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LECTURE ET LITTÉRATURE À L'ÉCOLE PRIMAIRE
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J. DEBAYLE
6 Cité par A. M. Chartier et J. Hébrard dans Discours sur la lecture, BPI Centre
Georges Pompidou, 1989, p. 203.
7 On citera, à titre d'exemples les articles de F. Marcoin ; une publication scolaire de
professeurs de l'EN de Livry-Gargan, Le Fil d'Ariane (Nathan, 1980), recueil de textes issus
de la Bible, de la mythologie grecque et romaine, des contes, où l'accent était mis cependant
sur des méthodes d'analyse formelle ; Écrire des textes, sous la direction de M. O. Otten-
waelter, paru en 1988 (A. Colin-Bourrelier).
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8 Lector in fabule, Grasset, 1985, p. 90. Cette proposition était déjà avancée par
R. Barthes en 1975 (Pratiques n°5).
9 On sait que le nouveau recrutement, au niveau de la licence, ne modifiera guère ces
données, car les étudiants de Lettres à choisir cette voie sont rares, du moins pour le moment.
10 On rappellera toutefois qu'en 1985 le Ministre de l'Éducation, J.-P. Chevénement,
avait instauré, pour le concours de recrutement des enseignants de l'école maternelle et élé-
mentaire, une épreuve de français avec un programme comportant l'étude de deux œuvres
littéraires et deux questions de langue. Dans la formation en deux ans était prévue l'étude
d'auteurs, dont une liste était indiquée. Ce point souleva de vives critiques et fut, dans les
faits, largement ignoré.
11 Jadis, il était officiellement guidé. En 1890, par exemple, le ministre de l'Instruc-
tion publique Léon Bourgeois donnait des conseils dans une circulaire : "D'excellents maîtres,
inquiets de l'étendue des programmes, n'osent pas s'abandonner, eux et leurs élèves, au plaisir
de ces belles lectures faites en commun, de peur de prendre sur un temps à leur gré trop limi-
té. D'excellents élèves se reprochent comme des heures perdues celles qu'ils passeraient avec
délice à lire les pages immortelles de notre littérature. Il faut à tout prix les désabuser. Il n'y a
pas de temps mieux employé, il n'y a pas d'exercice plus profitable à leur apprentissage intel-
lectuel et moral". Le ministère proposait des listes d'auteurs pour constituer un fonds commun
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ÉCOLE ET CULTURE
Si l'on considère que l'école doit transmettre une culture et que
la culture est liée aux œuvres d'art qui "sont des objets culturels par
excellence"14, on doit s'interroger sur les notions de valeur et de criti-
que pour les textes littéraires, au même titre que pour l'art en général,
sans négliger cependant l'âge d'un lecteur qu'on souhaite initier, mais
non rebuter.
Alors quels textes choisir avant tout pour des lectures en com-
mun ? Ceux qu'on tiendra, autant qu'il est possible, pour des œuvres
d'art, qui se caractérisent par leur "durée au monde", selon l'expres-
sion d'H. Arendt, leur séparation des "procès de consommation et
d'utilisation". Et, de manière plus pratique, ceux qui relient le passé et
le présent. Ainsi l'enfant construit une double référence, avec des tex-
tes du passé, qui créent des liens entre plusieurs générations, ouvrent à
une dimension historique ; avec des textes contemporains, qui don-
nent accès à une communication avec la culture des adultes et du
monde où il vit — des textes-passeurs.
La littérature, en effet, pour tout lecteur, constitue une expé-
rience singulière, M. Kundera15 rappelle que dans le "tourbillon de la
réduction" où l'homme aujourd'hui se trouve pris, le roman lui offre,
pour y résister, l'appel du jeu, l'appel du rêve, l'appel de la pensée,
l'appel du temps. En tant qu'expérimentation de situations fictives,
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ser un objet, l'épieu poli et aiguisé, préparé selon un projet. Leurs so-
lutions s'apparentent non à la recherche d'un problème (sauf excep-
tion), à la recherche d'une logique de l'enchaînement des actions, mais
à la mise en œuvre "automatique" de clichés narratifs d'ordre magi-
que. Par exemple, des enfants proposent : Ulysse tue le Cyclope en lui
tirant des flèches dans l'œil, le brûle en lui lançant une bûche enflam-
mée ou même se contente de lui dire qu'il a douze bateaux.
Le troisième voyage de Sindbad, au thème proche, offre une in-
trigue moins cohérente, plus proche de ces versions enfantines spon-
tanées et sans doute plus directement accessible.
Le calcul logique qu'opère le récit homérique est loin d'être fa-
cile à comprendre pour des enfants. Il les oblige, en s'identifiant au
héros, à s'arracher à la fascination de la terreur pour suivre l'élabora-
tion d'un plan qui affronte l'impossible et à reconnaître le chemine-
ment du sens. De là viennent sans doute l'importance de ce passage et
les nombreux motifs qu'il paraît avoir engendrés de Gargantua man-
geant les pèlerins au Petit Poucet poursuivi par l'ogre.
Mais d'autres aspects que l'intrigue rendent le texte intéressant :
description de l'île et des paysages, du mode de vie des Cyclopes,
confrontation de mœurs et religions, usages de la langue (dire et ne
pas dire, peser et prévoir le pouvoir des mots, avec l'extraordinaire
recours au pronom indéfini : Personne, prophétiser et jeter des malé-
dictions), complexité du personnage d'Ulysse, à la fois cause de la
mort de la moitié de ses compagnons et de la survie des autres, pous-
sant le risque jusqu'à ses limites extrêmes.
Avec un texte tout différent, la Soupe à la souris (1977)23, un
écrivain contemporain, Arnold Lobel, montre qu'on peut aborder avec
de jeunes enfants une initiation littéraire, partager le plaisir du texte et
constituer des références pour d'autres lectures.
Ce court album, accompagné d'illustrations, raconte les aventu-
res d'une souris qui aime les livres. Surprise par une belette, la souris
cherche comment échapper à sa marmite. Pour cela, elle va inventer
des histoires (ou s'inspirer de sa lecture ?), qui seront les épices de la
23 Arnold Lobel, La soupe à la souris, L'École des loisirs, 1978 (New-York, 1977)
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Jocelyne DEBAYLE
IUFM VERSAILLES
28- Idem.
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