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31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5.

Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions

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Apprentissage moteur et difficulté de la tâche | Jean-Pierre Famose

Chapitre 5. Difficulté
perçue – habileté
perçue et apprentissage
moteur
p. 125-161

Texte intégral

Approche perceptive de la difficuté de la tâche


1 La notion de tâche prescrite est caractéristique de la situation
d’enseignement. Cette situation particulière conduit à envisager une autre
approche de la difficulté qui rend compte du rôle du processus de
redéfinition de la tâche. Il s’agit de la représentation anticipée que se fait le
sujet de la difficulté d’une tâche qui lui a été assignée et que certains auteurs
appellent : « la difficulté perçue estimée à l’avance ».
2 La difficulté perçue estimée à l’avance est, elle aussi, en relation étroite avec
la notion d’effort. Cependant, cette relation est d’une autre nature que celle
mise en évidence à propos de la difficulté objective. La difficulté objective
peut être estimée en fonction de la quantité d’effort que le sujet met
réellement en œuvre pour accomplir la tâche. La liaison entre ces deux
variables est étroite et fondamentale. Plus la tâche est difficile plus la
quantité d’effort est élevée, et inversement. Cependant, cette relation n’est
pas aussi directe qu’on pourrait le penser à première vue. Tout d’abord, ce
qui influe sur le niveau d’effort n’est pas la difficulté « en soi ››, mais la
difficulté de la tâche telle qu’elle est perçue par le sujet. Ensuite, l’effort
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réellement consenti est fonction de l’effort que le sujet a préalablement


décidé de fournir.
3 Ainsi, un individu, avant de s’engager dans la réalisation d’une tâche, prend
une décision sur la quantité d’effort qu’il envisage d’investir afin de
l’accomplir. Cette décision repose sur la manière dont il perçoit à l’avance la
difficulté. Cette perception est fonction de la probabilité qu’il se donne
d’échouer ou de réussir.
4 Rappelons que, pour Atkinson (1957, 1964), le degré de difficulté d’une tâche
peut être inféré à partir des probabilités subjectives de succès. La tâche qu’un
individu trouve difficile est celle pour laquelle ses propres probabilités
subjectives de succès sont très faibles. La tâche qu’un individu trouve facile
est celle pour laquelle ses probabilités subjectives de succès sont très élevées.
5 Plus grande sera la représentation qu’il se fait de la difficulté de la tâche, plus
grande (du moins jusqu’à un certain point) sera la quantité d’effort qu’il
considérera nécessaire pour la mener à bien. Ce qui importe donc, au
premier chef, c’est la perception de la difficulté de la tâche : ce n’est que dans
la mesure où elle modifie cette perception qu’une variation objective de la
difficulté modifie l’effort du sujet.
6 Ainsi, la représentation à l’avance de la difficulté et la difficulté objective
affectent le niveau de performance réalisé. Lorsque le niveau de difficulté
perçue s’accroît, la quantité d’effort que le sujet a l’intention de dépenser
s’accroît aussi (du moins jusqu’au point où la tâche apparaît encore réalisable
par le sujet). Cette quantité affecte l’intensité réelle selon laquelle la tâche
sera entreprise et, par voie de conséquence, le niveau de performance atteint.
Mais, étant donné une intensité d’investissement équivalente, une plus
grande difficulté objective de la tâche produira un niveau de performance
plus bas. Ainsi, la performance réalisée par le sujet sur une tâche dépendra à
la fois de la difficulté objective de celle-ci mais aussi de la représentation
anticipée qu’il s’en fait et, donc, de la quantité d’effort qu’il a l’intention de
dépenser pour l’accomplir.

Figure 29 — Relation entre les variables subjectives de difficulté et d’effort


(d’après Kukla, 1972).
7 Kukla (1972a, 1978), le premier représentant de ce courant, postule une
relation positive (figure 29) entre le concept de difficulté perçue (jugée à
l’avance) et l’effort intentionnel. Dans ce modèle, l’effort augmente avec la
difficulté aussi longtemps que l’investissement en ressources semble

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significatif au sujet, c’est-à-dire jusqu’à ce que la difficulté atteigne une limite


au-delà de laquelle la tâche n’apparaît plus réalisable.
8 Nous verrons par la suite, en ce qui concerne la relation entre la perception
directe de la difficulté et celle de l’effort, que ce modèle, bien
qu’intuitivement correct, est trop général et qu’il ne rend pas toujours
compte de la relation effort/difficulté, notamment pour les tâches sollicitant
la mise en œuvre d’opérations de traitement de l’information : ainsi,
certaines, perçues difficiles par le pratiquant, demanderont peu d’effort, et
inversement. En fait, il n’existe pas une liaison directe entre la difficulté
objective et la performance réalisée. La représentation anticipée de la
difficulté et la prise de décision sur le niveau d’effort à investir constituent
des variables intermédiaires dont on ne saurait négliger le rôle.

Difficulté perçue et choix du niveau d’effort intentionnel


9 La conception théorique utilisée par Kukla pour rendre compte du choix du
niveau d’effort intentionnel en fonction de la difficulté perçue se situe à
l’intérieur des théories de l’expectation et de l’attribution causale.
10 Les théories de l’expectation ont été essentiellement développées dans le
cadre de situations de choix, c’est-à-dire de situations dans lesquelles une
personne est confrontée à une série d’actions auxquelles correspond un
certain nombre de conséquences possibles, celles-ci étant plus ou moins
attirantes. Ce degré d’attirance constitue l’utilité de chacune d’elles. Une
action est sélectionnée avec une probabilité d’autant plus grande que l’utilité
attendue l’est aussi.
11 Kukla a introduit ici une légère modification. Il ne se préoccupe pas du choix
de l’action mais du niveau d’effort choisi pour l’accomplissement d’une tâche.
Ce choix peut se faire à l’intérieur d’une série d’efforts possibles. Il suppose
donc, dans un premier temps, que la quantité d’effort intentionnel peut être
située sur une échelle dont la valeur minimum possible est égale à 0 et la
valeur maximum égale à 1.
12 Soit une série de tâches dont la performance s’évalue de manière
dichotomique en termes de réussite ou d’échec. Par définition, la réussite a
une utilité plus grande que l’échec. Les tâches sont rangées selon une
difficulté perçue décroissante ou, autrement dit, selon une facilité perçue
croissante. On suppose, par ailleurs, qu’à chaque niveau d’effort correspond,
avec une certitude subjective, un résultat particulier. La relation entre effort
et résultat attendu est décrite dans la figure 30. Les efforts en dessous d’une
certaine amplitude sont supposés conduire à l’échec : au-dessus de cette
amplitude, ils sont sensés conduire au succès.
13 Si un sujet est confronté à une tâche Ta, la théorie stipule qu’il va
sélectionner le niveau d’effort qui produira une utilité attendue maximale.
Puisque, par définition, l’utilité de la réussite (R) est plus grande que celle de
l’échec (E), le niveau d’effort sélectionné (Ea) sera nécessairement à la droite
du point de discontinuité dans la figure. De plus, il est possible de penser que
le sujet choisira le niveau d’effort le plus bas. Ainsi, le niveau d’effort
sélectionné Ea pour la tâche Ta est le point sur le continuum d’effort auquel
la discontinuité dans le résultat se produit.
14 Considérons maintenant une tâche Tb qui est perçue comme plus difficile
que Ta. La relation effort - résultat pour Tb est une fonction discontinue
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similaire à celle montrée dans la figure 30. Cependant, compte tenu de la


relation entre effort et difficulté perçue, postulée dans les paragraphes
précédents, le moindre effort (Eb) qui produit un succès pour Tb sera plus
grand que celui qui produit un succès pour Ta. C’est-à-dire que le point de
discontinuité dans la fonction effort - résultat sera plus à droite sur l’échelle
d’effort pour Tb que pour Ta. Ainsi, les sujets décideront de dépenser plus
d’effort pour Tb que pour Ta.

Figure 30 — Relation théorique entre l’effort et le résultat attendu (d’après


Kukla, 1972).
15 Lorsque les tâches deviennent de plus en plus complexes, le niveau d’effort
sélectionné augmente également. Éventuellement, il y a une tâche Tc qui est
perçue comme étant si difficile que seul le maximum d’effort possible est
supposé pouvoir conduire au succès. Pour toute tâche encore plus difficile
que Tc, tous les niveaux d’effort possibles produiront ainsi la même utilité,
soit l’échec. Il s’ensuit que tous les sujets sélectionneront le moindre niveau
de ces efforts, c’est-à-dire E = 0.

Figure 31 — Relation théorique entre la difficulté perçue de la tâche et l’effort


intentionnel (d’après Kukla, 1972).
16 Il est alors possible de schématiser la relation entre difficulté perçue et effort
projeté (figure 31). Tant que la tâche est supposée être d’une difficulté telle
que même un effort maximal conduira à l’échec, l’effort sélectionné sera égal
à zéro (E = 0). Lorsque la tâche a un niveau de difficulté tel que seul l’effort
maximal conduise au succès, la dépense d’effort sera maximum (E= 1). Après
ce point, lorsque les tâches deviennent plus faciles, la quantité d’effort

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projetée E diminue (pas forcément de manière linéaire, contrairement à ce


que l’on voit sur la figure). Pour la tâche la plus facile possible Tm, le succès
est assuré sans aucun effort.
17 À l’intérieur d’un groupe de sujets, on doit s’attendre à ce que des individus
perçoivent la même tâche comme ayant divers degrés de difficulté. Ainsi, leur
performance chutera d’une intensité maximale à une intensité minimale
(point Tc dans la figure 31) à différentes places le long du continuum des
tâches. Le rôle des différences individuelles dans la représentation anticipée
de la difficulté sera étudié dans une partie ultérieure. Mais, auparavant, il est
nécessaire d’approfondir ce rôle dans le choix de la quantité d’effort
intentionnel.

Interaction de la difficulté perçue et de l’habileté perçue


18 La personnalité des sujets, et plus particulièrement le sentiment qu’ils ont de
leur propre compétence, influent sur le choix du niveau d’effort consenti.

1 — Habileté perçue
19 La notion d’habileté perçue (ou encore de compétence perçue) est apparue
dans la littérature scientifique dans le cadre des recherches sur les processus
cognitifs mis en jeu dans la motivation. L’idée principale, au centre de ces
recherches, est que le choix fait par un individu de participer à une tâche, de
s’investir intensément et de persister dans sa réalisation, est fonction de la
perception qu’il a de son niveau d’habileté. Cette notion d’habileté perçue a
d’abord été introduite par White (1959). Il a proposé l’idée de la
« motivation d’effectance » (motivation par l’effet, motivation de
réalisation, besoin de maîtrise) pour expliquer pourquoi un individu se sent
contraint de s’engager dans des tentatives de maîtrise. Il a suggéré que les
individus agissent ainsi parce qu’ils ressentent le besoin d’obtenir un effet. Si
les tentatives d’accomplissement de la tâche sont satisfaisantes, ils se
perçoivent comme étant compétents. Cette perception leur procure un
sentiment d’efficacité, un plaisir interne et de la joie. Il est ainsi tout à fait
probable que les individus chercheront à reproduire cet accomplissement.
20 Selon les théories : « L’habileté perçue constitue soit une caractéristique
stable de personnalité qui organise les conduites de l’individu dans un
grand nombre de situations, soit une construction ponctuelle liée à une
classe de tâches ou à une activité particulière » (Durand, 1987).
La compétence perçue selon Harter
21 En 1978, Harter a proposé un cadre théorique général qui a repris et
développé les premières institutions de White concernant la notion d’habileté
ou de compétence perçue. La réalité désignée par ce terme est très globale
et indifférenciée. Selon Harter, les enfants ne perçoivent pas leur compétence
comme identique dans tous les domaines et le sentiment de compétence est
la résultante complexe de trois composantes :

la compétence cognitive, qui concerne les performances scolaires et


intellectuelles (bien réussir en classe, avoir l’esprit vif, apprécier la
réussite scolaire) ;
la compétence sociale, qui désigne les relations de l’enfant avec ses
pairs (avoir beaucoup d’amis, être agréable, être quelqu’un d’important

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dans la classe) ;
la compétence physique, qui regroupe les performances dans les
activités ludiques et sportives nécessitant un important engagement
moteur (être bon en sport, progresser facilement en EPS, préférer être
pratiquant que spectateur sportif).

22 Ces trois composantes sont intégrées au sein d’une construction cognitive de


niveau supérieur qui caractérise la perception que l’individu a de lui-même.
Deux échelles psychométriques ont été utilisées pour mesurer la compétence
perçue (Harter, 1982, 1983 ; Harter et coll., 1983 ; Harter et Pike, 1984).
Le sentiment d’auto-efficacité selon Bandura
23 D’autres théoriciens ont développé la relation entre l’habileté ou la
compétence perçue et le comportement. Par la théorie de l’auto-efficacité,
Bandura (1977) suggère que plus fortes seront les convictions d’un individu
concernant sa capacité de produire avec succès un résultat désiré, plus
grandes seront les probabilités qu’il choisisse de pratiquer ou de persister
dans cette tâche. Le sentiment d’auto-efficacité constitue le jugement que
porte une personne sur sa capacité à organiser et à utiliser les différentes
activités inhérentes à la réalisation de la tâche. Bandura propose une
distinction entre l’attente des résultats de l’action, qui reflète la perception
qu’a une personne de la relation existant entre des comportements et leurs
conséquences, et l’attente d’efficacité, qui reflète la croyance qu’a l’individu
de pouvoir exécuter avec succès les comportements en question. La
conviction de son efficacité personnelle ne concerne donc pas tant les
connaissances détenues par un individu que le jugement qu’il porte sur ce
qu’il croit être en mesure de faire avec ces connaissances dans une situation
particulière. Le jugement d’auto-efficacité se caractérise ainsi par son aspect
ponctuel, devant une situation et dans des circonstances particulières, et ne
préjuge pas nécessairement du sentiment de compétence (Harter, 1982,
1983) qu’entretient la personne dans le domaine plus général auquel
appartient la situation problème.
24 Bien qu’initialement développé et étudié dans un contexte clinique, le
concept d’auto-efficacité a, jusqu’à ce jour, été repris par Barling et Abel
(1983), Weinberg, Gould et Jackson (1979), qui ont essayé de mettre en
évidence sa capacité à prédire la qualité de la performance atteinte dans les
situations de réussite sportive. Toutefois, selon Bandura (1980), c’est d’abord
dans la façon dont l’individu tentera de résoudre un problème que s’exerce le
rôle du sentiment d’auto-efficacité, ce mode de résolution étant alors souvent
responsable des niveaux de performance atteints. Quand l’individu se sent
très efficace, il se comporte avec assurance, garde son attention centrée sur la
tâche et réagit positivement aux obstacles rencontrés en les considérant
comme des défis et en cherchant à les surmonter. Convaincu au contraire de
son inefficacité, l’individu détourne souvent son attention de la tâche, se livre
à des considérations répétitives sur ses limites personnelles, conçoit les
obstacles comme autant de preuves de son incapacité, trouve alors inutile la
recherche des solutions et ressent progressivement de l’irritation, du stress,
de l’impatience, jusqu’à se désengager complètement de la tâche.
25 Dans le domaine des APS, d’autres auteurs ont développé des notions assez
proches. Sonstroem (1978) émet l’hypothèse, pour qu’un sujet participe à une

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activité physique, qu’il soit intéressé ou attiré par elle, qu’il se sente capable
(posséder les aptitudes physiques nécessaires) de mener à bien cette activité.
Griffin et Keogh (1981, 1982) définissent une construction hypothétique
appelée « la confiance dans le mouvement ». Elle reflète le sentiment que
possède l’individu de son adéquation dans une tâche motrice. L’importance
sous-jacente à cette hypothèse est que l’enfant confiant dans ses propres
mouvements choisira d’être actif, d’une manière assurée, et persistera
probablement.
26 Cependant, dans ces diverses théories, l’habileté perçue, qu’elle soit une
caractéristique stable de la personnalité ou bien une construction ponctuelle,
est considérée comme un concept unique. En fait, nous verrons par la suite
que la notion d’habileté perçue peut être appréhendée d’au moins deux
manières différentes.
27 D’après les résultats obtenus par Weiner et Kukla (1970), la perception que
l’on a de son habileté dépend du taux des succès obtenus et de la façon dont
ils se sont présentés. Plus ils sont apparus tôt et ont culminé par moment,
plus l’habileté semble grande.

Difficulté perçue, habileté perçue, effort intentionnel


28 Selon la théorie de Kukla (1972a), un individu estimera dépenser d’autant
moins d’effort pour accomplir une tâche donnée qu’il se considérera comme
très habile. L’habileté perçue est donc aussi un déterminant du choix de
l’intensité de la mobilisation des ressources. Pour une tâche que deux sujets
perçoivent comme étant de difficulté égale, le sujet qui croit avoir un niveau
d’habileté supérieur pensera qu’une petite quantité d’effort est nécessaire
pour réussir.

Figure 32 — Relation théorique entre la difficulté perçue de la tâche, l’effort


projeté pour des individus à haute ou basse habileté perçue (d’après Kukla,
1972a).
29 Considérons une tâche T d’un niveau de difficulté donné (figure 32). Soit Ea
le niveau d’effort projeté du sujet A, qui perçoit son degré d’habileté sur cette
tâche comme élevé, et Eb le niveau d’effort projeté du sujet B, qui perçoit son
degré d’habileté sur cette tâche comme faible. Ea et Eb sont les plus petits
niveaux d’effort que chaque sujet, respectivement, estime nécessaire au
succès. Ainsi, compte tenu de la conception développée au paragraphe
précédent, Ea < Eb. Autrement dit, un sujet qui perçoit son habileté comme
étant de haut niveau aura l’intention de s’investir moins intensément sur la
même tâche qu’un sujet persuadé que son habileté est médiocre.
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30 Pour toute tâche perçue par les sujets comme plus facile que T, les deux
sujets diminueront leur niveau d’effort projeté, B se maintenant à un plus
haut niveau que A. De manière similaire, si une tâche est supposée plus
difficile que T, les deux sujets augmenteront leur niveau d’effort projeté, et ici
encore, Eb restera plus haut que Ea. Cependant, nous l’avons vu, il existe un
niveau maximum pour l’effort intentionnel. Lorsque la difficulté de la tâche
augmente encore, Eb atteindra son maximum plus tôt que Ea. Autrement dit,
le sujet B, plus rapidement que le sujet A, conclura que la tâche requiert le
plus grand effort possible. Au-delà de ce niveau de difficulté perçue, B
pensera que le succès n’est plus possible, quel que soit le niveau d’effort qu’il
peut mettre en œuvre, et ainsi, par le principe du moindre effort, il décidera
de se démobiliser. D’un autre côté, le sujet A n’aura pas atteint son effort
maximal, de telle sorte que, pour la même tâche pour laquelle l’effort projeté
de B chute à zéro, l’effort intentionnel de A continue de croître. Si la difficulté
perçue devient plus grande encore, il y aura, bien sûr, un point où A pensera,
lui aussi, que le succès n’est plus possible et cessera à son tour tout effort.
31 La figure 33 décrit une configuration possible des relations existant entre les
différentes variables : habileté perçue, difficulté perçue et effort projeté.
L’observation de cette figure met aussi en évidence :

l’existence d’une zone de faible difficulté perçue où Ea < Eb ;


l’existence d’une zone de moyenne difficulté perçue où Ea > Eb ;
l’existence d’une zone de difficulté perçue très élevée où Ea = Eb = 0.

32 Il est donc possible de définir une tâche comme étant (subjectivement) facile
si elle se situe à l’intérieur du continuum des tâches pour lesquelles la
quantité d’effort choisie, aussi bien par les sujets à basse habileté perçue que
par les sujets à haute habileté perçue, augmente avec l’accroissement de la
difficulté (rangée de X à Y dans la figure 33). Une tâche de difficulté
(subjective) intermédiaire est celle qui se situe à l’intérieur de la rangée Y à Z.
Ainsi, par définition, une tâche intermédiaire est celle que pense réussir un
sujet à haute habileté perçue, alors qu’un sujet à basse habileté perçue la
considère au-dessus de ses capacités. Finalement, une tâche sera dite être
(subjectivement) difficile si elle est perçue être plus difficile que Z, c’est-à-
dire si les sujets à habileté perçue haute et basse s’attendent à échouer, même
avec un effort maximal.

Figure 33 — Définitions de tâches subjectivement faciles, intermédiaires et


difficiles en termes de fonction d’effort relatif pour des sujets à haute ou
basse habileté perçue.

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Difficulté perçue, choix du niveau d’effort et attribution causale


33 Le choix du niveau d’effort dépend aussi des différences individuelles en ce
qui concerne les attributions causales. On sait que la théorie de l’attribution
causale tente de rendre compte du processus par lequel une personne
explique les manifestations qu’elle observe. Celui qui s’interroge sur les
phénomènes qui le touchent, et notamment sur les résultats de ses actes,
peut en attribuer les causes à des facteurs qui lui sont propres ou à des
facteurs extérieurs. De Charms (1968) va jusqu’à diviser les individus en
deux catégories : ceux qui se réfèrent à la première catégorie, ceux qui se
réfèrent à la deuxième. Ainsi les sujets se différencient quant à la manière
dont ils attribuent, de manière constante, la cause de leurs échecs ou de leurs
réussites. Pour certains, les résultats dépendent de la chance, pour d’autres
de leur niveau d’habileté ; pour d’autres encore, de la difficulté de la tâche,
pour d’autres enfin, de la quantité d’effort qu’ils ont décidé d’investir.
34 Une expérience de Kukla (1972b) a mis en évidence la manière dont les
différences dans les attributions jouent un rôle dans le choix du niveau
d’effort. L’expérimentateur a laissé croire à un groupe de sujets que la
réussite d’une tâche d’anagrammes dépendait uniquement de l’habileté
déployée par les sujets. Il a fait croire à un autre groupe que la réussite
dépendait à la fois de l’habileté et de la quantité d’effort qu’ils mobilisaient.
Dans chaque groupe, les sujets étaient différenciés selon leur type
d’attributions causales. Les sujets qui ont obtenu la meilleure performance
ont été ceux qui, d’une part, attribuaient principalement leur performance à
l’effort, et avaient, d’autre part, reçu les instructions portant à la fois sur
l’habileté et sur l’effort. La performance de ceux qui attribuaient peu
d’importance à l’effort ne différait pas en fonction des instructions
d’attribution. D’autres recherches (Chaplin et Dyck, 1976 ; Weiner et Sierad,
1975) ont obtenu des effets similaires sur différentes tâches cognitives.
35 Yukelson et coll. (1981) ont essayé de vérifier dans le domaine de la motricité
les hypothèses de Kukla concernant l’effet de la difficulté perçue de la tâche
sur le niveau d’effort projeté. Dans la logique de cette théorie, il est possible
d’émettre l’hypothèse suivante : les sujets attribuant constamment à l’effort
leur niveau de performance réaliseront de meilleures performances que les
sujets attribuant constamment leur performance à leur niveau d’habileté.
Pour manipuler la perception de la difficulté, les expérimentateurs ont donné
aux sujets une fausse information feedback concernant leur performance.
Celle-ci était comparée à des normes de performances obtenues par leurs
camarades de classe, ces dernières constituant un standard d’excellence.
Cette comparaison était manipulée par les expérimentateurs.
36 L’hypothèse de départ était que plus mauvaise serait la performance initiale
des sujets, plus l’effort et la performance augmenteraient. Il est permis, en
effet, de supposer que la tâche paraît plus ou moins difficile aux yeux du sujet
en fonction des résultats précédents et de l’importance des erreurs commises.
Dès qu’il constate une erreur, il élève son niveau d’effort projeté pour l’essai
suivant et réduit ainsi la probabilité de nouvelles erreurs. La perception de
chaque erreur provoque une élévation très nette de l’effort. En présence d’un
tel feedback, le sujet se comporte comme s’il se trouvait face à une tâche
devenant objectivement plus difficile.

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37 La tâche était un lancer de précision. Les sujets exécutaient dix essais. Peu de
temps après avoir reçu les faux feedback, les expérimentateurs leur
donnaient une information supplémentaire concernant la nature de la tâche.
En fait, cette information constituait une manipulation des attributions
causales. Il s’agissait de les induire à attribuer leur performance soit
essentiellement à l’habileté, soit essentiellement à l’effort. Puis les sujets
effectuaient à nouveau dix essais. Les résultats ont montré un effet
significatif des consignes. Les sujets ayant reçu des instructions orientées
vers l’effort ont non seulement obtenu de meilleurs résultats que ceux ayant
reçu des instructions orientées vers l’habileté, mais aussi de meilleurs gains
de performances. De plus, les sujets ayant le plus faible score lors des
premiers essais ont obtenu la meilleure performance lors de la seconde série.
38 Ces résultats vont dans le sens de la théorie de Kukla :

les sujets réalisent une meilleure performance lorsqu’ils l’attribuent à


l’effort plutôt qu’à l’habileté ;
plus grand est l’écart avec les normes de performance et plus les gains
dans la performance sont élevés, ce qui semble confirmer la relation
entre la difficulté perçue et l’effort projeté.

39 Les mêmes auteurs, reprenant cette tâche de lancer, ont entrepris de vérifier
la conception de Kukla (1972a) concernant l’effet de l’interaction perception
de la difficulté de la tâche — sentiment de compétence sur le choix du niveau
d’effort projeté. Selon cette conception, les sujets à haute habileté perçue
doivent avoir une meilleure performance que les sujets à basse habileté
lorsque la tâche est de haute difficulté perçue. En effet, pour une tâche de
haute difficulté perçue, du fait que les premiers se perçoivent eux-mêmes
comme étant hautement compétents et qu’ils pensent que l’effort et la
performance covarient, on peut penser qu’ils auront l’intention de dépenser
une grande quantité d’effort pour réussir. En revanche, les sujets à faible
habileté perçue concluront que le succès est au-delà de leurs possibilités. Ces
derniers ne chercheront pas à dépenser trop d’effort. À l’inverse, si la tâche
est perçue comme étant très facile, les sujets à faible habileté perçue
penseront que le succès est dans le champ de leurs possibilités. Ils
continueront à s’appliquer alors que les sujets à haute habileté perçue
décideront que peu d’effort est nécessaire pour assurer le succès. Par
conséquent, ils s’investiront peu dans la tâche. On peut donc prédire que les
sujets à basse habileté perçue auront de meilleures performances que les
autres.
40 Ainsi, deux groupes de sujets ont été constitués en fonction de leur niveau
d’habileté perçue. Chacun effectuait dix essais sur la tâche et recevait un
feedback qui situait leur performance par rapport à celle d’un adversaire.
Comme dans l’expérience précédente, le résultat était manipulé, c’est-à-dire
qu’il pouvait être de sept points en plus ou en moins que celui de leurs
adversaires. Puis ils effectuaient à nouveau dix essais.
41 Les résultats ont montré que les sujets à haute habileté perçue ont obtenu
leurs meilleurs résultats lorsqu’ils pensaient être derrière le standard
d’excellence ou derrière un adversaire. À l’inverse, les sujets à faible habileté

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perçue ont obtenu leurs meilleurs résultats lorsqu’ils pensaient être en


avance sur leurs adversaires au milieu de l’expérience.

Relation difficulté objective - difficulté perçue à l’avance


42 Quelles sont les sources de la difficulté perçue estimée à l’avance et comment
peut-on la manipuler ?
43 Le niveau de difficulté perçue est en relation directe avec la probabilité que le
sujet se donne d’échouer dans l’accomplissement de la tâche. Quels sont les
indices qui lui permettent d’établir une telle probabilité ?

1 — Les indices proches


L’observation de l’issue de l’activité d’autrui confrontée à la même tâche
44 Weiner, Frieze, Kukla, Reed, Rest et Rosenbaum (1972) pensent que la
difficulté de la tâche est directement inférée à partir de normes sociales
indiquant la performance des autres sur la tâche ; la difficulté perçue est
fonction du « pourcentage de réussite des autres ». Le facteur qui
influencerait le plus le jugement d’une personne sur la difficulté d’une tâche
serait la réussite des autres. Si plusieurs la réussissent, elle doit être facile, si
peu la réussissent, elle doit être difficile. La difficulté perçue en fonction de la
réussite des autres sera dénommée plus loin « la difficulté normative
perçue ». Certes, la durée de la tâche, sa complexité, influencent aussi le
jugement, mais plus faiblement. Cette perception de la difficulté liée à ces
propriétés objectives sera appelée plus loin « la difficulté objective perçue ».
Nous verrons cependant par la suite que ces deux types d’indices-induisent
des conceptions différentes de la difficulté perçue.
45 La difficulté objective semble être un indice pertinent. Une étude de Durand
(1986), concernant l’estimation à l’avance, par les enseignants et les
étudiants d’EPS, de la difficulté de tâches à dominante énergétique, montre
que, chez ces sujets, la représentation anticipée de la difficulté est en général
assez proche de la difficulté objective. Il est donc envisageable, pour un
praticien, de manipuler la représentation de la difficulté en jouant sur les
caractéristiques intrinsèques de la tâche, de façon à ce qu’elle devienne
objectivement plus facile ou plus difficile. Cela veut dire que la tâche, en
restant identique à elle-même, paraît plus ou moins difficile par certaines de
ses caractéristiques secondaires. Peut-on dire, cependant, qu’il s’agit dès lors
de la même tâche, même si l’on n’agit que sur des caractéristiques
relativement secondaires ?
46 Il est souvent difficile de s’assurer que la modification ne porte que sur des
caractéristiques secondaires et que la nature de la tâche reste, pour
l’essentiel, la même aux différents niveaux de difficulté. C’est pourquoi une
seconde procédure semble plus appropriée. Elle consiste, en effet, à modifier
la perception de la difficulté sans rien changer aux caractéristiques objectives
de la tâche. Dans ce cas, on agit sur le contexte de présentation. On obtient
ainsi ce que l’on appelle « des variations de difficulté subjective ».
L’importance de l’enjeu
47 La difficulté d’une tâche ne dépend pas de ses seules caractéristiques
objectives intrinsèques. Une même tâche peut être jugée (et traitée) comme
étant plus ou moins difficile en fonction du degré d’importance des
conséquences de la réussite ou de l’échec, selon que le sujet se trouve plus ou

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moins engagé dans l’activité, plus ou moins influencé par le contexte de


présentation de la tâche. Lorsque, par exemple, un éducateur crée une
atmosphère contraignante, il élève la difficulté subjective, et inversement.
Lorsque le sujet est face à un enseignant sévère, les conséquences de l’activité
paraissent plus importantes que lorsque le professeur est souriant, détendu.
L’exigence de réussite est sensiblement plus élevée dans le premier cas.
48 Un autre moyen dans la manipulation de l’enjeu est le risque. Durand (1987)
a montré qu’une tâche d’équilibre est jugée plus complexe par des enfants si
elle se déroule sur un support élevé, même si la surface d’appui reste
constante et si les sujets perçoivent clairement que la difficulté en dépend.
Le contexte de présentation
49 Ce procédé a été utilisé par Kukla, nous l’avons vu, lors de la description de
son expérience. Il consiste à manipuler les informations sur ce que la tâche
semble devoir requérir des sujets pour qu’ils réussissent, à savoir effort ou
habileté.
Le résultat d’un essai précédent
50 La représentation de la difficulté dépend donc du niveau de familiarité du
sujet avec la tâche ou des tâches semblables. Ici, ce sont ses expériences
d’échec ou de réussite qui seront déterminantes. On sait que le seul fait de
donner deux essais successifs pour la même tâche a pour conséquence, lors
de la seconde présentation, une perception différente de la tâche, le résultat
du premier essai étant connu. La difficulté qui s’établit aux yeux du sujet
avant le premier essai, est réestimée ensuite, en fonction du résultat de
l’activité. Si le sujet se heurte à un échec patent, la difficulté perçue s’élève ;
s’il y a réussite, elle s’abaisse (d’où les modifications correspondantes du
niveau d’effort). Ainsi, dans les situations où les sujets sont conduits à avoir
une estimation initiale de la difficulté de la tâche, puis, ultérieurement,
l’expérience d’une série de succès ou d’échecs, on peut postuler : une série
d’expériences de succès (véridiques ou non) provoquera une diminution de la
difficulté perçue, tandis qu’une série d’expériences d’échecs (véridiques ou
non) provoquera une augmentation de la difficulté perçue. Si, donc, on
parvient à modifier la perception du résultat de l’activité passée, on modifie
l’estimation de la difficulté et, en conséquence, on fait varier le niveau
d’effort lors d’un nouvel essai.
51 Ces indices peuvent être manipulés. Par exemple, après avoir recueilli la
performance d’un sujet, on déclare le résultat mauvais et très inférieur à la
performance d’un sujet moyen. Dans la mesure où le sujet accepte cette
déclaration, il enregistre donc un échec ; cette constatation augmente très
sensiblement la probabilité d’échec lors d’un nouvel essai. Le niveau d’effort
doit donc augmenter à ce nouvel essai. La constatation de l’échec conduit le
sujet à appréhender la tâche comme plus difficile. De telles techniques
destinées à influencer la perception du résultat de l’activité sont couramment
employées dans les études sur le « stress », où l’on suggère au sujet qu’il a
échoué (par l’utilisation de faux étalonnages ou de dispositifs truqués, par
l’affirmation verbale de l’échec, etc.). Il est possible de suggérer, de la même
façon, une réussite (Yukelson et coll., 1981).

2 — Les indices lointains

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52 La difficulté perçue peut dépendre de la personnalité du sujet, de toute son


expérience antérieure et, notamment, de la fréquence de ses échecs dans le
passé. C’est en effet son histoire antérieure qui fournit au sujet les indices lui
permettant de prévoir, en abordant une tâche nouvelle, l’issue de son activité.
53 Cette approche de la représentation à l’avance de la difficulté est primordiale
car elle détermine la motivation des sujets, l’intensité avec laquelle ils
s’engagent dans la réalisation d’une tâche et le choix des stratégies de
traitement qu’ils utilisent.

Processus motivationnels affectant l’acquisition des


habiletés motrices
54 La théorie de Kukla possède, à nos yeux, le mérite de mettre parfaitement en
évidence le rôle joué par les représentations cognitives de la difficulté et de
l’habileté dans la mise en œuvre de l’activité motrice. Elle montre que la
performance n’est pas le simple produit de l’interaction entre la difficulté
objective et l’habileté réelle du sujet. Elle dépend aussi des représentations
que se fait l’individu concernant à la fois le niveau de difficulté de la tâche et
son propre niveau d’habileté. Elle dépend enfin de la nature de ses propres
attributions causales. Ces représentations affectent l’intensité de
l’investissement du sujet sur la tâche et, par suite, influent sur
l’apprentissage. Cette théorie ne constitue cependant qu’un cas particulier de
l’interaction entre les différents composants du modèle que nous avons
présenté au début de ce livre : difficulté objective, difficulté perçue, habileté
réelle, habileté perçue et performance. En effet, elle repose sur trois postulats
théoriques principaux qui, bien que n’étant pas erronés, ne sont valables que
dans le cadre d’un état de motivation particulier.

Le premier concerne la représentation anticipée de la difficulté. La


conception adoptée par Kukla est un développement des idées émises
par Atkinson (1957). Pour ces deux auteurs, la représentation que le
sujet se fait de la difficulté de la tâche est fonction de ses propres
probabilités subjectives de succès avant l’accomplissement de celle-ci.
Cependant, ce n’est qu’une des possibilités de la difficulté perçue. Nous
verrons ultérieurement que la difficulté perçue estimée à l’avance n’est
pas forcément autoréférencée. D’autres conceptions sont possibles. La
perception de la difficulté peut être notamment socialement référencée.
Dans ce cas, son rôle dans l’apprentissage et dans la performance peut
être différent de celui développé par Kukla.
Le second postulat établit que l’intensité de l’effort augmente de
manière linéaire avec la difficulté de la tâche, du moins à l’intérieur de
certaines limites. Ceci n’est pas toujours vrai. Nous verrons qu’il existe
des circonstances externes et internes qui font que, face à une
augmentation de la difficulté, le sujet préfère parfois réduire la quantité
d’effort qu’il a l’intention de dépenser, et cela, même dans le cas où cette
augmentation se situe dans la zone de difficulté intermédiaire.
Le troisième postulat envisage l’habileté perçue comme variant
uniquement de manière quantitative, c’est-à-dire en degré. Elle va d’une
basse habileté perçue à une haute habileté perçue. La perception de
l’habileté peut cependant varier aussi d’un point de vue qualitatif. Il
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existe, nous le verrons, différentes conceptions possibles de l’habileté et,


selon que le sujet se réfère à l’une plutôt qu’à l’autre, l’apprentissage sera
valorisé ou non ; conséquemment, l’effort intentionnel sera plus ou
moins intense.

55 L’interaction entre ces trois concepts : habileté perçue, difficulté perçue et


effort intentionnel, doit donc être développée au-delà des idées émises par
Kukla.
56 Nous tenterons d’approfondir cette interrelation toujours dans le cadre de
notre préoccupation : l’acquisition des habiletés motrices. Il s’agira de
montrer comment ces diverses représentations affectent le processus
d’apprentissage. Pour y parvenir, il est nécessaire d’introduire ici des
concepts nouveaux de comportements adaptatifs et de
comportements non adaptatifs vis-à-vis de l’apprentissage moteur
(Dweck, 1986). Ces deux types de comportements peuvent être analysés :

du point de vue de l’apprentissage proprement dit. Les comportements


adaptatifs sont caractérisés par le maintien de stratégies d’apprentissage
efficaces ou par l’adoption de nouvelles stratégies pour résoudre des
problèmes moteurs. En revanche, les comportements non adaptatifs
sont caractérisés par une détérioration des stratégies efficaces ou par un
échec à mettre en place des stratégies nouvelles face à la difficulté
(Bandura et Schunk, 1981 ; Elliot et Dweck, 1988 ; Nicholls, 1984a,
1984b).
du point de vue motivationnel. Les comportements adaptatifs sont
caractérisés par la recherche de la difficulté et de l’acharnement en face
des obstacles. Les comportements non adaptatifs sont caractérisés par la
fuite devant la difficulté et le renoncement (Covington et Omelich, 1979 ;
Elliot et Dweck, 1988 ; Nicholls, 1984a, 1984b).
du point de vue affectif ou émotionnel. Les comportements adaptatifs
sont caractérisés par des sentiments de fierté et de satisfaction en
rapport avec la quantité d’effort consenti aussi bien dans des conditions
de réussite que d’échec. Inversement, les comportements non adaptatifs
sont caractérisés par des sentiments de fierté et de satisfaction
uniquement lorsque le sujet réussit et fait ainsi la démonstration de son
habileté. L’échec est significatif de maladresse et ne fait naître aucune
satisfaction (Ames, Ames et Felker, 1977 ; Legget, 1986).

57 Des individus qui manifestent des comportements adaptatifs se sont orientés


vers la maîtrise. Inversement, ceux qui mettent en œuvre des
comportements non adaptatifs ont développé de l’impuissance apprise
(Abramson, Seligman et Teasdale, 1978 ; Dweck, 1979, 1986 ; Nicholls,
1984a).
58 Nous nous proposons d’analyser ces deux types de comportements
essentiellement du point de vue motivationnel et affectif, ce qui nous conduit
à nous interroger sur l’interaction entre l’apprentissage et la motivation.
59 Nous adopterons une approche cognitive de la motivation pour :

caractériser en détails les comportements motivationnels adaptatifs et


non adaptatifs ;

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les expliquer en termes de processus cognitifs sous-jacents, notamment


mettre en évidence le rôle joué par les représentations de la difficulté, de
l’habileté et de l’effort à l’intérieur de ces processus, et commencer ainsi
à fournir des bases rigoureuses pour intervenir concrètement sur le
terrain.

Interrelation apprentissage - motivation


60 Il est une idée, généralement admise, qui consiste à déclarer que, pour
apprendre, il faut être motivé. Cette affirmation doit être nuancée.

La relation causale entre apprentissage et motivation est de nature


réciproque plutôt qu’unidirectionnelle. Il est inexact d’affirmer
uniquement que la motivation conduit à l’apprentissage. L’inverse se
produit toujours, à savoir que l’apprentissage conduit à être ou ne pas
être motivé pour apprendre davantage. Cela signifie que certaines
procédures d’enseignement peuvent plus ou moins développer le désir
d’apprendre.
La motivation, les motifs personnels qui poussent l’individu à agir ne
sont pas toujours favorables à l’apprentissage. Il existe, en effet,
plusieurs types ou états de motivation. Certains sont plus favorables que
d’autres à une interrelation positive entre motivation et apprentissage. Il
existe, nous venons de le voir, des comportements adaptatifs et non
adaptatifs. Du point de vue motivationnel et affectif, les premiers
favorisent le processus d’apprentissage et les seconds le perturbent. La
mobilisation des formes de motivation favorables à l’apprentissage
dépend à la fois de facteurs situationnels (ou de contexte) et aussi des
différences interindividuelles. Ces processus mettent en jeu des
conceptions différentes de la difficulté, de l’habileté et de l’effort.

61 Les comportements motivationnels adaptatifs ou orientés vers la maîtrise


sont caractérisés par la recherche de tâches dont le niveau de difficulté pose
un problème « optimal » favorable à l › apprentissage. Ils sont aussi
caractérisés par une persévérance à la fois élevée et efficace face à cette
difficulté. Les enfants faisant preuve de ce type de comportement paraissent
heureux d › exercer et de poursuivre leur effort pour maîtriser la tâche.
62 En revanche, le type de comportement motivationnel non adaptatif,
généralement appelé impuissance apprise, se traduit par une conduite
d’évitement face aux problèmes à résoudre, par la fuite devant la difficulté. Il
se caractérise aussi par une faible persévérance en face de la difficulté. Ce
type de comportement tend à engendrer des affects négatifs (tels que
l’anxiété) et des cognitions négatives chaque fois qu’ils sont confrontés à un
obstacle.
63 Par ailleurs, il faut souligner que les sujets qui mettent en œuvre ces deux
types différents de comportements motivationnels ne diffèrent pas quant à
leur niveau d’habileté réel, même s›ils peuvent avoir des effets profondément
différents sur leur apprentissage. Prapavessis et Carron (1988) ont montré
que, parmi cinquante joueurs de tennis de haut niveau universitaire qu’ils
ont pu observer, onze mettaient en œuvre les comportements non adaptatifs

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caractéristiques de l’impuisance apprise. Ces derniers ne différaient pourtant


pas des autres joueurs pour ce qui concerne leur niveau réel d’habileté.
64 Ceux qui mettent en œuvre des comportements non adaptatifs sont
sérieusement perturbés dans l’acquisition et la mise en œuvre des habiletés
motrices face à des tâches de difficulté optimale. Ceux qui manifestent des
comportements adaptatifs se révèlent, au contraire, intrépides et leur
apprentissage semble facilité par l’augmentation de la difficulté. Il faut
souligner toutefois que manifester l’un ou l’autre de ces comportements est
relativement indépendant du niveau réel d’habileté du sujet. Comment
expliquer, alors, ces différences comportementales ? La recherche actuelle
sur la motivation d’accomplissement suggère que ce sont les buts personnels
fixés par chacun face à la tâche qui créent telle ou telle situation
comportementale. Autrement dit, l’individu est confronté à un choix de buts
qui lui dicte sa conduite.

Motivation et but d’accomplissement


65 La motivation, d’une manière très générale, c’est ce qui pousse à agir, ce qui
déclenche l’action. Le terme trouve son étymologie dans le terme motif.
Généralement défini comme un besoin interne, une pulsion, une intention,
etc., un motif fait agir un individu. Dès lors, toute discussion sur la
motivation est concernée par la détermination des causes du comportement,
par la nature des motifs qui engagent l’individu dans une action. L’étude de
ces motifs se limitera ici au cadre de la motivation d’accomplissement, forme
de motivation qui incite l’individu à rechercher et à obtenir un effet et à
trouver, en quelque sorte, sa récompense dans la réalisation de son projet.
66 Les analyses sur la tâche et l’habileté ont permis de mettre en évidence que
l’acte moteur était construit et organisé en vue d’atteindre des buts fixés à
l’avance, mais que, par ailleurs, l’individu cherchait à atteindre ces objectifs
de la manière la plus efficiente ou la plus économique possible. Lorsque l’on
utilise cette approche pour prédire et analyser le comportement, on doit
d’abord spécifier quels sont les buts poursuivis par les individus. Il en est de
même pour la motivation.

Tableau 13 — Buts d’accomplissement et comportements d’accomplissement


(d’après Dweck, 1986).
67 La motivation d’accomplissement implique une classe particulière de buts en
liaison avec la notion de compétence (tableau 13). Ces buts peuvent être
rangés en deux catégories :

les buts orientés vers l’apprentissage, à travers lesquels les individus


cherchent à accroître leur compétence ;
les buts orientés vers le résultat, à travers lesquels les individus
cherchent plutôt à obtenir des jugements favorables sur leur compétence
et à éviter les jugements négatifs (Dweck et Elliot, 1983 ; Nicholls, 1984a
et b).
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68 Concernant cette deuxième catégorie de buts, Nicholls (1984a et b) a, par


exemple, défendu l’idée que les actions sont dirigées vers un but et sont
motivées par un double désir : celui de démontrer (à soi-même ou aux
autres) une habileté élevée ou de développer un haut degré d’habileté ; celui
d’éviter de révéler une habileté médiocre. Par conséquent, lorsque le sujet
adopte un but dit « de résultat », il désire réussir pour démontrer une
habileté élevée et il cherche à éviter l’échec qui traduit une faible habileté
(Kukla, 1978 ; McFarland et Ross, 1982). Ces deux types de buts provoquent
des états motivationnels différents que nous détaillerons ultérieurement. Le
premier induit ce que Nicholls appelle l’investissement sur « la tâche », le
second l’investissement sur « soi ». Dans un premier temps, nous nous
efforcerons de montrer comment, de manière générale, ces deux types de
buts favorisent ou non l’apprentissage en affectant la recherche de la
difficulté et la persévérance. Nous approfondirons ensuite cette analyse à la
lumière des conceptions de Nicholls. Signalons que, dans ce domaine, peu de
recherches sur l’acquisition des habiletés motrices ont été entreprises. C’est
la raison pour laquelle nous faisons parfois référence à des expériences issues
de l’éducation en général.

Différenciation but d’apprentissage - but de résultat


69 Comment et pourquoi les différents buts encouragent certains types de
comportements motivationnels ? Comment façonnent-ils le choix du niveau
de difficulté des tâches et la poursuite de celles-ci pour faciliter ou entraver
l’apprentissage ? La revue de littérature développée ci-après indique qu’avec
les buts de résultat, le processus global de choix du degré de difficulté et de
poursuite de la tâche est construit autour de la préoccupation de l’enfant
concernant son niveau d’habileté. En revanche, avec les buts d’apprentissage,
les processus de choix et de poursuite impliquent une focalisation sur le
progrès et la maîtrise par le biais de l’effort. De plus, l’ensemble des
recherches tend à montrer que lorsque les sujets recherchent un jugement
sur leur habileté, il peut se produire une tendance à éviter la difficulté ou à
renoncer. Par contre, lorsqu’ils sont centrés sur le progrès en ne relâchant
pas leur effort, il se crée alors une tendance à rechercher la difficulté et à
investir davantage d’effort pour réussir.

But et choix du niveau de difficulté de la tâche


70 Nous avons vu que les tâches qui présentent un niveau de difficulté optimal
sont celles qui sont les plus favorables pour développer les habiletés
motrices.
71 Des recherches récentes ont montré que les buts de résultat vont à l’encontre
de la recherche de la difficulté quelle qu’elle soit. Ils exigent, en effet, que la
perception des enfants concernant leur niveau d’habileté soit élevée (ou reste
élevée) pour qu’ils désirent accomplir une tâche qui leur pose un problème
(Elliot et Dweck, 1988). Autrement dit, si le motif qui les anime (le but) est
d’obtenir un jugement favorable sur leur habileté, ils ont nécessairement
besoin d’être certains que leur niveau d’habileté est élevé avant d’en faire la
démonstration. Sinon, ils préféreront des tâches qui occultent leur niveau
d’habileté et les protègent d’une évaluation négative. Par exemple, lorsque les

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enfants sont orientés vers des buts de résultat et qu’ils ont une évaluation
médiocre de leur niveau d’habileté, ils choisissent le plus souvent, soit des
tâches faciles pour eux et où le succès est assuré, soit des tâches
excessivement complexes où l’échec ne signifie pas une faible habileté (Elliot
et Dweck, 1988 ; Nicholls, 1984a et b). Même des individus très performants
peuvent sacrifier leurs opportunités d’apprentissage (lesquelles comportent
des risques d’échecs) pour des opportunités de démonstration de leur
habileté (Elliot et Dweck, 1988 ; Covington, 1983). Ainsi, les buts de résultat
paraissent promouvoir des stratégies défensives qui peuvent empêcher la
recherche de la difficulté, essentielle à l’apprentissage.
72 Avec des buts d’apprentissage, en revanche, même si l’évaluation du niveau
d’habileté est faible, les élèves tendront à choisir des tâches qui favorisent
l’apprentissage. Plus précisément, dans les études de Elliot et Dweck (1988),
où buts d’apprentissage et de résultat ont été manipulés expérimentalement,
les enfants optant pour des buts d’apprentissage choisissent d’accomplir des
tâches qui leur posent des problèmes indépendamment de la perception
qu’ils ont de leur niveau d’habileté (Nicholls, 1984a et b). Ainsi, ils acceptent
le risque de démontrer une habileté médiocre afin, justement, d’acquérir de
l’habileté. Au lieu de calculer leur niveau d’habileté exact et comment il doit
être jugé, ils pensent plus à la valeur de l’habileté à développer.

But et persévérance face à la difficulté

1 — Interprétation du résultat et conséquence pour l’apprentissage


73 Pour ce qui concerne les buts de résultat, l’évaluation perceptive des enfants
de leur niveau d’habileté a besoin de rester élevée afin de soutenir
l’investissement sur la tâche. Mais cette perception est difficile à maintenir.
Certaines recherches ont montré que les enfants ayant des buts de résultat
doivent, très probablement, attribuer les résultats négatifs (les échecs) à leur
manque d’habileté (Ames, 1984 ; Ames et coll., 1977 ; Elliot et Dweck, 1988)
et les considèrent comme prédictifs d’échecs futurs. Conséquemment, il se
produit un renoncement défensif, c’est-à-dire le refus de faire des efforts
pour dépasser l’obstacle (Covington et Omelich, 1979 ; Elliot et Dweck,
1988).
74 En revanche, les enfants ayant des buts d’apprentissage tendent à utiliser les
obstacles comme des moyens pour accroître leur effort ou pour analyser et
varier leurs stratégies (Ames, 1984 ; Ames et coll.. 1977 ; Elliot et Dweck,
1988 ; Legget. 1986 ; Nicholls, 1984a et b). Ils augmentent souvent leurs
performances en face des obstacles. Autrement dit, plus les enfants se
centrent sur l’apprentissage ou sur le progrès, plus grande est la probabilité
de maintenir ou de développer des stratégies efficaces (Bandura et Schunk,
1981 ; Elliot et Dweck, 1988).

2 — Affects associés aux résultats


75 Brièvement, nous dirons que les enfants choisissant des buts de résultat
ressentent de la satisfaction en fonction des résultats obtenus s’ils pensent
avoir démontré un bon niveau d’habileté. En revanche, les enfants ayant des
buts d’apprentissage éprouvent du contentement issu des résultats obtenus
grâce à l’effort déployé. Ames et coll. (1977) ont observé que, dans des
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conditions non compétitives, qui induisent chez les enfants des buts
d’apprentissage, la fierté ressentie par ceux-ci à la suite de leur performance
est en relation avec le degré d’effort qu’ils pensent avoir exercé aussi bien
dans des conditions de réussite que d’échec. Dans des conditions
compétitives induisant des buts de résultat, la fierté née de leur performance
est en relation avec le degré d’habileté qu’ils pensent posséder. Ainsi, l’échec
à l’intérieur de buts de résultat, parce qu’il signifie habileté médiocre, fournit
peu de support pour la gratification personnelle. Au contraire, à l’intérieur de
buts de résultat, un effort intense peut produire des affects négatifs.
Jagacinski et Nicholls (1982, 1984), puis Legett (1986), ont montré que les
enfants choisissant des buts de résultat considèrent, plus que les enfants
optant pour des buts d’apprentissage, l’effort comme l’indicateur d’une faible
habileté.
76 En résumé, un but de résultat focalise les enfants sur les questions d’habileté.
La confiance des enfants dans leur habileté actuelle doit être élevée et le
rester pour qu’ils s’orientent vers des tâches de difficulté optimale et
persévèrent dans leur réalisation. Cependant, cette même centration sur
l’habileté rend extrêmement fragile leur confiance dans l’habileté, car la
simple mise en jeu d’un effort peut la remettre en question. Une forte
détermination vers ce but peut ainsi créer une tendance à éviter la difficulté
et à montrer des performances détériorées. À l’extrême, un enfant trop
fortement préoccupé par l’habileté peut se détourner des tâches qui en
faciliteraient le développement.
77 En revanche, un but d’apprentissage focalise l’enfant sur l’effort, moyen
d’utiliser ou d’activer son habileté. Non seulement, l’effort est perçu comme
un facteur d’accomplissement, mais aussi comme un générateur de fierté et
de satisfaction. Un but d’apprentissage encourage l’enfant à entreprendre et
à persévérer dans des tâches développant l’apprentissage.

L’apprentissage moteur perçu par l’élève comme un


moyen ou comme une fin
78 L’un des principaux objectifs de l’EPS à l’école est de favoriser les
apprentissages moteurs, donc de développer les habiletés motrices. Cet
objectif sera d’autant mieux atteint par l’enseignant qu’il développera chez
ses élèves un fort désir d’habileté ainsi qu’une forte motivation
d’accomplissement. Mais, aux yeux des élèves, ce désir d’habileté peut revêtir
des significations multiples et naître de motifs différents. Par conséquent,
contrairement à ce qu’ont pu écrire White (1959) et Harter (1978b), ce besoin
de paraître compétent ne relève pas d’un seul sens, et il n’y a pas un état
unique de la motivation d’accomplissement. Celui-ci ne varie pas simplement
en intensité. Il peut aussi varier en qualité. C’est la raison pour laquelle on
peut affirmer que la résolution des problèmes de motivation, en éducation en
général et en EPS en particulier, dépend de la mise en place du bon type, et
pas seulement du bon niveau de motivation. Quels sont ces états différents de
motivation ? Nicholls (1978, 1983) en a distingué trois :

1. l’investissement extrinsèque ;
2. l’investissement sur la tâche ;
3. l’investissement sur soi.
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79 Pour la clarté de l’exposé, ces états seront abordés de manière séparée car
l’important, pour nous, est de considérer les rapports qu’ils entretiennent
avec l’apprentissage.

L’investissement extrinsèque conduit à considérer l’apprentissage


comme un moyen vers une fin. On dit qu’un enfant est motivé de
manière extrinsèque s’il apprend pour faire plaisir à un professeur, pour
gagner une récompense, ou pour sortir plus tôt de l’école.
L’apprentissage est, pour lui, un moyen de réaliser ces objectifs plutôt
qu’une fin en soi. De nombreuses recherches ont montré que
l’investissement extrinsèque est relativement inefficace pour développer
la motivation à poursuivre l’apprentissage (Condry et Chambers, 1978 ;
Lepper et Greene, 1978 ; Maehr, 1976 ; Deci, 1975 ; Durand, 1987).
L’investissement sur la tâche et l’investissement sur soi
appartiennent à la motivation d’accomplissement, donc à la motivation
intrinsèque. Dans ces états, l’intention des individus est surtout de
développer ou de démontrer une habileté élevée. Ces deux formes
d’investissement sont néanmoins des états psychologiques très
différents qui modifient le comportement de chaque individu vis-à-vis
de l’apprentissage selon que l’on privilégie l’un ou l’autre.
L’investissement sur soi comporte deux aspects principaux
influençant ses rapports avec l’apprentissage : d’abord, l’enfant est
plus préoccupé par lui-même que par l’apprentissage. Ensuite, ce
dernier n’est pas valorisé en tant que tel. II ne constitue pas une fin
en soi. L’enfant ne désire pas forcément progresser dans ses
acquisitions. Tout au plus, l’apprentissage est un moyen, pour lui,
d’éviter de paraître ridicule.
L’investissement sur la tâche renferme, lui aussi, deux
caractéristiques essentielles en rapport avec l’apprentissage. En
premier lieu, l’élève se focalise sur la tâche plutôt que sur lui-même.
Ensuite, l’apprentissage est une fin en soi. Apprendre devient le but
de l’élève. C’est vers cette intention que va sa préférence, plutôt qu’à
celle d’essayer de paraitre habile ou d’éviter de paraître ridicule.

80 Autrement dit, lorsqu’un individu est investi sur la tâche, son but est de
gagner en maîtrise, en progression. De tels gains signifient pour lui la
démonstration de sa compétence. De ce fait, l’apprentissage est une fin en
soi. Il est plus valorisé, plus significatif, plus satisfaisant. L’attention de
l’élève est focalisée sur la tâche et sur les stratégies nécessaires pour la
maîtriser. En revanche, dans l’investissement sur soi, la préoccupation des
individus est de savoir, dans le cas où ils peuvent maîtriser la tâche, si cela les
conduira à la démonstration d’une capacité supérieure à celle des autres.
Dans ce cas, le sujet doit calculer si l’apprentissage peut servir cette fin. Par
suite, ce dernier est vécu comme un moyen vers une fin. Dans ce cas, il
apparaît comme étant moins satisfaisant intrinsèquement. Les individus
investis sur la tâche se demanderont : « Comment faire ce travail ? » ou
« Comment puis-je apprendre ceci ? ». Les individus investis sur soi
s’interrogent : « Que puis-je faire pour paraître habile (comparé aux autres)
plutôt que ridicule ? » (Nicholls, 1983).

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81 Un exemple peut illustrer ces attitudes vis-à-vis de l’apprentissage en


fonction de ces deux formes de motivation. Il s’agit de la recherche de l’aide
qui consiste, pour l’élève, à demander à quelqu’un comment résoudre une
difficulté, une tâche quelconque. En agissant ainsi, il est prêt à reconnaître
un manque d’habileté, ce qui peut traduire une stratégie rationnelle si le but
est de progresser dans l’apprentissage. Par contre, pour des élèves investis
sur soi, cette situation est délicate, car demander de l’aide revient à admettre
une faible habileté. Ce constat peut provoquer, chez un élève qui doute de sa
compétence, une répugnance à demander de l’aide. À l’évidence,
l’investissement sur la tâche minimise ce problème puisque, lorsqu’ils sont
investis sur la tâche, les individus sont concernés par le but d’apprendre, et
non pas par celui d’éviter de paraître incompétents.
82 D’un point de vue éducatif, le bénéfice potentiel de l’investissement sur la
tâche semble clair. Reste à maintenir ou développer ce type de
comportement.

Conceptions de l’habileté et développement de l’enfant


83 Avant d’analyser et de décrire ces deux conceptions de l’habileté, rappelons
que les concepts de difficulté, d’habileté et d’effort sont, logiquement,
interdépendants. C’est pourquoi une définition particulière de l’habileté
implique une définition de la difficulté, de l’effort, et ainsi de suite. En
conséquence, les deux conceptions différentes de l’habileté utilisées dans
l’investissement sur soi et l’investissement sur la tâche supposent
parallèlement des conceptions différentes de la difficulté et des rapports
entre l’apprentissage et l’effort.
84 Pour mieux comprendre à la fois l’interrelation entre ces trois concepts et les
diverses significations qu’ils peuvent revêtir, Nicholls (1980) a étudié
comment elles se caractérisent chez l’enfant en fonction de son niveau de
développement.

1 — Interrelation entre habileté, effort et difficulté de la tâche chez l’enfant


85 La recherche sur le développement de l’enfant s’est intéressée aux
changements survenant avec l’âge dans la compréhension des concepts de
difficulté, d’habileté et d’effort. Elle s’est aussi préoccupée des différences
individuelles à l’intérieur des étapes successives de ce développement
particulier. Parmi les travaux, ceux de Nicholls (1978, 1980, 1984a et b), ou
Nicholls et Miller (1983, 1984), occupent une place prépondérante. Ils ont
permis de mettre en évidence que, chez l’enfant, le développement du
concept d’habileté suppose simultanément la différenciation des concepts qui
sont interdépendants, à savoir les concepts d’effort et de difficulté de la
tâche. Autrement dit, la perception que l’enfant (et nous le verrons aussi pour
l’adulte dans certaines circonstances) a de sa compétence personnelle est en
relation avec sa compréhension de la difficulté de la tâche et du rôle de
l’effort dans le résultat obtenu dans des tâches de difficulté variable.
86 Les données recueillies par Nicholls reposent en grande partie sur des
interviews faites auprès d’enfants après qu’ils ont réalisé une tâche ou après
qu’ils ont observé d’autres enfants effectuant des tâches scolaires.
87 Le tableau 14 montre qu’il existe trois niveaux de différenciation entre les
concepts de difficulté et d’habileté, et quatre niveaux de différenciation entre
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les concepts d’habileté et d’effort.


88 En nous référant à ce tableau, nous développerons tour à tour :

la différenciation difficulté - habileté ;


la différenciation habileté - effort.

2 — Niveaux de raisonnement sur la difficulté et l’habileté


89 Pour la clarté de l’exposé, nous aborderons les trois niveaux de
différenciation de la difficulté et de l’habileté dans l’ordre inverse de leur
émergence dans le développement de l’enfant.

Tableau 14 — Niveaux de différenciation des concepts d’habileté à partir de


ceux de difficulté et d’effort (d’après Nicholls, Jagacinski et Miller, 1986).
Difficulté normative
90 Le niveau le plus complexe est appelé « la difficulté normative ». Il apparaît
vers 6-7 ans, environ (Nicholls, 1978, 1980a ; Shaklee, 1976).
91 Dans cette conception, maîtriser une tâche n’est pas suffisant pour que
l’individu se perçoive comme étant compétent. Il existe des moments où un
progrès dans la performance ne conduit pas forcément à des sentiments
d’habileté. Si un enfant de cet âge constate que les autres ont obtenu le même
progrès que lui, mais plus rapidement ou en dépensant moins d’effort, il doit
se sentir incompétent. Dans cet exemple, l’enfant (et l’adulte) juge son
habileté en comparaison avec celle des autres. Dans ce cas, selon Nicholls,
l’habileté est conçue comme une capacité. Le niveau d’habileté motrice est
jugé en comparant les scores réalisés par des enfants à ceux d’un groupe de
référence normatif (par exemple, un barème). Autrement dit, les tâches
seront jugées comme étant d’une difficulté supérieure si seulement quelques
membres d’un groupe de référence peuvent les accomplir. Parallèlement, un
plus haut niveau d’habileté est inféré lorsqu’un individu réussit là où d’autres
échouent. Par exemple, est-ce que d’autres enfants du même âge et de même
sexe mettent avec succès la balle dans le panier de basket cinq fois de suite ?
La perception d’un haut niveau d’habileté est construite à partir des réussites
obtenues sur des tâches normativement difficiles, indépendamment du degré
d’effort dépensé. Sans l’utilisation de normes de performance, il est
impossible de dire si un succès donné reflète un niveau d’habileté haut ou
bas. En d’autres termes, la conception normative de la difficulté implique une
différenciation précise des concepts interdépendants de difficulté et
d’habileté.
92 Au stade plus précoce de la difficulté égocentrique, que nous étudierons par
la suite, les enfants se sentent compétents lorsqu’ils accomplissent des tâches

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qui leur posent un défi, un problème personnel. Il n’en est pas de même
lorsque la conception normative est atteinte. Les tâches qui soulèvent une
grande difficulté à un enfant peuvent être simultanément perçues comme
normativement faciles. Par suite, la réussite sur de telles tâches n’indique pas
un haut degré d’habileté et n’est pas forcément valorisé par l’enfant parvenu
au stade de la difficulté normative. Les enfants de ce stade, contrairement à
ceux des stades antérieurs, admettent que le succès est plus impressionnant,
affectivement, sur les tâches normativement les plus difficiles (Nicholls,
1978, 1980).
93 Ainsi, le niveau de difficulté de la tâche et le niveau d’habileté sont jugés, par
les enfants de cet âge, comme étant élevés ou faibles en comparaison avec le
niveau d’habileté des membres d’un groupe de référence. Avoir un haut
niveau d’habileté signifie être au-dessus de la moyenne et avoir un bas niveau
d’habileté signifie être en dessous de la moyenne. Dans cette conception,
appelée par Nicholls la conception la plus différenciée de l’habileté, ou encore
l’habileté en tant que capacité, la difficulté de la tâche (difficulté normative)
est jugée à partir de la performance des autres, et faire la démonstration d’un
haut niveau d’habileté exige de réussir sur des tâches où les autres échouent.
Difficulté objective
94 À ce stade, dit de « la difficulté objective » (5-6 ans), [es normes de
performance ne sont pas utilisées pour établir à la fois le niveau de difficulté
de la tâche et le niveau d’habileté : les enfants comprennent l’existence d’un
continuum de niveaux de difficulté reposant sur les propriétés objectives des
tâches (par exemple, la distance de lancer de fléchette par rapport à la cible ;
la complexité du mouvement mis en jeu ; le nombre de pièces dans un
puzzle). L’enfant admet ainsi que les puzzles qui ont le plus de pièces sont les
plus difficiles et exigent le plus d’habileté. Ainsi, leurs jugements sur la
difficulté de la tâche et sur l’habileté sont indépendants de leurs propres
espérances de succès, qui caractériseront la notion de difficulté égocentrique.
95 Lorsqu’il n’y a aucun indice de difficulté objective présenté (les pièces du
puzzle étant, par exemple, à l’intérieur de leur boîte fermée) et que le niveau
de difficulté est communiqué uniquement au moyen de normes de
performance, les enfants, parvenus à ce stade, ne pensent pas que des tâches
normativement les plus difficiles exigent le plus d’habileté. Comprendre que
les tâches que peu de camarades accomplissent avec succès sont les plus
difficiles et, donc, requièrent plus d’habileté caractérise, chez eux, la
conception normative de la difficulté.
96 Désormais, la perception d’un haut niveau d’habileté se produit lorsque
l’enfant réussit une tâche objectivement difficile. Les enfants comprennent
ainsi que les plus hauts niveaux d’habileté sont requis par les tâches
objectivement les plus difficiles. Cette compréhension les rend capables
d’ordonner les tâches, soit en fonction de leur niveau de difficulté, soit en
fonction du niveau d’habileté qu’elles demandent. Cependant, à la lumière de
la conception normative de la difficulté, ce que peut signifier un résultat
quelconque vis-à-vis de sa propre habileté est obscur pour l’enfant. L’échec,
par exemple, peut être attribué à la difficulté de la tâche. Mais cette
attribution ne permet pas de distinguer : « Elle est trop difficile pour moi »
avec « Je ne suis pas assez habile pour elle ». Les normes de performance
sont nécessaires pour pouvoir juger de l’habileté ou de la difficulté de la tâche

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indépendamment de l’impression de difficulté ressentie en l’accomplissant.


Ainsi, au niveau objectif, un double continuum en étroite corrélation, l’un
concernant la difficulté et l’autre l’habileté, est reconnu ; mais la difficulté et
l’habileté sont néanmoins imparfaitement différenciées.
97 L’existence de la conception objective de la difficulté a été suggérée par des
données obtenues auprès d’enfants âgés de moins de 6 ans. Bien que ne
comprenant pas la difficulté normative, ils se montrent capables, si on leur
donne la possibilité de réaliser successivement différentes tâches, de
sélectionner les niveaux de difficulté objective où ils ont personnellement des
probabilités modérées de succès. Cette observation suggère que ces enfants
reconnaissent, d’une manière quelconque, des variations dans la difficulté
objective des tâches et que, parallèlement, ils comprennent que les tâches les
plus difficiles exigent plus d’habileté.
Difficulté égocentrique
98 Une conception encore moins différenciée de la difficulté et de l’habileté,
appelée « difficulté égocentrique », intervient vers l’âge de 4 ans. À ce stade,
les enfants ne reconnaissent pas, par exemple, que le puzzle le plus difficile,
parmi plusieurs autres, exige le plus d’habileté. D’autre part, si on leur
permet d’en réaliser un, à leur gré, ils montrent des différences individuelles
stables dans les niveaux de difficulté qu’ils choisissent (Nicholls et Miller,
1983). Il semble que ces enfants perçoivent la difficulté uniquement en
termes de leurs propres espérances de succès.
99 Ces mêmes enfants ne peuvent pas reconnaître de manière réfléchie un
continuum de niveaux d’habileté et de niveaux de difficulté objective. Ils
peuvent seulement discriminer les tâches à partir de leur propre certitude
subjective de les accomplir avec succès, ou non. Une tâche sera jugée difficile
si l’on est certain de ne pas pouvoir l’accomplir et facile si le succès apparaît
comme certain.
100 Ainsi, les jugements sur la difficulté et l’habileté sont autoréférencés. Les
tâches sont jugées difficiles si nous nous attendons à échouer. Par suite, plus
elles apparaîtront difficiles, plus le succès indiquera une grande habileté. Un
plus grand progrès dans la maîtrise d’une tâche que l’individu n’était pas sûr
de réussir au départ indiquera une habileté accrue.
101 Les enfants de ce stade préfèrent, nous l’avons dit plus haut, les tâches qui
leur posent un défi, un problème moteur, des tâches qui ne sont, pour eux, ni
très faciles, ni trop difficiles. Ici, la perception de la difficulté de la tâche est
fonction des probabilités subjectives de succès. Les enfants se sentent
compétents s’ils augmentent leur performance ou maîtrisent une tâche qui
paraît leur poser un défi.
102 La conception égocentrique de la difficulté et de l’habileté a été utilisée dans
les théories d’Atkinson (1957) et de Kukla (1972a). Selon ces auteurs, la
difficulté de la tâche est en rapport direct avec les probabilités subjectives de
succès.

3 — Niveaux de raisonnement sur l’habileté et l’effort dans le développement


de l’enfant
103 Pour étudier le développement des concepts d’effort et d’habileté, Nicholls et
ses collaborateurs ont présenté soit des films (Nicholls, 1978), soit des
bandes vidéo (Nicholls et Miller, 1983 ; 1984), montrant deux enfants

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investissant des quantités différentes d’effort sur des tâches identiques. Dans
la plupart des cas, les deux enfants obtenaient le même score.
104 Comme pour les concepts de difficulté et d’habileté, examinons maintenant
comment s’opère, dans le développement de l’enfant, la compréhension
relative de ces concepts. Nous les aborderons cette fois-ci dans leur ordre
d’apparition.
Niveau 1 : 7-9 ans
105 L’effort et le résultat ne sont pas différenciés en tant que cause et effet. Les
explications données par les enfants sont tautologiques. Les perceptions de
l’habileté, de l’effort dépensé et du résultat ne sont pas distinguées comme
des dimensions séparées. Par exemple, en base-ball, le succès dans la frappe
de la balle (tâche objectivement difficile) indique non seulement que le
pratiquant est capable mais aussi qu’il doit avoir consenti un grand effort. En
outre, le succès obtenu dans la frappe grâce à un effort maximal indique un
plus haut niveau d’habileté qu’un succès obtenu sans grand effort. Les
enfants se concentrent :

de manière préférentielle, sur l’effort (les individus qui font des efforts
intenses sont considérés comme étant les plus habiles, même s’ils
obtiennent un score plus bas). Un enfant parvenu à ce stade a tendance
à dire que, si quelqu’un gagne un jeu, c’est parce qu’il a produit
beaucoup d’effort. Il ne comprendra pas qu’un manque d’habileté, par
exemple, peut limiter l’efficacité de l’effort ;
moins fréquemment, sur le résultat (les individus qui obtiennent un
score plus élevé sont censés consentir de plus grands efforts, même si en
réalité ce n’est pas le cas, et ils sont supposés être plus habiles).

Niveau 2 : 9-10 ans


106 L’effort et le résultat sont différenciés en tant que cause et effet. Autrement
dit, l’effort est perçu comme étant la cause principale des résultats. L’enfant
pense que deux efforts identiques conduiront à des résultats égaux.
L’habileté, qui peut accroître ou limiter l’efficacité de l’effort, n’est pas encore
perçue comme un facteur causal séparé.
107 Les enfants de ce niveau observant d’autres enfants qui obtiennent, sur une
tâche quelconque, des scores égaux bien qu’investissant des quantités
différentes d’effort, tentent toujours d’expliquer ces résultats en termes
d’effort. Ils expliquent cela, par exemple, en termes d’effort compensatoire
qu’aurait mis en jeu l’élève qui a fait le moins d’effort (« Il a fait des efforts
réellement intenses pendant un moment », « Il a travaillé dur vers la fin »),
ou bien en termes d’effort mal appliqué par celui qui a fait de gros efforts
(« Il fait trop d’effort », « Il veut aller trop vite et fait des erreurs »).
108 L’habileté et l’effort sont imparfaitement distingués par les jeunes enfants. La
maîtrise d’une tâche obtenue grâce à un effort intense indique une plus
grande habileté que si elle est acquise avec peu d’effort. Néanmoins, les
limites de l’efficacité de l’effort commencent à être tacitement reconnues
lorsqu’un sujet fait plus d’effort qu’un autre mais obtient un score plus bas.
L’enfant reconnaît que celui qui remporte le meilleur score avec moins
d’effort doit être plus habile. Bien que l’efficacité de l’habileté ne soit pas
encore utilisée, la réalité de cette situation est reconnue : les individus sont
correctement classifiés et ordonnés en termes d’effort et de résultat.

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109 En résumé, aux environs de 9-10 ans, l’enfant attribue le résultat obtenu à la
fois à l’habileté et à l’effort. Cependant, les conceptions de compétence et
d’effort ne sont que « partiellement différenciées » (Nicholls, 1978) : en effet,
un enfant de cet âge peut comprendre que quelqu’un réussisse sans s’investir
énormément en étant très habile, mais ce raisonnement n’est pas
systématiquement utilisé.
Niveau 3 : 11-12 ans
110 Le concept d’habileté est utilisé ici de manière intermittente. L’effort n’est
pas l’unique cause des résultats. Les explications fournies lors de
l’observation de résultats identiques obtenus grâce à des efforts différents
comportent des suggestions telles que : « Celui qui a fait le moins d’effort est
plus rapide », « … a une meilleure compréhension » ou « … est
naturellement bon dans l’activité ». Autrement dit, un haut niveau d’habileté
peut compenser un manque d’effort et un bas niveau d’habileté limite les
effets de l’effort. Mais, en même temps, les enfants sont capables d’affirmer
que les élèves ont tous un niveau d’habileté égal, ou bien encore que celui qui
fait le plus d’effort est le plus habile et que lui-même atteindra le même score
que les autres s’il fournit autant d’effort qu’eux.
111 Par ailleurs, à ce stade, les concepts d’habileté et d’effort sont complètement
distingués. L’habileté est perçue comme étant une capacité (Nicholls, 1978 ;
Nicholls et Miller, 1984). L’enfant peut maintenant comprendre que, si deux
athlètes obtiennent des performances similaires dans un sport (par exemple,
vingt points au basket-ball), celui qui ne fournit pas beaucoup d’effort en
attaque doit être plus habile que l’autre, qui a produit davantage d’effort. De
plus, l’enfant de cet âge sait que si les deux athlètes s’engagent maintenant au
maximum de leurs possibilités, celui qui, initialement, s’investissait le moins
aura probablement le score le plus haut. Ainsi, à ce niveau de différenciation,
pour être jugé habile, un individu doit réaliser une performance meilleure
qu’un autre grâce à un effort identique ou faire aussi bien qu’un autre (c’est-
à-dire obtenir une performance égale) sans consentir autant d’effort.
112 À l’instar des jeunes enfants, les adolescents et les adultes pensent qu’un
effort plus intense conduit à des progrès d’apprentissage plus remarquables.
Cependant, pour eux, la constatation de l’apprentissage n’est pas un critère
suffisant pour un jugement valable sur l’habileté. Pour être jugé habile, on
doit apprendre plus que les autres, avec un effort équivalent, ou atteindre un
niveau équivalent de performance, avec moins d’effort que les autres. Les
adultes et les adolescents pensent ainsi que l’habileté limite l’effet de l’effort
sur la performance. Cette perspective est moins subjective que celle du jeune
enfant, en ce sens qu’elle suppose une comparaison de son propre effort et de
ses propres résultats avec ceux des autres.
113 Lorsque l’habileté est considérée comme une capacité et qu’un enfant perçoit
son niveau d’habileté comme étant bas, il comprend que c’est seulement en
investissant davantage d’effort qu’il pourra tenter de réussir une tâche
reconnue difficile. Le fait que le niveau d’habileté puisse limiter l’effet de
quantité d’effort dépensée est compris. Les tâches compétitives sont
considérées comme exigeant à la fois une haute habileté et un effort
maximal.
Niveau 4 : 12 ans et plus

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114 Le concept d’habileté est assimilé ici à celui de capacité, capacité relative par
rapport à celle des autres et qui limite les effets de l’effort. En clair, si le
niveau d’habileté est bas, il peut limiter l’efficacité de l’effort. Si le niveau est
haut, il peut l’accroître. Cette conception est utilisée systématiquement pour
expliquer les comportements et les résultats observés. Elle est aussi utilisée
pour prédire les résultats lorsque les deux élèves consentent de grands
efforts. L’habileté est correctement inférée à partir de l’effort et du résultat, et
les résultats sont perçus comme déterminés conjointement par l’effort et
l’habileté.
115 Chez les enfants de plus de 12 ans, l’augmentation de leur performance
personnelle n’est pas une base suffisante pour qu’ils s’attribuent une haute
compétence. Pour se percevoir habiles, ils doivent comparer le résultat qu’ils
ont obtenu, ainsi que l’effort fourni, avec ceux démontrés par les autres.
116 Il y a un parallèle entre cette tendance du développement et la précédente. La
transition entre les niveaux 1 et 2 d’effort et d’habileté survient environ au
même moment que les conceptions normatives de la difficulté et de
l’habileté.

4 — Chute des effectifs à l’intérieur des fédérations sportives


117 Une constatation qui préoccupe nombre de dirigeants de fédérations
sportives peut trouver ici un début d’explication. Il s’agit de la chute des
effectifs qui concerne une catégorie particulière de la population sportive. On
constate, en effet, qu’avant l’âge de 12 ans, les enfants ne quittent pas les
sports compétitifs. On pourrait même dire, au contraire, qu’ils sont attirés
par eux. En revanche, dès qu’ils atteignent leur douzième année, ils sortent
massivement des structures fédérales. Les recherches de Nicholls que l’on
vient d’exposer fournissent, selon Roberts (1984), une explication à ce
phénomène : les enfants passent par plusieurs stades avant d’être capables
de différencier l’habileté et l’effort et de reconnaître que la réussite nécessite
les deux. Avant 12 ans, les enfants n’ont pas la possibilité de percevoir si leur
niveau d’habileté est suffisant pour réussir dans l’activité. Ils pensent que
l’effort est le facteur déterminant de la réussite. Mais, passé cet âge, ils ont
acquis la faculté de percevoir si leur niveau d’habileté est faible ou élevé : se
jugeant peu habiles, ils peuvent abandonner leur activité. Il est donc
raisonnable de penser avec Roberts (1984) que les enfants abandonnent le
sport de compétition à partir du moment où ils sont réellement capables de
bien différencier les deux causes du résultat, à savoir l’habileté et l’effort.
118 Il faut cependant préciser que ce phénomène ne se produit que si les enfants
poursuivent des buts de résultat, ainsi que nous l’avons analysé plus haut.
Ces buts induisent l’adoption de l’une des deux conceptions possibles de
l’habileté : conception non différenciée ou conception différenciée. Elles
seront décrites au paragraphe suivant. La conception différenciée de
l’habileté est évoquée dès qu’il y a compétition ou processus de comparaison.
119 Ces données appellent, pour la formation des jeunes sportifs, avant et après
l’âge de 12 ans, des procédures pédagogiques sensiblement différentes de
celles qui sont généralement utilisées. Ces procédures auront pour objectif
prioritaire d’empêcher les jeunes pratiquants de faire des évaluations
négatives de leur habileté. Ces pédagogies auront aussi pour finalité d’induire

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chez les enfants le choix de buts d’apprentissage et non pas de buts de


résultat.

Deux conceptions de l’habileté


120 Les recherches sur les niveaux de raisonnement dans le développement de
l’enfant ont permis de mettre en évidence l’existence de deux conceptions
différentes de l’habileté. Dans la première, la moins différenciée, les niveaux
d’habileté et les niveaux de difficulté de la tâche sont jugés en fonction du
sentiment personnel de maîtrise. Plus les individus sentent qu’ils ont appris,
plus ils se sentent compétents. Dans l’autre, la plus différenciée,
l’apprentissage ne constitue pas une base suffisante pour que le sujet se
perçoive comme habile. Le niveau de difficulté de la tâche et le niveau
d’habileté sont jugés comme étant hauts ou bas en comparaison avec
l’habileté des autres membres d’un groupe de référence. Un exemple pris
dans le domaine des activités sportives fera mieux comprendre la différence
entre ces deux représentations de l’habileté. Supposons que l’on demande à
un enfant qui a passé un séjour à la neige quel est son niveau de ski. S’il
répond qu’il est fier de prendre le téléski tout seul, de descendre un slalom
sans tomber, etc., on peut alors en déduire qu’il se sent compétent, dans le
sens le moins différencié, parce qu’il a gagné en maîtrise. S’il déclare avoir
battu tous ses camarades en slalom parallèle alors que ceux-ci étaient autant
entraînés que lui, il emploiera, pour décrire son niveau d’habileté, la
perspective différenciée. En résumé, pour faire la démonstration de son
niveau d’habileté, l’individu utilisera des critères différents, selon qu’il
adopte l’une ou l’autre de ces deux conceptions.
121 Dans la conception la moins différenciée, les jugements sur la difficulté et
l’habileté sont autoréférencés. Les tâches sont jugées difficiles si le sujet
s’attend à échouer. Par suite, le succès témoignera d’une habileté d’autant
plus grande qu’elles lui paraissent plus difficiles. Dans la conception
différenciée, pour qu’un individu puisse juger de sa propre capacité, il doit
comparer l’effort mis en œuvre et la réussite obtenue avec l’effort et la
réussite des autres. Ces jugements sont socialement référencés ou encore
extérieurement référencés.
122 Conditions d’utilisation de chaque conception
123 Quelles sont les causes et les conséquences de l’activation de l’une ou de
l’autre de ces deux conceptions de l’habileté chez l’adolescent et chez
l’adulte ?
124 Rappelons que, dans chacune, les individus ont comme but le développement
ou la démonstration de l’habileté. Ils utiliseront l’une ou l’autre selon la
nature de leurs intentions personnelles. Si celles-ci consistent simplement à
vouloir progresser dans la maîtrise de la tâche, la conception la moins
différenciée est tout à fait nécessaire et suffisante pour permettre d’atteindre
ce but. Ce point mérite une explication.
125 Les méthodes utilisées par Nicholls pour étudier les conceptions de l’habileté
chez les enfants ont été conçues pour mettre en évidence leur démarche
intellectuelle la plus complexe. Mais personne ne fonctionne toujours à ces
niveaux les plus hauts. La pensée, comme l’action, exige de l’attention et de
l’effort et, donc, les pensées les plus complexes requièrent, on s’en doute,

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plus d’effort. Un individu n’utilisera donc pas les concepts complexes si de


plus simples peuvent servir à satisfaire ses intentions. Si son intention est
d’apprendre ou d’accroître sa maîtrise dans une activité, il peut percevoir son
progrès par rapport à ce but sans utiliser la conception entièrement
différenciée de l’habileté. Par conséquent, cette conception plus différenciée
ne doit pas être activée dans les situations où l’apprentissage et la maîtrise
sont une fin en eux-mêmes. Les adultes peuvent obtenir un sentiment de
compétence en employant la conception la plus subjective et la moins
différenciée de l’habileté du jeune enfant. Lorsque l’apprentissage ou la
maîtrise est une fin en soi, ils peuvent juger qu’ils ont atteint ce but sans se
référer à l’effort ou à la performance des autres. Si, dans de tels exemples, ils
choisissent une tâche qu’ils sont incertains de maîtriser (c’est-à-dire une
tâche qui leur pose un défi personnel) et que, par la suite, ils y parviennent,
ils se sentiront compétents. En revanche, si l’individu cherche, par exemple, à
évaluer ses aptitudes motrices, ou encore à savoir si la maîtrise d’une tâche
témoigne de son habileté, il lui faudra employer la conception différenciée,
car elle seule permet une évaluation adéquate du degré d’habileté.
126 Il a été fréquemment observé que les individus tentaient d’augmenter leur
niveau de maîtrise :

s’ils étaient confrontés à des tâches leur offrant une difficulté modérée et
s’ils n’étaient pas placés dans des conditions de compétition ou
d’évaluation de leur valeur personnelle ;
si des récompenses ou renforcements extérieurs à la tâche ne sont pas
prégnants (Csikszentmihalyi, 1977 ; Deci, 1975 ; Eklind. 1971 ; Harlow,
1950 ; White, 1959).

127 Ces conditions entraînent un investissement sur la tâche. Dans de telles


conditions relativement neutres, la démonstration de l’habileté, dans son
sens le moins différencié, est le but de l’action, et la perception d’une maîtrise
accrue grâce à l’effort indique la compétence. Les individus, nous l’avons dit,
ne font pas des jugements complexes si des jugements simples peuvent servir
leurs projets. Dans l’investissement sur la tâche, la conception différenciée
est superflue. Ils n’ont pas besoin de comparer leur propre réussite et leur
propre effort à ceux des autres pour établir qu’ils ont progressé dans leur
maîtrise de la tâche. La conception différenciée de l’habileté n’a pas lieu
d’être employée ici.
128 Les sentiments de compétence ne sont pas absents dans l’investissement sur
la tâche. Les jeunes enfants qui ne sont pas parvenus au stade de la
conception différenciée de l’habileté obtiennent de fortes impressions
d’habileté à partir de leurs réussites. Il en va de même pour les adultes
investis sur la tâche. Autrement dit, lorsque le propre but du sujet est
d’augmenter sa maîtrise personnelle, les succès consécutifs à un effort
intense perçu produiront un sentiment de compétence accru.
129 En revanche, la conception de l’habileté comme capacité sera plus
probablement retenue lorsque la performance (ou l’effort et la performance)
des autres est rendue plus prégnante, ou lorsque l’individu est conduit à
évaluer activement sa propre habileté par rapport à celles des autres. Si
l’attention de l’individu a été attirée par le fait que les autres réussissent

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autant que lui avec moins d’effort, il se sentira incompétent dans le sens plus
différencié du terme. Étant donnée la préoccupation actuelle qui consiste à
rechercher des performances meilleures que celles des autres, tout accent sur
la comparaison sociale des performances et de l’effort doit accroître la
préoccupation des individus sur leur propre niveau d’habileté dans le sens
différencié.
130 Certaines situations d’évaluation peuvent avoir aussi cet effet. Celles où l’on
juge les aptitudes des sujets à l’aide de tests impliquent en général des
évaluations de performance référencées à des normes. Elles augmentent
ainsi la probabilité d’activation de la conception différenciée. Par ailleurs, la
conception différenciée est nécessaire pour procéder à des évaluations
adéquates ou objectives de l’habileté. Si un individu ne compare pas son
effort et sa performance à ceux des autres, il ne peut pas dire si sa
performance est le reflet de la difficulté de la tâche ou de l’effort, ou encore
de son habileté. Autrement dit, il ne peut évaluer efficacement son habileté
sans employer la conception différenciée. Il s’ensuit que l’activation de la
conception différenciée de l’habileté est plus probable lorsque les individus
sont directement concernés par l’évaluation de leur habileté en comparaison
avec celles des autres, c’est-à-dire dans toutes les situations évaluatives, et
plus particulièrement dans celles où le sentiment de compétition est
exacerbé.
131 Il s’ensuit que, lorsqu’un sujet est confronté à une tâche qui lui pose un
problème moteur, le point de départ de l’évaluation personnelle de son
niveau d’habileté passera d’une conception moins différenciée à une
conception plus différenciée, selon l’intensité des facteurs qui induisent des
préoccupations sur la compétence personnelle. Annoncer à des élèves que les
tâches proposées vont être utilisées pour les tester induira chez eux des
préoccupations sur leur compétence personnelle. Celles-ci seront d’autant
plus exacerbées que des habiletés importantes ou socialement valorisées
seront évaluées. La compétition interpersonnelle sur les tâches mettant en
jeu des habiletés complexes fera surgir l’anxiété de savoir qui est le meilleur.
La compétition est donc supposée accroître l’utilisation de la conception
différenciée. Enfin, la manipulation de l’environnement de l’apprentissage,
qui introduit la présence d’observateurs, accroît l’autovigilance sociale et, par
la même occasion, l’auto-évaluation en termes de conception différenciée.

Différences individuelles
132 L’intention du sujet, qui consiste à vouloir faire la démonstration de son
habileté dans le sens différencié ou non, n’est pas seulement induite par des
facteurs situationnels. Vers l’âge de 13 ans, la plupart des enfants ont
maîtrisé la conception de l’habileté en tant que capacité. Comme nous l’avons
vu, l’utilisation de cette conception varie selon les situations. Mais il y a aussi
des raisons de penser qu’il existe des différences individuelles dans
l’utilisation d’une conception plutôt que l’autre. Qu’est-ce qui détermine ces
orientations ? Il semble évident que les conditions sociales produisent des
différences individuelles dans les choix de chacun vers l’investissement sur la
tâche ou sur soi. Parmi ces facteurs personnels, le plus déterminant semble
se situer au niveau des différences individuelles dans le niveau d’habileté
perçue.
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133 Les sujets qui perçoivent leur habileté en-dessous de la moyenne penseront,
lorsqu’ils seront confrontés à une tâche, qu’ils vont probablement démontrer
un manque de capacité, même dans des situations plus favorables à un
investissement sur la tâche. Ils percevront sûrement toutes les tâches comme
autant de tests de leur capacité. Par conséquent, ils seront plus enclins à
l’investissement sur soi.
134 En revanche, les individus qui se jugent très habiles s’attendent à démontrer
cette capacité élevée dans la plupart des tâches. Même dans les cas où ils
peuvent s’attendre à essuyer un échec, celui-ci sera perçu comme le résultat
de la difficulté de la tâche, et non comme la conséquence d’une habileté
médiocre. Autrement dit, ils ne se poseront pas souvent la question de savoir
s’ils peuvent démontrer une haute habileté. La question, pour eux, sera
plutôt de savoir comment maîtriser les tâches ou comment résoudre les
problèmes. Elle ne sera pas de savoir si le résultat de leurs efforts témoignera
de leur habileté. Ainsi, pour ces sujets, la maîtrise de la tâche est
probablement moins perçue comme un moyen pour démontrer une habileté
supérieure. De plus, comme ils sont relativement libérés de toute
préoccupation concernant l’adéquation de leur capacité, ils deviendront
probablement plus investis dans le processus de maîtrise de la tâche,
trouvant même une gratification dans la recherche de cette maîtrise. Il peut
être facile, par conséquent, pour des individus qui ont confiance dans leur
haut niveau d’habileté, d’avoir tendance à s’investir sur la tâche, même à
partir de situations qui privilégient l’investissement sur soi.

Motivation et niveau de difficulté de la tâche


135 Il existe trois types de comportements qu’une théorie de la motivation se doit
d’expliquer.

La sélection par un individu d’une activité parmi une série


d’activités possibles. Ce comportement de choix se retrouve
fréquemment dans la pratique sportive. Par exemple, il s’agit d’expliquer
pourquoi un élève choisit de faire du tennis plutôt que d’autres activités
sportives. Dans le cadre de notre étude sur la difficulté et ses rapports
avec l’apprentissage, ce problème de l’orientation de la motivation sera
abordé uniquement en termes de choix de niveaux de difficulté des
tâches. Les conséquences de ces choix sur les acquisitions des élèves
seront au centre de cette étude.
L’amplitude ou la vigueur de l’action lors de la réalisation
d’une tâche. Qu’est-ce qui cause des variations dans l’intensité de
l’action d’un individu ? Qu’est-ce qui fait, par exemple, qu’un joueur de
tennis qui est mené au score se met tout à coup à « balancer » le match ?
Ce problème, sous l’angle de la difficulté et de l’apprentissage, a déjà été
abordé lors de l’examen de la théorie de Kukla. Mais nous avons vu qu’il
était nécessaire de l’approfondir davantage, car l’on n’observe pas
toujours une augmentation linéaire de l’effort en fonction de la
difficulté, même dans le cas où les tâches sont d’une difficulté
surmontable.
La tendance d’un individu à persévérer pour un temps dans
une direction donnée. Pourquoi un sportif décide-t-il d’abandonner
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une activité sportive ? Pourquoi un autre prolonge-t-il bien au-delà de la


période d’apprentissage la pratique de l’activité ? Ce problème, nous le
verrons, est directement relié aux affects qui accompagnent la
réalisation de tâches variées.

Choix du niveau de difficulté de la tâche


136 La situation de choix se pose généralement quand les élèves peuvent choisir
parmi différentes tâches d’un niveau de difficulté hétérogène (par exemple,
dans ce que l’on appelle « la pédagogie de la découverte » chez les jeunes
enfants, ou bien le choix d’une piste de ski ou un parcours de difficulté
donnée en escalade).
137 À l’intérieur du cadre théorique de la motivation d’accomplissement, le choix
fait par un élève d’un niveau de difficulté donné, parmi d’autres possibles,
peut être compris comme étant une tentative, de sa part, de maximiser ses
chances de démontrer un haut niveau d’habileté, et non l’inverse (Kukla,
1978 ; Nicholls, 1983). Mais ce comportement se produira différemment
selon que les individus seront investis sur la tâche ou sur soi.

1 — Choix du niveau de difficulté dans l’investissement sur la tâche


138 Rappelons que, lorsque les individus sont investis sur la tâche, ils pensent
qu’un effort plus intense conduira à une maîtrise plus grande et à un niveau
d’habileté plus haut. Dès lors, les tâches perçues comme étant très faciles,
c’est-à-dire comme n’exigeant aucun effort pour être accomplies, ne
représentent, pour eux, aucune possibilité de démontrer une grande habileté.
Elles offrent, par conséquent, peu d’intérêt. Par ailleurs, les tâches qui
semblent solliciter un effort maximum contiennent, d’une part, une grande
chance de démontrer un bas niveau d’habileté et, d’autre part, de faibles
chances de faire la démonstration d’un haut niveau d’habileté. Elles ne
représentent pas, elles non plus, un grand intérêt. Ainsi, les tâches les plus
attirantes seront celles qui se situent à un niveau intermédiaire de difficulté
perçue, c’est-à-dire là où les probabilités subjectives de succès restent dans la
moyenne. Dans ces tâches, un haut niveau de compétence peut être
démontré. Il y a bien sûr des différences individuelles concernant le niveau
de difficulté objective pour lequel les individus pensent avoir des chances
modérées de succès. Ils diffèrent par conséquent dans le choix du niveau de
difficulté objective qu’ils préfèrent ; cependant, tous préféreront les tâches
proches de leur propre niveau d’habileté perçue.
139 Lorsque les individus sont investis sur la tâche, ils désirent apprendre. Ils se
sentiront compétents lorsqu’ils constateront qu’ils ont appris. Ainsi, on peut
prédire que les élèves investis sur la tâche se comporteront de telle sorte
qu’ils maximiseront leurs chances d’apprentissage. Ils choisiront les tâches
qui offrent les meilleures chances d’apprentissage d’un niveau optimal et
réaliste de difficulté, non les tâches d’une difficulté impossible ou, au
contraire, les tâches trop faciles. Parce qu’ils espèrent qu’elles leur
permettront de progresser, ils s’engageront à faire les premières et goûteront
la satisfaction de sentir qu’ils ont accru leur maîtrise.
Choix des tâches avec indices de difficulté objective
140 Le choix des élèves, en l’absence d’indices normalisés de difficulté, reflète
leurs différences individuelles dans leur habileté perçue, et cela quel que soit
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leur stade de compréhension de la difficulté. Ceux qui ont maîtrisé la


conception objective de la difficulté comprennent que les tâches les plus
longues ou les plus complexes demandent plus d’habileté. Par conséquent, ils
choisiront la tâche la plus difficile à l’intérieur de celles dont ils pensent avoir
des chances modérées de réussite. Parmi les enfants de ce stade, ceux qui ont
une haute habileté perçue penseront réussir dans les tâches les plus difficiles
et, donc, les choisiront. Les enfants parvenus au stade de la conception
égocentrique de la difficulté choisiront de manière constante les tâches dont
le niveau de difficulté perçue leur laisse penser qu’ils ont des chances
moyennes de réussite. Ce choix se fera au détriment des tâches pour
lesquelles ils sont certains, soit du succès, soit de l’échec.
141 Ainsi, à tous les niveaux de maturité, il y aura des différences individuelles
constantes dans les choix de niveaux de difficulté objective. La conception la
moins différenciée de l’habileté, activée dans l’investissement sur la tâche et
étant, nous l’avons vu, autoréférencée, n’offre pas la possibilité de faire la
démonstration d’un bas niveau d’habileté d’une façon aussi décisive que
possible lorsque l’habileté est jugée relativement à celle des autres.
Néanmoins, dans ce type d’investissement, les enfants peuvent acquérir de
bas niveaux d’habileté perçue, dans le sens le moins différencié, et cela dans
un environnement qui leur offre peu d’opportunité d’augmenter leur niveau
de maîtrise. Considérons, par exemple, un environnement éducatif qui
n’offre aucun problème moteur à des enfants qui n’ont pas encore, ou qui
n’activent pas, la conception différenciée de l’habileté. Ils ne percevront sans
doute jamais l’opportunité de développer ou de démontrer leur compétence.
D’ailleurs, ils tenteront rarement de le faire (Hetherington et Parke, 1975).
Dans ce modèle de conception de l’habileté, nous approchons du zéro absolu
d’habileté perçue. Il s’agit en quelque sorte d’une forme d’impuissance
apprise provoquée par l’absence de difficulté perçue dans l’environnement
proche.
Choix des tâches avec indices de difficulté normative
142 Dans le cas où des indices normalisés de difficulté sont présentés, la situation
s’avère plus complexe. Comprendre que les tâches normativement plus
difficiles demandent plus d’habileté provoque, s’il y a réussite, un succès vécu
avec plus de retentissement. La préférence concernant le niveau de difficulté
de tâches, de la part des enfants ayant la conception normative de la
difficulté, doit donc refléter les différences individuelles dans l’habileté
perçue. Ce n’est pas le cas pour les enfants n’ayant pas atteint ce stade : ils
préféreront, parmi les tâches disponibles, celle qui est normativement la plus
facile mais pas, comme on pourrait le penser, parce qu’ils ont un faible
niveau d’habileté perçue. Ces enfants qui ne comprennent pas que les tâches
normativement les plus difficiles demandent plus d’habileté ne ressentiront
aucune incitation pour les choisir. Pour eux, les normes indiqueront
simplement là où le succès est le plus probable, autrement dit les tâches
réussies par la plupart des enfants.
143 Plus tard, les enfants ayant maîtrisé à la fois les conceptions normative et
objective de la difficulté préféreront des niveaux de difficulté normative et
objective similaires. Ceux qui ont une haute habileté perçue choisiront les
tâches les plus difficiles. En revanche, les choix de ceux qui n’ont pas encore
acquis la conception normative de la difficulté refléteront les différences

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individuelles dans l’habileté perçue uniquement lorsque des indices objectifs


seront présentés. Ainsi, les choix de difficulté normative ou objective ne
seront pas corrélés pour ces enfants. Il y aura cependant des différences
individuelles constantes dans leur choix à travers plusieurs domaines de
difficulté objective.

2 — Choix du niveau de difficulté dans l’investissement sur soi


La conception différenciée
144 La situation est totalement différente lorsque les individus (qui possèdent la
conception différenciée de l’habileté) sont investis sur soi. Là, l’apprentissage
devient un moyen vers le but de démontrer une plus haute capacité que les
autres, et non le contraire. Ainsi, lorsqu’ils sont investis sur soi, ces individus
chercheront probablement à faire des réelles tentatives d’apprentissage s’ils
pensent montrer par ce biais une habileté supérieure. Leur chance de
prouver leur habileté dépend de l’habileté des autres. Ainsi, sur des tâches
normativement faciles, chacun peut faire preuve d’incompétence, mais pas
de compétence. Par contre, sur des tâches normativement difficiles, on peut
démontrer l’habileté, mais pas l’incompétence. Seuls les niveaux moyens de
difficulté normative permettent des performances au-dessus ou au-dessous
de la moyenne, qui indiqueront des capacités faibles ou élevées. Les élèves
qui ont une haute habileté perçue penseront, pour la plupart, qu’ils ont la
possibilité de se montrer compétents. Par conséquent, ils se comporteront
généralement de manière adaptée. Ils sélectionneront les tâches offrant un
degré de difficulté raisonnable et travailleront de manière efficace pour
atteindre leur but.
145 Les individus ayant une haute habileté perçue auront des espoirs modérés de
succès sur des tâches de difficulté normative moyenne. Ils préféreront donc,
dans la catégorie des tâches de niveau de difficulté intermédiaire, celles qui
sont les plus difficiles, et cela en fonction du degré de capacité qu’ils pensent
détenir. Ils ne pensent pas baisser dans le niveau qu’ils peuvent atteindre.
Donc, lorsque des succès répétés à un niveau donné indiquent que le niveau
d’habileté correspondant est atteint, ils peuvent gagner, mais pas perdre, en
habileté perçue en tentant des tâches plus difficiles.
146 Les enfants qui considèrent que leur habileté est d’un niveau inférieur, si on
la compare à celle des autres, sont placés dans une situation complexe. Ils ne
se sentent pas, en général, capables de paraître habiles. Leur investissement
sur soi et la probabilité de paraître ridicule ont déjà comme effet de
développer chez eux l’anxiété qui détériorera leurs performances (Sarason,
1975). Ils s’attendent à échouer sur les tâches de difficulté normative
intermédiaire et, donc, à démontrer une habileté médiocre. Ils doivent donc
éviter ce type de tâches. En revanche, le choix de tâches, ou très faciles ou
très difficiles, leur permet d’éviter de faire la démonstration d’un bas niveau
d’habileté. Généralement, de tels enfants préféreront des tâches d’un niveau
de difficulté extrêmement difficile, même s’ils sont sûrs d’échouer. Ce choix
aura au moins l’avantage de leur éviter de paraître ridicules car personne,
même pas parmi les autres membres du groupe, ne peut espérer réussir dans
un domaine aussi excessivement difficile. Néanmoins, plusieurs cas sont
possibles. En effet, les préférences des individus pour des tâches faciles ou
difficiles dépendent, en fait, d’une part, de leur degré de certitude quant à

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leur manque d’habileté et, d’autre part, de leur niveau d’engagement pour
démontrer une haute habileté, et non l’inverse.
147 Considérons d’abord ceux dont les doutes sur leur compétence ne sont pas
assez fermes pour avoir éteint chez eux tout désir de démontrer un haut
niveau d’habileté. Pour ces individus, le choix de tâches faciles serait
irrationnel parce qu’il ne leur permettrait pas de faire la démonstration d’un
haut niveau d’habileté. C’est uniquement les tâches de difficulté normative
intermédiaire qui leur offrent une chance d’atteindre ce qu’ils recherchent.
Ainsi, ils s’engageront dans des tâches normativement difficiles. Certes, leurs
espoirs de succès sont très faibles, mais l’échec n’est pas synonyme de faible
habileté. Par conséquent, l’éventualité qu’ils détiennent un haut niveau
d’habileté ne peut pas être tout à fait écartée.
148 Des échecs répétés, des expériences malheureuses, peuvent, cependant, avoir
fait naître chez certains la certitude qu’ils manquent de haute habileté. Pour
les individus de cette seconde catégorie, le désir de démontrer un haut niveau
d’habileté est plus faible. Inversement, le désir d’éviter la démonstration d’un
bas niveau d’habileté est plus vif. Un désengagement de la situation serait le
meilleur moyen d’atteindre cet objectif. S’il y a cependant exigence de choix,
la logique est de choisir une tâche normativement facile, demandant peu
d’effort et où le succès indiquera que le sujet n’a pas la basse habileté que
l’échec aurait pu mettre en évidence. Ainsi, ceux qui sont certains que leur
niveau d’habileté n’est pas élevé préféreront les tâches normativement
faciles, celles où ils se donnent de fortes chances de succès. Ceux qui sont
certains que leur niveau d’habileté est très bas et qui ne sont pas engagés à
éviter la démonstration de leur basse habileté considéreront les tâches très
faciles comme étant la seule façon, la plus économique aussi, de se sortir de
la situation.
149 En résumé, trois types d’individus possédant un bas niveau d’habileté
peuvent être distingués. Quelques-uns désirent démontrer une haute
habileté. D’autres, certains de leur faible niveau, manquent du désir de
démontrer une haute habileté. D’autres, enfin, admettent que leur habileté
est faible. Les individus du premier type tendront à sélectionner les tâches où
ils ont un peu d’espérance de succès. Ceux du second et du troisième types
tendront à préférer les tâches où ils ont de hautes probabilités de réussir.
150 Faire la démonstration d’un bas niveau d’habileté, paraître ridicule, peut
ainsi conduire au renoncement. Ici aussi, le terme d’impuissance apprise
(Abramson, Seligman et Teasdale, 1978 ; Dweck et Goetz, 1978) paraît bien
approprié pour de tels enfants. Dès lors, ils opteront pour des tâches très
faciles, dont ils sont sûrs du succès. Mais, ce faisant, ils éviteront aussi
d’apprendre.
151 Autrement dit, ces enfants, très anxieux de ne pas paraître ridicules ou ayant
renoncé à l’espoir de paraître habiles afin d’éviter le ridicule, n’ont aucune
probabilité d’apprendre de manière efficace lorsqu’ils sont investis sur soi.
En revanche, si ces enfants sont investis sur la tâche, leur capacité relative à
celle des autres n’est plus une préoccupation et leur apprentissage ne sera
pas détérioré. De nombreuses études (Nicholls, 1980) ont montré, en effet,
que les individus ayant une basse habileté perçue obtiennent des
performances meilleures dans des conditions d’investissement sur la tâche
que dans des conditions d’investissement sur soi, et à un niveau similaire à
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ceux qui ont une haute habileté perçue. Ceux qui ont une haute habileté
perçue ont des performances similaires dans les deux états. Les conditions
d’investissement sur soi induisent les individus ayant une basse habileté
perçue à choisir les tâches dont le succès ou l’échec sont hautement
probables. Dans l’investissement sur la tâche, leurs choix sont plus réalistes
et les rendront ainsi plus aptes à développer leur habileté.
152 Si l’école ne doit absolument pas mettre en avant la compétition, c’est pour
que les enfants apprennent à être réalistes envers leurs propres habiletés. La
compétition est souvent considérée comme un moyen de récompenser
l’excellence et un moyen d’aider les enfants à évaluer leurs habiletés de
manière efficace. Mais avancer cette théorie, c’est oublier le paradoxe que les
conditions compétitives produisent des niveaux d’aspiration non réalistes et
des niveaux d’anxiété et d’impuissance mal adaptés. Le choix de niveaux de
difficulté réalistes et la performance optimum sont favorisés par
l’investissement sur la tâche. La théorie et les données sur le choix des tâches
et le niveau d’investissement appuient la conception que la mise en place et le
maintien de l’investissement sur la tâche doit être un but éducatif majeur.
La conception non différenciée
153 En considérant les tâches de difficulté normative, nous avons raisonné sur le
choix des individus possédant la conception différenciée de l’habileté. Quel
sera donc le choix de niveau de difficulté pour des enfants moins matures,
c’est-à-dire appartenant au stade de la conception moins différenciée ?
154 Ces enfants se tournent vers des tâches normativement faciles, probablement
parce qu’ils tentent d’imiter l’enfant qui réussit ou parce qu’ils s’aperçoivent
que le succès est plus probable avec ce choix (là où beaucoup d’autres
réussissent). Ils ne ressentent pas qu’un tel succès n’est pas impressionnant.

Difficulté et intensité de l’investissement


155 Analysons à présent la qualité de la réponse une fois celle-ci sélectionnée et
l’engagement pris. On retrouve généralement ce problème de l’aspect intensif
de la motivation dans les situations qui sont appelées « de réalisation
contrainte », c’est-à-dire, selon notre terminologie, lorsque « la tâche est
prescrite ». Ici, il n’y a aucune opportunité pour l’individu de choisir sa
propre tâche. Il doit simplement exécuter une tâche qui lui a été assignée. Il
doit bien sûr décider, soit de s’engager dans la tâche, soit d’abandonner la
situation. Mais le vrai problème de choix se situe plutôt au niveau de
l’intensité que l’individu décide de donner à son comportement. Le niveau de
performance obtenu dépendra en grande partie de ce choix du niveau
d’investissement.
156 La théorie de Kukla (1972a), analysée précédemment, se situe à l’intérieur de
ce champ d’investigation. Elle suppose que le niveau d’effort choisi augmente
de manière linéaire avec la difficulté de la tâche. La position qui sera
développée dans cette partie, et qui repose sur les travaux de Nicholls, établit
que le niveau d’effort peut, dans certain cas, être volontairement diminué par
le sujet lorsque la difficulté s’accroît, et cela, d’une part, en fonction de
l’évaluation qu’il fait de son propre niveau d’habileté et, d’autre part, en
fonction de ses buts d’accomplissement dans l’investissement sur soi (éviter
de paraître ridicule, même lorsque l’effort est intense).

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Choix du niveau d’effort dans l’investissement sur soi


157 Selon le modèle de Nicholls, la quantité d’effort investie augmente (et, par
conséquent, produit une performance meilleure) lorsque l’individu pense
qu’un effort intense est nécessaire pour démontrer une haute habileté dans
son sens différencié. Pour les sujets ayant une haute habileté perçue, ce
phénomène est observé sur des tâches de difficulté intermédiaire. En
revanche, chez ces mêmes sujets, la quantité d’effort, et par suite la
performance, est basse sur les tâches qui semblent faciles et sur celles où
l’échec semble certain, même en supposant que l’on investisse le maximum
d’effort (tâches perçues, respectivement, comme normativement faciles et
extrêmement difficiles). Ces idées ne diffèrent pas, pour l’instant, du modèle
de Kukla.
158 Cependant, les individus ayant un bas niveau d’habileté perçue s’attendent à
faire la démonstration de cette habileté sur les tâches de difficulté normative
intermédiaire. La performance réalisée sur de telles tâches va se détériorer,
mais le mécanisme impliqué dépend du degré de certitude que le sujet a de
son manque d’habileté.
159 Considérons d’abord les individus dont l’habileté perçue est basse, mais pas
suffisamment pour avoir écarté chez eux le désir de démontrer une grande
habileté. Cette envie maintient l’effort. Cependant, la peur de faire preuve
d’un manque de capacité personnelle produira des affects négatifs et une
détérioration de la performance par le biais de l’anxiété.
160 En revanche, les individus qui pensent avoir des chances très faibles de
pouvoir démontrer une grande habileté ont un désir moindre d’atteindre ce
but et s’engagent davantage vers celui d’éviter de paraître médiocre. Puisque,
dans l’investissement sur soi, l’échec indique un bas niveau d’habileté quand
l’effort est élevé, la probabilité d’autoréduction de l’effort sera plus haute
pour ces individus que pour les autres. Elle augmente à des niveaux de
difficulté intermédiaire. Un résultat plus extrême encore se produit pour les
individus qui sont tellement certains de leur bas niveau d’habileté qu’ils
abandonnent même toute idée d’éviter la démonstration d’une faible
habileté. De tels individus évitent de devenir investis sur soi dans la tâche en
question. Le terme d’impuissance apprise peut être aussi utilisé ici.
161 Lorsque des individus à basse habileté perçue sont confrontés à des tâches
normativement faciles ou difficiles, ils cherchent à éviter la démonstration
d’une basse habileté. L’effort est intense sur les tâches faciles où l’échec — qui
indiquerait une basse habileté — semble évitable. Cet effort, et ainsi le niveau
de performance réalisé, est plus intense pour les individus ayant une basse
habileté perçue que pour ceux qui, ayant une haute habileté, s’attendent à un
succès aisé sur les tâches faciles. Si la tâche est perçue comme
normativement difficile, un effort intense (excepté au plus bas niveau
d’habileté perçue) sera produit en raison de l’engagement pris de réussir. Par
conséquent, la performance d’individus à basse habileté perçue est plus
haute lorsque les tâches sont perçues normativement faciles ou difficiles
plutôt que d’un niveau de difficulté intermédiaire. On ne retrouve donc pas
ici la progression linéaire du niveau d’effort en fonction de l’augmentation de
la difficulté de la tâche décrite par Kukla.

Rôle de la connaissance des résultats


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31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions

162 Après l’accomplissement de la tâche, la connaissance des résultats normatifs


témoigne du niveau d’habileté dont l’individu peut probablement faire la
démonstration.
163 Lorsque, dans l’investissement sur soi, la connaissance des résultats indique
une performance au-dessous de celle des autres, les individus à basse
habileté perçue s’attendent à paraître incompétents. En conséquence, ils
réduisent leur effort, détériorant plus encore la performance. Lorsque la
connaissance des résultats indique une performance au-dessus de la
moyenne, ces mêmes individus (s’ils ne sont pas certains que leur habileté est
basse) estiment avoir fait la preuve d’une habileté élevée et persévèrent afin
de maintenir cette perception. Lorsque les sujets sont certains de leur bas
niveau d’habileté, la perception du succès ne produit aucun effort intense.
Inversement, pour les individus à haute habileté perçue, la connaissance de
résultats qui indiquent une performance au-dessous de la moyenne gifle
leurs espérances. Ils vont donc redoubler d’effort pour obtenir ainsi une
haute performance. En revanche, les feedback normatifs élevés ont pour effet
de confirmer leur haute habileté perçue. Ces sujets pensent alors qu’ils
peuvent se permettre d’investir moins d’effort, entraînant une diminution de
leur performance.
164 Pendant des années, on a accordé à la connaissance des résultats des effets
positifs sur l’apprentissage et la performance. Les idées développées ci-
dessus révèlent que, dans certaines circonstances et pour certains sujets, elle
peut avoir des effets négatifs.

Choix du niveau d’effort dans l’investissement sur la tâche


165 Lorsque les individus sont investis sur la tâche, la quantité d’effort qu’ils
décident d’investir reflète leur degré de certitude quant à leur possibilité de
progresser. S’ils pensent qu’un effort intense est nécessaire pour faire naître
un progrès, ils s’y emploieront. S’ils estiment au contraire que peu d’effort est
nécessaire ou qu’un effort intense n’a pas d’effet, la quantité d’effort et, ainsi,
la performance diminueront. Les individus diffèrent en ce qui concerne le
niveau de difficulté dont ils espèrent améliorer la maîtrise. Par suite, ils
diffèrent également en ce qui concerne le niveau de difficulté où leur
performance est la meilleure. Cependant, si les niveaux de difficulté fournis
(normatif ou objectif) ne sont pas extrêmes, la plupart des individus
s’attendent à être capables de progresser. Comme ceci est une fin en soi, ils
appliqueront un effort intense pour maximiser leur maîtrise et leur habileté
perçue et, ainsi, enregistreront de meilleures performances. Ces idées
correspondent dans ce cas à celles exprimées par Kukla (1972a).
166 Dès lors, si l’on compare les conditions d’investissement sur la tâche et
d’investissement sur soi, la préoccupation des individus investis sur soi et
ayant une haute habileté perçue est de réaliser de meilleures performances
que les autres. Leur espoir est d’être capables d’y parvenir et, dans ce but, ils
maintiennent un effort intense et obtiennent une performance efficace sur les
tâches de difficulté normative intermédiaire. Pour les individus à basse
habileté perçue placés devant des niveaux de difficulté intermédiaires, on
observe une détérioration de la performance dans l’investissement sur soi,
mais pas dans l’investissement sur la tâche.

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31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions

Difficulté et persévérance
167 Un des objectifs importants que l’éducateur physique doit se fixer est celui
qui vise à prolonger son action au-delà du cours proprement dit. Cela est
surtout vrai en ce qui concerne l’attitude affective du pratiquant vis-à-vis de
la discipline sportive enseignée. Lorsqu’un éducateur physique donne un
cours de gymnastique, de tennis, de ski, son but n’est pas seulement de faire
apprécier l’activité qu’il enseigne pendant la durée du cours. À lui de
s’intéresser aussi à ce que fera le pratiquant une fois le cours terminé et,
surtout, à ce que sera son attitude affective vis-à-vis du sport pratiqué. En
d’autres termes, l’objectif visé est un objectif d’attitude, de motivation. Il
consiste à tout faire pour que le pratiquant apprenne à aimer l’activité
sportive enseignée. Chacun peut se rendre compte de l’importance de cet
objectif, qui participe à une finalité beaucoup plus générale : celle d’éviter
que de nombreux pratiquants d’aujourd’hui s’éloignent, demain, de la
pratique physique et sportive. Nous soutenons donc que l’éducateur physique
doit faire en sorte que le pratiquant ait, vis-à-vis du sport pratiqué, l’attitude
la plus positive.
168 Rappelons ici que la relation entre apprentissage et motivation n’est pas
univoque, mais réciproque. On ne doit pas uniquement penser qu’il faut être
motivé pour apprendre. L’apprentissage conduit aussi, dans certaines
circonstances, à être motivé davantage pour apprendre. C’est ce dernier
aspect qui sera plus particulièrement développé dans cette partie.
169 L’objectif qui consiste à faire aimer les activités sportives s’avère être d’une
difficulté extrême, voire utopique, tant que sa définition reste vague. Peut-on
l’opérationnaliser, c’est-à-dire la traduire en termes de comportements
observables ? Dire d’un pratiquant qu’il a acquis une attitude positive envers
un sport particulier signifie, certes, qu’il en parle favorablement, lit tout ce
qui s’y rapporte, etc., mais signifie surtout qu’il le recherche et s’y soumet
aussi longtemps que possible. L’attitude positive, ici, se traduit par une
conduite de contact.
170 En revanche, dire d’un pratiquant qu’il a acquis une attitude négative vis-à-
vis d’un sport signifie qu’il essaiera de s’y soustraire, de ne plus fréquenter
ses anciens partenaires sportifs, etc. L’attitude négative se traduit ici par une
conduite d’évitement.
171 Ici encore, il ne s’agit pas d’aborder ce problème dans toutes ses dimensions.
Notre approche sera centrée uniquement sur la difficulté et tentera de fournir
des éléments de réponse à la question : Est-ce que la manipulation du degré
de difficulté des tâches est susceptible d’influer sur les affects ressentis par le
pratiquant lors de ses activités d’apprentissage ?
172 Mais avant de chercher à répondre à cette question, il semble utile de décrire
quelques-unes des conditions que doit s’efforcer d’établir l’enseignant afin
d’établir un climat favorable à la mise en place d’une motivation à pratiquer
les activités sportives.
173 L’éducateur physique doit organiser ses activités d’enseignement afin que le
pratiquant soit à la fois dans des conditions déplaisantes aussi réduites que
possible ou dans des conditions favorables.

Une condition est dite déplaisante lorsqu’elle entraîne une gêne


physique ou mentale que le pratiquant essaie d’éviter. Il s’agit de tout
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événement susceptible de l’amener à douter de sa propre valeur, à


perdre son amour-propre, sa dignité, susceptible en un mot de le
rabaisser. L’humiliation et l’embarras peuvent certainement surgir
quand la situation lui fait honte, l’avilit ou le dégrade. Ces affects
négatifs peuvent provenir de divers comportements de l’enseignant,
mais ils peuvent aussi surgir du fait du degré de difficulté de la tâche
assignée à l’élève. L’humiliation peut apparaître quand il fait la
démonstration d’une basse habileté. L’embarras ou la gêne peuvent
survenir par manque d’effort. Une diminution de l’effort peut, on l’a vu,
être décidée afin d’éviter de paraître ridicule. Il est d’autres événements,
moins manifestes, certes, mais tout aussi néfastes : la douleur, la peur,
l’angoisse, la frustration en font partie. Une tâche trop difficile est
susceptible de provoquer ces réactions affectives négatives. L’ennui peut
naître aussi de tâches trop faciles. Ainsi, une activité sportive, chargée à
l’origine d’aucune signification particulière, peut provoquer des
conduites d’évitement si le pratiquant qui l’aborde est confronté en
même temps, et à plusieurs reprises, à des tâches trop faciles ou trop
difficiles qui entraînent des expériences pénibles.
Inversement, on appelle condition positive ou favorable, tout
événement agréable survenant lors du contact entre le pratiquant et
l’activité. Ce seront des circonstances qui mènent à des expériences
réussies qui flattent son amour-propre, enrichissent l’image qu’il a de lui
et lui confèrent une plus grande assurance : les approbations et
encouragements prodigués à l’occasion de bonnes performances. Mais
pour ce qui concerne notre approche, ce seront surtout les circonstances
qui lui permettront de démontrer son habileté et de développer ainsi sa
motivation d’accomplissement : tâches de difficulté acceptable,
susceptibles de faire naître des réactions affectives positives de type
gratifiant.

174 Lorsqu’une activité sportive enseignée est assortie de conséquences


agréables, elle détient le pouvoir de déclencher, chez le pratiquant, des
conduites d’approche.
175 Parvenus à ce stade, il convient d’examiner les liens entre la difficulté de la
tâche et les affects, conséquence des tentatives d’accomplissement.

Relation difficulté - plaisir


176 Un pratiquant tendra à rester en contact avec une activité ou une tâche en
fonction des affects ou sentiments positifs qu’il espère pouvoir recevoir. Il
tendra à les éviter en fonction des affects négatifs que l’accomplissement de
la tâche peut lui amener. Ces anticipations constituent, soit la valeur d’attrait
de cette activité (ou tâche), soit la valeur d’évitement. Elles font partie de ce
que l’on appelle l’expectation. Il s’agit d’une anticipation cognitive,
habituellement activée par les indices de la situation. La force d’une
expectation peut être comprise comme étant la probabilité subjective qu’une
conséquence suivra un acte donné.

Succès, difficulté optimale et plaisir intrinsèque

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177 Une partie des travaux de Harter a été consacrée à la redéfinition et à


l’extension du modèle de White sur la motivation d’accomplissement. Un des
aspects particuliers de la théorie de White est le sentiment de plaisir, ou
sentiment d’efficacité, que les enfants éprouvent lorsque leurs tentatives de
maîtrise d’une tâche réussissent. Selon cet auteur, le succès ou le sentiment
de compétence qui en découlent sont sources de plaisir. Ce qui pousse un
individu à agir et à accomplir des tâches, c’est le besoin de se sentir
compétent. Les succès qu’il connaît dans ces situations s’accompagnent
d’affects positifs qui, en retour, vont accroître son désir de récidiver. Harter a
développé et reprécisé cette caractéristique particulière du modèle de White
selon lequel il est nécessaire d’examiner la nature précise de la relation entre
le degré de difficulté de la tâche et la quantité de gratification qui découle de
son accomplissement. L’hypothèse de White, assez simple, repose sur une
conception du « tout ou rien » qui consiste à dire que le succès produit du
plaisir et l’échec non. Cependant, il ne suffit pas de réussir pour se sentir
compétent et en ressentir du plaisir. Il faut que la tâche dans laquelle on a
connu le succès soit suffisamment difficile. C’est la raison pour laquelle
Harter émet l’hypothèse supplémentaire que le degré de gratification doit
être une fonction positive du niveau de difficulté présenté par la tâche.
Harter a développé successivement deux modèles, plus élaborés, de la
relation entre le degré de difficulté de la tâche et le plaisir (figure 34).
178 1 — Dans deux études, Harter (1974) a mis en évidence une relation linéaire
positive claire entre, d’une part, le plaisir, identifié par le sourire, et d’autre
part, le niveau de difficulté objective des tâches qui étaient accomplies avec
succès. En d’autres termes, plus le problème résolu était difficile, plus le
sourire était manifeste. Ces résultats suggèrent que le plaisir maximum est
procuré par la maîtrise des tâches les plus difficiles que l’enfant est capable
d’accomplir. En revanche, les problèmes les plus facilement résolus sont
relativement peu gratifiants.
179 Cependant, un examen plus étroit de certaines des données a laissé penser
que ce modèle pouvait être trop simple : le résultat le plus significatif de cette
relation a surtout été observé chez le meilleur des enfants concernés, très
habile sur les tâches les plus difficiles. Par contre, pour les autres enfants,
capables malgré tout de résoudre un certain nombre de difficultés, l’analyse
de leurs commentaires verbaux, les observations et la comparaison de leurs
scores de « sourire » suggéraient qu’ils ne faisaient pas l’expérience de plaisir
maximum sur ces tâches. Ces enfants semblaient évaluer négativement leur
exécution du fait de la quantité des temps et d’effort requis. Des sentiments
de désagrément, de gêne, de frustration, etc., semblaient atténuer leur
gratification malgré leurs succès.
180 2 — Ces constatations ont conduit Harter à remplacer ce modèle par un
modèle curvilinéaire (figure 34). Autrement dit, cette relation positive entre
le plaisir et le niveau de difficulté peut fort bien ne pas se poursuivre pour les
tâches les plus difficiles qu’un individu est néanmoins capable de maîtriser. Il
semble, au contraire, qu’il y ait certaines tâches, très difficiles, que des sujets
peuvent accomplir avec succès, mais dont ils n’obtiennent pas la gratification
maximum, et cela probablement pour les raisons déjà évoquées.
181 À partir de ces considérations, Harter a défini les tâches de difficulté
optimale : il s’agit de situations qui, tout en étant relativement difficiles, font
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naître le plus grand sentiment de compétence et la plus grande satisfaction


et/ou plaisir.
182 Poursuivant son expérimentation, Harter a voulu complexifier plus encore
les tâches prescrites : aux problèmes présentés aux sujets dans les études
antérieures et qui étaient des anagrammes de 3, 4 et 5 lettres, elle a ajouté
des anagrammes de 6 lettres en demandant, en outre, aux enfants d’évaluer
la difficulté de chaque anagramme. Il semblait envisageable, en effet, que la
relation entre le plaisir et la difficulté perçue puisse fournir le test le plus fin
du modèle curvilinéaire proposé.

Figure 34 — Deux modèles de la relation entre la difficulté de la tâche et le


plaisir (d’après Harter, 1978b).
183 Finalement, afin de déterminer si les données verbales éclairaient la
construction de la difficulté optimale, elle a questionné les sujets sur leurs
préférences concernant seulement les anagrammes réussies et sur les raisons
de leurs choix.
184 Bien que le sourire puisse être un indicateur assez fiable du plaisir
qu’éprouvent les enfants à réaliser des tâches de difficulté optimale, d’autres
critères sont nécessaires pour que l’enfant puisse formuler la difficulté
optimale. Il lui faut un éventail de tâches pour choisir. Cette conception est
logique avec la conception de la motivation intrinsèque de Deci (1975), qui
postule que l’on n’est pas seulement motivé pour vaincre une difficulté
lorsqu’elle est présentée, mais que les individus recherchent les situations de
difficulté optimale. Ainsi, afin d’étudier cette hypothèse, Harter (1977) a
utilisé un paradigme de choix. Dans une phase préliminaire, elle a présenté
aux enfants des anagrammes appartenant à chacun des quatre niveaux de
difficulté, cela dans le but de les familiariser avec la tâche et de leur
permettre d’avoir un sentiment de leur propre compétence par rapport à
chaque niveau. Dans une seconde phase, elle a permis aux sujets de choisir
lequel, parmi les différents niveaux de difficulté, ils préféraient.
185 Les résultats ont mis en évidence une relation linéaire positive entre le
sourire et le niveau de difficulté uniquement pour les trois premiers niveaux,
tandis que, pour les anagrammes de 6 lettres, il subsistait une légère
atténuation des sourires (comparativement à ceux accompagnant la réussite
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31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions

des problèmes de 5 lettres). Ces résultats suggèrent que les sujets en sont au
commencement du modèle curvilinéaire décrit plus haut.
186 De plus, dans cette expérience, lorsque la relation plaisir — difficulté a été
examinée, non pas en fonction de la difficulté objective, mais en fonction de
la difficulté perçue (que les sujets évaluaient sur une échelle en quatre
points), la configuration précédente était encore plus forte. Autrement dit,
une relation linéaire positive a été mise en évidence entre le sourire et les
trois premières catégories d’estimation de la difficulté : très facile, facile et
difficile. Par contre, l’intensité des sourires baissait fortement pour les
tâches jugées très difficiles. De plus, l’analyse des commentaires verbaux
fournis par les sujets appuyait fortement l’idée que, même si les sujets étaient
capables de résoudre quelques-unes des anagrammes les plus complexes, ils
aimaient moins ces efforts de résolution que leurs succès sur les tâches,
certes difficiles, mais pas de manière aussi excessive. La variable qui semble
avoir joué un rôle déterminant dans ces expériences successives est le temps
de résolution. Les sujets étaient extrêmement sensibles à la dimension temps
et exprimaient verbalement une non-satisfaction sur leur réalisation
lorsqu’ils ressentaient que le temps de solution était trop long.
187 Ces études sont centrées sur la motivation intrinsèque. Qu’en est-il du choix
du niveau de difficulté lorsque des récompenses extrinsèques sont
présentées ? Dans deux études, Condry et Chambers (1978) ont montré que
des élèves à qui était donné de l’argent choisissaient de manière significative
des tâches plus faciles que ceux qui ne recevaient rien. La performance de ces
élèves a été considérée comme motivée par un désir d’obtenir la stimulation
externe de la manière la plus aisée possible.

Affect et nature de l’investissement


188 Existe-t-il des affects associés à l’effort perçu et à l’habileté perçue ? Dans le
cadre des théories de l’attribution, Weiner et ses collègues ont défendu l’idée
de l’existence de liens spécifiques entre différentes sortes d’affects et
différentes attributions. Weiner, Russel et Lerman (1978), Brown et Weiner
(1984) ont examiné, par exemple, les relations entre les attributions d’effort
et d’habileté et les sentiments de gêne, d’embarras et de culpabilité. Ils ont
trouvé que ces sentiments étaient associés à l’attribution d’une faible habileté
perçue, mais pas à un faible effort perçu. La culpabilité, d’un autre côté, était
associée à un faible effort perçu, mais non à une faible habileté perçue.
Lorsqu’il a un succès qu’il peut attribuer à son effort, l’individu se sent fier de
lui, et un échec par manque d’effort lui confère un sentiment de honte
(Weiner, 1972). Par ailleurs, Lanzetta et Hannah (1969) ont trouvé que le
maximum de fierté est ressenti quand l’individu parvient au succès en
déployant un gros effort, malgré une habileté médiocre, et que le maximum
de honte est éprouvé lorsqu’il sait qu’il n’a pas fourni tous ses efforts.
189 Cependant, dans cette relation entre les attributions et les affects, il est
implicitement supposé que les significations de l’effort et de l’habileté restent
fixées alors que, dans l’hypothèse de Nicholls, ces significations peuvent
changer en fonction de l’état de motivation. Cela signifie que les liens
attribution - affects peuvent aussi être sujets au changement. Considérons,
en premier lieu, la fierté, qui est un sentiment de valeur personnelle
(Covington et Omelich, 1984), et prenons uniquement le cas où l’individu
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parvient à maîtriser la tâche. Dans les situations d’investissement sur la


tâche, un effort plus intense est fortement associé à une fierté plus grande. Il
n’en est pas de même dans les situations d’investissement sur soi. En effet,
lorsque les individus sont investis sur la tâche, la maîtrise qui découle d’un
effort intense témoigne d’un plus grand accomplissement et d’une plus
grande habileté. En revanche, dans l’investissement sur soi, un effort plus
intense que les autres conduisant à un résultat identique témoigne d’une
habileté plus basse. Ainsi, les associations entre l’effort et la fierté doivent
être réduites ou négatives dans les contextes d’investissement sur soi.
190 Considérons ensuite la culpabilité et la gêne. Brown et Weiner (1984) ont
défendu l’idée que la gêne est occasionnée par la perception de
l’incompétence. Ce sentiment doit être amplifié dans les conditions
d’investissement sur soi lorsque l’on utilise un effort plus intense pour
réaliser une performance égale à celle des autres. D’un autre côté, dans l’état
d’investissement sur la tâche – où la maîtrise indique une plus haute
compétence lorsque l’effort est intense –, la gêne doit être réduite par un
effort accru. La culpabilité, selon Brown et Weiner, est occasionnée par la
perception d’effort moindre (c’est-à-dire que le sujet se sent coupable s’il ne
fait pas de son mieux, s’il ne s’investit pas au maximum). Cette relation est
présente simultanément dans les conditions d’investissement sur la tâche et
sur soi. Ainsi, l’effort devient une épée à double tranchant (Covington et
Omelich, 1984) dans les situations d’investissement sur soi, où le manque
d’effort réduit, certes, la gêne, mais accroît la culpabilité. Par ailleurs, dans
les conditions d’investissement sur la tâche, un effort intense indique la
compétence et réduit simultanément la culpabilité et la gêne.
191 Dans l’investissement sur la tâche, un haut effort perçu maximise les affects
positifs (fierté et sens de l’accomplissement) et minimise les affects négatifs
(culpabilité et gêne). Ainsi, les individus émotionnellement investis sur la
tâche ont peu à perdre s’ils mettent en œuvre un effort intense. Dans
l’investissement sur soi, lorsque l’on parvient au succès avec moins d’effort
que les autres, des sentiments mêlés surgissent. D’un côté, la culpabilité, et
de l’autre, la fierté et le sentiment d’accomplissement sont maximisés par un
effort faible (étant donné une performance égale). La gêne est, dans ce cas,
réduite. En revanche, la gêne et l’embarras sont accrus par un effort plus
intense. Ainsi, il y a des gains et des pertes émotionnels associés, soit à un
effort faible, soit à un effort intense, pour les individus investis sur soi : ou
bien ils diminuent leur effort, ce qui leur permet d’accroître leur habileté
perçue mais ne leur permet pas de progresser dans leur habileté ; ou bien ils
augmentent leur effort, mais alors ils diminuent leur sentiment de
compétence, accroissent leur habileté et leurs chances de succès.
192 On peut résumer ce dilemme posé dans l’investissement sur soi en concluant
que l’effort est vertueux, certes, mais qu’être habile prévaut (Nicholls, 1976).
Le manque d’effort décuple la culpabilité, émotion qui s’accompagne de
connotations morales. Un effort intense peut, en diminuant l’habileté perçue,
diminuer la fierté et le sentiment d’accomplissement. Par ailleurs, la
perception de l’habileté accroît le sentiment de fierté (Covington et Omelich,
1984).

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence
OpenEdition Books, sauf mention contraire.
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31/01/2024 20:48 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage moteur - INSEP-Éditions

Référence électronique du chapitre


FAMOSE, Jean-Pierre. Chapitre 5. Difficulté perçue – habileté perçue et apprentissage
moteur In : Apprentissage moteur et difficulté de la tâche [en ligne]. Paris : INSEP-Éditions,
1990 (généré le 31 janvier 2024). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/insep/1314>. ISBN : 978-2-86580-255-5. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.insep.1314.

Référence électronique du livre


FAMOSE, Jean-Pierre. Apprentissage moteur et difficulté de la tâche. Nouvelle édition [en
ligne]. Paris : INSEP-Éditions, 1990 (généré le 31 janvier 2024). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/insep/1301>. ISBN : 978-2-86580-255-5. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.insep.1301.
Compatible avec Zotero

Apprentissage moteur et difficulté de la tâche


Jean-Pierre Famose

Ce livre est cité par


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Cury, François. Sarrazin, Philippe. (1993) Cognition et performance. DOI:
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(2014) L’intelligence tactique. DOI: 10.4000/books.pufc.10648
Delignières, Didier. (1993) Cognition et performance. DOI:
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