 2015). De récents
travaux montrent l’importance du contexte socio-politique dans les études
portant sur des thématiques telles que l’acculturation ou l’intégration
des minorités (Guimond et al., 2013, 2014). L’effet de l’adhésion à une
stratégie intergroupe peut, par exemple, varier en fonction de la politique
d’intégration du pays dans lequel l’étude a été menée (voir Guimond et al.,
2014). Aussi, nous pensons qu’il serait intéressant d’examiner les relations
entre perception du multiculturalisme, distance culturelle et préjugés dans
des pays et dans des contextes différents, afin de pouvoir effectuer des
comparaisons avec la France.
Nos études ne renseignent pas sur la direction des effets entre la
perception de la menace du multiculturalisme et les préjugés. Est-ce la
perception du multiculturalisme comme véhiculant la ségrégation qui
augmente les préjugés à l’égard des immigrés ou bien, ce sont les
attitudes intergroupes négatives qui affectent la perception de ce modèle
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


d’intégration ? Les préjugés que les membres du groupe majoritaire
peuvent avoir à l’égard des groupes différents sur le plan culturel
peuvent-ils avoir comme conséquence la confusion du multiculturalisme
avec la ségrégation où les différences interculturelles sont évaluées
négativement (Hahn et al., 2010) ? Des études expérimentales devraient
tester la direction du lien entre la perception du multiculturalisme et les
préjugés.
Cette recherche ne renseigne pas non plus sur les effets des normes
d’intégration sur l’expression de préjugés. En effet, dans cette recherche,
nous mesurons les attitudes personnelles des participants envers le
multiculturalisme et l’assimilation, mais pas la perception d’une norme de
multiculturalisme et d’assimilation (soit la perception que les personnes
ont du soutien envers ces idéologies intergroupes en France, Guimond
et al., 2013). De récents travaux montrent pourtant que les attitudes
et les normes d’intégration sont deux construits différents, qui peuvent

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 223

tous deux avoir des effets sur l’expression de préjugés (Guimond et al.,
2013). De même, une personne peut avoir une attitude positive envers
le multiculturalisme et néanmoins percevoir une norme négative envers
ce principe (c’est-à-dire penser que la plupart des gens sont contre).
C’est d’ailleurs le cas d’une majorité de personne en France (Guimond et
al., 2015). Nous pensons que cette norme négative de multiculturalisme
peut jouer un rôle dans la perception du multiculturalisme comme
une menace. Nous pensons donc que de futures études devraient
mesurer la présence de normes d’intégration en France et leur lien
avec l’adhésion personnelle au multiculturalisme et à l’assimilation, la
perception du multiculturalisme comme une menace et l’expression de
préjugés.
Dans cet article nous avons défendu l’idée qu’une perception du
multiculturalisme comme étant une menace à l’identité culturelle française
peut jouer un rôle important dans la manifestation de préjugés à l’égard
des immigrés. Cette perception découle d’une méconnaissance de ce
modèle d’intégration très efficace dans de nombreux pays, et de sa
possible confusion avec la ségrégation. Selon Hahn et ses collaborateurs
(2010), la ségrégation implique une évaluation négative des différences
interculturelles alors que le multiculturalisme renvoie à une évaluation
positive de ces différences. Des formations au sein des institutions,
entreprises et écoles devraient mettre l’accent sur la valence positive des
différences interculturelles, sur la richesse des spécificités culturelles et leur
rôle important dans la construction de l’identité culturelle nationale, ainsi
que sur la richesse et la signification de ce modèle d’intégration qui est le
multiculturalisme.
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


Reçu le 28 septembre 2015.
Révision acceptée le 8 juin 2016.

BIBLIOGRAPHIE

Adorno, T. W., Frenkel-Brunswik, E., les immigrés en France. L’Année Psy-


Levinson, D. J., & Sanford, R. (1950). chologique, 112, 575–592.
Nevitt: The authoritarian personality. New Badea, C., Er-rafiy, A., Chekroun, P., Légal,
York. J. B., & Gosling, P. (2015). Ethnic in-
Badea, C. (2012). Modèles d’intégration, group evaluation and adhesion to accul-
identification nationale et attitudes envers turation ideologies: The case of Moroccan

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


224 Yara Mahfud et al.

immigrants in France. International Journal Guimond, S., De la Sablonnière, R., &


of Intercultural Relations, 45, 47–55. Nugier, A. (2014). Living in a multicultural
Berry, J. W. (1999). Intercultural rela- world: Intergroup ideologies and the so-
tions in plural societies. Canadian Psychol- cietal context of intergroup relations. Eu-
ogy/Psychologie Canadienne, 40, 12. ropean Review of Social Psychology, 25,
Berry, J. W. (2001). A psychology of 142–188.
immigration. Journal of social issues, 57, Guimond, S., Streith, M., & Roebroeck, E.
615–631. (2015). Les représentations du multicultur-
Berry, J. W. (2013). Research on multicul- alisme en France: Décalage singulier entre
turalism in Canada. International Journal of l’individuel et le collectif. Social Science
Intercultural Relations, 37, 663–675. Information, 54, 52–77.
Berry, J. W., & Kalin, R. (1995). Multi- González, K., Verkuyten, M., Weesie, J.,
cultural and ethnic attitudes in Canada: & Poppe, E. (2008). Prejudice towards
An overview of the 1991 National Survey. Muslims in the Netherlands: Testing in-
Canadian Journal of Behavioural Science, tegrated threat theory. British Journal of
27, 301–320. Social Psychology, 47, 667–685.
Berry, J. W., Kalin, R., & Taylor, D. (1977). Hahn, A., Judd, C. M., & Park, B. (2010).
Multiculturalism and ethnic attitudes in Thinking about group differences: Ideolo-
Canada. Ottawa: Supply & Services. gies and national identities. Psychological
Inquiry, 21, 120–126.
Bourhis, R. Y., Moise, L. C., Perreault, S., &
Senecal, S. (1997). Towards an interactive Judd, C. M., Yzerbyt, V. Y., & Muller,
acculturation model: A social psychological D. (2014). Mediation and moderation.
approach. International Journal of Psychol- Handbook of Research Methods in Social and
ogy, 32, 369–386. Personality Psychology, 2, 653–676.
El-Geledi, S., & Bourhis, R.Y. (2012). Kamiejski, R., Guimond, S., De Oliveira,
Testing the impact of the Islamic veil on P., Er-Rafiy, A., & Brauer, M. (2012). Le
intergroup attitudes and host community modèle républicain d’intégration: implica-
acculturation orientations toward Arab tions pour la psychologie des relations entre
Muslims. International Journal of Intercul- groupes. L’Année Psychologique, 112, 51–85.
tural Relations, 36, 694–706. Kervyn, N., Leyens, J., & Deschamps, M.
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


Ginges, J., & Cairns, D. (2000). Social rep- (2015). De l’identité nationaliste. Paris:
resentations of multiculturalism: A faceted Lemieux Editeur.
analysis. Journal of Applied Social Psychol- Mahfud, Y., Badea, C., & N’gbala, A.
ogy, 30, 1345–1370. (2015). Distance culturelle et préjugés à
Guimond, S. (2010). Psychologie sociale: l’égard des immigrés en France: le rôle des
Perspective multiculturelle. Bruxelles: Edi- modèles d’intégration. Revue Internationale
tions Mardaga. de Psychologie Sociale, 28, 53–79.
Guimond, S., Crisp, R. J., De Oliveira, May, P. (2015). French cultural wars: public
P., Kamiejski, R., Kteily, N., Kuepper, B., discourses on multiculturalism in France
Lalonde, R., Levin, S., Pratto, F., Tourgas, (1995–2013). Journal of Ethnic and Migra-
F., Sidanius, J., & Zick, A. (2013). Diversity tion Studies, 1–19.
policy, social dominance, and intergroup Office of Multicultural Affairs. (1988).
relations: Predicting prejudice in chang- Building the national agenda for a multi-
ing social and political contexts. Journal cultural Australia: Some issues for consider-
of Personality and Social Psychology, 104, ation. Fyshwick: Canberra Publishing and
941–958. Printing.

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225


Distance culturelle, multiculturalisme et préjugés 225

Pehrson, S., Vignoles, V., & Brown, Verkuyten, M. (2005). Ethnic group iden-
R. (2009). National identification and tification and group evaluation among
anti-immigrant prejudice: Individual and minority and majority groups: testing the
contextual effects of national definitions. multiculturalism hypothesis. Journal of Per-
Social Psychology Quarterly, 72, 24–38. sonality and Social Psychology, 88, 121–138.
Ramos, M., Jetten, J., Airong, T., Badea, C, Yogeeswaran, K., & Dasgupta, N. (2014).
Iyer, A., & Cui, L. (2013). Minority goals The devil is in the details: Abstract versus
for interaction with the majority: Seeking concrete construals of multiculturalism
distance from the majority and the effect differentially impact intergroup relations.
of rejection on identification. European Journal of Personality and Social Psychology,
Journal of Social Psychology, 43, 72–83. 106, 772–789.
Richeson, J. A., & Nussbaum, R. J. (2004). Zagefka, H., & Brown, R. (2002). The
The impact of multiculturalism versus relationship between acculturation strate-
color-blindness on racial bias. Journal gies, relative fit and intergroup relations:
of Experimental Social Psychology, 40, immigrant-majority relations in Germany.
417–423. European Journal of Social Psychology, 32,
Stephan, W. G., & Stephan, C. W. (2000). 171–188.
An integrated threat theory of prejudice. Waldzus, S., Mummendey, A., & Wenzel,
Reducing Prejudice and Discrimination, M. (2005). When “different” means
23–45. “worse”: In-group prototypicality in
Sidanius, J., Pratto, F., & Bobo, L. (1996). changing intergroup contexts. Journal of
Racism, conservatism, affirmative action, Experimental Social Psychology, 41, 76–83.
and intellectual sophistication: A matter Wolsko, C., Park, B., & Judd, C. M.
of principled conservatism or group dom- (2002). The measurement and consequences
inance?. Journal of Personality and Social of interethnic ideology. Boulder: University
Psychology, 70, 476. of Colorado.
Triandis, H. C. (1994). Culture and social Wolsko, C., Park, B., & Judd, C. M.
behavior. New-York: McGraw-Hill Book (2006). Considering the tower of Babel:
Company. Correlates of assimilation and multicultur-
Verkuyten, M. (2004). Everyday ways of alism among ethnic minority and majority
© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)

© NecPlus | Téléchargé le 21/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 196.84.90.64)


thinking about multiculturalism. Ethnici- groups in the United States. Social Justice
ties, 4, 53–74. Research, 19, 277–306.

L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2016, 116, 203-225

Vous aimerez peut-être aussi