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par
Olivier PASCAL
MÉMOIRE DE DIPLÔME
Présenté au Conseil des enseignants de l’Institut Supérieur de Théologie des Arts
Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses
Juillet 2023
opriétaires-bailleurs de l'appartement 861, lot n°115 de la résidence Bagatelle-Grand Parc, 6
ace d'Olomouc, 92160 ANTONY,
donnent quittance
à Frédéric et Anne-Laure PASCAL, locataires au titre du bail en référence,
des paiements faits pour la location de Janvier à Décembre 2017
Engagement de non-plagiat
o 12 425,70 € pour le loyer ( 6 mois à 1 035,58 € - 6 mois à 1 035,37 € )
Je soussigné, PASCAL Olivier, certifie qu’il s’agit d’un travail original et que toutes les sources
o 200,20 €utilisées
de provision pour
ont été charges (40,42
indiquées € pour
dans leur le 1erJe
totalité. semestre,
certifie, 28,63 €/mois que je n’ai ni recopié ni utilisé
de surcroît,
pour le premier semestre)
des idées ou des formulations tirées d’un ouvrage, article ou mémoire, en version imprimée ou
électronique, sans mentionner précisément leur origine et que les citations intégrales sont signalées
entre guillemets.
e 6 janvier 2018
Je certifie être informé que la non-application de ces règles m’expose au Conseil de discipline, qui
pourra aller jusqu’à prononcer la nullité du diplôme.
25 juin 2023
1/1
CONCLUSION
1. Récapitulation
2. Fécondités croisées
Autre texte
LJPA, pour la « Lettre du pape JEAN-PAUL II aux artistes, à tous ceux qui, avec un dévouement
passionné, cherchent de nouvelles “ épiphanies ” de la beauté pour en faire don au
monde dans la création artistique », 1999.
SAINTES ÉCRITURES
Sauf mention d’une autre version ou citation de tiers, les saintes Écritures citées en français le
sont selon la « Traduction œcuménique de la Bible »1 ; citées en grec ou en latin, elles le sont
selon « La sainte Bible polyglotte »2 (synopsis conjointe avec l’hébreu, le français).
1
Traduction œcuménique de la Bible, Paris, Cerf, 1991 (nouvelle édition revue).
2
Fulcran VIGOUROUX, La Sainte Bible Polyglotte contenant le texte hébreu original, le texte grec des Septante,
le texte latin de la Vulgate, et la traduction française de M. l'Abbé Glaire, 8 volumes, Paris, Roger et Chernoviz,
1900-1909.
6 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
INTRODUCTION
3
C’est en ce sens que Christian NORBERG-SCHULZ, architecte, historien et théoricien de son art, propose le terme
de « totalité architecturale » ; nous expliquerons dans notre travail comment les réflexions de Norberg-Schulz
sur l’architecture en sa totalité permettent d’expliquer la fonction langagière de l’architecture ; voir p.112 et 260,
de son ouvrage Système logique de l'architecture, 4e édition, Liège, Pierre Mardaga, 1981 (édition originale
en anglais titrée Intentions in architecture, Gr∅ndahl & S∅n, Oslo, 1963), et extrait en annexe 2.
4
« Révélation », avec une majuscule initiale, pour désigner la Révélation divine à l’origine de la foi chrétienne.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 7
inaugurée en 1998 :
L'architecture est un langage. Par ses monuments, l'homme exprime ce qu'il est et comment il vit,
ce qui le pousse à agir et ce qu'il cherche, ce qu'il désire et ce qu'il adore. Ainsi, les accumulations
dont les hommes encombrent le globe terrestre peuvent être étudiées pour comprendre ceux qui
les construisent. Elles ont un sens, même dans leur chaos.
Mais quel est le rapport entre le sens et le langage architectural ? Peut-on déduire une forme d'une
idée, de sorte qu'elle soit comprise par ceux qui la verront ou l'utiliseront ? Car le langage est
communication. Cela est particulièrement visible pour l'architecture religieuse.
Après coup, à la lumière de la foi, les œuvres de jadis, revêtues de la gloire des siècles, nous
semblent immédiatement compréhensibles.5
Entre les questions du cardinal Lustiger, sur le sens du langage architectural, et sa phrase
prophétique finale, sur la foi comme clé de compréhension, un espace de réflexion est ouvert.
J’ai pu le parcourir au cours des années 2018 à 2023 en participant à des groupes de guides de
visite d’église, pour des sessions d’étude ou de formation. Ce fut le cas lors des formations
proposées par l’association Art, Culture et Foi du diocèse de Paris, pour les guides des églises
parisiennes, qui interrogeaient conjointement la théologie et l’architecture d’églises comme Saint-
Joseph-Artisan, Saint-Ambroise, Saint-François-de-Molitor, Saint-Eustache, Saint-Honoré-
d'Eylau ; de même dans un groupe d’échanges du service d’art sacré du diocèse de Versailles,
autour de plusieurs églises de bourgs et villages anciens du diocèse ; puis plus récemment dans un
groupe analogue du diocèse de Vannes ; quant aux consœurs et confrères guides de Sainte-
Marguerite du Vésinet, diocèse de Versailles, c’est avec les guides de la cathédrale Sainte-
Geneviève, église voisine, du diocèse limitrophe de Nanterre, qu’ils ont discuté des significations
à faire valoir dans leur mission.
5
Cardinal Jean-Marie LUSTIGER, « Préface », in plaquette non paginée Notre-Dame de l'Arche d'Alliance, Paris,
Paroisse Notre-Dame de l'Arche d'Alliance, éditeur, 1998.
6
Voir ci-dessous au chapitre I, § 2.
8 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
La première question sera le sujet principal du présent mémoire, étant entendu qu’elle rejoint
et prolonge les enseignements et études développés au même moment au sein de l’ISTA sur l’art
comme lieu d’approfondissement théologique, et aussi sur les transitions possibles entre
herméneutique des œuvres d’art et herméneutique théologique7.
La seconde question, qui se conjugue avec la première, sera en partie reprise parce qu’elle
renvoie à un certain nombre de considérations pratiques, « expérientielles », qui permettent
d’éclairer notre sujet principal : comment nos moyens de lire une architecture se conjuguent-ils
avec « l’éclairage de la foi », le moyen de compréhension indiqué par le cardinal Lustiger ?
En nous référant à la visite guidée profane d’architecture comme exercice de mise en œuvre
pratique de la lecture d’architecture, nous pourrons décrire des voies d’accès à la signification
kérygmatique grâce à l’architecture prise pour elle-même.
Bien entendu, les visites d’architecture ne sont qu’un des types des médiations de foi auxquels
l’architecture peut contribuer, à côté d’autres telles que l’édifice d’église pris comme lieu
liturgique, par exemple8. L’intérêt de la référence à de telles visites, c’est l’intérêt premier porté
au rôle de l’architecture, en vue de dégager son apport spécifique.
3. La voie herméneutique
Nous pouvons envisager un schéma herméneutique pour traiter notre sujet, selon la « démarche
interdisciplinaire » dont Werner Jeanrond définit les principes dans le premier chapitre du livre
« Introduction à l’herméneutique théologique »9. Ce chapitre, intitulé « Objet de
l’herméneutique », fait la proposition que les grands sujets de l’existence peuvent être éclairés par
l’association de démarches « micro-herméneutiques », qui correspondent à l’interprétation
d’objets et de types d’objets spécifiques, à une macro-herméneutique, d’ordre plus général,
philosophique, qui regroupe les questions d’interprétation en vue de « comprendre » l’univers.
Werner Jeanrond formule une recommandation primordiale :
7
Séminaires : « Herméneutique, imagination et théologie d’herméneutique » d’Elbatrina CLAUTAUX et de Florent
DUMONTIER, 2019-2020 ; « Herméneutique théologique et expérience artistique » de Florent DUMONTIER, 2020-
2021, 2021-2022 et 2022-2023 ; Institut Supérieur de Théologie des Arts, Faculté de Théologie et des Sciences
Religieuses, Institut Catholique de Paris.
8
Car, réciproquement, « La liturgie n’est pas l’unique activité́ de l’Église », selon la constitution Sacrosanctum
Concilium, analysée au chapitre I, § 1.5 ci-après.
9
Werner G. JEANROND, Introduction à l’herméneutique théologique, Paris, Cerf, 1995, p. 7-19.
10
Ibid., p. 16.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 9
du kérygme – d’ordre théologique – et à celle de l’architecture – qui procède de l’herméneutique
des œuvres d’art, mais qui est plus encore, en particulier parce que l’architecture se déploie selon
des considérations fonctionnelles –.
Bien entendu, le préfixe « micro- » n’est justifié que par le vocabulaire de hiérarchie
épistémologique de Werner Jeanrond, et non par l’ampleur des thématiques. En pratique nous
devrons toutefois les délimiter de façon minimaliste, mais conjuguée, avec la visée de montrer la
possibilité d’une herméneutique intégrée du kérygme et de l’architecture d’une église, celle-ci
étant dynamisée par celui-là, celui-là se déployant dans des effectivités singulières.
Pour obtenir cette conjugaison, par cohérence avec l’origine de notre questionnement, nous
proposons de constituer l’herméneutique d’architecture en porte-greffe, destiné à accueillir le
greffon de l’herméneutique théologique.
Situons ces deux herméneutiques, celle qui sert de support épistémologique et celle qui oriente
la visée théologique.
11
Paul RICŒUR, « Architecture et narrativité́ », in Revue Urbanisme à Paris, n° 303, p. 44-51, 1998. Cet article
décrit les spécificités de la démarche herméneutique au regard d'une œuvre d’architecture.
12
Des philosophes de l’herméneutique comme Ricœur, Gadamer utilisent le terme « langage » pour désigner la
syntaxe des significations qui adviennent pour tel ou tel type d’objet d’herméneutique. De tels langages peuvent
être éloignés du langage parlé ou écrit, notamment dans ses potentialités conceptuelles ou discursives. Le langage
d’architecture, selon Ricœur (voir note précédente), s’appuie sur des jeux de spatialités, qui servent de repères
pour (re)trouver des temporalités, des narrativités.
10 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
de ] la fonction positive et productive de la distanciation au cœur de l'historicité de l'expérience
humaine »13. « L’herméneutique d’architecture », comme cadre de pensée du processus de « visite
d’architecture », peut être poussée vers la compréhension des significations religieuses de l’église-
édifice.
Dans la visite profane, l’architecture est le centre d’intérêt premier – au plan épistémologique.
Toujours dans ce schéma, s’il y a une signification du kérygme dans l’expression architecturale,
on doit la rechercher d’une part dans des indices concrets et expressifs, et d’autre part dans une
cohérence de ces indices, entre eux et avec le système architectural global, si tant il est vrai que le
kérygme chrétien n’est pas une proposition limitée et contingente, mais au contraire une
proposition qui fait globalité.
Dans ce mouvement, la première observation à prendre en compte vient de la variété des églises
que nous avons récemment « interrogées » en lien avec une vingtaine de leurs guides. Les
expressions de la foi chrétienne que nous y avons vu sont multiples et différentes d’une église à
l’autre, tout comme d’ailleurs les styles et les partis architecturaux. Chacun des guides rencontrés
témoignait de cohérences des significations religieuses exprimées par l’église qu’il présentait, et
indiquait des correspondances avec les singularités de son architecture. C’est l’existence de ces
cohérences dans la variété qui permet de proposer une notion d’accent théologique, qui
caractériserait spécifiquement les expressions de foi chrétienne réunies dans une église donnée, et
qu’il est possible de mettre en rapport avec son architecture.
Nous devrons vérifier la portée et même simplement la légitimité théologique de cette notion
d’accent théologique, employée dans ce contexte. Nous avançons déjà ici son intérêt d’être
« opérante » pour notre sujet, qu’elle permet d’éclairer par une proposition au point d’articulation
des deux herméneutiques :
L’architecture, par les « figures » qui la composent – selon un vocable que nous préciserons –
, rend compte de ces accents théologiques ; autrement dit, il y a des consonnances entre des
accents théologiques de la foi exprimée et l’architecture de l’église.
Notre démarche visera à attester cette proposition, en en précisant les termes d’abord, en
soumettant ensuite deux églises à un approfondissement conjoint de leur architecture et de leurs
accents théologiques.
13
Paul RICŒUR, Du texte à l'action : essais d'herméneutique II, Paris, Seuil, 1986 ; « La fonction herméneutique
de la distanciation » est le titre d’un des chapitres, p. 101-117.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 11
b. L’herméneutique théologique Credo ut intelligam
Assumer que nous voulons bénéficier de notre élan de guide profane, herméneute
d’architecture, pour lire et expliquer le kérygme dans nos églises, n'empêche pas de s’inscrire dans
une logique de foi : notre recherche sur l’expression du kérygme par l’architecture doit tout autant
être ordonnée aux raisons de notre foi.
Ainsi une autre question doit être posée : est-il théologiquement concevable que le kérygme
puisse s’exprimer par le langage d’architecture ? et si oui, y a-t-il des conditions à cette expression
? Cette question est préalable à un double titre : elle fonde l’objet de notre recherche, et elle permet
de qualifier le kérygme dont nous cherchons à trouver l’expression.
Nous rappelons la proposition que nous voulons préciser : L’architecture, par les figures qui la
composent, rend compte d’accents théologiques ; autrement dit, il y a des consonnances entre des
accents théologiques d’une foi exprimée et l’architecture d’église.
L’aptitude du langage d’architecture à l’expression de la foi chrétienne, en grande part de
l’ordre de l’annonce dans son application aux édifices d’église, devra être évaluée selon deux
termes : d’une part la possibilité d’exprimer le contenu de cette foi en annonce, d’autre part
l’effectivité qui peut en résulter.
Pour fonder l’une et l’autre de ces évaluations, il nous faut d’abord caractériser la foi annoncée,
tant au plan du contenu qu’à celui de processus d’annonce. Le vocable de « kérygme », qui
implique l’annonce et même la proclamation, nous servira de point d’entrée pour cette double
recherche à mener dans les Écritures et dans la tradition de l’Église, pour préciser son contenu et
sa portée théologique. Nous en rendrons compte dans le paragraphe 1. Nous rendrons compte de
son effectivité annonciatrice en tant que parole dans le paragraphe 2.
Viendra ensuite la question de la transposition en langage d’architecture, pour laquelle, nous
devons interroger un paradoxe : comment l’effet d’annonce peut-il être pris en compte par un
langage muet ? Les Écritures nous donneront des pistes sur la légitimité de la démarche, puis nous
solliciterons des « grammairiens » de l’architecture pour établir des voies de correspondance entre
langage parlé et langage d’architecture, et ensuite les adapter à l’expression du kérygme dans le
langage d’architecture d’église. Nous en rendrons compte dans le paragraphe 3.
Après le stade de la grammaire, il faudra passer à celui de la lecture, abordée par l’expérience
de la visite d’architecture : nous en préciserons le rôle et les conditions dans le paragraphe 4.
Le paragraphe 5 proposera une synthèse du présent chapitre.
14
Michael BUCHBERGER, Walter KASPER et al, Lexikon für Theologie und Kirche, en huit volumes, tome
quatrième, Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), Herder, 1999, p.1407-1409. Au début de l’article « Kérygme » du
Lexikon, on lit : « En employant le terme de kérygme comme expression de la prédication chrétienne, depuis
Martin Kähler [théologien protestant et bibliste prussien, 1835 – 1912 ], la théologie moderne a élevé un mot
biblique au rang programmatique, alors que ce mot n’appartient pas à la terminologie du Nouveau Testament ;
conjointement avec κηρύσσειν (proclamer) et κηρύξ (héraut), ce terme ne représente qu'une partie du champ de
mots diversifié concernant la proclamation de l'évangile d’un point de vue soit objectif (la Parole de Dieu), soit
subjectif (l’annonce). […] Les implications systématiques qui s'attachent au terme de kérygme, en particulier
chez R. Bultmann et son école (et donc aussi chez H. Schlier), dépassent par conséquent la terminologie du
Nouveau Testament avec sa portée particulière et pointent vers des significations ordonnées supérieurement » ;
notre traduction de « Kerygma : Mit dem Begriff K. als Ausdr. für die chr. Predigt hat die neuere Theol. seit M.
Kähler einem bibl. Wort zu programmat. Rang verholfen, den es in der Terminologie des NT nicht besitzt ; dort
markiert es zusammen mit κηρύσσειν und κηρύξ (Herold) nur einen Ausschnitt aus einem vielgestaltigen
Wortfeld, das die Verkündigung des Evangelium nach seiner obj. (“Wort Gottes”) wie subj. (“verkündigen”)
Seite hin besitzt. […] Die systematischen Implikationen, die besonders bei R. Bultmann und seiner Schule (und
so auch bei H. Schlier) am Kerygma-Begriff haften, überschreiten infolgedessen die NT Terminologie mit ihrer
partikularen Reichweite und weisen auf übergeordnetem Zusammenhange hin ».
15
Gabriel JACQUEMET et al, Catholicisme hier, aujourd'hui, demain : encyclopédie en sept volumes, tome 3, Paris,
Letouzey et Ané, 1948-2009, p.1414. A l’article « Kérygme », on lit : « L'expression fut très employée, il y a
quelques années, pour désigner, à la suite de Jungmann [Josef Andreas Jungmann 1889 – 1975 ] et Rahner, le
renouvellement de la théologie en vue d'en faire une préparation à la prédication ».
16
Catholicisme hier, aujourd'hui, demain, tome 3, Ibid., p.1414.
14 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
selon le dictionnaire Bailly17.
Dans le grec des Écritures, le substantif kêrygma est en réalité assez peu employé, apparemment
seulement quelques occurrences dans le nouveau Testament, ci-dessous, notamment dans les
épîtres de Paul.
Lors du jugement, les hommes de Ninive se lèveront avec cette génération et ils la condamneront,
car ils se sont convertis à la prédication de Jonas ; eh bien ! ici il y a plus que Jonas (Mt 12, 41)18 ;
À Celui qui a le pouvoir de vous affermir selon l'Évangile que j'annonce en prêchant Jésus Christ,
selon la révélation d'un mystère gardé dans le silence durant des temps éternels (Rm 10, 25)19 ;
Ma parole et ma prédication n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elles étaient
une démonstration faite par la puissance de l'Esprit (1 Co, 2, 4)20 ;
Et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est donc vide, vide aussi est votre foi (1 Co, 15,
14)21.
Au rebours, les Écritures usent largement du verbe de la même racine, kêryssô [κηρύσσω]22,
qui en grec classique signifie « proclamer publiquement ». Cet emploi fréquent
montre l’importance du fait d’annoncer, en soi, et même lui confère de la solennité23. Bien entendu,
le contexte n’oblitère pas la référence au contenu de l’annonce, même s’il n’est pas substantivé.
On trouve ce verbe dans l’évangile de Matthieu, où il s’applique à la prédication de Jean :
En ces jours-là paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée. (Mt 3, 2) 24
et à celle de Jésus :
Dès lors Jésus commença à prêcher, et à dire : Repentez-vous, car le royaume des cieux est
proche (Mt 4, 17) 25
… ainsi que dans les deux autres synoptiques, mais non dans l’évangile de Jean, pas plus que
dans l’Apocalypse.
Dans des circonstances analogues, l’évangile de Jean utilise soit le verbe legô [λέγω], soit le
17
Dictionnaire Bailly, p. 1088.
18
Ἄνδρες Νινευῖται ἀναστήσονται ἐν τῇ κρίσει μετὰ τῆς γενεᾶς ταύτης καὶ κατακρινοῦσιν αὐτήν : ὅτι
μετενόησαν εἰς τὸ κήρυγμα Ἰωνᾶ : καὶ ἰδού, πλεῖον Ἰωνᾶ ὧδε.
19
Τῷ δὲ δυναμένῳ ὑμᾶς στηρίξαι κατὰ τὸ εὐαγγέλιόν μου καὶ τὸ κήρυγμα Ἰησοῦ Χριστοῦ, κατὰ ἀποκάλυψιν
μυστηρίου χρόνοις αἰωνίοις σεσιγημένου.
20
Καὶ ὁ λόγος μου καὶ τὸ κήρυγμά μου οὐκ ἐν πειθοῖς ἀνθρωπίνης σοφίας λόγοις, ἀλλ’ἐν ἀποδείξει πνεύματος
καὶ δυνάμεως.
21
εἰ δὲ χριστὸς οὐκ ἐγήγερται, κενὸν ἄρα τὸ κήρυγμα ἡμῶν, κενὴ δὲ καὶ ἡ πίστις ὑμῶν.
22
Dictionnaire Bailly, p. 1088. Nota : dans nos mentions des verbes grecs, nous utilisons la forme traditionnelle
employée par le dictionnaire Bailly, qui est la 1ère personne du singulier. Mais pour des citations employant la
forme infinitive, par exemple dans les dictionnaires de théologie, telle que κηρύσσειν, nous gardons cette forme.
23
Selon une remarque de Colette et Jean-Paul DEREMBLE, in Jésus selon Matthieu : héritages et rupture, Artège
Lethielleux, 2017, p.78.
24
Ἐν δὲ ταῖς ἡμέραις ἐκείναις παραγίνεται Ἰωάννης ὁ βαπτιστής, κηρύσσων ἐν τῇ ἐρήμῳ τῆς Ἰουδαίας.
25
Ἀπὸ τότε ἤρξατο ὁ Ἰησοῦς κηρύσσειν καὶ λέγειν, Μετανοεῖτε : ἤγγικεν γὰρ ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 15
verbe anangellô [ἀναγγέλλω], soit le verbe krazô [κραζω]. Legô signifie simplement dire, et son
emploi concernant Jésus renvoie évidemment au substantif logos, le « verbe », la « parole », par
lequel l’évangéliste désigne Jésus-Christ. Concernant anangellô, le dictionnaire Bailly propose
« revenir annoncer »26, et on comprend que Jean souhaite souligner une origine de l’annonce,
plutôt que ses destinataires dans leur ampleur comme le fait le verbe kêryssô. Par exemple dans
Jean 4, 25 : « La femme lui dit : “ Je sais qu'un Messie doit venir – celui qu'on appelle Christ.
Lorsqu'il viendra, il nous annoncera toutes choses ” »27. De même, dans Jean 16, 25 et Jean 20,
18. Concernant le verbe krazô, le dictionnaire Bailly indique « crier fortement »28. Dans 1 Jn 1, 3,
c’est apangellô [ἀπαγγέλλω]29 : « ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, à vous
aussi, afin que vous ayez, vous aussi, communion avec nous ; et notre communion à nous est avec
le Père et avec son Fils Jésus-Christ »30
On relève kêryssô dans les Actes des Apôtres où il s’applique à la prédication de Pierre ainsi
qu’à celle de Paul :
Et il nous a ordonné de prêcher au peuple, et d'attester que c'est lui qui a été établi par Dieu
comme juge des vivants et des morts (Ac 9, 42)31.
Des exorcistes juifs itinérants entreprirent à leur tour de prononcer, sur ceux qui avaient des esprits
mauvais, le nom du Seigneur Jésus ; ils disaient : “ Je vous conjure par ce Jésus que Paul
proclame ! ” ; proclamant le Règne de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ
avec une entière assurance et sans entraves (Ac 19, 13)32.
Paul emploie kêryssô abondamment dans ses épîtres, selon notre recensement : 10 fois dans
Romains, 5 fois dans 1 Corinthiens, 3 fois dans 2 Corinthiens, 2 fois dans 2 Timothée, 1 fois dans
respectivement Colossiens, 2 Thessaloniciens, Philippiens, et sans autre occurrence ailleurs.
Les éditions en français du Nouveau Testament traduisent le plus souvent kêryssô par
« prêcher » (Louis Segond, Bible de Jérusalem) ou « proclamer » (TOB, Traduction Liturgique),
à l’exception des hébraïstes Claude Tresmontant33 et André Chouraqui qui traduisent par « crier »
26
Dictionnaire Bailly, p. 117.
27
Λέγει αὐτῷ ἡ γυνή, Οἶδα ὅτι Μεσίας ἔρχεται – ὁ λεγόμενος χριστός : ὅταν ἔλθῃ ἐκεῖνος, ἀναγγελεῖ ἡμῖν πάντα.
28
Dictionnaire Bailly, p. 1129.
29
Dictionnaire Bailly : « Revenir annoncer, répondre », p. 198.
30
Ὃ ἑωράκαμεν καὶ ἀκηκόαμεν, ἀπαγγέλλομεν ὑμῖν, ἵνα καὶ ὑμεῖς κοινωνίαν ἔχητε μεθ’ἡμῶν : καὶ ἡ κοινωνία
δὲ ἡ ἡμετέρα μετὰ τοῦ πατρὸς καὶ μετὰ τοῦ υἱοῦ αὐτοῦ Ἰησοῦ χριστοῦ.
31
Καὶ παρήγγειλεν ἡμῖν κηρύξαι τῷ λαῷ, καὶ διαμαρτύρασθαι ὅτι αὐτός ἐστιν ὁ ὡρισμένος ὑπὸ τοῦ θεοῦ κριτὴς
ζώντων καὶ νεκρῶν.
32
Ἐπεχείρησαν δέ τινες ἀπὸ τῶν περιερχομένων Ἰουδαίων ἐξορκιστῶν ὀνομάζειν ἐπὶ τοὺς ἔχοντας τὰ πνεύματα
τὰ πονηρὰ τὸ ὄνομα τοῦ κυρίου Ἰησοῦ, λέγοντες, “ Ὁρκίζομεν ὑμᾶς τὸν Ἰησοῦν ὃν ὁ Παῦλος κηρύσσει ”
κηρύσσων τὴν βασιλείαν τοῦ θεοῦ, καὶ διδάσκων τὰ περὶ τοῦ κυρίου Ἰησοῦ χριστοῦ, μετὰ πάσης παρρησίας,
ἀκωλύτως..
33
Voir Claude TRESMONTANT, Le Christ hébreu : la langue et l'âge des Évangiles, Paris, O.E.I.L. 1983. La thèse
de Claude Tresmontant est que les évangiles connus en grec sont une traduction de textes hébreux ou araméens,
un temps conservés soit par oral, soit par écrit, mais disparus depuis. Il développe plusieurs arguments en ce
16 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
et indiquent ainsi que le terme hébreu d’origine est particulièrement intense.
Les colorations de l’expression kérygmatique sont donc multiples comme le relève
l’encyclopédie « Catholicisme, hier, aujourd'hui, demain » :
On aurait tort de le [kêryssein] traduire simplement par « prêcher », ce verbe désignant de façon
trop générale l’ensemble du ministère de la parole. Le vocabulaire du N. T. traduit la diversité des
formes et des fonctions de ce ministère.34
Le contexte linguistique des Écritures étant posé, regardons comment le concept de kérygme
s’est développé, selon quelles significations théologiques.
sens, notamment celui des analogies entre le grec des Évangiles et celui de la bible des Septante, traduction de
l’hébreu, tant au plan du vocabulaire que des tournures littéraires ou grammaticales. Comme d’autres biblistes,
il se fonde sur ces analogies pour retrouver les termes hébreux qui pourraient être en arrière-plan de différents
termes grecs des évangiles, avec les nuances de sens que cela peut induire ou suggérer.
34
Catholicisme hier, aujourd'hui, demain, tome 3, op.cit., p. 1414.
35
Catholicisme hier, aujourd'hui, demain, tome 3, Ibid.
36
Outre les sources précédemment citées, nous avons consulté l’article « kérygme » dans les dictionnaires
suivants : de René LATOURELLE, Rino FISICHELLA, Dictionnaire de théologie fondamentale, Montréal, Bellarmin
Paris, Cerf, 1990 ; de Peter EICHER et al, Dictionnaire de théologie fondamentale, Paris, Cerf, 1988 ; d’Olivier
LA BROSSE, Antonin-Marcel HENRY, Philippe ROUILLARD, Dictionnaire des mots de la foi chrétienne, Paris, Cerf,
1989 ; de Michel DUBOST, Xavier LESORT et al, Paris, Théo, nouvelle encyclopédie catholique, Droguet &
Ardant/Fayard, 1989 ; de Karl RAHNER, Herbert VORGRIMLER, et al, Petit dictionnaire de théologie catholique,
Électre, 2020 ; ainsi que l’article « kérygme » rédigé par André PAUL, in Encyclopædia Universalis, et l’article
« kérygme », in le « Glossaire » du site Internet de la Conférence des Évêques de France [en ligne par URL :
https ://eglise.catholique.fr/glossaire, © Église catholique en France].
Trois sources sont quasiment muettes sur le kérygme et sa théologie : Catéchisme de l’Église catholique, Paris,
Centurion/Cerf/Fleurus-Mame, 1998 ; Hugues DERYCKE, André DUPLEIX, et al, sous la direction de Gérard
REYNAL, Dictionnaire des théologiens et de la théologie chrétienne, Paris, Bayard/Centurion Paris,
Bayard/Centurion, 1998 ; Jean-Yves LACOSTE directeur de la publication, Paul BEAUCHAMP, directeur de la
rédaction, Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 3e édition, 2013 (1ère édition, 1998).
37
PAUL VI, Evangelii Nuntiandi (EN), exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne,
Paris, Téqui, 1975.
38
JEAN-PAUL II, Redemptoris Missio (RM), lettre encyclique sur la valeur permanente du précepte missionnaire,
Paris, Téqui,1990.
39
FRANÇOIS, Evangelii Gaudium (EG), exhortation apostolique sur l'annonce de l'Évangile dans le monde
d'aujourd'hui, Paris, Téqui, 2013.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 17
Sous cette définition générale, les dictionnaires repèrent une polysémie du terme :
En premier lieu, la proclamation kérygmatique désigne ensemble l’événement d’annonce
(proclamatoire) de l’Évangile et le message contenu par cette annonce.
En second lieu, au plan de l’historicité du terme, on peut distinguer d’une part le « kérygme
primitif », ou « kérygme apostolique », la proclamation de foi des Apôtres, exposée en diverses
occurrences des Actes des Apôtres ou des épîtres apostoliques, et d’autre part le kérygme de la
théologie et du magistère contemporains, relatif à l’action de l’Église pour l’évangélisation et la
catéchèse, sous forme de processus40, et que nous pourrons appeler « kérygme
d’évangélisation »41.
40
Dans le Dictionnaire de théologie fondamentale, op. cit., l’article « kérygme » est décomposé selon trois
termes : « Kérygme, catéchèse, parénèse : ces trois termes désignent les formes et les étapes d'un même
processus d'évangélisation en usage dès le début de l'Église ».
41
Nous reviendrons sur ce terme, au § « kérygme d’évangélisation », au chapitre I, § 1.5 ci-dessous.
42
Voir en annexe 1 le kérygme « prototype » de l’Apôtre Pierre le jour de la Pentecôte (Ac 2, 14-40) et le
kérygme de l’Apôtre Paul (1 Eph 15, 3-8).
43
Théo, nouvelle encyclopédie catholique, op.cit., p. 518.
18 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
exhortation à la conversion évangélique »44. L’effectivité est fondée sur le témoignage, mis en
valeur par le mode proclamatoire.
Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné. Et voici les
signes qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons, ils
parleront des langues nouvelles, ils prendront dans leurs mains des serpents, et s'ils boivent
quelque poison mortel, cela ne leur fera aucun mal ; ils imposeront les mains à des malades, et
ceux-ci seront guéris. (Mc 16, 16-18).
Nous voyons ainsi le kérygme confié aux Apôtres s’insérer dans le processus de la Révélation,
comme l’événement qui en fonde nouvellement la dynamique, la ré-initie, pour finalement jouer
un rôle majeur dans le déploiement de l’économie du salut.
Cette fonction de dynamisation est marquée par la structure linguistique de chacun des deux
termes, « Révélation » et « kérygme » ; l’un et l’autre conjuguent une double signification, en
désignant soit l’objet, soit l’agir ; soit d'une part l'annonce ou le message porté par l’un des
événements, Révélation ou kérygme, soit d'autre part l'événement lui-même. Cette structure
linguistique commune est en soi bien ordonnée à une dynamique, le message porté par son
mouvement.
L’étendue et l’ampleur de cette dynamique s’apprécient quand on considère que l’un et l’autre
des événements, Révélation ou kérygme, peuvent chacun s’inscrire dans des temporalités soit
ponctuelles, strictement événementielles, soit étendues, à la fois événement et processus.
Concernant la Révélation, l’événement central est l’incarnation de « [Jésus-]Christ, plénitude
personnelle de la Révélation », selon le titre du paragraphe 4 de Dei Verbum45. La temporalité
44
En reprise de l’analyse de l’encyclopédie Catholicisme, hier aujourd'hui demain, tome 3, article « kérygme »,
p. 1414-1418.
45
Dei Verbum (DV), Constitution dogmatique sur la Révélation divine, Concile œcuménique Vatican II, 1965,
in Concile œcuménique Vatican II, constitutions, décrets, déclarations, messages, op.cit., p. 123-146.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 19
étendue, c’est la parole de Dieu à travers tout l’Ancien Testament, et aussi la « tradition » de cette
parole par l’Église, et son incorporation historique, ce qu’on appelle son « actualisation »46.
Concernant le kérygme et ses modalités, le kérygme primitif revêt une forme de ponctualité,
tandis que le kérygme du temps de l’Église est temporellement étendu, comme nous le verrons.
Pour articuler les deux notions, nous pourrions dire que la Révélation c’est la parole de Dieu à
l’homme, sur Lui-même, à accueillir dans la Foi ; le kérygme comme action, c’est la reprise de
cette parole par l’Église, pour propager et consolider la Foi.
Nous proposons une diachronie de ces deux niveaux de parole, dans leur dynamique conjointe.
46
Voir les enjeux de cette actualisation dans l’ouvrage de Claude GEFFRÉ, « La Révélation hier et aujourd'hui,
de l'Écriture à la prédication, ou les actualisations de la Parole de Dieu », en son chapitre V « Révélation de
Dieu et langage des hommes », Paris, Cerf, 1972.
47
Schéma de l’auteur.
48
DV, § 1.
49
EG, § 165.
20 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
Après son contenu christologique, c’est la dynamique trinitaire du kérygme que nous voulions
repérer ici, avant de caractériser sa dimension ecclésiale.
[…] car, avant que les hommes puissent accéder à la liturgie, il est nécessaire qu’ils soient appelés
à la foi et à la conversion : « Comment l’invoqueront-ils s’ils ne croient pas en lui ? Comment
croiront-ils en lui s’ils ne l’entendent pas ? Comment entendront-ils sans prédicateur ? Et
comment prêchera-t-on sans être envoyé ? » (Rm 10, 14-15).
C’est pourquoi l’Église annonce aux non-croyants le Kérygme du salut [nous soulignons], pour
que tous les hommes connaissent le seul vrai Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus Christ, et pour
qu’ils changent de conduite en faisant pénitence.50
Nous consolidons au passage notre hypothèse qu’une église-édifice peut voir reconnaître sa
signification kérygmatique, indépendamment de son rôle liturgique.
Au plan linguistique, le « Kérygme du salut » ici mentionné représente bien la « proclamation
de l'Évangile aux non-croyants en vue de leur conversion », mais c’est ultérieurement que sa
signification se précise, successivement par Evangelii Nuntiandi (1974), Redemptoris Missio
(1990) et Evangelii Gaudium (2014). Ces textes, déjà cités, amplifient le décret sur l'activité́
50
Constitution sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium (SC), in Concile œcuménique Vatican II,
constitutions, décrets, déclarations, messages, Paris, Centurion, 1967, § 9, p. 155. Cet emploi du terme
« Kérygme », dans la locution « Kérygme du salut », est une nouveauté puisqu’auparavant le magistère
pontifical paraît ignorer ce terme. C’est aussi une singularité de la version française de SC, et cela fait penser à
une initiative isolée du traducteur en français de cette Constitution ; les éditions du Centurion mentionnent ce
traducteur simplement comme étant le « Centre de pastorale liturgique ». Dans les versions de SC en d’autres
langues, y compris le latin, ci-dessous, des termes plus classiques, signifiant également « message » ou
« annonce (du salut) » sont employés, alors que les langues en question paraissent avoir déjà disposé à l’époque
des néologismes fondés sur la racine grecque kerygma, tels qu’ils seront employés ensuite dans le magistère
pontifical, en premier dans Evangelii Nuntiandi (EN en 1975) au § 23 ; ces emplois ultérieurs par le magistère
seront alors écrits avec un k minuscule, en français comme dans les autres langues, hormis l'allemand.
Latin : « Quare Ecclesia non credentibus praeconium salutis annuntiat » (au lieu de kerygma dans EN).
Allemand : « Darum verkündet die Kirche denen, die nicht glauben, die Botschaft des Heils » (au lieu de
Kerygma dans EN).
Anglais : « Therefore the Church announces the good tidings of salvation » (au lieu de kerygma dans EN).
Italien : « Per questo motivo la Chiesa annunzia il messaggio della salvezza a coloro che ancora non credono »
(au lieu de kerigma dans EN).
Espagnol : « Por eso, a los no creyentes la Iglesia proclama el mensaje de salvación » (au lieu de kerygma dans
EN).
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 21
missionnaire de l'Église Ad Gentes 51, pris au terme du Concile Vatican II (1965).
Alors qu’Ad Gentes n’emploie pas le terme-même de « kérygme », ces textes ultérieurs en
consacrent l’apparition pleine et entière dans le vocabulaire du magistère pour le lier à
l’évangélisation, à la catéchèse et à l’ensemble de la démarche de foi, voire à la spiritualité de
l’Église.
Le concept de kérygme a donc été repris et développé par le magistère, dans plusieurs
dimensions.
Le kérygme d’évangélisation
Le magistère propose une compréhension élargie du contenu du message kérygmatique, ou du
moins de le mieux expliciter. Ainsi, Redemptoris Missio :
Aujourd'hui, il faut de même unir l'annonce du Royaume de Dieu (le contenu du « kérygme » de
Jésus) et la proclamation de l'événement Jésus Christ (c'est-à-dire le « kérygme » des Apôtres).
Les deux annonces se complètent et s'éclairent réciproquement.52
Pour unir ces deux annonces, nous avons proposé l’expression « kérygme d’évangélisation »
qui traduit une finalité pratique. Nous aurions pu conserver « kérygme du salut », introduit par
Sacrosanctum Concilium, pour traduire la finalité anagogique.
Evangelii Nuntiandi indique au paragraphe 25 que le kérygme comprend un message essentiel
et des messages secondaires :
Dans le message que l’Église annonce, il y a certes beaucoup d’éléments secondaires. Leur
présentation dépend fortement des circonstances changeantes. Ils changent aussi. Mais il y a le
contenu essentiel, la substance vivante, qu’on ne pourrait modifier ni passer sous silence sans
dénaturer gravement l’évangélisation elle-même.53
Le message essentiel est précisé ensuite, au paragraphe 27, sous l’intitulé « Au centre du
message : le salut en Jésus-Christ » :
L’évangélisation contiendra aussi toujours – base, centre et sommet à la fois de son dynamisme –
une claire proclamation que, en Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité, le
salut est offert à tout homme, comme don de grâce et miséricorde de Dieu.54
On reconnaît là le contenu et la rhétorique du kérygme primitif, présenté comme immuable au
cœur du discours d’évangélisation, et sa référence à la perspective du salut proposée par
l’Évangile.
51
PAUL VI, Ad Gentes (AG), décret sur l'activité́ missionnaire de l'Église, in Concile œcuménique Vatican II,
constitutions, décrets, déclarations, messages, op.cit., p. 537-602, 1965.
52
RM, § 16.
53
EN, § 25.
54
EN, § 27.
22 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
La référence à la perspective du Salut, le message de Jésus Christ dans l’Évangile, n’est
évidemment pas secondaire en soi. Ce qui reste ouvert dans cette définition du noyau du « kérygme
d’évangélisation », et qui peut renvoyer au registre des annonces secondaires, possiblement
changeantes, ce sont plutôt les « voies du salut », les nombreuses manières pour l’homme d’entrer
en conversion, de rencontrer Dieu, ou de vivre évangéliquement.
Nous notons que, dans ces différents aspects du « kérygme d’évangélisation », les messages
secondaires ne peuvent être dissociés du kérygme primitif ou central.
Par nature, l’Église, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire, puisqu’elle-même tire son
origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père.55
D’autres textes magistériels le soulignent, Sacrosanctum Concilium56, déjà cité, puis Evangelii
Nuntiandi :
La mission du Christ Rédempteur, confiée à l'Église, est encore bien loin de son achèvement. Au
terme du deuxième millénaire après sa venue, […] nous devons nous engager de toutes nos forces
à son service. C'est l'Esprit qui pousse à annoncer les grandes œuvres de Dieu : « Annoncer
l'Évangile, en effet, n'est pas pour moi un titre de gloire ; c'est une nécessité qui m'incombe. Oui,
malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile ! » (1 Co 9, 16)58.
Le témoignage, source de l’effectivité
Vient ensuite la notion décisive de témoignage, pris comme source de l’effectivité de l’annonce
kérygmatique. Cette effectivité par le témoignage est originelle, puisque les Apôtres l’affirment
dans le kérygme primitif : « nous tous en sommes témoins » (Ac 2, 32).
55
AG, § 2.
56
SC, § 9.
57
EN, § 16.
58
RM, § 1.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 23
L’enjeu est l’effectivité du message, attendue en termes de conversion, en faisant le lien entre
la crédibilité du message et la crédibilité des messagers.
Le décret Ad Gentes y consacre un article (le premier) intitulé « le témoignage chrétien » avec
les sous-titres successifs « Le témoignage de la vie et le dialogue » et « Présence de la charité »59.
Plus tard, c’est l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, qui reprend ce thème tout au long
de ses développements, relatifs aux voies du salut.
Il nous est proposé de vivre à un niveau supérieur, et pas pour autant avec une intensité moindre :
« La vie augmente quand elle est donnée et elle s’affaiblit dans l’isolement et l’aisance. De fait,
ceux qui tirent le plus de profit de la vie sont ceux qui mettent la sécurité de côté et se passionnent
pour la mission de communiquer la vie aux autres ».
Quand l’Église appelle à l’engagement évangélisateur, elle ne fait rien d’autre que d’indiquer aux
chrétiens le vrai dynamisme de la réalisation personnelle : « Nous découvrons ainsi une autre loi
profonde de la réalité : que la vie s’obtient et se mûrit dans la mesure où elle est livrée pour donner
la vie aux autres. C’est cela finalement la mission »
Quand le magistère du pape François insiste sur cette dynamique spirituelle du l’évangélisation,
fondée sur le kérygme, c’est qu’il la voit rejoindre la sainteté, par la disposition joyeuse qui
l’accompagne. En effet, l’identification de la joie comme voie de sainteté est un message
permanent de son magistère. En témoignent l’incipit Gaudete et Exsultate, choisi comme titre de
l’exhortation apostolique sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel, et la référence à la parole
du Christ « Soyez dans la joie et l’allégresse » (Mt 5, 12), à l’intention de « ceux qui sont persécutés
59
AG, § 11-12.
60
Pape FRANÇOIS, Gaudete et Exsultate (GE), exhortation apostolique sur l’appel à la sainteté́ dans le monde
actuel, Perpignan, Artège, 2018.
24 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
Le kérygme en approfondissement : les accents du message
Evangelii Gaudium souligne aussi que kérygme et catéchèse se complètent organiquement. En
effet, puisque la proclamation du kérygme est une activité d’Église et qu’elle invite à la conversion,
il en résulte pour elle une responsabilité directe quant à l’accompagnement des convertis, au plan
catéchétique notamment.
Aussi l’Église invite ses membres, anciens comme nouvellement convertis, à « approfondir »
le kérygme. Nous lisons cela aux paragraphes 165 et 167 d’Evangelii Gaudium, dans un passage
intitulé « Une évangélisation pour l’approfondissement du kérygme ».
Nous avons redécouvert que, dans la catéchèse aussi, la première annonce ou « kérygme » a un
rôle fondamental, qui doit être au centre de l’activité évangélisatrice et de tout objectif de
renouveau ecclésial. […] Quand nous disons que cette annonce est « la première », cela ne veut
pas dire qu’elle se trouve au début et qu’après elle est oubliée ou remplacée par d’autres contenus
qui la dépassent. Elle est première au sens qualitatif, parce qu’elle est l’annonce principale, celle
que l’on doit toujours écouter de nouveau de différentes façons et que l’on doit toujours annoncer
de nouveau durant la catéchèse sous une forme ou une autre, à toutes ses étapes et ses moments.
Ainsi le message originel est matrice d’enseignements catéchétiques plus développés ou
actualisés, et d’une manière générale source de l’ensemble des vérités de foi.
Le contenu du kérygme, annonce première, inclut au moins l’amorce de ce que Evangelii
Nuntiandi appelle les « messages secondaires » destinés à l’approfondissement du kérygme, et le
contenu du kérygme n’atteint son plein sens que dans la reconnaissance de ces articulations avec
les « messages secondaires », notamment parce qu’ils peuvent dessiner des chemins de sainteté,
des « voies du salut ».
Nous disposons de nombreux exemples de cet approfondissement du kérygme, dans le temps
de l’Église, par ces relations entre le message central d’une part, et ses messages complémentaires
d’autre part, dont l’advenue en relation avec le kérygme est plus circonstancielle.
Un des premiers en est donné par le récit que donnent les Actes des Apôtres, au chapitre 8, de
la conversion de l’eunuque éthiopien. L’apôtre Philippe lui propose le kérygme comme explication
d’un texte d’Isaïe (Is 53, 7, sur la souffrance silencieuse des aimés de Dieu) : « Philippe ouvrit
alors la bouche et, partant de ce texte, il lui annonça la Bonne Nouvelle de Jésus », et par la suite
« L'eunuque répondit : “ Je crois que Jésus Christ est le Fils de Dieu ” »61. À noter que le texte des
Actes ne précise pas les termes de la « Bonne Nouvelle » annoncée en relation avec Isaïe. Il dit
essentiellement qu’il y a un témoin du Christ, Philippe, que le kérygme qu’il annonce permet de
comprendre Isaïe, et que de cette compréhension naît la conversion. Autrement dit l’efficience du
61
Ac 8, 35 et 37.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 25
kérygme passe d’une part par le témoignage, d’autre part par la complémentarité entre le message
central et un (ou des) message(s) secondaire(s) pour reprendre l’analyse d’Evanglium Nuntiandi.
La genèse du « credo » de l’Église, élaboré au fil des premiers conciles, est un autre type
d’approfondissement du kérygme.
Au plan du contenu, on peut lire la formule finalement agrégée dans le symbole de Nicée-
Constantinople, comme une extension du kérygme primitif, par ajout des vérités qui le situent dans
l’ensemble de l’économie du salut. Autour de la réalité centrale de l’Incarnation, une construction
trinitaire commençant par Dieu le Père, poursuivie dans la foi en l’Esprit Saint, l’Église et la
perspective de la vie éternelle. Nous sommes toujours dans la promotion de la foi par l’articulation
des messages kérygmatiques. Mais l’articulation devient d’un autre nature, adaptée à la finalité du
credo : faire ensemble communauté d’église par adhésion à la même foi. Ce n’est plus une
articulation en progression comme pour l’eunuque, mais une articulation rhétorique sur un mode
systématique, faisant ressortir l’organicité de la foi. La « voie de salut » promue par le credo est
l’appartenance à l’Église. C’est cette efficience qui est recherchée.
Ces deux exemples illustrent comment la pluralité des messages au sein du « kérygme
d’évangélisation », et les liens entre eux, se justifient dans les finalités particulières qui orientent
sa mise en œuvre. Ces finalités dépendent aussi bien de l’émetteur du message kérygmatique (ce
dont il peut témoigner) que du destinataire (ce à quoi il est sensible, ce qui peut éveiller son
attention), ainsi qu’éventuellement des relations préexistantes entre eux.
Pour caractériser les actes kérygmatiques, les événements qui mettent en scène une visée
évangélisatrice, ce sont les divers messages qui composent le kérygme, dits « secondaires » parce
qu’ils se lient au message premier, qui détermineront la voie de compréhension proposée aux
destinataires du message ; ils donneront au kérygme sa coloration, son accent particulier, et
finalement son efficience.
Nous reprendrons cette notion, en l’appelant « accent théologique » quand nous évoquerons le
kérygme d’évangélisation exprimé en langage d’architecture.
[Pareille économie de] la Révélation comprend des actions et des paroles intimement liées entre
elles, de sorte que les œuvres, accomplies par Dieu dans l’histoire du salut, attestent et corroborent
et la doctrine et le sens indiqués par les paroles, tandis que les paroles proclament les œuvres et
éclairent le mystère qu’elles contiennent. […] La profonde vérité que cette Révélation manifeste,
sur Dieu et sur le salut de l’homme, resplendit pour nous dans le Christ, qui est à la fois le
Médiateur et la plénitude de toute la Révélation. 62
Ceci se retrouve dans la dynamique du kérygme d’évangélisation ; confiée à l’Église, cette
parole prend une forme d’invincibilité (Evangelii Gaudium au paragraphe 22) :
La parole a en soi un potentiel que nous ne pouvons pas prévoir. L’Évangile parle d’une semence
qui, une fois semée, croît d’elle-même, y compris quand l’agriculteur dort (cf. Mc 4, 26- 29).
L’Église doit accepter cette liberté insaisissable de la Parole, qui est efficace à sa manière, et sous
des formes très diverses, telles qu’en nous échappant elle dépasse souvent nos prévisions et
bouleverse nos schémas.
Le parole des apôtres
Nous avons quelques indications sur le langage parlé du kérygme primitif, selon les Actes des
Apôtres.
La langue de transcription – Actes, Épîtres – est le grec ancien. La langue de proclamation
initiale n’est pas précisée : l’annonce de Pierre à la Pentecôte, relatée au chapitre 2 des « Actes des
apôtres », se fit-elle en grec ? Quoi s’il en soit, cette proclamation fit l’objet d’une compréhension
polyglotte de la part des auditeurs.
Compte tenu de l’invitation à « enseigner toutes les nations » (Mc 16, 15 et Mt 28, 19), on peut
supposer que les diverses proclamations initiales furent, selon les occasions, soit dans les langues
vernaculaires propres au monde hébreu, soit en grec comme langue koinê.
62
DV, § 2.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 27
Le kérygme dès l’origine s’est donc déployé dans plusieurs langues parlées. Le magistère assure
l’immuabilité d’un message central entre les différentes langues de proclamation. La
conceptualisation associée au message comprend une forme de dépendance à la langue
d’expression, à travers toutes les implications culturelles de la langue. Concernant le message
évangélique, la question s’est beaucoup posée de l’influence de l’usage de la langue grecque et de
la culture hellénique sur le substrat hébreu et sémitique des évangiles (comme sur celui de l’Ancien
Testament avec la traduction des Septante). Ce point est noté ici parce que, dans la perspective de
l’expression du kérygme en architecture, la problématique du biais ou de l’éclairage culturel
devient complètement transversale, dans la mesure où le message devient indépendant de la langue
parlée mais peut devenir particulièrement dépendant de la culture sous l’angle de l’architecture.
On peut comprendre que l’aptitude initiale du kérygme à la multitude des langages parlés puisse
être en soi une invitation à accepter que d’autres formes de langages soient invitées à l’expression
kérygmatique. Cette affirmation d’ouverture comprend dans la même temps la signification d’un
lien de subordination des autres langages à celui originel de la parole, ce qu’affirme déjà l’axiome
de saint Paul : « La foi vient de ce qu’on entend » (Rm 10, 17)63.
Puissance de l’expression
L’acte est une proclamation et même un cri ; le message est mobilisateur : « convertissez-
vous ». Tout le texte des Actes des apôtres révèle une puissance de transformation. Ce point est
souligné par Carmelo Torcivia : « le langage du kérygme est fortement performatif, capable de
mettre l’auditeur du message en état de conversion » 64.
63
EN le développe au § 42 : « Oui, elle est toujours indispensable, la prédication, cette proclamation verbale
d’un message. Nous savons bien que l’homme moderne rassasié de discours se révèle souvent fatigué d’entendre
et, pire encore, immunisé contre la parole. Nous connaissons aussi les idées de nombreux psychologues et
sociologues, lesquels affirment que l’homme moderne a dépassé la civilisation du verbe, désormais inefficace et
inutile, et qu’il vit aujourd’hui dans la civilisation de l’image. Ces faits devraient nous pousser, certes, à mettre
en œuvre dans la transmission du message évangélique les moyens modernes suscités par cette civilisation. Des
efforts très valables, d’ailleurs, ont été déjà accomplis dans cette ligne. Nous ne pouvons que les louer et les
encourager pour qu’ils se développent encore davantage. La fatigue que provoquent aujourd’hui tant de discours
vides et l’actualité de bien d’autres formes de communication ne doivent cependant pas diminuer la vertu
permanente de la parole ni faire perdre confiance en elle. La parole reste toujours actuelle, surtout lorsqu’elle
est porteuse de la puissance de Dieu. C’est pourquoi reste lui aussi d’actualité l’axiome de saint Paul : “ La foi
vient de ce qu’on entend ” : c’est la Parole entendue qui conduit à croire. »
64 Cité par Henri Derroitte, op. cit., qui mentionne : Carmelo Torcivia, Turin, Elledici, 2016, p. 28.
Place du non-verbal
Le kérygme évangélique verbalise l’actualité de Jésus Christ, mais cette verbalisation n’est pas
exclusive d’autres expressions associées.
Différentes formes du non-verbal sont des attributs complémentaires de la verbalisation du
kérygme. Par exemple, le silence en est une composante majeure, puisque c’est lui qui permet
d’accéder au non-dit, au « destiné à être compris » ou peut introduire à l’apophatique.
Dans la forme duale de l’écrit, le « non-écrit » fait écho au « non-dit ».
Fécondité du message
Le kérygme vise une fécondité « en soi », celle de la conversion des destinataires, mais il vise
au-delà, la poursuite des conversions, l’avènement du royaume de Dieu. Il porte un envoi
anagogique à l’échelle de l’Église, voire à l’échelle du monde.
Pérennité
Pour le croyant, la question n’est pas la pérennité du message en soi, puisque le Christ assure
que « le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Mc 13, 31). La question concrète
est celle de la pérennité du support de communication dans lequel s’exprime le kérygme.
C’est de là que résulte l’importance des saintes Écritures, le support matériel de la prédication
verbale du Christ et de la Révélation en général. A vue humaine, elle en permet la conservation
indéfinie, au besoin dans une variété de langues par le jeu de traductions comme introduit dès
l’origine.
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Nous reprendrons plus loin l’ensemble de ces axes de performativité, pour les évaluer selon les
facultés du langage d’architecture. Pour cela, il faut que nous indiquions d’abord le rôle et les
propriétés de ce langage.
Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur : Est-ce toi qui me bâtiras une Maison
pour que je m'y installe ? Car je ne me suis pas installé dans une maison depuis le jour où j'ai fait
monter d'Égypte les fils d'Israël et jusqu'à ce jour : je cheminais sous une tente et à l'abri d'une
demeure. Pendant tout le temps où j'ai cheminé avec tous les fils d'Israël, ai-je adressé un seul
mot à une des tribus d'Israël que j'avais établies en paissant Israël mon peuple, pour dire : Pourquoi
ne m'avez-vous pas bâti une Maison de cèdre ? (2 Sm, 7, 5-7)
Ainsi parle le Seigneur : Le ciel est mon trône et la terre, l’escabeau de mes pieds.
Quelle est donc la maison que vous bâtiriez pour moi ? Quel serait l’emplacement de mon lieu de
repos ? (Is 66, 1)
Dans ces récits, le thème est celui de l’incommensurabilité de Dieu, qui ne peut être ni rejoint,
encore moins défié, par des ouvrages d’homme. Faute de l’admettre, leurs auteurs pouvaient se
montrer obnubilés par leur propre gloire, au détriment du rôle religieux de l’édifice.
S’agissant du Temple, la marge de justification pour le construire s’est trouvée ainsi délimitée,
pour signifier la présence de Dieu parmi les hommes, évoquer la gloire de Dieu par sa munificence,
mais être inscrit dans une histoire humaine où il resterait contingent, aussi glorieuse et solide que
soit son architecture.
De ce point de vue, l’arche d’Alliance, dans sa fragile dignité, correspondait à l’essentiel des
fonctions d’une maison de Dieu parmi les hommes, tout en répondant aux exigences du nomadisme
originel. D’ailleurs, la prévalence de cette compréhension des choses est bien marquée par le rôle
dévolu au Temple : abriter l’Arche d’Alliance
Les prêtres amenèrent l'arche de l'alliance du SEIGNEUR à sa place, dans la chambre sacrée de
la Maison, dans le lieu très saint, sous les ailes des chérubins. […] Il n'y a rien dans l'arche, sinon
les deux tables de pierre déposées par Moïse à l'Horeb, quand le SEIGNEUR conclut l'alliance
avec les fils d'Israël à leur sortie du pays d'Égypte. (1 Rois 8, 6 et 9)
La condition de contingence et de mortalité attribuée au Temple, et que nous évoquons ici dans
l’idée qu’elle s’attribue à toute forme de sanctuaire, est rappelée dans l’Évangile, celui de Marc
notamment quand Jésus Christ annonce que sa Résurrection est en correspondance avec la
destruction annoncée du Temple de Jérusalem :
Comme Jésus s'en allait du Temple, un de ses disciples lui dit : “ Maître, regarde : quelles pierres,
quelles constructions ! ” Jésus lui dit : “ Tu vois ces grandes constructions ! Il ne restera pas pierre
sur pierre ; tout sera détruit” (Mc 13, 1-2)
Nous l'avons entendu dire : “Moi, je détruirai ce sanctuaire fait de main d'homme et, en trois jours,
j'en bâtirai un autre, qui ne sera pas fait de main d'homme.” (Mc 14, 58)
Les passants l'insultaient hochant la tête et disant : “Hé ! Toi qui détruis le sanctuaire et le rebâtis
en trois jours, sauve-toi toi-même en descendant de la croix.” (Mc 15, 29-30)
Le voile du Temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas. (Mc 15, 38)
A ce stade, les Écritures nous sensibilisent à deux facultés de l’architecture, et de son langage :
celle d’une expression imposante, transposition de celle qu’en rhétorique, on appelle la captatio,
d’une part, et la durabilité, même si elle est relativisée, d’autre part.
Ces réticences n’emportent pas que les édifices construits par l’homme ne puissent être
Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes mais choisie et précieuse devant
Dieu. Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, entrez dans la construction de la Maison habitée
par l'Esprit, pour constituer une sainte communauté sacerdotale, pour offrir des sacrifices
spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ.
Et aussi la première épître de Paul aux Corinthiens et son épître aux Éphésiens :
Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? Si
quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira. Car le temple de Dieu est saint et ce temple,
c'est vous. (1 Co 3, 16-17)
Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et
Jésus Christ lui-même comme pierre maîtresse. C'est en lui que toute construction s'ajuste et
s'élève pour former un temple saint dans le Seigneur. C'est en lui que, vous aussi, vous êtes
ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l'Esprit. (Ep 2, 20-22)
Naturellement, cette réalité théologique de l’Église comme temple n’emporte pas
Pour aborder ce point, nous allons préalablement nous donner quelques repères sur le langage
d’architecture.
65
Dans le paragraphe suivant, à propos de notre épistémologie de référence, nous prendrons soin de rester du
côté de la sémiotique et non de l’essentialisation, en nous appuyant sur l’approche « instrumentale » de
l’architecture.
66
Au chapitre I, § 3.3 ci-dessous.
67
Paul RICŒUR, « Architecture et narrativité́ », in Revue Urbanisme, op.cit.
68
Christian NORBERG-SCHULZ, Intentions in architecture, op. cit. ; nous avons consulté la traduction en français :
Système logique de l'architecture, op. cit. Le décalage du titre entre les deux langues donne un éclairage sur la
finalité de l’ouvrage : une théorie du langage d’architecture, comme « méta-grammaire », avec l’importance des
« intentions » dans cette « grammaire ». Il faut se reporter aux autres ouvrages de Christian NORBERG-SCHULZ,
pour trouver les illustrations pratiques de ses théories sur l’architecture en tant qu’activité sémiotique,
notamment :
- Genius loci : paysage, ambiance, architecture, Liège, Pierre Mardaga, 1981 (édition originale en italien,
1979).
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 33
L’architecture comme langage intemporel et artistique, à la narrativité ouverte
« Architecture et narrativité » observe que le langage d’architecture est dépourvu de la linéarité
d’expression du langage parlé, avec la temporalité induite, celle qui permet d’accéder directement
au mode narratif ou discursif. Par ailleurs, la fixité du construit et son intemporalité nourrit un effet
de mémoire, en présentant simultanément aux yeux du visiteur, ou de l’utilisateur, des
significations symboliques de toutes natures.
Cette simultanéité, qui est atemporalité, ouvre la possibilité, et même envoie vers la
construction de multiples récits, par la latence ouverte de diverses associations et caténations entre
les significations symboliques ainsi offertes. Cette narrativité ouverte est le propre de
l’architecture, et son effectivité dépend beaucoup de la culture du visiteur, déterminante pour la
façon dont sa compréhension entre en résonnance avec l’architecture.
C’est d’ailleurs en ce sens que le langage d’architecture est bien un langage artistique : il a un
effet sur les sens du visiteur, cet effet orientant la compréhension à construire69.
L’ouverture narrative est également l’explication du rôle déterminant que peut jouer un guide
puisqu’il aura la possibilité d’introduire de la temporalité de différentes manières, soit par les récits
de son propos, soit par la temporalité du parcours de visite qui ordonne une mise en scène des
diverses significations de l’édifice.
- La signification dans l'architecture occidentale, 7e édition, Liège, Pierre Mardaga, 1997 (édition originale
en italien, 1974).
A signaler aussi que sur un plan philosophique, dans une dynamique phénoménologique et heideggérienne,
Christian NORBERG-SCHULZ source l’architecture dans schéma de constitution de l’Être, fondé sur « l’habiter »
et le « bâtir ». Il propose de faire les liens avec ses approches plus normatives dans :
- Existence, Space and Architecture, New York, Praeger, 1971
- Genius loci : towards a phenomenology of architecture, New York, Rizzoli, 1980.
- Heidegger's Thinking on Architecture, in Perspecta, publiée par The MIT Press, Vol. 20, pp. 61-68, 1983.
Les liens entre ces deux approches, sémiotique et philosophique, non nécessairement congruentes, ont été étudiés
par Nazlie MICHEL ASSO, dans sa thèse de Ph. D. non publiée, Significations et perceptions en architecture dans
l’œuvre de Christian Norberg-Schulz, présentée à la Faculté́ des études supérieures, Université́ de Montréal,
2010. Un résumé sommaire de cette thèse figure en annexe 3 du présent mémoire.
69
Cette épistémologie du langage artistique est développée par Baptiste MORIZOT et Estelle ZHONG MENGUAL au
chapitre intitulé « L'œuvre comme rencontre individuante » de leur ouvrage Esthétique de la rencontre : l'énigme
de l'art contemporain, Paris, Seuil, 2018, p. 81-125.
34 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
Sous ce terme, Norberg-Schulz désigne les buts qui unissent l’architecte, les commanditaires,
et possiblement les usagers d’une architecture, buts qui recouvrent aussi bien les fonctions
matérielles à assumer par telle construction, que les significations morales, sociales, symboliques
qu’elle doit porter 70.
Ces intentions peuvent être multiples et de différentes natures, mais Norberg-Schulz indique
qu’on peut les regrouper par « pôles intentionnels ». C’est à partir de ces pôles intentionnels que
se déterminent les formes de l’architecture et ses structurations d’espace, ainsi que les systèmes
de symboles qui s’y incorporent. Cette approche est dite « instrumentale », par différenciation vis-
à-vis d’une compréhension « fonctionnelle » de l’architecture, dans la mesure où les diverses
fonctions de l’édifice sont secondaires par rapport aux intentions. Les intentions « instrumentent »
ou « sourcent » conjointement les fonctions, les formes, et les symboles. C'est en elles qu'on trouve
la possibilité d’une synthèse dans l’exercice de l’architecture, et dans sa compréhension, aussi
démultipliée qu’elle puisse être.
Dans la logique d’architecture ainsi exposée, les compositions organiques conjointes de formes
et de symboles, sont désignées aussi bien dans la version anglaise que française par le terme
allemand71 : « Gestalt » (forme, figure)72. Nous proposons d’appeler ces formes typées associées
à leur symbolique : « figures ».
70
Pour qualifier cette épistémologie l’auteur indique : « les intentions déterminent des schémas de conception »,
la notion étant référée à Egon Brunswik et Piaget, respectivement p. 30 et 40, in Système logique de
l'architecture, op. cit.
71
Norberg-Schulz, pour bien serrer sa pensée, utilise parfois dans le texte anglais des mots allemands.
72
Dans Système logique de l'architecture, op.cit., le concept de Gestalt est référé à Piaget, p. 44, puis il est
précisé, p. 89 : « Ce n’est que lorsqu’on a en vue que la forme représente comme manifestation d’objets plus
élevés que l’on peut parler d’expérience architecturale réelle ». Nota : les « objets plus élevés » renvoient aux
symboles ou aux intentions.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 35
Avant d’explorer pratiquement les formes et les symboles, leurs liens avec les fonctions de
l’édifice, il faut donc aller au-devant des « intentions » des constructeurs et des
habitants/utilisateurs.
C’est ici qu’on peut articuler la grammaire des « intentions d’architecture » avec celle de la
doctrine des quatre sens des textes parlés ou écrits : ce qu’on appelle le sens littéral d’un texte peut
être mis en parallèle avec les fonctions propres de l’édifice, l’allégorie concernerait les différents
symboles exprimés dans l’architecture, la morale la façon dont l’édifice est reçu – en ferais-je
source de contemplation ou d’une activité donnée ? – et l’anagogie représenterait l’intention
générale, qui dans la grammaire de Norberg-Schulz « instrumente », pour ne pas dire
« détermine » les trois sens repris par chaque figure d’architecture.
Autrement dit, si on veut « traduire » un message religieux, comme le kérygme, de son
expression parlée à celle de l’architecture, la « traduction » doit s’envisager au niveau du sens
anagogique, vers les intentions incorporées dans les figures.
73
Constitution dogmatique sur l'Église Lumen Gentium, in Concile œcuménique Vatican II, constitutions,
décrets, déclarations, messages, Paris, Centurion, 1967, p. 14-122.
36 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
kérygme74 ; la deuxième est celle de « Corps mystique du Christ » selon le titre du paragraphe 7,
évoquant la lettre encyclique d’ecclésiologie du pape Pie XII, Mystici Corporis Christi75 (1943),
relativement à son rôle d’union de la communauté des baptisés à Dieu, par l’intermédiaire du
Christ ; la troisième est celle de « Temple du Saint-Esprit », selon le paragraphe 476, qui exprime
son rôle de ferment de conversion ; la quatrième est celle de « Peuple de Dieu », selon le titre du
chapitre II, qui exprime son rôle de « communauté sacerdotale » ; la cinquième est celle de
« L’Église, Mère et Vierge », selon le titre du paragraphe 64 du chapitre VIII ; c'est l'expression
de son rôle d’engendrement « maternel », ainsi que de proposition et d’exaltation pure des vertus
théologales de foi, de charité et d’espérance, comme composantes spirituelles de cet
engendrement77.
Les développements de Lumen Gentium pour chacune de ces « intentions » montrent des
complémentarités entre elles, notamment dans leur perspective missionnaire, comme l’indiquent
le titre et le préambule, paragraphe 1, déjà cités, et comme le récapitule le paragraphe 17 sur « Le
caractère missionnaire de l’Église », notamment dans sa conclusion :
Ainsi, l’Église unit prière et travail pour que le monde entier dans tout son être soit transformé́ en
Peuple de Dieu, en Corps du Seigneur et temple du Saint-Esprit, et que soient rendus dans le
Christ, chef de tous, au Créateur et Père de l’univers, tout honneur et toute gloire.78
Ces formes d’identité vocationnelle de l’Église peuvent se transposer comme « intentions
spécifiques » à l’origine d’une architecture d’église, qui les traduira fonctionnellement et
symboliquement.
« L’Église, annonciatrice du Christ lumière des nations » correspond à la vocation de l’église-
74
Lumen Gentium, § 1 : « Le Christ est la lumière des peuples […] L’Église étant, dans le Christ, en quelque
sorte le sacrement, […] elle se propose de mettre dans une plus vive lumière, pour ses fidèles et pour le monde
entier, en se rattachant à l’enseignement des précédents Conciles, sa propre nature et sa mission universelle ».
Nota : S’appuyant sur la prédication de Jésus Christ « Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 14), un autre texte
du magistère conciliaire, le Décret sur l'activité́ missionnaire de l'Église Ad Gentes, affirme au § 1 : « l’Église,
sel de la terre et lumière du monde ».
75
Pape PIE XII, Lettre encyclique Mystici Corporis Christi, sur le Corps Mystique de Jésus-Christ et notre union
en Lui avec le Christ, Paris, Bonne Presse, 1943.
76
Lumen Gentium, § 4, cite saint Paul : « L’Esprit habite dans l’Église et dans le cœur des fidèles comme dans
un temple » (1 Co 3, 16 ; 6, 19).
77
Ici, deux extraits de ce chapitre VIII, intitulé « La bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu dans le mystère
du Christ et de l’Église » :
Au § 63, Marie, modèle de l’Église
[…] de l’Église, comme l’enseignait déjà̀ saint Ambroise, la Mère de Dieu est le modèle dans l’ordre de
la foi, de la charité et de la parfaite union au Christ […].
Au § 64, L’Église, Mère et Vierge
[…] en contemplant la sainteté mystérieuse de la Vierge et en imitant sa charité, […] l’Église […] devient
à son tour Mère : par la prédication en effet, et par le baptême, elle engendre à une vie nouvelle et
immortelle des fils conçus du Saint-Esprit et nés de Dieu […]
78
LG, § 17.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 37
édifice d’annoncer le kérygme christique et le mystère de l’incarnation.
« L’Église, corps mystique du Christ » correspond à la vocation de l’église-édifice comme
maison de Dieu, lieu d’une présence transcendantale.
« L’Église, Temple du Saint-Esprit » correspond à la vocation de l’église-édifice, comme lieu
de présence de Dieu au monde.
« L’Église, Peuple de Dieu » correspond à la vocation de l’église-édifice, comme lieu
d’assemblée des fidèles en leur communauté.
« L’Église, Mère et Vierge » correspond à la vocation de l’église-édifice d’être en soi un lieu
d’un « engendrement », c’est à dire d’une transformation personnelle, et par là d’exalter leur
relation de Dieu, par le chemin des vertus théologales.
Ces cinq intentions sources de l’architecture peuvent alors être identifiées comme autant de
champs théologiques d’approfondissement du kérygme, dans une forme de diffraction, que nous
serons amenés à distinguer dans les formes architecturales et dans les « récits » qu’elles portent.
Puissance de l’expression
Si la proclamation kérygmatique doit prendre la forme d’un cri puissant, il n’y a pas de doute
que c’est bien une des capacités qu’offre l’architecture. Le terme de « monument » indique la
puissance évocatrice qui peut être celle d’un édifice, par exemple du fait de ses dimensions, et de
sa faculté à provoquer la captatio du visiteur.
Ressaisir la temporalité
Sur le plan de la rhétorique kérygmatique, et de la temporalité qu’elle suppose, langage
d’architecture et langage parlé se positionnent différemment.
Naturellement, la compréhension d’une architecture résultera de parcours de visites, avec leur
linéarité séquentielle, analogue à l’écoute temporalisée d’une parole. Mais, avant l’introduction de
cette temporalité de parcours, l’architecture s’embrasse d’un regard, possiblement selon différents
points de vue, faisant monter pour le regardant une simultanéité d’impressions. Marcel Proust a
décrit ce type de perception des lieux, citons l’emblématique texte sur la force évocatrice du
Fécondité et anagogie
L’anagogie plus lointaine d’une architecture résultera de divers supports d’inspiration : il
s’agira de son lien au cosmique, de sa participation au « génie du lieu »80, de son histoire propre
ou de son ancrage chtonien par l’existence d’une crypte, de sépultures. Il s’agira aussi de toutes
les significations induites par l’usage du lieu, dont bien sûr celles d’ordre liturgique ou
sacramentel.
Chacune de ces réalités peut ouvrir à des significations parousiaques en développant
l’impression qui résulte de la rencontre architecturale dans son immédiateté comme kairos,
correspondant à l’instance du « convertissez-vous » du kérygme.
Prenons comme exemples d’événement forts dans leur kairos la façon dont les vêpres de Noël
entendues à Notre-Dame de Paris déterminèrent la conversion de Paul Claudel en 1886, ou
comment l’effondrement de la flèche incendiée de cette cathédrale provoqua le saisissement d’une
foule immense, un lundi de semaine sainte de l’an 2019.
Pérennité
Si l’œuvre d’architecture s’inscrit dans la durée et répond souvent à une vocation monumentale
– faire mémoire –, c’est bien sa finitude que les Écritures en général et l’Évangile en particulier
mettent en cause, comparativement à la temporalité du Salut, par exemple l’Évangile de Jean (Jn
79
Passage de La recherche du Temps Perdu, en annexe 4.
80
Christian NORBERG-SCHULZ, Genius Loci, op.cit.
40 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
2, 19-21) : « Jésus leur répondit : Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. Les Juifs
dirent alors : Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras !
Mais lui parlait du temple de son corps ».
Néanmoins, après l’éternité de Dieu, et la durée indéfinie du support écrit pour la langue parlée,
il y a une durabilité de l’architecture dans laquelle peut se valoriser le kérygme. Ce qui est
marquant dans cette durabilité est qu’elle peut se différencier, en allant du plus durable, les
fondations, au moins durable, la décoration ou les aménagements, en passant par la superstructure.
L’architecture est un langage qui permet de valoriser le durable dans le plus ou moins éphémère.
C’est ce que les Écritures retiennent quand elles emploient l’image de la « pierre angulaire »,
symbole de durée, avec le psaume 118 :
21
Célébrez le Seigneur car il est bon, et sa fidélité est pour toujours […]
22
La pierre que les maçons ont rejetée est devenue la pierre angulaire.
Dans le nouveau Testament, la pierre angulaire est le Christ.
La possibilité d’une durée au sein d’une architecture périssable est particulièrement évidente
quand on visite des ruines. Quelle meilleure expression de la parole d’éternité que le ciel ouvert
au-dessus des colonnes de l’abbaye de Jumièges ?
Au terme de cet inventaire comparatif des facultés d’expression du langage parlé et de celui
d’architecture, ordonnés à l’annonce chrétienne, nous avons vu apparaître des potentialités
spécifiques de l’architecture. Nous retenons le mode « évocatoire » de ce langage, qui permet
d’entrer en résonnance avec une multiplicité de significations, et le rôle de la perception, c’est-à-
dire celui de l’efficience esthétique, sous forme de « captatio »81.
Nous avons indiqué que le kérygme s’inscrivait dans une rhétorique, le langage parlé est fait
pour la traduire et la développer. Le langage d’architecture comprend, quant-à-lui, un potentiel de
manifestation et d’accueil plus immédiats de la transcendance.
81 Si on passe de l’efficacité langagière en tant que telle, à l’efficacité religieuse, cette captatio est déterminante.
Voir l’article de Bernard KLASEN, « L’efficacité des formes architecturales », in Transversalités, vol. 142, no. 3,
L’expérience artistique, p. 35-48, juillet-septembre 2017. Cette efficacité se répartit selon quatre formes : une
signification de la consécration – par le beau, le rôle des images, l’efficacité des formes et des volumes – dans
le cadre de la séparation intérieur/extérieur ; la Captatio ; l’efficacité didactique ; et, en majeure, la fonction de
louange.
82
Ac 2, 22-38 ; 3, 13-19 ; 4, 10-12 ; 10, 37-43 ; 13, 23-38.
42 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint
Esprit » (Mt 28, 19). La réponse est dans la modalité d’adhésion, qui suppose la liberté de
conscience comme donnée essentielle de la relation à Dieu, et d’accueil de la Révélation. Une
traduction pratique concernant l’annonce du kérygme en est donnée dans Evangelii Gaudium :
Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui
impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel
horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme mais « par
attraction ».83
Ainsi, dans la mesure où la liberté de croire ou de ne pas croire relève d’une décision
individuelle, il y a une responsabilité propre du guide d’église sur la façon dont il exprime ses
convictions de foi, pour que sa propre adhésion de foi autorise une compréhension ouverte, ne
requérant pas absolument l’adhésion de foi des visiteurs, mais pouvant les y intéresser.
Une implication pratique de cette ouverture conduit à éviter qu’une polarisation sur les
explications religieuses ne subordonne excessivement les significations d’un autre ordre ; au
contraire, il s’agira de montrer la complémentarité des explications religieuses avec d’autres points
de vue sans imposer de hiérarchie qui ne serait justifiée que par la seule foi du guide.
Concernant ce lien entre explications d’architecture et explications religieuses, c’est dans le
présent travail que nous allons poursuivre l'étude de leurs complémentarités, articulations,
ajustements.
83
EG, § 14.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 43
symboles sont séquencées.
S’agissant de la mise en relation du discours kérygmatique et de l’architecture, l’enjeu pour le
guide consiste ainsi à créer une concordance entre la temporalité résultant du parcours de visite le
long duquel se révèlent les figures d’architecture, et celle des explications relatives aux accents
théologiques de l’église, par les différentes narrations qui les forment, y compris l’histoire de
l’édifice ou la rhétorique du kérygme84.
Le guide-herméneute, pour préparer ces explications et le parcours support, s’appuiera sur une
première compréhension de l’architecture concernée et de sa théologie, fondée sur un
apprentissage tant de l’architecture que de la théologie du lieu. Concernant l’architecture, il s’agira
de reconnaître sa lisibilité immédiate, de prendre soin de la lire sur un mode analytique, et enfin
de laisser les visiteurs être éprouvés par le génie du lieu, par « l’aura »85 qui en émane. Au plan
théologique et religieux, le guide croyant pourra nourrir sa foi et son chemin spirituel en participant
à la vie chrétienne de l’église visitée, notamment les liturgies ; l’initiation aux accents théologiques
passe aussi par la rencontre de chrétiens familiers du lieu, qui en sont religieusement imprégnés,
de manière à recueillir l’héritage de foi en relation avec l’édifice dont ils peuvent témoigner.
Cette première compréhension devra alors être mise en forme par le relevé des figures
d’architecture et celui des accents théologiques propres à l’édifice, puis de parcours qui les
révèlent. C’est à cette mise en forme que nous nous livrons dans la partie suivante du mémoire,
pour deux églises que nous aimons.
84
Si, comme Paul Ricœur le propose, le travail de compréhension pourra s’apparenter à celle d’un texte, nous
nous référons à un mode lecture, où le déchiffrage de gauche à droite et de haut en bas est remplacé par la
déambulation de visite, le parcours proposé par le guide étant une composante de son travail d’explication ou
plutôt un complément maïeutique.
85
Nathalie HEINICH, « L'aura de Walter Benjamin » in Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 49, La
peinture et son public, p. 107-109, septembre 1983 ; « L’aura », comme révélation unique du « lointain » ; voir
aussi Christian NORBERG-SCHULZ, in Genius Loci : paysage, ambiance, architecture, op.cit, qui désigne par
« aura » la force d’expression, en son unicité, du « génie d’un lieu ».
44 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
5. Synthèse et conclusion de la première partie
Il s’agissait dans ce chapitre de préciser les termes de notre proposition : L’architecture, par les
figures qui la composent, rend compte des accents théologiques ; autrement dit, il y a des
consonnances entre des accents théologiques du kérygme et l’architecture d’église. On résume ici
les étapes parcourues pour caractériser les concepts en jeu et leurs articulations.
transcendantale
suit plète
Peuple de Dieu
communauté
Se c
Engendrement et transformation
Mère et Vierge
personnelle
Cette évaluation pratique est l’objet de la suite de notre mémoire, dans une deuxième partie qui
établira ces « consonnances » dans deux églises prises comme cas d’école, et en fera ressortir les
accents théologiques.
86
Architecture et narrativité, op. cit.
46 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
II - SAINTE-MARGUERITE DU VÉSINET ET SAINTE-GENEVIÈVE DE NANTERRE
En nous familiarisant avec ces deux églises, nous avons fini par distinguer des figures saillantes
de leur architecture, conjointement aux accents théologiques avec lesquels elles consonnent.
Pour restituer cette « compréhension », nous allons parcourir trois étapes, pour chacune des
deux églises : d’abord, un relevé des figures majeures constitutives de l’architecture, en les mettant
en rapport avec des intentions théologiques spécifiques ; ensuite, une synthèse de ces intentions
figurées pour proposer une tonalité théologique globale ; enfin une mise en perspective à travers
le tracé d’un parcours de visite, apte à soutenir et à faire partager cette compréhension.
87
Description plus détaillée en annexe 5.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 47
Alphonse Pallu avait pourvu au
financement de l’église en instaurant
dans les comptes de sa société un fonds
alimenté par les acquéreurs des terrains
vendus par sa société, selon un tarif d’un
centime par mètre carré pendant trois
ans. Un concours fut organisé qui
déboucha sur l’adoption du projet
présenté par l’architecte Louis-Auguste
Boileau (1812-1896). Le style est néo-
gothique (voir ci-après).
Commencée en 1862, l’église fut
consacrée en 1865, sous l’appellation de
Sainte-Marguerite en mémoire d’une
88
Anticipation délibérée de la partie immobilière de la Loi de 1905 sur la séparation de l’Église et l’État.
Pour autant, la querelle des inventaires fut localement violente.
89
Dans le contexte particulier de la proximité des entités cédante et cessionnaire.
90
Arrêté ministériel du 29 avril 2016 : - Article 1er : Est classée en totalité au titre des monuments historiques
l'église Sainte-Marguerite située place de l'Église au Vésinet […] - Article 2 : Le présent arrêté se substitue
à l'arrêté d'inscription au titre des monuments historiques du 19 décembre 1978 […]
L’église au centre de la ville
La situation topographique et urbanistique de l’église reste celle du programme d’urbanisme
originel, qui avait délibérément élargi les espaces autour de l’église à construire91.
L’église est située à mi-chemin entre la gare existante et l’hôtel de ville, dessinant le
triptyque central du bourg. Sa position au centre d’une vaste place, dont les bords sont très en
recul par rapport à l’édifice, lui confère une place éminente, spécifiant la fonction
aphique - Géoportail
sociale
13/11/2022 23:54
majeure que les fondateurs lui assignaient. La volonté d’assumer cette place est également
Le Vésinet
marquée par le choix d’occidentaliser l’église, mettant sa façade à l’est, en pignon sur la rue
axiale, le cardo, qui réunit la gare à l’hôtel de ville.
Il s’agit ici d’un urbanisme inspiré par la
vision politico-sociale concordataire93,
prégnante sous le second empire. Cet
urbanisme valorise l’Église comme
institution sociale, qui s’assume comme un
partenaire majeur des pouvoirs publics et
participe primordialement à l’organisation
de la cité. L’intention théologique à laquelle
nous sommes renvoyés correspond non pas
tant à « l’Église, peuple de Dieu », mais
plutôt, à « l’Église, temple de l’Esprit »,
parce que son « objet social » concerne le
bien de toute la cité, et non pas celui des
seuls baptisés.
91
Voir annexe 5.
92
Annotation du fond de plan sélectionné dans le « Fond cartographique proposé par l’Institut national de
l’information géographique et forestière (IGN) », édité sur le site Internet geoportail.gouv.fr.
93
Voir l’analyse de Gilles DROUIN dans l’article « Initier au mystère de et par la cathédrale », in
Transversalités n° 154, p. 49-64, juillet-septembre 2020, Institut Catholique de Paris, 2020/3 : « Nous avons
souligné [… ] combien la conception concordataire de l’église comme lieu du culte chrétien, le culte envisagé
comme une des fonctions parmi d’autres de la société́ , se situait en rupture avec l’approche médiévale.
L’évolution de l’urbanisme est à ce titre éloquente. Il suffit de comparer l’isolement de la cathédrale [N-D
de Paris] dans la configuration haussmannienne et son insertion dans le tissu urbain médiéval ».
94
Les instances professionnelles des architectes déplorèrent les modalités peu rigoureuses du concours,
jugées déloyales, caractérisées finalement par la sélection d’un projet non conforme au cahier des charges.
95
SOCIÉTÉ D'HISTOIRE DU VÉSINET, Sainte-Marguerite du Vésinet, une église à nulle autre pareille, Le
Vésinet, Éditions de la Couronne d'Or, 2015, p. 25.
charpentes métalliques. Boileau l’assume en se référant au style gothique par l’élévation et la
lumière et par des rappels de l’arc d’ogive dans la charpente supérieure, comme dans les baies.
Le brio conceptuel de la charpente est réel, selon la vignette ci-dessus, mais il est difficile
d’en pleinement juger, ni de l’intérieur, encore moins de l’extérieur.
Cette référence gothique réinterprétée, tant par la création de pseudo-collatéraux dans la nef
que par la charpente complexe, suscita des critiques à propos d’un style jugé sans appartenance
véritable, y compris de la part de Viollet-le-Duc – dont Boileau était pourtant un admirateur.
A l’extérieur, malgré une couverture plutôt ordinaire, l’église ne manque pas d’allure,
comme une grande nef, au milieu de la place conçue pour elle, en dégageant un large parvis
(photo du paragraphe A ci-dessus). Le clocher axé en façade donne de l’élancement, et ratifie
la présence (au-dessus d’une façade plutôt banale).
Cette monumentalité générale de l’édifice et la captatio qu’elle suscite renvoient à une
théologie de la présence, soulignée par l’inscription au-dessus du portail : « DOMUS DEI INTER
HOMINIBUS », « la maison de Dieu parmi les hommes ». Ceci consonne avec « Nous tous en
sommes témoins » du kérygme primitif.
Il s’agit d’une présence annonciatrice, qui s’exprime dans le langage du XIXe siècle, non
seulement en adoptant une architecture au goût du jour, mais en la marquant d’un élan
d’invention, d’entrepreneuriat, cohérent avec les intentions d’une ville à l’aménagement créatif,
au rebours de ce que serait une architecture passive. Toutefois le langage prend garde de bien
se référer aux signes architecturaux de la chrétienté supposés immuables tels que le clocher.
La relative modestie de l’édifice, avec ses aspects fonctionnels évidents, est un autre facteur
moral à souligner, dans la mesure où il rend l’église et son message abordables, manifestes
d’une présence. La créativité technique à l’origine de l’édifice est moins perceptible par le
public d’aujourd’hui, mais l’harmonie maîtrisée, sans grandiloquence, subsiste et elle dispense
un message accueillant, reflète une figure bienveillante de Dieu.
S’agissant de la conception intérieure, les espaces sont clairement répartis en trois pôles : la nef
et ses collatéraux réunis en une vaste salle pour les assemblées ; devant cette nef, le chœur,
surélevé et séparé, mais pleinement communiquant ; deux chapelles absidiales, l’une dédiée à
la Vierge, au sud, l’autre au Sacré-Cœur, au nord, reliées par un déambulatoire qui dessert la
sacristie dans l’axe du chœur.
Ainsi les fonctions trouvent leur place : les liturgies solennelles dans l’espace du chœur et
de la nef entière, le recueillement dans les chapelles. Ceci résulte bien sûr du plan horizontal et
des circulations, mais aussi de la verticalité et de l’éclairage des espaces. La grande hauteur
sous les voûtes de la nef et du chœur favorise l’élévation de la prière commune. Les voûtes
moins hautes des chapelles favorisent le recueillement.
96 97
Reproduit par SOCIÉTÉ D'HISTOIRE DU VÉSINET, Reproduit par C. NORBERG-SCHULZ, in Système
in Sainte-Marguerite du Vésinet, une église à logique de l'architecture, op.cit, p 107.
nulle autre pareille, op.cit., p. 98.
98
SOCIÉTÉ D'HISTOIRE DU VÉSINET, Sainte-Marguerite du Vésinet, une église à nulle autre pareille, op. cit., p. 94-95.
99
Un seul n’est pas signé Lobin, mais Florent, qui se rattache toutefois au même atelier.
100
SOCIÉTÉ D'HISTOIRE DU VÉSINET, Sainte-Marguerite du Vésinet, une église à nulle autre pareille, op. cit.,
p. 93.
Fig. 11 - La voûte de
la chapelle du
Sacré-Cœur (avant
l’incendie)100
101
Les lettres majuscules sur le plan sont relatives aux figures d’architecture à commenter.
102
Schéma de l’auteur.
103
Édifice classé aux Monuments Historiques : Le clocher, par arrêté du 20 mai 1975 ; la cathédrale en
totalité, par arrêté du 23 septembre 2010 ; Baullet Louis (maître verrier) ; Pradelle Georges (architecte).
104
Description détaillée en annexe 6.
105
La Vita Genovefa est une biographie de sainte Geneviève commandée par son amie sainte Clotilde, et
publiée seulement 18 ans après la mort de Geneviève. Il s’agit d’un récit de grande valeur historique,
exceptionnel compte tenu de son ancienneté.
106
Dessin reproduit dans la fiche « Église paroissiale-cathédrale Sainte-Geneviève Saint-Maurice », in
Inventaire général des Monuments Historiques du département des Hauts-de-Seine, cote I4000 10312, 1990.
107
Titulature canonique actuelle : cathédrale Sainte-Geneviève-et-Saint-Maurice.
108
Pape PIE XI, Encyclique Maximam gravissimamque sur les associations diocésaines, 18 janvier 1924.
« En effet, à la clôture de l'horrible guerre [ …], la vue des faits glorieux que le clergé, tant séculier que
régulier, oubliant les injures reçues et ne se souvenant que de l'amour de la patrie, et accomplis aux yeux de
tous, avait fait naître de jour en jour plus ardent le désir que la paix religieuse, troublée par la loi de séparation,
fût rétablie [ …] », et « [ …] jugeant que, avec les dispositions de l'opinion publique, les circonstances et les
relations entre le Siège apostolique et la République française étaient profondément changées »
109
Photographie aérienne sélectionnée dans le « Fond cartographique proposé par l’Institut national de
l’information géographique et forestière (IGN) », op. cit.
110
Jean-Marie DUTHILLEUL Espace et liturgie, Paris, Desclée Mame, 2015, p. 76.
111
5
Visiter la cathédrale
7
8
C
C
Parvis
B
4
2
D
3
F2
F1
A
1
congruentes
en vogue à l’époqu
e.
Devant le parvis se
tro
:
puits de sainte Gene uve le célèbre
viève et une petite
chapelle souterraine
, très ancienne,
qui marque l’emp
lacement supposé
de sa maison natal
un
e.
Fig. 22 - Vue d'ensemble devant la croisée du transept - CdA
Le clo ch er 1 go
th iqu e da te du
14ème siècle et cons
titue le seul élé-
ment subsistant de la cathèdre A, du baptistère C.
vaste
il abrite quatre clo
ches du 19ème et
début 20ème siècle.
6 bénissant sainte Ge
neviève, œuvre du
sculpteur Réal del
Sarte.
Ainsi l’espace des assemblées s’articule pleinement avec celui du chœur, chacun ayant une
forme de plénitude. Dans la large charnière de la transition entre ces deux espaces, formée par
l’axe transversal F1, les liturgies peuvent s’ordonner autour des mobiliers tels que le baptistère,
l’ambon, l’autel, la cathèdre.
Fig. 24 - Le baptistère
au pied du chœur,
conçu pour un rite de
passage solennel
CdA
112
Photographie citée par BUET, Madeleine, DADOU, Hélène, JAVARY, Franck et al, Découvrir la Cathédrale Sainte-Geneviève de Nanterre, non paginée, Nanterre,
Paroisse Sainte-Geneviève, éditeur, 2017.
Fig. 26 - Couronnement de la Vierge fresque de Paul Baudoüin et Louis Dussour (1930) - CdA
Autour de la fresque, le florilège des appellations invocationnelles de la Vierge : Mundi
Domina, Cœlorum Regina, Virgo virginum, Stella matutina, Plena gratia, Clara lux divina.
`
Une verrière simple et monumentale
domine cet autel et cette fresque en retable.
Dans la richesse des messages théologiques, il paraît possible de faire valoir particulièrement
ceux qui font référence à l’Église Peuple de Dieu, et ceux relatifs à l’Église Mère et Vierge.
L’Église Peuple de Dieu est manifestée primordialement par l’insertion dans l’histoire d’un
édifice maintes fois reconstruit. C’est aussi le fait de l’insertion géographique de l’édifice dans
la cité. C’est enfin le thème des fresques, qui retracent des thèmes où l’histoire humaine
rencontre Dieu, depuis la rencontre du buisson ardent, jusqu’à des événements contemporains
en passant par les récits des paraboles.
Parcours extérieur
Le grand parvis est le lieu où le visiteur peut être mis en présence de l’insertion de la
cathédrale dans le tissu urbain ; de l’histoire du lieu, puisque les principales époques s’y
signalent, depuis l’ancien puits de sainte Geneviève jusqu’à la façade monumentale actuelle,
en passant par le clocher du XIVe siècle, et, à titre d’évocation, l’ancienne nef de l’église
classique qui occupait le parvis.
Concernant le parcours-même, le plus naturel est donc d’obéir à la temporalité historique et
de commencer par faire mémoire de sainte Geneviève avec le puits de son miracle. La chapelle
est un élément adjacent qui, comme tel, peut être visité sur le moment ou plus tard.
Le passage par le parvis vers la cathédrale permet ensuite d’en montrer la fonction de
transition, selon la triple polarité déjà évoquée. Le lien avec la cité profane est presque
osmotique, en tout cas non solennisé, au contraire du lien aux deux lieux religieux, l’espace de
sainte Geneviève et la cathédrale, annoncés par des plans monumentaux, celui de la mosaïque
de la Jérusalem céleste et celui grand portail du buisson ardent.
L’entrée usuelle par une porte latérale maintient le visiteur dans l’attitude du parcours
d’initiation.
Parcours intérieur
Cette entrée franchie, l’ensemble de l’espace et des volumes se déploie très vite, il suffit de
rejoindre l’axe central, où l’on est mis devant la large ouverture du chœur.
L’effet de monumentalité prédomine et s’amplifie où que les pas s’avancent. Par exemple,
nous avons signalé le basculement de la vision, qui remonte vers le haut quand on s’approche
de la croisée du transept.
Cette configuration autorise différentes formes de déambulations, qu’il est intéressant de
B
« programme de sainteté », avec la richesse
Fresque de la translation
B Autel de
de ses fondements historiques, peut la Vierge
C C
permettre d'expliciter le rôle de femmes et B
113
Schéma de l’auteur.
3.3. Parcours
La configuration des parcours dit aussi beaucoup des accents théologiques qui les inspirent,
avec les types d’initiation sous-jacents.
Ainsi, le parcours de visite axial de Sainte-Marguerite met en valeur son accent de
« théologie pédagogique », par l’approche géométrique du lieu.
Pour Saint-Geneviève, le parcours en spirale centripète, le long des fresques, se fonde sur la
progressivité, et l’empathie, dans cette modalité de théologie de l’intercession qui débouche sur
une ascendance. Cette progression favorise une compréhension spirituelle du lieu.
1. Récapitulation
A partir de l’expérience de guide de visite d’église, nous posions une question générale :
Comment le kérygme s’exprime-t-il dans le langage d'architecture des églises ?
Elle était suivie de sa corollaire :
Comment amener les visiteurs à une compréhension de cette expression ?
par laquelle on visait spécialement le public profane, celui qui n’est pas censé disposer des
« lumières de la foi » pour cette compréhension.
2. Fécondités croisées
114114
BACHELARD, Gaston, L’eau et les rêves – Essai sur l’imagination de la matière, Paris, Livre
de poche, 1998 (1ère édition, José Corti, 1942).
BACHELARD, Gaston, Épistémologie, textes choisis, Paris, PUF, 6e éd, 1995 (1ère éd, PUF,
1971).
BASLEZ, Marie-Françoise, Comment les chrétiens sont devenus catholiques, Paris,
Tallandier, 2019.
BUCHBERGER, Michael, KASPER, Walter, et al, Lexikon für Theologie und Kirche, en huit
volumes, Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), Herder, 1999.
DERYCKE, Hugues, DUPLEIX André, et al, sous la direction de REYNAL, Gérard, Dictionnaire
des théologiens et de la théologie chrétienne, Paris, Bayard/Centurion, 1998.
DUBOST, Michel, LESORT, Xavier et al, Théo, nouvelle encyclopédie catholique, Paris,
Droguet & Ardant/Fayard, 1989.
EICHER, Peter et al, Dictionnaire de théologie fondamentale, Paris, Cerf, 1988.
JACQUEMET, Gabriel, et al, Paris, Catholicisme, hier aujourd'hui demain, encyclopédie en
sept volumes, Paris, Letouzey et Ané, 1948-2009.
DE LA BROSSE, Olivier, HENRY, Antonin-Marcel, ROUILLARD, Philippe, Dictionnaire des
mots de la foi chrétienne, Paris, Cerf, 1989.
LACOSTE, Jean-Yves, directeur de la publication, BEAUCHAMP, Paul, directeur de la
rédaction, Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 3e édition, 2013 (1ère édition,
1998).
LATOURELLE, René, FISICHELLA Rino, Dictionnaire de théologie fondamentale, Montréal
Bellarmin Paris, Cerf, 1990.
RAHNER, Karl, VORGRIMLER, Herbert, et al, Petit dictionnaire de théologie catholique,
Électre, 2020.
« Glossaire », in © Église catholique en France, site Internet de la Conférence des Évêques
de France [en ligne] URL : https ://eglise.catholique.fr/glossaire.
Sources scripturaires pour les citations
Pape PIE XI, Lettre Encyclique Maximam gravissimamque, sur les associations
diocésaines, in Fonds historique de l’Assemblée Nationale, 1924.
URL : https ://www.assemblee-nationale.fr/histoire/eglise-etat/Pie-XI_Maximam-
gravissimamque_18011924.asp
Pape PIE XII, Lettre encyclique Mystici Corporis Christi, sur le Corps Mystique de Jésus-
Christ et notre union en Lui avec le Christ, Paris, Bonne Presse, 1943.
Pape PAUL VI, Constitution dogmatique sur l'Église Lumen Gentium, in Concile
œcuménique Vatican II, constitutions, décrets, déclarations, messages, Paris,
Centurion, 1967, p. 13-122.
Pape PAUL VI, Constitution dogmatique sur la révélation divine Dei Verbum, in Concile
œcuménique Vatican II, constitutions, décrets, déclarations, messages, Ibid., p. 123-
146.
Pape PAUL VI, Constitution sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, in Concile
œcuménique Vatican II, constitutions, décrets, déclarations, messages, Ibid., p. 147-
205.
Pape PAUL VI, Constitution pastorale sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et
Spes, in Concile œcuménique Vatican II, constitutions, décrets, déclarations,
messages, Ibid., p. 207-348.
Pape PAUL VI, Décret sur l'activité́ missionnaire de l'Église Ad Gentes, in Concile
œcuménique Vatican II, constitutions, décrets, déclarations, messages, Ibid., p. 537-
602.
Pape PAUL VI, Décret sur l'œcuménisme Unitatis Redintegratio, in Concile œcuménique
Vatican II, constitutions, décrets, déclarations, messages, Ibid., p. 603-634.
Pape PAUL VI, Evangelii Nuntiandi Exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le
monde moderne, Paris, Téqui, 1975.
Pape JEAN-PAUL II, Duodecimum Saeculum, Lettre Apostolique pour le 12ème Centenaire du
II ème Concile de Nicée, 1987.
Pape JEAN-PAUL II, Redemptoris Missio, Lettre encyclique sur la valeur permanente du
précepte missionnaire, Paris, Téqui, 1990.
Pape JEAN-PAUL II, Constitution apostolique Fidei Depositum, pour la publication de
Catéchisme de l’Église Catholique, rédigé à la suite du deuxième concile œcuménique
Vatican, 1992.
Catéchisme de l’Église Catholique, Paris, Mame / Plon, 1992.
Commentaires
Sauf mention en note, les photographies sont des documents personnels, avec mention CdA
(cliché de l’auteur).
Les plans topographiques et images aériennes sont tirés du « Fond cartographique proposé
par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) », édité sur le
géoportail Internet, URL : www.geoportail.gouv.fr.
Basiliques et églises romaines, en octobre 2019 (guides : Sandrine Aye et père Romuald
Fresnais)
Saint-Pierre, Sainte-Marie-Majeure,
Saint-Clément, Saint-Jean-de-Latran,
Saint-Louis-des-Français, Saint-Paul-hors-les-Murs.
Églises franciliennes (par ancienneté de la visite)
Notre-Dame de l’Arche d’Alliance, à Saint-Louis-de-Gonzague, chapelle du
Paris, collège jésuite, à Paris,
Saint-Gervais - Saint-Protais, à Paris, Saint-François de Molitor, à Paris,
Saint-Ignace, à Paris, Saint-Ambroise, à Paris,
Saint-Léger, à Saint-Germain-en-Laye, Saint-Honoré d'Eylau, à Paris,
Sainte-Thérèse, à Chatou, Saint-Sulpice, à Paris.
Saint-Germain, à Saint-Germain-en-
Laye,
L’architecture au sens strict, qui renvoie à la construction, n’est pas indépendante des
déterminations mentales, des images et des valeurs esthétiques, comme références, amenées
par divers champs d’intérêt au problème du sens. Elle est, de par ce fait, un objet
d’interprétation. Ce qu’on appelle communément « signification architecturale », est un univers
vaste dans lequel sont constellées des constructions hypothétiques. En ce qui nous concerne, il
s’agit non seulement de mouler la signification architecturale selon un cadre et des matières
spécifiques de référence, mais aussi, de voir de près la relation de cette question avec l’attitude
de perception de l’homme. Dans l’étude de la signification architecturale, on ne peut donc se
détacher du problème de la perception. Au fond, notre travail montrera leur interaction, les
moyens de sa mise en œuvre et ce qui est en jeu selon les pratiques théoriques qui la
commandent.
En posant la question de l’origine de l’acte de perception, qui n’est ni un simple acte de voir,
ni un acte contemplatif, mais une forme d’interaction active avec la forme architecturale ou la
forme d’art en général, on trouve dans les écrits de l’historien Christian Norberg-Schulz deux
types de travaux, et donc deux types de réponses dont nous pouvons d’emblée souligner le
caractère antinomique l’une par rapport à l’autre. C’est qu’il traite, dans le premier livre qu’il a
écrit, Intentions in architecture (1962), connu dans sa version française sous le titre Système
logique de l’architecture (1974, ci-après SLA), de l’expression architecturale et des modes de
vie en société comme un continuum, défendant ainsi une approche culturelle de la question en
jeu : la signification architecturale et ses temporalités. SLA désigne et représente un système
théorique influencé, à bien des égards, par les travaux de l’épistémologie de Jean Piaget et par
les contributions de la sémiotique au développement de l’étude de la signification
architecturale.
Le second type de réponse sur l’origine de l’acte de perception que formule Norberg- Schulz,
basé sur les réflexions du philosophe Martin Heidegger, se rapporte à un terrain d’étude qui se
situe à la dérive de la revendication du fondement social et culturel du langage architectural. Il
lie, plus précisément, l’étude de la signification à l’étude de l’être. Reconnaissant ainsi la
primauté, voire la prééminence, d’une recherche ontologique, qui consiste à soutenir les
questionnements sur l’être en tant qu’être, il devrait amener avec régularité, à partir de son livre
Existence, Space and Architecture (1971), des questions sur le fondement universel et
historique de l’expression architecturale. Aux deux mouvements théoriques caractéristiques de
ses écrits correspond le mouvement que prend la construction de notre thèse que nous séparons
en deux parties.
La première partie sera ainsi consacrée à l’étude de SLA avec l’objectif de déceler les
ambiguïtés qui entourent le cadre de son élaboration et à montrer les types de legs que son
auteur laisse à la théorie architecturale. Notre étude va montrer l’aspect controversé de ce livre,
lié aux influences qu’exerce la pragmatique sur l’étude de la signification. Il s’agit dans cette
première partie de présenter les modèles théoriques dont il débat et de les mettre en relation
avec les différentes échelles qui y sont proposées pour l’étude du langage architectural,
notamment avec l’échelle sociale. Celle-ci implique l’étude de la fonctionnalité de
l’architecture et des moyens de recherche sur la typologie de la forme architecturale et sur sa
schématisation. Notre approche critique de cet ouvrage prend le point de vue de la recherche
historique chez Manfredo Tafuri.
La seconde partie de notre thèse porte, elle, sur les fondements de l’intérêt chez Norberg-
Schulz à partager avec Heidegger la question de l’Être qui contribuent à fonder une forme
d’investigation existentielle sur la signification architecturale et du problème de la perception.
100 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
e
à
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e
e
s Les vitraux et les tableaux
n Fig. 30 – Disposition des vitraux dans l’église Sainte-Marguerite
e
Les 2023
Juillet tableaux etPASCAL
– ISTA – Olivier peintures (voir d’église
/ M2 – Architecture plan) et kérygme chrétien 101
Les abords
La Cathédrale Sainte-Geneviève a été construite dans les années 30 en pierre de Nanterre et
de Château- Landon, dans le style romano-byzantin en vogue à l’époque.
Devant le parvis se trouve le célèbre puits de sainte Geneviève et une petite chapelle
souterraine, très ancienne, qui marque l’emplacement supposé de sa maison natale.
Le clocher 1 gothique date du XIVe s. et constitue le seul élément subsistant de l’ancienne
église ; il abrite quatre cloches du XIXe et début XXe s.
Depuis la rue de l’Église, on peut apercevoir sur le haut de la façade latérale une statue
représentant saint Germain bénissant sainte Geneviève, œuvre du sculpteur Real del Sarte.
La façade en métal et en verre est réalisée par Pierre Sabatier en 1974 avec une porte
monumentale en laiton embouti, étain et plomb sur le thème du buisson ardent (épisode biblique
de la première rencontre de Moïse avec Dieu).
L’intérieur
Des fresques réalisées dans une remarquable unité de style et de ton marquent d’emblée le
visiteur. Elles couvrent l’ensemble des murs et des voûtes : leur surface totale, environ 1000 m,
en fait le plus grand ensemble de fresques religieuses de France.
Elles ont été réalisées entre 1926 et 1937 sous la direction du Maître Paul Baudoüin (voir
encadré) avec une iconographie riche et originale : la vie de sainte Geneviève, les paraboles de
l’Évangile, les Béatitudes, le Sacré-Cœur de Jésus, le couronnement de la Vierge.
La nef 2
Les peintures de la première travée ont été créées par Marie-Lys de Castelbajac lors de la
restauration de 2013. Le saint Esprit (symbolisé par une colombe) figure au centre de la voûte,
il est encadré par les deux premiers couplets de l’hymne médiéval Veni creator spiritus (« Viens
Esprit créateur »). Sur les murs, la prophétesse Anne et saint Jean-Baptiste qui ont tout deux
102 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
annoncé la venue du Christ.
Plus en avant, le dôme culminant à vingt mètres figure une grande croix rayonnante entourée
de neuf anges. En dessous se trouve une banderole circulaire supportée par quatre anges peints
par Pierre Poulain qui symbolisent les quatre vertus cardinales : justice, prudence, tempérance
et force.
Dans les voûtes, le thème est celui des huit béatitudes proclamées par Jésus, chacune
symbolisée par un saint :
- Heureux les pauvres de cœur : saint François d’Assise (fresque de Pierre Pechmeja).
- Heureux les doux : saint François de Sales (Pierre Pechmeja).
- Heureux ceux qui pleurent : sainte Monique, mère de saint Augustin, représentée à ses pieds
(Maurice Jaladert).
- Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : saint Louis, roi de France (Maurice Jaladert).
- Heureux les miséricordieux : saint Vincent de Paul (Georges Lusseau).
- Heureux les cœurs purs : sainte Thérèse de l’Enfant Jésus (Georges Lusseau).
- Heureux ceux qui font œuvre de paix : saint Jean-Marie Vianney, le « curé d’Ars » (Paul
Baudoüin).
- Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : sainte Jeanne d’Arc (Paul Baudoüin).
Trois coupoles représentent les Évangélistes avec les symboles qui leur sont
traditionnellement associés : l’homme pour saint Matthieu (fresque de Raymond Feuillatte), le
lion pour saint Marc et le bœuf pour saint Luc. L’aigle de saint Jean aurait dû se trouver dans
une quatrième coupole, jamais réalisée du fait du maintien du clocher ancien.
Le chœur 3
Au centre, le majestueux maître-autel D mesure plus de quatre mètres. Autrefois situé au
fond du chœur, il a été déplacé en 2013. Le bas-relief sur le devant représente le pélican
nourrissant ses petits avec sa propre chair, symbole de Jésus-Christ donnant sa vie.
Sur un pilier est installée une remarquable statue de la Vierge Marie à l’enfant, en pierre
polychrome du XIVe s. donnée à la cathédrale par les religieuses carmélites de Clamart à
l’occasion de la restauration.
Le chœur est délimité par six colonnes de béton armé recouvertes de granito, un matériau
composite donnant l’apparence du granit. Hautes de neuf mètres, elles sont ornées de
chapiteaux qui retracent la vie de sainte Geneviève, réalisés par Madeleine Froidevaux-
Flandrin.
C’est un Christ en Majesté assis sur un trône avec à sa droite, sainte Geneviève et à sa gauche,
sainte Jeanne d’Arc, l’une et l’autre patronnes de la France. Cette fresque de Léon Toublanc
s’étend sur 150 m2 à plus de douze mètres de hauteur.
Les symboles d’une cathédrale
La cathédrale Sainte-Geneviève est l’église de l’évêque du « diocèse de Nanterre », qui
rassemble tous les catholiques des Hauts-de- Seine. L’appellation « cathédrale » vient de son
symbole principal, la cathèdre A, le siège solennel réservé à l’évêque. L’ambon B, sur le devant
du chœur, est utilisé pour les lectures et la prédication. Le baptistère, de très grande dimension,
est conçu pour permettre des baptêmes d’adultes. Ces trois éléments ont été dessinés par Jean-
Marie Duthilleul, l’architecte en charge de la rénovation de 2013, et taillés dans la même pierre
de travertin que l’autel-majeur.
Dans la voûte au-dessus de l’autel, une figure monumentale du Sacré-Cœur de Jésus occupe
le centre de la fresque.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 103
Le déambulatoire a été conçu comme un ensemble pédagogique qui symbolise le chemin de
la vie chrétienne. Il se parcourt de gauche à droite.
Les sept vitraux, réalisés par Louis Barillet, rappellent la Passion du Christ. Chaque vitrail
illustre par trois symboles une étape de la Passion : l’Eucharistie, le Jardin des Oliviers,
l’interrogatoire chez Caïphe, la comparution devant Ponce Pilate, la mort en croix au Calvaire,
la mise au Tombeau et la Résurrection.
Les fresques offrent un choix iconographique rare puisqu’elles représentent quatorze
paraboles de l’Évangile réparties en six panneaux de trois scènes chacun. Ces paraboles sont
des histoires d’apparence familière que Jésus utilisait pour transmettre son enseignement de
façon imagée ; le texte des Évangiles est rappelé en français sous chaque scène.
Par panneau, de gauche à droite, et de haut en bas :
- La maison bâtie sur le sable ; le mauvais serviteur ; les vierges sages et les vierges folles
(fresque de Marthe Flandrin).
- Le filet rempli de poissons ; le semeur ; le pharisien et le publicain (Pierre Pechméja).
- L’enfant prodigue (Joseph Radan).
- Le bon pasteur ; l’ami importun ; le levain (Myrthée Baillon de Wailly).
- Le bon Samaritain (Louis Dussour).
- L’ivraie ; le riche insensé ; le mauvais riche (Elisabeth Faure).
Sous les vitraux, la représentation des sept sacrements (Joseph Radan) : le baptême, la
confirmation, le pardon (ou confession), l’eucharistie (ou messe), l’onction des malades,
l’ordination d’un prêtre, le mariage. Sur la voûte se lit la prière du « Notre Père ».
Fresques de sainte Geneviève
Tout le transept gauche est consacré à sainte Geneviève.
Au centre d’une très grande fresque réalisée par Léon Toublanc, sainte Geneviève est
représentée protégeant Paris et la France, symbolisés par des silhouettes d’églises et
cathédrales. On reconnaît à gauche de la sainte notre église de Nanterre, représentée avec le
projet de clocher finalement jamais réalisé.
Sous les vitraux, réalisés en 2013 par les ateliers Duchemin, se trouve une fresque de Paul
Lemasson de 80 m2. Elle représente la procession dans Paris au XIIe s. de la châsse, coffret
contenant des reliques de sainte Geneviève, et les guérisons miraculeuses à son passage.
À droite et à gauche de la chapelle, deux fresques remarquables de Paul Baudoüin : saint
Germain et saint Loup bénissant Geneviève et la sainte guérissant sa mère auprès du puits.
La fresque, réalisée par Paul Baudoüin et Louis Dussour, représente le couronnement de la
Vierge par la Trinité (Dieu le Père, le Fils et le saint Esprit). Cette fresque est bordée de motifs
rappelant certains des titres honorifiques donnés à la Vierge dans la prière des litanies, récitées
pour l’invoquer.
Le grand vitrail de 9 x 11 m réalisé par l’abbé Paul Buffet donne sur la façade latérale sud
de l’édifice. Il représente cinq scènes de la vie de la Vierge Marie avec son fils Jésus : la nativité
du Christ, la fuite en Égypte, Jésus travaillant à Nazareth, les noces de Cana et la crucifixion
du Christ. Elles sont entourées de quinze scènes de l’Évangile méditées dans le chapelet.
104 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
Chapelle Sainte-Geneviève 7
Elle est couverte de fresques de Joseph Radan consacrées à saint Germain, évêque
d’Auxerre (mur de droite), et saint Loup, évêque de Troyes (mur de gauche), dont le passage a
déterminé la vocation de Geneviève. Le grand vaisseau reliquaire renferme des reliques de
sainte Geneviève. Une statue en marbre blanc d’Eugène Benet représente Geneviève grandeur
nature à l’âge de douze ans tenant la médaille donnée par saint Germain.
Chapelle Saint-Maurice 8
La fresque principale, une œuvre de Maurice Jaladert, représente saint Maurice et ses
compagnons de la Légion Thébaine, triomphant après leur martyr. Cette chapelle est aussi
dédiée au souvenir des soldats morts pendant la Première Guerre mondiale.
La crypte 9
La crypte est située sous le chœur de la cathédrale. Elle est éclairée par des fenêtres donnant
sur une cour extérieure. Les colonnes qui traversent la voûte deviennent les colonnes du chœur,
leur hauteur totale est supérieure à trente mètres. C’est ici que repose le chanoine Jules
Froidevaux, dans un caveau surmonté d’une fresque de Marthe Flandrin.
Dans la cour du presbytère, le puits miraculeux existe toujours. Voici le récit rapporté par la
tradition : Un jour de fête, Gerontia veut aller seule à l’église. Sa fille, la petite Geneviève, la
prie avec insistance de l’accompagner : elle souhaite ainsi accomplir la promesse de
dévouement à Dieu qu’elle a faite à l’évêque Germain. Sa mère croit voir un caprice et gifle
l’enfant. À l’instant même, cet acte est puni puisque Gerontia perd la vue. Près de deux ans
après, prise de remords, Gerontia demande à Geneviève d’aller chercher de l’eau au puits pour
se laver les yeux. Pendant que sa fille prie et la marque du signe de la croix, Gerontia se lave
les yeux avec l’eau du puits et retrouve la vue. Ce miracle entraine une grande dévotion
populaire : l’eau du puits, bénie par sainte Geneviève, posséderait le don de guérir des maladies,
en particulier celles de la vue !
À côté du puits, la chapelle souterraine rénovée en 2013 est le témoin très ancien de
l’emplacement supposé de la maison natale de Geneviève. Aujourd’hui encore, les pèlerins
viennent s’y recueillir.
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 105
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 7
1. L’expérience initiale de la visite guidée d'église sous mode profane 7
2. Comment le kérygme s’exprime-t-il dans le langage d'architecture des églises ? 8
3. La voie herméneutique 9
a. L’herméneutique d’architecture 10
b. L’herméneutique théologique m 12
4. Comprendre le kérygme dans deux églises, pourquoi, comment ? 12
I - LE KÉRYGME COMME SOURCE, L’ARCHITECTURE COMME CHEMIN 13
1. Le kérygme, entre proclamation, contenu et approfondissement 14
1.1. Origines linguistiques et scripturaires 14
1.2. Le kérygme, terme polysémique pour conjuguer événement et message 17
1.3. Le kérygme primitif des Apôtres : christologie, rhétorique, témoignage 18
1.4. Le kérygme trinitaire, événement clé de l’économie du salut 19
1.5. Le kérygme du temps de l’Église 21
Le kérygme d’évangélisation 22
Annoncer le kérygme, mission d’Église 23
Le témoignage, source de l’effectivité 23
Effectivités matérielles et spirituelles 24
Le kérygme en approfondissement : les accents du message 25
2. Le kérygme en langage parlé 27
2.1. La fondation du kérygme parlé 27
La parole primordiale : le Christ comme Verbe 27
Le parole des apôtres 27
2.2. Caractéristiques de l’annonce kérygmatique proclamée 28
Puissance de l’expression 28
Un vaste public de destinataires 29
Un langage conceptuel pour un message riche, structuré et rhétorique 29
Place du non-verbal 29
Fécondité du message 29
Pérennité 29
3. Le kérygme en langage d’architecture 30
3.1. Éligibilité du langage d’architecture (d'église) à l’annonce kérygmatique 30
L’architecture dans les Écritures 30
Édifices sacrés au temps de l’Église 32
3.2. Le langage d’architecture entre « intentions » et « figures d'architecture » 33
L’architecture comme langage intemporel et artistique, à la narrativité ouverte 34
L’architecture comme langage fonctionnel et intentionnel 34
Les figures d’architecture entre spatialité et temporalité 35
3.3. Intentions d’Église, avec Lumen Gentium 36
3.4. Les facultés du langage d’architecture et l’expression d’intentions religieuses 38
Puissance de l’expression 38
Un vaste public de destinataires 38
106 Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien
Un langage pour un message de rhétorique « pré-conceptuelle » 39
Ressaisir la temporalité 39
Le non-parlé comme ouverture 40
Fécondité et anagogie 40
Pérennité 40
4. Lire le kérygme dans l'architecture d'église, par la visite profane guidée 42
4.1. La visite d’architecture profane 42
4.2. La visite d’architecture profane guidée 43
5. Synthèse et conclusion de la première partie 45
5.1. Notion dynamique de kérygme et notion d’accent théologique 45
5.2. Du lien préférentiel du kérygme au langage parlé, à la légitimité théologique du
langage d’architecture 45
5.3. Transposition d’un message parlé dans le langage d’architecture 45
5.4. Intentions d’Église, intentions d’église, figures d’architecture 46
II - SAINTE-MARGUERITE DU VÉSINET ET SAINTE-GENEVIÈVE DE NANTERRE 47
1. L'église Sainte-Marguerite du Vésinet 47
1.1. Principales figures d’architecture 47
A - La figure historique, caractéristique d’un christianisme traduit en urbanisme 47
B- Une architecture techniquement innovante dans un style composite 50
C - Plan basilical, lisibilité, unité de conception 51
D – Les vitraux et peintures, adaptés à leurs espaces 53
1.2. Synthèse théologique 59
Les intentions d’Église 59
Accent théologique : la pédagogie 59
1.3. Le parcours de visite 60
2. La cathédrale Sainte-Geneviève de Nanterre 62
2.1. Principales figures d’architecture 62
A – Un édifice empreint d’une histoire multiséculaire 62
B- Une savante organisation des espaces 65
C - Un ample programme de fresques et de vitraux 71
2.2. Synthèse théologique 74
Les intentions d’Église 74
Les accents théologiques : intercession, ascendance et inaboutissement 75
2.3. Le parcours de visite 76
Parcours extérieur 76
Parcours intérieur 76
3. Récapitulation comparative 78
3.1. La signification dépasse le style architectural 78
3.2. L’apport de la perception 78
3.3. Parcours 79
CONCLUSION 80
1. Récapitulation 80
Juillet 2023 – ISTA – Olivier PASCAL / M2 – Architecture d’église et kérygme chrétien 107
1.1. Une voie de compréhension 80
1.2. La performativité propre du langage d’architetcture 82
2. Fécondités croisées 82
2.1. Au-delà du kérygme, la médiation 82
2.2. La liturgie, en risque d’angle mort de l’expérience des visiteurs, ou objet d’une
nouvelle fécondité ? 83
2.3. Fécondité spirituelle 84
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES 85
Architecture, art, littérature 85
L'église Sainte-Marguerite du Vésinet 86
La cathédrale Sainte-Geneviève et Saint-Maurice de Nanterre 87
Théologie générale, philosophie, herméneutique, anthropologie 87
Sources scripturaires pour les citations 90
Magistère 91
Autres sources 92
Iconographie 92
Visites guidées d’église 92
ANNEXES 95
1. Kérygmes des saints Apôtres 95
2. Le but de l'architecture – Selon Christian Norberg-Schulz 96
3. Significations et perceptions en architecture dans l’œuvre de Christian Norberg-
Schulz – Selon le résumé de la thèse de Ph. D. de Nazlie Michel Asso 97
4. Exemple d’aura : le clocher de l’église Saint-Hilaire à Combray décrit par Marcel Proust
dans « La Recherche du Temps Perdu » 99
5. Éléments descriptifs de l’église Sainte-Marguerite 100
6. Éléments descriptifs de la cathédrale Sainte-Geneviève 102
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