UN QUARTIER DE BORDEAUX

du ier au viiie siècle

DOCUMENTS ARCHÉOLOGIQUES DU GRAND SUD-OUEST
-3-

UN QUARTIER DE BORDEAUX
du ier au viiie siècle

LES FOUILLES DE LA PLACE

CAMILLE-JULLIAN
1989-1990

Textes réunis par Louis Maurin

Bordeaux, 2012

•
 Directeur des Publications : Florence Verdin
Conception de la maquette : Pierre Dejarnac, Stéphanie Vincent
Secrétaire des Publications : Pierre Dejarnac, Stéphanie Vincent
Graphisme de couverture : Stéphanie Vincent, Pierre Dejarnac

AUSONIUS
Maison de l’archéologie
F - 33607 Pessac cedex

http://ausonius.u-bordeaux3.fr/EditionsAusonius

Achevé d’imprimer en octobre 2012

AquiPrint, Bruges

© AUSONIUS 2012
ISSN : 2118-6502
ISBN : 978-2-35613-072-3
 251
B. LES CÉRAMIQUES SIGILLÉES AFRICAINES ET PHOCÉENNES TARDIVES
Michel Bonifay

Chapitre 2. les céramiques fines de l’antiquité tardive

Les fouilles de la place Camille-Jullian à Bordeaux ont permis de recueillir un petit lot de vaisselles
tardives d’importation méditerranéenne. Cet ensemble de 34 tessons comprend 29 fragments de
céramique sigillée africaine provenant de 14 vases diférents et 5 fragments de Late Roman C ware1
(autrement dite Phocean Red Slip ware)2, appartenant à deux objets distincts.
Ces tessons sont répartis dans une séquence stratigraphique assez large puisqu’elle couvre une période
comprise entre le vie et le xiiie siècle (phases 12, 14, 16, 22, 91, 92, 99). Une telle répartition pose problème.
Tout d’abord on ne peut retenir que deux phases susceptibles de correspondre à la datation généralement
admise pour ces deux catégories de céramique. la phase 12, datée du vie s., et la phase 14, attribuée aux
viie-viiie siècles. Par ailleurs les collages sont nombreux tout autant entre les tessons de ces deux phases
qu’entre ces derniers et ceux présents de manière résiduelle dans les phases postérieures (ig. 1).
Cependant le mobilier de ces deux ensembles mérite, en toute logique, d’être étudié séparément. On
présentera donc d’une part le matériel susceptible de contribuer à la datation des phases 12 et 14, d’autre
part le matériel résiduel des phases médiévales.

n° 5-6 n° 8 n° 10

Phase 99 1217.2

Phase 16 2445.1

Phase 15 1236.1

• Fig. 1. Bordeaux, place Camille-Jullian. Céramiques

sigillées africaines Tableau indiquant les collages entre Phase 14 2376.1 3476.1
des tessons issus de couches et de phases diférentes.
2438.1
Phase 12 2438.5
2489.4-5

Le mobilier des phases 12 et 14

Le mobilier de la phase 12
La phase 12 est celle qui ofre le lot le plus important, soit 17 tessons répartis dans trois unités
stratigraphiques diférentes, 2438, 2475 et 2489, cette dernière ayant livré 10 tessons à elle seule (cf.
l’inventaire en annexe). Il n’est cependant pas utile de distinguer ces trois couches en raison de la faible
quantité de matériel et des collages que l’on observe entre ces unités stratigraphiques (ig. 1).
Au sein de ce matériel on remarque tout d’abord quatre fragments d’un même plat de Late Roman C
ware (ig. 2, n°1). Il s’agit de l’une des formes les plus fréquentes de cette production, la forme Hayes 3F,
bien attestée dans la première moitié et au milieu du vie siècle3. Le fond porte une décoration imprimée
qui nous est parvenue dans un état très fragmentaire, mais dans laquelle on peut aisément reconnaître
un paon, proche du poinçon n°48 de Hayes ; la facture de ce poinçon ainsi que sa taille permettent de le
classer dans le groupe III de la décoration estampée de cette production, typique du vie siècle4.
Le répertoire de la céramique sigillée africaine de la phase 12 ne comprend pas de forme antérieure au
vie siècle. La variante C du bol à listel Hayes 91 (ig. 2, n°2) a échappé aux réévaluations chronologiques
dont les variantes A et B ont fait l’objet cours des années 1980 et 905 ; on ne dispose d’aucun élément
déterminant pour vieillir la date d’apparition de cette forme considéré par la plupart des auteurs comme
caractéristique du vie siècle6. Il est diicile de déterminer la forme exacte du fond de vase à pied haut
illustré au n°3 de la ig. 2. Cet objet peut se rattacher soit à la série des bols de formes Hayes 93B ou 94,

1 Cet article est la révision, en 2011, d’un article écrit en 1992.

Pour ces deux catégories de céramiques c’est la typologie de Hayes (Hayes 1972) qui est utilisée.
2 Bien que cette céramique n’ait probablement pas été produite qu’à Phocée. Voir, en denier lieu : Hayes 2008, 83-88.
3 Hayes 2008, 86 : les contextes de Beyrouth et le réexamen des contextes de l’Agora d’Athènes et de Saraçhane à Istanbul permettent désormais de suggérer une
fourchette chronologique légèrement antérieure à celle proposée dans Hayes 1972, 338 (contextes d’Antioche).
4 Hayes 2008, 84.
5 Hayes 1977 ; Hayes 1980, 515 ; Tortorella 1987, 288 ; Mackensen 1993, 430 ; En dernier lieu, voir Hayes 2008, 80 et note 85.
6 Hayes 1972, 144. Fulford & Peacock 1984, 65. Mackensen 1993, 431-432.
 252

1 2

4 3
0 5 cm

8
PHASE
.................................................................................................................................................................................................................................

9
10

PHASE
.................................................................................................................................................................................................................................

PHASES MÉDIÉVALES
11 13 14

12 15

• Fig. 2. Bordeaux, place Camille-Jullian. Céramiques sigillées africaines et phocéennes tardives (M. Bonifay).
Troisième partie. Les céramiques
 253
soit à celle des coupes des formes Hayes 100 ou 101. Dans les deux cas on est en présence d’objets du
vie s., peut-être même de la in de ce siècle s’il s’agit d’une forme Hayes 100 ou 1017.

Chapitre 2. les céramiques fines de l’antiquité tardive

La forme la plus intéressante de la phase 12 est sans conteste le grand plat de type Hayes 90B. Cette forme
est attestée par cinq fragments appartenant à deux pièces diférentes. La première est représentée par
un bord (ig. 2, n°4) et la seconde par plusieurs fragments permettant de reconstituer graphiquement
l’ensemble du marli8 (ig. 2, n°5) auquel se rattache probablement un élément de fond portant une
décoration imprimée (ig. 2, n°6). La forme Hayes 90B est caractérisée par sa grande taille (38 à 49 cm
de diamètre pour les exemplaires bordelais) ; son large marli terminé par un bord en bourrelet épaissi
est séparé du fond par un escalier plus ou moins prononcé ; le fond, lui-même de grand diamètre,
est porté par un pied très haut généralement décoré de guillochis. Peu nombreuses, les pièces les
plus complètes connues à ce jour proviennent des îles Baléares9. À la faveur de ces comparaisons on
observe un certain nombre de constantes en particulier dans la décoration. Ainsi, la double ligne de
guillochis visible sur le marli du plat bordelais n°5 s’observe également sur les exemplaires d’Apollonia
de Cyrénaïque10, d’Alexandrie11, de Carthage12 et de Koper13. De même le décor estampé de points et de
cercles ocellés (ig. 2, n°6), dessinant ici probablement un motif cruciforme comparable à ceux conservés
sur les exemplaires d’Ibiza et de Minorque14, constitue le style décoratif typique de la forme Hayes 90B15.
La datation de cette forme reste incertaine16. Cependant, tous les exemples publiés récemment et issus de
contextes stratiiés paraissent indiquer une chronologie assez basse, à savoir la deuxième moitié du vie s.
ou le début du viie s.17, conirmant ainsi la date proposée par J. W. Hayes en 197218.
Enin trois tessons appartiennent à deux exemplaires diférents de la forme Hayes 105 (ig. 2, n°7 et 8),
typique de la phase inale de la production des ateliers de sigillée africaine à la in du vie s. et au viie
siècle19. Le bord n°7, avec un bord peu épaissi et une paroi relativement mince, pourrait être un exemple
assez évolué de la variante A20, attribuable à la première moitié du viie siècle21. Le fond n°8, caractérisé
par un pied relativement haut décoré de deux cannelures sur sa face extérieure, semble en revanche plus
précoce22 .
Avant de conclure sur la datation de ce contexte stratigraphique, il importe de dire deux mots des
diférents types de fabrication rencontrés sur cette vaisselle africaine. Seul le tesson n°2 peut être attribué
23
de manière certaine à la production D2 (phase 2 ?) identiié par A. Carandini , caractérisé par une pâte
assez grossière recouverte d’un engobe orange, épais et lustré ; c’est l’aspect typique des productions
de l’atelier d’Oudhna24. La plupart des autres fragments semblent en revanche appartenir à une ultime
variante de la catégorie D225, caractérisée par une pâte encore plus grossière (les parois des vases sont en
général plus épaisses) ; l’engobe plus mince, donnant à la surface un aspect granuleux, est surtout plus
terne, avec seulement quelques taches et traces de tournage légèrement lustrées (tessons n°4, 5, 6 et 8).
C’est l’aspect commun des productions tardives de sigillées africaines rencontrées sur les sites du Midi
de la France26. En revanche, on ne trouve pas dans cet ensemble de productions attribuables aux ateliers
de la zone d’El Mahrine (D1) ou de Sidi Khalifa (C/D)27.

7 Hayes 1972. P 156. Voir cependant Fulford & Peacock 1984, 71 pour une apparition plus tôt dans le vie siècle.
8 Grâce notamment à deux fragments issus des phases 15 et 16.
9 Ramon 1986, fig. 14, n°16 : la forme est complète. Navarro Saez 1982, fig. 40 : forme graphiquement reconstituée, manque le bord. Cette forme est bien représentée
sur le site puisqu’on y compte encore un fragment de pied (fig. 38. n°13) et quatre fragments de bords attribués par l’auteur à la forme Hayes 105 (fig. 39, n°17.18.
20 et 21).
10 Hayes 1972, fig. 25, n°4.
11 Rodziewicz 1976, Pl. 2, B4b, et Pl. 3, B4c.
12 Collectif 1981, Pl. XLIV, 7 ; Riley 1981, fig. 5, n°4.
13 Pröttel 1996, Pl. 29, n°5.
14 Supra, n. 9. L’exemplaire de Minorque porte en outre une décoration de guillochis sur le marli, malheureusement fragmentaire.
15 Bonifay 2004, 103 et fig. 102 : style ” F ”.
16 Beaucoup de difficultés dans ce domaine proviennent du fait qu’il y a eu souvent confusion avec d’autres formes plus anciennes, telles les formes 89 ou 90A, ou plus
récentes, telle la forme 105.
17 Exemples : Riley 1981, 104 (Deposit XXIX, daté par des monnaies de 606-607, en association avec des formes 99, 101 et 107) ; Ramon 1986,13 (en association avec
une coupe Hayes 101) ; Cavaillès-Llopis 1986, fig. 27, n°295 (contexte postérieur au milieu du vie s. en raison de monnaies de Theodbert, associé aux formes Hayes
98, 99, 104 B et C et peut-être 109) ; Kalinovski 2005, 150, n°1 (associé aux formes 104C et 105).
18 Hayes 1972, 140.
19 On ne suivra pas les conclusions des les travaux de la mission britannique à Carthage qui entendent faire remonter l’apparition de cette forme au milieu du vie s.
(Fulford & Peacock 1984, 74).
20 Bonifay 2004, 185.
21 Cf. Reynolds 2011, fig. 4, n°55 et fig. 8, n°177 (“unusual, thin-walled versions”), dans un contexte daté de 625+ (?).
22 Hayes 1972, 166-169 (“early variants : form 90/105”). Voir également Boardman & Hayes, 1973, 110 et fig. 49. n°2478-9 ; Bonifay (collab. Pelletier) 1983, fig. 26,
n°150 ; Bien 2007, fig. 1, n°3.
23 Collectif 1981, 78. La classification des types de fabrication de la “produzione D” proposée par A. Carandini, regroupant les différentes descriptions livrées par
J.-W. Hayes, est difficile à utiliser, notamment en ce qui concerne la distinction de deux phases dans chacune des deux grandes catégories Dl et D2.
24 Barraud et al. 1998, 146.
25 Hayes 1972, 292 : “later ones are of much poorer quality, with poorly levigated clay, roughly fini shed surfaces and walls ranging up to 12 mm in thickness”.
26 Bonifay (collab. Pelletier) 1983, 306.
27 Bonifay 2004, 49.
 254
Le répertoire de formes de la phase 12 présente donc un faciès assez tardif (ig. 3). À côté de produits
qui peuvent être présents dès la première moitié du vie s. (Late Roman C ware forme Hayes 3F, sigillée
africaine forme Hayes 91C), la majorité des formes (Hayes 90B, 101 (?), 105) est plutôt caractéristique
de la deuxième moitié de ce siècle et plus vraisemblablement de la in du vie s. ou du début du viie siècle.
Cette chronologie apparaît légèrement plus tardive que celle (vie s.) proposée par les fouilleurs selon des
critères stratigraphiques.

• Fig. 3. Bordeaux, place Camille-Jullian. État 12.

Histogramme des formes de sigillée africaine.
En blanc : Nombre de Restes.
En grisé : Nombre Minimum d’Individus.
?

90B 91C 101 105 Indét.

Le mobilier de la phase 14
Le mobilier de la phase 14 n’est représenté que par cinq tessons, répartis dans quatre unités
stratigraphiques : 1276, 2376, 3476 et 4221. Il n’apporte pas d’élément nouveau par rapport à celui de la
phase 12.
On trouve tout d’abord un petit fragment de pied de forme Hayes 90B décoré de guillochis sur sa face
extérieure (ig. 2, n°9) et un tesson de fond de forme Hayes 91C (non illustré).
Ensuite, un fragment de panse de forme Hayes 105, auquel viennent s’adjoindre deux tessons des phases
15 et 99, permet de reconstituer graphiquement l’objet illustré ig. 2, n°10. Ce plat Hayes 105 est assez
particulier en raison de son décor intérieur de guillochis et d’un chanfrein très prononcé placé assez
haut sur la panse du vase. Ces deux caractères tendent à rapprocher le tesson bordelais des exemplaires
précoces classés par Hayes dans la forme 90/10528.
En conséquence, ce matériel ne paraît pas présenter un faciès plus tardif que celui de la phase 12. Bien
plus, au vu de la datation proposée par les fouilleurs et conirmée par l’étude des verres29, on peut se
demander s’il ne s’agit pas déjà, au même titre que les tessons des phases proprement médiévaux, d’un
matériel résiduel.

Le mobilier des phases médiévales

Plusieurs couches dont la datation est comprise entre le viiie et le xiiie s. livrent une douzaine de
fragments de sigillée africaine. Ces tessons ne sont pas dénués de tout intérêt puisqu’ils font apparaître
un certain nombre de formes nouvelles.
Les coupes sont représentées tout d’abord par un tesson de forme Hayes 98 (ig. 2, n°11), peut-être
attribuable à la variante C30. Cette variante apparaît généralement dans des contextes de la in du vie s.
ou du début du viie siècle31.
On remarque ensuite un fragment de bord de forme Hayes 99A, comportant un vernis orange très épais
et lustré caractéristique de la production D2 et de l’atelier d’Oudhna. On s’accorde aujourd’hui à penser
que la forme 99 dont on a parfois voulu faire remonter la date d’apparition au milieu voire au début du
ve s.32, n’apparaît pas avant l’extrême in du ve ou le début du vie siècle33. La variante A, avec son bord en
amande, est précoce dans la série34.
Les plats sont représentés par deux fragments de bords de formes 103B et 104B (ig. 2, n°13 et 14),
typiques des productions de l’” atelier X ”35 et généralement datées du vie siècle36. Mais la forme la plus
Troisième partie. Les céramiques

28 Hayes 1972, 166-169.

29 Voir infra, la contribution de D. Foy, p. 351.
30 Bonifay 2004, 185 et fig. 99.
31 M. Bonifay (collab. Pelletier) 1983, fig. 29, n°153 ; Cavalles-Llopis 1986, fig. 27, n°291.
32 Hayes 1980, 516 ; Tortorella 1987, 306. Collectif (Taller Escola d’Arqueologia) 1989, 139.
33 Fulford & Peacock 1984, 71 ; Mackensen 1993, 417 ; Bonifay 2004, 181.
34 Hayes 1972, 155 ; Mackensen 1993, 416.
35 Ou ” Large D2 pottery ”. Cet atelier, reconnu par M. Mackensen sur des bases stylistiques puis archéométriques mais non encore localisé, pourrait être situé dans
une région comprise entre Oudhna, Zaghouan et Thuburbo Maius : Mackensen 1998, 33-39 ; Mackensen & Schneider 2002, 136. Voir également Bonifay 2004, 50.
36 Hayes 1972, 160 et 166 ; Mackensen 1993, 429 : datation de la forme Hayes 104B dès 530/540.
 255
intéressante de cet ensemble résiduel est une assiette Hayes 109, variante A . L’exemplaire bordelais
37

(ig. 2, n°15) présente un type de fabrication comparable à celui des assiettes Hayes 105 (production D2

Chapitre 2. les céramiques fines de l’antiquité tardive

tardive) ainsi qu’une décoration de bandes lustrées tout à fait habituelle sur ce type d’objet. La variante
A de la forme Hayes 109 est typique des contextes de la in du vie s. et du premier quart du viie siècle38.

Conclusion
Le petit lot de vaisselles tardives d’importation méditerranéenne mis au jour sur le chantier de la place
Camille-Jullian à Bordeaux est intéressant à deux points de vue.
Tout d’abord certaines de ces céramiques, découvertes chronologiquement en place dans la stratigraphie,
présentent l’intérêt de fournir un élément supplémentaire de datation pour la phase 12. La datation des
sigillées méditerranéennes, estimée vers la in du vie s. ou le premier quart du viie siècle, suggère de
repousser un peu la chronologie initialement proposée pour cette phase, à savoir le vie siècle. Cette
datation rejoint celle des verreries issues des mêmes unités stratigraphiques (notamment la couche
2489)39, fondée sur des comparaisons avec le mobilier du nord de la France, notamment celui de Tours
ou de nécropoles mérovingiennes40. On a là, pour l’Antiquité tardive, un bel exemple de convergence des
datations de mobilier entre le monde méditerranéen et le nord de l’Europe, deux systèmes élaborés de
manière tout à fait distincte, qui mérite d’être souligné.

90B 91C 98 99A 101 103B 104B 105 109A Indét.

• Fig. 4. Bordeaux, place
Camille-Jullian. Histogramme
des formes de sigillée africaine,
toutes phases confondues.
En blanc : Nombre de Restes.
En grisé : Nombre Minimum
d’Individus.
En second lieu, la découverte d’un ensemble de sigillées orientales et africaines tardives apporte un
nouvel éclairage sur les arrivages de denrées méditerranéennes sur la façade atlantique de la Gaule
aux vie-viie siècles. En efet si quelques fragments de Late Roman C ware avaient bien été signalés à
Bordeaux41, on n’avait jamais, à ma connaissance, rencontré de formes aussi tardives de sigillée africaine
(ig. 4) dans une région aussi septentrionale de la Gaule42. Mais les découvertes incessantes de mobiliers
africain et oriental, tout autour du bassin méditerranéen, au cours de ces vingt dernières années, nous
ont habitués à tenir pour provisoires les cartes de répartitions établies par les diférents auteurs qui se
sont penchés sur le problème de la difusion de la céramique de l’Antiquité tardive43.
Quelle signiication, cependant, donner à ces témoins de relations commerciales entre la façade
atlantique de la Gaule mérovingienne d’une part et les provinces africaines et orientales de l’Empire
byzantin d’autre part ? Tout d’abord, il ne semble pas s’agir d’objets isolés, parvenus ici de manière
accidentelle, puisque arrivent également à Bordeaux des amphores africaines et orientales en nombre
non négligeable44. Par ailleurs, l’existence d’une route commerciale atlantique à la in de l’Antiquité, sur
laquelle le port de Bordeaux apparaît idéalement situé, est bien attestée à la fois par les découvertes déjà
anciennes de sigillées et d’amphores orientales et africaines en Cornouailles, au Pays de Galles et en
Irlande45, et désormais par les extraordinaires contextes de Vigo, en Galice46. Avec la présence de sigillée
phocéenne et une proportion d’amphores orientale cinq fois supérieure à celle des amphores africaines

37 Bonifay 2004, 187-189 et fig. 99.

38 Ibid., 189 ; Reynolds 2011.
39 Voir infra, la contribution de D. Foy , p. 351.
40 Infra, contribution de D. Foy, 351. Type Feyeux 55, insuffisant cependant « pour repousser la datation au-delà du vie siècle».
41 Gauthier 1975, fig. 9, c : poinçon cruciforme n°Hayes 80 (probablement 1ère moitié du vie siècle).
42 Voir toutefois la découverte en 1845 à Orléans d’un fragment de grande assiette de sigillée africaine ornée d’un poinçon de “saint” en pied portant une croix
(probablement milieu du vie siècle) : Hayes 1972, 266.
43 Voir Bonifay 2004, 447 et fig. 252.
44 Berthault 1999, 276-278. Voir également infra la contribution de Fr. Berthault, p. 311.
45 Voir en dernier lieu Campbell 2007, 138 et fig. 85.
46 Fernández Fernández 2010, 375 et fig. 3 ; Id. 2011, 695-707.
 256
au vie siècle47, le mobilier bordelais semble, à première vue, se conformer assez parfaitement à ce que l’on
connaît des importations méditerranéennes sur cette route48. De la prédominance du mobilier oriental
en Cornouailles à la in du ve s. et dans la première moitié du vie s., Michael G. Fulford avait induit
une relation directe par le détroit de Gibraltar entre les provinces orientales et la Grande-Bretagne,
probablement liée au commerce de l’étain49.
Cependant, à y regarder de plus près, le facies bordelais présente en fait une assez forte originalité. Tout
d’abord, du point de vue de la chronologie, une comparaison avec les contextes du sud-ouest des îles
britanniques n’est guère pertinente. Seuls les fragments de sigillée phocéenne Hayes 3F et de sigillée
africaine Hayes 91C, 99A, 103 et 104, probablement déjà résiduels dans les contextes de la phase 12, sont
susceptibles de se rattacher à cette route commerciale qui a alimenté la Grande-Bretagne entre 475 et
550 mais pas au-delà, semble-t-il50. En revanche, la chronologie du matériel bordelais correspond à celle
de l’ultime phase d’importations méditerranéennes à Vigo, datée de la deuxième moitié du vie s. et de la
première moitié du viie siècle51, où, comme à Bordeaux, sont présentes les formes Hayes 90, 105 et 109A
de la typologie des sigillées africaines.
En fait, le mobilier bordelais reste également assez diférent, dans le détail de sa composition, de celui de
Vigo. Comme Adolfo Fernández l’a très justement fait remarquer52, les proportions de sigillées africaines
et orientales sont inversées dans les deux villes (60 % de sigillée orientale à Vigo alors que les vaisselles
africaines dominent à Bordeaux). Il ajoute par ailleurs que les diférentes régions productrices orientales
ne sont pas représentées de la même manière, avec une majorité d’amphores de Gaza à Bordeaux alors
que ces conteneurs sont rares à Vigo53. Il signale également que les productions de sigillées africaines du
nord du golfe d’Hammamet (atelier de Sidi Khalifa), abondantes à Vigo dans la deuxième moitié du vie
s. et au début du viie siècle, ne sont pas représentées à Bordeaux.
Ces diférences ne doivent pas nous amener à conclure que Bordeaux ne participe pas à cette route
commerciale atlantique, active tout au long de l’Antiquité tardive. Les quantités de DSP bordelaises
découvertes tant en en Grande-Bretagne54 qu’à Vigo55 en témoignent suisamment. Cependant,
l’hypothèse d’Adolfo Fernández qui attribue au port de Vigo un rôle de redistribution longtemps après la
in de l’approvisionnement de la Grande Bretagne en denrées méditerranéennes, gagne en vraisemblance
sur l’hypothèse précédente d’une simple ligne directe entre l’Empire byzantin et les sources les plus
septentrionales de métaux précieux, étain et cuivre. De même, les particularités de la composition des
arrivages à Bordeaux nous obligent à ne pas exclure totalement un transit de certaines catégories de
marchandises par l’intérieur des terres, depuis les côtes septentrionales de la Méditerranée56.

L’utilisation de vaisselles en provenance de la lointaine Afrique byzantine dans un quartier modeste et

excentré de la Burdigala du début du viie siècle est un indice fort de l’importance de la route commerciale
atlantique à la in de l’Antiquité et au début du haut Moyen Âge57. Il sera cependant nécessaire, pour
évaluer l’importance de ces échanges, de se livrer à un inventaire détaillé des importations de vaisselles
méditerranéennes sur la façade atlantique de la Gaule durant l’Antiquité tardive.

47 Berthault 1999, fig. 21.

48 Vigo : Fernández Fernández 2010, fig. 3. Iles britanniques : Fulford 1989 : les statistiques calculées sur les trois principaux sites (Tintagel, Cadbury-Congressbury
et Dinas Powys) faisaient alors apparaitre 46 vases de sigillée phocéenne pour 16 vases de sigillée africaine et 112 amphores orientales pour 3 amphores africaines.
Pour une étude plus détaillée de ces importations, voir désormais : Campbell 2007, 14-26 ; Campbell & Bowles 2009, fig. 20.1 (71 % d’importations orientales
pour 19 % d’importations africaines). Récemment, Paul Reynolds (2010, 109 et note 392) a proposé d’abaisser encore la proportion d’amphores africaines dans ces
Troisième partie. Les céramiques

assemblages.
49 Fulford 1989, 4. Voir également Reynolds 2010, 108-111.
50 Campbell & Bowles 2009, 312 : l’arrêt des importations méditerranéennes dans les îles britanniques est mis en relation avec les épidémies de peste des années 545,
549 et 554.
51 Fernández Fernández 2010, 695-707 : horizon C.
52 Ibid., 704-705.
53 Ibid., Tabl. 51. Également en Grande-Bretagne : Campbell & Bowles, fig. 20.1.
54 Campbell 2007, 27-32.
55 Fernández Fernández 2007, fig. 4 ; Id., 2010, 417-462.
56 Les amphores de Gaza sont attestées à Toulouse et sur plusieurs villae d’Aquitaine au vie s. : Amiel & Berthault 1996, 258 et Tabl. I ; Catalo et al. 1998, fig. 5, n°3-6.
Sur cette hypothèse, voir Pieri 2005, 172-173 et fig. 108.
57 D’autant plus qu’aucune forme de vaisselle africaine antérieure au vie s. n’a pu être identifiée sur le chantier, même hors stratigraphie, alors que des amphores
africaines du ive s. et du ve s. y sont attestées (infra, la contribution de Fr. Berthault, p. 317).
 257
ANNEXE
INVENTAIRE

Chapitre 2. les céramiques fines de l’antiquité tardive

N.B: La datation indiquée entre parenthèses pour chacune des phases est celle fournie par les auteurs de
la fouille. Les nombres de 4 chifres sont ceux des unités stratigraphiques (US).

Phase 12 (vie siècle)

2438
- 1. Sigillée africaine D, bord de plat Hayes 90B. Recolle avec 1318, 2445, 2489.4 et 2489.5. Production
D2-variante. Fig. 2, n°5-6.
- 2. Sigillée africaine, type D, bord de bol à listel Hayes 91C. Production D2-phase 2 (?). Fig. 2, n°2.
- 3. Sigillée africaine D, pied de coupe Hayes 101 (?). Production D2-phase 2 ou variante ; engobe à l’int.
seulement, le pied est dépourvu de tout engobe. Fig. 2, n°3.
- 4. Sigillée africaine D, bord de forme Hayes 105. Pâte orange dure et granuleuse, comportant de grosses
inclusions de quartz éolien, engobe peu épais, orange-rosé terne, très écaillé, inexistant à l’ext. du vase.
Fig. 2, n°7.
- 5. Sigillée africaine D, fond de forme Hayes 105. Recolle avec 2376.1. Production D2-variante. Fig. 2,
n°8.
- 6. Sigillée africaine D, fragment de panse indéterminé.

2475
- 1. Sigillée africaine D, bord de plat Hayes 90B. Production D2-variante. Fig. 2, n°4.

2489
- 1. Late Roman C ware, deux fragments de bord d’un plat Hayes 3F ; décor de guillochis sur la face
extérieure. Pâte marron-roux, ine, engobe brun-rosé satiné à l’intérieur, rugueux à l’extérieur. Même
objet que les n°2 et 3. Fig. 2, n°1.
- 2. Même objet. Fragment de fond portant un décor imprimé : paon à aigrette, proche du poinçon Hayes
48. Fig. 2, n°1.
- 3. Même objet. Fragment de panse.
- 4. Sigillée africaine D, fond de plat Hayes 90B ; décor imprimé de points et cercles ocellés (motif
cruciforme ?). Recolle avec 1318.1, 2438.1, 2445.1, 2489.5. Production D2-variante. Fig. 2, n°5-6.
- 5. Même objet. Deux fragments du marli ; décor de guillochis. Fig. 2, n°5-6.
- 6-8. Sigillée africaine D, trois fragments de panses indéterminées.

Phase 14 (viie-viiie siècles)

1276
- 1. Sigillée africaine D, fond de bol à listel Hayes 91C ; décor de guillochis. Production D2-phase 2 (?).
Non illustré.
- 2. Sigillée africaine D, pied de plat Hayes 90B ; décor de guillochis sur la face extérieure. Pâte orange
très granuleuse, dépourvue d’engobe. Fig. 2, n°9.
2376
- 1. Sigillée africaine D, fragment de panse de plat Hayes 105. Production D2-variante. Recolle avec
2438.5. Fig. 2, n°8.

3476
- 1. Sigillée africaine D, fragment de panse de plat Hayes 105 ; décor de guillochis à la base du chanfrein
intérieur. Production D2-variante. Recolle avec 1236.1, 1217.2. Fig. 2, n°10.

4221
- 1. Sigillée africaine D, fragment de panse indéterminé.

Phase l5 (viiie-ixe siècles)

1236
- 1. Sigillée africaine D, fragment de panse de plat Hayes 105. Production D2-variante. Recolle avec
1217.2, 3476. Fig. 2, n°10.
 258
1318
- 1. Sigillée africaine D, bord de plat Hayes 90B. Recolle avec 2438.1, 2445.1, 2489.4 et 5. Production
D2-variante. Fig. 2, n°5-6.

Phase 15 (xe-xie siècles)

2445
- 1. Sigillée africaine D, panse chanfreinée de plat Hayes 90B ; décor de guillochis sur le départ du marli.
Recolle avec 1318.1, 2438.1, 2489.4 et 5. Production D2-variante. Fig. 2, n°5-6.

Phase 22 (1150-1200)

2473
- 1. Sigillée africaine D, bord de coupe Hayes 98B. Pâte orange clair assez ine couverte d’un engobe rosé
peu épais, satiné et légèrement écaillé. Fig. 2, n°11.

Phase 91 (fosses, 480-650)

3122
- 1. Late Roman C ware, fragment de fond, forme Hayes 3 (?).

Phase 92 (xe-xiiie siècles)

4042
- 1. Sigillée africaine D, bord de plat Hayes 103B. Production D2-phase 2. Atelier X ? Fig. 2, n°13.

4074
- 1. Sigillée africaine D, fragment de panse de plat Hayes 105. Production D2-variante.
- 2. Sigillée africaine D, fragment de panse indéterminé.

Phase 99 (décapage)

1217
- 1. Sigillée africaine D, fragment de panse de plat Hayes 104 B. Production D2-phase 2, mais engobe
plus mat. Atelier X ? Fig. 2, n°14.
- 2. Sigillée africaine D, fragment de bord de plat Hayes 105. Production D2-variante. Recolle avec
1236.1, 3476.1. Fig. 2, n°10.
- 3. Sigillée africaine D, deux fragments de bord d’assiette Hayes 109A ; décor de bandes lustrées.
Production D2-variante. Fig. 2, n°15.
- 4. Sigillée africaine D, fragment de panse indéterminé.

Hors stratigraphie

2012
- 1. Sigillée africaine D, fragment de bord de bol Hayes 99A. Production D2-phase l (?). Atelier
d’’Oudhna ? Fig. 2, n°12.
Troisième partie. Les céramiques
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

•

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
Sigles et abréviations bibliographiques
Les abréviations sont normalement celles de L’année
philologique. On rappelle ou on ajoute les précisions
suivantes.
421
Tapuscrits : ces études inédites, mais indispensables,
constituent une littérature “grise” ; elles ont été citées
dans les notes et dans la bibliographie au même titre
que les ouvrages imprimés, accompagnées de la
mention : Tapuscrit inédit.
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