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31/01/2024 20:47 Apprentissage moteur et difficulté de la tâche - Chapitre 3.

Difficulté et classification des tâches motrices - INSEP-Éditions

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INSEP-
Éditions
Apprentissage moteur et difficulté de la tâche | Jean-Pierre Famose

Chapitre 3. Difficulté et
classification des
tâches motrices
p. 59-96

Texte intégral

Vers un système quantitatif de classification des


tâches motrices
1 Monter à cheval, exécuter une descente à ski, danser, lancer une fléchette sur
une cible, frapper une balle de tennis, faire du trampoline, etc., sont des
habiletés différentes et spécifiques. Toutes appartiennent cependant à la
catégorie « habileté motrice ». Dès lors, comment énoncer des
recommandations générales ou des suggestions sur la manière d’enseigner et
de doser la difficulté ? Ces différentes propositions doivent à la fois s’appuyer
sur ce que l’on connaît de l’apprentissage moteur humain et être applicables
à des habiletés motrices diverses (et non pas, comme c’est souvent le cas, à
une seule habileté).
2 Les nombreuses tâches motrices que l’on peut observer dans les activités
sportives et qui requièrent ces multiples formes d’habileté ne sont donc pas,
à première vue, forcément comparables. Non seulement, elles mobilisent des
aptitudes ou des processus internes différents, mais elles diffèrent aussi dans
leurs propriétés objectives, dans leurs caractéristiques intrinsèques.
3 Cette très grande variété semble décourager, a priori, toute tentative de
systématisation et de classification. Pourtant, la comparaison des tâches
entre elles, appréhendant leurs difficultés en termes de similarité ou de
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différence, est indispensable. Parvenir à constituer un ou plusieurs systèmes


de classification des tâches motrices apparaît ici d’une impérieuse nécessité
si l’on veut améliorer l’efficacité de l’enseignement et de l’entraînement,
organiser la recherche, assurer la comparaison des résultats et aboutir ainsi à
un véritable savoir scientifique dans le domaine de la performance sportive,
de l’apprentissage moteur et de l’enseignement des APS.
4 La recherche de points communs entre les tâches motrices vise à élaborer un
corps de connaissances pratiques générales applicable à l’ensemble des
activités physiques et sportives. La mise au point d’un tel système présente
en effet plusieurs avantages.
5 Il satisfera en premier lieu une exigence d’ordre, c’est-à-dire introduira une
logique dans le champ des tâches motrices, en les distribuant selon certaines
de leurs caractéristiques reconnues comme pertinentes et en même temps
dépourvues d’ambiguïté. Sokal (1974) définit la classification comme
l’ordonnancement ou l’arrangement d’objets en groupes ou catégories sur la
base de leurs relations. Les relations peuvent reposer sur des propriétés
observables ou inférées. Non seulement elle fournira un cadre, les
organisant, situant le niveau de difficulté des unes par rapport à celui des
autres, les rendant ainsi comparables, mais elle aura aussi une valeur
heuristique dans la mesure où elle permettra :

d’abord d’inspirer des recherches empiriques pour valider sa structure ;


ensuite de découvrir les variables qu’elle laisse prévoir (performance,
apprentissage, motivation etc.) ;
enfin de construire ou d’identifier des tâches motrices d’un niveau de
difficulté désiré. Ce but sera atteint en recherchant les relations entre ce
qui est classé (les tâches motrices) et des variables sélectionnées pour
leur intérêt, notamment : comment permettre d’apprendre ? Comment
motiver ? Comment prédire ? etc. En bref, l’intérêt essentiel d’un
système de classification des tâches motrices, surtout si l’on pense au
problème de la difficulté évoqué dès l’introduction de ce livre, sera de
permettre à l’éducateur physique ou à l’entraîneur une meilleure
généralisation et une meilleure conception de son intervention.

Permettre la généralisation
6 Les praticiens, en général, découvrent empiriquement des méthodes ou des
procédures susceptibles de favoriser l’acquisition des habiletés sportives.
Cependant, ces connaissances sont spécifiques à leur discipline. Les
généralisations d’une activité à l’autre sont impossibles, sinon très limitées.
7 Pour se convaincre du handicap, voire de l’impossibilité de communication
entre spécialistes et chercheurs dans le domaine du sport, reprenons les
propos de Robb (1972a). Selon cet auteur, l’entraîneur de basket-ball ne parle
pas du même mouvement que l’expert en gymnastique. L’entraîneur de
natation décrit un autre type de tâches que l’entraîneur de football. L’expert
en biomécanique a un langage différent de celui de l’expert en psychologie de
l’exercice ou en apprentissage moteur. Les étudiants s’embrouillent dans la
compréhension des différents modèles de mouvement. Ainsi, il n’existe
aucune communication : « Les experts de différents sports ne
communiquent pas de manière efficace entre eux parce que les points

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communs à l’intérieur des différents sports n’ont pas été identifiés et


catégorisés. La communication est possible. Les points communs existent.
La communication peut être augmentée si un système rationnel de
classification peut être développé. »
8 Selon Magill (1985), la généralisation des concepts et des connaissances sur
l’apprentissage des habiletés motrices peut être facilitée par les tentatives de
classification des habiletés motrices en catégories générales. Cette
classification est utile, selon lui, en ce qu’elle permet de considérer les
habiletés motrices selon leurs points communs et non leurs divergences :
ainsi, piloter un avion et jouer du piano semblent être des habiletés motrices
parfaitement étrangères l’une à l’autre. Cependant, si l’on observe leurs
composants sous-jacents, des similarités peuvent être dégagées. Ce point
retient notre attention pour la conception de l’enseignement. Les deux tâches
comportent des réponses sérielles. Autrement dit, pour les mener à bien, un
certain nombre de mouvements distincts doivent être réalisés dans un ordre
très spécifique. Si une partie des mouvements est oubliée ou si l’ordre est
suivi de manière non appropriée, la probabilité de réalisation adéquate de ces
habiletés est diminuée. Ainsi, des généralisations peuvent être faites
concernant l’apprentissage d’habiletés comprenant des réponses sérielles.
Les habiletés « jouer du piano » et « piloter un avion » peuvent ainsi être
mises en rapport lorsque ces généralisations sont appliquées aux habiletés
motrices spécifiques. Il devient évident que la classification, bien qu’elle ne
soit pas un processus aisé et infaillible, aidera à mettre en évidence les
facteurs ou éléments communs à toutes les habiletés motrices.
9 L’exemple de Magill ne fait pas à proprement parler partie du domaine de
l’EPS à l’école. Mais il nous est apparu pertinent ici parce qu’il permet
d’illustrer l’idée que le processus de généralisation, indispensable à
l’enseignement des habiletés motrices dans leur ensemble, repose sur un
système de classification des tâches motrices.
10 Fleishman et ses collaborateurs ont eux aussi associé le besoin de
généralisation à celui de classification : « Par essence, ce qui est nécessaire,
c’est une théorie de l’apprentissage et de la performance qui attribue un rôle
central aux dimensions de la tâche. » Par cette formule, Fleishman et
Quaintance (1984) expriment le besoin actuel d’un système qui devrait
permettre des généralisations et des prédictions meilleures sur la manière
dont différents facteurs affectent l’acquisition des habiletés humaines et la
performance en général.

Favoriser la conception
11 Un système de classification des tâches permet certes de faire des
généralisations mais aussi aide l’éducateur à mieux concevoir ses
interventions. Connaître toutes les caractéristiques des tâches, ainsi que leurs
possibilités de variation et leurs différentes combinaisons, lui assurera une
plus grande efficacité. Afin de l’aider dans cette estimation des paramètres de
la difficulté et dans la manipulation de ceux-ci, une théorie de l’enseignement
des habiletés motrices doit mettre au centre de ses préoccupations la
construction de systèmes de classification quantitatifs des caractéristiques
objectives des tâches motrices.

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12 Nous ne considérons pas la classification des tâches motrices comme une fin
en soi. Nous la concevons plutôt comme un instrument, un outil, à mettre
dans les mains des enseignants et des entraîneurs afin d’augmenter
l’efficacité de leur action. Nombreux sont les auteurs qui ont insisté sur ce
point.
13 Pour Merrill (1972), les systèmes de classification des tâches motrices
seraient de simples exercices scolaires si les catégories définies ne pouvaient
pas être mises en relation avec les processus d’apprentissage ou si elles ne
fournissaient pas des principes prescriptifs susceptibles de guider la
conception de l’enseignement : « Chaque fois que nous enseignons en
utilisant un environnement artificiellement aménagé, nous manipulons les
variables de la tâche dans le but de favoriser l’apprentissage. » Il est donc
nécessaire, selon cet auteur, si l’on veut établir une théorie de
l’enseignement, d’identifier les variables de la tâche qui se prêtent elles-
mêmes à une manipulation facile et de spécifier des principes prescriptifs qui
mettent en rapport la manipulation de la tâche avec les stratégies de celui qui
apprend et avec sa performance motrice.
14 Robb (1972a, 1972b) a exprimé des idées similaires : « L’importance majeure
d’une taxonomie est qu’elle aide dans la compréhension de la tâche et affecte
ainsi directement la structuration de l’environnement d’apprentissage. »
L’enseignant développera des méthodes d’enseignement plus efficaces s’il
comprend les facteurs complexes impliqués dans des tâches différentes.
Développer ou sélectionner une taxonomie valable est la première étape à
franchir si l’enseignant désire augmenter l’efficacité des méthodes
d’enseignement et favoriser l’apprentissage moteur de ses élèves. Signalons
que Demeny (1903), il y a bien longtemps, soulevait déjà ce même problème :
« Le choix des exercices, leur classement et leur gradation, voilà qui
importe. On a sur ce sujet des idées encore bien vagues ; l’ordre apparent
des classifications usitées généralement cache un désordre et une ignorance
profonde. »
15 En résumé, le premier intérêt que nous percevons dans l’établissement d’un
système de classification des tâches motrices, en plus de favoriser la
généralisation, est de fournir aux enseignants une aide à leurs décisions.
16 Le choix du niveau de difficulté objective des tâches motrices à proposer aux
élèves, ainsi que leur organisation chronologique, constituent l’essentiel de
ces décisions. Les prises de décision correspondent aux multiples questions
que se pose l’enseignant : quel niveau de difficulté vais-je leur proposer pour
qu’ils progressent ? Comment le choisir ? Comment le présenter ? Comment
faire si le pratiquant ne réussit pas ? Quelles dispositions vais-je prendre
pour organiser la pratique ? L’utilisation la plus fréquente d’un système de
classification se justifie par son rapport étroit avec les décisions sur la
méthode préférée d’entraînement ou d’apprentissage d’une tâche. « Ce type
de classification aide l’enseignant à planifier. Les méthodes d’enseignement
sont basées sur des objectifs comportementaux. Une taxonomie des tâches
donnera à l’enseignant une perspective sur l’accent à mettre sur certains
objectifs comportementaux » (Robb, 1972a).

Une grammaire de la tâche

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17 Pour élaborer, concevoir et mettre en œuvre une stratégie pédagogique de


manipulation de la difficulté, l’enseignant doit être capable d’identifier les
alternatives relatives aux tâches, aux exercices qu’il proposera aux élèves, de
prendre une décision quant à la plus satisfaisante parmi l’ensemble des
possibles. Notre préoccupation s’accompagne d’une exigence : essayer de le
doter d’un système qui lui permette de répertorier la totalité des niveaux de
difficulté des tâches parmi lesquels il sera amené à faire un choix.
18 Une étape essentielle de la prise de décision consiste à formuler l’éventail des
choix qui s’offrent. Il est clair que cela exige une grande habileté dans
l’identification des différentes éventualités. Ce stade est si important qu’il
demande une méthodologie bien rodée permettant la génération et la
limitation des décisions possibles. Il semble exister un principe inhérent à la
formulation des choix alternatifs. On pourrait définir les choix possibles
explicitement ou implicitement. L’éducation physique abonde d’exemples du
premier cas. La plupart du temps, les auteurs fournissent des répertoires
d’exercices parmi lesquels on peut et même on doit choisir. Ils dressent une
liste explicite et exhaustive des décisions qui sont à envisager. La tâche de
l’enseignant consiste à choisir la solution la plus acceptable. Dans le cas où le
décideur ne souhaite pas limiter les choix possibles, il se trouve amené à
énoncer une règle pouvant servir à résumer toutes les possibilités pertinentes
et imaginables. Par exemple : combinatoire.
19 C’est sur cette deuxième solution que nous avons porté notre choix. Le
système de classification des tâches motrices en fonction de leur difficulté
que nous essayons de construire doit pouvoir être un instrument de
découverte, de création de tâches motrices nouvelles. Notre objectif est de
construire une sorte de grammaire de la tâche qui, à partir d’un ensemble
limité de règles de construction, permettrait de générer un nombre
considérable de tâches motrices.

Une démarche de classification


20 Une fois admise la nécessité de classifier les tâches, deux questions se
dégagent. Comment peut-on mettre en rapport un système de classification
des tâches motrices, reposant notamment sur leur niveau de difficulté, avec
les différentes études et théories antérieures sur l’apprentissage ? Comment
un tel système peut-il être utile pour formuler une théorie de l’enseignement
et une conception des procédures et des matériels d’enseignement ? Pour
répondre, il s’avère nécessaire d’étudier au préalable les problèmes généraux
des classifications.
21 L’étude de la classification en général et des tâches motrices en particulier a
toujours eu deux composants principaux qui sont bien sûr en interrelation
(Fleishman et Quaintance, 1984). Le premier peut être illustré par la
question : comment classifie-t-on ? Le second par : comment devrait-on
classifier ? Le premier concerne la perception de la similarité. Comment, par
exemple, pouvons-nous reconnaître la similarité de difficulté entre
différentes tâches ? Quels sont les critères conscients ou inconscients grâce
auxquels les objets, les événements ou les tâches sont regroupés en un
système quelconque ? Le second composant est l’objet de la taxonomie, la
science de la classification. Il apparaît lorsque l’on désire conceptualiser,
théoriser les questions soulevées dans le paragraphe précédent. Connaissant
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la manière dont les chercheurs classifient (et notamment comment ils ont
classifié, dans le passé, les tâches motrices), peut-on, à partir de ces
connaissances, en déduire des procédures de classification et, si oui, ces
principes sont-ils les meilleurs concevables, étant donné que des choix entre
différents principes de classification et de procédures sont possibles ? Dans
notre tentative de construire un système de classification dont le critère de
comparaison serait le degré de difficulté des tâches motrices, nous avons
suivi les différentes étapes et principes énoncés par la science des
classifications.
22 Mais avant de commencer, nous devons nous garder d’une confusion quant à
la signification du terme taxonomie. Leplat et Pailhous (1972) font
remarquer que « le terme taxonomie au sens strict est la science des
classifications. Par glissement de sens, le mot désigne souvent un principe
de classification, voire la classification elle-même ». Ils utilisent le terme
taxonomie dans le sens que lui donne Miller (1967) : « Un moyen de classer
des objets ou des phénomènes de telle façon que puissent être établies entre
eux des relations utiles » ; car c’est moins la taxonomie au sens strict qui les
intéresse que les classifications elles-mêmes. Nous utiliserons, quant à nous,
la taxonomie dans le sens que lui donnent Sokal (1974), Fleishman (1982), et
Fleishman et Quaintance (1984), à savoir l’étude théorique des
classifications, qui contient les bases théoriques, les principes, les procédures
et les règles.
23 Le terme de classification n’échappe pas non plus à une certaine ambiguïté.
Nous l’avons vu, la classification est l’arrangement ou l’ordonnancement
d’entités en catégories sur la base de leurs propriétés observables ou inférées.
Cependant, en plus de désigner un processus, le terme est aussi utilisé pour
formuler le produit final de ce processus. Ainsi, le résultat d’une
classification est une classification (Sokal, 1974). Sokal (1974) et Fleishman
(1982) pensent qu’il est préférable d’appeler le résultat final : système de
classification et de réserver le terme de classification pour la procédure.
24 Conformément à ces auteurs, nous adopterons les définitions suivantes :

taxonomie : étude théorique des classifications incluant leurs bases,


principes, procédures et règles. C’est la science du « comment classifier
et identifier » ;
système de classification : produit final du processus de
classification, généralement une série de catégories ;
classification : ordonnancement ou arrangement d’entités en groupes
ou catégories sur la base de leurs propriétés observables ou inférées.

25 Nous avons particulièrement insisté sur ces nuances de vocabulaire, parce


qu’il nous paraît indispensable d’établir la distinction entre :

la classification envisagée sous l’angle du processus ou de la démarche


qui permet d’arranger systématiquement un domaine donné en
catégories ;
la classification en tant que produit ou ensemble de catégories formelles
qui sont le résultat de ce processus.

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26 En d’autres termes, cela nous permet de différencier le processus de


classification (c’est-à-dire la démarche à suivre), du produit réalisé
(autrement dit, ce qui est atteint à la fin de la procédure et que nous avons
appelé système de classification). Nous sommes intéressés par ces deux
aspects.
27 Lorsque l’on commence un travail de classification, il y a, au niveau de la
démarche, des priorités et un ordre qui doivent être établis parmi les
opérations à mettre en œuvre. Celles-ci sont au nombre de quatre :

l’ensemble de références : qu’entend-on par tâches motrices ? Ce point a


déjà été traité au début de ce livre ;
les intentions : que voulons-nous réaliser avec notre système de
classification ?
les bases théoriques : dans quel domaine chercher les descripteurs ?
les procédures de classification : quel type de classification adopter et
comment le valider ?

Le but de la classification
28 La première opération à mettre en œuvre, lorsque l’on s’engage dans une
procédure de classification, consiste à énoncer le but ou l’objectif qui a fait
naître le désir de classifier. Pourquoi tentons-nous d’établir un système de
classification des tâches motrices ? Que sera-t-il accompli à la fin de cette
activité et qu’est-ce que le produit permettra de réaliser ?
29 Si nous posons au préalable l’intention du système de classification des
tâches motrices, c’est tout simplement parce qu’il faut se démarquer de l’idée
qu’il y aurait un système de classification meilleur que les autres, une sorte
de classification universelle des tâches motrices. Il n’y a pas un système de
classification possible, mais des systèmes de classification, et chacun n’a de
sens et de valeur que par rapport à l’objectif qui a présidé à sa constitution.
30 Pour illustrer cette idée, prenons un exemple dans le domaine des sciences
biologiques. Theologus (1973), Fleishman (1982), Fleishman et Quaintance
(1984) ont montré, à partir d’un objectif général consistant à mettre de
l’ordre à l’intérieur de la multitude d’organismes vivants qu’ils sont amenés à
observer, que les biologistes peuvent avoir des intentions ou des objectifs
spécifiques différents. Il existe, dans ce domaine, au moins trois intentions
différentes :

relier les organismes vivants aux variables de l’environnement (il s’agit


des classifications écologiques) ;
classifier les organismes en fonction de leur utilité pour les êtres
humains (animaux qui fournissent de la viande, animaux domestiques,
animaux de transport, de garde, etc.) ;
relever les interactions entre les organismes à partir de leurs différents
attributs ou caractéristiques (classification théorique, par exemple :
animaux à sang chaud, animaux à sang froid, etc.).

31 Cet exemple des classifications en biologie est d’un grand intérêt car il
montre que, par rapport à un ensemble de références donné (les êtres
vivants), il n’y a pas une seule classification possible, mais des classifications,

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et que chacune d’entre elles n’a d’intérêt que par rapport aux intentions qui
l’ont fait naître. Cela est valable pour tous les ensembles de références.
Utilisons à nouveau un exemple fourni par Fleishman (1982) : les arbres ne
seront pas classés de la même manière par un bûcheron, un botaniste et un
paysagiste. Pour le botaniste, la base de la classification pourra être les
propriétés organiques, pour le bûcheron, la source potentielle de revenu, et
pour le paysagiste, la valeur esthétique. Cela signifie que les différents arbres
sont regroupés de manière différente (et auront donc une classification
différente) selon les trois points de vue. Le point fondamental est que
l’intention détermine le choix de la base de classification.
32 Nous verrons par la suite les multiples façons dont a été abordée la
classification des tâches motrices. Mais ces méthodes sont, d’une part,
relativement élémentaires et, d’autre part, ne permettent pas de manipuler la
difficulté. Il est donc d’une importance fondamentale de commencer par
énoncer clairement l’intention de notre classification : il s’agit pour nous de
mettre en relation des suggestions ou des recommandations
générales concernant la possibilité de favoriser les acquisitions
motrices des élèves et la manipulation de la variable difficulté des
tâches. Prenons un exemple. Dans la plupart des articles ou des livres qui
abordent le problème de l’apprentissage moteur sous l’angle de la théorie de
l’information, le principe prescriptif, le plus souvent avancé, est celui qui
consiste à dire : pour faciliter l’apprentissage du débutant, il faut réduire,
dans un premier temps, la quantité d’informations qu’il doit traiter.
Cependant, ce principe prescriptif sera inefficace si nous ne donnons pas
simultanément à l’enseignant le moyen de manipuler les tâches dans le sens
d’une réduction effective et contrôlée de la quantité d’incertitude. Ce moyen
ne peut être fourni que par un système de classification qui permet
d’identifier et de comparer les tâches motrices en fonction de leur difficulté
de traitement. De même, depuis le début de ce livre, le principe prescriptif
qui a été sans cesse avancé est : « Il faut, pour favoriser l’apprentissage
moteur, doser la difficulté de la tâche. » Le système de classification que
nous désirons construire doit répondre à cette intention : permettre le choix
ou la construction des tâches ayant un niveau de difficulté objective désiré.
33 D’autres buts sont possibles : ainsi, classifier les tâches qui requièrent telle
ou telle aptitude, classifier les tâches qui sollicitent le processus
d’anticipation, etc. Ces intentions sont tout aussi fondamentales, elles sont
au centre de l’EPS à l’école. Nous travaillons à de tels systèmes. Mais telle
n’est pas l’intention exprimée dans ce livre, centré sur la difficulté.

Les principes de la classification


34 La seconde opération consiste à déterminer les principes de la classification.
Autrement dit, passons de la question : « Pourquoi cherchons-nous à classer
les tâches motrices ? » à « Qu’est-ce que nous allons classer ? ». Il s’agit là
d’énoncer le principe ou le critère de classification grâce auquel peut être
réalisée une partition de l’ensemble des tâches motrices. Parler de principe
de classification, c’est spécifier les attributs ou les propriétés des tâches qui
doivent être classées. Il faut les choisir de manière appropriée et en relation
avec l’intention. Si nous reprenons l’exemple des classifications biologiques,

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nous observons que, si l’intention de la classification est écologique, alors les


relations des organismes avec les variables de l’environnement constitueront
le principe de classification. Si l’intention est téléologique, alors l’utilité des
objets pour l’homme constituera le principe de classification (par exemple :
animaux qui fournissent viande, protection, animaux de transport, etc.).
Enfin, si l’intention est purement théorique, alors les organismes sont classés
en fonction de leurs caractéristiques inhérentes (par exemple : chimie
sanguine).
35 Pour ce qui concerne notre propre classification, sur quoi se fonderont les
descripteurs ? Là encore, les principes de classification sont de nature très
diverse. La grande majorité des auteurs, Bard et Fleury (1979), McGrath et
Altman (1966), Hackman (1969), Farina (1973), Fleishman (1982) et Meister
(1976) s’accordent à reconnaître quatre principes différents de classification
des tâches.
36 Par exemple, Meister écrit : « Les classifications ont été proposées en termes
de :

1. « comportements observés pendant l’exécution de la tâche ». Dans le


domaine de l’EPS, Hébert a proposé une classification des exercices qui
relève de ce principe : saut, course, lancer, grimper, etc. Il en est de
même pour les classifications des tâches en fonction du type de
mouvements requis. Par exemple, Brown et Jenkins (1947) classifient
trois niveaux de réactions motrices : les réactions statiques, les réactions
de positionnement et les réactions de déplacement.
2. « fonctions ou processus requis de manière présumée pendant
l’exécution de la tâche ». Famose (1986) a suggéré la construction d’un
système reposant sur ce principe afin de permettre aux enseignants de
mieux relier les objectifs de développement des ressources avec les
tâches qui les sollicitent (figure 16).
3. « aptitudes que l’opérateur doit posséder pour exécuter la tâche ». Voir
à ce sujet, les systèmes de classification des tâches en fonction des
aptitudes requises proposés par Fleishman (1982) et repris par Famose
(1988).
4. « caractéristiques de la tâche en termes de ses propriétés de but et des
conditions accompagnant la réalisation de celui-ci ».

Figure 16 — Échelle d’évaluation de la fonction « détecter ».


37 Dans ce qui suit, nous passerons en revue quelques-uns des principaux
systèmes de classification des tâches motrices proposés par différents
auteurs. Nous pourrons ainsi constater l’utilisation très diverse qui a été faite
des principes ou critères exposés ci-dessus. Trois points méritent d’être
soulignés ici.

Dans ces quatre types de principes de classification des tâches, deux


reposent sur des propriétés observables :
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l’approche comportementale et l’approche des caractéristiques de la


tâche ; deux sur des propriétés inférées :
l’approche des processus requis et l’approche des aptitudes requises.
Il est évident qu’à une extrémité, on trouvera des principes de
classification fondés sur des caractéristiques superficielles des tâches et
qui n’introduisent qu’une structure pauvre entre les classes, la
signification des classes n’allant pas alors au-delà des classements
qu’elles permettent. À l’autre extrémité, on trouvera les principes issus
de considérations théoriques qui engendreront des classes dont les
propriétés seront beaucoup plus riches (voir la différence entre les
taxonomies descriptives et taxonomies explicatives proposée par Miller,
1967).
Les trois premiers principes portent sur les ressources et/ou les
comportements que le pratiquant mobilise pour réaliser la tâche. Le
premier, nous l’avons vu, se concentre sur les activités
comportementales spécifiques qu’un pratiquant met en œuvre lorsqu’il
cherche à atteindre le but. Les deux autres mettent l’accent sur les
ressources du pratiquant (ou d’un groupe de pratiquants) qui sont
requises pour que la tâche soit accomplie avec succès. Ces ressources
peuvent être les processus et fonctions de traitement de l’information ou
les aptitudes. Dans ces trois approches, l’accent est placé sur les
variables concernant le pratiquant et son intervention dans la réalisation
de la tâche. Ainsi, selon ces principes, des tâches différentes évoquent
des comportements différents, requièrent des types et des séquences de
fonctions divers et placent des demandes différentes quant aux
aptitudes.

38 L’approche des caractéristiques de la tâche repose sur une analyse totalement


différente. Il est en effet possible de conceptualiser les tâches, de les décrire,
de les analyser en « tant que telles ». Elle considère la tâche comme une série
de conditions qui déclenchent et organisent la réalisation motrice (la
définition de la tâche que nous avons donnée au début de cet ouvrage se situe
dans le cadre général de cette approche). Ces conditions sont imposées au
pratiquant et ont une existence objective totalement à part des activités
qu’elles peuvent déclencher, des processus et des aptitudes qu’elles peuvent
requérir. En se centrant sur la tâche, on déplace l’attention non pas sur la
manière d’atteindre le but projeté mais sur ce qui doit être atteint, sur les
exigences à satisfaire.
39 En ce qui concerne notre classification des tâches motrices, sur quoi doivent
être fondés les descripteurs ? Sur les comportements observés pendant la
réalisation de la tâche ? Sur les aptitudes requises ? Sur les processus requis ?
Ou enfin sur les propriétés intrinsèques des tâches ?
40 C’est l’approche des caractéristiques objectives des tâches qui semble la plus
appropriée aux intentions que nous nous sommes fixées. Rappelons qu’il
s’agit d’un système qui doit permettre aux enseignants de manipuler la
difficulté objective et que celle-ci repose directement sur les propriétés
intrinsèques de la tâche.
41 Nous avons déjà signalé que différents systèmes de classification des tâches
motrices ont été proposés dans le passé. Une revue de ceux-ci s’avère

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nécessaire. Elle nous permettra, en effet, de mettre en évidence l’utilisation


différente qui a été faite des principes de classification. Elle nous permettra
aussi de montrer que ces différents systèmes, en général de nature
qualitative, ne permettent pas de classifier les tâches en fonction de leur
difficulté. Cette revue se limitera uniquement à la fameuse dichotomie
ouvert/fermé, qui concerne plus particulièrement les conditions
environnementales de nature bio-informationnelle.
42 L’observation de ces systèmes, qui ont été proposés antérieurement et qui
utilisent la dichotomie ouvert/fermé, montre que deux des principes de
classification énoncés ci-dessus ont été tour à tour utilisés : les fonctions
requises, d’une part, et les caractéristiques objectives de la tâche, d’autre
part.

Système de classification de Poulton


43 Poulton (1957) a, dans le domaine de la psychologie du travail, constitué un
système de classification non pas des tâches mais des habiletés motrices à
partir d’un examen de l’état de stabilité de l’environnement : ce dernier est-il
ou n’est-il pas dans un état de changement constant ? En d’autres termes,
est-il ou n’est-il pas prévisible ? D’où, selon cet auteur, deux catégories
distinctes d’habiletés : les habiletés qui ne réclament pas d’anticipation et
celles qui en demandent.
44 Son système de classification repose, en effet, sur l’idée que l’acquisition
d’une habileté motrice implique la mise en place de configurations de
mouvements spécifiques susceptibles de s’ajuster à l’environnement. Ce
dernier renferme des objets situés dans l’espace et auxquels le pratiquant
doit constamment s’ajuster. S’il peut prédire avec une grande certitude qu’un
objet sera à tel endroit, la configuration de mouvement requise sera
nécessairement différente que s’il doit s’ajuster à un environnement dans
lequel les objets sont mobiles et non prédictibles. Dans le premier cas, il
s’agit d’une habileté réalisée dans un environnement prévisible. Le golfeur,
par exemple, sait que la balle sera toujours à une certaine distance de son
corps et ne se déplace pas dans l’espace. De même pour le gymnaste, la
poutre d’équilibre est toujours de la même largeur et ne se déplace pas non
plus dans l’espace. Sa tâche consiste à agir sur la poutre selon une
configuration préétablie. De même, le tremplin de plongeon est ajusté de
telle sorte que le plongeur ait la même tension disponible à chaque plongeon.
45 Dans tous ces cas, l’habileté n’exige pas d’anticipation de la part du
pratiquant. Elle utilise, selon Poulton, des mouvements stéréotypés qui sont,
en général, spatialement contrôlés. Au tir à l’arc, par exemple, le sujet
développe une configuration de mouvement unique destinée à adapter les
caractéristiques du vol de la flèche aux caractéristiques d’une cible fixe : il lui
est conseillé de ne pas bouger les pieds en prenant les flèches successives, de
choisir toujours le même point de visée, de reprendre toujours la même
position de départ, etc. On s’aperçoit donc que, dans des conditions
environnementales stables, la configuration du mouvement est assez stable,
bien que tolérant une certaine marge de variation (Higgins et Spaeth, 1972).
Poulton a appelé ces habiletés, qui n’exigent pas de la part du sujet une
anticipation des changements qui surviennent dans l’environnement, des
habiletés fermées.
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46 À l’opposé, dans les habiletés réalisées dans un environnement instable, le


nombre de configurations motrices différentes est nettement plus grand.
Cette variété des configurations permet une adaptation aux bouleversements
survenant d’un essai à l’autre ou à l’intérieur d’un même essai. Le pratiquant
doit anticiper ces bouleversements et choisir le mouvement particulier qui
s’ajuste à cette prévision. L’expérience aidant, le sujet peut développer tout
un répertoire de configurations motrices adaptées à ces modifications
(Higgins et Spaeth, 1972 ; Arnold, 1985). Autrement dit, ici, le sujet doit faire
varier de manière approfondie les différents paramètres du mouvement pour
atteindre l’objectif. Mais le choix d’une configuration plutôt qu’une autre
repose sur l’anticipation des changements qui surviennent dans
l’environnement. Poulton a appelé ces habiletés, qui exigent de l’anticipation,
des habiletés ouvertes. Ainsi, si nous revenons à l’objet de notre discussion,
le principe de classification utilisé dans le système des habiletés de Poulton
repose sur les processus d’anticipation requis par l’habileté.

Système de classification de Knapp


47 Knapp (1963) a repris mais modifié un point essentiel de la classification de
Poulton (1957). Elle a suggéré que les habiletés motrices devaient être
classées, non pas de manière dichotomique (ouverte - fermée), mais le long
d’un continuum. Dans les systèmes de classification dichotomiques, les
habiletés sont répertoriées comme appartenant à l’une des deux catégories
différentes. Celles-ci sont mutuellement exclusives. De tels systèmes de
classification conduisent facilement à la confusion en autorisant de
nombreux recouvrements de catégories. En effet, chaque tâche sportive
contient à la fois des habiletés ouvertes et des habiletés fermées. Knapp a
montré qu’il existait des tâches sportives qui ne sont ni des habiletés ouvertes
ni des habiletés fermées. Le ski en est un exemple. Le skieur seul sur une
pente régulière (pourcentage constant) utilise une habileté fermée.
Cependant, lorsque la piste est remplie de skieurs (comme c’est
généralement le cas) ou lorsque la configuration du terrain ainsi que la
qualité de la neige varient, il utilise une habileté ouverte : il doit traiter
l’information environnementale, en plus de l’information interne requise
uniquement dans le premier cas.
48 On trouve à une extrémité du continuum des habiletés dans lesquelles la
conformité à une séquence d’actes moteurs est très importante et, à l’autre
extrémité, des habiletés dans lesquelles, à chaque instant, l’activité motrice
doit se régler sur la situation extérieure et y être appropriée. Dans ce second
type d’habiletés, l’interprétation correcte des messages émanant des
récepteurs à distance est capitale. Entre les deux, des habiletés se situent en
des points divers du continuum, selon l’importance relative que prend
l’habitude ou l’adaptation à l’activité.
49 Ainsi, dans ce système, les habiletés sont aussi classifiées en fonction des
processus requis. Mais, contrairement à Poulton, l’auteur ne parle pas
d’anticipation ou d’absence d’anticipation. Selon elle, d’un côté prédomine
l’habitude, de l’autre la perception. Qu’est-ce que cela veut dire ? Prenant
l’exemple du lancer de poids, elle affirme que le meilleur exécutant sera celui
qui aura le meilleur style, techniquement parlant, celui qui pourra mobiliser
le plus de force et utiliser sa technique quelles que soient les circonstances :
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« Ainsi, les meilleurs exécutants seront probablement ceux qui peuvent


ignorer les signaux provenant de l’environnement externe. Le pratiquant
devra donc se consacrer d’abord à acquérir une configuration motrice aussi
proche que possible de celle qui serait théoriquement la meilleure. » En
revanche, dans une activité comme le football, d’autres facteurs prennent de
l’importance. Dans ce sport, un individu peut fort bien posséder de bons
schémas gestuels, mais s’il n’exécute pas l’action adéquate au moment
opportun, il est presque inutile comme joueur. Dans ce cas, c’est le sens du
jeu qui est d’une importance capitale. Ici : « Ce dont a besoin le joueur, c’est
d’être attentif aux demandes qui viennent du monde extérieur » (Bartlett,
1948) : donc, les messages deviennent essentiels. Par conséquent, il
semblerait nécessaire que l’on accorde davantage d’attention à
l’apprentissage perceptuel et à la compréhension des signaux importants
pendant le jeu. Knapp parle ici d’habileté ouverte. Il s’agit d’une habileté qui
doit correspondre, soit à une série imprévisible d’exigences provenant de
l’environnement, soit à une série difficile, prévisible ou non.
50 D’autres habiletés complexes peuvent se situer entre le football et le lancer de
poids, en fonction de l’importance relative qu’ont les facteurs extérieurs par
rapport aux autres. La natation ou le 100 mètres sembleraient se situer près
du lancer de poids en ce sens que, bien que l’acte moteur soit déclenché par
le coup de pistolet du starter, la victoire ou la défaite dépend de la valeur
relative des sujets, celle-ci étant fonction de leur supériorité physique ou
technique.
51 Dans le sprint court, le lancer de poids, ainsi que dans certains exercices
gymniques, l’efficience du comportement semble dépendre de la stéréotypie.
La course d’endurance ou la natation de fond peut, en revanche, mettre en
jeu la tactique. Les aspects perceptifs commencent alors à prendre de
l’importance, à un degré moindre que dans les sports collectifs, où la capacité
d’adaptation à l’environnement doit être considérable. Knapp soutient donc
qu’il y a un continuum qui va des habiletés où domine l’habitude jusqu’à
celles où domine l’adaptation.
52 La figure 17 présente quelques exemples d’habiletés sportives classifiées
selon le système de Knapp. La position d’une habileté sur le continuum est
déterminée à partir d’une estimation, d’une part, de l’importance relative des
demandes perceptives de la tâche, et d’autre part, des configurations
stéréotypées de mouvements.
53 Malgré la modification introduite par Knapp par rapport au système de
Poulton, le principe de classification reste le même. Bien que faisant
référence aux caractéristiques de l’environnement, le positionnement des
habiletés motrices sur le continuum se fait en fonction d’un certain type de
processus requis de la part du pratiquant. C’est ainsi que le continuum va des
habiletés « habituelles » (fermées) à celles qui sont essentiellement
perceptibles.
54 Les habiletés « habituelles » sollicitent essentiellement le stade effecteur,
si l’on se place dans une perspective de la théorie de l’information, tandis
qu’à l’autre bout du continuum, les habiletés sollicitent essentiellement le
stade perceptif et le stade de décision.

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Figure 17 — Classification des disciplines sportives en fonction du continuum


habileté ouverte — habileté fermée (d’après Knapp, 1963).
55 Ouvrons ici une parenthèse et montrons que même avec ce système ultra
simplifié, la classification des tâches ou des habiletés permet de faciliter la
planification de l’enseignement. En effet, comme a essayé de le montrer
Knapp, la classification d’une habileté ouverte ou fermée peut affecter de
manière sensible les méthodes ultérieures d’enseignement. Un sport mettant
en jeu une habileté fermée demandera une méthode d’enseignement
différente de celui mettant en jeu une habileté ouverte. Ainsi, la manière dont
les éducateurs considèrent leur habileté, c’est-à-dire la classifient, peut avoir
des conséquences intéressantes sur la façon dont ils l’enseignent. Knapp
(1963) a utilisé ici l’exemple du tennis. Elle fait remarquer que quelques
éducateurs de tennis classifient ce sport comme étant composé d’une série de
coups qui doivent être répétés jusqu’à ce que la configuration correcte du
mouvement soit atteinte. En d’autres termes, ces éducateurs considèrent les
habiletés utilisées en tennis comme des habiletés fermées. Les méthodes
d’instruction qui en découlent consistent à répéter, nous l’avons vu, d’une
manière continue jusqu’à ce que les configurations de mouvement soient
parfaites. En conséquence, le pratiquant dépensera des heures de pratique
sur un même coup. L’accent sera donc principalement mis sur la
reproduction du même mouvement à chaque fois.
56 Par contre, si l’éducateur classifie les habiletés dans le tennis comme
largement ouvertes, l’accent sera porté sur l’environnement changeant et sur
les résultats atteints avec la balle plutôt que sur la forme d’exécution.
Anticipation, localisation de soi par rapport à la balle, identification du
rebond de la balle, placement et stratégie recevront une plus grande attention
que l’exécution parfaite d’une configuration de mouvement. Apprendre à
ajuster sa propre configuration de mouvement en accord avec le placement
de la balle, de même que connaître l’angle à donner à la balle pour la
retourner, seront les points essentiels plutôt qu’un mouvement stéréotypé.
Dès lors, les habiletés ouvertes inspirent des méthodes d’enseignement qui
permettent au pratiquant de traiter, de manière efficace, une série
d’événements non prédictibles. Le joueur de tennis doit apprendre à prévoir
où la balle rebondira.
57 Nombreux sont les systèmes de classification qui reprendront cette
distinction habileté ouverte — habileté fermée. Il est intéressant de faire
remarquer ici que si l’on observe l’ensemble des systèmes de classification
qui ont fait référence au principe « ouvert — fermé », il y a passage incessant
entre notion de tâche et notion d’habileté. Ce passage est normal. Lorsque le
principe de classification repose sur les processus requis, les auteurs parlent
préférentiellement d’habileté. Lorsque le principe s’appuie sur les
caractéristiques objectives des tâches, les auteurs parlent essentiellement de
tâche (voir ci-après le système de Gentile). Certains auteurs passent
indifféremment de l’un à l’autre. Ce va-et-vient est parfaitement illustré par
l’exemple de Holding (1981). Cet auteur propose « une brève revue des
distinctions concernant les types d’habiletés ». Après avoir observé qu’il y
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avait beaucoup de recouvrements dans les différentes classifications


proposées, il ajoute : « Par exemple, nous pouvons ordonner les tâches le
long d’un continuum allant de celles qui sont principalement des demandes
perceptives, telles que la surveillance d’un radar, à celles qui ont
principalement des demandes motrices, telles que lever un poids. Cette
distinction semble recouvrir la division de Poulton (1957) en habiletés
ouvertes, qui requièrent une grande quantité d’interaction avec les stimuli
externes, et habiletés fermées, qui peuvent se dérouler sans référence à
l’environnement. »
58 Les variations introduites par les autres systèmes de classification qui font
référence à la dichotomie ouvert — fermé vont être de plusieurs types :

1. glissement, chez certains auteurs, des fonctions requises aux


caractéristiques objectives des tâches : système de classification de
Gentile ;
2. introduction de dimensions supplémentaires pour prendre en compte la
difficulté (Holding) ;
3. passage de l’idée de contrôle spatial à celle de contrôle temporel (Robb,
Farrell, Singer, Singer et Gerson).

Système de classification de Gentile


59 Gentile (1972a, 1972b), puis Gentile et coll. (1975), ont aussi travaillé à partir
de la distinction de Poulton. Ils lui ont cependant apporté une
transformation intéressante.
60 Poulton, nous l’avons vu, a différencié les habiletés en fonction du type de
prédiction qu’elles permettaient de faire. Elles étaient ainsi classées selon les
processus qu’elles mettaient en jeu. Dans cette classification, il est facile de
déterminer à quel moment un pratiquant met en œuvre une habileté
ouverte : il s’agit tout simplement d’examiner l’état de l’environnement
lorsque la tâche est exécutée. Chaque tâche motrice qui met en jeu des objets
qui se déplacent dans l’espace et qui demande un ajustement spatio-temporel
de la part du pratiquant exigera de ce dernier la mise en œuvre d’une habileté
ouverte. Afin de s’adapter de manière efficace à cet environnement, le
pratiquant doit anticiper le moment d’arrivée de l’engin dans une localisation
spatiale et ajuster son mouvement à cette prévision. Attraper, frapper des
balles mobiles en football, rugby, volley-ball, tennis, esquiver un joueur
adverse se précipitant vers vous requièrent l’utilisation d’habiletés ouvertes.
Dans chacun de ces exemples, le pratiquant doit apprendre à anticiper un
environnement changeant, surtout spatialement. L’ajustement temporel est
peu mentionné. Un ajustement des mouvements à cet environnement
instable est constamment nécessaire.
61 Gentile, Higgins, Miller et Rosen (1975) ont redéfini les deux catégories
d’habiletés de Poulton et parlé de tâches motrices. Chez ces auteurs, le
principe de classification n’est plus les processus d’anticipation requis, non
observables, mais les caractéristiques objectives de la tâche, soit les
conditions environnementales dans lesquelles doit s’effectuer le geste. Le
principe de classification se réfère ici à des événements clairement
observables : « Utilisant le type de prédiction requise pour un mouvement
particulier, Poulton a identifié les termes « ouvertes et fermées » aux deux

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catégories. Cependant, la base de ces distinctions semble être


principalement en termes des processus non réellement observables, c’est-à-
dire, les processus d’anticipation à l’intérieur de l’organisme. Influencés par
les conceptions de Luria (1966), Bernstein (1967) et Bruner (1971), nous
avons pensé que ces processus de prédiction pouvaient être mis en rapport
presque directement avec les conditions environnementales dans lesquelles
les mouvements étaient exécutés. » Puis, à propos de ces conditions :
« L’hypothèse importante dont nous sommes partis était que les
mouvements devaient rencontrer les contraintes environnementales afin de
produire un résultat particulier ou un changement dans cet
environnement. » Suit l’exemple d’un sujet cherchant à lancer une balle sur
une cible fixe. La configuration du mouvement doit se conformer aux
contraintes spatiales inhérentes à la tâche si le résultat de toucher la cible
doit être atteint. Dans cet exemple, les caractéristiques spatiales du
mouvement sont restreintes ou déterminées par les caractéristiques de la
position de la cible ainsi que par la taille, la forme et le poids de la balle. Les
événements environnementaux sont donc régulateurs, en ce sens que la
configuration du mouvement doit se conformer à ces conditions pour que le
but soit atteint. Les auteurs parlent donc de « conditions régulatrices ». Ce
qui est remarquable dans cet exemple, c’est que les processus internes, ici les
types d’anticipation, peuvent être redéfinis en termes de contraintes
environnementales inhérentes à la tâche. Ce même principe de redéfinition
en terme objectif des processus ou aptitudes internes nous guidera
ultérieurement dans la constitution de notre système de classification des
tâches motrices.
62 Bien qu’un continuum puisse, ici aussi, être envisagé, deux types de contrôle
environnemental ont été identifiés par Gentile (1972a), puis par Gentile et
coll. (1975). Ces contrôles ont été appelés « fermé — ouvert ». Les tâches
motrices dans lesquelles les conditions environnementales régulatrices sont
fixes, stables, immobiles (stationnaires) pendant l’exécution d’un
mouvement sont définies comme fermées. Lorsque les conditions
régulatrices impliquent des objets ou des personnes se déplaçant dans
l’espace et impliquent aussi des événements qui changent de position dans
l’espace pendant la réalisation de la tâche, les tâches motrices sont
considérées comme ouvertes. Dans les tâches motrices fermées,
l’organisation spatiale du mouvement, mais non son organisation temporelle,
est supposée être contrôlée par les contraintes spatiales d’un environnement
stationnaire. À l’inverse, les caractéristiques spatiales et temporelles des
mouvements utilisées dans les tâches motrices ouvertes sont supposées être
contrôlées par les caractéristiques spatio-temporelles des conditions
régulatrices variables de l’environnement mobile.
63 En plus de cette distinction — tâche ouverte, tâche fermée —, Gentile a
introduit une autre dimension pour classifier les tâches, à savoir le type de
mouvement utilisé dans la tâche. Ici, à première vue, le principe de
classification n’est plus le même ; il s’agit de comportements moteurs
observables requis pendant la réalisation de la tâche. Selon lui, il existe deux
grandes catégories de réponses motrices :

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1. celles utilisées pour les ajustements posturaux, c’est-à-dire celles qui


permettent de maintenir ou de modifier la position du corps dans
l’espace ;
2. celles impliquant les membres supérieurs permettant de maintenir ou
de changer la position des objets dans l’espace.

64 Gentile a employé la posture et la manipulation indépendante des membres


supérieurs dichotomisant chacune en deux niveaux : stabilité du corps et
transport du corps, avec absence ou présence de manipulation. Le tableau 3
présente quelques exemples d’habiletés au regard de chaque dimension.
65 Cependant, contrairement aux apparences, le principe de classification reste,
à notre avis, les caractéristiques intrinsèques de la tâche et, notamment, le
type de but poursuivi. Lorsque l’objectif réside dans lemaintien de la position
du corps, les réponses sont classées en tant que « mouvement, nécessitant la
stabilité du corps ». À l’opposé, lorsqu’il s’agit d’apporter des modifications à
la position corporelle, les réponses sont classées en tant que « mouvements
de transport ».

Tableau 3 — Système de classification des tâches motrices de Gentile selon la


nature du mouvement utilisé (d’après Gentile, 1972).
66 Selon le cas, ces deux types de mouvement peuvent être exécutés isolément,
combinés avec des mouvements de bras, ou encore avec une manipulation
d’objets. On peut donc distinguer les tâches à objectif unique : la stabilité du
corps (se tenir sur un seul pied) ou le transport du corps (courir à travers le
gymnase), et les tâches avec un objectif principal et un objectif secondaire :
ainsi, dans la tâche qui consiste à se maintenir debout sur un pied tout en
frappant dans ses mains aussi vite que possible, deux objectifs sont prévus :
maintenir la stabilité du corps (but principal) et mobiliser les membres
supérieurs (but secondaire).
67 En résumé, ce second système de classification de Gentile présente une
première dimension caractérisée par le type de mouvement adaptatif
impliqué dans une tâche orientée vers un but. Les tâches sont classées à la
fois par rapport à l’objectif principal à atteindre (maintenir ou modifier une
position du corps) et en fonction d’un objectif secondaire (intervention des
membres supérieurs, manipulation d’objets). En combinant ce système de
quatre catégories avec la distinction ouverte/fermée, Gentile parvient à un
système global de huit catégories (tableau 4).

Tableau 4 — Système de classification des tâches motrices à deux dimensions


(d’après Gentile, 1972).
68 Gentile a tenté une évaluation empirique de cette approche. La stratégie de
recherche utilisée a été une analyse factorielle des mesures de performance

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sur seize tâches sélectionnées comme étant représentatives de chaque


catégorie (deux tâches par catégorie). Les résultats de cette étude (Gentile
1972b) ont offert un support partiel à ce système. Cependant Gentile et coll.
(1975) ont été amenés par la suite à modifier ce premier système de
classification en intervenant sur les définitions des tâches ouvertes ou
fermées et en ajoutant une dimension supplémentaire : la présence ou
l’absence de variabilité inter-essais (tableau 5).
69 En effet, plusieurs questions importantes sont posées par la catégorisation
des tâches ouvertes et fermées. Si nous observons un golfeur, nous
remarquons que chaque tir est réalisé sur une balle dont la localisation
spatiale par rapport au « green » est unique et nouvelle. Le mouvement
s’organise donc à chaque essai par rapport à une nouvelle localisation
spatiale même s’il y a certitude et, par conséquent, un haut degré de
prévisibilité spatiale et temporelle de la balle pour chaque tir. Autrement dit,
la localisation de la balle change de tir à tir, bien que pour un swing donné
elle ne change pas de position dans l’espace et le temps. Ainsi, les
mouvements du swing s’organisent en fonction de la localisation actuelle de
la balle sur le parcours et en fonction du club sélectionné par le pratiquant.
Dans de nombreuses habiletés dites fermées, l’environnement de la
performance est stable et prévisible. Il y a cependant une variabilité inter-
essais dans cet environnement qui détermine une grande variété de
mouvements, et non pas la stéréotypie comme le pensent Poulton et Knapp.
Par ailleurs, des habiletés ou des tâches dites ouvertes peuvent exiger des
mouvements constants. Dans une tâche de tir sur une cible se déplaçant de
manière linéaire dans le plan frontal (comme dans les stands de foire), les
dimensions spatiales restent inchangées pendant l’essai même si la cible se
déplace. Des données récentes suggèrent que des habiletés dans lesquelles les
objets se déplacent à une vitesse constante et dans la même localisation
spatiale peuvent aussi être appelées habiletés fermées. C’est-à-dire que les
mouvements sont organisés de manière similaire tant qu’une dimension de
l’environnement, et une seule, varie à l’intérieur d’un essai donné. La prise en
compte de la non-variabilité inter-essais fait qu’une habileté précédemment
considérée comme ouverte peut, dès lors, être considérée comme fermée.
Comment expliquer cela ?
70 Les environnements stationnaires imposent uniquement des contraintes
spatiales sur l’organisation du mouvement. En revanche, les environnements
mobiles imposent simultanément des contraintes spatiales et temporelles.
Ces contraintes temporelles requièrent que le pratiquant compense, grâce à
l’anticipation, la quantité de temps nécessaire pour traiter l’information.
Cependant ce temps requis pour, lors d’un essai, recueillir, sélectionner et
exécuter la réponse, peut être fortement réduit si le pratiquant a une
information antérieure concernant la nature des contraintes
environnementales. Lorsque les conditions ne varient pas d’un essai à l’autre,
une telle information est disponible et l’anticipation du déplacement
temporel peut faire que la tâche puisse être assimilée à une tâche fermée.
71 Remarquons toutefois que, dans la réalité sportive, la variabilité inter-essais
semble être la règle. Les objets mobiles varient dans leurs caractéristiques
spatio-temporelles d’un essai à l’autre. C’est seulement à travers l’ingéniosité
de l’homme que des matériels ont été développés en laboratoire pour
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permettre aux objets de se déplacer de la même façon à travers des


présentations répétées. En réalité, c’est seulement à travers l’intervention de
moyens mécaniques (gouttière, par exemple) et électroniques qu’il est
possible de produire le même déplacement plusieurs fois de suite.

Tableau 5 — Modification du système de classification des tâches motrices de


Gentile (d’après Gentile et coll., 1975).
72 Les définitions des tâches ouvertes et fermées ne rendent pas bien compte de
ces deux cas. Il semblerait en fait qu’au lieu d’avoir simplement deux niveaux
d’une seule variable, il y aurait deux niveaux sur deux dimensions : un des
facteurs étant constitué par la variabilité inter-essais des conditions
régulatrices, l’autre facteur par les conditions environnementales
stationnaires ou mobiles.
73 On détient donc ici un système de quatre catégories :

1. environnement stable : pas de variabilité inter-essais (pratique du golf


dans un « practice », saut en longueur) ;
2. environnement stable avec variabilité inter-essais (saut en hauteur, jeu
de golf sur le terrain) ;
3. environnement instable sans variabilité inter-essais (entraînement au
tennis avec lance-balles à vitesse et trajectoire constantes) ;
4. environnement instable avec variabilité inter-essais (smash au volley
sur passe d’un partenaire, tennis, etc.).

74 Bien que ce système ait envisagé plusieurs dimensions rendant mieux


compte des caractéristiques des tâches, la critique principale que l’on peut lui
adresser, toujours dans le cadre de la régulation environnementale, est qu’il
ne distingue pas de degré dans cette régulation et, surtout, qu’il ne dissocie
pas la part prise par la régulation spatiale et la régulation temporelle. Certes,
Gentile et coll. ont ajouté trois sous-catégories dans la catégorie 4 de leur
modèle modifié, sous-catégories qui sont une tentative de dissociation de la
régulation spatiale et temporelle ; il faut néanmoins remarquer que cela ne
concerne, d’une part, que cette catégorie et, d’autre part, que la variabilité
inter-essais. L’absence de variabilité inter-essais n’est pas prise en compte
dans ce système de classification. Nous verrons plus loin que Higgins a
cherché à répondre à cette dissociation des éléments spatiaux et temporels.
75 Par la suite, Gentile et coll. ajouteront une dernière dimension : le contrôle
temporel externe. Il s’agit, par exemple, des commandements « go »,
« stop » et « go - stop », ainsi que des éléments rythmiques qui, pour
certaines tâches, ont une influence régulatrice sur les mouvements en danse,
en GRS où l’exécution requiert un support musical. Ces facteurs d’ordre
temporel peuvent être définis comme le commencement d’un mouvement
(go), la fin d’un mouvement ou d’une séquence de mouvement (stop), une
période à l’intérieur de laquelle les mouvements doivent être accomplis (go -

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stop) et une structure temporelle à laquelle les mouvements doivent se


conformer (rythme).
76 Mais cette dimension concerne essentiellement le contrôle temporel du début
de l’action ou de sa fin. Est-ce le sujet ou est-ce l’environnement qui contrôle
cet aspect temporel ? Nous entrons là dans un autre aspect de la dichotomie
« ouvert — fermé ». II concerne, non pas la régulation spatiale, mais plutôt la
régulation temporelle du mouvement. Ici, le principe de classification des
tâches motrices repose sur « l’allure », c’est-à-dire le type de contrôle
temporel imposé au déclenchement du mouvement. Il repose, nous le
verrons, sur les caractéristiques objectives des tâches.

Système de classification : « allure libre - allure imposée »


77 Farrell (1974) a, lui aussi, repris la dichotomie « fermé — ouvert » de Poulton
et Knapp. Il a cependant essayé d’identifier certains déterminants partiels de
ces conditions environnementales afin de définir de manière plus spécifique
ce continuum. Son système repose sur la notion de contrôle du moment du
déclenchement de la réponse.
78 Prenons le geste de lancer à bras cassé une balle de hand-ball et considérons
trois conditions environnementales dans lesquelles ce geste peut se
dérouler :

deux joueurs qui s’échauffent en se lançant à tour de rôle la balle ;


un tir de penalty ;
une passe vers un partenaire en contre-attaque.

79 Dans les deux premiers exemples, le lanceur a le contrôle du moment de


déclenchement de sa réponse. Dans le troisième, ce sont les conditions
extérieures (course du partenaire et des adversaires) qui déterminent le
moment du déclenchement et même la sélection de la réponse. La
reformulation par Farrell du concept « ouvert — fermé » de Poulton est la
suivante : lorsque le mouvement s’éloigne progressivement du contrôle direct
du pratiquant, l’habileté devient plus « ouverte ».
80 La même idée directrice guide Singer (1972) dans le choix de son principe de
classification. Il distingue les activités sous contrôle temporel externe et
celles sous contrôle temporel interne. Dans les premières, l’environnement
est mobile, ce qui a pour conséquence d’imposer le moment du
déclenchement du mouvement. Dans les secondes, l’invariance des
conditions entraîne la possibilité pour le sujet de choisir le moment de
l’action. À titre d’exemple, Singer ordonne différentes disciplines sportives le
long d’un continuum représenté à la figure 18.
81 On retrouve encore cette extension du continuum « ouvert — fermé » dans le
concept « allure libre — allure imposée » (pacing) que Robb (1972a et b)
semble avoir été la première à formuler. Il concerne l’organisation temporelle
du mouvement et s’apparente de très près à l’interprétation de Farrell du
concept « ouvert — fermé ».

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Figure 18 — Classification des disciplines sportives en fonction du continuum


allure libre — allure imposée (d’après Singer, 1972).
82 Nous avons vu, avec Farrell, que le concept « ouvert — fermé » pouvait être
interprété en termes de contrôle temporel du déclenchement du mouvement
avec, d’un côté, le contrôle par le pratiquant (fermé) et, de l’autre, le contrôle
externe (ouvert). Pour Robb, le concept d’allure se réfère à la manière dont la
configuration temporelle du mouvement est régulée. Dans certains cas, le
pratiquant n’a aucun pouvoir de choisir le déclenchement du mouvement.
Des facteurs extérieurs contrôlent dans une large mesure ce déclenchement.
Ainsi, au basket, le joueur doit sans cesse ajuster temporellement son
mouvement en relation avec les signaux extérieurs (autres joueurs, balle,
etc.). Dans de tels cas, les configurations temporelles du mouvement sont à
allure extrinsèque. Le concept d’allure est en relation avec le taux
d’information qui arrive. Un mouvement dont l’allure est déterminée
extérieurement est un mouvement où le pratiquant n’a pas de contrôle direct
sur le taux d’information qui arrive. Un joueur de tennis ne peut pas
contrôler le taux d’information entrante et doit ainsi exécuter une tâche à
allure extrinsèque. Les mouvements de l’adversaire et de la balle déterminent
le moment du déclenchement de l’action du joueur. Le joueur doit donc
analyser l’information au rythme déterminé par quelque chose ou quelqu’un
d’autre.
83 Dans d’autres sports, le déclenchement du mouvement est à allure
intrinsèque. Un mouvement dont l’allure est réglée intérieurement permet au
joueur de régulariser les informations qui lui arrivent et de déclencher lui-
même la séquence de mouvement. Conduire une auto est une tâche à allure
intrinsèque parce que le conducteur peut contrôler le taux d’information
entrante en jouant sur la vitesse d’accélération du véhicule.
84 Il existe enfin une troisième catégorie de tâches : celles dont l’allure est
mixte. Pour la conduite automobile, par exemple, le conducteur régularise
l’information entrante en contrôlant son accélération, mais, s’il y a beaucoup
de trafic, il est aussi extérieurement contrôlé. De la même manière, le skieur
peut déclencher le mouvement et/ou contrôler d’une certaine manière le taux
d’information entrante : descendre lentement ou vite, tourner à son propre
rythme. Mais skier sur une piste noire de monde change la modalité de
l’allure. C’est désormais une tâche à allure mixte.
85 Les trois systèmes de classification de tâches motrices de Farrell, de Singer et
de Robb ont adopté le principe de classification qui repose sur les
caractéristiques intrinsèques des tâches et non pas sur les processus que le
pratiquant met en œuvre dans leur accomplissement. Singer et Gerson (1981)
ont eux aussi adopté la dichotomie allure libre — allure imposée. Mais à
l’instar du système de Gentile, ils proposent un système mixte qui utilise
simultanément les caractéristiques de la tâche et les fonctions requises chez
les sujets. Ces auteurs proposent un modèle de classification des tâches selon
trois dimensions.

La première inclut les principaux mécanismes de traitement de


l’information : le mécanisme sensori-perceptif, le mécanisme de
traitement central, le mécanisme générateur de mouvements.
Normalement, la théorie de l’information décrit beaucoup plus de

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mécanismes de traitement que ceux qui sont inclus dans le tableau 6.


Mais, pour les besoins de l’analyse, ils ont été regroupés en trois
mécanismes principaux. D’autre part, dans la réalisation de n’importe
quelle habileté motrice, les trois mécanismes sont impliqués.
Cependant, certains sont plus essentiels que d’autres à la réalisation
d’une habileté particulière. Le tableau prend donc en considération la
demande de traitement la plus critique, c’est-à-dire celle dont le
mécanisme correspondant est indispensable pour une performance
correcte et efficace.
La deuxième dimension inclut l’allure à laquelle s’effectue le
mouvement : allure libre, allure imposée et allure mixte.
La troisième dimension fait référence aux possibilités d’utilisation de
feedback. Il y a deux types de tâches, celles qui mettent en jeu des
mouvements balistiques, le feedback n’étant disponible qu’à la fin du
mouvement, et celles qui mettent en jeu des mouvements contrôlés, le
feedback étant disponible pendant toute la durée du mouvement. En
combinant ces trois dimensions, on obtient un tableau de classification
des tâches avec dix-huit cases, où toutes les activités motrices, qu’elles
soient sportives ou non, peuvent être classées. Le golf, par exemple, peut
se situer dans la case 18 (mouvement balistique, allure libre, mécanisme
générateur du mouvement). Une activité qui consiste à taper une balle
peut être située dans la case 4 (mouvement balistique, allure imposée,
mécanisme perceptif). Le ski de descente peut se situer dans la case 14
(mouvement contrôlé, allure libre, mécanisme de traitement central).

Tableau 6 — Système de classification (d’après Singer et Gerson, 1981).

La procédure de classification
86 La troisième étape dans l’élaboration de notre système consiste à choisir une
procédure particulière de classification. Il s’agit en fait de répondre à la
question : comment peut-on ranger systématiquement les tâches motrices en
catégories de difficulté ? Pour y parvenir, nous proposons quatre stades
d’élaboration.

Définir le domaine des descripteurs


87 Lorsque l’on cherche à construire un système de classification des tâches
motrices, la première opération à réaliser, après avoir défini l’intention et les
principes de classification, est de spécifier le domaine et la nature des
descripteurs. Le point de départ de cette spécification est évidemment le
principe de classification choisi antérieurement. En effet, le domaine des
descripteurs ne sera pas du même type si l’approche retenue concerne les
ressources requises ou au contraire les conditions objectives de la tâche.
Dans l’étape précédente, nous avons sélectionné l’approche des
caractéristiques de la tâche comme étant le principe qui convient le mieux à
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notre intention : classifier les tâches en fonction de leur difficulté objective. Il


s’agit maintenant de décider quel va être le domaine particulier de ces
caractéristiques, et sur quels éléments de la tâche nous chercherons à les
identifier : le but, les conditions environnementales de nature bio-
informationnelle ou bio-énergétique, ou bien encore les procédures à
respecter. Conformément à ce que nous avons annoncé précédemment, nous
limiterons le choix du domaine des descripteurs aux différentes sortes
d’incertitude liées au but de la tâche et à celles en provenance de
l’environnement ou du corps du pratiquant.
88 Dans une publication antérieure (Famose, 1983), nous avons exposé la
plupart des types d’incertitude qui, en général, ont été manipulés dans
différentes expériences inspirées par la théorie du traitement de
l’information :

au niveau des conditions environnementales : incertitude spatiale,


temporelle, événementielle ; rapport signal - bruit, temps accordé ;
au niveau des opérations : transport — non-transport du corps ;
compatibilité ; grandeur d’erreur permise d’ordre spatial et d’ordre
temporel ;
au niveau du but : clarté du but et nombre de sous-buts composants ;
au niveau du feedback : caractère balistique ou continu du feedback et
nature extéro- ou intéroceptive de celui-ci.

89 À la fin de cette étape, nous avons donc une série de descripteurs permettant
potentiellement d’identifier les classes et de servir de fondement à un
système de classification stable et valide.

Donner des définitions opérationnelles, objectives et fiables


90 Dans l’idéal, un système de classification des tâches ne sera valide et fiable
que si les descripteurs sont définis de manière très opérationnelle, afin de
permettre à tous les utilisateurs de bien situer dans la même classe les tâches
qu’ils considèrent. Il paraît donc nécessaire de développer des définitions
objectives et concises des descripteurs qui permettent de faire des
distinctions nettes entre les différentes catégories de tâches. Les termes
choisis seront dépourvus d’ambiguïté. L’exigence d’une telle définition
devient critique lorsque le système de classification doit être utilisé par un
grand nombre de personnes, ce qui est généralement le cas des éducateurs.
Très souvent, les termes retenus ne sont pas familiers (par exemple :
l’incertitude temporelle, la compatibilité, etc.). Parfois, au contraire, ils sont
trop familiers et chaque utilisateur peut y trouver une signification
personnelle (prise de décision, résolution de problème). Par conséquent, il
est souhaitable d’entraîner les utilisateurs à la signification de la
nomenclature. Cependant, l’efficacité de cet entraînement ne peut être
obtenue que si les définitions ont été bien apprises.
91 Pour passer rapidement en revue chacune des définitions relatives aux
descripteurs précédemment énumérés, nous avons pris l’exemple du tennis,
et plus précisément, la tâche à laquelle est confronté celui qui reçoit le service
de l’adversaire (le relanceur). Ce choix ne signifie absolument pas que cette
classification concerne uniquement l’apprentissage d’habiletés sportives. Il

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est déterminé uniquement par le fait que cette activité est connue de tous.
Nous avons dénombré cinq dimensions sur lesquelles peut varier la tâche au
niveau des conditions environnementales de nature bio-informationnelle.

L’incertitude spatiale, nous l’avons vu, est en rapport avec la


possibilité qu’a le relanceur de prévoir l’endroit OÙ va aller la balle dès
qu’elle a été frappée. Cette incertitude est d’autant plus grande que la
balle se déplace simultanément dans trois plans dans l’espace. Elle
sollicite plus particulièrement le stade perceptif.
L’incertitude temporelle se rapporte à la possibilité qu’a le relanceur
de prévoir QUAND la balle va arriver à un endroit donné. Ce qui va être
déterminant dans cette incertitude, c’est la plus ou moins grande
régularité des positions successives de la balle. Une balle qui s’accélère
sous l’effet du lift est moins prévisible dans cette dimension qu’une balle
dont la progression est régulière. Cette incertitude sollicite aussi
essentiellement le stade perceptif.
L’incertitude événementielle, ou incertitude inter-essais, représente
la probabilité que l’on a de prévoir QUEL événement va survenir. Le
relanceur au tennis se trouve par exemple face à trois alternatives,
chacune exigeant une réponse différente : son adversaire va servir soit
sur son revers, soit sur son coup droit, soit directement sur lui. Plus il y a
d’alternatives, plus l’incertitude est élevée. Ce type d’incertitude est en
relation à la fois avec le stade perceptif, dans la mesure où le sujet doit
formuler des probabilités subjectives, et avec le stade de décision, dans
la mesure où le sujet doit choisir un état de préparation de la réponse en
rapport avec ces probabilités subjectives.
La discrimination est la possibilité de bien distinguer dans
l’environnement les signaux pertinents à la réalisation de la tâche. Tout
le monde a joué au tennis à la tombée de la nuit et a pu constater, à ce
moment-là, une dégradation de la performance à cause, justement, de ce
manque de discrimination et de l’incertitude élevée qui en découle. Elle
sollicite ici encore le stade perceptif.
La durée de présentation du stimulus est le temps disponible au
relanceur pour percevoir la trajectoire de la balle. Plus ce temps est
court, plus le taux d’informations à traiter augmente. Cette
caractéristique représente le temps accordé au stade perceptif pour
accomplir les différentes opérations de traitement requises par les
différentes sortes d’incertitudes énumérées ci-dessus.

92 On peut déjà remarquer que celles-ci peuvent se combiner et accroître ainsi


la quantité globale d’informations à traiter. Considérons maintenant les
dimensions d’incertitude liées au stade effecteur.
93 ▪ La dimension transport — non-transport du corps. À ce niveau, ce
qui fait la difficulté de la tâche motrice, c’est, nous l’avons vu, la difficulté de
sélectionner et d’assembler les unités motrices qui composeront la réponse.
Plus il y a d’alternatives possibles dans le choix de ces unités, plus la tâche
devient difficile. Par exemple, notre relanceur au tennis est confronté à
moins d’incertitude lorsqu’il frappe une balle en étant stationnaire, que
lorsqu’il la frappe en se déplaçant.

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94 ▪ La dimension grandeur d’erreur permise. Elle est liée à la précision


requise de la « paramétrisation » du mouvement. Plus la marge d’erreur est
réduite, plus le processus de sélection et d’organisation des unités motrices
va être sollicité. Lancer une balle contre un mur ou lancer cette balle sur une
cible étroite sollicite différemment ce processus. Pour le joueur de tennis,
renvoyer une balle au milieu du court et faire un passing le long du couloir
seront deux choses différentes d’un point de vue de la sollicitation de cette
opération mentale. La grandeur d’erreur permise peut être soit d’ordre
spatial (dans ce cas, elle concerne la paramétrisation du mouvement en
direction et en distance), soit d’ordre temporel (elle concerne alors la
paramétrisation du mouvement en durée et le moment de déclenchement).
95 ▪ La compatibilité. Elle concerne l’association entre un signal ou un objet
quelconque et un mouvement. Elle est liée à ce que l’on appelle des
stéréotypes de population. Les relations compatibles sont les relations que la
plupart des gens croient être les plus naturelles. Si l’on demande à un sujet
de répondre à deux signaux lumineux en pressant avec le doigt deux boutons,
on dit que cette tâche est compatible si les signaux lumineux sont organisés
d’une façon spatialement similaire. Plus une association est stéréotypée, plus
elle est compatible. Les relations moins compatibles exigent de la part du
sujet un traitement de l’information supplémentaire. Il est possible de
manipuler le degré de compatibilité en exigeant, pour un même objet ou un
même signal, une réponse différente de celle qui aurait été normalement
appropriée. C’est la raison pour laquelle cette dimension de la tâche sollicite
plus particulièrement le stade de décision.
96 Envisageons à présent les dimensions liées à l’élément but.
97 ▪ La clarté du but. Elle fait référence au nombre d’alternatives qui sont
possibles pour réaliser le but. Plus il y a d’alternatives, plus la tâche est
difficile sur cette dimension. Si le serveur suit son service à la volée, le but de
la tâche du relanceur est d’essayer de le passer. Il peut y parvenir soit en
lobant, soit en croisant, soit en longeant la ligne du couloir. Si nous
généralisons cette définition, nous pouvons dire que plus la consigne est
générale et mal définie (donc moins elle est précise), plus il y a d’alternatives
possibles.
98 ▪ Le nombre de sous-buts. L’atteinte d’un but quelconque suppose
généralement la réalisation soit simultanée, soit successive, d’un certain
nombre de sous-buts. En aviron, le but principal peut être d’aller droit ; pour
l’atteindre, il faut que les deux rames touchent l’eau en même temps, au
même endroit, avec la même inclinaison et il faut que le rameur tire sur les
deux rames avec la même force. Plus il y a de sous-buts à réaliser en même
temps, plus c’est difficile, toujours du point de vue du traitement de
l’information. Si les sous-buts doivent être atteints séquentiellement, c’est
plus délicat que s’il y en a peu. Au tennis, un coup lifté, par exemple, est plus
difficile qu’un coup frappé à plat, du fait de la réalisation simultanée d’une
frappe et d’un effet.
99 Reste à examiner enfin les deux dimensions accolées à la deuxième source
d’incertitude dont nous avons parlé plus haut et qui concernent la partie
contrôle du mouvement. L’exécution d’un mouvement précis est composée
d’une succession de corrections dépendant de l’analyse du signal d’erreur
appelé feedback. Ce signal représente la différence perçue par l’exécutant
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entre le but désiré du mouvement et le but qui va être atteint. La réponse à ce


signal est l’exécution de la correction appropriée. Du point de vue de la
théorie de l’information, les dimensions qui peuvent être placées au niveau
du feedback sont en rapport avec son incertitude.
100 ▪ La dimension mouvement balistique — mouvement contrôlé.
L’exécution de mouvements qui n’exigent pas de correction ne fait peser
aucune demande sur la capacité de traitement de l’information. Ce sont les
mouvements qui se déroulent en boucle ouverte (mouvements balistiques).
Par contre, les mouvements contrôlés qui fonctionnent en boucle fermée
exigeront un traitement de l’information : plus le contrôle est important, plus
la charge est grande. Nous retrouvons ici l’indice de difficulté de la tâche de
Fitts décrit plus haut.
101 ▪ La dimension feedback extéroceptif — feedback intéroceptif. La
charge de traitement de l’information va dépendre, donc, de la détection et
de la correction des erreurs. Cette charge est d’abord liée à la détection du
feedback, c’est-à-dire à la quantité d’incertitude présente dans ce feedback.
L’information pour la détection des erreurs viendra principalement des
feedback visuels et proprioceptifs, et la quantité d’information dans de tels
signaux dépendra de leur incertitude. Or, nous pouvons affirmer avec
Welford (1977) que nous sommes rarement au courant dans le détail des
diverses exigences de la tâche, mais plutôt de son objet ou de son but. De
façon similaire, nous sommes rarement conscients des actions précises et
détaillées que nous entreprenons, mais plutôt des modifications que nos
actions apportent à une situation extérieure. De ce point de vue, les signaux
extéroceptifs, comparant le but et la réalisation, seront moins incertains, plus
facilement détectables que les signaux proprioceptifs. La technique du bio-
feedback est d’ailleurs une technique de transformation de signaux
intéroceptifs en signaux extéroceptifs facilitant la réalisation de certains
mouvements.
102 Signalons qu’une fois le signal d’erreur perçu, il y aura une nouvelle charge
de traitement de l’information qui va, elle, consister à organiser et déclencher
le mouvement qui annulera cette erreur.
103 À ces descripteurs d’une tâche motrice à caractère bio-informationnel,
identifiés dans un travail antérieur (Famose, 1983), nous ajouterons, par la
suite, certaines dimensions identifiées par Billing (1980), Herkowitz (1978),
Landers et Boutcher (1986).

Les systèmes de classification qualitatif et quantitatif


104 Après avoir choisi le domaine des descripteurs de la tâche, c’est-à-dire les
différentes sources d’incertitude en rapport avec le but, les conditions
environnementales de nature bio-informationnelle et les procédures, deux
solutions se présentent à celui qui cherche à constituer un système de
classification. Il s’oriente soit vers un système de type qualitatif, soit vers un
système de type quantitatif.

1 — Classification qualitative
105 Dans une classification qualitative, le descripteur s’applique ou ne s’applique
pas à la tâche qui est examinée. Par exemple, l’environnement est-il instable
ou non ? Est-il certain ou non ? Un système de classification qualitatif est
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construit sur la présence ou l’absence d’une série de descripteurs qui sont


considérés comme des attributs des tâches. Le système de classification des
situations motrices élaboré par Parlebas (1981) illustre parfaitement ce mode
de classification (figure 19). On y trouve trois descripteurs :

l’incertitude issue de l’environnement (I),


l’interaction praxique avec partenaire (P),
l’interaction praxique contre adversaire (A).

« Chaque situation peut être caractérisée par le fait qu’elle possède ou non
chacun de ces trois paramètres. La combinatoire de ces trois facteurs, traités
de façon binaire en termes de présence ou d’absence, conduit à huit catégories
différentes. Cette procédure effectue une partition de l’ensemble des situations
motrices en huit classes d’équivalence. »

La classification prend en compte les trois critères de différenciation : I, P et


A, traités de façon binaire (un symbole surligné signale la non-présence du
critère correspondant). Chacun des huit chemins de l’arbre définit une classe
d’équivalence.
Figure 19 — Classification en arbre de l’ensemble des situations motrices
(d’après Parlebas, 1981).
106 Nous signalons ici, sans développer outre mesure, qu’il existe deux types de
système de classification qualitatif : les systèmes monothétique et
polythétique.
107 Dans les systèmes de classification monothétiques, auxquels appartiennent la
plupart des systèmes que nous avons présentés – Poulton (1957), Fitts
(1962), Singer (1972), Farrell (1974), Parlebas (1981), etc. –, chaque catégorie
de tâche est définie grâce à une série unique d’attributs. Cette série est
généralement petite, de sorte que la possession de ces caractéristiques soit à
la fois nécessaire et suffisante pour appartenir à la classe ainsi définie. Ainsi,
dans le système de Parlebas, pour appartenir à la classe des situations
psychomotrices, il faut que le milieu soit certain, et qu’il n’y ait pas
d’interaction avec des partenaires et des adversaires.
108 De même, nous avons proposé (Famose, 1982a et b) un système de
classification qualitatif monothétique des tâches prescrites par l’enseignant
ou l’entraîneur (tableau 7). Ce système repose sur l’approche des
caractéristiques de la tâche. Ici aussi, il y a trois descripteurs correspondant
aux trois éléments de la tâche : but, conditions environnementales,
opérations. Chacun de ces éléments peut être spécifié ou non par le maître.
Par exemple, pour appartenir à la classe des tâches semi-définies de type II, il
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faut que le but soit spécifié, que l’aménagement matériel soit spécifié et les
opérations non spécifiées. De même, une tâche définie de type II peut être
décrite comme une tâche dans laquelle les attributs (but spécifié, opération
spécifiée et aménagement matériel spécifié) sont présents ; dans une tâche
non définie de type I, les attributs (but non spécifié, opération non spécifiée
et aménagement matériel non spécifié) sont présents. En d’autres termes,
une pondération de « un » est assignée à ces attributs qui définissent un type
particulier de tâche et une pondération de « zéro » à ces attributs non inclus
dans la définition de ce même type de tâche. Trouver par exemple les
attributs : but non spécifié, opérations non spécifiées et aménagement
matériel non spécifié présents dans une tâche spécifique (comme dans « Les
enfants, vous faites ce que vous voulez en utilisant le matériel que vous
désirez ») indique que la tâche peut être catégorisée comme une tâche non
définie de type I. Ainsi, dans ce type de système, chaque classe a une série
unique d’attributs qui la définit. « Les classifications monothétiques sont
celles dans lesquelles les classes établies diffèrent par au moins une propriété
qui est uniforme parmi les membres de chaque classe » (Sokal, 1974).

Tableau 7 — Différents types de tâches selon les spécifications de la consigne


(d’après Famose, 1982).
109 Dans les systèmes de classification polythétique, on recherche la
configuration totale des caractéristiques qui peut être attribuée à chaque
tâche. Les tâches qui partagent le plus grand nombre de caractéristiques
communes sont placées dans la même catégorie. Il ne s’agit plus ici de
considérer uniquement une série d’attributs définis a priori. Aucun attribut
simple n’est nécessaire et suffisant pour être membre de la classe : « Dans les
classifications polythétiques, les catégories sont des groupes d’individus ou
d’objets qui partagent une grande proportion de leurs propriétés mais il n’y
a pas nécessairement un agrément pour chacune des propriétés. Aucune
propriété simple, uniforme, n’est requise pour la définition d’un groupe
donné, ni aucune combinaison de caractéristiques n’est nécessaire pour la
définir » (Sokal, 1974). Ce type de classification s’impose surtout lorsque de
nombreuses propriétés sont utilisées pour classer les entités. La similarité
peut être exprimée ici en termes du nombre d’attributs communs par rapport
au nombre total d’attributs sous considération.
110 Nous ne développerons pas davantage ce mode de classification dans la
mesure où, à notre connaissance, il n’a pas été employé dans les divers
systèmes de classification des tâches motrices connus à ce jour. Le
mentionner était cependant nécessaire, une telle procédure de classification
n’étant pas à exclure a priori.

2 — Classification quantitative
111 Dans ce type de classification, les jugements quant à la présence ou l’absence
d’éléments sont énoncés en termes de degré. En général, des échelles
ordinales sont utilisées pour décrire les attributs, pour établir des différences
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entre les tâches. La quantité, ou degré, selon lequel les attributs sont présents
est alors prise en considération (par exemple, la quantité de force explosive).
Nous avons vu que les classifications qualitatives ont toujours traité
l’incertitude de l’environnement en termes de présence ou d’absence. Milieu
certain ou incertain chez Parlebas (1981), environnement stable ou instable
chez Fitts (1962), Gentile (1972a et b), Arnold (1985), environnement
prévisible ou imprévisible chez Poulton (1957). Mais on peut aussi
différencier les tâches en fonction de la quantité d’incertitude. Toutes les
tâches possèdent les mêmes caractéristiques, mais à un degré différent.
112 Pour évaluer ce degré, l’utilisation d’échelles est rendue nécessaire. Elles sont
du même type que celle que nous avons proposée plus haut à propos de
l’incertitude spatiale.
113 Dans le cadre de notre préoccupation, un point mérite d’être souligné ici : les
systèmes qualitatifs (et surtout de ceux qui introduisent une
dichotomie) sont inaptes à rendre compte de la difficulté des tâches
motrices. Si nous reprenons le continuum de Knapp : « Le fait qu’une
habileté soit située à l’une ou l’autre extrémité du continuum
n’implique nullement qu’il soit plus ou moins difficile d’y devenir
un champion. Pour devenir un champion dans les habiletés
fermées, le sujet doit acquérir des coordinations musculaires
synchronisées presque parfaites, et travailler dur ensuite pour
développer sa force et sa puissance. Il ne peut masquer ses
insuffisances techniques ou physiques. En revanche, pour briller
dans des spécialités ouvertes, telles que les jeux de raquette ou
d’équipe, l’escrime ou la boxe, l’individu doit être capable de faire
face à une grande variété de situations ; mais il peut, s’il est
habile, contrôler ces situations dans une certaine mesure. Il peut
donc compenser les insuffisances de sa technique ou des
aptitudes physiques » (Knapp, 1971).
114 Nous sommes donc loin d’un système de classification qui nous permette de
distinguer entre les tâches à la fois en nature et en difficulté. On ne peut pas
faire la différence entre la difficulté relative des habiletés ouvertes et fermées
ni à l’intérieur de chaque catégorie. Ensuite, rien ne nous permet de dire ce
qui rend une habileté ouverte plus difficile à réaliser qu’une autre.
Le système de Fitts
115 Cette impossibilité à relier les systèmes qualitatifs à la notion de difficulté est
parfaitement illustrée par le système de Fitts (1962).
116 Dans le domaine des descripteurs en rapport avec les conditions
environnementales, la première taxonomie de Fitts cherche à établir la
relation système de classification qualitatif — difficulté de la tâche. Il a été
l’un des premiers à proposer un système hiérarchique de classification des
tâches motrices fondé sur une difficulté croissante. Cette classification repose
sur l’état du système sujet - tâche avant le déclenchement du mouvement
(tableau 8). Deux caractéristiques de ce système sont prises en compte.
Premièrement, le corps de l’exécutant avant le déclenchement du
mouvement est-il stationnaire ou en mouvement ? Deuxièmement, l’objet sur
lequel va porter l’activité est-il stationnaire ou en mouvement ? Une
troisième caractéristique est issue des deux premières : l’objet et le corps
sont-ils en même temps stationnaires ou en mouvement ?

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Tableau 8 — Système de classification des tâches motrices (d’après Fitts,


1962).
117 Fitts a identifié trois niveaux de difficulté dans sa classification hiérarchique.
Le niveau 1 de difficulté est considéré comme le moins difficile et le niveau 3
le plus difficile.
118 Les tâches de type I (niveau 1) sont celles dans lesquelles l’exécutant et l’objet
sont immobiles avant l’exécution du mouvement. Le golf, par exemple, est
une activité de type I puisque le corps et la balle sont immobiles avant le
déclenchement de l’action. Il en est de même pour le tir à l’arc.
119 Les tâches de niveau intermédiaire de difficulté (niveau 2) sont celles dans
lesquelles, soit le pratiquant est en mouvement alors que l’objet est immobile
(type III), soit l’objet est en mouvement et le corps stationnaire (type II). Un
tir de penalty au football ou un coup franc au rugby sont des tâches de type
III. Le geste d’un batteur de base-ball appartient au type II. Les types II et III
relèvent du même niveau intermédiaire de difficulté de la tâche.
120 Les tâches de niveau 3 de difficulté (type IV) impliquent à la fois des
mouvements du corps avant le départ de l’action et un déplacement de
l’objet. Un joueur de tennis se déplaçant pour frapper une balle de
l’adversaire effectue une tâche dont la difficulté est de niveau 3. Ces tâches où
à la fois le corps et l’objet sont en mouvement sont plus difficiles que celles
où le corps et l’objet sont stationnaires.
121 Qu’est-ce qui a permis à cet auteur d’établir cette hiérarchie dans la
difficulté ? Dans ce système, la difficulté est considérée de manière objective
et n’implique pas le niveau d’habileté du pratiquant. La tâche de type IV
appartenant au niveau 3 est la plus difficile du fait de la quantité
d’informations essentielles qui doit être traitée par le sujet. Quand le
pratiquant est en mouvement au moment du déclenchement de la réponse
(mouvement de lancer), peu de temps lui est accordé pour présélectionner la
position du corps, d’autant plus que le changement constant de la position de
celui-ci augmente considérablement la quantité d’informations à traiter. De
même, lorsque les stimuli environnementaux régulateurs sont en
mouvement, la complexité de la tâche est accrue du fait des demandes
d’enregistrement visuel et d’anticipation auxquelles est confronté le sujet. En
conséquence, les tâches de type I peuvent être relativement faciles, celles de
type II et de type III de difficulté intermédiaire, et celles de type IV
relativement difficiles.
122 Un mouvement de lancer exécuté dans les conditions statiques du type de
tâche I (corps stable, environnement stable) n’exige des sujets aucune
anticipation. Par contre, dans les conditions de type II (corps stable,
environnement instable), les sujets sont confrontés à un stress temporel
durant lequel ils doivent prédire la durée de leur mouvement de lancer et
celle du vol du projectile, ainsi que la position de la cible quand la réponse
sera terminée. Les tâches de type III (corps instable, environnement stable)
exigent la même série de prédictions avec, cependant, une exception
importante : puisque c’est le corps plutôt que la cible qui est en déplacement,
le pratiquant doit estimer la position de son corps par rapport à la cible à
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l’instant précis où se termine la réponse. Les tâches de type IV (corps


instable, environnement instable) combinent les demandes d’anticipation
des tâches de type II et III.
123 Cette classification a le défaut de ne pas distinguer, pour ce qui concerne la
difficulté, dans les tâches de niveau 2, celles où le corps est en mouvement et
celles où c’est l’objet qui se déplace. Cependant, elle a le mérite d’avoir essayé
d’introduire une hiérarchie de difficulté objective facilement manipulable.
Mais l’impossibilité à différencier la difficulté des types de tâche II et III
illustre bien l’inadéquation des systèmes qualitatifs pour rendre compte de la
difficulté. Fitts, lui-même, n’a pas cherché à valider son système.
124 Cette validation a été recherchée par Hoffman, Imwold et Koller (1983) qui
ont conçu une expérience pour examiner les différences de performance de
lancer selon les différentes catégories de tâches énoncées par Fitts. Les sujets
ont été confrontés aux quatre conditions dans une tâche de lancer de
précision. L’appareillage était constitué par une cible qui, soit restait
immobile, soit se déplaçait comme le balancier d’une pendule. Les
mouvements du corps étaient contrôlés par un siège balancier. Les
mouvements de la cible et du corps se faisaient dans le plan frontal et en sens
opposé. Les performances dans la tâche IV ont été significativement plus
basses que celles des trois autres types de tâches. Les performances pour les
tâches II et III ont été significativement plus basses que celles réalisées pour
la tâche I. Par contre, les scores pour les tâches II et III n’ont pas différé
significativement.
125 Les résultats de cette étude mettent en évidence seulement trois catégories
indépendantes dans le système de Fitts : la tâche I, IV et une combinaison
des tâches II et III. L’impossibilité d’observer des différences significatives
entre les tâches II et III suggère que les variables corps stable —
environnement instable et corps instable — environnement stable ne sont
pas suffisamment distinctes pour garantir une classification exclusive.
126 Cette recherche apporte en outre un argument déterminant concernant
l’inaptitude de la classification « ouvert — fermé » à permettre une
manipulation de la difficulté. Dans les tâches ouvertes, nous l’avons vu, les
pratiquants adaptent leur mouvement à un environnement instable et, dans
les tâches fermées, à un environnement stable. Les résultats de l’étude de
Hoffman, Imwold et Koller suggèrent que les tâches classées comme ouvertes
peuvent différer considérablement. On peut dire la même chose pour les
tâches fermées. Dans la taxonomie de Fitts, les types de tâche I et III sont des
tâches fermées. Cependant, la performance de lancer était significativement
meilleure sur I que sur III. Cela montre que les tâches dans lesquelles le
corps est en mouvement sont qualitativement différentes de celles dans
lesquelles le corps est stationnaire, même si l’environnement reste stable.
Ainsi, pour analyser la structure des habiletés motrices, il y a besoin
d’accorder une plus grande attention à l’état du corps au moment de
l’accomplissement de la tâche. C’est la raison pour laquelle nous avons
introduit (voir chapitre I : Différenciation tâche — activité — performance)
l’état du corps au niveau des conditions qui accompagnent la réalisation du
but. Par ailleurs, les tâches II et IV appartiennent à la catégorie des tâches
« ouvertes ». Elles diffèrent cependant en difficulté.

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127 Cette insuffisance des systèmes qualitatifs pour rendre compte de la difficulté
des tâches motrices a conduit les chercheurs dans deux directions
différentes. Parfois les auteurs, conscients de ce problème, ont cherché, tout
en maintenant le principe d’une classification qualitative, à rajouter une
dimension supplémentaire ou un continuum qui rendrait compte de la
difficulté. C’est le cas notamment de Holding (1981), Farrell (1974) ou
Parlebas (1986). D’autres, comme Higgins (1977) ou Billing (1980), vont se
tourner vers des classifications quantitatives. Considérons tour à tour ces
deux types de tentatives.
Le système de Holding
128 Holding a repris le continuum de Knapp. Il distingue les habiletés en
fonction de ce qui est requis. Il fait cependant remarquer que la terminologie
habileté ouverte — habileté fermée est malheureuse, puisque les habiletés
fermées sont virtuellement « des boucles ouvertes » en termes de contrôle
moteur, et vice versa. Malgré cette objection de détail, cette distinction lui
semble néanmoins recouvrir une différence réelle. Il rapproche la distinction
« ouverte — fermée » de la vieille dichotomie « habileté — habitude »,
puisque l’habileté fermée devient facilement habituelle. Il propose donc un
premier continuum qui va des habiletés perceptives aux habiletés motrices
habituelles.

Figure 20 — Système de classification des tâches motrices (Holding, 1981).


129 Cependant, Holding introduit en plus de la distinction ouverte — fermée
(perceptive — motrice) une autre dimension, orthogonale à la première et
susceptible de rendre compte de la difficulté : il s’agit du continuum simple -
complexe (figure 20).
130 Les habiletés ouvertes — perceptives peuvent être simples ou complexes. Il
en est de même pour les habiletés motrices fermées. Comment rendre
compte de ces différences dans la difficulté ? Ces difficultés sont dues, d’une
part, à deux caractéristiques concernant ce qui est requis (à savoir : activité
globale ou fine) et, d’autre part, à deux caractéristiques intrinsèques de la
tâche (à savoir : la distinction entre tâche discrète ou continue). Examinons
ces deux types différents de descripteurs.
A) Activité globale ou activité fine
131 Holding pense, selon la logique de son principe de classification qui repose
sur ce qui est requis par la tâche, que les différences dans la difficulté sont

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celles que l’on retrouve entre les habiletés globales et fines bien que, selon
lui, la correspondance soit loin d’être parfaite.
132 Les activités globales sont caractérisées par l’utilisation de groupes
musculaires importants et, dans ce type d’activité, la précision du
mouvement n’est pas aussi importante pour l’efficacité de la performance
que dans des activités fines (marche, course, saut, lancer). Toutefois,
l’enchaînement harmonieux et coordonné des différentes séquences de ces
activités est essentiel à leur réalisation. Les activités fines exigent, au
contraire, le contrôle de petits groupes musculaires. Elles réclament la
plupart du temps une coordination visuo-manuelle précise (écrire, dessiner,
jouer du piano, tirer au pistolet). Les habiletés globales, c’est-à-dire celles qui
mettent en jeu un déplacement total du corps (gymnastique de compétition),
sont souvent moins difficiles que certaines habiletés fines qui font intervenir
la dextérité manuelle (jouer du piano).
133 Bien sûr, ces deux catégories représentent les points extrêmes d’un
continuum. Il semble en effet évident qu’un grand nombre d’activités
motrices se retrouve au centre de ce continuum. Ainsi, lancer une balle de
base-ball ou frapper une balle de tennis sont des activités qui sollicitent
simultanément des grosses et des petites masses musculaires, et constituent
toutes une coordination visuo-manuelle. Il apparaît donc que ce seul
descripteur ne permet pas de distinguer la difficulté entre les tâches. Afin de
résoudre ce problème, Holding a ajouté un descripteur supplémentaire pour
rendre compte de la difficulté : il s’agit de la différence qui peut être faite
entre les tâches motrices discrètes et les tâches motrices continues.
B) Tâche discrète ou tâche continue
134 Brown et Jenkins (1947) semblent avoir été les premiers à introduire cette
distinction. Ils ont proposé trois catégories de tâches : discrète, sérielle et
continue. Qu’est-ce qui différencie ces trois types de tâches ? Il semble que ce
soit le rapport temporel entre les caractéristiques du stimulus et celles de la
réponse.
135 La figure 21 représente une classification relativement approximative de
quelques tâches ou activités motrices selon le continuum discret — continu
établi par Holding (1981).

Figure 21 — Continuum tâches continues - tâches discrètes (Holding, 1981).


136 Une tâche discrète est celle dans laquelle les éléments stimuli sont séparés
par un intervalle de temps considérable. Fitts et ses collaborateurs ont
suggéré que tout intervalle de temps entre deux stimuli supérieur à dix
secondes définissait une tâche discrète. Taper une balle de golf est une tâche
discrète. Lorsque les stimuli, qu’ils soient identiques ou différents, se
répètent de manière régulière à des intervalles plus ou moins réguliers allant
d’une fraction de seconde à quelques secondes, la tâche peut être considérée
comme sérielle. Taper à la machine est un exemple de tâche sérielle. Lorsque
les intervalles entre les stimuli sont encore plus réduits, la tâche peut être
considérée comme continue. Conduire une voiture est un exemple de tâche
continue. On peut aussi déterminer une tâche discrète ou continue en
considérant l’organisation temporelle de la réponse. Si l’on peut identifier
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précisément le début de l’acte et la fin, elle est classée comme discrète (lancer
d’une balle, saut sans élan). Toutefois, nous trouvons souvent dans les
activités sportives un enchaînement d’activités discrètes exécutées en
succession (départ en planche à voile : monter sur la planche, remonter sa
voile, saisir le « wishbone »…, maintenir l’équilibre). Il s’agit là d’une tâche
sérielle. Une tâche est identifiée comme sérielle quand le début et la fin des
unités peuvent être identifiés mais que les événements se suivent dans une
séquence rapide. Dans une tâche sérielle, chaque partie ou phase de l’activité
est à la fois réponse au mouvement précédent et stimulus pour le mouvement
subséquent.
137 Les activités de type continu sont celles où l’on ne peut pas identifier de façon
précise et objective le début et la fin du mouvement. Plus précisément, ces
repères ne sont pas critiques pour l’exécution de la tâche (tenir le volant
d’une automobile, suivre un point sur un radar, courir un marathon, faire du
ski). Dans ces tâches, le sujet doit s’adapter et répondre à des informations
venant de l’environnement. Il doit tenter de garder le système dans un état
d’équilibre.
138 Holding parvient donc à une classification « intuitive » des tâches ou des
habiletés à deux facteurs (le concept de tâche rejoignant, pour cet auteur,
celui d’habileté).
Le système de Parlebas
139 Nous avons vu plus haut que Parlebas adopte trois critères pour son système
de classification des jeux sportifs : l’incertitude de l’environnement, la co-
action avec partenaire et la co-action contre adversaires. Un tel système ne
permet pas de différencier des degrés de difficulté à l’intérieur des jeux
sportifs à partir de la quantité d’incertitude. Parlebas reconnaît lui-même :
« Dans la classification présentée (...), on ne différencie pas une incertitude
légère de l’environnement (cross, slalom) d’une incertitude très prononcée et
chargée de risques (voile au large, raid à l’aventure). C’est la rançon qu’il
faut payer pour obtenir un nombre restreint de classes claires et
maniables. » Il admet, cependant, que « les variables retenues acceptent de
nombreuses modalités et l’une d’elles peut donner lieu à une mise en échelle
(dimension domestication/sauvagerie) » (Parlebas, 1986). Malgré cette
tentative d’ajouter des échelles à son système qualitatif, ce dernier ne permet
pas de rendre compte de la difficulté des jeux sportifs. Ce n’est d’ailleurs
apparemment pas son intention. Il est normal, en revanche, que nous nous
posions la question de savoir si, éventuellement, un tel système remplit cette
fonction. Il semble y avoir plusieurs raisons à cette impossibilité.

La mise en échelle de la dimension domestication/sauvagerie n’est pas


opérationnalisée. Considérons l’incertitude de l’environnement. Qu’est-
ce qui permet de dire que l’alpinisme comporte plus d’incertitude que le
canoë de descente ? Ou encore que la soule comporte moins
d’incertitude que le jeu de foulard ? Comme ces échelles ne sont pas
opérationnalisées, des positionnements différents sont possibles pour
différents juges, ce qui diminue leur fiabilité. Rien ne permet, en effet,
d’affirmer que tel sport ou tel jeu sportif est plus difficile que tel autre,
même du seul point de vue informationnel. De toute façon, la fiabilité de
la classification diminue, quel que soit le système de classification, dès

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que l’on cherche à classifier des activités sportives ou des jeux dans leur
globalité, et non pas des tâches spécifiques les composant.
L’incertitude de l’environnement, pour ne prendre qu’elle, est
considérée comme une entité unique. Or, la revue de littérature
scientifique que nous avons déjà effectuée montre que l’incertitude
environnementale est polymorphe. Si l’on additionne les différentes
dimensions d’incertitude proposées soit par Billing, soit par nous-même,
leur nombre dépasse la quinzaine. Toutes peuvent donner lieu à une
mise en échelle. Chacune de celles-ci doit être nécessairement prise en
compte si nous voulons comparer de manière suffisamment fine les
niveaux de difficulté de tâches différentes. D’autant plus que chaque
forme d’incertitude sollicite, en général, des étapes différentes de
traitement de l’information.

140 La tentative qui consiste à ajouter à des systèmes qualitatifs des dimensions
de nature qualitative (Holding) ou quantitative (Parlebas) pour rendre
compte de la difficulté paraît donc insuffisante, non pas en soi mais par
rapport au problème qui nous préoccupe.
Le système de Higgins
141 Le système quantitatif de classification des tâches motrices élaboré par
Higgins (1977) utilise uniquement deux dimensions en rapport avec les
conditions environnementales de nature bio-informationnelle. Il s’agit des
caractéristiques spatiales et temporelles de l’environnement. Ces
caractéristiques sont en général décrites séparément afin de permettre une
analyse appropriée des tâches motrices. Il faut cependant souligner que,
« sur le terrain », elles sont inextricablement liées. Les changements
temporels qui se produisent dans l’environnement sont intimement associés
aux changements spatiaux. En effet, le déplacement d’un objet ou d’une
personne dans l’espace entraîne systématiquement des modifications
spatiales et temporelles. Pour l’enseignant, et aussi pour le chercheur,
séparer les caractéristiques spatiales et temporelles permet de mieux
comprendre la contribution relative de chacune d’entre elles dans la
réalisation de l’habileté. Il se peut, en effet, que pour certaines tâches, les
caractéristiques spatiales jouent un rôle plus important que les
caractéristiques temporelles, ou vice versa. Pour Higgins, « jouer un rôle plus
important » signifie avoir une influence régulatrice, ou encore un contrôle
plus grand sur les actions du pratiquant. Cette influence régulatrice peut
varier simplement par degré. Si l’on considère une tâche quelconque, par
exemple, lancer une fléchette sur une cible fixe, il est possible de déterminer
subjectivement quelles sont, parmi les caractéristiques spatiales ou
temporelles, celles qui accomplissent la fonction régulatrice principale.
Puisque la cible est stationnaire, il s’agit ici des caractéristiques spatiales. De
même, lorsqu’un joueur de tennis se précipite vers le fond du court dans le
but de reprendre un lob déclenché par son adversaire, les caractéristiques
spatiales de cette tâche sont plus régulatrices que les caractéristiques
temporelles. Ici, le facteur important consiste à déterminer précisément
l’endroit vers où la balle se dirige. Dans d’autres cas, par exemple lorsque l’on
frappe une balle qui roule, les caractéristiques temporelles sont plus
régulatrices. Bien que les propriétés spatiales existent, elles sont peu

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importantes. Cette configuration des caractéristiques a pour conséquence


que le « QUAND » frapper est plus important et plus contraignant. En effet,
avant de déclencher sa frappe, le sujet doit prédire « OÙ » il doit diriger sa
crosse pour rencontrer la balle. Cette prédiction doit se réaliser en fonction
d’une série assez restreinte de possibilités. Par contre, « QUAND »
déclencher le coup, pour faire coïncider celui-ci avec l’arrivée de la balle, est
plus incertain. La prédiction temporelle est plus requise et est ainsi plus
importante.
142 À la suite de cette analyse, Higgins a identifié quatre catégories possibles de
tâches motrices, en fonction de la nature des conditions spatiales et
temporelles de l’environnement. Ces catégories se différencient selon
l’importance relative des caractéristiques spatiales et temporelles dans le
contrôle du mouvement. Plus précisément dans certaines tâches, une des
deux caractéristiques environnementales peut jouer un plus grand rôle que
l’autre. Par exemple, les propriétés spatiales peuvent constituer le facteur
régulateur le plus important du fait du changement de position des objets
dans l’environnement, tandis que les éléments temporels restent
relativement constants.
143 Les quatre catégories décrites par Higgins sont présentées ci-dessous [les
symboles « S » (spatial) et « T » (temporel) sont utilisés comme descripteurs
de chaque catégorie ; la lettre capitale désigne le type de contrôle le plus
important et la lettre minuscule désigne le type le moins important].

s/t : les contraintes imposées par les caractéristiques spatiales et


temporelles sont minimales. Ce type de contrôle peut être commun à
toutes les tâches à allure libre comme écrire ou parler ou comme dans
certaines activités d’expression. Ici, les conditions environnementales
biomécaniques peuvent avoir plus d’influence régulatrice.
S/t : les caractéristiques spatiales de l’environnement sont plus
régulatrices que les propriétés temporelles. Dans des activités ou dans
des tâches telles que le golf, le saut en hauteur, le plongeon, la
gymnastique, les mouvements sont essentiellement sous le contrôle des
caractéristiques spatiales de l’environnement. Autrement dit,
l’environnement restreint spatialement les mouvements, tandis qu’il
n’existe aucune ou peu de restrictions imposées par les propriétés
temporelles de l’environnement. D’un point de vue pédagogique, il sera
nécessaire, pour ce type de tâche, de développer la perception spatiale,
puisque les caractéristiques temporelles ne paraissent pas avoir une
influence aussi forte sur l’organisation du mouvement.
s/T : les caractéristiques temporelles de l’environnement sont plus
régulatrices que les propriétés spatiales. Nous avons déjà vu que, pour
être efficace, un mouvement doit satisfaire aux exigences temporelles de
l’environnement. Ici, d’un essai à l’autre, les propriétés temporelles sont
moins prévisibles. Lancer une fléchette sur une cible mobile (où la
position spatiale de la cible est la même pour chaque essai mais où sa
vitesse de mouvement varie) et frapper une balle de base-ball sont
quelques exemples d’habileté où les aspects temporels de
l’environnement paraissent être les conditions les plus régulatrices.

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S/T : les caractéristiques spatiales et temporelles des conditions


environnementales présentent de fortes contraintes sur l’organisation
des mouvements. Le mouvement doit se conformer à la fois aux deux
sortes d’éléments. Cependant, les caractéristiques de l’espace et du
temps varient dans de telles proportions que la prévisibilité des
événements à l’intérieur de l’environnement est relativement basse. Des
activités telles que le tennis, le badminton en sont des exemples.

144 Le système de Higgins présente à nos yeux le mérite de permettre


d’identifier, dans une variété de tâches, la nature des caractéristiques de
l’environnement (s/t ; S/t ; s/T ; S/T). Néanmoins, il ne s’accorde que deux
degrés de variation dans l’importance de la régulation spatiale et temporelle,
c’est-à-dire, comme nous l’avons déjà dit, deux degrés dans l’incertitude
spatiale et temporelle. On pourrait presque dire qu’il s’agit d’un système
qualitatif à deux descripteurs : présence ou absence d’incertitude spatiale ;
présence ou absence d’incertitude temporelle. Telle n’est pourtant pas
l’intention de cet auteur. Il s’agit pour lui d’un continuum dont il donne les
deux extrémités, mais une échelle en quatre, cinq ou sept points aurait
permis une description plus fine. En effet, dans les deux niveaux dégagés par
Higgins, rien ne permet, par exemple, de distinguer dans la catégorie S/t une
balle qui se déplace simultanément sur deux dimensions d’une balle qui se
déplace simultanément sur trois dimensions. En outre, le système de Higgins
est peu opérationnalisé. Il n’existe pas de critères objectifs et concrets qui
permettent d’assigner n’importe quelle tâche à telle catégorie plutôt qu’à telle
autre.
145 Enfin, bien que les descripteurs se différencient en fonction de leur
importance régulatrice, c’est-à-dire en fonction de leur incertitude, ce
système rend compte de manière imparfaite de la difficulté. On peut penser,
bien que cela ne soit pas suggéré de manière explicite, que s est plus facile
que S et que t est aussi plus facile que T. Par contre, rien ne nous permet de
formuler un quelconque jugement sur la difficulté relative de S/t par rapport
à s/T. Il s’agit là d’un problème important auquel nous essayerons d’apporter
ultérieurement une réponse.
Le système de Herkowitz
146 Herkowitz (1978) a proposé un système quantitatif de classification des
tâches motrices afin de favoriser la conception de l’enseignement des
habiletés d’anticipation - coïncidence. Il utilise plusieurs descripteurs en
rapport avec les conditions environnementales. Le tableau 9 représente les
principaux aspects de l’environnement qui, selon cet auteur, peuvent affecter
la difficulté objective d’une tâche d’anticipation - coïncidence (un coup droit
au tennis). La ligne horizontale supérieure du tableau énumère les différents
facteurs environnementaux considérés : grosseur, vitesse, trajectoire et
couleur de la balle ; surface de frappe de la raquette, longueur du manche et
poids de la raquette. Les colonnes correspondant à chaque facteur
représentent une gradation dans le niveau de complexité. Elles sont
constituées par des échelles ordinales ou numériques.

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Tableau 9 — Système de classification des tâches motrices (d’après


Herkowitz, 1978).
147 Ce système est intéressant à plusieurs titres :

il s’agit d’un des rares systèmes où sont simultanément considérées des


conditions environnementales de type bio-informationnel (vitesse,
grosseur, trajectoire, couleur de la balle, surface de frappe) et
biomécanique (grandeur du manche, poids du matériel) ;
les dimensions sont opérationnalisées (vitesse de la balle) ;
en arrangeant les niveaux de difficulté intra- et inter-colonnes,
l’éducateur peut créer des progressions d’enseignement. Pour les
premières tentatives du débutant, il est possible d’utiliser des tâches
dont les caractéristiques se situent en haut de chaque colonne. Par
exemple : frapper, avec la main, une grosse balle suspendue à une corde.
La couleur de la balle est prégnante par rapport au fond. Aucune cible
n’est requise, le but principal est la force. Par la suite, l’éducateur peut
rendre la tâche plus difficile en déplaçant une ou plusieurs des
caractéristiques environnementales vers le niveau suivant de difficulté.
Il peut y parvenir selon des choix différents : le débutant frappe une
balle plus petite ou bien encore l’éducateur garde la même grosseur de
balle et le sujet doit frapper une balle qui se balance au bout de la corde.
Il peut utiliser une raquette à manche court et à grande surface de
frappe.

148 Ce système correspond tout à fait à deux des objectifs que nous avions
annoncés plus haut concernant le but de la classification :

créer une grammaire de la tâche permettant de générer des tâches de


niveaux de difficulté variés en jouant sur les caractéristiques
intrinsèques de la tâche ;
favoriser la conception de l’enseignement.

149 On peut cependant lui reprocher le petit nombre de descripteurs utilisés et


aussi le fait qu’il ne propose pas de méthode de quantification de la difficulté
des tâches.
Le système de Billing
150 Billing (1980) a identifié plusieurs dimensions de la difficulté objective en
relation avec les trois mécanismes de traitement de l’information, à savoir le
mécanisme perceptif, le mécanisme de traitement central et le mécanisme
générateur de mouvement. Il a pris aussi en considération, nous l’avons vu
plus haut, la complexité de la tâche en relation avec la disponibilité du
feedback.

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151 Brièvement, nous conclurons que les descripteurs ne sont pas opérationnels
et ne sont pas traduits en termes de degré. Pour qu’un système de
classification soit valide, il est indispensable que les tâches soient classifiées
aussi objectivement que possible. Par exemple, sur la dimension incertitude
spatiale, le degré d’incertitude spatiale d’une tâche motrice quelconque ne
peut être estimé que s’il y a un descripteur bien opérationnalisé de manière
objective (par exemple : l’objet se déplace sur une dimension, l’objet se
déplace sur deux dimensions simultanément, etc.). D’où la nécessité de
construire et valider des échelles similaires à celle que nous avons présentée
à la figure 10.
Le système de Landers et Boutcher
152 Un système de classification des tâches motrices a été proposé par Landers et
Boutcher (1986) dans le but d’évaluer la complexité des habiletés motrices.
Le besoin d’un tel système est apparu dans les recherches actuelles sur la
relation activation — performance sportive. On sait que trois variables ont été
identifiées comme jouant un rôle considérable. Il s’agit des différences
individuelles, notamment au niveau de l’anxiété, du potentiel du sujet et des
demandes de la tâche. Il existe des moyens d’évaluer les deux premières
variables et aucun pour évaluer la dernière. C’est à la construction d’un tel
système d’évaluation de la complexité des tâches que se sont attachés ces
auteurs. Comme on peut le voir sur le tableau 11, l’instrument de mesure
permettant de mesurer la complexité des tâches ou des activités sportives
comprend treize dimensions. Celles-ci correspondent aux dimensions des
trois stades, perceptif, décisionnel et effecteur, proposés par Billing pour
classifier les tâches motrices en fonction de leur complexité. Pour chaque
dimension, une échelle de difficulté en cinq points, de 0 à 4, est proposée. Le
niveau global de complexité de la tâche peut être calculé de manière
cumulative en faisant la somme de toutes les valeurs recueillies sur chaque
dimension. Les tâches motrices peuvent ainsi être rangées à l’intérieur de
cinq grandes catégories quantitatives de difficulté, chacune correspondant à
une marge de score allant de : 0 à 10 ; 11 à 16 ; 17 à 21 ; 22 à 31 ; et 32 et au-
dessus. À titre d’exemple, un score final situé entre 0 et 10 est indicatif d’une
tâche de basse complexité alors qu’un score entre 32 et 52 est associé aux
tâches les plus complexes.
153 Ce système présente un grand intérêt dans la mesure où :

il reprend le système proposé par Billing mais tente de


l’opérationnaliser ;
il propose un moyen de calculer le niveau de difficulté objective d’une
tâche. Pour ce faire, les auteurs proposent une série d’opérations :
sélectionner une tâche particulière : par exemple, jouer « demi » au
football américain. Ils conseillent, à ce propos, d’éviter de choisir,
pour cette estimation, des activités globales telles que la
gymnastique, le football ou le basket. Plus la tâche sera spécifique
mieux cela vaudra ;
situer cette tâche sur chacune des dimensions présentées dans le
tableau 11 ;
totaliser les scores obtenus sur chaque dimension et regarder, à
l’aide du tableau 10, dans quelle catégorie se situe la tâche choisie.

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Par exemple, dans le tir à l’arc, des scores élevés sur les dimensions
C1 et C4 des caractéristiques de l’acte moteur produisent un score
total élevé. En revanche, en sprint court, les processus perceptifs et
décisionnels reçoivent généralement des valeurs basses (1 et 2) et,
du fait de la nature non fine de cette activité, le score global de la
tâche reste à un niveau relativement bas.

154 Ce système proposé par Landers et Boutcher présente à nos yeux le mérite
d’être la première tentative sérieuse de construction d’un instrument
d’évaluation de la complexité des tâches motrices. Il est plus opérationnel
que celui de Billing, dont il reprend néanmoins la plupart des dimensions.
Par ailleurs, il propose un moyen simple de calculer la complexité globale
d’une tâche.
155 Un certain nombre de critiques peuvent cependant lui être faites.

Tout d’abord, le mode de calcul de la complexité globale de la tâche fait


que chaque dimension a une égale importance dans la détermination de
cette complexité. Or, l’expérience de Famose et Genty (1989) a montré
que certaines dimensions agissent différemment dans la détermination
du niveau total de difficulté objective d’une tâche motrice.
Ensuite, des dimensions fondamentales comme l’incertitude spatiale ou
l’incertitude temporelle, au cœur d’autres systèmes de classification
(notamment celui de Higgins), n’apparaissent pas dans ce système. Si
bien que les différentes tâches dont Famose, Durand et Bertsch (1985)
ont montré qu’elles différaient réellement en difficulté objective se
trouvent situées dans la même catégorie à l’intérieur du système de
Landers et Boutcher.
Enfin, malgré le désir des auteurs d’opérationnaliser leur système, celui-
ci ne l’est, à nos yeux, que très partiellement. Certes, la dimension
« durée des stimuli » est, par exemple, bien opérationnalisée. Des
critères concrets permettent de situer sans risque d’erreur les tâches sur
cette dimension. En revanche, « l’intensité des stimuli » ou encore « la
clarté du stimulus » sont beaucoup plus abstraites. Qu’est-ce en effet
qu’un stimulus intense ou un stimulus évident ?

Score de complexité Habileté sportive


0-10 Blocage au football, courir 200 m ou 400 m
11-16 Sprint courts, saut en longueur
17-21 Basket-ball, boxe, judo
22-31 Tennis, escrime, lancer au base-ball
32 + Tir à l’arc, golf, etc.

Tableau 10 — Exemples de scores de complexité obtenus par Landers et


Boutcher à partir de leur instrument d’évaluation de la complexité de la
tâche.

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Tableau 11 — Estimation de la complexité d’une tâche motrice.


Le système de Famose
156 Nous avons, pour notre part, proposé un système quantitatif de classification
des tâches motrices de nature bio-informationnelle (figure 22) en
opérationnalisant les différentes dimensions dont les définitions sont
données dans la partie consacrée à l’évaluation des systèmes de classification
(Famose, 1983). Nous pensons cependant que ce système doit être
perfectionné :

en ajoutant des dimensions pertinentes proposées par Herkowitz,


Billing ou Landers et Boutcher ;
en supprimant des dimensions qui, sans être erronées, nous semblent
peu pertinentes ;
en opérationnalisant toutes les dimensions retenues ;
en associant ces descripteurs aux différents éléments de la tâche tels que
nous les avons proposés dans la première partie ;
en mettant en regard de chaque descripteur le stade de traitement qui
est plus particulièrement sollicité par une augmentation de la difficulté
sur cette dimension.

157 Nous présentons dans le tableau 12 ce nouveau système quantitatif de


classification des tâches motrices.
158 Ce système correspond d’abord à une première intention du système de
classification que nous avons énoncé plus haut, à savoir qu’il permet la
génération du maximum de tâches motrices différentes. Pour cela, il suffit de

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faire la combinatoire de l’ensemble des profils possibles de difficulté


objective. Un moyen simple d’y parvenir est, par exemple, de reprendre le
mode de calcul de Landers et Boutcher et de créer toutes les tâches dont le
score de difficulté est 13, puis toutes les tâches dont le score est 14, puis 15,
etc. Si nous faisons la combinaison de tous les assemblages possibles, nous
voyons les possibilités immenses de création de tâches motrices que
renferme ce système.
159 Mais il permet aussi de classifier les tâches en catégories qui sont des
catégories de niveau de difficulté globale de la tâche. Avant que d’autres
recherches ne nous aient permis d’avancer dans ce domaine, nous pensons
qu’il est souhaitable de reprendre la méthodologie de Landers et Boutcher
pour calculer ce niveau. Comme le nombre et la nature des dimensions
proposées est différent de celui de ces deux auteurs, nous ne sommes pas en
mesure de proposer actuellement des grandes marges de score délimitant les
classes d’appartenance en fonction du niveau de difficulté. Cependant, une
recherche que nous menons actuellement devrait déboucher rapidement.
160 En outre, non seulement il offre une représentation approximative du niveau
de difficulté, mais aussi il permet de localiser le lieu de la tâche où cette
difficulté est la plus importante, de manipuler les dimensions afin de
diminuer ou d’augmenter la difficulté. Pour ce faire, il est d’abord nécessaire
d’établir un profil de la tâche en joignant chaque point de chaque dimension.
Prenons un exemple : la tâche du relanceur au tennis. À supposer qu’il ait en
face de lui un très grand joueur, nous présentons à la figure 22 le profil de la
tâche que nous pourrions établir.

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Tableau 12 — Système quantitatif de classification des tâches motrices à


caractère bio-informationnel (d’après Famose, 1989).
161 Ce système de classification permet donc de percevoir quelles sont les
demandes essentielles d’une tâche donnée, c’est-à-dire sur quelles
dimensions elles se situent principalement et quelle est la charge totale de la
tâche. Nous voyons ainsi tout l’intérêt que peut représenter cette
classification d’un point de vue pédagogique, puisqu’elle va nous permettre
de manipuler chacune des dimensions afin d’augmenter ou de diminuer la
charge de traitement de l’information. Il est, en effet, facile de construire une
tâche présentant moins de complexité sur telle ou telle dimension à partir
d’une tâche dont on sait qu’elle est trop difficile pour un sujet donné. Par
exemple, pour notre tâche de tennis, on peut jouer sur la dimension
incertitude spatiale et sur la dimension incertitude événementielle, ou sur
toutes les autres dimensions. Et cela est aussi valable dans l’autre sens : celui
d’une complexification progressive de la tâche motrice.

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Figure 22 — Système de classification quantitatif des tâches motrices.


Profil de difficulté objective de la tâche de retour de service au tennis
(Famose, 1983).
162 Enfin, ce système laisse envisager un autre moyen d’évaluer le niveau
d’habileté des élèves qui ne reposerait pas entièrement sur des
comportements significatifs mais aussi sur le niveau de difficulté des tâches.
Pour y parvenir, il serait possible d’envisager d’utiliser un certain nombre de
tâches différentes dont on a calculé, au préalable, le niveau de difficulté. On
en prendrait plusieurs appartenant à la même catégorie, puis d’autres
appartenant à des catégories différentes ; par exemple : score de difficulté
allant de 0 à 15, puis de 15 à 30, et ainsi de suite…

Évaluation du système de classification


163 La dernière question méthodologique concernant la procédure de
classification concerne l’évaluation du système produit. Quels critères doit-
on utiliser pour cette évaluation ? Fleishman (1982), Fleishman et
Quaintance (1984) en ont décrit trois grandes catégories pour évaluer les
systèmes de classification une fois ces derniers construits. La première
catégorie, ou validation interne, a pour but de vérifier la logique interne
du système de classification. La seconde, ou validité externe, vise à vérifier
si le système est susceptible d’accomplir les intentions pour lesquelles il a été
construit. En ce qui nous concerne, il doit donc permettre de prédire les
effets de la manipulation de la difficulté objective d’une tâche motrice sur
l’apprentissage moteur des élèves. Le troisième type de validation se propose
de vérifier le taux d’utilisation pratique du système. Les validités interne et
externe du système sont des conditions nécessaires, mais non suffisantes,
pour créer un taux important d’utilisation.

1 — Validité interne
164 Plusieurs critères de validité interne peuvent être utilisés.
165 1) Le premier concerne la fiabilité du système. La fiabilité rend compte de la
manière dont les tâches sont assignées à la même catégorie, une fois les
dimensions décrites. Le système sera dit fiable si tous les utilisateurs situent
la même tâche dans la même catégorie. Cette fiabilité dépend du caractère
opérationnel et précis de la définition des échelles, ainsi que de la
différenciation des descripteurs. Nous avons vérifié la fiabilité de plusieurs

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dimensions du système que nous proposons, notamment : incertitude


spatiale, temporelle, événementielle, transport — non-transport du corps.
Normalement, si ces échelles sont fiables, des observateurs différents doivent
pouvoir situer une tâche à peu près au même niveau sur chaque échelle. Nous
avons procédé de la manière suivante : nous avons présenté à un nombre
assez important de juges (environ une trentaine), une centaine de tâches
prises aussi bien dans la littérature pédagogique que sur le terrain de la
pratique sportive. Nous leur avons demandé de situer chacune des tâches sur
les différentes échelles. Nous avons ensuite mesuré la concordance des
jugements. L’écart entre les jugements de chaque juge a été trouvé
statistiquement non significatif, ce qui nous a permis de conclure à la fiabilité
de ce système de classification. Dans le cas contraire, l’écart révélerait des
définitions ambiguës, des échelles mal opérationnalisées, etc., et l’échelle
dans son ensemble serait à reconsidérer.
166 2) Le deuxième critère de validation interne concerne l’exclusivité
mutuelle des classes. Ce critère implique la possibilité de placer une tâche
motrice donnée dans une catégorie et une seule. Bien que ce critère soit plus
facilement réalisable dans les systèmes qualitatifs monothétiques que dans
les systèmes quantitatifs, le système proposé satisfait à ce critère, la
procédure de validation étant la même que pour la fiabilité. Ici, les catégories
sont définies par des marges de scores de difficulté obtenues en additionnant
le score de chaque échelle. L’expérience ci-dessus montre que, de ce point de
vue, le système est fiable.
167 3) Le troisième critère de validation interne du système de classification
concerne son exhaustivité. Normalement, si le système est exhaustif, toutes
les tâches motrices peuvent être placées dans une des différentes catégories
proposées. Très souvent, certains systèmes, peu valides avec ce critère,
construisent une catégorie pour les tâches laissées pour compte, qu’ils
appellent généralement « divers ». Pour ce qui nous concerne, la recherche
de l’exhaustivité et la procédure de validation ont été les mêmes que pour les
deux autres critères.
168 Cette recherche à la fois de la fiabilité, de l’exclusivité et de l’exhaustivité,
rarement atteintes dans les stades initiaux de construction d’un système de
classification, entraîne des modifications et des révisions constantes. Ces
critères constituent l’objectif ultime. Notre système n’en est pas encore à ce
stade. Il doit être considéré pour l’instant comme provisoire.
169 4) Le dernier critère de validation interne, et certainement le plus important,
est celui de la validation empirique. Nous avons longuement débattu du
fait qu’un système de classification était une construction théorique, un
modèle, et donc justifiable d’une validation empirique.
170 Peu de recherches ont été effectuées jusqu’à présent pour valider la plupart
des systèmes de classification. Hoffman, Imwold et Koller (1983) font
remarquer à juste titre : « Les taxonomies d’habiletés motrices ont
longtemps intéressé les théoriciens de l’apprentissage et de l’éducation. Une
foule de taxonomies ont été développées… Malheureusement, l’enthousiasme
pour la construction de taxonomies n’a pas conduit à une validation
méthodique en laboratoire. » Gentile (1972b), puis Gentile et coll. (1975), ont
cherché à soumettre Leur système à une investigation systématique. Les
expériences conduites par Famose, Durand et Bertsch (1985), par Famose et
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Genty (1989) (voir chapitre VII) constituent, elles aussi, des tentatives de
validation empirique de notre système.
171 Par ailleurs, Hoffman, Imwold et Koller (1983) ont cherché, nous l’avons vu,
à valider l’indépendance et la complexité relative des quatre catégories du
système de Fitts, dont nous avons déjà parlé. Enfin, Arnold (1985) qui voulut
valider empiriquement la dimension transport — non-transport du corps de
Gentile (1972). L’intérêt de cette dernière recherche est que la variable
dépendante qui permet de comparer la difficulté des tâches entre elles est la
quantité d’effort dépensée mesurée au moyen de la technique de la double
tâche.

2 — Validité externe
172 La validation externe du système de classification vise à vérifier si le système
atteint les objectifs pour lesquels il a été conçu. Nous avons mené avec
d’autres chercheurs plusieurs expériences dans ce domaine. Elles sont
décrites dans la sixième partie de ce travail. Les résultats de cette validation
confirment la possibilité de faciliter l’acquisition des habiletés motrices en
dosant la difficulté objective des tâches motrices. Ce dosage s’effectue en
jouant sur les caractéristiques intrinsèques et en utilisant les échelles
proposées dans notre système de classification.
173 Mais, avant de décrire ces expériences, il nous a semblé utile de consacrer
une partie à l’analyse de ce qu’est l’habileté motrice. Cette analyse nous
permettra de mieux comprendre la partie consacrée à la manipulation de la
difficulté objective.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence
OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Référence électronique du chapitre


FAMOSE, Jean-Pierre. Chapitre 3. Difficulté et classification des tâches motrices In :
Apprentissage moteur et difficulté de la tâche [en ligne]. Paris : INSEP-Éditions, 1990
(généré le 31 janvier 2024). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/insep/1312>. ISBN : 978-2-86580-255-5. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.insep.1312.

Référence électronique du livre


FAMOSE, Jean-Pierre. Apprentissage moteur et difficulté de la tâche. Nouvelle édition [en
ligne]. Paris : INSEP-Éditions, 1990 (généré le 31 janvier 2024). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/insep/1301>. ISBN : 978-2-86580-255-5. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.insep.1301.
Compatible avec Zotero

Apprentissage moteur et difficulté de la tâche


Jean-Pierre Famose

Ce livre est cité par


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Cury, François. Sarrazin, Philippe. (1993) Cognition et performance. DOI:
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Famose, Jean-Pierre. (1993) Cognition et performance. DOI:
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