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Qu'est-ce qu'apprendre en EPS

au regard des théories de l'apprentissage ?

Jean Pierre Famose


Jean -Pierre Famose est professeur des Universités
à la division STAPS de l'Université Paris Sud Orsay.

Journée de l'EPS 1997

Pour tenter d'apporter quelques éléments de réponse à la question " Qu'est-ce qu'apprendre en EPS au regard des
théories de l'apprentissage ? ", il est nécessaire, à mon avis, de la subdiviser en trois questions, chacune en étroite
relation avec les autres. " Qu'est-ce qu'apprendre en EPS " soulève d'abord une interrogation quant à la nature
réelle des acquisitions réalisées par les élèves en cours d'EPS - s'agit-il de mouvements, de connaissances,
d'aptitudes...? Elle soulève ensuite une interrogation sur les processus mis en œuvre par les élèves pour
construire, installer et conserver en mémoire ces différentes acquisitions. S'agit-il d'associations stimulus-
réponse, d'opérations cognitives, etc. ? Elle soulève enfin une interrogation concernant l'intervention de
l'enseignant. Y-a-t-il des manières privilégiées d'enseigner pour optimiser les apprentissages moteurs des élèves
? La réponse à cette dernière interrogation dépendra bien sûr de ce que l'on aura dit concernant la nature des
acquisitions et des processus d'apprentissage.

I - Nature des différents résultats de l'apprentissage en EPS

1 - L'apprentissage consiste en un changement dans la capacité de performance des élèves


L'apprentissage est généralement considéré comme un ensemble de processus cognitifs internes qui conduisent à
un changement relativement durable de la capacité de performance des élèves. Le concept d’apprentissage
implique qu’une modification, une transformation ou encore un changement s’est produit chez " celui qui
apprend ". Il y a un moment dans le temps où l’état interne de celui-ci passe, comme le dit Gagné, de " l’état de
novice (non appris ou non habile) à celui d’état d’expert (état appris ou habile) ". C'est la raison pour laquelle
toutes les définitions de l'apprentissage, malgré leurs diverses modalités, insistent sur le terme de changement.
Quelle est la nature de ce changement interne ? Il a toujours été difficile de répondre à cette question du fait que
l'apprentissage, qu'il s'agisse de son résultat ou du processus lui-même, n'est pas directement observable. Il ne
peut être inféré qu'à partir des performances des élèves. La performance est observable, l'apprentissage ne l'est
pas. Il y a une première réponse très tentante, générale, abstraite et consensuelle, à notre première interrogation
concernant la nature des acquisitions. Elle consiste à s'en tenir uniquement à cet aspect directement observable
qu'est la performance et dire, comme l'ont fait de nombreux auteurs, que le résultat de l'apprentissage est un
changement, non pas du comportement en tant que tel, mais plutôt de la potentialité de performance du sujet.
D'ailleurs, plutôt que de parler de potentialité, les chercheurs préfèrent parler maintenant d'un changement dans
la capacité de performance. Le terme de capacité rend mieux compte du résultat de l'apprentissage. Les individus
deviennent capables de réaliser des performances jusque-là impossibles. Cependant, dire qu'il s'agit d'une
modification dans la capacité de performance des élèves ne nous renseigne guère sur ce qui est réellement appris
par eux en cours d'EPS. Pour avancer davantage dans notre réponse, nous devons considérer plus précisément ce
que les diverses théories de l'apprentissage proposent concernant la nature précise de ce changement.

2 - Différentes conceptions de la nature de ce changement


Bien que le critère du changement dans la capacité de performance ait été généralement accepté à l’intérieur de
toutes les définitions de l’apprentissage, qu'elles proviennent des théories comportementales, cognitives ou
écologiques, il subsis te néanmoins des désaccords importants concernant justement la nature précise de celui-ci.
Il peut revêtir, selon les théories, trois formes principales (chacune correspondant à l’un des grands courants qui
ont traversél’histoire de la psychologie). Les comporte-mentalistes, notamment les béhavioristes, définissent
l’apprentissage en terme de changement dans le comportement. Autrement dit, dans ce courant de pensée, et
pour ce qui concerne l'EPS, l'apprentissage est considéré comme un apprentissage de mouvement. Les
cognitivistes le définissent comme un changement dans les structures cognitives internes (par exemple, un
schéma comme nous le développerons plus loin). Selon cette perspective théorique, on n'apprend pas un
mouvement mais des connaissances, et notamment des règles, qui permettent de construire à chaque fois le
mouvement désiré, compte tenu à la fois des résultats que l'on souhaite obtenir et de la nature de la situation.
Dans l'approche écologique, le changement dans le comportement - et pour ce qui nous concerne, la modification
des mouvements - reste le centre important de la définition de l’apprentissage. Cependant, dans ce cas précis,
l’apprentissage est un changement dans la relation individu-environnement. On sait que l’écologie est la science
des relations existant entre un être vivant et son environnement et c’est par le comportement (plutôt que par les

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structures internes) que cette relation est réalisée. La nature de ce qui est acquis diffère donc selon les théories de
l’apprentissage. La modification produite peut concerner, répétons-le, soit directement les mouvements de
l'élève, soit des états internes, soit une relation particulière avec l’environnement. Nous devons noter, cependant,
que dans tous les cas, les mouvements sont concernés . Dans le premier, c’est le mouvement en tant que tel qui
est modifié ; dans le second, la modification du mouvement n’est que la conséquence d’autres modifications plus
fondamentales, et notamment, la structure interne des connaissances. Dans le troisième cas, ce n’est pas le
mouvement en tant que tel qui est modifié mais plutôt la relation de celui-ci avec l’environnement. Dans la suite
de cette intervention, je parlerai essentiellement de l'approche cognitive. Elle est non seulement la plus prégnante
actuellement, mais elle est aussi la plus explicite quant à la nature des acquisitions des élèves en cours d'EPS.
C'est enfin celle qui se rapproche le plus de ce qui se fait et de ce qui se dit actuellement en EPS.

II - Le résultat de l'apprentissage du point de vue de la psychologie cognitive

1 - Un bouleversement dans la manière de considérer la capacité de performance


Dans le cadre de la psychologie cognitive, le changement dans la capacité de performance, résultat de
l'apprentissage, est dû à l’acquisition de connaissances. Ces connaissances nouvelles permettent un
fonctionnement plus efficace des différentes opérations mentales que l'élève doit mettre en œuvre pour accomplir
une tâche. Pour bien comprendre cette conception, il est nécessaire de rappeler comment ce paradigme théorique
décrit ces opérations mentales. Les théories cognitives, appliquées au comportement moteur, ont introduit un
bouleversement considérable dans la manière de concevoir, d'analyser, et on peut même dire d'enseigner les
habiletés motrices. Jusque-là, et hélas encore trop souvent de nos jours, on pensait qu'être expert en sport, être
habile, avoir une forte capacité de performance, c'était posséder une technique gestuelle parfaite, une
configuration idéale de mouvements. L'efficacité de l'habileté résidait dans la forme du geste réalisé et
l'apprentissage moteur était considéré essentiellement comme un apprentissage de mouvements. À l'heure
actuelle, l'efficacité n'est plus attribuée au geste lui-même, mais à la précision du fonctionnement des différentes
opérations cognitives internes qui conduisent à sa construction. Le centre d'intérêt s'est donc déplacé de l'étude
de la technique gestuelle (celle qui consiste à décrire le mouvement essentiellement en terme de déplacement de
segments du corps les uns par rapport aux autres) vers :
- d'une part, l'étude et l'identification des différentes opérations internes de traitement de l'information qui
permettent la construction du mouvement ;
- et d'autre part, l'étude des connaissances utilisées pour accomplir de manière efficace ces différentes opérations.
Désormais, il est admis que lorsqu'on développe une capacité de performance en EPS et en sport, on n'apprend
pas un mouvement, mais des connaissances, des stratégies et des règles qui permettent de générer le mouvement
efficace dans une tâche donnée. La génération de ce mouvement s'effectue tout au long de différentes étapes de
traitement de l'information. Ainsi, pour répondre à la question de savoir ce qui est appris par les élèves en cours
d'EPS, dans la perspective de la psychologie cognitive, il nous faut procéder en deux temps : décrire d'abord
brièvement en quoi consistent ces différentes opérations de traitement de l'information (ce qu'on appelle les trois
grands stades de traitement), puis décrire les diverses connaissances, susceptibles d'être apprises en EPS, qui
servent de base de connaissances à ce traitement de l'information.

2 - Identification des opérations de traitement de l'information


Lorsque nous utilisons l'expression " traiter de l'information ", cela signifie que l'élève en cours d'EPS, ou le
sportif, réduit l'incertitude à laquelle il est confronté au moment de déclencher son action : incertitude quant à la
nature de la situation à laquelle il doit s'adapter, incertitude quant au choix de la réponse à apporter à cette
situation et incertitude quant au choix des valeurs à donner à chacun des grands paramètres du mouvement pour
parvenir à atteindre le but. Il existe trois grands stades de traitement de l'information qui vont de l'analyse de la
situation jusqu’à la programmation du geste. Il s'agit des stades perceptifs, de sélection de la réponse et de
programmation de la réponse.

a) Le stade perceptif
Les mouvements sont les moyens essentiels par lesquels le sportif peut agir ou interagir dans son environnement.
Dans une large mesure, ils sont déterminés par les contraintes issues de cet environnement. Un joueur de tennis,
qui tente d’intercepter un passing-shot est contraint d’ajuster son action aux caractéristiques spatiales et
temporelles de la trajectoire de la balle (direction, puissance, vitesse) ainsi qu’à sa position par rapport au filet et
à la position de son adversaire. Pour s’adapter à ces contraintes, le sportif doit se renseigner en permanence sur la
nature et l’état de celles-ci. Non seulement, il doit pouvoir les percevoir et les identifier pour en tenir compte
mais, la plupart du temps, la situation sportive étant en perpétuel changement, il doit pouvoir prévoir leur
évolution, c’est-à-dire, savoir à quel type de contraintes il aura à faire face dans les instants qui suivent. Non
seulement, notre joueur de tennis doit identifier les déplacements de son adversaire et la trajectoire de la balle
(direction, vitesse, orientation, effet) dès que celle-ci a été frappée, mais il doit également prévoir où et quand

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elle sera à sa portée pour déclencher sa volée. Il est donc confronté à une double obligation : analyser la situation
dans l’instant et en déduire son évolution. S’il fait une mauvaise prédiction, il réagira trop tard ou se déplacera à
tort. Il est bien évident que la prédiction sera d’autant plus difficile que la balle aura de l’effet et que sa
trajectoire sera imprévisible, pleine d'incertitude. Il devra donc réduire cette incertitude pour identifier la nature
exacte du déplacement de la balle.

b) Le stade de sélection de la réponse


Ce stade, appelé également stade de décision, permet de prendre une décision générale, de concevoir la logique
et l’orientation générale de la réponse motrice à apporter à la situation analysée précédemment. Le stade de
décision consiste en une sélection parmi les divers comportements possibles pour ne retenir que celui qui paraît
le plus adapté et fonctionnellement le plus efficace. Reprenons, ici, l’exemple du joueur de tennis montant au
filet et confronté à une tentative de passing-shot de la part de son adversaire. Le but étant de gagner le point, son
intention immédiate va être d’intercepter cette balle qui longe le couloir et de conclure à la volée. Après avoir
identifié la situation lors du stade perceptif, il décidera du comportement le plus adapté (faire une volée ou
laisser sortir la balle...) et exécutera le mouvement choisi, coup droit ou revers, de manière à ce qu’il coïncide
avec l’arrivée de la balle, s’il s’agit d’une volée, ou rétablira son équilibre, s’il décide de ne pas frapper. Plus il y
a d'alternatives, plus il y a d'incertitude à traiter.

c) Le stade de programmation et d’exécution de la réponse


Une fois le type de réponse décidé, il s’agit de traduire cette idée abstraite en une série de contractions
musculaires qui permettent d’atteindre le but. Pour y parvenir, le sujet va mettre en œuvre deux opérations
différentes.

- Dans la première, il va rechercher en mémoire un programme généralisé de mouvements. Il s'agit là d'une


grande classe de mouvements pouvant prendre des formes concrètes différentes. L'exemple type d'un programme
généralisé est " le lancer à bras cassé ". Un tel lancer n’est pas du tout un mouvement unique, mais une collection
ou une classe de mouvements. Par exemple, pour être un bon passeur au handball, il faut être capable de lancer la
balle à différentes distances , avec des trajectoires droites ou " en cloche ", vers des cibles immobiles ou en
déplacement, etc. Il s'agit d'un programmegénéralisé parce que, quelles que soient ces variations, il reste toujours
quelque chose de fondamental, de constant, et de caractéristique dans chaque passe de handball, et dans chaque
lancer à bras cassé : dans tous les cas, la façon particulière de tenir le ballon, le pas en avant, la façon de suivre le
lancer, l’action du bras, le mouvement du poignet, et ainsi de suite, sont les mêmes. Schmidt a appelé ces
différentes caractéristiques des invariants. Ceux-ci présentent :
- une séquence de mouvements communs,
- une organisation temporelle, ou rythmique, commune,
- une mise en jeu des mêmes segments corporels en général mais pas nécessairement. Les programmes
moteurs généralisés possèdent chacun une organisation temporelle quasiment invariante.

- Dans la deuxième opération réalisée au cours du stade de programmation de la réponse, le sportif va spécifier
ce programme généralisé. Par exemple, une fois chargé en mémoire, celui du lancer à bras cassé peut être
appliqué à un grand nombre de passes particulières. Cette application à chaque tâche particulière se fait grâce à
la spécification de valeur sur les quatre paramètres fondamentaux du mouvement que sont : l'amplitude, la
direction, la durée, la force totale. Le sportif va donc attribuer une valeur spécifique à chacun de ces paramètres.
En procédant ainsi, il définit la manière dont le mouvement devra se dérouler concrètement. Le choix des valeurs
dépendra bien sûr du but à atteindre et des conditions environnementales dans lesquelles le sportif se trouve.
L'habileté de l'élève à résoudre le problème moteur posé, dépend de sa capacité à choisir les valeurs les plus
pertinentes à attribuer à chaque paramètre. On appelle habileté motrice cette capacité particulière du sujet à
spécifier les valeurs pertinentes du mouvement pour atteindre le but, compte tenu des différentes contraintes de
la situation. Pour illustrer cette capacité particulière sur laquelle nous reviendrons plus précisément plus loin,
prenons à nouveau un exemple dans le domaine du tennis. Analysons le geste de coup droit d'un joueur de haut
niveau. Qu'observe-t-on ? Apparaît d'abord une partie invariante du mouvement, par exemple la manière de
positionner ses jambes, de mettre la raquette en arrière, de frapper, etc. Il y a ensuite des parties variables de son
coup droit, par exemple la direction du coup, la force, la durée et l'amplitude du geste. Or, savoir donner à son
geste, la direction, l'amplitude, la durée et la quantité de force nécessaires et précises pour mettre la balle tout
près de l'endroit désiré en tenant compte de sa vitesse, de sa hauteur, de son effet, voilà ce qui constitue l'habileté
motrice. La force du joueur réside dans l'identification de la trajectoire de la balle, de son effet, etc. Elle réside
aussi dans sa capacité à choisir la valeur du paramètre du mouvement qui est pertinente par rapport au but et aux
conditions de réalisation. Des milliers de coups différents peuvent résulter des combinaisons infinies entre
l'endroit où l'on veut mettre la balle et les contraintes dont on doit tenir compte comme la trajectoire de la balle,
la position du joueur etc. Pour déterminer quelle valeur pertinente donner aux paramètres du programme

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généralisé le sportif va utiliser une règle de " paramétrisation ". Celle-ci se construit à la suite des multiples
expériences de l'individu qui lui permettent de calculer la valeur exacte qu'il doit donner aux différents
paramètres du mouvement.

- En se référant à " la théorie du schéma " de Schmidt , une conclusion très forte s'impose contrairement à ce
qu'on pense généralement. Lorsqu'un élève, en cours d'EPS, cherche à acquérir une habileté sportive particulière,
il n'apprend pas un mouvement ou une forme spatio-temporelle de mouvement qu'il stockerait quelque part dans
sa mémoire et qu'il irait rechercher lorsque la situation l'exige. Il apprend une forme particulière de connaissance,
une règle, qui lui permet de construire à chaque instant un mouvement correspondant au résultat qu'il cherche à
atteindre en tenant compte des conditions environnementales dans lesquelles se déroule celui-ci.

d) Conclusion sur les étapes de traitement de l'information


La réalisation d’un acte moteur efficace et adapté à la tâche à réaliser, dépend donc, pour l’essentiel, de la
capacité du sujet à assurer correctement chacune des opérations permettant la réduction de l'incertitude à
l'intérieur des trois grands stades de traitement. Savoir réaliser efficacement et de manière efficiente l'ensemble
de ces opérations, c'est ce qui constitue la compétence sportive de l'élève en cours d'EPS. Dans cette approche
cognitive, l'importance du mouvement est secondaire. Ce dernier n'est que la conséquence des opérations
mentales qui ont précédé son déclenchement. Même si la tâche reste identique le mouvement est construit, mais
il n'est jamais deux fois le même. Ici, il faut ajouter une idée essentielle : le résultat anticipé, autrement dit le but
que le sujet se propose d'atteindre, organise l'ensemble de ces processus de traitement et de construction du
mouvement. Le but participe à cette construction d'une double façon : en organisant d'une part les opérations
internes et les mouvements mis en œuvre et d'autre part en les contrôlant en cours de réalisation.

3- Nature des connaissances acquises en EPS


L'apprentissage, dans cette approche cognitive, peut donc être considéré comme entraînant une optimisation des
différents processus de traitement de l'information qui sous-tendent le déclenchement et le contrôle du
mouvement. Il permet de rendre les stades de traitement plus efficaces et plus efficients pour répondre aux
exigences de la situation. Pour rendre plus efficace ce fonctionnement, l'élève acquiert une base de
connaissances. De nombreuses recherches ont montré qu'en sport, une base de connaissances riche et bien
organisée était indispensable pour devenir un expert. Elles ont aussi montré que certaines connaissances
concernaient la qualité des prises de décision, tandis que d'autres, notamment l'habileté motrice, étaient en
rapport avec la qualité de l’exécution. Les habiletés motrices sont un des éléments de cette base de
connaissances. D'autres connaissances sont aussi acquises au cours de l'apprentissage. Elles aussi permettent un
fonctionnement plus efficace et plus efficient des différents stades de traitement. Quelles sont-elles ? La
recherche actuelle, à l’intérieur du cadre conceptuel de la psychologie cognitive, montre que le processus
d’apprentissage en général - et ceci est aussi valable pour l’apprentissage qui survient en cours d’EPS - permet
d’acquérir plusieurs types de connaissances. On décrit généralement cinq grands types de connaissances
fondamentalement différentes et indépendantes les unes des autres. Il s’agit des connaissances procédurales,
déclaratives, stratégiques (ou stratégies cognitives), affectives et des habiletés motrices. Elles peuvent revêtir
parfois des appellations différentes dans la littérature scientifique. Il existe aussi des méta-connaissances que l'on
pourrait qualifier, de manière très rapide, comme étant des " connaissances de la connaissance ". Nous les
évoquerons plus loin. Intéressons nous maintenant aux connaissances proprement dites.

a) Les connaissances proprement dites

- Les connaissances procédurales


Elles portent sur la manière dont on doit réaliser différentes tâches (par exe mple, dans un problème d’addition,
comment produire la somme correcte). Elles sont couramment analysées en termes de règles conditionnelles du
type : ...SI ... ALORS .... qui indiquent sous quelles conditions une action doit être exécutée. Les connaissances
procédurales se présentent donc sous une forme schématique, comme ayant deux pôles : un pôle condition
représenté par le mot SI et un pôle action représenté par le mot ALORS. SI mon but est de produire tel résultat et
SI une série de conditions est présente, ALORS telle action doit être réalisée. L'action peut parfois consister à se
fixer un sous-but qui entraînera à son tour la sollicitation d'autres connaissances procédurales. Le point capital
pour notre propos est que ce type de connaissances, du moins tel qu’il est décrit en psychologie cognitive,
correspond à une habileté intellectuelle. Trouve-t-on ce type de connaissances dans le domaine du sport ? Dans
tous les sports, les connaissances procédurales font partie des ressources que le pratiquant peut utiliser pour
accomplir une tâche sportive. Par exemple, si je joue au tennis et que mon adversaire me met en mauvaise
posture, il m'est possible de faire appel à la connaissance procédurale suivante : " SI je suis débordé en fond de
court par mon adversaire, ALORS je dois renvoyer haut la balle pour pouvoir me replacer ". L'omniprésence de
ce type de connaissances dans toutes les APS fait qu'il n'est pas étonnant de la retrouver exprimée, dans la

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littérature pédagogique ou didactique de l’EPS, sous des appellations très diffèrentes : principes opérationnels,
principes d'action, règles d'action, etc. Mais, l'observation attentive des nombreux exemples proposés par les
auteurs, et plus encore, le langage utilisé, montrent que ces notions appartiennent toutes à la même catégorie de
connaissances procédurales. Pour l'illustrer, nous prendrons un exemple concret chez les tenants des différents
principes propres aux sports collectifs. Par exemple, dans le document de Beunard et Dersoir, un grand nombre
de principes opérationnels sont présentés. Ils revêtent tous la forme caractéristique de la connaissance
procédurale. Citons le principe opérationnel 7 (PO7) : " mise en oeuvre de l’algorithme d’attaque ". À tout
moment du jeu, un attaquant doit tenter d’appliquer, conformément au contexte d’action, l’algorithme shoot /
passe / garde :
- si je peux shooter, alors je shoote, par priorité à toute autre action ;
- si je ne peux pas shooter, alors je passe (partenaire mieux placé) ;
- si je ne peux pas shooter, passer, alors je garde la balle.

- Les connaissances déclaratives dites informations verbales


Elles sont la connaissance des faits, des théories, des événements, des objets, etc., et sont aussi stockées en
mémoire à long terme. Savoir qu'au tennis, par exemple, un service frappé à plat est plus rapide mais plus
prédictible qu'un service lifté est un exemple de connaissance déclarative. Ce type de connaissances a aussi été
appelé, non sans raison, information verbale. La connaissance déclarative est probablement une meilleure
appellation, car elle implique que sa présence est manifestée par l’aptitude d’une personne à " déclarer " ou à
" énoncer " quelque chose. Cependant, il ne faut pas oublier qu’une telle connaissance, lorsqu’elle est montrée,
prend généralement la forme d’énoncés verbaux. Cela demeure extrêmement important lorsqu’on se situe dans la
perspective de l’éducation physique. Une connaissance déclarative peut d'ailleurs très bien devenir par la suite
une connaissance procédurale. Quelles sont les connais sances déclaratives présentes en EPS ? Elles peuvent
prendre la forme de règlements (par exemple au saut en hauteur, on doit nécessairement prendre son appel d'un
pied), d'appellations différentes d'instruments ou de parties qui les composent (par exemple : ski, carre, fixation
etc.), de buts et de sous-buts du jeu, de stratégies offensives ou défensives, de types d'action (par exemple " faire
un cadrage débordement ", faire une défense de zone ou une défense individuelle, les positions des joueurs), etc.

- Les habiletés motrices


Selon la théorie de Schmidt, l'habileté motrice est constituée d'une part d'un programme généralisé de
mouvements et d'autre part de règles de paramétrisation qui permettent de le spécifier de manière pertinente.
Considérée de cette manière, elle devient une connaissance identique à celles décrites précédemment et dont
l'acquisition est ce qui constitue, à mes yeux, l'essence même de l'EPS.
Qu'est qui permet de la considérer comme une connaissance ? Il ne semble pas du tout erroné de donner le nom
de connaissance à ce type de résultat de l’apprentissage. En effet, dans cette théorie, le sujet acquiert des
schémas de rappel ou des schémas de reconnaissance, à partir desquels il programme son mouvement pour
atteindre un but. Un schéma est un système de connaissances et de règles modifiables ou adaptables à partir de
l'expérience motrice. C'est pourquoi l’habileté motrice doit être considérée comme une connaissance au même
titre que les autres.
S'il s'agit d'une connaissance, en quoi diffère-t-elle considérablement des autres ? C'est principalement au niveau
de son acquisition que les différences apparaissent. Elles se manifestent surtout au niveau de la nature et de la
durée de l'acquisition.

Nature de l’acquisition : on peut dire qu’une habileté est motrice lorsque les progrès graduels, aussi bien dans la
performance (efficacité) que dans la qualité des mouvements (efficience, coordination, synchronisation), sont
obtenus uniquement par la répétition des mouvements. Sans une mise en œuvre répétée des mouvements, une
habileté motrice ne peut être acquise, et il faut parfois un nombre considérable de répétitions pour y parvenir.
Imaginez le nombre de frappes qu'un joueur de tennis ou de golf doit réaliser pour obtenir une régularité dans ses
coups et cela avec une dépense de ressources cognitives et énergétiques minimale. Imaginez le nombre de
kilomètres et de virages à ski que doit réaliser un skieur de compétition pour parvenir au haut niveau. Autrement
dit, l'activité d’apprentissage consiste en une répétition du mouvement lui-même (pas forcément sous une forme
identique) produisant un progrès graduel à la fois dans son organisation et dans les résultats qu'il permet
d'atteindre. Ce sont surtout les progrès dans la coordination, l’aisance et l’organisation temporelle d’une habileté
motrice, qui constituent les marques principales de son acquisition. Il semblerait qu’il n’y ait rien de comparable
dans le domaine des habiletés intellectuelles. Une habileté intellectuelle bien apprise (telle que savoir faire une
addition de nombres positifs et négatifs) ne semble pas montrer une phase qui puisse être caractérisée par son
aisance ou par sa bonne organisation temporelle. Elle n’a pas tendance à s’accroître en efficience et en
synchronisation comme c’est le cas des mouvements dans les habiletés motrices. Les habiletés intellectuelles, du
moins celles qui renferment un faible nombre d'étapes, semblent être acquises généralement de manière abrupte
(c’est-à-dire par tout ou rien), ce qui n’est jamais le cas avec les habiletés motrices. Par exemple, déterminer le

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signe d’un produit de deux nombres positifs et négatifs implique deux règles parfaitement simples qui semblent
pouvoir être apprises sous forme de tout ou rien. Qu’est-ce qui peut être graduel dans un tel apprentissage ? Dire
que l'habileté motrice ne peut s'acquérir que par la répétition du mouvement ne signifie pas qu'il s'agit de la
répétition d'une simple succession de gestes stéréotypés ou de la reproduction d'un modèle gestuel. L'habileté
motrice s'acquiert, au contraire, par la variabilité de la pratique et suppose la mise en œuvre d'un programme
généralisé où à chaque tentative, les différentes valeurs des paramètres sont variées en fonction du but à
atteindre.

Durée de l’acquisition: les habiletés intellectuelles ou verbales s’acquièrent , dans le domaine du sport, beaucoup
plus rapidement que les habiletés motrices. Par exemple, des chercheurs ont suivi de jeunes enfants âgés de 8 à
10 ans (à la fois experts et novices) pendant toute une saison de basket. Ils ont mesuré, chez eux, au début et à la
fin de la saison, d'un côté les connaissances procédurales, déclaratives, et habiletés motrices (dribbles, tirs, etc.)
évaluées en dehors du contexte du jeu et de l'autre la qualité de leurs décisions et de la mise en œuvre des
diverses habiletés en cours de jeu. Les résultats ont montré que seule la base de connaissances déclaratives et
procédurales s'est enrichie pendant la saison. Aussi bien les experts que les novices augmentaient leurs scores sur
les divers tests de connaissance du basket, tests passés en dehors du jeu. Concernant la qualité du jeu, la seule
mesure qui ait progressé, pendant la saison, était celle de la qualité des prises de décisions (plus de bonnes
décisions). À la fin de la saison, les scores de connaissances intellectuelles du basket étaient significativement en
rapport avec la qualité des décisions effectuées en cours de jeu. En revanche, l’habileté motrice, mesurée à l'aide
des tests en dehors du jeu, n’a pour ainsi dire pas évolué. De même, l’exécution des habiletés motrices de
dribble, de tir, etc., en cours de jeu, n'a pas non plus progressé. Les auteurs n’ont par ailleurs trouvé aucune
corrélation significative entre les connaissances intellectuelles et la qualité de l’exécution motrice en cours de
jeu. Ainsi, les composants intellectuels de la performance sportive (connaissances sur le basket et décisions
durant le jeu) paraissent progresser beaucoup plus tôt dans la pratique que les habiletés motrices (dribble, tir,
exécution). Les chercheurs suggèrent que ce résultat peut très bien être en rapport avec ce que les entraîneurs
mettent en évidence dans l’entraînement (aspect cognitif du jeu plutôt que l’habileté) comme cela est indiqué par
les interviews des entraîneurs et des enfants. Les résultats de l'ensemble de ces expériences indiquent que la
relation entre les connaissances de type intellectuel et les habiletés motrices joue un rôle central dans le
développement de la performance sportive chez les jeunes enfants. Cependant, le développement des habiletés
intellectuelles progresse à un rythme beaucoup plus rapide que le développement des habiletés motrices. Les
élèves apprennent quoi faire dans le contexte de la situation sportive beaucoup plus rapidement qu’ils
n’apprennent les habiletés motrices nécessaires pour mettre en œuvre de manière efficace les actions. En sport,
savoir quand et comment exécuter une habileté n’est pas synonyme de savoir exécuter l’habileté.
Généralités des connaissances procédurales et spécificité des habiletés motrices Généralités des connaissances
procédurales et spécificité des habiletés motrices : une troisième caractéristique permet, à nos yeux, de
différencier les habiletés intellectuelles des habiletés motrices. La mise en œuvre des habiletés intellectuelles
consiste à appliquer une règle générale à des exemples variés. Il ne semble pas, du moins de manière aussi
apparente, que la mise en œuvre d’une habileté motrice puisse être décrite en de tels termes puisqu’elle requiert
la mise en œuvre de mouvements musculaires beaucoup plus spécifiques. Certes, une habileté motrice est
généralisable puisque les règles de paramétrisation permettent de varier le mouvement en fonction des demandes
variables de l'environnement. Mais cette possibilité de variation reste à l'intérieur des limites du programme
généralisé. Prenons un exemple qui nous permettra d’illustrer cette différence très importante. Dans une situation
d'attaque à deux contre un, quelque soit le sport collectif concerné, un joueur peut appliquer les mêmes règles.
Dans cette situation, un attaquant peut tenter d’appliquer les connaissances procédurales dont nous avons parlé
plus haut :
- si je peux shooter, alors je shoote, par priorité à toute autre action ;
- si je ne peux pas shooter, alors je passe (partenaire mieux placé) ;
- si je ne peux pas shooter, passer, alors je garde la balle.
Ces connaissances sont utilisables que l’on joue au rugby, au foot, au handball, au basket, au hockey, au polo ou
à d'autres sports collectifs. Ces habiletés intellectuelles peuvent facilement se généraliser et se transférer d’une
activité à l’autre. Ce n’est pas le cas des habiletés motrices. Les mouvements requis par le programme généralisé
permettant de tirer ou de passer, dans chacun de ces sports, sont beaucoup plus spécifiques et relativement peu
transférables d'un sport à l'autre (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait aucun transfert à l'intérieur du même sport).
Par exemple, les différents types de passe que l'on peut faire à un partenaire - passe avec le pied au football, avec
les deux mains au basket, d'une main au handball, frappée à deux mains au volley, à l'aide d'une crosse au
hockey, etc., utilisent toutes un programme généralisé différent, ce qui limite les possibilités de transfert. Il existe
bien un transfert inter-sports mais il ne peut se produire que si les tâches motrices spécifiques à chaque sport
renferment quelques similarités sans lesquelles il n'y aurait pas transfert (par exemple des tâches d'anticipation-
coïncidence au tennis et à la pelote basque). Mais ce transfert est très limité dans sa généralité si on le compare
au transfert des connaissances procédurales. Quelque soit la comparaisonqui est faite, les habiletés motrices sont

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différentes des autres connaissances. Cette constatation est importante car elle attire l'attention sur le fait qu'une
trop grande prise en compte des principes d'action, ou des principes opérationnels, peut laisser dans l'ombre la
nécessaire éducation des habiletés motrices.

- Les connaissances stratégiques


Un grand nombre de théoriciens de l’apprentissage, se situant dans la perspective de la psychologie cognitive,
ont décrit, en plus des trois types de connaissances déjà mentionnées, une autre catégorie de connaissances : les
connaissances stratégiques dites encore stratégies cognitives. Dans de nombreuses études sur l’apprentissage et
la résolution de problème, il a été montré, de manière répétée, que les apprenants apportent à des tâches
nouvelles, non seulement des connaissances déclaratives, procédurales et des habiletés motrices antérieurement
apprises, mais apportent aussi des habiletés concernant le moment et la manière de les utiliser. On peut citer, à
titre d'exemple, les stratégies cognitives utilisées pour se rappeler plus facilement des paires de mots comme
celles qui consistent à construire avec les deux mots des images ou des phrases. On peut ranger aussi dans cette
catégorie les stratégies particulières pour encoder ou pour retrouver des indices en mémoire, de même que les
stratégies de résolution de problèmes. Il y a aussi des stratégies d'apprentissage. Par exemple, pour apprendre un
cours, on peut souligner les passages importants, on peut aussi les colorier, on peut résumer ou paraphraser le
cours, etc. Pour ce qui concerne l'apprentissage moteur proprement dit, il existe aussi différentes stratégies
utilisées par les apprenants pour résoudre les problèmes moteurs. Les connaissances stratégiques sont donc ce
qui rend un élève capable d’exercer un certain degré de contrôle sur les opérations mentales permettant de faire
attention, de percevoir, de mettre en mémoire, de se rappeler, de décider, etc. Elles rendent les apprenants aptes à
choisir, au moment approprié, les habiletés intellectuelles, les connaissances déclaratives et les habiletés
motrices qu’ils utiliseront pour construire leur apprentissage, se rappeler, et résoudre le problème. En EPS, ce
sont des stratégies de prise d'informations, de préparation mentale (stratégies de concentration, de visualisation,
de relaxation, de gestion du stress, d'exécution du mouvement, etc.). Pourquoi ces connaissances, qui sont
fondamentales pour la réussite sportive, ne feraient-elles pas aussi l'objet d'un apprentissage ? Il est certain que
de nombreuses connaissances référées jusque-là comme des principes opérationnels sont en vérité des
connaissances stratégiques. Par exemple, savoir s'échauffer (gestion de l'espace, du temps, etc.), savoir se
préparer mentalement (concentration, activation, répétition mentale, etc.) ne sont pas des connaissances
procédurales mais des stratégies cognitives.

- Les connaissances affectives


Par l’expression " connaissances affectives ", nous entendons tous les sentiments, affects, ou émotions qui sont
éprouvés par l’élève avant, pendant ou après la réalisation de différentes tâches ou APS et qui sont stockés en
mémoire avec les événements perçus qui leur ont donné naissance. Nombreux sont les auteurs qui considèrent
que l'affect est une information codée dans la mémoire à long terme souvent de la même façon que toute autre
information. Ces connaissances sont souvent liées à des évaluations cognitives, notamment à des croyances, des
représentations concernant différentes dimensions de l'estime de soi. À titre d’exemple, citons le sentiment de
compétence. Se sentir compétent lors de la pratique d’une APS ou lors de la réalisation d’une tâche particulière
entraîne généralement des sentiments de plaisir et de fierté. À l'inverse, se sentir ridicule devant ses camarades
de classe lors de l'accomplissement d'une tâche entraîne des sentiments de honte et de culpabilité. De telles
connaissances affectives se développent à partir des innombrables interactions que l’élève entretient avec les
APS, les tâches, les objets et les autres personnes dans une variété de situations d’apprentissage. Le domaine des
" connaissances affectives " est, d’une manière surprenante, l’un des domaines les moins envisagés, les moins
étudiés, ou les moins signalés, dans les écrits concernant l’EPS à l’école, au collège ou au lycée. On peut lire, de
part et d’autre, qu’il faut apprendre aux élèves à gérer leur affectivité, mais en dehors de cette affirmation de
principe on ne va guère plus loin dans les explications et les prescriptions. Il s’agit pourtant là d’un domaine de
connaissances extrêmement important à acquérir. On peut même dire qu’il conditionne toutes les autres
acquisitions. Les connaissances affectives déterminent l’engagement et l’investissement des élèves dans les
tâches d’apprentissage ; ce sont donc elles qui, par les comportements des élèves en classe qu’elles déclenchent,
permettent ou inhibent l’acquisition des différentes connaissances dont nous avons parlé précédemment. C’est
ainsi qu’à la suite d’une expérience particulière en sport ou en cours d’EPS, le fait de ressentir du plaisir, de la
fierté, ou inversement de l’anxiété, de la honte, ou de la culpabilité influence nécessairement la manière dont les
élèves vont continuer leur investissement dans des expériences similaires. Lorsque les élèves, à la suite de
l'accomplissement d'une tâche ou de la pratique d'une activité, éprouvent un sentiment de satisfaction ou de joie,
non seulement ils se sentent satisfaits du résultat mais aussi, et c'est cela qui est important, ils généralisent cette
émotion positive à la tâche elle-même. Autrement dit, ils aiment plus la tâche qu’ils ne le faisaient
antérieurement. Les succès et les échecs sur les tâches ou les activités proposées déclenchent des réponses
affectives caractéristiques. Les succès, plus particulièrement sur des tâches qui posent des défis, conduisent à des
sentiments positifs ; les échecs, obtenus sur des tâches faciles, conduisent à des sentiments négatifs. Toutes
choses étant égales par ailleurs, ces réponses affectives doivent influencer le plaisir ou la valeur intrinsèque des

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activités ultérieures qui sont en rapport avec celles-ci. On aime plus les activités qui ont été, dans le passé,
associées à des sentiments positifs que les activités qui ont été associées à des sentiments négatifs. Ces
expériences chargées d’affects influencent donc les réactions affectives sur des tâches similaires dans le présent
ou dans le futur. Par exemple, si, dans le passé, on a fait des expériences négatives avec un enseignant d’EPS ou
un entraîneur, on risque d'être moins positif en général envers les cours d’EPS ou de sports, et envers les
enseignants d’EPS ou les entraîneurs. Les comportements chargés d’affects, à la fois des enseignants et des
parents (louanges, critiques, ostracisme public, rejet) et les expériences plus générales à l’école (procédures de
prises de tests, variations de programme) peuvent avoir des effets similaires. La pratique des APS provoque ou
déclenche un grand nombre de réactions émotionnelles. Il est évident que chercher à ressentir des affects ou des
émotions positives (tels que aimer l’excitation et avoir du plaisir) et éviter les affects négatifs (tels que les
sentiments d’anxiété, de honte, de ridicule) sont des motifs principaux pour continuer à participer et s’engager
dans les APS proposées à l’école. Le manque de plaisir est l’une des raisons principales de l’abandon de
l’investissement en classe ou en club. Les élèves qui sont confrontés à une quantité excessive d’échecs
manifestent souvent les caractéristiques de l'impuissance apprise, c'est-à-dire un manque de motivation, une
persévérance minimale face à la difficulté, et une apathie générale de l’investissement dans les situations
problèmes. De tels sentiments négatifs personnels détériorent le processus d’acquisition de connaissances et
d’habiletés que nous avons décrit plus haut. L’importance de ces connaissances affectives est donc considérable.
Personne, dans le domaine de l’EPS, ne semble leur accorder une quelconque importance. Et pourtant, toute
intervention de l’enseignant d'EPS devrait avoir, en filigrane, la prise en compte de l’acquisition de ces
connaissances affectives. Celle-ci devrait constituer un objectif important de l'EPS, d'autant qu'elle conditionne
fortement l'atteinte du troisième objectif : gérer sa vie physique future. Nous n'avons pas la place de décrire ici
des propositions d’intervention et surtout de conception des tâches permettant de les développer. Et pourtant, il
est tout à fait concevable de décrire les différents paramètres de la tâche, ou du climat de la classe, permettant de
générer chez les élèves le maximum d'expériences affectives positives en cours d'EPS. Répétons-le, la
connaissance affective constitue un domaine d’étude qui est capital dans la compréhension des comportements
de participation et d'apprentissage des enfants et des adolescents en classe. Les comportements favorisant ou
inhibant l’apprentissage et l’acquisition des autres connaissances, sont l’expression manifeste de ces cognitions
et de ces sentiments.

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