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SOMMAIRE

INTRODUCTION

PARTIE II : La propriété intellectuelle et les entreprises en difficultés

Section 1 : Les Défis des Entreprises en Difficulté en Matière de Propriété

Intellectuelle

A- Les pressions financières et diminution des investissements

B -Les risques accrus de litiges en matière de propriété intellectuelle

C -La perte de talents et de savoir-faire et la stagnation de l’innovation et de

recherche & développement

Section 2 : Le traitement des droits de la propriété intellectuelle dans les

entreprises en difficulté

A - Évaluation des actifs de propriété intellectuelle

B - Protection des droits existants

C- Cessions des droits de propriété intellectuelle

D- Licences des droits de propriété intellectuelle

CONCLUSION
Introduction :
Le Maroc, en tant qu'économie émergente et plaque tournante régionale, connaît une
croissance dynamique de son secteur entrepreneurial, portée par l'innovation et la créativité.
Dans ce contexte, la propriété intellectuelle revêt une importance stratégique, tant pour les
entreprises locales que pour les investisseurs étrangers, en garantissant la protection et la
valorisation des inventions, des marques, des œuvres artistiques et des savoir-faire.
Cependant, le chemin vers le succès commercial n'est pas sans obstacles, et de
nombreuses entreprises marocaines sont confrontées à des défis financiers et opérationnels qui
menacent leur survie. Les raisons peuvent être diverses, allant de la concurrence accrue sur le
marché à des problèmes de gestion ou à des chocs économiques externes. Dans ces moments
de crise, la législation sur les entreprises en difficulté offre des outils juridiques pour la
restructuration, le redressement ou la liquidation des entreprises, dans le but de maximiser la
préservation de la valeur des actifs et de protéger les intérêts des parties prenantes.
Ainsi, cette étude vise à explorer les interactions entre la propriété intellectuelle et le
droit des entreprises en difficulté au Maroc, en examinant les défis, les opportunités et les
meilleures pratiques pour les entreprises confrontées à ces deux dimensions complexes. En
analysant les cadres juridiques, les jurisprudences et les cas pratiques, nous chercherons à
comprendre comment concilier la protection des actifs immatériels avec les impératifs de
gestion des entreprises en période de crise, afin de favoriser un environnement propice à
l'innovation, à la croissance et à la durabilité économique au Maroc1.
La problématique concernant ce sujet réside dans la tension entre la protection des
actifs immatériels des entreprises, tels que les brevets, les marques et les droits d'auteur, et les
impératifs de prévention ou de curative lorsqu'une entreprise rencontre des difficultés
financières. Cette tension soulève une problématique importante et quelques questions
dérivées :
Comment concilier la protection des droits de propriété intellectuelle avec les
besoins de survie et de redressement des entreprises en difficulté au Maroc ?
Quels sont les défis spécifiques auxquels sont confrontées les entreprises marocaines
en matière de propriété intellectuelle lorsqu'elles traversent des difficultés financières ?
Quelles sont les meilleures pratiques et les solutions juridiques pour protéger les droits
de propriété intellectuelle des entreprises en difficulté au Maroc ?
Pour répondre à cette problématique, on va d’abord traiter le droit des entreprises en
difficulté (partie I), après on va passer pour traiter les défis et le traitement de ces droits par
les entreprises en difficulté ( partie II).

1
BOUAZIZ, M. (2005). Etude des entreprises en difficulté et leur redressement stratégique : Cas des petites et
moyennes entreprises au Maroc, thèse de doctorat en sciences économiques, faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales, Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Fès.p54

2
PARTIE II : la propriété intellectuelle et les entreprises en
difficultés
Dans l'univers économique complexe, les entreprises, qu'elles soient établies depuis
longtemps ou en phase de démarrage, sont confrontées à des périodes de difficulté, souvent
amplifiées par des défis financiers, opérationnels, ou des bouleversements du marché. Au
cœur de ces défis, la propriété intellectuelle (PI) émerge comme un actif stratégique, détenant
le pouvoir de stimuler l'innovation, de forger une identité distinctive sur le marché et
d'accroître la compétitivité. Cependant, lorsque l'entreprise se retrouve dans l'œil de la
tempête, la gestion de ces actifs immatériels devient un dilemme majeur.
L’entreprise en difficulté se trouve devant deux solutions stratégiques, la décision de
garder ou d'abandonner les droits de propriété intellectuelle. C’est un choix difficile,
complexe et dépend de divers facteurs spécifiques à chaque entreprise. Elle nécessite une
évaluation approfondie des avantages à court et à long terme, des coûts associés et de la
contribution de la PI à la valeur globale de l'entreprise. Une approche équilibrée, tenant
compte des enjeux financiers immédiats et des perspectives à long terme, est essentielle pour
guider cette décision stratégique cruciale.
Dans certains cas, l'abandon des droits de propriété intellectuelle peut être considéré
comme une option réaliste, influencée par des considérations pragmatiques comme :
- la réduction des coûts significatifs de ces droits pour alléger sa charge financière,
pour permettre à l'entreprise de concentrer ses ressources sur ses activités essentielles. Cette
stratégie peut permettre de rationaliser les opérations et de se concentrer sur des secteurs
d'activité plus rentables, tout en abandonnant des actifs moins critiques.
- Évitement de litiges coûteux auxquels sujette la propriété intellectuelle, qui peuvent
être coûteux. En abandonnant certains droits, l'entreprise peut éviter des conflits judiciaires
longs et onéreux, se concentrant ainsi sur la résolution de ses problèmes financiers.
- ou encore, les procédures administratives liées à la propriété intellectuelle exigent du
temps et des efforts. En abandonnant certains droits, l'entreprise peut simplifier sa structure
administrative et alléger la charge de travail de ses équipes.
En revanche, l’entreprise en difficulté peut s’orienter vers la décision cruciale de
préserver les droits de propriété intellectuelle en dépit des obstacles pour :
- Préserver la compétitivité à long terme, parce que maintenir ces droits permet à
l'entreprise de préserver sa capacité à innover et à rester compétitive à long terme, même dans
des périodes difficiles.
- valorisation de l’actif, en la préservant, l'entreprise conserve une source potentielle
de revenus, que ce soit par le biais de licences, de partenariats ou de ventes, contribuant ainsi
à sa valorisation globale.
- aussi, les droits de propriété intellectuelle peuvent jouer un rôle crucial dans une
stratégie de reprise. En les maintenant, l'entreprise peut se positionner de manière plus
avantageuse pour attirer des investisseurs ou des partenaires stratégiques lors de futurs
processus de restructuration.

3
Section 1 : Les Défis des Entreprises en Difficulté en Matière
de Propriété Intellectuelle
La propriété intellectuelle joue un rôle fondamental dans la compétitivité et
l'innovation des entreprises modernes. Cependant, lorsque des entreprises font face à des
difficultés financières, la gestion de leurs droits de propriété intellectuelle devient un défi
majeur.
Les entreprises en difficulté se retrouvent confrontées donc à une série d'obstacles qui
impactent directement la gestion de leurs droits de propriété intellectuelle.
Dans cette partie, on va explorer ces défis spécifiques rencontrés par les entreprises en
difficulté en matière de propriété intellectuelle ainsi que le comportement des entreprises en
difficultés envers ces défis

A- Les pressions financières et diminution des investissements :

Les Pressions Financières et la Diminution des Investissements en Propriété


Intellectuelle représentent l'un des défis majeurs auxquels font face les entreprises en
difficulté. Cette situation résulte souvent de contraintes budgétaires sévères, qui peuvent avoir
des répercussions significatives sur la capacité d'une entreprise à protéger et à valoriser ses
droits de propriété intellectuelle. Cette diminution des ressources allouées à la Propriété
Intellectuelle expose ces entreprises à des risques accrus de contrefaçon, de vol de propriété
intellectuelle, et de détérioration de la valeur de leurs actifs immatériels.
La première réaction durant cette période consiste en réduction des coûts, ce qui peut
inclure les dépenses liées à la propriété intellectuelle. Et comme la propriété intellectuelle est
souvent considérée comme un poste de coût à long terme, ce qui peut conduire à des
réductions de budget dans ce domaine au profit d'autres besoins immédiats en appliquant le
principe de priorisation des dépenses. Et le remboursement des créanciers se fait par ordre de
priorité.
La réduction des investissements en propriété intellectuelle peut entraîner une
diminution de la protection des actifs intellectuels de l'entreprise, laissant ainsi ces actifs plus
exposés aux risques de contrefaçon et de violation car les concurrents pourraient exploiter les
lacunes dans la protection pour copier des produits ou des services.
Aussi la valorisation des droits de propriété intellectuelle peut également en souffrir,
car les efforts nécessaires pour maintenir la qualité, la validité et la pertinence des droits
peuvent être négligés, chose qui peut influencer leur capacité de génération des revenus, et par
conséquence, la capacité à maintenir une position concurrentielle.
4
Et comme la propriété intellectuelle est considérée comme un moteur essentiel de
l’innovation, la diminution des investissements peut entraver la capacité de l'entreprise à
innover, compromettant ainsi sa compétitivité à long terme, car les entreprises qui négligent la
protection de la propriété intellectuelle risquent de perdre des opportunités d'introduire de
nouveaux produits sur le marché et de conserver leur avantage concurrentiel.
Pour faire face à ces contraintes, les entreprises en difficulté doivent adopter une
approche stratégique équilibrée de la gestion de leurs ressources, en reconnaissant que la
protection de la propriété intellectuelle est un investissement essentiel pour la survie à long
terme. Une gestion sage des ressources implique d'identifier les droits de propriété
intellectuelle les plus critiques, de prioriser les dépenses en fonction de leur importance
stratégique, et de maintenir une protection adéquate malgré les contraintes budgétaires, et tous
ces efforts sont fournis pour garantir la pérennité de l’entreprise en difficulté.

B- Les risques accrus de litiges en matière de propriété intellectuelle

Les litiges liés à la propriété intellectuelle peuvent constituer une menace significative
pour les entreprises en difficulté. Les coûts associés à la défense de ces droits, qu'il s'agisse de
brevets, de marques ou de droits d'auteur, peuvent aggraver la situation financière déjà fragile
de l'entreprise, laissant peu de place pour d'autres investissements essentiels. En effet, Les
entreprises en difficulté peuvent être perçues comme des cibles plus faciles par des
concurrents ou d'autres parties cherchant à contester leurs droits de propriété intellectuelle.
Les tiers pourraient être incités à lancer des attaques juridiques, telles que des actions
en nullité de brevets ou des oppositions de marques, en exploitant la vulnérabilité financière
de l'entreprise
Les litiges en matière de propriété intellectuelle sont souvent coûteux en raison des
honoraires d'avocats spécialisés, des frais de justice, des coûts d'expertise et des dépenses
liées à la collecte de preuves, les entreprises donc peuvent avoir du mal à supporter ces coûts,
ce qui les place parfois dans une position de négociation défavorable lors de litiges potentiels.
Aussi cette situation peut peuvent avoir des répercussions sur la réputation de
l’entreprise en difficulté vue que l'implication dans des affaires juridiques peut être perçue
négativement par les clients, les partenaires et les investisseurs, ce qui peut entraîner une perte
de confiance et de crédibilité. Même en cas de négociation, les entreprises en difficulté se
trouvent en situation moins avantageuse et les parties adverses pourraient exploiter la

5
situation financière précaire de l'entreprise en exigeant des concessions plus importantes dans
le cadre d'un règlement à l'amiable.
En matière des coûts liés au règlement des litiges en cas des entreprises en difficulté,
on trouve souvent qu’elles essaient de minimiser les coûts juridiques en adoptant une stratégie
de défense moins agressive, compromettant ainsi leur capacité à protéger efficacement leurs
droits de propriété intellectuelle. Une telle stratégie de défense insuffisante peut conduire à
des résultats défavorables dans les procédures judiciaires, avec des conséquences
potentiellement graves pour les droits de propriété intellectuelle de l'entreprise.
Pour cela, et avant de s'engager dans des litiges en matière de propriété intellectuelle,
les entreprises en difficulté doivent évaluer soigneusement les coûts potentiels et les
avantages financiers associés à une action juridique, une analyse coûts-bénéfices approfondie
peut orienter la prise de décision quant à la poursuite ou à la défense d'une affaire en matière
de propriété intellectuelle, aussi elles doivent adopter des mesures préventives pour minimiser
les risques de litiges en propriété intellectuelle. Cela peut inclure une surveillance constante
de l'utilisation des droits, la mise en place de politiques de protection de ces droits.

C– La perte de talents et de savoir-faire et la stagnation de


l’innovation et de recherche et développement

Lorsque des entreprises rencontrent des difficultés, elles risquent de perdre des talents
clés et des collaborateurs détenant des connaissances sensibles. Cette fuite de compétences
peut entraîner une perte de contrôle sur les informations confidentielles et affaiblir davantage
les droits de propriété intellectuelle de l'entreprise. les employés talentueux et hautement
qualifiés peuvent être tentés de quitter l'entreprise à la recherche de meilleures opportunités.
Ces départs peuvent entraîner la perte de connaissances spécifiques, de compétences
techniques et de savoir-faire, réduisant ainsi la capacité de l'entreprise à innover et à maintenir
sa compétitivité pour sortir de cette situation.
En quittant l’entreprise, les employés peuvent emporter avec eux des informations
sensibles liées à la propriété intellectuelle, comme des secrets commerciaux, des données de
recherche, des plans de produits ou des stratégies de marketing. La fuite de ces informations
peut compromettre la confidentialité des actifs intellectuels et accroître le risque de
contrefaçon ou de concurrence déloyale.
Pour minimiser ce risque, l’entreprise en difficulté doit procéder à l’utilisation des
contrats de confidentialité et de non-concurrence pour protéger les informations sensibles et

6
décourager les employés de divulguer des connaissances critiques à des concurrents
potentiels.

Les contraintes financières peuvent également entraîner une réduction des activités de
recherche et développement, compromettant ainsi la création de nouveaux actifs de PI. La
stagnation de l'innovation peut entraver la capacité de l'entreprise à rester compétitive à long
terme.
La Stagnation de l'Innovation et de la Recherche et Développement constitue un défi
majeur pour les entreprises en difficulté, avec des conséquences directes sur la propriété
intellectuelle et la compétitivité à long terme.
La réduction d’investissement en recherche et développement en période de difficulté
peut conduire à une diminution de la création de nouveaux produits, technologies ou
processus, mettant ainsi en péril la capacité de l'entreprise à rester compétitive. Les
consommateurs sont attirés par des produits et services innovants, et la stagnation peut
entraîner une désaffection de la clientèle.
Pour faire face à cette stagnation de l’innovation et de la recherche et développement,
l’entreprise en difficulté doit optimiser l'utilisation des ressources disponibles en identifiant
les domaines de recherche et développement les plus stratégiques et en concentrant les
investissements sur des projets à fort potentiel, explorer des collaborations avec d'autres
entreprises, des instituts de recherche ou des start-ups pour partager les coûts de recherche et
développement et bénéficier d'idées innovantes provenant de différentes sources, utiliser
stratégiquement les droits de la propriété intellectuelle existants comme levier dans les
négociations et les collaborations, en cherchant à maximiser la valeur des actifs de PI tout en
minimisant les coûts de développement et enfin, intégrer la recherche et développement de
manière étroite dans la stratégie globale de l'entreprise, reconnaissant l'innovation comme un
élément clé de la compétitivité et de la résilience à long terme.

Section 2 : Le traitement des droits de la propriété


intellectuelle dans les entreprises en difficulté
Lorsqu'une entreprise se trouve en difficulté, le traitement des droits de propriété
intellectuelle (DPI) devient un aspect crucial de sa gestion. Les DPI comprennent les brevets,
les marques déposées, les droits d'auteur, les dessins et modèles industriels, ainsi que d'autres
actifs immatériels qui jouent un rôle essentiel dans la création de la valeur d'une entreprise.

7
Dans le cadre d'une entreprise en difficulté, plusieurs considérations doivent être prises en
compte concernant la gestion et la préservation de ces droits.

A - Évaluation des actifs de propriété intellectuelle

Avant d'entreprendre toute action, il est impératif de réaliser une évaluation précise
des droits de propriété intellectuelle détenus par l'entreprise en difficulté. Cela comprend
l'identification des brevets, des marques déposées, des droits d'auteur, et d'autres actifs
immatériels. Une analyse approfondie permet de déterminer la valeur de ces actifs, ce qui peut
influencer les décisions stratégiques ultérieures.
Classiquement, on distingue deux grandes approches, l’approche dynamique fondée
sur la rentabilité des actifs et l’approche statique axée sur la valeur comptable 2. L’étude
relative à l’évaluation des droits de propriété intellectuelle lors de la cession de l’entreprise en
difficulté commande d’analyser en premier lieu l’hypothèse de la poursuite de l’activité,
complétée par celle de la cessation d’activité en second lieu.

A – Cas De Poursuite De L’activité :

Le contexte de continuité d’exploitation, où l’on présume que l’entreprise pourra


poursuivre ses activités tout en ayant la possibilité d’accroître ses bénéfices, implique pour
son évaluation l’utilisation de l’approche de la valeur en continuité3.
La continuité de l'exploitation conditionne en grande partie les choix retenus en
matière d'évaluation patrimoniale. L’approche de la valeur en continuité qui est une approche
dynamique, repose sur l’idée principale selon laquelle la valeur d’une entreprise dépend de
ses perspectives futures. Cette théorie économique puise sa source dans les travaux de Fisher
sur le rapport entre la valeur et le revenu. Cette approche peut être basée sur la rentabilité ou
sur la valeur de rendement. D’après cette dernière, également connue sous le terme
d’actualisation des revenus futurs4, la valeur de l’entreprise dépend de son rendement futur
qui peut s’obtenir en capitalisant, à un certain taux, le dividende net moyen distribué par
l’entreprise au cours des derniers exercices. Ces méthodes mettent ainsi l’accent sur les flux
de trésorerie futurs générés par l’exploitation, actualisés à un taux approprié. L’approche
dynamique recouvre la valorisation par actualisation des revenus futurs générés par le bien.
2
eliot. LES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE À L’ÉPREUVE DES PROCÉDURES COLLECTIVES. Droit. AMU,
2014 p 252
3
bal Heliot. LES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE À L’ÉPREUVE DES PROCÉDURES COLLECTIVES. Droit.
AMU, 2014. P 252
4
On peut également parler de Discount Cash Flow

8
Elle s’est généralisée depuis ses prémices et constitue désormais la méthode de référence
applicable aux actifs intellectuels. Elle est d’ailleurs recommandée pour évaluer tous les droits
de propriété intellectuelle dont la valeur est contenue dans la faculté de faire naître un revenu.

B- Cas De Cessation D’activité

Lorsque l’entreprise se révèle être en difficulté, notamment par le déclenchement


d’une procédure collective, sa valeur moyenne et celle de ses actifs supporteront une
diminution certaine. L’importance de cette réduction de valeur sera proportionnelle à la
pérennité de ces difficultés détectées. Aussi, les difficultés persistantes entraîneront la
cessation de l’activité de l’entreprise qui aura inévitablement un retentissement sur la valeur
de celle-ci. La cessation d’activité constitue indéniablement un événement susceptible de
venir modifier la valeur des propriétés intellectuelles. En effet, l’entreprise ayant cessé son
activité, le rendement correspondant sera fortement compromis et sa valorisation s’avérera
difficile. Classiquement afin de mesurer la valeur en cas de cessation d’activité, il est d’usage
de recourir à l’évaluation par l’approche de la valeur liquidative5
L’approche de la valeur liquidative, met en œuvre une méthode fondée sur la valeur
patrimoniale. Tournée vers le passé, elle est généralement utilisée dans l’optique d’une
cessation d’activité. Cette approche, la plus ancienne, est fondée sur la valorisation du
patrimoine réel de l'entreprise, elle regroupe un ensemble de méthodes qui présentent un
caractère historique et non prévisionnel 6. Elle s'attache en principe à privilégier la notion de
propriété en considérant l'entreprise comme une entité juridique qui possède un patrimoine et
qui est redevable de dettes. Dans cette optique, la valeur de l'entreprise est donc égale à celle
de son patrimoine net, c'est-à-dire de ses biens moins celle de ses dettes, c'est la valeur des
fonds propres. Pour aboutir à un tel résultat, elle repose traditionnellement sur deux notions
clés : la méthode de l’actif net comptable et la méthode de l’actif net comptable corrigé 7.
Autrement dit, la valeur liquidative de l’entreprise s’identifie au prix de cession de ses
différents actifs intellectuels diminué de ses dettes et des coûts de liquidation. Elle s’obtient

5
bal Heliot. LES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE À L’ÉPREUVE DES PROCÉDURES COLLECTIVES. Droit.
AMU, 2014. P 258
6
Revue « Échanges », dossier « Évaluation et négociation d’entreprises », Évaluer une entreprise en difficulté,
n° 201, juin 2004
7
Il s’agit de l'évaluation de son actif et de son passif en partant des données comptables du bilan rectifiées La
rectification se fait e en fonction de : la valeur réelle de marché des différents éléments d'actifs, en général,
sousévalués par la règle comptable des coûts historiques, la politique d'amortissement et la non prise en
compte de l'inflation ;et côté passif, la prise en compte des engagements hors bilan et de l'impôt latent sur les
sociétés.

9
donc par la différence entre la valeur de réalisation de ses biens intellectuels d’une part, et la
valeur de ses dettes et coûts de liquidation, d’autre part.

B - Protection des droits existants

Il est crucial de protéger les droits de propriété intellectuelle de l'entreprise pendant la


période de difficulté. Cela peut inclure le renouvellement des marques déposées, le maintien des
brevets en vigueur et la surveillance des possibles violations de droits de propriété intellectuelle par
des tiers.
La protection des droits de propriété intellectuelle existants est essentielle pour préserver la
valeur de ces actifs et éviter toute violation de ces droits.
Cette protection peut être fait par :
- La mise en place un système de surveillance pour détecter toute activité susceptible de porter
atteinte à vos droits de propriété intellectuelle. Cela peut inclure la surveillance des marques, la
veille technologique pour les brevets, et la recherche de contenus similaires pour les droits
d'auteur.
- L’utilisation des contrats solides, tels que des contrats de confidentialité et des accords de non-
divulgation, pour protéger les informations sensibles et les innovations, aussi par une définition
claire des termes et conditions liés à l'utilisation des droits de propriété intellectuelle.
- La sensibilisation des employés sur l'importance de la protection des droits de propriété
intellectuelle et la mise en place des politiques internes pour garantir le respect des
droits de propriété intellectuelle pour éviter toute fuite d'informations sensibles.
- Apposer des marquages tels que des mentions de copyright, des symboles de marque
déposée, ou des indications de brevet sur les produits ou contenus, le cas échéant. Cela
peut dissuader les tiers de violer vos droits, et communiquer publiquement les droits de
propriété intellectuelle pour informer les tiers de leur existence et de leur protection.
- En cas de renouvellement de ces droits, il faut respecter les échéances de
renouvellement pour maintenir leur validité, parce que des droits non renouvelés
peuvent être perdus, ce qui affaiblit la protection.
- Et enfin en cas de violation présumée des droits de propriété intellectuelle, il faut
prendre des mesures immédiates pour faire cesser l'infraction. Cela peut inclure l'envoi
de mises en demeure, la négociation à l'amiable, ou, si nécessaire, l'engagement de
poursuites judiciaires.
-

C- Cessions des droits de propriété intellectuelle


10
Dans le but de générer des liquidités et de stabiliser la situation financière, l'entreprise
en difficulté peut envisager de céder ou de licencier ses droits de propriété intellectuelle à
d'autres parties. Cependant, cela nécessite une analyse minutieuse des termes et conditions de
ces transactions pour éviter de minimiser la valeur à long terme des actifs intellectuels.
La cession de droits de propriété intellectuelle implique le transfert complet et
permanent de la propriété de ces droits d'une partie à une autre. La cession est généralement
formalisée par un contrat de cession8, qui spécifie les droits transférés, les conditions
financières, les garanties, et d'autres modalités.
Certains droits de PI, tels que les brevets, peuvent nécessiter un enregistrement officiel
du transfert. Que ce soit une cession totale ou partielle, établie entre le cédant et le
cessionnaire, l’inscription de cet acte au registre national des brevets d’invention se fait en
remplissant le formulaire B49.

La cession de propriété intellectuelle est une opération juridique. À travers celle-ci, le


propriétaire des droits transfère tout ou une partie de ses droits. Une autre personne ou
entreprise en devient propriétaire. Cette cession peut porter sur différents types de propriété
intellectuelle10. On y retrouve les droits d’auteur, les brevets, les marques commerciales. De
plus, on y trouve les dessins et modèles industriels, ainsi que les droits sur les logiciels.
Dans le cadre d’une cession de propriété intellectuelle, il est possible de transférer de
nombreux droits.
Pour les droits d’auteur, cela peut inclure le droit de reproduction, de distribution,
d’adaptation. De même, il peut englober le droit d’exécution publique et de communication au
public de l’œuvre.
Cependant, en ce qui concerne les brevets, la cession peut impliquer le droit exclusif
d’exploiter l’invention. Elle peut également inclure le droit d’accorder des licences à des tiers.
Pour les marques commerciales, la cession peut porter sur le droit d’utiliser et
d’enregistrer la marque dans un territoire spécifique.
Une cession de propriété intellectuelle commence par la rédaction d’un contrat de
cession de propriété intellectuelle. Ce contrat doit être clair, précis et détaillé quant aux droits

8
Articles 56 ET 58 Loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle (promulguée par
Dahir n° 1-00-91 du 9 Kaada 1420 (15 février 2000)), SECTION II DE LA TRANSMISSION ET DE
LA PERTE DES DROITS
9
Site officiel de l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale OMPIC
10
Cession de propriété intellectuelle : guide pratique, Deshoulières Avocats https://www.deshoulieres-
avocats.com/cession-de-propriete-intellectuelle-guide-pratique-2/#:~:text=La%20cession%20de%20propri
%C3%A9t%C3%A9%20intellectuelle%20est%20une%20op%C3%A9ration%20juridique.,diff%C3%A9rents
%20types%20de%20propri%C3%A9t%C3%A9%20intellectuelle.

11
cédés ainsi qu’aux limites de la cession. Il doit également inclure des informations précises
sur la durée et les modalités de rémunération.

D- Licences des droits de propriété intellectuelle :

Pour aider l’entreprise à couvrir une partie de ces dettes, elle peut recourir à la licence
de ses droits de propriétés intellectuelle qu’elle détient.

Contrairement à la cession, avec la licence, le concédant reste propriétaire du droit. Au


contraire, la cession de droit a pour objet la transmission de la marque, brevet ou logiciel à un
tiers, qui en devient donc propriétaire.
Cette distinction entraîne des conséquences, notamment concernant une
éventuelle action en contrefaçon : en cas de cession de droit, c’est la personne à qui les droits
sont transmis qui devient compétente, alors qu’en cas de licence d’exploitation, le concédant,
puisqu’il est toujours propriétaire, demeure la personne ayant la qualité pour agir.
La licence, ou licence d’exploitation, est un acte juridique. L'auteur d'une œuvre peut
accorder des licences à d'autres personnes pour accomplir des actes visés par ses droits
patrimoniaux. Ces licences peuvent être exclusives ou non exclusives 11, moyennant un
contrat de licence qui établit les termes et les conditions de l’accord, y compris la portée de la
licence, le but, de la durée, de la portée territoriale et de l'étendue ou des moyens
d'exploitation12.On appelle ce tiers le licencié.
Le concédant reste pleinement propriétaire de son produit ou service mais autorise le
licencié à l’exploiter commercialement13.
Une licence peut être
- Totale : il s’agit du fait, pour le propriétaire d’une œuvre, d’une marque, d’un
brevet ou d’une protection dessins et modèles, de donner l’autorisation à un tiers d’exploiter
son œuvre, sa marque, son invention technique ou son design, dans sa totalité.
Avec une licence totale, le licencié peut donc reproduire ou fabriquer l’objet de la
licence. Il peut également le vendre ou le commercialiser. Il peut enfin l’utiliser dans tous
types de domaines (médical, agricole, maritime…).

11
Article 40 DE La loi n° 2-00 relative aux droits d'auteur et droits voisins (promulguée par Dahir n° 1-00-20 du
9 kaada 1420 (15 février 2000) )
12
Article 42 La loi n° 2-00 relative aux droits d'auteur et droits voisins (promulguée par Dahir n° 1-00-20 du 9
kaada 1420 (15 février 2000) )
13
Me Marie Marcotte, Licence d’exploitation : définition et sécurisation, , spécialisée en droit des
affaires
12
- Partielle : quand le propriétaire souhaite que le tiers exploite seulement une
partie de son œuvre, sa marque, son invention technique ou son design.
La licence partielle limite l’exploitation par le licencié de l’œuvre, de la marque, de
l’invention ou du design. Cette limite peut être géographique ou concerner un champ
d’application, par exemple. Dans tous les cas, il est extrêmement important que le propriétaire
et le licencié définissent très précisément le champ d’exploitation des droits de la propriété
intellectuelle.
- Exclusive : quand le propriétaire autorise l’exploitation de son œuvre, sa
marque, sa création technique ou son design à une seule personne.
Non-exclusive : quand le propriétaire s’octroie la possibilité de donner le même type
de licence à plusieurs personnes

13
Conclusion
Dans un paysage économique en constante évolution, les entreprises font face à des

périodes de difficulté qui mettent à l'épreuve leur résilience et leur capacité d'adaptation. Au

cœur de ces épreuves se trouve la question complexe de la gestion de la propriété

intellectuelle, un ensemble d'actifs immatériels qui non seulement définissent l'identité d'une

entreprise, mais contribuent également de manière significative à son avantage concurrentiel.

Lorsque le navire de l'entreprise traverse des eaux agitées, la décision cruciale de préserver ou

d'abandonner certains droits de PI devient un point d'inflexion stratégique.

la décision de préserver ou d'abandonner certains droits de propriété intellectuelle est

profondément ancrée dans un équilibre complexe entre les impératifs à court terme et les

considérations à long terme. Choisir de maintenir ces droits, malgré les défis immédiats, est

un pari sur l'avenir, une affirmation que l'innovation et la compétitivité demeureront les piliers

de la survie et de la croissance. D'un autre côté, abandonner certains droits est un acte de

pragmatisme, une stratégie visant à alléger immédiatement le fardeau financier et à simplifier

les opérations dans un contexte de ressources limitées.

Chaque entreprise, avec sa propre dynamique, son marché et ses enjeux spécifiques,

doit naviguer avec précaution dans ce dilemme complexe. La décision, qu'elle penche vers la

préservation ou l'abandon, doit être le fruit d'une analyse approfondie, tenant compte des

avantages immédiats, des conséquences à long terme, et de l'impact sur la viabilité globale de

l'entreprise. En fin de compte, cette décision, prise dans l'adversité, est une étape cruciale qui

façonne le destin de l'entreprise et influence sa capacité à se relever, se réinventer et prospérer

dans des temps meilleurs.

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