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Accidents d’exposition au sang


ou aux liquides biologiques
G. Le Guerroué, J.-L. Pourriat

Depuis 1995, la Direction générale de la santé (DGS) a mis en place l’accès à une prophylaxie lors des
accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques (AES) avec risque de transmission du virus de
l’immunodéficience humaine (VIH), pour le personnel de santé. Ultérieurement, la DGS a élargi l’accès de
cette prophylaxie aux expositions non professionnelles, en particuliers sexuelles. Le traitement
postexposition (TPE) est une trithérapie antirétrovirale débutée pour une personne exposée à un risque de
transmission VIH. Le TPE doit être pris le plus tôt possible et au plus tard dans les 48 premières heures
suivant l’exposition. Le TPE associe deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse et un
inhibiteur de la protéase. Un dispositif national a été mis en place dans les établissements de santé pour la
prise en charge rapide des AES. Les services d’urgences ont été associés à cette démarche pour la prise en
charge d’une personne exposée afin de favoriser l’accès rapide aux trithérapies. Un médecin référent
prend le relais pour l’indication du maintien de la prophylaxie et pour assurer le suivi du patient. Le
système de référence est vaste, médecins infectiologues des centres d’information et de soins de
l’immunodéficience humaine (CISIH), généralistes, médecins du travail et des centres de dépistage
anonyme et gratuit (CDAG). Le risque de l’exposition est réévalué selon la source, le délai et l’acte
contaminant. Le TPE est maintenu si le risque est réel. Les co-infections, en particulier les hépatites B et C,
sont aussi surveillées. Dans le cadre des professions de santé, l’application des recommandations
standards et l’utilisation de matériel sécurisé doivent permettre de diminuer la fréquence des AES. En
dehors des situations professionnelles, la prévention de la transmission du VIH est connue par la
population générale mais la possibilité d’un recours à une prophylaxie postexposition semble méconnue
et sous-utilisée.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : VIH ; Évaluation du risque ; Prophylaxie ; Hépatite B ; Hépatite C

Plan ■ Définition
¶ Définition 1 Toute personne exposée par un contact percutané ou cuta-
néomuqueux au sang ou à un liquide biologique d’une autre
¶ Risque de transmission par le VIH, VHB et VHC, épidémiologie 2
personne porteuse du virus de l’immunodéficience humaine
Expositions professionnelles 2
(VIH) ou des hépatites B et C (respectivement VHB ou VHC) est
Expositions non professionnelles 3
victime d’un accident d’exposition aux liquides biologiques et
¶ Prévention des accidents d’exposition au sang 3 sanguins (AELBS ou AES). La majorité des AES survient dans le
Prévention des accidents d’exposition professionnelle 3 cadre du travail (surtout des professions de santé) ou lors d’une
Prévention des accidents d’exposition sexuelle 3 exposition au cours d’un rapport sexuel ou d’utilisation de
Prévention chez le toxicomane 3 drogues intraveineuses.
¶ Modalités de prise en charge des accidents d’exposition au sang 4 La surveillance des contaminations professionnelles chez le
Dispositif de prise en charge 4 personnel de santé a été mise en œuvre de façon rétrospective
Prise en charge spécifique d’un AES aux urgences 4 et prospective en 1991 pour le VIH et en 1997 pour l’hépatite
Évaluation du risque de transmission du VIH 5 C [1, 2].
Traitement postexposition 5 Depuis 1995, les personnes exposées à un AES professionnel
Prophylaxie et conduite à tenir en cas d’exposition au VHB 6 ont une prise en charge thérapeutique renforcée suite aux
Prophylaxie et conduite à tenir en cas d’exposition au VHC 6 résultats de l’enquête montrant une réduction de 80 % du
risque de transmission du VIH chez les soignants victimes d’un
¶ Surveillance et suivi 6
AES ayant pris de la zidovudine (AZT) [3].
Principes généraux 6
Le ministère de la Santé a émis la circulaire DGS/DH/DRT/
Suivi des AES 7
DSS n° 98-228 du 9 avril 1998 et plus récemment la circulaire
¶ Cas particulier de l’enfant 7 DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n° 2003-165 du 2 avril 2003 [4],
¶ Conclusion 8 relatives aux recommandations de mise en œuvre d’un traite-
ment antirétroviral après exposition au risque de transmission

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du VIH. Suite à ces circulaires, un dispositif de prise en charge Tableau 1.


des AES a été mis en place dans les hôpitaux [1]. Ce dispositif est Estimation du risque de contamination par le VIH, en fonction du geste
bien rodé pour les professionnels de santé qui bénéficient des lors d’expositions professionnelles [4].
infrastructures de la médecine du travail et des comités de lutte Source VIH positive Probabilité positive
contre les infections nosocomiales (CLIN) dans les hôpitaux. de transmission par acte
Le circuit de prise en charge des AES comprend la consulta- (PTA)
tion d’infectiologie, la médecine du travail mais aussi les
services d’urgences pour un accès permanent aux soins et à un Piqûre avec aiguille après geste en IV ou IA PTA : 0,18 % - 0,45 %
traitement prophylactique. Les médecins des services d’infectio-
logie assurent le relais pour le suivi. Autres expositions percutanées : PTA : 0,18 % - 0,45 %
- piqûre avec aiguille à suture ou après
geste en IM ou SC
■ Risque de transmission - coupure par bistouri
par le VIH, VHB et VHC,
Expositions cutanéomuqueuses : contact PTA : 0,009 - 0,19 %
épidémiologie d’une quantité importante de sang
sur muqueuse ou peau lésée
Peu d’études expérimentales faites chez l’animal permettent
réellement de valider les traitements postexposition (TPE).
L’association d’interféron et de zidovudine (AZT) a montré un Autres cas : morsures, griffures, contacts Pas d’estimation
effet protecteur chez la souris inoculée par le virus RLV de la sanguins sur peau intacte, contact
leucémie murine [5]. de quelques gouttes de sang sur muqueuse
D’autres études ont montré qu’après inoculation intravei- ou peau lésée, contact avec un autre
neuse du simian immunodeficiency virus (SIV) au macaque, si liquide biologique (salive, urine...)
celui-ci avait reçu un traitement antirétroviral dans les 24 heu- VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; IV : intraveineux ; IA : intra-
res et pour une durée suffisante, il existait un effet de préven- artériel ; IM : intramusculaire ; SC : sous-cutané.
tion de l’infection par le SIV [6]. En 2000, une autre étude a
montré que l’administration précoce de zidovudine (AZT), de
aux États-Unis, un chirurgien ayant contaminé une patiente et
lamivudine (3TC) et d’indinavir à des macaques infectés ne les
une infirmière ayant contaminé un patient en France [10-12].
protège pas. Cependant, la charge virale dans ce groupe de
Les CDCs ont estimé la probabilité qu’un chirurgien porteur
macaques traités était significativement abaissée [7].
du VIH infecte son patient durant une intervention entre
Une seule étude clinique, cas-témoins, menée aux États-Unis
0,12 et 1,2 % sans tenir compte de la charge virale [13].
par le Center for Disease Control (CDC) avec la collaboration de
la France, de l’Italie et la Grande-Bretagne, a évalué le risque de Expositions professionnelles au VHC
contamination par le VIH [8]. Cette étude a mis en évidence les
facteurs aggravant le risque de contamination avec par ordre Le risque de séroconversion du VHC lors d’un AES est estimé
décroissant, la profondeur de la blessure, un malade-source en entre 0,3 et 10 %, selon les études [14]. Le temps de séroconver-
stade terminal de la maladie VIH, une aiguille visiblement sion est entre 4 semaines et 6 mois.
souillée de sang et ayant servi à un geste intraveineux ou intra- Le risque est plus important en cas d’exposition avec une
artériel direct. En cas d’exposition percutanée grave présentant piqûre par aiguille souillée creuse intra-artérielle ou
au moins l’un de ces facteurs, le risque de transmission était intraveineuse.
probablement plus de dix fois supérieur à la moyenne (5 % au Depuis la mise en place de la surveillance du risque de
lieu de 0,3 %). Dans cette même étude, l’administration de contamination par l’hépatite C, au 31 décembre 2005, 55 séro-
zidovudine en prophylaxie après AES chez le personnel soignant conversions VHC ont été recensées chez le personnel de santé
réduisait le risque de 80 %. suite à un AES. Dans 50 cas, la séroconversion s’était faite après
une piqûre, dans trois cas il s’agissait de coupure et dans un cas
de contact sur peau lésée ; 46 % des séroconversions étaient
Expositions professionnelles évitables par l’application des précautions standards [9].
Expositions professionnelles au VIH
Expositions professionnelles au VHB
La probabilité de transmission du VIH dépend de la nature de
l’exposition. En cas de source séropositive, le risque de trans- Les séroconversions professionnelles par le VHB sont deve-
mission du VIH après une exposition est estimé globalement à nues exceptionnelles en France depuis 1991, suite à l’obligation
0,32 % (IC 95 % : 0,18-0,45). de vaccination du personnel de santé.
Le risque est important en cas de piqûre profonde par une En l’absence d’immunisation protectrice, le risque de trans-
aiguille intraveineuse ou intra-artérielle. Ce risque est évalué mission est élevé, estimé entre 6 et 45 % [15].
entre 0,18 et 0,45 %. Depuis 2005, l’InVS a élargi la surveillance des AES aux
Bien que la probabilité positive de transmission par acte (PTA) contaminations professionnelles par le VHB [9].
soit la même pour les piqûres avec aiguille après un geste en
intraveineux ou en intra-artériel et les autres expositions
Incidence des AES professionnels
percutanées (PTA : 0,18-0,45 %), le risque est classé important Depuis 2002, la surveillance nationale des AES est faite par le
dans le premier cas et intermédiaire dans le second. La consé- Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections
quence est que le traitement n’est recommandé que dans le nosocomiales (RAISIN) [16].
premier cas (Tableau 1). Au cours de l’année 2004, l’incidence des AES était de
S’il s’agit d’une exposition percutanée avec un temps de 8,9 pour 100 lits d’hospitalisation. Pour 70 % des AES, il
contact de plus de 15 minutes, le risque diminue de 0,19 % à s’agissait de piqûres. Environ un AES sur deux concernait une
0,009 % [4]. infirmière, avec une incidence estimée à 7 % équivalent temps
Le risque est minime après morsure, griffure ou contact bref plein par an. Les médecins déclarent beaucoup moins les
avec le sang (Tableau 1). AES [17]. En ce qui concerne les chirurgiens, ils sont certainement
En France, selon l’Institut de veille sanitaire (InVS), le nombre la catégorie la plus touchée, avec un risque d’accident percutané
de séroconversions VIH chez le personnel de santé, déclaré qui survient dans 1,7 à 6,9 % des interventions chirurgicales [18].
depuis le début de l’épidémie, est de 14 et celui des infections L’utilisation de matériel sécurisé a réduit de 75 % les risques
présumées est de 34 [9]. Inversement, quatre cas de contamina- d’AES [19]. Cependant, dans tous les rapports, en particulier du
tions de patients par le personnel soignant ont été déclarés dont Groupe d’étude sur le risque d’exposition des soignants aux
trois ont été publiés : un dentiste ayant contaminé six patients risques infectieux (GERES) ou de RAISIN, l’observance des

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Tableau 2. Les facteurs augmentant le risque sont le partage immédiat


Expositions sexuelles (rapports non protégés ou avec rupture de du matériel et le nombre de personnes l’ayant utilisé. La
préservatif) [1]. désinfection et le nettoyage du matériel d’injection diminuent
Source VIH positive Probabilité positive de transmission du VIH
le risque.
par acte sexuel (PTAS) La transmission du VHC est plus fréquente lors du partage de
matériel d’administration intraveineuse ou intranasal.
Rapport anal PTAS :
- réceptif : 0,3 - 3,0 % Autres expositions
- insertif : 0,01 - 0,18 %
Lors de piqûre par une aiguille abandonnée, le risque n’est
pas évalué. Aucune transmission n’a été publiée pour ce type
Rapport vaginal PTAS : d’exposition. Ce risque semble plus faible que le risque pris lors
- réceptif : 0,05 - 0,15 % d’une piqûre au cours d’un geste de soin, en raison du calibre
- insertif : 0,03 - 0,09 % souvent plus faible de l’aiguille et de la présence de sang
coagulé obstruant la lumière de l’aiguille.
Rapport oral PTAS :
Lors d’une exposition par contact ou projection de sang sur
peau lésée ou sur muqueuse avec contact prolongé, le risque de
- non estimé
contamination VIH est très faible, avec une probabilité positive
- 0,04 % lors de relations orales passives de 0,006 à 0,19 %.
non protégées avec éjaculation En cas de morsures, griffures, contacts sanguins sur peau
VIH : virus de l’immunodéficience humaine. intacte, contact de quelques gouttes de sang sur muqueuse ou
peau lésée, contact avec un autre liquide biologique (salive,
urines), le risque est très faible.
précautions universelles reste faible et plus de la majorité des AES
En cas de contact sanguin dans ce type d’exposition non
serait évitable en respectant ces précautions de base [15, 16, 20].
professionnelle, le risque de transmission du VHB ou du VHC
n’est pas évalué mais semble plus important que le risque de
Expositions non professionnelles transmission du VIH.

Expositions sexuelles
Expositions au VIH ■ Prévention des accidents
Le risque de contamination lors d’un rapport sexuel avec d’exposition au sang
un(e) partenaire séropositif(ve) varie de 0,04 % lors d’un rapport
oral (fellation réceptive) à 0,82 % après un rapport anal réceptif Prévention des accidents d’exposition
entre hommes et partenaire positif au VIH [14]. Le risque de
contamination d’un rapport vaginal est intermédiaire à 0,1 %, professionnelle
ce risque est plus important pour la femme que pour La sécurité du personnel soignant passe par le respect des
l’homme [21, 22]. recommandations standards, anciennement appelées précau-
Certains facteurs augmentent le risque de transmission : tions universelles. Ces dernières ne tenaient pas compte du
• charge virale élevée, notamment en période de primo- risque de transmission soigné-soignant.
infection (risque multiplié par 20) ou à un stade avancé de la En dehors de ces précautions, le matériel utilisé dans les
maladie (la charge virale dans les sécrétions génitales est gestes invasifs s’est amélioré. De plus en plus de matériel est dit
globalement corrélée à celle de la charge virale plasmatique) ; « sécurisé » (ce matériel est recensé dans un guide du
• autres infections ou lésions chez le partenaire infecté (par GERES) [23].
augmentation de la quantité du virus dans les sécrétions Par ailleurs, la vaccination contre l’hépatite B est obligatoire
génitales) ; pour le personnel soignant depuis la loi du 18 janvier 1991
• infections ou lésions génitales chez la personne exposée ; (article L du CSP et arrêté du 26 avril 1999).
• ectropion du col de l’utérus ; Les précautions standards sont les suivantes :
• menstruations ou saignements lors du rapport sexuel. • rinçage et désinfection de toutes blessures ;
À l’inverse, le risque est plus faible en cas de charge virale • lavage et désinfection des mains entre chaque patient ou
basse ou indétectable sous traitement efficace. Mais il faut savoir entre deux activités ;
que le virus reste détectable dans le tractus génital chez 10 à • port de gants, de lunettes, de masque et de surblouse selon
20 % des hommes ayant une charge virale indétectable. l’acte pratiqué entre chaque patient ou entre deux activités ;
La prise de substances psychoactives ou les rapports sexuels • manipulation du matériel souillé : ne pas recapuchonner les
avec plusieurs partenaires constituent des situations à risque qui aiguilles, avoir des conteneurs adaptés proches du lieu de
incitent à proposer un TPE en cas de rapport anal ou vaginal soins ;
non protégé avec un(e) partenaire de sérologie VIH inconnue • procédures appropriées de stérilisation ;
(Tableau 2). • nettoyage des surfaces à l’eau de Javel.
Expositions au VHB Ces précautions standards sont détaillées dans le
Tableau 3 [24].
Le risque de transmission par voie sexuelle du VHB est plus
élevé que pour le VIH, mais il n’existe pas de données disponi-
bles pour en évaluer la probabilité.
Prévention des accidents d’exposition
sexuelle
Expositions au VHC
La lutte contre le sida passe par la prévention. L’utilisation
Le risque de transmission sexuelle par le VHC est beaucoup systématique des préservatifs (féminins ou masculins) reste le
moins important sauf en cas de relation traumatique ou seul moyen efficace de protection contre le VIH et autres
sanglante. infections sexuellement transmissibles.
Expositions liées à la toxicomanie
En cas de partage de seringues et/ou d’aiguilles entre toxico-
Prévention chez le toxicomane
manes, le risque de transmission du VIH est évalué à 0,67 %. En La prévention passe par l’information des risques de conta-
cas de partage du reste de produit ou de matériel d’injection mination lors du partage des aiguilles, mais aussi de tout le
(cuillères, eau de rinçage, coton...), le risque n’a pas été matériel d’injection, ainsi que le risque de diverses infections
quantifié mais semble très faible. manuportées.

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Tableau 3. Le dispositif de prévention consiste à favoriser les program-


Recommandations standards [24].
mes d’échange de seringues, à favoriser l’approvisionnement à
Recommandations
bas prix de seringues stériles et la délivrance de kits d’injection
à usage unique avec le matériel d’asepsie.
En cas de contact - Immédiatement après piqûre, blessure :
avec du sang ou liquide lavage et antisepsie au niveau de la plaie
biologique - Après projection sur muqueuse ■ Modalités de prise en charge
(conjonctive) : rinçage abondant
des accidents d’exposition au sang
Lavage et/ou désinfection Systématiquement après le retrait
des mains des gants, entre deux patients, entre Dispositif de prise en charge (Fig. 1)
deux activités La conduite à tenir en cas d’AES doit être connue de tous.
Toute personne exposée (dans un contexte professionnel ou
Port de gants - Si risque de contact avec du sang, non professionnel) doit pouvoir consulter un médecin rapide-
Les gants doivent être ou tout autre produit d’origine humaine, ment pour bénéficier si besoin d’un traitement antirétroviral
changés entre les muqueuses ou la peau lésée du patient, postexposition.
deux patients, notamment à l’occasion de soins à risque Pour faciliter et aider à la mise en place de la prise en charge
deux activités de piqûre (hémoculture, pose et dépose des AES, la DGS a émis plusieurs circulaires dont les principales
de voie veineuse, chambres implantables, sont la circulaire de 1998 [1] et celle d’avril 2003 [4].
prélèvements sanguins...) et lors de
Une personne exposée à un AES doit pouvoir consulter en
la manipulation de tubes de prélèvements
urgence un centre spécialisé ou la médecine du travail. En
biologiques, linge et matériel souillés...
dehors des heures ouvrables ou de la possibilité d’accès à une
OU consultation spécialisée, les services d’urgences doivent assurer
- Lors des soins, lorsque les mains cette première consultation et pouvoir délivrer immédiatement
du soignant comportent des lésions les premiers jours du traitement postexposition.
Le délai recommandé entre la survenue d’un AES et la mise
Port de lunettes, Si les soins ou manipulations exposent à sous TPE est de moins de 4 heures, mais le TPE peut être
de masque +/- de surblouse un risque de projection ou d’aérosolisation prescrit jusqu’à 48 heures.
de sang, ou tout autre produit d’origine Au cours de cette première consultation, le médecin évalue le
humaine (aspiration, endoscopie, actes risque et donne immédiatement le traitement pour quelques
opératoires, autopsie, manipulation jours (la première prise est faite sur place).
de matériel et linge souillés...) Un dispositif d’aval est nécessaire avec la possibilité de revoir
un médecin référent et spécialisé. Ce médecin réévalue le risque
Matériel souillé - Matériel piquant tranchant à usage uni- de l’exposition, la nécessité de la poursuite du TPE et organise
que : ne pas recapuchonner les aiguilles, le suivi.
ne pas les désadapter à la main, déposer Ce réseau de référence est organisé en fonction de chaque
immédiatement après usage sans structure de santé. Il peut être assuré par les CISIH, les centres
manipulation ce matériel dans de dépistage anonyme et gratuit (CDAG), les médecins généra-
un conteneur adapté, situé au plus près du listes, la consultation d’infectiologie de l’hôpital, la médecine
soin et dont le niveau maximal de remplis- du travail...
sage est vérifié
- Matériel réutilisable : manipuler avec Prise en charge spécifique d’un AES
précautions ce matériel souillé par du sang
ou tout autre produit d’origine humaine aux urgences
- Vérifier que le matériel a subi une procé- Le service des urgences doit être en mesure de prendre en
dure d’entretien (stérilisation ou désinfec- charge une personne exposée à un AES. Cela implique un
tion) appropriée avant d’être réutilisé protocole écrit et adapté au fonctionnement et à l’activité du
service. Celui-ci, en accord avec la pharmacie hospitalière,
Surfaces souillées Nettoyer puis désinfecter avec de l’eau détient des kits de TPE (conditionnés pour 3 ou 4 jours)
de Javel à 9° fraîchement diluée au 1/5 prédisposés dans la pharmacie des urgences. Un réseau de
(ou tout autre désinfectant approprié) référents est identifié pour le suivi de la personne exposée.
les surfaces souillées par des projections En premier lieu, il est fondamental qu’une personne exposée
de sang, ou tout autre produit d’origine à un AES soit identifiée dès l’accueil aux urgences. Les urgences
humaine triant les patients selon le degré de gravité, un AES est alors
classé en priorité 2, à savoir une prise en charge rapide dans les
Transport de prélèvements Les prélèvements biologiques, le linge 15 minutes (la priorité 1 étant l’urgence vitale).
biologiques, linge et les instruments souillés par du sang Le médecin évalue le risque en fonction du délai, du sujet-
et matériel souillés ou tout autre produit d’origine humaine source et de la nature de l’exposition. Une fiche simple ou le
doivent être évacués du service dans tableau de la DGS peut servir de guide pour les indications au
un emballage étanche, fermé TPE. Dès l’indication d’un TPE, la première prise se fait au cours
de la consultation et un kit de 3 jours est remis au patient.
Au laboratoire Les précautions déjà citées doivent être Le médecin des urgences doit aussi :
prises systématiquement pour tous • informer la personne sur le traitement, ses effets secondaires
les prélèvements et les interactions médicamenteuses ;
• informer de la nécessité du suivi par un spécialiste ;
• mettre tout en œuvre pour connaître le statut sérologique du
Au bloc opératoire Changer régulièrement de gants, porter
deux paires de gants, notamment pour
sujet-source et le faire prélever en cas de statut VIH inconnu ;
l’opérateur principal, lors de suture • faire une déclaration d’accident de travail en cas d’accident
des plans pariétaux professionnel ;
• adresser la personne pour le suivi chez le spécialiste ou chez
Porter masque à visières ou lunettes
de protection
le médecin du travail dans les 3 jours qui suivent.
Dans certaines situations difficiles, le médecin urgentiste ou
Utiliser les techniques opératoires limitant
le médecin de garde doit pouvoir contacter un spécialiste en
les risques
urgence pour une aide à l’indication et au choix du TPE :

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Prise en charge d'un AES aux urgences

Tri : priorité 2 = temps d'attente < 20 minutes

Évaluation des 3 facteurs de risque

2 : sujet source : 3 : type d'exposition :


1 : délai de l'AES < 48 h
statut sérologique VIH sexuelle, professionnelle
positif ou à risque ou autres à risque

Les 3 facteurs sont réunis 1 des facteurs est manquant

TPE : trithérapie avec Pas de trithérapie


Kalectra® + Combivir®

Si accident de travail =>


faire certificat médical initial

Consultation spécialisée à 3 jours Orienter pour suivi sérologique si besoin

Figure 1. Arbre décisionnel. Prise en charge d’un accident d’exposition au sang et aux liquides biologiques (AES) aux urgences. VIH : virus de
l’immunodéficience humaine ; TPE : traitement postexposition.

• si le sujet-source est VIH traité et/ou en échec thérapeutique ; Pour les accidents professionnels, il faut évaluer la blessure, sa
• si le sujet-source est suspect de primo-infection ; nature, sa profondeur, le matériel mis en cause.
• chez la femme enceinte ou allaitante ; Il faut vérifier si la personne a fait les premiers gestes de
• si la personne a un traitement contre-indiquant ou interfé- lavage et de désinfection de la blessure.
rant avec les antirétroviraux (cf. infra). Pour les expositions sexuelles, il faut connaître la date et
l’heure de l’accident, la nature de l’exposition, l’utilisation ou
Évaluation du risque de transmission non de préservatif, rupture ou glissement de préservatif, les
du VIH facteurs de risques associés augmentant le risque de contamina-
tion (infection génitale, lésion génitale, rapport pendant les
Personne-source règles, partenaire appartenant à un groupe à risque) et les
Il est essentiel de connaître le statut sérologique de la situations à risques (partenaires multiples, utilisation de
personne-source. substances psychoactives).
Quand la personne-source est sur place (patient hospitalisé, En cas d’injection de drogues par voie intraveineuse, il faut
partenaire) et son statut sérologique inconnu, après information déterminer le délai, le type de matériel utilisé, la présence de
et avec l’accord de la personne-source, celle-ci est prélevée pour différents usagers et si possible leurs statuts pour les virus VIH,
une sérologie VIH. VHB, VHC.
En cas de séropositivité VIH, il est important de recueillir
d’autres informations sur la personne-source : le stade clinique,
les traitements antérieurs, le taux de lymphocytes CD4 et la Traitement postexposition
charge virale.
Lorsque le statut sérologique de la personne-source est Le TPE est pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. Le
inconnu, tous les efforts doivent être consentis à la détermina- coût d’une trithérapie est élevé et 1 mois de Combivir ® -
tion de celui-ci et recourir au test de diagnostic rapide avec Kaletra® revient actuellement à 800 Q.
l’accord de la personne.
Si le statut de la personne-source reste indéterminé, l’évalua- Antirétroviraux conseillés [14]
tion du risque de transmission repose sur le type d’exposition
Le TPE comporte avant tout une trithérapie associant généra-
et sur la prévalence théorique de l’infection à VIH dans la
lement deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase
population à laquelle est supposé appartenir le sujet-source.
inverse (INTI) et un inhibiteur de la protéase (IP).
En cas d’agression sexuelle, dans la mesure du possible, il est
important d’obtenir la sérologie de l’agresseur. Si l’agresseur L’association zidovudine + lamivudine (Combivir ® ) est
n’est pas identifié, il a été considéré que, compte tenu de la actuellement largement utilisée pour sa simplicité de prise,
nature possiblement traumatique du rapport et la notion d’une 1 comprimé matin et soir. Une autre association pourrait être
appartenance de l’agresseur à un groupe de prévalence de prochainement proposée, l’association d’emtricitabine + tenofo-
l’infection à VIH potentiellement élevée (5 % environ selon les vir (Truvada®) qui consiste en 2 comprimés par jour.
données recueillies auprès de différents services d’urgences Parmi les IP/r, on utilise préférentiellement le lopinavir/
médicojudiciaires), la victime bénéficie d’un TPE [4]. ritonavir (Kaletra®). Il permet une simplicité de prise avec sa
nouvelle galénique en comprimés : 2 comprimés matin et soir.
Type d’exposition Le nelfinavir (Viracept ® ) est de moins en moins utilisé,
Le TPE est réservé aux situations à risque identifiable de certaines études ayant montré une tolérance moins bonne que
transmission du VIH. celle du Kaletra® [25, 26].

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Tableau 4. et la démarche de prise en charge en cas d’exposition au VIH


Les indications de la mise sous TPE [1].
est plutôt celle de la prise en charge d’un diagnostic précoce ;
Risque et nature Patient-source
• la nature de l’exposition : évaluer si le risque est important,
de l’exposition moyen ou minime selon le type d’exposition ;
• la personne-source : tout doit être fait pour l’identifier et si
Expositions Infecté par VIH Sérologie inconnue son statut sérologique est inconnu il faut dans la mesure du
professionnelles possible la prélever pour une sérologie VIH.
Risque important : piqûre Prophylaxie Traitement Les contre-indications à l’association zidovudine + lamivu-
profonde, aiguille creuse, recommandée recommandé si sujet- dine (Combivir®) sont les suivantes :
ou dispositif intra-artériel source ou situation • hypersensibilité à l’un des composants ;
ou intraveineux reconnue à risque a • insuffisance hépatique sévère ;
Autres expositions Prophylaxie Prophylaxie non • troubles hématologiques sévères : Hb < 7,5 g/dl, taux de
percutanées avec risque recommandée recommandée neutrophiles < 750/mm3.
intermédiaire : Les contre-indications au lopinavir/ritonavir (Kaletra ®) sont
- piqûre avec aiguille les suivantes :
à suture ou après geste • hypersensibilité à l’un des composants ;
en IM ou SC • association avec astémizol, terfénadine, midazolam, triazolam,
- coupure par bistouri cisapride, amiodarone, pimozide, alcaloïdes de l’ergot de
- expositions cutanéomu- seigle.
queuses avec contact de Le TPE requiert certaines précautions à prendre en cas
plus de 15 minutes d’association avec :
• la contraception orale : diminution de l’efficacité de la pilule
Expositions à risque Prophylaxie non Prophylaxie non
et il faut conseiller une contraception alternative ;
minime : recommandée recommandée
• le Kaletra® : augmentation de la concentration de certains
- morsures, griffures
antiarythmiques et d’inhibiteurs calciques (félodipine,
- contacts sanguin sur nifédipine, nicardipine), modification de la concentration des
peau intacte, contact de anticoagulants (warfarine) ;
quelques gouttes de sang
• les antiépileptiques (barbituriques, phénytoïne, carbamazé-
sur muqueuse ou peau
pine), qui diminuent l’efficacité du lopinavir.
lésée moins de 15 minutes
- autres cas de liquides
biologiques (salive, Prophylaxie et conduite à tenir en cas
urine...) d’exposition au VHB [2, 14]
Exposition sexuelle Si la personne exposée est immunisée (par une vaccination
Rapports anaux Prophylaxie Traitement recom- ou par une infection ancienne guérie), le risque de transmission
recommandée mandé si sujet-source est nul. En cas de doute sur l’immunisation, il faut rechercher
ou situation reconnue le statut sérologique.
à risque a Si le sujet-source est connu, vacciné ou non porteur de
Rapports vaginaux Prophylaxie Traitement l’antigène (Ag) HBs, il n’existe pas de risque de transmission et
recommandée recommandé si sujet- une simple vaccination de l’hépatite B est proposée, sans
source ou situation urgence.
reconnue à risque a La sérovaccination anti-VHB consiste en une vaccination par
Fellation réceptive Prophylaxie Prophylaxie non le vaccin de l’hépatite B et une injection de 500 UI de gamma-
avec éjaculation recommandée recommandée globulines IgG anti-HBs le même jour en deux sites. Les
Exposition chez injections doivent être réalisées le plus tôt possible (dans les
les usagers de drogues 72 heures) dans les cas suivants :
Risque important : partage Prophylaxie Prophylaxie • le sujet-source est déjà connu comme porteur de l’Ag HBs ;
de l’aiguille, de la seringue recommandée recommandée • la recherche d’Ag HBs chez le sujet-source au décours de cet
et/ou de la préparation accident est positive ;
Risques intermédiaires : Prophylaxie Prophylaxie non • la recherche d’Ag HBs est négative chez le sujet-source mais
partage du récipient, recommandée recommandée il a eu des comportements à risque dans les mois précédents.
de la cuillère, du filtre
ou de l’eau de rinçage Prophylaxie et conduite à tenir en cas
IM : intramusculaire ; SC : sous-cutané.
a
Notion de situation à risque : prise de substances psychoactives ; partenaires
d’exposition au VHC [2]
sexuels multiples. Dans les autres cas d’exposition, les experts considèrent que le Aucune prophylaxie vaccinale ou médicamenteuse n’est
rapport bénéfices/risques d’un TPE est insuffisant. Notion de personne à risque :
usagers de drogues intraveineuses ; homme homosexuel et/ou bisexuel ;
possible contre le VHC. En revanche, une surveillance sérologi-
personnes ayant des rapports sexuels non protégés ou avec rupture de préservatif que est recommandée en cas de risque réel, si la source est
avec des personnes au statut sérologique inconnu et appartenant à un groupe où inconnue ou séropositive au VHC.
la prévalence de l’infection est supérieure à 1 %. En cas de séroconversion VHC au cours du suivi, la personne
est adressée à un service d’hépatologie spécialisé dans le VHC
pour bénéficier d’un éventuel traitement curatif par interféron,
associé ou non à la ribavirine.
Indications et contre-indications du TPE
Le médecin qui prend en charge une personne victime d’un
AES, dans le cadre d’une consultation spécialisée ou aux
■ Surveillance et suivi
urgences, évalue le risque de transmission du VIH et instaure un
TPE rapidement si besoin (Tableau 4). Principes généraux
L’indication de la mise sous TPE fait appel à plusieurs Après un AES, une personne doit bénéficier d’un suivi
facteurs : spécialisé et, selon les établissements, de nombreux intervenants
• le délai de l’exposition : le TPE est recommandé le plus tôt médicaux peuvent être impliqués.
possible dans les 4 heures suivant l’AES et au plus tard Une expérience atypique à l’Hôtel-Dieu de Paris montre que
48 heures [1, 3]. Passé ce délai, il n’existe plus d’intérêt au TPE le suivi des AES est aussi possible dans un service d’urgences. Le

6 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20

Tableau 5.
Suivi biologique en cas d’exposition aux VIH, VHB et VHC et syphilis en cas d’AES [14].

Source
Personne exposée AES traité AES non traité Exposition sexuelle traitée Exposition sexuelle non traitée
j0 Sérologies VIH, VHB, VHC Sérologies VIH, VHC, VHB Sérologies VHC, VHB Sérologies VHC, VHB
NFS, ALAT (ou anticorps anti-HBs (ou anticorps anti-HBs
ou anti-HBc si vacciné) ou anti-HBc si vacciné)
Créatinine
TPHA, VDRL TPHA-VDRL
bHCG si doute
NFS, ALAT, amylase
bHCG si doute
j15 NFS, ALAT, créatinine PCR VHC si source VHC+ NFS, ALAT
(si ténofovir) Créatinine si ténofovir
PCR VHC si source VHC+
M1 NFS, ALAT Sérologie VIH NFS, ALAT Sérologie VIH
VHC si risque VHC Sérologie VHC et ALAT TPHA, VDRL TPHA et VDRL
M2 Sérologie VIH Sérologie VIH
M3 Sérologie VIH Sérologie VIH et Ac anti-HBc si
Sérologie VHC et ALAT non répondeur ou non vacciné

M4 Sérologie VIH Sérologie VIH


Sérologie VHC et ALAT si risque Anticorps anti-HBs ou anti-HBc
VHC
M6 Sérologie VHC et ALAT Sérologie VHC et ALAT
Anticorps anti-HBc si non Anticorps anti-HBc si non
répondeur ou non vacciné répondeur ou non vacciné
bHCG : hormone chorionique gonadotrope ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; VHB : virus de l’hépatite B ; VHC : virus de l’hépatite C ; NFS : numération formule
sanguine ; ALAT : alanines aminotransférases ; TPHA : treponema pallidum hemagglutination assay ; VDRL : Venereal Disease Research Laboratory ; AES : accident d’exposition
au sang et aux liquides biologiques ; PCR : polymerase chain reaction.

suivi des AES est organisé au sein même du service pour de Suivi des AES sexuels
multiples raisons. L’Hôtel-Dieu se situe dans une zone à risque
élevé d’accidents d’exposition sexuelle (quartier festif et La surveillance est similaire et est conduite sur 4 mois. Les
homosexuel). Cela draine vers le service de nombreuses person- sérologies VIH sont faites à 2 et 4 mois si le patient reçoit un
nes exposées et bien informées de l’existence d’un TPE. Ce TPE. Le suivi peut être arrêté à 3 mois si le patient n’a pas reçu
nombre important d’AES n’était pas absorbé par la consultation de TPE.
d’infectiologie et une nouvelle stratégie d’accueil des AES a été En cas d’AES sexuel, une surveillance de la syphilis avec un
mise en place. Cette organisation spécifique avait été faite en test TPHA et VDRL initial et à 1 mois est proposé.
accord avec les infectiologues de l’Hôtel-Dieu, qui restent les
référents et interlocuteurs privilégiés devant un cas difficile et Surveillance de l’hépatite C
pour une prise en charge particulière. Le suivi des AES s’est
En cas de risque d’exposition au VHC, les sérologies et la
amélioré par ce nouveau circuit, passant de 20 % de retour des
polymerase chain reaction (PCR) VHC sont recommandées. Cette
AES au quatrième jour à 80 % [27].
surveillance pour les AES professionnels n’est faite que si la
Une second travail, en 2004, sur la tolérance et l’observance
source est séropositive au VHC ou si son statut est inconnu.
du TPE sur 1 mois a montré la faisabilité et la pertinence d’un
suivi aux urgences avec un suivi de 100 % à 1 mois [28]. Dans les AES sexuels, la surveillance n’est pas systématique et
est proposée en cas d’exposition traumatique et/ou sanglante.

Suivi des AES (Tableau 5) [14]


Surveillance de l’hépatite B
Le suivi d’un AES est différent selon la prescription ou non
En cas de risque d’exposition au VHB documentée et d’un
d’un TPE.
taux d’anticorps anti-HBs insuffisant < 10 UI, il faut proposer
Suivi des AES professionnels une sérovaccination par le vaccin de l’hépatite B associée à une
injection en deux sites de 500 UI d’IgG anti-HBs.
Pour les AES professionnels, le suivi biologique est de 6 mois.
Ce délai de surveillance, avec ou sans TPE, est exigé pour le
droit à indemnisation en cas de séroconversion.
À la première consultation, un bilan de base est nécessaire ■ Cas particulier de l’enfant
avec le contrôle des sérologies VIH, VHB et VHC. Une numéra-
tion formule sanguine (NFS) et les alanines aminotransférases Les services d’urgences de pédiatrie doivent avoir des kits de
(ALAT) sont faits si un TPE est débuté. En cas de doute sur une trithérapie adaptée aux posologies infantiles.
grossesse, les bHCG sont indispensables. En dehors des situations de risque de contamination périna-
Chez une personne ayant un AES à risque et un TPE, on tale et transmission du VIH par l’allaitement, un enfant peut
conseille un suivi rapproché avec une consultation à 15 jours être exposé suite à une blessure par une aiguille souillée traînant
puis une consultation chaque mois jusqu’à 6 mois. Un bilan par terre, ou par une aiguille utilisée par un proche porteur du
avec NFS et ALAT est prescrit en milieu de traitement. La VIH, par une morsure ou en cas d’agression sexuelle.
lipasémie est faite en cas de point d’appel clinique. Comme chez l’adulte, en cas de blessure par aiguille usagée
En fin de TPE, une NFS et les ALAT sont nécessaires. Ensuite, traînant dans la nature, le risque VIH est faible et une trithéra-
un suivi sérologique est fait avec contrôle du VIH à 2 mois, pie est non indiquée.
4 mois et à 6 mois. En revanche, en cas d’exposition sexuelle ou de piqûre par
À tout moment, devant des signes cliniques évocateurs d’une matériel souillé et contaminé, le risque, s’il est important,
primo infection au VIH, il faut pratiquer une sérologie VIH et justifie une trithérapie de 4 semaines. Il est alors recommandé
une charge virale. d’obtenir un accord écrit des parents.

Médecine d’urgence 7
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques

“ Points importants
La prise en charge des accidents d’exposition au sang ou liquides biologiques (AES) avec risque de contamination VIH repose sur les
recommandations de la Direction générale de la santé selon la circulaire DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n° 2003-165 du 2 avril 2003 et
sur les dernières recommandations d’experts de 2006.
Le traitement postexposition (TPE) a permis de diminuer le risque de transmission du VIH, mais son efficacité reste incertaine.
L’indication du traitement doit être par conséquent réservée à des situations à risque. Tout doit être fait pour connaître le statut
sérologique du sujet-source. La mise sous trithérapie doit être débutée le plus tôt possible et peut être indiquée jusqu’à 48 heures
après l’exposition. Il est essentiel d’informer le patient sur l’intérêt du traitement, les risques d’échec, les effets secondaires et le suivi
qui sera nécessaire.
Chaque établissement de santé doit avoir des procédures en cas d’AES, écrites et validées incluant différentes spécialités, en particulier
les services d’infectiologie et les services d’urgences. En dehors des heures ouvrables des services spécialisés d’infectiologie, les services
des urgences doivent permettre à toute personne exposée au risque de transmission du VIH, un accès au TPE. Les médecins des
urgences, y compris les médecins de garde, doivent connaître les situations exigeant le recours à la trithérapie prophylactique et
pouvoir fournir ce traitement pour 3 à 4 jours. Le suivi des AES sera relayé par des médecins référents des centres d’information et de
soins de l’immunodéficience humaine, de la médecine du travail, des centres de dépistage anonyme et gratuit ou par des médecins
infectiologues.
Le TPE recommandé repose sur une trithérapie associant généralement deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse
(INTI) et un inhibiteur de la protéase (IP). Les INTI recommandés en première intention sont l’association zidovudine + lamivudine
(Combivir®) ou l’association de ténofovir + emtricitabine (Truvada®). Parmi les IP/r, on utilise préférentiellement le lopinavir/ritonavir
(Kaletra®).
La surveillance sérologique de la personne exposée est recommandée jusqu’à 4 mois. Les co-infections sont suivies jusqu’à 6 mois, en
particulier les hépatites B et C.
En amont du TPE, la prévention reste essentielle :
• respect des précautions universelles et utilisation de matériel sécurisé dans le milieu médical ;
• information générale sur les risques de contamination du VIH et ses moyens de prévention.

Les antirétroviraux utilisés sont communément : d’infectiologie, des médecins internistes, des médecins généra-
• la zidovudine ; listes ou du médecin du travail. Ces médecins référents doivent
• la lamivudine ; être identifiés et signalés par écrit dans le protocole des
• le nelfinavir. urgences.
L’avantage de la zidovudine et de la lamivudine est leur Une personne ayant un AES et mise sous TPE a un suivi
présentation en sirop et chez l’adolescent une posologie à recommandé jusqu’à 6 mois en cas de risque de transmission du
1 comprimé deux fois par jour. VIH ainsi que pour les co-infections VHB et VHC. En cas
Le nelfinavir existe en poudre et peut être reconstitué à des d’accident professionnel, un certificat médical initial d’accident
posologies infantiles [29, 30]. de travail est rédigé et le relais est pris par le médecin du travail.
L’existence de la trithérapie prophylactique ne doit pas
entraîner de relâchement dans les mesures de sécurité. En effet,
les efforts conjugués par la mise en place des dispositifs de prise
■ Conclusion en charge précoce des AES, par le matériel utilisé dit sécurisé,
par la mise en place des précautions standards ont permis de
Les AES sont un motif de consultation fréquent dans les diminuer les risques de contamination. Cet effort de prévention
services d’urgences. En effet, les urgences en dehors des heures doit continuer, passant par l’implication de la médecine du
ouvrables ou en l’absence d’un accès facile à une consultation travail.
spécialisée reçoivent les personnes victimes d’AES. L’objectif est Dans la population générale, la prophylaxie en cas d’accident
de débuter un traitement postexposition le plus rapidement d’exposition à risque de transmission du VIH est très peu
possible et avant 48 heures en cas de risque de transmission du connue. La banalisation du sida rend la prévention encore plus
VIH. difficile et montre un désintérêt du public face à cette maladie.
Les services d’urgences doivent avoir des protocoles écrits et Il existe une nécessité de maintenir l’information et la préven-
un circuit bien organisé pour la prise en charge des AES. tion de cette maladie.
Cela implique une formation des médecins urgentistes sur la .

connaissance des indications du TPE, l’intérêt de la recherche


du statut sérologique de la personne-source, l’information à ■ Références
donner.
Le service doit disposer de kits de TPE en nombre suffisant [1] Circulaire DGS/DH/DRT/DSS n°98/228 du 9 avril 1998 relative
pour débuter immédiatement le traitement. aux recommandations de mise en œuvre d’un traitement antirétroviral
Le TPE comprend préférentiellement une trithérapie associant après exposition au risque de transmission du VIH. http://www.sante.
gouv.fr/htm/pointsur/contamination/98_228t.htm.
généralement deux INTI et un IP. Les INTI recommandés en
[2] Circulaire DGS/DH/DRT n°99/680 du 8 décembre 1999 relative aux
première intention sont l’association zidovudine + lamivudine
recommandations à mettre en œuvre devant un risque de transmission
(Combivir ® ) ou l’association de ténofovir + emtricitabine du VHB et du VHC par le sang ou liquides biologiques. Bull Epidémiol
(Truvada ® ). Parmi les IP/r, on utilise préférentiellement le Hebd 2000;(n°2):5-9. http://www.invs.sante.fr/beh/2000/0002/index.
lopinavir/ritonavir (Kaletra®). Le TPE en cas de risque avéré est html.
prescrit pour une durée de 28 jours. [3] Lafon SW, Mooney BD, Mac Mullen JP. A double-blind placebo-
Les urgences établissent un réseau de spécialistes pour le suivi controlled study of the safety and efficacy of Retrovir (zidovudine,
des AES. Ce réseau implique différents services selon les ZDV) as a chemoprophylactic agent in health care workers exposed to
établissements. Il peut s’agir du service de consultations HIV. Conference on Antimicrobial Agents and Chemotherapy, Atlanta,
spécialisées de prise en charge des patients VIH, des services 1990. American Society for Microbiology; 1990. 167p.

8 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20

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G. Le Guerroué, Praticien hospitalier.


J.-L. Pourriat, Professeur des Universités - praticien hospitalier (jean-louis.pourriat@htd.aphp.fr).
Services des urgences médicochirurgicales et médicojudiciaires, Hôtel-Dieu, AP-HP, Faculté de médecine Paris Descartes - Université Paris V, place du
Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Guerroué G., Pourriat J.-L. Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-090-A-20, 2008.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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