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Comptes rendus de publications

Amplissimae atque ornatissimae domus (Aug., civ., II, 20, 26), L’edilizia residenziale
nelle città della Tunisia romana, Vol I : Saggi, vol. II Schede,
a cura di Silvia BULLO e Francesca GHEDINI, Roma, Edizioni Quasar, 2003 (Antenor Quaderni 2.1
et 2.2; Università degli studi di Padova, dipartimento di scienze dell’Antichità)
Préface de Pierre Gros.

Les deux volumes que nous proposent Silvia Bullo et type. Chacune des 19 villes prises en considération
Francesca Ghedini sont le résultat d’un long travail est précédée d’une rapide présentation historique,
d’équipe qui s’est nourri non seulement de rencontres les grandes étapes de l’histoire des fouilles et d’un
à l’université de Padoue, mais aussi de déplacements utile plan de situation des vestiges. Un plan synthé-
sur place pour aller à la rencontre des sites. Après les tique de chaque maison avec une numérotation très
publications des maisons de la région campanienne lisible est proposé, laissant de côté les numérotations
et dans la lignée des atlas de maisons, comme celui anciennes qui ne tenaient pas compte des espaces
des maisons de Narbonnaise1, voici un bilan sur les découverts ou secondaires. Le découpage de certains
demeures romaines découvertes en Tunisie. espaces en deux éléments, pour certaines salles à
Dans la lignée du répertoire pionnier de René abside ou à alcôve, par exemple pourrait être parfois
Rebuffat2, l’équipe de Padoue complète pour la Tuni- discuté. La fiche type présente la série de rubriques
sie le travail immense des corpus des mosaïques de habituelles. Parmi les points utiles, on soulignera le
Tunisie. L’ouvrage en deux volumes rassemble, pour lien avec la voirie et le tissu urbain, souvent négligé,
la première fois, 136 plans de maisons de l’Africa, de mais aussi l’information concernant les structures :
tailles et de types très différents. Il couvre un arc sont-elles visibles ou non et peut-on actuellement
temporel très vaste, allant du Ier au VIIe siècle. Les avoir accès aux ruines. Les installations liées à l’eau
19 sites majeurs choisis se répartissent de manière ont été nettement distinguées sur les plans, par les
équilibrée sur la carte de la Tunisie (p. 4), donnant lettres majuscules pour celles à vocation ornemen-
un échantillon représentatif des différentes régions tale, en minuscule pour celles utilitaires. La termi-
concernées. Nouvelle est l’ampleur chronologique du nologie antique latine pour désigner les pièces a été
corpus, très ambitieuse au regard de l’histoire com- soigneusement évitée (comme fauces ou vestibulum),
plexe de l’Afrique du Nord. La vision d’ensemble a en dehors du mot triclinium, quand il est nettement
peut-être tendance à gommer les fluctuations histo- repérable par un dessin du pavement au sol, ou bien
riques, d’une région à l’autre, à mettre sur un même pour cubiculum, lorsque l’alcôve est nettement défi-
niveau des habitations qui, pour certaines, sont en nie. D’utiles tableaux de surface, avec la précision
bout d’existence et sans doute même démodées, de la source de l’information (dans la bibliographie
d’autres rénovées et remises au goût du jour, par des ou calculé d’après les plans publiés) font gagner un
ajouts de salles caractéristiques, plus rarement des temps précieux pour les comparaisons. Des tableaux
thermes, très souvent de nouveaux décors. Tandis récapitulatifs se retrouvent à la suite des synthèses
que d’autres encore, nouvellement construites, sont dans le premier volume. Dans la fiche de chaque mai-
novatrices et représentatives de leur époque. Les son, pour la phase d’abandon, on a systématiquement
auteurs souhaitaient offrir aux chercheurs un cor- indiqué la bibliographie relative aux données archéo-
pus harmonisé qui reprenne les dossiers de fouilles logiques utilisées et les critères invoqués.
anciennes et les découvertes les plus récentes. Ils La majeure partie des plans au 1 : 250e, sauf pour
rappellent qu’après une période où le décor avait été la maison de Lucius Verus, des Mois et des Dau-
favorisé, l’architecture de ces maisons méritait une phins de Thysdrus, qui pour des questions de taille,
réévaluation complète, au regard du renouvellement ont dû être portés au 1 : 300e. Une série de maisons
complet de l’histoire de la domus. L’œuvre se com- connues ou en cours d’étude sont présentées sans
pose de deux volumes complémentaires : le premier plan (liste note 6, p. 2). Le problème le plus délicat
regroupe les synthèses réparties entre de nombreux dans la documentation reste celui de la chronologie
auteurs, tandis que le volume 2 (saggi) rassemble le relative. Dans nos propres travaux, nous nous étions
corpus. C’est par lui que nous commencerons. C’est heurté à la même difficulté de pouvoir rendre les dif-
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sur lui que reposent les conclusions et les axes thé- férentes phases de construction, souvent complexes
matiques proposés aux chercheurs dans le volume 1. dans les édifices privés, sans aplanir les différences
par un dessin volontairement schématique des plans
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Les notices des 136 édifices étudiés suivent un plan et des espaces. Cela aurait nécessité d’alourdir exces-

1 Pierre Gros, Jean Guyon, Philippe Leveau (dir), La maison ur- 2 René Rebuffat, « Maisons à péristyle d’Afrique du Nord, ré-
baine d’époque romaine en Gaule narbonnaise et les provinces voi- pertoire de plans publiés », I, MEFRA, 1969, p. 659-724 ; II, MEFRA,
sines, Actes du colloque d’Avignon (11-13 novembre 1994), Avignon, 1974, p. 445-499.
1996, 2 vol. (Documents d’archéologie Vauclusienne, 6).

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sivement les ouvrages par un trop grand nombre de sur le nouveau plan : le péristyle, qui paraissait bien
figures. A la décharge des auteurs, il faut rappeler vide, au regard du plan très précis de P. Gauckler,
le problème de la grande hétérogénéité de la docu- change de sens. Toutes les vasques sont replacées dans
mentation planimétrique, de la rareté des élévations la cour-jardin. Ni l’abside-fontaine B, face à l’entrée,
et des coupes disponibles. Parfois, il n’existe qu’un ni la vasque centrale A, disparue aujourd’hui sur le
plan sommaire ou un relevé de certaines parties des terrain, n’étaient auparavant dessinées sur le magni-
mosaïques. fique relevé des mosaïques de l’époque, pas plus que
Près de 71 plans ont été redessinés et colorisés pour le bassin devant la salle de réception. Ce dernier est
permettre des comparaisons faciles. On pourrait cependant plus massif que le nouveau plan ne le sug-
reprocher l’aspect un peu sec dû à l’ordinateur, mais gère. Quadrangulaire à l’extérieur, il présente une
on comprend vite à feuilleter le volume l’intérêt de forme mixtilinéaire à l’intérieur, marquée par deux
cette opération qui allège pour l’œil les plans anciens lobes logés dans la paroi du fond3. Le bassin en éléva-
et attire l’attention sur certains espaces (notamment tion ferme le seul passage vers le jardin face à la salle
aussi dans les planches comparatives du volume I). d’apparat de la demeure. Toutes ces transformations
Les plans publiés avec le relevé des mosaïques sont peuvent sans doute être associées aux restaurations
associés et aident à la compréhension de l’interpré- de ce secteur, avec la pose de pavements plus tardifs
tation proposée. Parfois, on aurait souhaité avoir les devant la salle 9 et sur le seuil central de la salle d’ap-
plans dans le même sens pour comparer directement parat (scène de la chasse à courre). Les indications
les deux, sans devoir mentalement réorienter l’en- précises du fouilleur, si attentif au détail du décor des
semble. Une planche de légendes accompagnant les espaces, sont prises en compte dans la fiche, comme
indications pour lire les planches aurait été bienve- l’existence d’une plinthe de calcaire qui aurait pu
nue pour le lecteur, toujours pressé… Le gris foncé soutenir une balustrade de bois dans le péristyle,
désigne les entrées et permet de bien saisir les accès. ou encore la présence de décors de stucs figurés
Le vert, utilisé pour les espaces à ciel ouvert, attire la d’amours vendangeurs dans la salle à colonnade.
pensée vers la notion de plantation et pose un pro- Pour les absides D et E, il est dommage que les lobes
blème plus délicat pour ceux qui sont en quête de caractéristiques, qui les relie à des séries africaines
jardins : on aurait pu affiner la gamme, entre cour bien connues à Bulla Regia par exemple, n’aient pas
mosaïquée ou dallée, puits de lumière et d’aération été représentés. Le lien de l’abside-fontaine D, avec
ou espaces plantés ou simplement de terre battue. jet d’eau central, d’après le plan de Gauckler, n’est
Le gris clair est utilisé pour les bassins et fontaines pas précisé : il nous semble qu’elle devait être ouverte
décoratives, mais aussi les espaces liés à l’eau : ther- sur la salle de réception, dans un puits de lumière
mes et latrines. Les puits et canaux sont notés par des arrière. Le lien avec les salles 12 et 15 est plus difficile
lettres. En revanche, la prudence des dégradés et la à cerner : soit les trois pièces ouvraient sur D, soit
présence de couleurs hachurées pour les interpréta- seulement le grand triclinium 9.
tions incertaines rappelle la grande neutralité d’ana-
lyse des contributeurs. Le jaune foncé est employé Venons-en maintenant au volume de synthèse qui
pour les salles de réception, le jaune clair pour les porte à justement le titre de saggi, c’est-à-dire d’es-
cubicula. Les auteurs rappellent à juste titre que les sais. Depuis l’article fondateur d’Yvon Thébert 4, sur
plans coloriés représentent la phase de construction lequel sont récemment revenus Jean-Pierre Guil-
principale. hembet et Roger Hanoune5, les études sur la maison
africaine se sont multipliées. Les deux volumes en
La compréhension des plans en apparaît comme faisant une nouvelle recension font suite aux deux
renouvelée, stimulant les comparaisons. Elle les fait corpus successifs de René Rebuffat et font relais au
émerger ou contredire dans un esprit de critique corpus, toujours incontournable, de Katherine Dun-
constructive. Prenons un exemple parmi d’autres. babin sur les mosaïques d’Afrique du Nord. L’intérêt
Le plan de la maison d’Ikarios (autrefois dite des du livre est d’intégrer d’un seul coup tous les nou-
Laberii), si souvent cité comme modèle de maison veaux plans de demeures, avec les documents parus
africaine, est utilement complété (vol. 2, p. 326). Des à leur sujet, encore dispersés dans des publications
informations fondamentales sont mises en évidence très variées et pas toujours faciles à se procurer.
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3 La bouche de citerne, entourée d’un massif quadrangulaire, documenter rapidement ces traces fragiles, avant que les restaura-
voisine du bassin, est beaucoup plus importante. On en trouve tions nécessaires des sites ne compromettent définitivement notre
d’autres près d’absides-fontaines d’autres maisons du site, moins connaissance de ces détails fondamentaux pour l’architecture do-
bien publiées. Un autre regard de citerne, sans doute postérieur à la mestique.
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phase de splendeur de la maison d’Ikarios, est visible aujourd’hui 4 Yvon Thébert, « Vie privée et architecture domestique en
dans la salle à colonnade 9, avec le même muret en élévation, pour Afrique romaine », in : Histoire de la vie privée, Ph. Ariès, P. Vey-
puiser de l’eau dans la citerne sous la salle. Rappelons ici que dans ne (dir), 2e ed. Paris, 1999, p. 295-411.
les avertissements, les auteurs du corpus, tout en marquant sur les 5 Jean-Pierre Guilhembet, Roger Hanoune, « Architecture
plans des informations supplémentaires, ont choisi de ne pas inter- domestique et vie privée des élites de l’Afrique romaine. L’apport
préter les plans publiés. Peut-être serait-il judicieux maintenant de des travaux d’Y. Thébert et l’historiographie récente » Afrique et
faire procéder à des relevés de tous ces manques manifestes, pour histoire, 3, p. 71-82.

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Saluons d’abord la masse d’informations mise à notamment) pose d’intéressants parallèles entre les
disposition du chercheur. Patiemment récoltée par textes juridiques connus et la situation sur le terrain
l’équipe, elle est présentée par thèmes. On peut par- par l’archéologie.
fois discuter la forme, l’interprétation de certains
détails : il reste que la bibliographie est rassemblée Après l’implantation de la demeure dans la cité,
ici de manière très pratique et que le lecteur a la vient l’analyse de ses composantes (gli ambienti
possibilité à tout moment se reporter aux sources della casa), en commençant par les entrées. Eleonora
sur lesquelles reposent les interprétations. On pour- Noto entreprend l’exercice difficile de tenter de dres-
rait reprocher une approche découpée en autant ser les caractéristiques des vestibules des maisons
d’éléments constitutifs de la demeure, au risque de retenues. Elle évite à juste titre les mots de fauces et
rompre les liens de sens entre les éléments. Pour- vestibulum, au sens ambigu et rappelle combien sont
quoi séparer la cour de son bassin, les vestibules du nombreuses les demeures incomplètement fouillées,
parcours des convives vers la salle de banquet ou privées de lien avec le tissu urbain. Les critères les
les thermes des espaces de réception ? Mais il fallait plus significatifs sont ceux de la surface et du type de
sans doute aussi choisir un point de départ : mettre pavement. Un tableau comparatif des dimensions de
les choses à plat. C’est à partir de ce regroupement ces espaces aurait peut-être mieux éclairé le rapport
de données sur un même objet que les croisements entre ces espaces et les pièces de réception, dont ils
seront possibles pour comprendre la domus dans son peuvent atteindre parfois les vastes proportions. La
fonctionnement et sa cohérence. variété de la taille et du rôle de l’entrée est modu-
lée par les questions de topographie et d’histoire
Les différents problèmes sont abordés dans un ordre urbaine : maisons étagées sur des pentes à Dougga,
logique depuis la vision générale de la maison, en où le vestibule n’est qu’une petite salle servant de
passant par les différents espaces qui la constituent. sas entre la rue et les cours en contrebas ; maisons
La première synthèse s’attache au rapport de l’archi- en extension comme à Thysdrus, où la surface consi-
tecture privée au paysage urbain, en s’arrêtant au dérable de certains vestibules est marquée, mise en
problème des façades et de leurs aménagements : pré- rapport avec des exigence de réception des clients et
sence des fenêtres (utilisation de références d’Apulée des étrangers à l’espace domestique6. La volonté de
– Métamorphoses ou Apologétique), d’étages, sou- maintenir l’espace du péristyle tranquille et privé me
vent négligés dans les études d’architecture domes- semble une idée intéressante, trop peu évoquée à ce
tique, de balcons ou de portiques (la question des jour, et à développer dans un pays qui renonce pour
boutiques, de l’absence de surplomb sur la rue, etc.). des questions de chronologie à l’obsolescent atrium :
Giorgo Bejor introduit aussi dès le début de l’étude l’exemple de la salle 3 de la maison de Neptune à
la variable de la topographie ambiante, qui donne Thuburbo Majus est parfaitement éclairant (vol. 2,
aux maisons africaines une personnalité très typée, p. 241) : liée à la rue et au vestibule, cette pièce per-
lié à l’environnement et aux conditions climatiques mettait à l’évidence de n’introduire dans l’intimité
(p. 9-19). Il prend l’exemple des maisons proches des de la domus que des personnes choisies. Mais dans le
places publiques ou du forum, ou donnant sur lui, cas de Thuburbo, la présence de vestibule double peut
comme la maison dite de Lucius Verus à Thysdrus, la aussi peut-être s’expliquer par la forme atypique des
maison d’Asinius Rufinus à Acholla : le volume émer- îlots, héritée du passé ancien de la ville, et la trans-
geant de la salle d’apparat principale devait ainsi se formation des habitations sur plusieurs générations.
remarquer de loin, depuis la place publique voisine, A Utique, le choix de pièces allongées peut s’expli-
et indiquait la puissance de son propriétaire dans quer aussi par la taille réduite des lots attribués à
le contexte urbain. L’auteur conclut que les riches chaque habitation dans les ilots d’origine, imposant
maisons africaines se cachent derrière leurs murs des plans simples et économes de place7.
monotones qui forment comme une barrière entre le
monde public et le monde privé. Umberto Vincenti En abordant les aires découvertes de la maison, Marta
et Giorgia Zanon complètent cette approche par une Novello s’attaque à un sujet bien sûr abordé par Yvon
vision plus juridique de l’espace domestique, dans Thébert, Simon Ellis, Pierre Gros et bien d’autres,
son rapport à l’extérieur (p. 21-30). Ils analysent les souvent de manière ponctuelle dans les monogra-
questions d’empiètement sur les voies, par un por- phies, avec des développements par exemple de la
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che monumental, comme à la maison du Trifolium part de Suzanne Gozlan et Véronique Blanc-Bijon,
de Dougga ou de thermes, en rappelant la fréquence pour les maisons de la région d’Acholla, mais jamais
du phénomène dès le IIe siècle, à Timgad ou à Volu- de manière aussi synthétique (p. 45-70). Six pages de
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bilis. Leur approche (à travers Ulpien et le Digeste précieux tableaux comparatifs aident le lecteur qui

6 Voir la note 33, p. 38, trop discrète. L’auteur devrait à mon sens tage, dans la mesure où peu de maisons sont connues en extension
développer cette piste fondamentale. dans la capitale africaine, souvent d’après des fouilles et plans an-
7 La forme allongée des pièces d’entrée, parallèles à la rue, souli- ciens et dans des pourcentages infimes par rapport à la taille de la
gnée dans le cas de Carthage en conclusion (p. 43) se discute davan- ville et la longueur de son histoire.

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peut ensuite se reporter aux plans colorisés. Même confirmer le fait que seuls les plus luxueux jardins
si l’on doit se méfier des pourcentages, le nombre de thysdrutains possédaient ce plaisir, moins répandu
maisons étudiées permet d’avoir une première vue dans les autres maisons de la ville10.
sur la question débattue du choix des revêtements
des cours. Il semble y avoir un équilibre à première Seulement 35% du corpus des cours semble privé du
vue entre le choix des cours au sol traité en dur (de décor d’un bassin. L’abside-fontaine, comme l’a appe-
dalles, de ciment ou de mosaïque), 38 % du total avec lée René Rebuffat, reste la forme la plus diffusée, mais
celle faisant place au jardin (36 %). L’auteur n’oublie on aurait attendu une typologie plus fine des types
pas de rappeler que 26 % reste douteux, faute de don- d’installations et peut-être une lecture plus chronolo-
nées précises. Il faudrait ajouter la délicate datation gique pour faire émerger des modes ou des habitudes
des sols de ces cours et que l’absence de revêtement régionales, au-delà des similitudes maintenant bien
ne signifie pas systématiquement que des plantations connues de ces installations. Très intéressant pour la
les ont remplacées. D’autant plus que sur le cours du problématique de l’esthétique du jardin est le relevé
temps, l’aménagement de ces jardins a pu varier au systématique pour chaque péristyle ou cour de la pré-
gré de la fortune des habitants. Sans doute faudrait-il sence de barrières entre les colonnes ou piliers. Près de
maintenant affiner par comparaisons des ensembles la moitié des cas du corpus ont présenté à un moment
relativement bien datés et complètement fouillés. La de leur histoire des petits murets ou des balustrades11.
question de l’organisation du viridarium en Afrique, L’esthétique des péristyles en est modifié : murets de
en tant que tel, aurait mérité d’être davantage dévelop- pierre, enduits et parfois peints de couleur, ou fermés
pée, au regard des études pionnières de Wilhelmina de barrières de bois, comme à Pompéi, en encore
Jashemski à Thuburbo Majus, mais qui restent encore ornés de véritables chancels taillés, plus chers et plus
bien isolés et de l’article de Michèle Blanchard-Lemée massifs. La généralisation de la fermeture des porti-
sur les jardins de Djemila ou de la synthèse récente sur ques des domus dans la dernière phase de l’histoire de
la notion de paysage dans la domus par Aïcha Malek la ville de Pompéi a déjà été soulignée dans le corpus
(qui n’était pas parue au moment de la parution des des jardins vésuviens de Wilhelmina Jashemski12. Il
deux volumes)8. Selon l’auteur, les zones intérieu- est intéressant de retrouver cette composante un peu
res et montagneuses semblent privilégier les cours plus tard en Afrique et sur une durée longue. Le jar-
pavées, comme à Bulla Regia ou Dougga9, tandis que din apparaît donc souvent comme un espace autour
les zones côtières utiliseraient davantage le jardin. Il duquel on circule, plus qu’on ne le traverse : il sert de
serait intéressant de comparer les surfaces des cours lieu de convergence au regard, d’écrin à la fontaine,
étudiées par rapport au choix de leur revêtement au bassin et à la verdure, opposant espaces couverts
(question de coût et de fragilité), sans oublier aussi le des salles et des portiques et vie en plein air. Les chan-
problème de l’utilisation de ces cours « imperméabi- cels devaient aussi permettre de limiter les agressions
lisées » de la sorte comme récupérateur des eaux de de la chaleur et du froid pour les salles ouvrant sur les
pluie. La présence des jardins sur la côte semble aussi portiques. Sans empêcher qu’on s’y tienne, puisque
tenir à des questions de place, les maisons pouvant des passages sont aménagés pour le rejoindre. La bar-
s’offrir des surfaces très conséquentes en plaine. La rière ou l’écran derrière lequel il émerge en constitue
question de l’eau et de la pluviométrie se pose enfin à l’évidence un symbole.
à notre avis dans la problématique de l’existence des Marta Novello insiste à juste titre aussi sur le choix
jardins africains : Hédi Slim a bien attiré l’attention de mettre à un niveau inférieur (de 30 à 75 cm) la
sur la rareté des fontaines et des eaux courantes dans cour ou le jardin par rapport aux portiques environ-
les jardins de Thysdrus. Le grand euripe de la somp- nant, en particulier dans les exemples de Byzacène.
tueuse maison de l’Africa, à mettre en relation avec Si la protection contre la chaleur de l’espace planté
celui de la maison dite de Lucius Verus, ne fait que lui-même peut être envisagée13, nous proposons d’y

8 Wilhelmina Jashemski, “Roman Gardens in Tunisia, Preli- l’Occident romain (Ier s. av. J.-C.-IVe s. ap. J.-C.), Actes du colloque
minary excavations in the House of Bacchus and Ariadne and in de l’EFR et l’institut national d’archéologie et d’art de Tunis (Rome
the East Temple at Thuburbo Maius”, AJA 99, p. 559-573. Michèle déc. 1987), Rome, 1990, p. 169-201.
Blanchard-Lemée, « Dans les jardins de Djemila », AntAfr, 34, 11 L’exemple de la maison de la Pêche (fig. 6, p. 54) ne doit pas en
1998, p. 185-198, Sabah Ferdi, Amina-Aïcha Malek, «Les mosaï- revanche être utilisé dans cette problématique : les grandes dalles
ques de la maison de la Jonchée à Cherchel», in : CMGR, VII-1, de pierre, parfaitement travaillées, ferment les entrecolonnements
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1994, Tunis, 1999, p. 327-334, pl. 158-164. du péristyle pour former un bassin complexe qui reste, par son or-
9 La maison du Trifolium de Dougga contredit en revanche ce ganisation interne, un unicum en Afrique.
raisonnement. Une erreur s’est glissée dans le tableau : le péristyle 12 La problématique de l’existence de portiques fenêtrés, mise en
est classé comme mosaïqué, alors qu’il était traité en jardin. Une avant à partir d’un exemple gallo-romain par Pascal Vipard (« Les
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photo actuelle (fig. 2, p. 49) montre le péristyle où le bassin allongé portiques fenêtrés dans les domus du Haut-Empire romain », Bul-
central, terminé en hémicycle (et non quadrangulaire), est bien vi- letin archéologique du CTHS : Antiquité, archéologie classique, 30,
sible, ainsi que l’abside-fontaine face à la pièce de réception. Dans 2003, p. 99-134), trouve ici son écho et demanderait peut-être de
le plan colorisé, faute de données précises, le bassin central n’a pas repenser la question aussi pour des provinces où la chaleur, comme
été dessiné (vol. 2, p. 274). parfois le froid, doivent aussi être combattus.
10 Hédi Slim, « Le modèle urbain romain et le problème de l’eau 13 Hypothèse de M. Bassani. Mais l’encaissement implique aussi
dans les confins du Sahel et de la basse steppe », in : L’Afrique dans moins de circulation d’air pour les plantes et plus de soleil.

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voir un aspect pratique. En cas de très fortes préci- pièce. Les exèdres en hémicycle simple s’y prêtent
pitations l’eau des toitures trop abondante, pouvait particulièrement. Dans la maison des deux Chasses
avoir le temps de s’évacuer, sans inondation des des Khelibia, l’hypothèse d’un stibadium dans l’exè-
pièces d’habitation, placées plus haut. Mais surtout dre semi-circulaire 8 (plan vol. p. 81) est à prendre
le relatif encaissement du jardin par rapport aux en compte, la salle étant entourée d’une zone dallée.
espaces de circulation, permettrait à notre sens, avec De même, l’idée d’une petite salle à manger en demi-
des plantations basses, d’éviter une concurrence cercle pour un sigma, dans la maison du Triconque
en hauteur entre les végétaux et les portiques. La de Carthage (salle 8 ; plan 2, vol. 2, p. 141), ouverte
vue surplombante depuis les galeries reste ouverte : largement sur la cour, dans son dernier état est
le dessin du jardin reste plus lisible. On s’en rend séduisante. En revanche, il faut à notre sens renoncer
compte en visitant les domus derrière le musée d’El à l’identification d’une couche en sigma dans la mai-
Jem : la restauration récente du viridarium de la son des stucs de Djemila15. Quant à la localisation
maison de l’Africa, en donne aujourd’hui une excel- d’un emplacement pour sigma dans une des salles à
lente expérience. Enfin Maria Novello fait un bilan abside de la maison des chevaux, dont le centre est
sur les cours secondaires, moins souvent étudiées un peu rehaussé en estrade, nous ne sommes pas du
et les puits de lumière sur lesquels Noël Duval avait tout convaincu par cette interprétation. Silvia Bullo
attiré l’attention à propos de Mactar et de Sbeïtla. apporte par les chiffres et les comparaisons de la
Les secteurs secondaires, dits appartements, autour matière à réflexion et soulève pour finir la question
d’espace ouvert sont un luxe réservé aux plus gran- des petites salles de réception (que René Rebuffat
des demeures14. Mais ces cours peuvent aussi être le qualifiait d’exèdre) dans les maisons de taille plus
centre d’espace de réception, plus retirés, à l’écart du modestes.
centre des domus. Maria Chiara Mulè et Marta Novello s’attachent
ensuite à la question des appartements (p. 105-151),
Silvia Bullo propose ensuite un long excursus aux avec prudence pour la définition des espaces et de
salles de réception, appelées à juste titre « salle leurs fonctions. On pourrait parfois s’interroger sur
de représentation » (ambienti di rappresentanza), les critères qui ont été choisis pour individualiser ces
nécessaire, compte tenu du nombre et de la variété zones difficiles à saisir dans les plans incomplets. Il
des types des pièces d’apparat des grandes demeures semble que ce sont naturellement les grandes demeu-
africaines. Après un rappel des études antérieures, res qui fournissent les exemples les plus parlants. Les
elle distingue en deux parties les salles en fonction planches d’appartements confrontés au plan réduit
de leur dimension. Là encore une série de précieux de la maison complète (p. 123-134) permettent de se
tableaux synthétise la masse des données compul- faire une idée d’un coup d’œil de la variété des solu-
sées (p. 91-104). Comme d’autres chercheurs avant tions utilisées. La notion de cubiculum est rediscu-
elle, dans l’élaboration de sa typologie, elle se heurte tée, en insistant sur le caractère pluriel des fonctions
à la difficulté de distinguer formes architecturales, de ces espaces, qui ne sont pas réservés seulement à
répartition au sol des pavements et fonctions des la nuit. Là encore, on peut saisir les différents types
salles. Parmi les constatations, on note que les tri- d’organisation de l’espace, les positions les plus cou-
clinia bien identifiés par la présence d’un pavement rantes dans le plan. On peut comptabiliser les cas où
en T+U, forment un peu moins de la moitié des sal- l’alcôve est surélevée d’une marche. Mais l’écueil de
les de réception parmi les grandes pièces de plan la systématisation est évité : le regard comparatiste,
quadrangulaire. Si l’on peut comprendre la création au vue de l’organisation générale de la maison, est
pour les salles à colonnade intérieure d’une catégorie privilégié au profit de la simple typologie (p. 146),
spéciale, celle des oeci corinthiens, – sans qu’à notre alors que les grandes tendances du décor sont don-
avis la référence à Vitruve et l’appellation d’oecus ne nées et qu’émergent des cubicula d’apparat (p. 144-
se justifie plus – on est plus surpris de l’application 145), montrant que dimensions et luxe du décor ne
à un type de salle de l’appellation de stibadium, mot sont pas réservés aux seules salles de réception.
pourtant bien défini (p. 79). Il nous semble que la Maddalena Bassani propose ensuite une impor-
salle et le mobilier doivent être absolument distin- tante synthèse sur les espaces cultuels supposés au
gués, d’autant plus qu’un stibadium, fixe ou amovi- sein des maisons étudiées (p. 153-187). Comme elle
ble, peut s’installer dans n’importe quelle forme de le souligne à juste titre, la question a été peu abor-
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14 Mais le cas de la maison des Protomés (p. 57-58) nous semble Lemée, en regardant les photographies, on conçoit que la salle en
difficile à utiliser dans une problématique des circulations entre es- hémicycle appartenait bien à une ancienne installation balnéaire,
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paces de réception, car seule une entrée, apparemment secondaire, d’où la présence trompeuse des installations hydrauliques. Seul un
a pu être repérée, dans cet édifice incomplètement dégagé. réexamen sur place permettrait peut-être de trancher définitive-
15 Cette proposition a été faite par Simon Ellis dans son article du ment. Nous n’avons cependant pas pu nous rendre sur place pour
JRA en 1997. Elle a depuis été plusieurs fois reprise. Le plan fait hési- vérifier. Pour un bilan sur les sigmas-fontaines, nous renvoyons à
ter et nous avions aussi imaginé un moment de la rattacher, comme notre dernière communication sur la question, au colloque de Düs-
le fait judicieusement Silvia Bullo, au type des sigmas-fontaines. selfdorf organisé par Konrad Vössing, « Das römische Bankett im
Mais si l’on relit attentivement l’ouvrage de Michèle Blanchard- Spiegel der Altertumswissenschaften », 2005, à paraître en 2007.

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dée, et pas de manière synthétique pour l’Afrique. d’installations plus modestes. Si la typologie éta-
Les espaces sacrés dans la maison sont difficiles à blie permet de tenir compte de toutes les fontaines
déterminer avec certitude. L’auteur commence par découvertes en Tunisie, elle ne rend pas hommage
un intéressant rappel des sources textuelles. Elle à la variété des solutions connues dans le reste de
présente ensuite les différentes formes de podium l’Afrique du Nord (Algérie, Maroc ou bien même
(base de statue ou autel – leur état de conservation Libye actuelle). La hauteur des bassins, leur tech-
ne permettant pas la plupart du temps de trancher) nique de construction, leurs revêtements devraient
rencontrés en Afrique, avec des confrontations utiles permettre de constituer des séries plus fines, plus
dans le reste du monde romain. Elle termine sur la homogènes, représentatives du goût privilégié dans
position de ces lieux de culte dans la maison, fina- les jardins, les cours, déterminant des solutions plus
lement très variée. Mais les planches comparatives régionales, ou locales, pourrait-on dire, voire chro-
permettent encore une fois une vision d’ensemble de nologiquement plus cadrées. La question des jeux
la problématique, avec quelques choix qu’on pourrait d’eau, des sujets de fontaines, des podiums pour les
discuter – nous ne somme pas convaincu par exem- accueillir est peu étudiée. On remarque du même
ple par l’interprétation de l’abside de la maison des coup que le nymphée mural à façade développée,
Masques d’Hadrumète qui nous semble plus rentrer avec niches et colonnettes, si couru à partir à l’épo-
dans la catégorie des exèdres de réception (pl. IV, b que tardive en Italie, à Rome ou Ostie, ou encore en
– mais l’auteur y met d’ailleurs elle-même un point Orient, ne trouve pas d’écho en Afrique dans les
d’interrogation). maisons privées. Le nymphée « théâtral » de la mai-
Paolo Bonini et Federica Rinaldi prennent ensuite son de la Volière de Carthage (avec son pulpitum, son
en compte les espaces de service souvent délaissés bassin central et ses platebandes décorées de statues,
(p. 189-220). Les aires de communs et utilitaires ses escaliers d’eau en retraits successifs, courant
sont systématiquement référencées : porterie – que entre des panneaux de mosaïque murale) reste par
nous aurions bien vu étudiées avec le vestibule et son originalité un unicum tant en Afrique que dans
les questions des accès –, cuisine, latrines, etc. Les le reste de l’Empire. Il reste à faire une étude plus
espaces artisanaux, magasins sont également traités, poussée des absides-fontaines et de leur rapport à la
tandis qu’une place est réservée à la question impor- forme des cours, leur lien avec les portiques et les sal-
tante des remises à voitures et des étables ou écuries, les qu’elles annoncent souvent.
fondamentales par rapport au statut économique et Un bilan sur les puits et citernes (p. 249-257) ter-
social du propriétaire et son train de vie. Seulement mine cette partie. Massimo Cassagrande affirme
11 habitations présentent des traces claires de remise avec justesse que la question des réserves d’eau des
assez spacieuses, avec des accès adaptés, équipés de maisons a été un sujet qui a préoccupé les archéolo-
chasse-roues. Quant aux écuries, elles ne sont iden- gues français depuis le début des fouilles en Procon-
tifiées avec certitude que dans deux cas de l’ensem- sulaire. Rarement relevées en détail, voire oubliées
ble du corpus, à Utique et Dougga (p. 203), posant le sur les plans, les citernes font figure de parent pauvre
problème de l’emplacement dans la ville et son pay- de l’archéologie de la domus, alors que leur présence
sage des installations de ce type, nécessaires pour le est capitale pour la vie de la familia, mais aussi pour
voyage ou pour la chasse par exemple. l’implantation et la pérennité des jardins. Citernes
souterraines ou en élévation sont distinguées et ce
Les thermes privés sont traités par Andrea Raffaele ne sont pas moins de 174 citernes (une ou deux et
Ghiotto (p. 221-232), avec une mise en place d’une même parfois trois dans les plus grandes demeures)
typologie, peut-être un peu fragile, compte tenu du qui sont recensées et 42 puits, dont quelques-uns ont
faible nombre d’exemples représentés. Seules 8 des fait l’objet de fouilles documentées. C’est Bulla Regia
136 habitations prises en compte en possédaient. et Utique qui ont fourni le plus de ces structures
L’ouverture sur la rue existe dans 50 % des cas, détail (soit un pourcentage de 58,1 % de la totalité). Deux
intéressant la question de l’ouverture débattue des exemples illustrent un approvisionnement privé des
thermes privés à des clients ou des habitants du habitations par le réseau hydraulique public : hypo-
quartier. thétique à la maison de Vénus de Mactar et attesté à
Mais on aurait pu les voir intégrer dans la problé- la maison de Lucius Vérus à Thysdrus, cette dernière
matique de l’eau dans la maison traitée dans le cha- ville ayant livré la seule inscription (actuellement au
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pitre suivant par le même auteur (p. 235-247). Vouloir musée d’El Jem) indiquant clairement une adduc-
appliquer à ces installations la typologie des fontai- tion aux privati.
nes publiques proposée par Pierre Aupert ne nous
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semble pas nécessaire, dans la mesure où les fontai- La dernière section vient couronner les synthèses de
nes privées varient sensiblement de celle du dehors plusieurs bilans (le « domus » della Tunisia Romana).
par leur forme et leur taille et surtout leur origina- La première, sous la plume de Monica Pugliara, ras-
lité. Bien sûr, parfois, les modèles publics sont en semble les sources littéraires sur la maison africaine
filigrane, mais l’intimité de la demeure se contente (d’Apulée à Tertullien en passant par Augustin etc.)

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et juridiques. Placer cet essai à la fin est judicieux : constructions en Byzacène entre le courant du IIe
il évite de donner l’habituelle prééminence à des siècle et le début du IIIe siècle. Exercice sans doute
textes, très généraux, souvent délicats d’interpréta- plus probant à mesure que l’on progresse vers la fin
tion. La terminologie antique plaquée montre alors de la période, où les édifices, multipliés, se laissent
ses limites. Mais on touche aussi le complément mieux comprendre dans leur intégralité. La maison
indispensable des sources sur l’utilisation des espa- s’affirme donc comme un indicateur de « status » (p.
ces et leur polyvalence. Deux autres thèmes achè- 341 ss.). C’est sur un renouvellement de l’approche
vent ce tour d’horizon. Jacopo Bonetto rassemble du paysage urbain que se termine son exposé. Elle
les données concernant l’emploi des sous-sols, les aborde la place de la domus et sa distribution dans
plus connus étant les fameux « étages souterrains » la cité (lotissements et problèmes de quartiers, rési-
de Bulla Regia, allongeant sensiblement la liste des dentiels ou non, face à d’autres villes à l’urbanisme
exemples africains et les points de comparaison en « spontané »), puis la question des hauteurs des
Italie ou dans le reste du Maghreb. Il n’hésite pas à constructions (avec aide des documents iconogra-
parler de la Tunisie comme d’un « laboratoire » de phiques et littéraires – avec une objection sur le choix
recherche, d’Althiburos à Dougga en passant par des documents utilisés (p. 350), triconque de Tabarka
Carthage. Paola Zanovello finit sur le rapport de la ou mosaïque du Seigneur Julius qui font référence à
maison à l’eau dans la cité, insistant sur le problème, des édifices ruraux) et enfin de l’importance de la
déjà entrevu plus haut, du lien avec l’eau publique et morphologie du terrain. Mais surtout, facteur à mon
les aqueducs. La question de l’approvisionnement en sens déterminant, elle insiste sur les modes locales,
eau en quantité suffisante est liée à la position géo- à l’échelle d’une région ou d’une aire (gusto d’area)
graphique, à l’abondance des ressources locales. Les ou bien même à la mesure d’un site (gusto di sito). Un
monuments des eaux dans les maisons sont exhi- rapide exposé sur le rôle du décor dans la domus par
bés : “possedere l’acqua è segno di richezza”, comme Marta Novello achève ce chapitre de synthèses.
le souligne l’auteur, distinguant à juste titre l’eau
nécessaire (necessaria) de « l’eau de plaisir » (l’acqua Il est toujours facile de critiquer les entreprises de
del piacere), que nous avions proposé d’appeler avec corpus. Plus difficile de les mener à terme. Silvia
des collègues médiévistes l’eau fastueuse au cours Bullo et Franscesca Ghedini nous offrent ainsi deux
d’une discussion avignonnaise. volumes riches d’une précieuse somme d’informa-
Il revient à Francesca Ghedini de conclure cette tions, rassemblées de manière pratique et lisible.
étude par un bilan qui essaie de tenir compte de la Quelles que soient les critiques de détail, l’ouvrage
richesse des apports précédents. C’est d’abord en va faire avancer la recherche sur l’habitat privé,
termes de typologie qu’elle aborde la question. Elle non seulement en Afrique du Nord, mais aussi par
revient sur les éléments exprimant le statut social du ricochet, dans le reste de l’Empire. Nul doute que
propriétaire, à savoir le lien entre la (ou les) salle(s) les nombreux chapitres des saggi auront des réso-
de réception, l’entrée et le péristyle : schéma axial, nances dans les prochaines articles et synthèses sur
salle d’apparat sur un axe parallèle à l’entrée (dite l’architecture domestique romaine, non seulement
en baïonnette), salle de réception placée sur un côté d’Afrique mais de l’ensemble du monde romain.
de l’entrée, orthogonale par rapport au vestibule, Leur travail et la bibliographie abondante qui clôt
solution centralisée (accentrata – qu’on voudrait tra- le volume des saggi montre le chemin parcouru en
duire par « concentrée ») ou bien autour de noyaux un siècle et demi. L’objectif de mettre à plat le patri-
(nuclei). Mais c’est en soulevant les spécificités de moine urbain de chaque ville, en réévaluant l’ensem-
certains plans, liées à des conditions locales ou à des ble des habitations au plan complet, est parfaitement
questions historiques, qu’elle cherche à toucher aux atteint et fournit aux chercheurs, comme aux ensei-
particularismes réels de l’architecture domestique gnants et aux étudiants, une base solide. Il reste à
africaine. Elle dépasse ainsi une image un peu sté- espérer que pour les autres provinces africaines, une
réotypée, revenant vers une analyse plus personnelle, entreprise similaire soit menée à bien pour donner
moins typologique de la domus. On peut en donner un panorama encore plus complet et plus nuancé de
l’exemple des maisons dites « à double corridor » la domus africaine.
(« a doppio corridoio ») de Thysdrus et d’Hadrumète
(p. 335), ou celui de la mode des jardins situés en Eric Morvillez
20 2005

contrebas dans de nombreux péristyles de la même Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
région de Byzacène (citée supra). Membre du Centre Lenain de Tillemont
Elle poursuit son panorama par une intéressante pour le Christianisme ancien et l’Antiquité tardive
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tentative de classement chronologique (p. 336-341) UMR 8167 - Orient et Méditerranée


depuis la fin de la République jusqu’à l’Antiquité Eric.Morvillez@univ-avignon.fr
tardive, notant au passage une « explosion » de

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