Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Apprentissage Moteur Et Difficulté de La Tâche - Chapitre 5. Difficulté Perçue - Habileté Perçue Et Apprentissage Moteur - INSEP-Éditions
Apprentissage Moteur Et Difficulté de La Tâche - Chapitre 5. Difficulté Perçue - Habileté Perçue Et Apprentissage Moteur - INSEP-Éditions
INSEP-
Éditions
Apprentissage moteur et difficulté de la tâche | Jean-Pierre Famose
Chapitre 5. Difficulté
perçue – habileté
perçue et apprentissage
moteur
p. 125-161
Texte intégral
https://books.openedition.org/insep/1314 2/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 4/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
1 — Habileté perçue
19 La notion d’habileté perçue (ou encore de compétence perçue) est apparue
dans la littérature scientifique dans le cadre des recherches sur les processus
cognitifs mis en jeu dans la motivation. L’idée principale, au centre de ces
recherches, est que le choix fait par un individu de participer à une tâche, de
s’investir intensément et de persister dans sa réalisation, est fonction de la
perception qu’il a de son niveau d’habileté. Cette notion d’habileté perçue a
d’abord été introduite par White (1959). Il a proposé l’idée de la
« motivation d’effectance » (motivation par l’effet, motivation de
réalisation, besoin de maîtrise) pour expliquer pourquoi un individu se sent
contraint de s’engager dans des tentatives de maîtrise. Il a suggéré que les
individus agissent ainsi parce qu’ils ressentent le besoin d’obtenir un effet. Si
les tentatives d’accomplissement de la tâche sont satisfaisantes, ils se
perçoivent comme étant compétents. Cette perception leur procure un
sentiment d’efficacité, un plaisir interne et de la joie. Il est ainsi tout à fait
probable que les individus chercheront à reproduire cet accomplissement.
20 Selon les théories : « L’habileté perçue constitue soit une caractéristique
stable de personnalité qui organise les conduites de l’individu dans un
grand nombre de situations, soit une construction ponctuelle liée à une
classe de tâches ou à une activité particulière » (Durand, 1987).
La compétence perçue selon Harter
21 En 1978, Harter a proposé un cadre théorique général qui a repris et
développé les premières institutions de White concernant la notion d’habileté
ou de compétence perçue. La réalité désignée par ce terme est très globale
et indifférenciée. Selon Harter, les enfants ne perçoivent pas leur compétence
comme identique dans tous les domaines et le sentiment de compétence est
la résultante complexe de trois composantes :
https://books.openedition.org/insep/1314 5/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
dans la classe) ;
la compétence physique, qui regroupe les performances dans les
activités ludiques et sportives nécessitant un important engagement
moteur (être bon en sport, progresser facilement en EPS, préférer être
pratiquant que spectateur sportif).
https://books.openedition.org/insep/1314 6/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
activité physique, qu’il soit intéressé ou attiré par elle, qu’il se sente capable
(posséder les aptitudes physiques nécessaires) de mener à bien cette activité.
Griffin et Keogh (1981, 1982) définissent une construction hypothétique
appelée « la confiance dans le mouvement ». Elle reflète le sentiment que
possède l’individu de son adéquation dans une tâche motrice. L’importance
sous-jacente à cette hypothèse est que l’enfant confiant dans ses propres
mouvements choisira d’être actif, d’une manière assurée, et persistera
probablement.
26 Cependant, dans ces diverses théories, l’habileté perçue, qu’elle soit une
caractéristique stable de la personnalité ou bien une construction ponctuelle,
est considérée comme un concept unique. En fait, nous verrons par la suite
que la notion d’habileté perçue peut être appréhendée d’au moins deux
manières différentes.
27 D’après les résultats obtenus par Weiner et Kukla (1970), la perception que
l’on a de son habileté dépend du taux des succès obtenus et de la façon dont
ils se sont présentés. Plus ils sont apparus tôt et ont culminé par moment,
plus l’habileté semble grande.
30 Pour toute tâche perçue par les sujets comme plus facile que T, les deux
sujets diminueront leur niveau d’effort projeté, B se maintenant à un plus
haut niveau que A. De manière similaire, si une tâche est supposée plus
difficile que T, les deux sujets augmenteront leur niveau d’effort projeté, et ici
encore, Eb restera plus haut que Ea. Cependant, nous l’avons vu, il existe un
niveau maximum pour l’effort intentionnel. Lorsque la difficulté de la tâche
augmente encore, Eb atteindra son maximum plus tôt que Ea. Autrement dit,
le sujet B, plus rapidement que le sujet A, conclura que la tâche requiert le
plus grand effort possible. Au-delà de ce niveau de difficulté perçue, B
pensera que le succès n’est plus possible, quel que soit le niveau d’effort qu’il
peut mettre en œuvre, et ainsi, par le principe du moindre effort, il décidera
de se démobiliser. D’un autre côté, le sujet A n’aura pas atteint son effort
maximal, de telle sorte que, pour la même tâche pour laquelle l’effort projeté
de B chute à zéro, l’effort intentionnel de A continue de croître. Si la difficulté
perçue devient plus grande encore, il y aura, bien sûr, un point où A pensera,
lui aussi, que le succès n’est plus possible et cessera à son tour tout effort.
31 La figure 33 décrit une configuration possible des relations existant entre les
différentes variables : habileté perçue, difficulté perçue et effort projeté.
L’observation de cette figure met aussi en évidence :
32 Il est donc possible de définir une tâche comme étant (subjectivement) facile
si elle se situe à l’intérieur du continuum des tâches pour lesquelles la
quantité d’effort choisie, aussi bien par les sujets à basse habileté perçue que
par les sujets à haute habileté perçue, augmente avec l’accroissement de la
difficulté (rangée de X à Y dans la figure 33). Une tâche de difficulté
(subjective) intermédiaire est celle qui se situe à l’intérieur de la rangée Y à Z.
Ainsi, par définition, une tâche intermédiaire est celle que pense réussir un
sujet à haute habileté perçue, alors qu’un sujet à basse habileté perçue la
considère au-dessus de ses capacités. Finalement, une tâche sera dite être
(subjectivement) difficile si elle est perçue être plus difficile que Z, c’est-à-
dire si les sujets à habileté perçue haute et basse s’attendent à échouer, même
avec un effort maximal.
https://books.openedition.org/insep/1314 8/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 9/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
37 La tâche était un lancer de précision. Les sujets exécutaient dix essais. Peu de
temps après avoir reçu les faux feedback, les expérimentateurs leur
donnaient une information supplémentaire concernant la nature de la tâche.
En fait, cette information constituait une manipulation des attributions
causales. Il s’agissait de les induire à attribuer leur performance soit
essentiellement à l’habileté, soit essentiellement à l’effort. Puis les sujets
effectuaient à nouveau dix essais. Les résultats ont montré un effet
significatif des consignes. Les sujets ayant reçu des instructions orientées
vers l’effort ont non seulement obtenu de meilleurs résultats que ceux ayant
reçu des instructions orientées vers l’habileté, mais aussi de meilleurs gains
de performances. De plus, les sujets ayant le plus faible score lors des
premiers essais ont obtenu la meilleure performance lors de la seconde série.
38 Ces résultats vont dans le sens de la théorie de Kukla :
39 Les mêmes auteurs, reprenant cette tâche de lancer, ont entrepris de vérifier
la conception de Kukla (1972a) concernant l’effet de l’interaction perception
de la difficulté de la tâche — sentiment de compétence sur le choix du niveau
d’effort projeté. Selon cette conception, les sujets à haute habileté perçue
doivent avoir une meilleure performance que les sujets à basse habileté
lorsque la tâche est de haute difficulté perçue. En effet, pour une tâche de
haute difficulté perçue, du fait que les premiers se perçoivent eux-mêmes
comme étant hautement compétents et qu’ils pensent que l’effort et la
performance covarient, on peut penser qu’ils auront l’intention de dépenser
une grande quantité d’effort pour réussir. En revanche, les sujets à faible
habileté perçue concluront que le succès est au-delà de leurs possibilités. Ces
derniers ne chercheront pas à dépenser trop d’effort. À l’inverse, si la tâche
est perçue comme étant très facile, les sujets à faible habileté perçue
penseront que le succès est dans le champ de leurs possibilités. Ils
continueront à s’appliquer alors que les sujets à haute habileté perçue
décideront que peu d’effort est nécessaire pour assurer le succès. Par
conséquent, ils s’investiront peu dans la tâche. On peut donc prédire que les
sujets à basse habileté perçue auront de meilleures performances que les
autres.
40 Ainsi, deux groupes de sujets ont été constitués en fonction de leur niveau
d’habileté perçue. Chacun effectuait dix essais sur la tâche et recevait un
feedback qui situait leur performance par rapport à celle d’un adversaire.
Comme dans l’expérience précédente, le résultat était manipulé, c’est-à-dire
qu’il pouvait être de sept points en plus ou en moins que celui de leurs
adversaires. Puis ils effectuaient à nouveau dix essais.
41 Les résultats ont montré que les sujets à haute habileté perçue ont obtenu
leurs meilleurs résultats lorsqu’ils pensaient être derrière le standard
d’excellence ou derrière un adversaire. À l’inverse, les sujets à faible habileté
https://books.openedition.org/insep/1314 10/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 11/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 12/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 14/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 15/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 17/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
enfants sont orientés vers des buts de résultat et qu’ils ont une évaluation
médiocre de leur niveau d’habileté, ils choisissent le plus souvent, soit des
tâches faciles pour eux et où le succès est assuré, soit des tâches
excessivement complexes où l’échec ne signifie pas une faible habileté (Elliot
et Dweck, 1988 ; Nicholls, 1984a et b). Même des individus très performants
peuvent sacrifier leurs opportunités d’apprentissage (lesquelles comportent
des risques d’échecs) pour des opportunités de démonstration de leur
habileté (Elliot et Dweck, 1988 ; Covington, 1983). Ainsi, les buts de résultat
paraissent promouvoir des stratégies défensives qui peuvent empêcher la
recherche de la difficulté, essentielle à l’apprentissage.
72 Avec des buts d’apprentissage, en revanche, même si l’évaluation du niveau
d’habileté est faible, les élèves tendront à choisir des tâches qui favorisent
l’apprentissage. Plus précisément, dans les études de Elliot et Dweck (1988),
où buts d’apprentissage et de résultat ont été manipulés expérimentalement,
les enfants optant pour des buts d’apprentissage choisissent d’accomplir des
tâches qui leur posent des problèmes indépendamment de la perception
qu’ils ont de leur niveau d’habileté (Nicholls, 1984a et b). Ainsi, ils acceptent
le risque de démontrer une habileté médiocre afin, justement, d’acquérir de
l’habileté. Au lieu de calculer leur niveau d’habileté exact et comment il doit
être jugé, ils pensent plus à la valeur de l’habileté à développer.
conditions non compétitives, qui induisent chez les enfants des buts
d’apprentissage, la fierté ressentie par ceux-ci à la suite de leur performance
est en relation avec le degré d’effort qu’ils pensent avoir exercé aussi bien
dans des conditions de réussite que d’échec. Dans des conditions
compétitives induisant des buts de résultat, la fierté née de leur performance
est en relation avec le degré d’habileté qu’ils pensent posséder. Ainsi, l’échec
à l’intérieur de buts de résultat, parce qu’il signifie habileté médiocre, fournit
peu de support pour la gratification personnelle. Au contraire, à l’intérieur de
buts de résultat, un effort intense peut produire des affects négatifs.
Jagacinski et Nicholls (1982, 1984), puis Legett (1986), ont montré que les
enfants choisissant des buts de résultat considèrent, plus que les enfants
optant pour des buts d’apprentissage, l’effort comme l’indicateur d’une faible
habileté.
76 En résumé, un but de résultat focalise les enfants sur les questions d’habileté.
La confiance des enfants dans leur habileté actuelle doit être élevée et le
rester pour qu’ils s’orientent vers des tâches de difficulté optimale et
persévèrent dans leur réalisation. Cependant, cette même centration sur
l’habileté rend extrêmement fragile leur confiance dans l’habileté, car la
simple mise en jeu d’un effort peut la remettre en question. Une forte
détermination vers ce but peut ainsi créer une tendance à éviter la difficulté
et à montrer des performances détériorées. À l’extrême, un enfant trop
fortement préoccupé par l’habileté peut se détourner des tâches qui en
faciliteraient le développement.
77 En revanche, un but d’apprentissage focalise l’enfant sur l’effort, moyen
d’utiliser ou d’activer son habileté. Non seulement, l’effort est perçu comme
un facteur d’accomplissement, mais aussi comme un générateur de fierté et
de satisfaction. Un but d’apprentissage encourage l’enfant à entreprendre et
à persévérer dans des tâches développant l’apprentissage.
1. l’investissement extrinsèque ;
2. l’investissement sur la tâche ;
3. l’investissement sur soi.
https://books.openedition.org/insep/1314 19/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
79 Pour la clarté de l’exposé, ces états seront abordés de manière séparée car
l’important, pour nous, est de considérer les rapports qu’ils entretiennent
avec l’apprentissage.
80 Autrement dit, lorsqu’un individu est investi sur la tâche, son but est de
gagner en maîtrise, en progression. De tels gains signifient pour lui la
démonstration de sa compétence. De ce fait, l’apprentissage est une fin en
soi. Il est plus valorisé, plus significatif, plus satisfaisant. L’attention de
l’élève est focalisée sur la tâche et sur les stratégies nécessaires pour la
maîtriser. En revanche, dans l’investissement sur soi, la préoccupation des
individus est de savoir, dans le cas où ils peuvent maîtriser la tâche, si cela les
conduira à la démonstration d’une capacité supérieure à celle des autres.
Dans ce cas, le sujet doit calculer si l’apprentissage peut servir cette fin. Par
suite, ce dernier est vécu comme un moyen vers une fin. Dans ce cas, il
apparaît comme étant moins satisfaisant intrinsèquement. Les individus
investis sur la tâche se demanderont : « Comment faire ce travail ? » ou
« Comment puis-je apprendre ceci ? ». Les individus investis sur soi
s’interrogent : « Que puis-je faire pour paraître habile (comparé aux autres)
plutôt que ridicule ? » (Nicholls, 1983).
https://books.openedition.org/insep/1314 20/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 22/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
qui leur posent un défi, un problème personnel. Il n’en est pas de même
lorsque la conception normative est atteinte. Les tâches qui soulèvent une
grande difficulté à un enfant peuvent être simultanément perçues comme
normativement faciles. Par suite, la réussite sur de telles tâches n’indique pas
un haut degré d’habileté et n’est pas forcément valorisé par l’enfant parvenu
au stade de la difficulté normative. Les enfants de ce stade, contrairement à
ceux des stades antérieurs, admettent que le succès est plus impressionnant,
affectivement, sur les tâches normativement les plus difficiles (Nicholls,
1978, 1980).
93 Ainsi, le niveau de difficulté de la tâche et le niveau d’habileté sont jugés, par
les enfants de cet âge, comme étant élevés ou faibles en comparaison avec le
niveau d’habileté des membres d’un groupe de référence. Avoir un haut
niveau d’habileté signifie être au-dessus de la moyenne et avoir un bas niveau
d’habileté signifie être en dessous de la moyenne. Dans cette conception,
appelée par Nicholls la conception la plus différenciée de l’habileté, ou encore
l’habileté en tant que capacité, la difficulté de la tâche (difficulté normative)
est jugée à partir de la performance des autres, et faire la démonstration d’un
haut niveau d’habileté exige de réussir sur des tâches où les autres échouent.
Difficulté objective
94 À ce stade, dit de « la difficulté objective » (5-6 ans), [es normes de
performance ne sont pas utilisées pour établir à la fois le niveau de difficulté
de la tâche et le niveau d’habileté : les enfants comprennent l’existence d’un
continuum de niveaux de difficulté reposant sur les propriétés objectives des
tâches (par exemple, la distance de lancer de fléchette par rapport à la cible ;
la complexité du mouvement mis en jeu ; le nombre de pièces dans un
puzzle). L’enfant admet ainsi que les puzzles qui ont le plus de pièces sont les
plus difficiles et exigent le plus d’habileté. Ainsi, leurs jugements sur la
difficulté de la tâche et sur l’habileté sont indépendants de leurs propres
espérances de succès, qui caractériseront la notion de difficulté égocentrique.
95 Lorsqu’il n’y a aucun indice de difficulté objective présenté (les pièces du
puzzle étant, par exemple, à l’intérieur de leur boîte fermée) et que le niveau
de difficulté est communiqué uniquement au moyen de normes de
performance, les enfants, parvenus à ce stade, ne pensent pas que des tâches
normativement les plus difficiles exigent le plus d’habileté. Comprendre que
les tâches que peu de camarades accomplissent avec succès sont les plus
difficiles et, donc, requièrent plus d’habileté caractérise, chez eux, la
conception normative de la difficulté.
96 Désormais, la perception d’un haut niveau d’habileté se produit lorsque
l’enfant réussit une tâche objectivement difficile. Les enfants comprennent
ainsi que les plus hauts niveaux d’habileté sont requis par les tâches
objectivement les plus difficiles. Cette compréhension les rend capables
d’ordonner les tâches, soit en fonction de leur niveau de difficulté, soit en
fonction du niveau d’habileté qu’elles demandent. Cependant, à la lumière de
la conception normative de la difficulté, ce que peut signifier un résultat
quelconque vis-à-vis de sa propre habileté est obscur pour l’enfant. L’échec,
par exemple, peut être attribué à la difficulté de la tâche. Mais cette
attribution ne permet pas de distinguer : « Elle est trop difficile pour moi »
avec « Je ne suis pas assez habile pour elle ». Les normes de performance
sont nécessaires pour pouvoir juger de l’habileté ou de la difficulté de la tâche
https://books.openedition.org/insep/1314 23/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 24/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
investissant des quantités différentes d’effort sur des tâches identiques. Dans
la plupart des cas, les deux enfants obtenaient le même score.
104 Comme pour les concepts de difficulté et d’habileté, examinons maintenant
comment s’opère, dans le développement de l’enfant, la compréhension
relative de ces concepts. Nous les aborderons cette fois-ci dans leur ordre
d’apparition.
Niveau 1 : 7-9 ans
105 L’effort et le résultat ne sont pas différenciés en tant que cause et effet. Les
explications données par les enfants sont tautologiques. Les perceptions de
l’habileté, de l’effort dépensé et du résultat ne sont pas distinguées comme
des dimensions séparées. Par exemple, en base-ball, le succès dans la frappe
de la balle (tâche objectivement difficile) indique non seulement que le
pratiquant est capable mais aussi qu’il doit avoir consenti un grand effort. En
outre, le succès obtenu dans la frappe grâce à un effort maximal indique un
plus haut niveau d’habileté qu’un succès obtenu sans grand effort. Les
enfants se concentrent :
de manière préférentielle, sur l’effort (les individus qui font des efforts
intenses sont considérés comme étant les plus habiles, même s’ils
obtiennent un score plus bas). Un enfant parvenu à ce stade a tendance
à dire que, si quelqu’un gagne un jeu, c’est parce qu’il a produit
beaucoup d’effort. Il ne comprendra pas qu’un manque d’habileté, par
exemple, peut limiter l’efficacité de l’effort ;
moins fréquemment, sur le résultat (les individus qui obtiennent un
score plus élevé sont censés consentir de plus grands efforts, même si en
réalité ce n’est pas le cas, et ils sont supposés être plus habiles).
https://books.openedition.org/insep/1314 25/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
109 En résumé, aux environs de 9-10 ans, l’enfant attribue le résultat obtenu à la
fois à l’habileté et à l’effort. Cependant, les conceptions de compétence et
d’effort ne sont que « partiellement différenciées » (Nicholls, 1978) : en effet,
un enfant de cet âge peut comprendre que quelqu’un réussisse sans s’investir
énormément en étant très habile, mais ce raisonnement n’est pas
systématiquement utilisé.
Niveau 3 : 11-12 ans
110 Le concept d’habileté est utilisé ici de manière intermittente. L’effort n’est
pas l’unique cause des résultats. Les explications fournies lors de
l’observation de résultats identiques obtenus grâce à des efforts différents
comportent des suggestions telles que : « Celui qui a fait le moins d’effort est
plus rapide », « … a une meilleure compréhension » ou « … est
naturellement bon dans l’activité ». Autrement dit, un haut niveau d’habileté
peut compenser un manque d’effort et un bas niveau d’habileté limite les
effets de l’effort. Mais, en même temps, les enfants sont capables d’affirmer
que les élèves ont tous un niveau d’habileté égal, ou bien encore que celui qui
fait le plus d’effort est le plus habile et que lui-même atteindra le même score
que les autres s’il fournit autant d’effort qu’eux.
111 Par ailleurs, à ce stade, les concepts d’habileté et d’effort sont complètement
distingués. L’habileté est perçue comme étant une capacité (Nicholls, 1978 ;
Nicholls et Miller, 1984). L’enfant peut maintenant comprendre que, si deux
athlètes obtiennent des performances similaires dans un sport (par exemple,
vingt points au basket-ball), celui qui ne fournit pas beaucoup d’effort en
attaque doit être plus habile que l’autre, qui a produit davantage d’effort. De
plus, l’enfant de cet âge sait que si les deux athlètes s’engagent maintenant au
maximum de leurs possibilités, celui qui, initialement, s’investissait le moins
aura probablement le score le plus haut. Ainsi, à ce niveau de différenciation,
pour être jugé habile, un individu doit réaliser une performance meilleure
qu’un autre grâce à un effort identique ou faire aussi bien qu’un autre (c’est-
à-dire obtenir une performance égale) sans consentir autant d’effort.
112 À l’instar des jeunes enfants, les adolescents et les adultes pensent qu’un
effort plus intense conduit à des progrès d’apprentissage plus remarquables.
Cependant, pour eux, la constatation de l’apprentissage n’est pas un critère
suffisant pour un jugement valable sur l’habileté. Pour être jugé habile, on
doit apprendre plus que les autres, avec un effort équivalent, ou atteindre un
niveau équivalent de performance, avec moins d’effort que les autres. Les
adultes et les adolescents pensent ainsi que l’habileté limite l’effet de l’effort
sur la performance. Cette perspective est moins subjective que celle du jeune
enfant, en ce sens qu’elle suppose une comparaison de son propre effort et de
ses propres résultats avec ceux des autres.
113 Lorsque l’habileté est considérée comme une capacité et qu’un enfant perçoit
son niveau d’habileté comme étant bas, il comprend que c’est seulement en
investissant davantage d’effort qu’il pourra tenter de réussir une tâche
reconnue difficile. Le fait que le niveau d’habileté puisse limiter l’effet de
quantité d’effort dépensée est compris. Les tâches compétitives sont
considérées comme exigeant à la fois une haute habileté et un effort
maximal.
Niveau 4 : 12 ans et plus
https://books.openedition.org/insep/1314 26/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
114 Le concept d’habileté est assimilé ici à celui de capacité, capacité relative par
rapport à celle des autres et qui limite les effets de l’effort. En clair, si le
niveau d’habileté est bas, il peut limiter l’efficacité de l’effort. Si le niveau est
haut, il peut l’accroître. Cette conception est utilisée systématiquement pour
expliquer les comportements et les résultats observés. Elle est aussi utilisée
pour prédire les résultats lorsque les deux élèves consentent de grands
efforts. L’habileté est correctement inférée à partir de l’effort et du résultat, et
les résultats sont perçus comme déterminés conjointement par l’effort et
l’habileté.
115 Chez les enfants de plus de 12 ans, l’augmentation de leur performance
personnelle n’est pas une base suffisante pour qu’ils s’attribuent une haute
compétence. Pour se percevoir habiles, ils doivent comparer le résultat qu’ils
ont obtenu, ainsi que l’effort fourni, avec ceux démontrés par les autres.
116 Il y a un parallèle entre cette tendance du développement et la précédente. La
transition entre les niveaux 1 et 2 d’effort et d’habileté survient environ au
même moment que les conceptions normatives de la difficulté et de
l’habileté.
https://books.openedition.org/insep/1314 27/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 28/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
s’ils étaient confrontés à des tâches leur offrant une difficulté modérée et
s’ils n’étaient pas placés dans des conditions de compétition ou
d’évaluation de leur valeur personnelle ;
si des récompenses ou renforcements extérieurs à la tâche ne sont pas
prégnants (Csikszentmihalyi, 1977 ; Deci, 1975 ; Eklind. 1971 ; Harlow,
1950 ; White, 1959).
https://books.openedition.org/insep/1314 29/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
autant que lui avec moins d’effort, il se sentira incompétent dans le sens plus
différencié du terme. Étant donnée la préoccupation actuelle qui consiste à
rechercher des performances meilleures que celles des autres, tout accent sur
la comparaison sociale des performances et de l’effort doit accroître la
préoccupation des individus sur leur propre niveau d’habileté dans le sens
différencié.
130 Certaines situations d’évaluation peuvent avoir aussi cet effet. Celles où l’on
juge les aptitudes des sujets à l’aide de tests impliquent en général des
évaluations de performance référencées à des normes. Elles augmentent
ainsi la probabilité d’activation de la conception différenciée. Par ailleurs, la
conception différenciée est nécessaire pour procéder à des évaluations
adéquates ou objectives de l’habileté. Si un individu ne compare pas son
effort et sa performance à ceux des autres, il ne peut pas dire si sa
performance est le reflet de la difficulté de la tâche ou de l’effort, ou encore
de son habileté. Autrement dit, il ne peut évaluer efficacement son habileté
sans employer la conception différenciée. Il s’ensuit que l’activation de la
conception différenciée de l’habileté est plus probable lorsque les individus
sont directement concernés par l’évaluation de leur habileté en comparaison
avec celles des autres, c’est-à-dire dans toutes les situations évaluatives, et
plus particulièrement dans celles où le sentiment de compétition est
exacerbé.
131 Il s’ensuit que, lorsqu’un sujet est confronté à une tâche qui lui pose un
problème moteur, le point de départ de l’évaluation personnelle de son
niveau d’habileté passera d’une conception moins différenciée à une
conception plus différenciée, selon l’intensité des facteurs qui induisent des
préoccupations sur la compétence personnelle. Annoncer à des élèves que les
tâches proposées vont être utilisées pour les tester induira chez eux des
préoccupations sur leur compétence personnelle. Celles-ci seront d’autant
plus exacerbées que des habiletés importantes ou socialement valorisées
seront évaluées. La compétition interpersonnelle sur les tâches mettant en
jeu des habiletés complexes fera surgir l’anxiété de savoir qui est le meilleur.
La compétition est donc supposée accroître l’utilisation de la conception
différenciée. Enfin, la manipulation de l’environnement de l’apprentissage,
qui introduit la présence d’observateurs, accroît l’autovigilance sociale et, par
la même occasion, l’auto-évaluation en termes de conception différenciée.
Différences individuelles
132 L’intention du sujet, qui consiste à vouloir faire la démonstration de son
habileté dans le sens différencié ou non, n’est pas seulement induite par des
facteurs situationnels. Vers l’âge de 13 ans, la plupart des enfants ont
maîtrisé la conception de l’habileté en tant que capacité. Comme nous l’avons
vu, l’utilisation de cette conception varie selon les situations. Mais il y a aussi
des raisons de penser qu’il existe des différences individuelles dans
l’utilisation d’une conception plutôt que l’autre. Qu’est-ce qui détermine ces
orientations ? Il semble évident que les conditions sociales produisent des
différences individuelles dans les choix de chacun vers l’investissement sur la
tâche ou sur soi. Parmi ces facteurs personnels, le plus déterminant semble
se situer au niveau des différences individuelles dans le niveau d’habileté
perçue.
https://books.openedition.org/insep/1314 30/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
133 Les sujets qui perçoivent leur habileté en-dessous de la moyenne penseront,
lorsqu’ils seront confrontés à une tâche, qu’ils vont probablement démontrer
un manque de capacité, même dans des situations plus favorables à un
investissement sur la tâche. Ils percevront sûrement toutes les tâches comme
autant de tests de leur capacité. Par conséquent, ils seront plus enclins à
l’investissement sur soi.
134 En revanche, les individus qui se jugent très habiles s’attendent à démontrer
cette capacité élevée dans la plupart des tâches. Même dans les cas où ils
peuvent s’attendre à essuyer un échec, celui-ci sera perçu comme le résultat
de la difficulté de la tâche, et non comme la conséquence d’une habileté
médiocre. Autrement dit, ils ne se poseront pas souvent la question de savoir
s’ils peuvent démontrer une haute habileté. La question, pour eux, sera
plutôt de savoir comment maîtriser les tâches ou comment résoudre les
problèmes. Elle ne sera pas de savoir si le résultat de leurs efforts témoignera
de leur habileté. Ainsi, pour ces sujets, la maîtrise de la tâche est
probablement moins perçue comme un moyen pour démontrer une habileté
supérieure. De plus, comme ils sont relativement libérés de toute
préoccupation concernant l’adéquation de leur capacité, ils deviendront
probablement plus investis dans le processus de maîtrise de la tâche,
trouvant même une gratification dans la recherche de cette maîtrise. Il peut
être facile, par conséquent, pour des individus qui ont confiance dans leur
haut niveau d’habileté, d’avoir tendance à s’investir sur la tâche, même à
partir de situations qui privilégient l’investissement sur soi.
https://books.openedition.org/insep/1314 33/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 34/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
leur manque d’habileté et, d’autre part, de leur niveau d’engagement pour
démontrer une haute habileté, et non l’inverse.
147 Considérons d’abord ceux dont les doutes sur leur compétence ne sont pas
assez fermes pour avoir éteint chez eux tout désir de démontrer un haut
niveau d’habileté. Pour ces individus, le choix de tâches faciles serait
irrationnel parce qu’il ne leur permettrait pas de faire la démonstration d’un
haut niveau d’habileté. C’est uniquement les tâches de difficulté normative
intermédiaire qui leur offrent une chance d’atteindre ce qu’ils recherchent.
Ainsi, ils s’engageront dans des tâches normativement difficiles. Certes, leurs
espoirs de succès sont très faibles, mais l’échec n’est pas synonyme de faible
habileté. Par conséquent, l’éventualité qu’ils détiennent un haut niveau
d’habileté ne peut pas être tout à fait écartée.
148 Des échecs répétés, des expériences malheureuses, peuvent, cependant, avoir
fait naître chez certains la certitude qu’ils manquent de haute habileté. Pour
les individus de cette seconde catégorie, le désir de démontrer un haut niveau
d’habileté est plus faible. Inversement, le désir d’éviter la démonstration d’un
bas niveau d’habileté est plus vif. Un désengagement de la situation serait le
meilleur moyen d’atteindre cet objectif. S’il y a cependant exigence de choix,
la logique est de choisir une tâche normativement facile, demandant peu
d’effort et où le succès indiquera que le sujet n’a pas la basse habileté que
l’échec aurait pu mettre en évidence. Ainsi, ceux qui sont certains que leur
niveau d’habileté n’est pas élevé préféreront les tâches normativement
faciles, celles où ils se donnent de fortes chances de succès. Ceux qui sont
certains que leur niveau d’habileté est très bas et qui ne sont pas engagés à
éviter la démonstration de leur basse habileté considéreront les tâches très
faciles comme étant la seule façon, la plus économique aussi, de se sortir de
la situation.
149 En résumé, trois types d’individus possédant un bas niveau d’habileté
peuvent être distingués. Quelques-uns désirent démontrer une haute
habileté. D’autres, certains de leur faible niveau, manquent du désir de
démontrer une haute habileté. D’autres, enfin, admettent que leur habileté
est faible. Les individus du premier type tendront à sélectionner les tâches où
ils ont un peu d’espérance de succès. Ceux du second et du troisième types
tendront à préférer les tâches où ils ont de hautes probabilités de réussir.
150 Faire la démonstration d’un bas niveau d’habileté, paraître ridicule, peut
ainsi conduire au renoncement. Ici aussi, le terme d’impuissance apprise
(Abramson, Seligman et Teasdale, 1978 ; Dweck et Goetz, 1978) paraît bien
approprié pour de tels enfants. Dès lors, ils opteront pour des tâches très
faciles, dont ils sont sûrs du succès. Mais, ce faisant, ils éviteront aussi
d’apprendre.
151 Autrement dit, ces enfants, très anxieux de ne pas paraître ridicules ou ayant
renoncé à l’espoir de paraître habiles afin d’éviter le ridicule, n’ont aucune
probabilité d’apprendre de manière efficace lorsqu’ils sont investis sur soi.
En revanche, si ces enfants sont investis sur la tâche, leur capacité relative à
celle des autres n’est plus une préoccupation et leur apprentissage ne sera
pas détérioré. De nombreuses études (Nicholls, 1980) ont montré, en effet,
que les individus ayant une basse habileté perçue obtiennent des
performances meilleures dans des conditions d’investissement sur la tâche
que dans des conditions d’investissement sur soi, et à un niveau similaire à
https://books.openedition.org/insep/1314 35/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
ceux qui ont une haute habileté perçue. Ceux qui ont une haute habileté
perçue ont des performances similaires dans les deux états. Les conditions
d’investissement sur soi induisent les individus ayant une basse habileté
perçue à choisir les tâches dont le succès ou l’échec sont hautement
probables. Dans l’investissement sur la tâche, leurs choix sont plus réalistes
et les rendront ainsi plus aptes à développer leur habileté.
152 Si l’école ne doit absolument pas mettre en avant la compétition, c’est pour
que les enfants apprennent à être réalistes envers leurs propres habiletés. La
compétition est souvent considérée comme un moyen de récompenser
l’excellence et un moyen d’aider les enfants à évaluer leurs habiletés de
manière efficace. Mais avancer cette théorie, c’est oublier le paradoxe que les
conditions compétitives produisent des niveaux d’aspiration non réalistes et
des niveaux d’anxiété et d’impuissance mal adaptés. Le choix de niveaux de
difficulté réalistes et la performance optimum sont favorisés par
l’investissement sur la tâche. La théorie et les données sur le choix des tâches
et le niveau d’investissement appuient la conception que la mise en place et le
maintien de l’investissement sur la tâche doit être un but éducatif majeur.
La conception non différenciée
153 En considérant les tâches de difficulté normative, nous avons raisonné sur le
choix des individus possédant la conception différenciée de l’habileté. Quel
sera donc le choix de niveau de difficulté pour des enfants moins matures,
c’est-à-dire appartenant au stade de la conception moins différenciée ?
154 Ces enfants se tournent vers des tâches normativement faciles, probablement
parce qu’ils tentent d’imiter l’enfant qui réussit ou parce qu’ils s’aperçoivent
que le succès est plus probable avec ce choix (là où beaucoup d’autres
réussissent). Ils ne ressentent pas qu’un tel succès n’est pas impressionnant.
https://books.openedition.org/insep/1314 36/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 38/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
Difficulté et persévérance
167 Un des objectifs importants que l’éducateur physique doit se fixer est celui
qui vise à prolonger son action au-delà du cours proprement dit. Cela est
surtout vrai en ce qui concerne l’attitude affective du pratiquant vis-à-vis de
la discipline sportive enseignée. Lorsqu’un éducateur physique donne un
cours de gymnastique, de tennis, de ski, son but n’est pas seulement de faire
apprécier l’activité qu’il enseigne pendant la durée du cours. À lui de
s’intéresser aussi à ce que fera le pratiquant une fois le cours terminé et,
surtout, à ce que sera son attitude affective vis-à-vis du sport pratiqué. En
d’autres termes, l’objectif visé est un objectif d’attitude, de motivation. Il
consiste à tout faire pour que le pratiquant apprenne à aimer l’activité
sportive enseignée. Chacun peut se rendre compte de l’importance de cet
objectif, qui participe à une finalité beaucoup plus générale : celle d’éviter
que de nombreux pratiquants d’aujourd’hui s’éloignent, demain, de la
pratique physique et sportive. Nous soutenons donc que l’éducateur physique
doit faire en sorte que le pratiquant ait, vis-à-vis du sport pratiqué, l’attitude
la plus positive.
168 Rappelons ici que la relation entre apprentissage et motivation n’est pas
univoque, mais réciproque. On ne doit pas uniquement penser qu’il faut être
motivé pour apprendre. L’apprentissage conduit aussi, dans certaines
circonstances, à être motivé davantage pour apprendre. C’est ce dernier
aspect qui sera plus particulièrement développé dans cette partie.
169 L’objectif qui consiste à faire aimer les activités sportives s’avère être d’une
difficulté extrême, voire utopique, tant que sa définition reste vague. Peut-on
l’opérationnaliser, c’est-à-dire la traduire en termes de comportements
observables ? Dire d’un pratiquant qu’il a acquis une attitude positive envers
un sport particulier signifie, certes, qu’il en parle favorablement, lit tout ce
qui s’y rapporte, etc., mais signifie surtout qu’il le recherche et s’y soumet
aussi longtemps que possible. L’attitude positive, ici, se traduit par une
conduite de contact.
170 En revanche, dire d’un pratiquant qu’il a acquis une attitude négative vis-à-
vis d’un sport signifie qu’il essaiera de s’y soustraire, de ne plus fréquenter
ses anciens partenaires sportifs, etc. L’attitude négative se traduit ici par une
conduite d’évitement.
171 Ici encore, il ne s’agit pas d’aborder ce problème dans toutes ses dimensions.
Notre approche sera centrée uniquement sur la difficulté et tentera de fournir
des éléments de réponse à la question : Est-ce que la manipulation du degré
de difficulté des tâches est susceptible d’influer sur les affects ressentis par le
pratiquant lors de ses activités d’apprentissage ?
172 Mais avant de chercher à répondre à cette question, il semble utile de décrire
quelques-unes des conditions que doit s’efforcer d’établir l’enseignant afin
d’établir un climat favorable à la mise en place d’une motivation à pratiquer
les activités sportives.
173 L’éducateur physique doit organiser ses activités d’enseignement afin que le
pratiquant soit à la fois dans des conditions déplaisantes aussi réduites que
possible ou dans des conditions favorables.
https://books.openedition.org/insep/1314 40/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
des problèmes de 5 lettres). Ces résultats suggèrent que les sujets en sont au
commencement du modèle curvilinéaire décrit plus haut.
186 De plus, dans cette expérience, lorsque la relation plaisir — difficulté a été
examinée, non pas en fonction de la difficulté objective, mais en fonction de
la difficulté perçue (que les sujets évaluaient sur une échelle en quatre
points), la configuration précédente était encore plus forte. Autrement dit,
une relation linéaire positive a été mise en évidence entre le sourire et les
trois premières catégories d’estimation de la difficulté : très facile, facile et
difficile. Par contre, l’intensité des sourires baissait fortement pour les
tâches jugées très difficiles. De plus, l’analyse des commentaires verbaux
fournis par les sujets appuyait fortement l’idée que, même si les sujets étaient
capables de résoudre quelques-unes des anagrammes les plus complexes, ils
aimaient moins ces efforts de résolution que leurs succès sur les tâches,
certes difficiles, mais pas de manière aussi excessive. La variable qui semble
avoir joué un rôle déterminant dans ces expériences successives est le temps
de résolution. Les sujets étaient extrêmement sensibles à la dimension temps
et exprimaient verbalement une non-satisfaction sur leur réalisation
lorsqu’ils ressentaient que le temps de solution était trop long.
187 Ces études sont centrées sur la motivation intrinsèque. Qu’en est-il du choix
du niveau de difficulté lorsque des récompenses extrinsèques sont
présentées ? Dans deux études, Condry et Chambers (1978) ont montré que
des élèves à qui était donné de l’argent choisissaient de manière significative
des tâches plus faciles que ceux qui ne recevaient rien. La performance de ces
élèves a été considérée comme motivée par un désir d’obtenir la stimulation
externe de la manière la plus aisée possible.
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence
OpenEdition Books, sauf mention contraire.
https://books.openedition.org/insep/1314 44/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
https://books.openedition.org/insep/1314 45/46
31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions
Cece, Valérian. Roure, Cédric. Fargier, Patrick. Lentillon-Kaestner, Vanessa. (2023)
L’effet des jeux vidéo actifs sur les élèves en éducation physique et sportive : une
revue systématique. Movement & Sport Sciences - Science & Motricité. DOI:
10.1051/sm/2022027
Pharamin, François. Barthes, Didier. Blandin, Yannick. (2016) Apprentissage de la
prise de décision en rugby : rôle des feed-back vidéo. Staps, n° 111. DOI:
10.3917/sta.111.0081
Cordier, Virginie. Chiron, Marie. Viviés, Xavier de. Delaplace, Jean-Michel. (2011)
Réflexion docimologique en danse contemporaine didactisée : élaboration d’outils
d’évaluation pour les enseignants et les élèves, du collège à l’université. Ejournal de la
recherche sur l'intervention en éducation physique et sport -eJRIEPS. DOI:
10.4000/ejrieps.4117
Haye, Guy. (1995) Introduction à l’étude des plaisirs des pratiquants. Corps et
culture. DOI: 10.4000/corpsetculture.921
Voisard, Nicolas. (2012) De l’hétérogénéité du processus de lecture du risque des
activités gymniques. Ejournal de la recherche sur l'intervention en éducation
physique et sport -eJRIEPS. DOI: 10.4000/ejrieps.3777
Bourg, Adrien. (2021) Une situation adidactique pour les apprentissages pianistiques.
Éducation et didactique, 15. DOI: 10.4000/educationdidactique.8665
Batézat-Batellier, Pascale. Adrien, Bourg. (2020) Tablettes tactiles et apprentissage
du piano. Distances et médiations des savoirs. DOI: 10.4000/dms.5782
Vézina, Nicole. Prévost, Johanne. Lajoie, Alain. Beauchamp, Yves. (1999) Élaboration
d’une formation à l’affilage des couteaux : Le travail d’un collectif, travailleurs et
ergonomes. Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé. DOI:
10.4000/pistes.3838
Loïc, Jarnet. (2016) Les STAPS peuvent-elles être une science propre ?. Movement &
Sport Sciences - Science & Motricité. DOI: 10.1051/sm/2015030
Mainguet, Brigitte. Clouet, Clementine. (2022) Hockey ou escalade, sur quelles
formes de pratique peut-on jouer pour améliorerl’estime de soi et la représentation de
l’image corporelle de l’adolescentayant une déficience intellectuelle légère?.
Développement Humain, Handicap et Changement Social, 23. DOI:
10.7202/1086241ar
Andrieux, Mathieu. Boutin, Arnaud. Thon, Bernard. (2016) Self-Control of Task
Difficulty During Early Practice Promotes Motor Skill Learning. Journal of Motor
Behavior, 48. DOI: 10.1080/00222895.2015.1037879
Garel, Jean-Pierre. (2022) Jeux sportifs collectifs et handicap.Genèse de pratiques
partagées innovantes.. Développement Humain, Handicap et Changement Social, 23.
DOI: 10.7202/1086233ar
Nourrit, Déborah. Rosselin-Bareille, Céline. (2017) Incorporer des objets. Socio-
anthropologie. DOI: 10.4000/socio-anthropologie.2572
Jarnet, Loïc. (2009) Controverse sur la classification des Activités Physiques et
Sportives dans les réformes nationales du collège en France. Staps, n° 84. DOI:
10.3917/sta.084.0027
Cury, François. Biddle, Stuart. Famose, Jean‐Pierre. Sarrazin, Philippe. Durand,
Marc. Goudas, Marios. (1996) Personal and Situational Factors Influencing Intrinsic
Interest of Adolescent Girls in School Physical Education: a structural equation
modelling analysis. Educational Psychology, 16. DOI: 10.1080/0144341960160307
https://books.openedition.org/insep/1314 46/46