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INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS Enseignement du

Theologicum P. Denis Hétier


Faculté de Théologie et des Sciences Religieuses et de Martine Grenier
Institut Supérieur de Théologie des Arts Le concile de Trente
L'Héritage Chrétien et l’art religieux

Fiche de lecture d'un texte de François Boespflug, Olivier Christin, Benoit Tassel
La doctrine molanusienne de l'image
dans l'introduction de la nouvelle édition du Traité des Saintes Images
de Johannes Molanus
24 mai 2018
revu 6 juin 2018
Travail d'évaluation proposé par Olivier Pascal
n° ICP 2017002366 olivier.pascal@m4x.org

La doctrine molanusienne de l'image est un texte qui figure en introduction de l'édition de


1996 du Traité des Saintes Images et qui été présenté en cours, le 6 janvier 2018.
Cette fiche de lecture développe cette présentation :
- en situant le texte dans l'œuvre et le temps de Molanus,
- en énonçant cinq grands thèmes de la "doctrine de Molanus"
- en en proposant quelques commentaires de synthèse
Johannes Molanus en son temps
Joannes Molanus (1533-1585) est le nom lati-
nisé de Jan Vermeulen théologien catholique
influent de la Réforme de l'Université de Lou-
vain, où il fut professeur de théologie et, en
1578, recteur.
Né à Lille, il était prêtre et chanoine de l'église
Saint-Pierre de Louvain, où il mourut.
Il est surtout connu pour son "Traité des
saintes images ", ouvrage en latin (de picturis
et imaginibus sacris, pro vero earum usu con-
tra abusus ), publié en 1570, sans illustrations.
Par ailleurs, Molanus a écrit de nombreux
livres, dont plusieurs publiés à titre posthume ;
ses textes - sermons, lettres - sont pour la plu-
part disponibles sur Gallica. Il fut aussi éditeur
de Saint Augustin.
Le traité des saintes images en son temps
Le traité vise à faciliter l'application du décret du Concile de Trente sur l'invocation, la véné-
ration et les reliques des saints, et sur les saintes images (1563)
Il se situe aussi dans le contexte de la campagne iconoclaste qui a balayé les Pays-Bas l'été
1566.

24 mai 2018 – ISTA enseignement sur Le concile de Trente et l’art religieux - La doctrine molanusienne de
l'image, texte de F Boesplluf et al. - Fiche de lecture proposée par Olivier Pascal 1/3
C'est un manuel pratique destiné aux clercs et aux évêques, à qui revient, selon le décret tri-
dentin, la mission de justifier ou d’empêcher l’utilisation des images dans la pratique reli-
gieuse.
C'est aussi une recherche théologique au service de la tradition iconographique, à la fois
"bienveillante et normative" 1.

L'introduction au Traité des saintes images


Selon l'édition commentée de François BOESPFLUG, Olivier CHRISTIN, Benoit TASSEL.
Editions du Cerf. Paris, 1996).
Cette publication de 1996 comporte 2 tomes et constitue une édition critique du traité de Jean
Molanus.
Le second tome présente un fac-simile de l’édition posthume originale (en latin).
Le premier tome donne la traduction en français du texte et des notes qui permettent de com-
prendre la position de Molanus. Ce premier tome s’ouvre sur une introduction dans laquelle
les auteurs situent le traité dans le contexte de la réforme, du mouvement iconoclaste qui
l’accompagne, et des décrets sur les images du concile de Trente.
Le chapitre V de l’introduction est consacré à un exposé de la "doctrine" de Molanus, doc-
trine sous-jacente au traité, sans cependant y être exposée comme telle.
Molanus, la doctrine
Les auteurs repèrent 5 thèmes :
1. Les images saintes sont une expression de la foi de l'église à parité avec les saintes Ecri-
tures, qu’elles "dédoublent" selon une modalité autonome, complémentaire et d’égale va-
leur pp 49-51(2).
En effet, dans la mesure où les images proposent des présentations et des récits synthé-
tiques, elles peuvent être valorisées dans le champ de l'incitation à la méditation ou dans
celui de l’exemplarité de la sainteté, au delà de la sententia grégorienne - les images sont
les lettres des illettrés -.
Cette valeur spécifique des images s’oppose à l’avis d'Erasme, qui tolère les images pour
aider à la piété, mais avec peu de valeur pp 51-53.
2. Mais toutes les formes de piété par l'image et toutes les images ne sont pas acceptables,
telles que, par exemple, les images impudiques, les vierges ouvrantes trinitaires, certains
Christ de pitié.
3. Expressions de la Foi conservées par l'Eglise, les images doivent participer de l'inerrance
que revêt l'enseignement ecclésial de la Foi pp 54 à 56.
L'inerrance est l'idée selon laquelle les saintes écritures, inspirées par Dieu, ne peuvent
être sources d’erreur. Le concile de Trente a nuancé cette idée, communément reçue au-
paravant, et reprise fortement par le protestantisme (sola scriptura), en disant que c'est
l'interprétation de ces textes par l'Eglise qui est inerrante.
Il en va donc de même pour les images.

1 Jérôme BASCHET. Annales Histoire, Sciences Sociales. 53è année, N.6. 1998. pp.1321-1322
http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1998_num_53_6_279725_t1_1321_0000_001
2 Selon pagination du tome 1 de l'édition de 1996 du Traité des Saintes Images.

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On note ici que depuis le concile de Trente, l’Eglise a encore nuancé sa position sur
l’interprétation de l’écriture sainte, notamment dans la constitution conciliaire Dei Ver-
bum, en 1965, et l’inerrance est devenue une notion fondamentaliste3.
Pour les images comme pour les écritures, c’est un attribut du magistère de l’ordinaire
d’énoncer l'interprétation inerrante, ou de désigner les représentations illicites p 58, au-delà
du rôle habituel des prêtres, pour le sacramental courant.
Le traité des images se présente ainsi comme un ouvrage de conseil à l’égard du magis-
tère.
4. Molanus retient deux critères pour que le magistère puisse attester l'inerrance de l'image :
- l'exactitude historique pp 56-57 , qui concerne le fait, sans rechercher l’exactitude do-
cumentaire,
- la réception dans la Foi, c'est à dire surtout hors des schémas d’idolâtrie p 52 et pp 61-62.
5. S'agissant de faits mal documentés (historiquement, conceptuellement, matériellement),
ou d’abstractions, Molanus admet le recours aux métaphores et aux images allégoriques pp
58-59
.
La question de l'acception des images allégoriques, licites ou illicites, est une question
importante dans le traité, étant entendu que dans le texte de l'introduction, les termes
trope, métaphore, allégorie, voire symbole paraissent avoir des significations très
proches.
Différents critères facilitent l’acception des allégories :
- le critère lérinien (ancienneté de l’acception),
- le critère des codes picturaux (exemple des auréoles),
- et en général le critère de la réception dans la Foi qui peut rendre licite une image
matériellement ou historiquement inexacte...(exemple des Saint Christophe).
A partir d’un point de vue formel sur l’inerrance, le Traité opte donc pour une attitude
compréhensive, pour prendre en compte la tension entre exactitude et signification.
Synthèse brève
Ainsi, la « doctrine » de Molanus est conjointement :
- une doctrine sur les images – qui doivent être exemplaires et inerrantes, c’est à dire
prétendre à l’exactitude, sauf quelques codes qui facilitent la signification p 55.
- une ecclésiologie p 63 qui propose une église inerrante, Ce sont ses pasteurs, éclairés
par ses doctes, qui portent l'inerrance, qui est finalement validée par l’adhésion des
simples.
Une démarche analytique et pragmatique
La table des matières du Traité des images fait ressortir une démarche analytique et corres-
pond à l’idée que la possibilité et la façon de recevoir les saintes images se traitent au cas par
cas p 60.

3 Yves CHIRON. Histoire des conciles. Perrin. 2011. pp. 192-193

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l'image, texte de F Boespflug et al. - Fiche de lecture proposée par Olivier Pascal 3/3

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