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DigitalResources SIL eBook 67

Cognition et apprentissage
Revue de la littérature scientifique
relative notamment aux minorités
ethnolinguistiques

Patricia M. Davis
Cognition et apprentissage

Revue de la littérature scientifique


relative notamment aux minorités ethnolinguistiques
Patricia M. Davis

SIL International®
2017
SIL e-book
67

© 2017 SIL International

ISSN: 1934-2470

Édition préliminaire, 1991; deuxième edition, 2014;


traduction française, 2017

Traduction française du Cognition and Learning: A Review of the Literature


with Reference to Ethnolinguistic Minorities, première edition 1991

Nous remercions l'équipe de traducteurs bénévoles


du S.T.A.F. (Service de Traduction Anglais-Français)
Illustrations : Sean Scott

Usage conforme à la politique d'utilisation équitable :


Les ouvrages publiés sur SIL e-Books (SILEB) sont destinés aux recherches universitaires
et à l’enseignement. On peut en reproduire des extraits, gratuitement et sans
autorisation, à des fins de recherche ou d’enseignement, sous réserve de respecter
l’usage loyal. En revanche, il est formellement interdit de rééditer ou de faire un usage
commercial des SILEB ou des documents de ce site sans le consentement écrit du ou des
détenteurs du droit d’auteur.

Redacteur-en-chief
Eric Kindberg

Directeur de publication
Becky Quick

Services de production
Lois Gourley, Director
Margaret González
Bonnie Waswick
Barbara Alber
Table des matières

Préface
Remerciements
Introduction : Survol des théories de l’apprentissage
Quelques définitions
Quelques importantes théories de l’apprentissage émises au 20ème siècle
Limites de cet ouvrage
Intérêt de cette étude
Chapitre 1 : Les théories développementales
Introduction
La programmation génétique
La théorie de Piaget
Les stades du développement humain selon Piaget
Le stade des opérations concrètes
Le stade des opérations formelles
Applications dans les sociétés occidentales
Applications aux minorités ethnolinguistiques
Les équilibrations successives
Les conséquences pédagogiques
Application
Chapitre 2 : Le behaviorisme
Les principaux thèmes behavioristes
L’utilité de cette théorie pour l’enseignement
Les réactions
Application
Chapitre 3 : Les théories du traitement de l’information
Introduction
Les idées fondamentales
L’apprentissage passif – David P. Ausubel
L’importance d’un apprentissage qui a du sens
Les concepts intégrateurs
La leçon : le stockage des informations et leur rappel
Une aide pour les pédagogues
Application
La théorie des schémas – Richard C. Anderson
Le concept de schéma
Des conséquences importantes
Application
Le traitement de l’information - Robert Gagné
La séquence des processus internes selon Gagné
La hiérarchie des connaissances
L’importance du concept de hiérarchie
Les catégories d’apprentissage
La conception d’un enseignement permettant d’améliorer l’apprentissage

iii
iv

Application
La Théorie de l’Apprentissage Social – Albert Bandura
Condensé de la théorie de Bandura
La contagion de l’exemple
Les catégories de modèles
La façon efficace de montrer l’exemple
Le renforcement
L’auto évaluation et le choix des amis
L’évitement du sentiment de culpabilité
Les mécanismes qui impliquent la restructuration cognitive
Les mécanismes qui voilent ou dénaturent la relation entre actions et
effets.
Les mécanismes qui déshumanisent la victime
Les mécanismes qui déplacent la responsabilité
Conseils pour les enseignants
Application
Chapitre 4 : Les styles d’apprentissage et les méthodes d’enseignement
Introduction
Quelques mots sur la terminologie
L’evolution des recherches
Des tests fiables
La définition que Witkin donne des styles cognitifs
Les caractéristiques dominantes
La différenciation psychologique
Les variations culturelles et sociales
Les caractéristiques du groupe
Les facteurs déterminants
L’aptitude à se développer
Les styles d’apprentissage et L’éducabilité
Tests de Quotient Intellectuel (Q.I.)
La discrimination scolaire
Les domaines d’apprentissage affectés
Le contenu social
Le renforcement
L’organisation
L’acquisition de concepts
La saillance des indices
Les rôles attendus des adultes et des enfants
Quelques autres styles d’apprentissage
La prédominance d’un hémisphère
En classe
Les caractéristiques des élèves
Un exemple de classe holistique.
Les techniques pédagogiques holistiques
Enseignement et stratégies d’apprentissage IC/ID
Plan d’un cours holistique
v

La formation des enseignants


L’organisation et l’évaluation du cursus
Le développement bicognitif
Considérations supplémentaires
Mises en garde
Application
Chapitre 5 : La théorie du constructivisme social
Introduction
Les concepts fondamentaux
L’idée maîtresse du raisonnement de Vygotsky
Le discours intérieur
Les limites du constructivisme social
La zone de proche développement
Les conséquences
Application
Appendice A : Exemple d’un concept intégrateur
Le concept d’époque
Contexte
La structure cognitive préexistante
Le concept intégrateur : objectif comportemental visé
Le concept intégrateur : (de type comparatif)
Le concept intégrateur en tant que concept
Le contenu de la leçon
Analyse
Conclusion
Appendice B : Autres Sources Complémentaires
Enseignement et évaluation des apprenants holistiques
Les stratégies d’enseignement holistiques
Le développement bicognitif
Lectures complementaires en francais
References bibliographiques
Préface

Dans cet ouvrage, l’auteur passe en revue la littérature scientifique sur la cognition et
l’apprentissage, notamment en ce qui concerne les minorités ethnolinguistiques. Le
chapitre 1 porte sur les théories développementales, le chapitre 2 résume le
behaviorisme, le chapitre 3 examine les théories du traitement de l’information, le
chapitre 4 expose les différents styles d’apprentissage, en particulier le style global ou
holistique. Pour finir, le chapitre 5 examine les bases de la théorie du constructivisme
social.
La bibliographie citée, même si elle n’est pas exhaustive, réunit les principales
références parues sur le sujet jusqu’en 1991, ainsi que quelques ouvrages plus récents.
Les traducteurs se sont permis d’ajouter, pour le lecteur francophone, une liste
complémentaire d’ouvrages en français, non cités dans le texte anglais. Afin de
présenter avec le plus d’exactitude possible le point de vue des auteurs mentionnés,
nous nous sommes efforcés de trouver les textes source et de les citer. Les recherches
entreprises pour cet ouvrage ont été, à l’origine, menées à une époque où les
pédagogues s’intéressaient particulièrement au traitement de l’information et aux styles
d’apprentissage. Leurs découvertes ont posé les bases de la plupart des pratiques
pédagogiques actuelles.
Ce livre, en tant qu’étude longitudinale, retrace comment la pensée actuelle en
matière de cognition et d’apprentissage s’est construite. Il contient également une
multitude d’idées pour les pédagogues confrontés aux difficultés propres aux classes
dans d’autres cultures que la leur. À notre connaissance, c’est le seul livre qui réunit ces
informations en un seul volume.

vi
Remerciements

Je remercie le Professeur Mark Seng de l’Université du Texas à Austin pour m’avoir


initiée à la psychologie de l’éducation. Le Professeur Gary McKenzie, de la même
université, m’a aimablement permis d'écrire le chapitre 1 dans le cadre d’un travail
demandé dans son cours, puis a gracieusement pris le temps de me faire part de ses
remarques.
Je suis très reconnaissante à Earle et Dorothy Bowen, Beth Graham, Steven Harris,
Judith Lingenfelter, Atilano Valencia, ainsi qu’à divers éditeurs et collègues de SIL
International, qui ont consenti à ce que je cite de longs extraits de leurs ouvrages au
chapitre 4.
Je remercie également les Dr Olive Shell et Diane Schallert qui ont donné de leur
temps pour relire mon manuscrit et le commenter. Je remercie les Dr Manuel Ramírez
III, Dolores Cardenas et Judith Lingenfelter pour leurs commentaires, ainsi que ma
collègue Diane Quigley pour son aide concernant les références bibliographiques. Je
remercie Mary Ruth Wise et le personnel de SIL International en charge des
publications pour leur assistance éditoriale. Stephen Walter m’a aidée à la fin en
informatique pour la première édition tandis que Sean Scott ont généreusement fait des
illustrations utiles.
À chacun, j’adresse un sincère merci.
Nous remercions l'équipe de traducteurs bénévoles du S.T.A.F (Service de
Traduction Anglais-Français), Wycliffe France, 25 rue de l'Isle, 26000 Valence (France)

Patricia M. Davis

vii
Introduction:

Survol des théories de l’apprentissage

Pendant des siècles, les intellectuels ont réfléchi aux mystères de la cognition humaine
et ont cherché à comprendre comment les êtres humains acquièrent des connaissances
et s’en servent. Parmi les recherches entreprises en Occident durant ces 100 dernières
années, il y a deux éléments qui sont particulièrement utiles dans notre étude : les
constantes universelles et les variations culturelles. Peu à peu et non sans hésitations, il
a été compilé un corpus d’informations qui enrichit notre connaissance et fait l’objet
d’applications importantes pour ceux qui enseignent des élèves d’autres cultures que la
leur.

Quelques définitions

Dans cette étude, nous présentons des informations émanant du champ de la


psychologie de l’éducation. La psychologie est l’étude du comportement de l’être
humain et de la façon dont il acquiert une expérience (Lefrancois, 1988, p. 4). La
psychologie de l’éducation traite donc du comportement et de l’expérience dans le
contexte de l’enseignement et de l’apprentissage.
Les théories de l’apprentissage font partie de la psychologie générale.
L’apprentissage se définit comme un changement de comportement suite à l’expérience
(Lefrancois, 1988, p. 11). Les théoriciens de l’apprentissage cherchent à expliquer, à
prédire et à influencer la part du comportement liée à l’acquisition de connaissances.
Selon Lefrancois (1988, p. 7), deux métaphores, ou deux modèles, représentent en
grande partie la façon dont les principaux psychologues considèrent l’être humain :
1) Le modèle mécaniste envisage l’être humain comme comparable, de bien des
manières, à une machine. On peut prédire son comportement et ses réponses sont
fortement influencées par l’environnement.
2) Le modèle organiciste considère les êtres humains comme ressemblant plutôt à des
organismes dynamiques, actifs, curieux, qui sont gouvernés plus par des forces
internes que par des stimulations externes. (Lefrancois, 1988, p. 7)
La cognition, selon le Trésor Informatisé de la langue française, dérive du latin
cognitio, « action de connaître ». Ce terme désigne l’acte et le processus amenant à la
connaissance. Il inclut aussi les niveaux de conscience et de jugement ainsi que le
résultat de l’acte de connaître. La cognition est inextricablement liée à l’apprentissage.
À mesure que les êtres humains font de nouvelles expériences, ils acquièrent de
nouvelles connaissances. Quand celles-ci modifient le comportement, nous disons qu’ils
ont appris par l’expérience.
La cognition est également liée à la connaissance, définie par le Trésor Informatisé
de la langue française comme « action ou fait d’apprendre quelque chose par l’étude et
(ou bien) la pratique » ainsi que comme « résultat de cette action ou de ce fait :
compétence en quelque chose, expérience de quelque chose, connaissance ou savoir
acquis(e) ». Par conséquent, quand nous percevons une nouvelle information et la
mémorisons, elle s’ajoute à nos connaissances.

1
2

Quelques importantes théories de l’apprentissage émises au 20ème siècle

Cette chronologie récapitule l’évolution des théories de l’apprentissage.

Théories développementales
1900___Baldwin___Hall___Levinson___Erickson__Piaget___________________________________________
La faculté de raisonnement s’accroît à mesure que le calendrier génétique permet au
cerveau de se développer.
Behaviorisme
Début des années 1900_Pavlov___Thorndike___Watson___Skinner________________________
Comprendre et contrôler les comportements élémentaires au moyen de séquences
stimulus-réponse.
Théories des styles d’apprentissage
Les années 1940_Witkin, Cohen, Kolb, Kogan, Myers-Briggs_____________
Comprendre de quelles manières les gens préfèrent apprendre.
Théories du traitement de l’information
Les années 1950___Ausubel___R.C. Anderson___Gagné___________________________
Comment le cerveau traite l’information.
Théorie de l’apprentissage social
Les années 1960_____________Bandura____________________________________
Apprendre en imitant des exemples et des modèles.
Théorie du Constructivisme social
Les années 1980___Vygotsky_________________________________________
Apprendre par le dialogue.

Au 20ème siècle, les premiers théoriciens de l’apprentissage ont vu l’apprentissage


sous l’angle du développement (ex. Baldwin 1894 ; Hall 1917, 1920). Par la suite, Jean
Piaget a poussé plus loin leurs conceptions et les a précisées. Les théoriciens des
théories développementales affirment que la faculté de raisonnement d’un individu (sa
capacité de comprendre, d’inférer, de réfléchir et donc d’apprendre) s’accroît à mesure
que le calendrier génétique permet une maturation du cerveau. Par la suite, d’autres
théories de l’apprentissage, dérivant des modèles mécanistes et des modèles
organicistes, ont été proposées.
C’est ainsi que du modèle mécaniste découle le behaviorisme, également connu
sous le nom d’apprentissage par stimulus-réponse. Cette approche a été rendue célèbre
par Thorndike, Pavlov, J. B. Watson et Skinner. Elle a prédominé en Occident des
années 1930 aux années 1960. Elle a été, au début, le fondement de l’enseignement
assisté par ordinateur.
Les théories du traitement de l’information, qui prédominent chez les psychologues
de l’éducation depuis les années 1960, découlent, elles, du modèle organiciste. Celui-ci
porte sur la manière dont le cerveau traite l’information et a servi à bâtir toutes ces
3

théories et ces modèles. Les psychologues de l’éducation issus du courant « traitement


de l’information », tout en travaillant chacun de leur côté, ont utilisé les contributions
des uns et des autres et, donc, leurs théories se recoupent. Dans ce tour d’horizon, nous
allons présenter quelques-uns des concepts les plus importants, à peu près dans l’ordre
chronologique selon lequel ils ont été développés.
Les théories des styles d’apprentissage existent parallèlement aux autres théories,
depuis les années 1940. Elles aident les enseignants à comprendre quel est le style
d’apprentissage que leurs élèves préfèrent et à l’employer.
Un modèle à part, appelé : théorie de l’apprentissage social, a été proposé par
Albert Bandura. Cette théorie décrit comment la plupart de nos apprentissages les plus
importants se font par l’observation de comportements modèles. Bandura met l’accent
sur le rôle important du comportement modèle pour que l’enseignement et
l’apprentissage soient bons.
Depuis les années 1980, la théorie du constructivisme social, proposée d’abord par
le psychologue russe Lev Vygotsky, est largement acceptée par les pédagogues
occidentaux. Le constructivisme social considère que toute connaissance se construit
socialement. Ce que Vygotsky veut dire par là, c’est que l’apprentissage a lieu par le
dialogue avec les autres et que les individus améliorent leur compréhension en
échangeant des idées et en discutant des informations. Pour Vygotsky, la parole aide la
pensée, non l’inverse.

Limites de cet ouvrage

Chaque théorie de l’apprentissage contient des idées importantes pour les enseignants
et les parents. Cependant, les principales théories sont très riches et il est impossible de
tout dire sur elles dans ce bref survol. Nous avons donc choisi les éléments importants
pour l’enseignement à des élèves d’autres cultures. En faisant cela, nous réduisons la
charge informative à des proportions gérables, mais courons le risque de déformer la
pensée des théoriciens ou de la détailler insuffisamment. C’est pourquoi, même si nous
nous sommes efforcés de présenter avec exactitude chaque idée, nous invitons les
lecteurs à étudier les textes source indiqués dans les références.
Les références citées dans ces chapitres ne sont pas exhaustives. On peut trouver
dans n’importe quel manuel de psychologie ou de développement personnel des
informations sur ces mêmes sujets. Nous avons, cependant, fait l’effort de citer les
textes source et les autorités en la matière afin que les lecteurs aient accès aux
informations originelles.
Lorsqu’on écrit un livre de cette nature, on se demande comment désigner les
groupes ethnolinguistiques, notamment parce qu’au fil des ans les termes considérés
comme acceptables deviennent péjoratifs. Dans cet ouvrage, j’ai pris en considération la
façon dont les populations autochtones parlent d’elles-mêmes et j’ai alterné entre
« Amérindiens », « minorité ethnolinguistique », « groupe ethnolinguistique », « société
minoritaire », « minorité ethnique », « minorité », « population », « autochtone » et
« Aborigène », en m’efforçant toujours d’utiliser ces termes avec respect. Le mot
« communauté » n’a pas été employé, car, en Europe, il a de plus en plus une
connotation très négative, surtout dans le contexte séculier.
4

Intérêt de cette étude

Comprendre les principes présentés ici permettra d’appliquer des principes


pédagogiques efficaces lors de l’enseignement d’une matière, même dans une autre
culture que la sienne.
Chapitre 1

Les théories développementales

Introduction

Les théories développementales de l’apprentissage considèrent que les tâches que


l’individu peut accomplir sont apprises au fur et à mesure de son développement
mental, émotionnel et physique. Ce processus de maturation se déroule lentement et en
continu, mais il est souvent décrit, par commodité, comme une progression par stades.
De nombreuses personnes ont contribué aux études développementales. Voici
quelques exemples.
Certains théoriciens développementaux, comme le psychologue américain Levinson
(Levinson, 1978, p. 57 ; Dacey, 1982, p. 74–79 ; New Encylopaedia Britannica, 1988,
p. 721), classent les stades dans l’ordre chronologique : stade pré-adulte (de la
naissance à 22 ans), stade jeune adulte (de 17 à 45 ans), stade adulte intermédiaire (de
40 à 65 ans), stade adulte avancé (de 60 à 85 ans), stade adulte très avancé (après 80
ans). La transition d’un stade à l’autre dure quelques années pendant lesquelles les deux
stades coexistent.
Le psychanalyste Erick Erickson (1978, p. 25 ; Dacey, 1982, p. 38–55) décrit le
cycle de la vie sous forme de huit stades caractérisés par leurs exigences
psychosociales. Un stade est une période et, à chaque stade, la personne doit faire face
à une « crise », c'est-à-dire une tâche décisive pour son développement psychologique.
Par exemple, ses besoins internes et les exigences de la société l'obligent à prendre une
décision et une nouvelle direction. L’individu doit résoudre la tâche correspondant à
chaque stade afin de réussir à aborder le suivant (Dacey, 1982, p. 39). Ceux qui sont en
mesure d’accomplir les différentes activités caractéristiques des stades du
développement obtiennent les résultats attendus et mènent une vie plus épanouie.

Stade Période et Crise Attentes


âge psychosociale
1. Nourrisson Confiance / Sécurité et optimisme ;
0–1 1/2 ans Méfiance espérance, capacité à
faire confiance
2. Petite enfance Autonomie / Volonté propre ;
1–1/2–3 ans honte et doute confiance en soi
3. Âge du jeu Initiative / Détermination ; initiative
3–5 ans culpabilité
4. Âge scolaire Travail / Motivation ; capacité à
5–12 ans infériorité prendre l’initiative et à
mener à bien une tâche
5. Adolescence Identité et rejet Fidélité ; bonne
12–18 ans intégration / trouble
identitaire

5
6

6. Jeune adulte Intimité et Amour ; capacité à


l8–25 ans solidarité / entretenir des relations
isolement intimes
7. Adulte Générativité / Attention (soins aux
25–65 ans égocentrisme et autres) ; utilité pour soi
stagnation et pour la société
8. Vieillissement Intégrité Sagesse ; sentiment
65+ personnelle/ d’intégrité personnelle ;
désespoir satisfaction de ce qu’on a
fait dans la vie
(d’après Erickson, 1978, p. 25)

La programmation génétique

Les toutes premières recherches sur le sujet ont été menées par les psychologues
américains James Mark Baldwin et G. Stanley Hall. Baldwin propose une théorie
décrivant le développement de l’enfant sous forme de stades qu’il appelle « réactions
circulaires », « accommodation » et « adaptation » (Baldwin, 1894 ; Dworetzky, 1987,
p. 226). Hall postule que les stades de développement du cerveau humain ont une
origine génétique (1917, p. 1–6, 234–237 ; 1920, p. 7–18, p. 449–454). Ces stades
sont 1 :
• Le stade « simiesque », où le sujet ne peut pas comprendre des idées abstraites mais
apprend par récompense et punition ;
• Le stade « sauvage », où le sujet ne peut pas comprendre d’idée abstraite mais
apprend par l’exemple et l’imitation ;
• Le stade « rationnel », où le sujet peut comprendre des idées abstraites et est
capable d’apprendre par la découverte.
Hall a orienté ses recherches vers l’expérience commune (par exemple « c’est quoi
les nuages ? ») plutôt que vers la connaissance scolaire. Comme il pensait que le
développement mental pouvait être entravé si on le forçait prématurément, il
recommande donc de n’enseigner les grandes idées qu’à partir de l’adolescence,
moment où, selon sa théorie, les gènes et l’instinct naturel auraient automatiquement
développé chez les élèves des facultés de raisonnement supérieures. Ces points de vue
rejoignent l’enseignement de Darwin sur l’évolution physique et sociale.
Les théories de la programmation génétique et de l’évolution sociale ont fait l’objet
d’un vif intérêt lors de la découverte des Aborigènes d’Australie. Saisissant l’occasion
d’une recherche interculturelle, une expédition est partie pour le détroit de Torres
(Rivers, 1901). Là, les chercheurs ont interprété « l’absence, chez les Aborigènes, de
possessions matérielles, comme un signe d’appauvrissement culturel (avec son

1
Hall s’est inspiré de la façon de penser en vigueur à son époque pour choisir le nom de ces stades.
7

inévitable corollaire, l’infériorité intellectuelle) au lieu de la considérer comme le


résultat voulu d’une bonne adaptation des chasseurs-cueilleurs » (Klich et Davidson,
1984, p. 157).
Cette interprétation négative semblait en effet ne pas tenir compte du tout de ce
que : (1) aux tests de River en 1901, les Aborigènes ont parfois eu des scores supérieurs
aux autres insulaires d’origine non aborigène ; (2) d’autres chercheurs ont observé chez
les Aborigènes des compétences peu communes pour pister les animaux et les chasser
(Klich et Davidson 1984, p. 158–59) ; (3) l’anthropologue Lévi Strauss, étudiant
l’organisation familiale des Aborigènes, constate qu’elle est « tellement en avance sur le
reste de l’humanité que, pour comprendre le système complexe de règles qu’ils ont
élaboré, nous devons avoir recours à tous les raffinements des mathématiques
modernes » (cité dans Franklin, 1976, p. 9). En accord avec la théorie de Hall, on
considérait qu’il était probable que le développement intellectuel des Aborigènes se soit
définitivement arrêté. « L’attention que le sauvage porte de préférence aux choses
concrètes qui l’entourent pourrait constituer un obstacle à un plus grand
développement mental. » (Rivers, 1901, p. 45). De même, Porteus (1933, p. 32) émet
l’idée que les Aborigènes souffraient probablement d’« un développement plus lent
pendant toute la période de croissance ou, ce qui est plus plausible, un arrêt de la
croissance de leur cerveau plus précoce que chez les Européens ».
Ces conclusions apparaissent injustifiées au vu des résultats de certains tests de
Porteus lui-même, au cours desquels certains Aborigènes ont égalé leurs pairs
occidentaux (1931, p. 401). Porteus conclut néanmoins qu’« une race dite primitive
comme celle des Australiens peut être très bien adaptée à son environnement et doit
donc être considérée comme intelligente. Mais en même temps, il est sûr qu’ils ne
s’adaptent pas à un environnement civilisé. » (1931, p. 376).

La théorie de Piaget

Recherchant des informations plus précises sur les sociétés non occidentales
minoritaires, les chercheurs ont commencé à orienter leurs études en utilisant le
modèle de développement cognitif de Jean Piaget. Piaget était un brillant universitaire
suisse qui, à vingt-deux ans, a obtenu un doctorat en sciences naturelles (zoologie) et, à
trente ans, a publié environ vingt-cinq articles sur les mollusques et sur des sujets
connexes. (Lefrancois, 1988, p. 180). Il a aussi étudié la psychologie, la
psychopathologie, la logique et l’épistémologie (l’étude de la nature des connaissances).
En 1920, il travaille, au laboratoire de Binet à Paris, sur la standardisation de
certains tests mentaux en collaboration avec Théodore Simon, co-inventeur avec Alfred
Binet du test d’intelligence pour les enfants qui porte leur nom. Dans son approche de
ce travail, Piaget est influencé par les publications de Baldwin et par sa formation à
l’observation et à la description biologiques (Dworetzky, 1987). Il est fasciné de
découvrir que des enfants du même âge donnent souvent les mêmes réponses
incorrectes aux questions, et il se met à examiner la manière dont la pensée se construit
chez les enfants et en quoi ceux-ci perçoivent le monde différemment au cours des
différents stades de leur développement. Ses recherches reposent sur deux
problématiques : (1) quelles caractéristiques permettent aux enfants de s’adapter à leur
environnement ? (2) quelle est la façon la plus simple, la plus juste et la plus utile pour
8

classifier le développement de l’enfant ? (Lefrancois, 1988, p. 180). Pour Piaget, tout


développement humain est une adaptation à l’environnement et celle-ci est rendue
possible par l’assimilation (utilisation d’une réponse déjà acquise) ou par
l’accommodation (modification d’une réponse pour satisfaire le nouveau besoin).
Comme le but de Piaget était de découvrir les principes universels régissant le
développement, ses recherches ont porté sur l’expérience commune et non sur les
connaissances scolaires, car cela aurait pu fausser les résultats. Son questionnement a
pris la forme d’entretiens portant sur des choses concrètes. Finalement, il a proposé une
théorie puissante, aux facettes multiples, qui traite de l’intelligence et de la perception
(Piaget, 1972a ; Hunt, 1961 ; Seagrim et Lendon, 1980), et qu’il est difficile de résumer
sans la déformer ni en donner une vision simpliste (Flavell 1977, p. 6). Elle relie sa
conception de l’intelligence, prise comme produit de l’adaptation biologique, à des
questions théoriques d’épistémologie 2. Elle est unique dans la littérature scientifique de
l’époque.
La contribution de Piaget, d’après l’Academic American Encyclopedia (1986, p. 287–
288), concerne quatre grands domaines : (1) Les stades généraux du développement
intellectuel, depuis la naissance jusqu’à l’âge adulte (ex. Piaget 1972a ; Ginsburg et
Opper, 1979) ; (2) L’étude du développement de la perception (ex. Piaget, 1976) ; (3)
La façon dont l’enfant parvient à comprendre des concepts scientifiques tels que le
temps et l’espace (ex. Piaget, 1954) ; (4) Les questions d’épistémologie théorique (ex.
Piaget, 1971). Au passage, il aborde la plupart des facettes du fonctionnement humain :
le langage (1926), la causalité (1930), le temps (1946a), la vélocité (1946b), le
mouvement (l946b), le jugement et le raisonnement (1928), la logique (1957b), le
nombre (1952 ; Piaget et al., 1981), le jeu (1951), l’imitation (1951), la physique
(1957a). (Lefrancois, 1988, p. 179)
Les ouvrages de Piaget sont ardus. Il est plus facile de lire ce qu’en disent des
auteurs tels que Ginsburg et Opper (1979). Quoiqu’il en soit, bien que Piaget ait
commencé par être un biologiste et un naturaliste, ses écrits (plus de 50 livres) ont
profondément marqué la psychologie développementale contemporaine. Selon
Lefrancois, Piaget est « sur le plan mondial le chercheur le plus prolifique et le plus
influent en matière de développement de l’enfant » (1988, p. 180).

Les stades du développement humain selon Piaget

Piaget est surtout connu pour sa classification du développement cognitif en quatre


stades très détaillés et comprenant de nombreuses subdivisions. En voici un bref
résumé (d’après Dworetzky, 1987, p. 228 ; Lefrancois, 1988, p. 184) :
1. Le stade sensorimoteur (0 à 2 ans) où l’apprentissage consiste à étendre les
systèmes sensoriel et musculaire. Il se subdivise principalement en :
1er stade (0 à 1 mois) : activité réflexe ;
2ème stade (1 à 4 mois) : exploration de soi ;

2
Épistémologie : étude de la nature des connaissances.
9

3ème stade (4 à 8 mois) : coordination et ouverture vers l’extérieur ;


4ème stade (8 à 12 mois) : comportement intentionnel ;
5ème stade (12 à 18 mois) : expérimentation ;
6ème stade (18 à 24 mois) : combinaisons mentales et résolution de problèmes.
2. Le stade préopératoire (2 à 7 ans) où l’apprentissage est censé se faire par
l’expérimentation, principalement avec des objets. Cette période comporte deux
parties :
Le stade pré-conceptuel (2 à 4 ans) : émergence d’idées, encore générales et mal
formées ; développement des fonctions symboliques comme l’acquisition du
langage ; raisonnement transductif et syncrétique, animisme (considérer les
choses et les phénomènes comme étant vivants) ;
Le stade intuitif (4 à 7 ans) : l’enfant tend à se concentrer sur un aspect à la fois ; il
aboutit à des conclusions intuitives ; l’égocentrisme (l’enfant voit tout à partir de
lui-même et croit que les autres voient la situation de son point de vue à lui) ;
l’animisme continue.
3. Le stade des opérations concrètes (7 à 11 ans) où la compréhension est liée à
l’expérience, mais où un certain symbolisme interne commence à être utilisé.
L’enfant applique des opérations logiques à des problèmes concrets et comprend les
nombres. Il a acquis la conservation du nombre, de la longueur, de la masse, de la
surface ou du volume (ex. même si la forme d’une boule de pâte change, il sait que
la quantité ou le poids sont invariables). Il construit également progressivement les
concepts de réversibilité, de sériation et de classification.
4. Le stade des opérations formelles (à partir de 12 ans) où l’apprentissage est
fortement internalisé, symbolique et relativement détaché de l’expérience directe,
de sorte que le raisonnement hypothétique devient possible et avec lui la
généralisation, l’idéalisme et le raisonnement moral. À ce stade, les sujets peuvent
résoudre des problèmes hypothétiques, faire des déductions complexes, tester des
hypothèses qu’ils ont avancées. Ils peuvent aussi analyser la validité de différents
modes de raisonnement, ce qui est alors le fondement de la recherche scientifique 3.
Les pédagogues tenant de l’école piagétienne pensent que l’enseignement doit être
adapté à l’âge et à la capacité mentale de l’enfant. Il ne faudrait donc pas, selon eux,
présenter d’informations abstraites à des enfants tant qu’ils n’ont pas atteint le stade
11–15 ans, leur cerveau n’étant pas suffisamment développé pour les traiter. De nos
jours, les pédagogues ne sont pas complètement d’accord avec cette idée. Les
théoriciens développementalistes ont néanmoins sensibilisé les enseignants à la
nécessité de prendre en compte l’âge des élèves lors de la préparation des leçons.

3
Piaget, 1972b, 1932 ; Dworetzky, 1987, p. 228 ; Lefrancois, 1988, p. 184–195
http://www.britannica.com/EBchecked/topic/459096/Jean-Piaget Accédé October 23, 2013.
10

Les descriptions que Piaget fait des processus de maturation intellectuelle de


l’enfant sont importantes pour les parents et pour les pédagogues. Nous nous
concentrons ici sur le 3ème et le 4ème stade, car ils concernent les enfants d’âge
scolaire et parce que, dans les systèmes scolaires de type occidental, la maîtrise des
opérations formelles joue un rôle très important dans l’apprentissage.
La théorie piagétienne est différente de la programmation génétique de Hall. Pour
Piaget, les enfants intègrent les informations à une structure cognitive existante, jusqu’à
ce que le concept soit si bien établi qu’il permet de nouvelles formes de raisonnement.
Piaget attribue donc la pensée à la connaissance, non à la génétique, et considère
l’intelligence comme un processus en constante évolution fait d’interactions et
d’adaptations à l’environnement. Le développement intellectuel aboutit à des
changements de comportement (Lefrancois 1988, p. 182). Pour désigner les qualités
intellectuelles qui gouvernent le comportement, il utilise la métaphore de « structure
cognitive » (Lefrancois 1988, p. 183).
Dès 1966, Piaget (1974) a traité de la nécessité de faire des recherches
interculturelles en psychologie génétique et certains chercheurs ont jugé important de
se demander si les mêmes stades de développement observés dans les sociétés
occidentales se retrouvent parmi les minorités ethnolinguistiques. Voici quelques
exemples d’études menées pour tester les stades des opérations concrètes et des
opérations formelles, qui sont les deux stades les plus pertinents pour l’enseignement.

Le stade des opérations concrètes

Entre 1959 et 1969, un certain nombre d’études se sont intéressées aux compétences
entrant en jeu dans la capacité d’un sujet à considérer que le poids et la quantité se
conservent, c’est à dire à reconnaître qu’une masse reste toujours la même en dépit de
la variation de sa forme et de sa taille. Heron et Simonsson (1974, p. 335) donnent la
liste des sept études les plus connues sur la conservation de la masse : à Aden : Hyde,
1959 ; au Nigeria : Price-Williams, 1961 ; à Hong Kong : Goodnow, 1962 ; au Sénégal :
Greenfield, 1966 ; chez les Aborigènes d’Australie : de Lemos, 1969 ; en Papouasie
Nouvelle Guinée : Prince, 1968 ; en Jamaïque et chez les Esquimaux canadiens et
indiens : Vernon, 1969.
Le concept de conservation a suscité l’intérêt parce qu’il est proche des opérations
formelles, le plus haut niveau de développement cognitif dans le schéma piagétien. On
l’évalue en versant de l’eau dans des récipients de formes différentes ou en modifiant la
forme d’une même boule d’argile. Les résultats des études menées durant cette période
ont été très variés et certains des chercheurs, conscients que les variables culturelles
non identifiées pouvaient influencer leurs constatations, ont exprimé des réserves sur la
validité des résultats. Greenfield et Burner (1966, p. 94), par exemple, ont signalé que
les enfants wolof du Sénégal devaient verser l’eau eux-mêmes pour éliminer la
suspicion de « pratiques magiques » qui expliqueraient l’apparente inégalité des
quantités d’eau dans leurs gobelets.
Dans une recherche de nature différente, de Lacey, faisant le compte-rendu d’une
étude publiée pour la première fois en 1970, cherche à établir si l’aptitude
classificatoire est liée à l’environnement. Il compare des enfants aborigènes d’Australie
avec des enfants australiens d’origine européenne. Chez les Aborigènes, il remarque
11

que « l’aptitude classificatoire est toujours directement et proportionnellement liée au


contact avec les Européens et leur technologie » (1974, p. 363).
Bovet (1974, p. 313–334) signale des sujets faisant preuve de compétences
cognitives intermédiaires. Elle émet l’hypothèse que le raisonnement serait meilleur
pour des concepts associés à des activités fréquentes et pourrait même, contrairement à
ce que certains croient, atteindre le niveau des opérations formelles. Ses tests, faits en
arabe auprès d’enfants algériens non scolarisés et âgés de six à treize ans ainsi
qu’auprès d’adultes analphabètes âgés de trente-cinq à cinquante ans, mesurent la
conservation de la quantité avec des liquides et de la pâte à modeler, la conservation
du poids avec des pains d’argile et la conservation des relations spatiales (longueur)
avec des baguettes.
Lorsque le groupe algérien fut comparé à un groupe de contrôle formé d’enfants
genevois, il est apparu une différence dans l’ordre d’acquisition des concepts de
conservation.

Genve Algérie
Conservation Conservation Conservation Conservation
de la quantité du poids et de de la quantité du poids
la longueur et de la
longueur
7–8 ans 9 ans 9 ans 12–13 ans
Face aux mêmes activités que les enfants, les adultes algériens analphabètes n’ont
eu aucune difficulté avec les concepts de conservation des quantités de liquides, mais
les femmes, habituées à estimer le poids de la pâte à pain en la soupesant, ont eu du
mal à évaluer le poids des objets en les regardant.
Dans ses commentaires sur les résultats, Bovet note l’influence du conditionnement
dû à l’environnement (il n’y avait pas, dans cette culture, de récipients de taille
standardisée comme des bouteilles de soda d’un litre et demi, par exemple). En réponse
à sa question initiale, elle a conclu qu’on trouve en effet des niveaux supérieurs de
cognition pour des activités pratiquées fréquemment.

Le stade des opérations formelles

En dépit de ces observations, la possibilité que des peuples ne disposant que d’une
technologie rudimentaire puissent atteindre le stade du raisonnement abstrait a
continué à faire l’objet de vives discussions. En Nouvelle Guinée, avec des tests
logiques oraux et des tests formels empiriques, Were (1968, cité dans Dasen 1974,
p. 412) n’a pas trouvé de trace de pensée formelle chez les sujets âgés de quatorze à
seize ans. Lancy (1983, p. 119, citant Townshend, 1979) affirme qu’en Nouvelle-Guinée
« aucune société n’a de jeux comportant des éléments qui sollicitent des habiletés de
haut niveau pour la résolution de problème ou la mémorisation ». En ce qui concerne le
système de classification en Nouvelle-Guinée, Lancy conclut que « les catégories
existent bien, mais elles ne sont pas mutuellement exclusives : elles ne sont pas
organisées en une hiérarchie et la mention du nom d’une catégorie n’incite pas à en
donner des exemples » (1983, p. 116). Wilson et Wilson, après avoir évalué plus de
12

cinq cents lycéens 4 en Papouasie Nouvelle-Guinée, concluent qu’« au début de la classe


de première, 5 très peu d’élèves en sont au stade des premières opérations formelles,
encore moins au stade des opérations formelles avancées » (1983, p. 8). Un quart
environ des membres de chaque groupe évalué était, par contre, à un « niveau de
transition » et arrivait ainsi à effectuer des opérations formelles dans certaines
situations.
Ce résultat est faible, si on le compare aux trente pour cent des élèves américains
de seize ans qui atteignent le stade des opérations formelles en fin de scolarité
obligatoire (Shayer, Adey et Wylam, 1981). La cognition des jeunes Papous étudiés a
néanmoins considérablement progressé au cours des un ou deux ans où ils suivaient des
cours préparatoires à l’université (Wilson et Wilson, 1983, p. 9). Wilson et Wilson
concluent que, bien que « l’environnement traditionnel des élèves de Papouasie-
Nouvelle-Guinée ne favorise pas un développement cognitif optimal (en termes
piagétiens), il y a une preuve certaine de développement significatif [...] ce qui indique
la possibilité de surmonter les handicaps initiaux ». C’est ce que confirment Seagrim et
Lendon (1980, p. 181) qui, après une vaste étude, concluent que, au terme d’une
période d’immersion totale dans la culture blanche, les enfants aborigènes d’Australie
sont capables d’égaler les enfants blancs dans toutes les épreuves piagétiennes alors que
ceux qui ne connaissent que la culture aborigène en sont bien moins capables.
Pour résumer, les études, qui comparent des sujets qui ont été enseignés et des
sujets dont ce n’est pas le cas, révèlent systématiquement un développement plus
précoce ou plus rapide des capacités cognitives chez le groupe qui a fait le plus
d’études.

Applications dans les sociétés occidentales

Le concept piagétien de développement cognitif sous forme de stades successifs a été


très utile aux psychologues, aux pédagogues et aux parents. Sa théorie est présente
dans les manuels de formation des enseignants (ex., Reilly et Lewis, 1983 ; Gallahue,
Werner et Luedke, 1975 ; Dworetzky, 1987 ; Ginsburg et Opper, 1979 ; Lefrancois,
1988). Elle est un critère majeur pour évaluer l’adéquation du contenu pédagogique à
chaque niveau scolaire. Comme de nombreuses études s’inspirent des écrits de Piaget et
que certaines n’ont pas confirmé les découvertes de ce dernier, la littérature
scientifique sur le sujet ressemble fort à un dialogue entre Piaget et ses confrères.
Piaget révisait constamment sa théorie et l’étendait à mesure que de nouvelles
informations apparaissaient. Par exemple, après 1932, il admet la nécessité « de
comparer le comportement d’enfants venant de milieux sociaux différents pour faire la
part de ce qui relève du social et de ce qui relève de l’individuel dans la construction de
la pensée » (Vygotsky, 1962, p. 9).

4
Dans certains pays francophone, l’établissement qui accueille les trois dernières années d’école avant l’entrée à
l’université s’appelle le lycée.
5
Dans les systèmes scolaires belge, congolais ou québécois, il s’agit de la 5ème secondaire.
13

Quelques années plus tard, suite à des échanges avec le grand psychologue russe L.
S. Vygotsky, Piaget reformule ses thèses pour faire du développement du langage une
étape essentielle pour se représenter abstraitement des actions concrètes (Vygotsky,
1962, t 7, p. 9–24 ; Piaget, 1962). Il reconnaît aussi qu’un environnement stimulant
tend à hâter l’âge auquel un enfant devient capable de penser en se servant
d’opérations formelles (Piaget, 1972a, p. 6–8 ; Hunt, 1961, p. 346–347, 362–63).
Dans ses écrits de 1972, Piaget tient compte des différents rythmes de progression
au cours des stades de développement, en particulier d’une culture à l’autre,
reconnaissant que « selon leurs aptitudes et leurs spécialisations professionnelles, les
enfants 6 présentent souvent des différences concernant les domaines de fonctionnement
auquel ils appliquent les opérations formelles » (1972a, p.1 ; voir aussi Inhelder,
Sinclair et Bovet, 1974, p. 128). À cet égard, Piaget se distingue des premiers
développementalistes qui attribuaient moins d’importance à la socialisation et à la
transmission par l’éducation.
Voici quelques exemples parmi les études qui prolongent ou remettent en questions
les conclusions de Piaget :
Hatch observe que de jeunes enfants manifestent souvent une conscience
métalinguistique et qu’à cinq ou six ans ils savent déduire les règles d’une autre langue
(1978, p. 14–15).
Donaldson constate que même de jeunes enfants peuvent avoir recours à la pensée
abstraite, mais pas sous la forme exacte recommandée par Piaget (1978, p. 56–59).
Desforges et Brown citent des études dans lesquelles même des étudiants de
troisième cycle universitaire échouent à certains tests de conservation. Ils en concluent
que les stades piagétiens sont « seulement secondaires pour répondre à la principale
question pédagogique, à savoir : pourquoi les enfants échouent-ils avec certains
matériaux et réussissent-ils avec d’autres ? » (1979, p. 279).
Entwistle se réfère aux études ci-dessus et ajoute que les épreuves piagétiennes
favorisent les personnes qui ont une pensée scientifique, mais ne prennent pas en
compte la démarche intuitive. À son avis, même si l’absence de mise en œuvre des
opérations formelles chez certains élèves peut s’expliquer par leurs compétences
cognitives préalables, il ne s’agit pas d’une déficience, mais d’« un manque de
connaissances ou d’expérience, ou [...] un faible intérêt pour la tâche proposée ou pour
la matière étudiée » (1981, p. 173).
Christie (1982) et Graham (1986) ajoutent à cela une ignorance des finalités de
l’école et des processus scolaires, ainsi qu’un manque de maîtrise du vocabulaire et de
la façon de s’exprimer par rapport à ce qui est exigé en classe.
On doit aussi se demander si les notions (comme la conservation), qui se
développent normalement avec une expérience croissante, doivent être assimilées (ou
servir d’indicateurs) à l’aptitude au raisonnement intellectuel qui, elle, doit être
enseignée et normalement ne s’apprend pas par l’expérience.

6
Par « enfant », Piaget désigne ici des jeunes de 11 à 15 ans et de 15 à 20 ans, en apprentissage (voir une référence
au texte original dans http://www.erudit.org/revue/rse/1975/v1/n2-3/900014ar.pdf, page 1).
14

Applications aux minorités ethnolinguistiques

Les études qui ont tenté d’appliquer la théorie piagétienne à d’autres cultures ont
rencontré de multiples problèmes, en grande partie dûs à des biais non conscients et à
une méconnaissance de la culture locale de la part des chercheurs, ce qui s’est traduit
par des instruments d’évaluation inadéquats. McLaughlin (1976, p. 87–90) énumère les
problèmes qui ont caractérisé les études interculturelles en Afrique. Il cite les variables
imprécises, les facteurs culturels requérant des compétences particulières pour être
interprétés ainsi que les difficultés à établir une comparaison juste et équitable entre
cultures. Pour McLaughlin, tous les sujets mettent en œuvre des processus cognitifs de
niveau supérieur, mais ne les appliquent pas aux mêmes situations.
Klich et Davidson (1984, p. 169–171) font la liste des points problématiques dans
les nombreuses études menées en Australie. Cette liste vaut pour toute évaluation
interculturelle :
• La barrière de la langue ; (La plupart des tests ont été administrés en anglais à des
sujets qui le maîtrisait mal et dont la langue n’offrait pas de correspondance pour
certains termes du test.)
• Les tests consistant à exécuter une tâche au lieu d’entretiens comme le faisait
Piaget ;
• Les risques implicites lorsque des sujets d’une culture doivent répondre à des
stimuli et à des procédures établies par des chercheurs d’une autre culture. Ceci
englobe les situations de test inconnues des sujets ;
• L’incertitude quant à l’universalité du modèle piagétien ;
• Le présupposé que la compétence cognitive dans la culture blanche et la
compétence cognitive dans la culture aborigène s’excluent mutuellement.
Cherchant à identifier les fonctions abstraites derrière les modes d’organisation
d’informations culturellement différents, Klich et Davidson (1984, p. 182) se sont servis
des travaux de Luria (1966a) en neuropsychologie. Luria considère les fonctions
mentales supérieures comme des « systèmes fonctionnels organisés et complexes qui
opèrent suite à des interactions entre des structures cérébrales différenciées ». Klich et
Davidson ont mis au point une étude dont les résultats montrent que sur les onze tests
administrés « aucune différence apparente dans la structure sous-jacente des fonctions
cognitives de traitement des informations n’a pu être établie entre les enfants
aborigènes ou non aborigènes qui ont participé à la recherche » (Klich et Davidson
1984, p. 164).
Les procédures de test rigoureuses et culturellement adaptées de Klich et Davidson
comportent :
• des consignes dans la langue vernaculaire ;
• l’administration du test par l’enseignant aborigène habituel soit à des groupes, soit
en présence et à portée de voix d’autres aborigènes ;
• des items d’entraînement pour s’assurer que l’enfant comprend chaque façon de
procéder ;
• la possibilité pour l’enfant de choisir la personne suivante qui passera le test.
15

Ces adaptations à la culture aborigène, combinées avec un affinement des tests


suite aux études précédentes, laissent présager que les résultats de Klich et Davidson
sont fiables et ces tests servent de modèle pour les chercheurs à venir.
Plus récemment, la recherche a porté sur la mémorisation, la mémoire visuelle,
l’orientation, les jeux de cartes et l’agencement spatial et temporel. Ces études
montrent que les Aborigènes d’Australie ont dans ces domaines des compétences
clairement supérieures aux Européens (Klich et Davidson 1984, p. 172–76), mais sans
mettre en œuvre les processus mentaux habituels auxquels un Occidental s’attendrait.

Les équilibrations successives

En 1974, Piaget développe sa théorie, affirmant que quatre facteurs principaux entrent
en œuvre pour rendre l’enfant apte à avoir une pensée de plus en plus complexe : (1) la
maturation ; (2) la capacité à organiser les informations par équilibration successive
(c’est-à-dire, assimiler l’information et la ranger séquentiellement dans des structures
mentales existantes) ; (3) la socialisation ; (4) la transmission par l’éducation et la
culture (1974, p. 300–303).
Voyat (1983, p. 131), qui a mené des études approfondies sur soixante-et-onze
enfants sioux âgés de quatre à dix ans, met en évidence l’apparition, dans l’ordre
annoncé, des quatre stades de développement décrits par Piaget. Il montre aussi que la
maturation exerce moins d’influence sur le développement cognitif que l’expérience
concrète associée à un raisonnement déductif en cours de construction : « Ni les enfants
oglala, ni les enfants genevois n’ont l’intuition de la conservation ou de l’espace ; ils les
construisent » (1983, p. 134). Il fait la distinction entre les expériences physiques qui
mènent à une abstraction directe découlant de l’objet (comme lorsqu’un enfant associe
le concept de chaleur avec celui de feu) et les expériences logico-mathématiques qui
désignent le résultat d’actions. La connaissance logico-mathématique est acquise par
équilibration successive plutôt que par connaissance additive (comme lorsqu’un enfant
parvient à comprendre le concept de fraction en regardant découper une pomme en
plusieurs morceaux).
Étant donné que « bien des découvertes faites au cours de la vie d’un enfant ne lui
sont pas transmises par l’éducation ou les relations sociales », Voyat (1983, p. 134–35)
pense que l’équilibration (assimilation des informations et accommodation au sein des
structures mentales déjà existantes) est le mécanisme clé du développement cognitif et
de l’apprentissage organisationnel.
La théorie de l’équilibration peut aider à expliquer pourquoi des adultes faisant
partie de sociétés minoritaires peuvent ne pas arriver à mettre en œuvre des notions de
conservation de type occidental alors qu’ils font preuve d’autres types de raisonnement
abstrait, tels que, par exemple, les calculs compliqués utilisés dans des jeux
mathématiques comme le mankala, qu’on trouve dans de nombreuses cultures non
occidentales et qui existaient bien avant l’arrivée des Blancs (Townshend, 1979,
p. 794).

Les conséquences pédagogiques

En raison de tout ce qui précède, une question a continué à préoccuper les pédagogues.
Puisque les membres de sociétés non technologiques sont capables d’abstraction et de
16

raisonnement hypothético-déductifs, pourquoi nombre d’entre eux rencontrent-ils de


grosses difficultés dans le cadre scolaire occidental ? (Les aborigènes d’Australie ne sont
qu’un exemple.)
Malone pense que la plupart des minorités ethniques analphabètes le sont parce
que, pour elles, l’alphabétisation n’est pas nécessaire. Tester le développement cognitif
« peut être pertinent pour évaluer l’acculturation scientifique occidentale, non les
processus psychologiques de base » (1985, p. 38). Malone cite des études qui ont
montré que les élèves africains réussissaient mieux lorsque les tests étaient adaptés à
des habitudes de déduction culturellement et écologiquement pertinentes : Cole et al.,
1971 ; Ross et Millsom, 1970 ; Segall et al., 1966 ; Pollack, 1963 ; Berry, 1971 ;
Jahoda, 1971.
Geoffrey Hunt (1989, p. 4–25) part du postulat que les cultures de chasseurs-
cueilleurs, avec des systèmes de numération qui font seulement la distinction entre un
et beaucoup, ainsi que les langues qui ont peu ou pas de connecteurs logiques, et peut-
être peu d’expressions abstraites (quiconque, quelqu’un…), n’ont pratiquement pas
besoin d’abstraction. Par contre, les concepts et la langue se développent dans d’autres
domaines tels que les relations spatiales, domaines dans lesquels les Aborigènes
surpassent largement les Européens. Cependant, tant que leurs capacités d’abstraction
ne sont pas développées, les Aborigènes éprouveront de grandes difficultés à apprendre
de nombreux concepts enseignés dans les écoles occidentales, surtout si les élèves
restent dans un environnement où il n’y a pas besoin d’abstraction.
Tout le monde admet désormais que les facteurs environnementaux, familiaux et
sociétaux jouent un rôle primordial dans le développement cognitif, en parallèle avec
les processus de maturation normale, le développement du langage et les possibilités
d’aller à l’école.
Piaget est respecté à juste titre pour ses contributions à la psychologie du
développement. Bien qu’il soit mort avant d’avoir pu se pencher sur les processus en
jeu dans l’apprentissage scolaire, il a ouvert la voie à l’idée actuelle que les
connaissances acquises permettent le développement de l’intelligence et de la pensée
abstraite.

Application

Les théoriciens développementalistes nous apprennent :


• à comprendre que tout humain passe par des stades de développement ;
• à respecter les différences individuelles basées sur les stades de développement ;
• à être conscient des points forts et des limites des apprenants selon leur stade de
développement ;
• à évaluer si l’élève est prêt ;
• à donner une consigne adaptée au niveau de développement de l’apprenant ;
• à être attentif au rôle de la culture dans les processus d’apprentissage ;
17

Un exemple de l’application des théories de Piaget


La psychologue argentine Emilia Ferreiro décrit, dans l’étude suivante, les réflexions de
jeunes élèves qui s’efforcent d’acquérir la lecture. Observez comment leurs hypothèses
s’approchent de plus en plus de la réalité.

Extrait résumé de Ferreiro (E.), « Literacy Development: Psycho-genesis », dans Y. M. Goodman (éd.),
How children construct literacy: Piagetian perspectives, Newark, DE, International Reading Association,
1990, p. 12–25.

Comment les enfants construisent leur aptitude à la lecture et à l’écriture :


perspectives piagétiennes
Niveaux de compétence en lecture et en écriture classés par ordre d’apparition
Premier niveau
1. Recherche de critères pour faire la distinction entre le dessin et l’écriture. (Ils
diffèrent par l’organisation des traits)
2. Découverte que :
a. les signes écrits sont arbitraires (les lettres ne reproduisant pas la forme des
objets) ;
b. les signes écrits obéissent à un ordre linéaire.
3. Identification des signes écrits comme étant des substituts.
Les enfants qui grandissent dans un environnement où on lit beaucoup font en général
cela durant leur troisième année.
4. Compréhension de la relation entre le dessin et l’écriture.
(Principe organisateur : les lettres sont utilisées pour représenter des propriétés
que le dessin ne peut pas représenter.)
5. Recherche des conditions nécessaires à l’écrit : combien de lettres faut-il pour
faire un mot ?
Principes internes atteints :
a. Principe de quantité minimale : s’il y a moins de trois lettres ce n’est peut-être
pas un mot ;
b. Principe de variation qualitative interne : les lettres doivent être différentes.
À ce stade, les enfants n’arrivent pas encore à faire les différences de sens.
Deuxième niveau
1. Recherche de différences permettant d’expliquer les différentes interprétations.
Hypothèses : Y a-t-il plus de lettres si l’objet est gros ?
Y a-t-il plus de lettres pour un groupe d’objets ?
Y a-t-il plus de lettres pour une personne plus âgée ?
2. Détermination d’un nombre minimal et maximal de lettres pour les noms (entre
trois et sept ?).
3. Davantage d’hypothèses sur ce qui fait la différence entre les mots.
Des lettres différentes pour des mots différents (mais le nombre de lettres par
mot peut rester constant) ?
Changer une ou deux lettres pour écrire un mot différent ?
Changer la position des lettres dans le mot ?
18

Troisième niveau
1. L’hypothèse syllabique : recherche de lettres identiques pour écrire des « séries de
sons » similaires.
2. L’hypothèse alphabético-syllabique : certaines lettres peuvent remplacer des
syllabes tandis que d’autres représentent des unités plus petites (phonèmes).
3. L’hypothèse alphabétique. La similarité des sons implique la similarité des lettres.
Des sons différents impliquent des lettres différentes. (Là les enfants essaient
d’éliminer les irrégularités de l’écriture.)
Chapitre 2

Le behaviorisme

Les approches behavioristes de l’apprentissage cherchent des moyens scientifiques et


démontrables pour contrôler les comportements et les expliquer. Les chercheurs
abordent la tâche du point de vue des sciences naturelles et de la manipulation du
comportement externe (observable). L’être humain étant considéré comme une
mécanique, une machine, les explications behavioristes tendent à ne pas prendre en
compte les activités mentales. « L’apprentissage est expliqué par deux mécanismes : la
contiguïté (simultanéité des stimulus et de leur réponse) et les effets sur le
comportement (renforcement et punition). » Lefrancois, 1988, p. 29.

Les principaux thèmes behavioristes

Des chercheurs comme E. L. Thorndike (1905, 1931, 1949) en viennent à voir


l’apprentissage comme la formation de connexions ou de « liens » entre stimuli et
réponses (1905, p. 202). Ivan Pavlov (1927) découvre que les animaux apprennent
grâce aux répétitions et aux récompenses. Après avoir reçu à de nombreuses reprises de
la nourriture juste après un son de cloche, le chien de Pavlov salivait chaque fois qu’il
entendait une cloche, anticipant la nourriture, même si elle n’était pas encore là. Cette
forme simple de réflexes conditionnés s’appelle le conditionnement classique. Pavlov et
les chercheurs à sa suite sont devenus des spécialistes pour concevoir une méthode
d’apprentissage constituée de petites étapes concrètes se succédant dans une difficulté
croissante.
J. B. Watson (1913, 1930) étend ce concept et développe la théorie du
behaviorisme. Pour lui, si, à force de répétitions systématiques et identiques, on établit
de fortes connexions chez l’apprenant, ce dernier devrait produire automatiquement la
réponse désirée chaque fois qu’il rencontrera le stimulus approprié (par exemple, une
question ou un problème). Watson garantissait même que si on lui confiait douze très
jeunes enfants dans un cadre adéquat, il pouvait former n’importe lequel au métier
qu’il voudrait : médecin, avocat, artiste... mendiant ou voleur (1930, p. 82). E. R.
Guthrie (1935) a également réduit l’apprentissage à des descriptions de séquences
stimulus-réponse.
B. F. Skinner (1953, 1968, 1969, 1971), dans sa théorie du conditionnement
opérant, appelle renforçateurs positifs des expériences agréables, récompenses ou
félicitations qui aident à former les connexions désirées, tandis que les expériences
déplaisantes (punition) amènent les sujets à éviter les actions qui provoquent des
conséquences indésirables. Skinner a également découvert qu’un programme continu
de renforcement améliore le taux d’apprentissage mais qu’un programme de
renforcement intermittent permet aux sujets de retenir plus longtemps ce qu’ils
apprennent. Le comportement peut être aussi façonné par du renforcement négatif, c’est-
à-dire en ignorant complètement une action. Ainsi le comportement, bon ou mauvais,
disparaîtra vraisemblablement si, pendant un certain temps, la personne ne reçoit pas

19
20

de récompense suite à son action. On peut éliminer (ou éradiquer) une réaction
indésirable en enlevant tous les renforcements positifs qui lui sont liés.

L’utilité de cette théorie pour l’enseignement

Pendant de nombreuses années, la plupart des théories de l’apprentissage appliquées à


l’éducation des enfants et à l’enseignement scolaire se sont appuyées sur ces concepts.
Encore de nos jours, même si les parents et les enseignants peuvent ne pas être d’accord
avec le système mécaniste de Skinner, ils trouvent néanmoins que, bien souvent, les
individus manifestent un apprentissage quand on leur donne, de façon cohérente, le
bon cocktail de pratiques répétées, de stimuli, de récompenses, de renforcements
négatifs et de punitions. Souvent, les principes behavioristes donnent de bons résultats,
notamment auprès de jeunes enfants et pour des tâches simples.
Par exemple, nous utilisons le stimulus-réponse pour enseigner à de très jeunes
enfants à venir quand nous disons « viens » et à ne pas toucher quelque chose quand
nous disons « non. » À l’école, on emploie les techniques de stimulus-réponse pour
enseigner à lire : les débutants apprennent à dire « a » par exemple en voyant la lettre
a. En mathématiques, on se sert de cartes éclairs (le stimulus) pour obtenir des
réponses automatiques à des questions d’addition, de soustraction, de multiplication ou
de division. Dans les révisions d’histoire, les enseignants donnent une date et les élèves
citent l’événement correspondant. Dans les ateliers d’orthographe, l’enseignant donne
un mot et les élèves l’épellent.

Les réactions

Cependant, les pédagogues ont commencé à s’apercevoir que bien que le stimulus-
réponse explique nombre de comportements humains et qu’il ait légitimement sa place
dans l’éducation, le behaviorisme n’explique pas tous les phénomènes observés dans les
situations d’apprentissage. On a commencé à s’intéresser à l’approche cognitive tandis
que les théoriciens behavioristes continuaient d’étudier les possibilités d’apprentissage
programmé à l’ère de l’informatique. De nos jours, tout l’enseignement assisté par
ordinateur repose solidement sur les fondements que les chercheurs behavioristes ont
posés. À l’occasion, observez comment des cours par ordinateur stimulent
l’apprentissage au moyen de la répétition et des renforcements.

Application

L’approche behavioriste nous apprend :


• L’intérêt de la répétition;
• L’intérêt d’avoir de petites étapes, concrètes, dans un ordre progressif ;
• L’intérêt des renforcements positifs et négatifs ;
• L’intérêt d’un usage cohérent des renforçateurs durant le processus
d’apprentissage ;
21

• La possibilité de corriger des habitudes et autres réactions indésirables, en ôtant les


renforçateurs positifs qui leur sont liés ;
• Que des renforcements positifs immédiats et cohérents accélèrent l’apprentissage ;
• Qu’une fois qu’un élément est appris, le renforcement intermittent en favorise la
rétention ;
• À nous attendre à trouver des techniques utilisant la séquence stimulus-réponses
dans les cours par ordinateur.
Chapitre 3

Les théories du traitement de l’information

Introduction

Vers 1960, parallèlement aux études menées par les chercheurs de l’école piagétienne,
d’autres chercheurs ont commencé à s’intéresser aux processus mentaux à l’œuvre dans
l’apprentissage scolaire, notamment à la façon dont l’éducation formelle peut faciliter
un apprentissage similaire à l’apprentissage naturel que Piaget a observé. Cela a donné
des théories qui, à ma connaissance, n’ont pas été testées dans des situations
interculturelles. Toutefois, la nature de ces observations laisse à penser qu’elles sont
universelles. C’est pourquoi, et vu qu’elles contiennent des notions utiles à ceux qui
enseignent dans des minorités ethniques, nous les présentons dans ce chapitre.
Les théories du traitement de l’information s’occupent de questions relatives à la
cognition, c'est-à-dire à l’action de connaître (Le François 1988, p. 21). Elles cherchent
à expliquer comment le cerveau traite de nouvelles informations et les stocke. Nous
allons recenser ici la terminologie commune à toutes les théories du traitement de
l’information, avant de voir les principaux théoriciens et leurs découvertes majeures.

Les idées fondamentales

Les idées suivantes, ainsi que les termes utilisés, sont à la base des théories du
traitement de l’information.
Concept : le concept, ou idée, est l’élément de base de l’apprentissage. Un concept
est quelque chose qui est conçu par l’intelligence : une pensée, un condensé ou une idée
générique issue de la généralisation de cas particuliers.
Toutes les théories de l’apprentissage partent du principe qu’une personne apprend
quelque chose lorsqu’elle accumule des informations et les organise en un ensemble
signifiant, c.-à-d. un concept. Cela peut concerner un seul élément, mais souvent il
s’agit de plusieurs éléments entre lesquels on finit par voir un lien. On appelle
élaboration d’un concept le processus par lequel on définit des éléments, on les
comprend et on établit des relations entre eux.
L’élaboration des concepts : les concepts s’élaborent au fil de l’expérience. Pendant
que nous avançons dans la vie, et particulièrement durant notre jeunesse, nous
construisons, dans notre cerveau, des concepts relatifs au monde qui nous entoure, ce
que sont les choses et ce qu’elles ne sont pas. Les sens (le toucher, l’ouïe, la vue,
l’odorat et le goût) envoient des messages au cerveau et ce dernier les organise selon de
nombreuses manières logiques.
Les modèles mentaux : les concepts prennent souvent la forme de modèles
mentaux. Un modèle mental consiste en symboles mentaux organisés en une structure
qui décrit l’élément ou les éléments représenté(s). Ces représentations mentales
peuvent être visuelles ou verbales (McNamara, Miller, et Bransford, 1991, p. 490).
L’étude, citée par ces auteurs (1991, p. 493–509) et par d’autres, indique qu’en général
l’apprentissage et le rappel sont améliorés lorsque la personne a construit une
représentation mentale claire.

22
23

Un exemple : l’élaboration de concepts commence dès notre plus jeune âge. Nous
sommes souvent allés en voiture. Nous avons appris à imiter son bruit et un jour on
nous a dit « C’est une VOITURE. » Progressivement, nous avons construit ce concept
dans notre cerveau : ce véhicule à quatre roues, c’est une VOITURE. En grandissant, ce
concept VOITURE va se développer pour inclure différents modèles et nous en
déduirons d’autres concepts. (Angelika Marsch, communication personnelle)
Selon cette théorie, une image correspondant à l’objet VOITURE s’est formée dans
l’esprit de la personne et lui reviendra en mémoire chaque fois qu’elle entendra ce mot.
Cependant, il se peut que, suite au contact avec de nombreux autres modèles de
voitures, l’image associée à la première voiture évolue vers une image plus générique.
Les concepts organisateurs : l’esprit humain organise ses connaissances et utilise
cette connaissance organisée pour intégrer de nouvelles informations. Ainsi, quand un
nouvel élément attire notre attention, l’organisation existante offre une structure et la
nouvelle donnée est réunie à d’autres éléments ayant des qualités similaires.
Glenys Waters donne deux exemples :
1. Mon neveu a récemment acheté un « whippet. » 1 Je n’avais aucune idée de ce
qu’était un « whippet. » En parlant avec mon neveu et en voyant le chien, j’ai compris
que c’était comme un lévrier, mais plus petit. J’ai également appris qu’il y a des courses
de « whippets. » Ceci m’a permis d’ajouter « whippet » à la catégorie « chiens utilisés
pour le sport et la course » dans ma connaissance organisée (Waters 1998, p. 3).
2. Quand j’étais jeune, les chiens d’aveugle étaient souvent des labradors. Mais plus
tard, j’ai vu plusieurs bergers allemands guidant des aveugles ; j’ai ainsi adapté mes
connaissances et ai ajouté la nouvelle information : « berger allemand » à ma structure
de connaissances : « chien d’aveugle. » (Glenys Waters, 1998, p. 4).
Voyons maintenant comment, d’après les recherches de quatre des théoriciens les
plus célèbres dans ce domaine, les concepts s’élaborent et s’organisent dans la structure
mentale.

L’apprentissage passif – David P. Ausubel

David P. Ausubel, psychiatre et professeur de médecine bien connu, a mis toutes ses
immenses compétences au service de l’étude des processus cognitifs impliqués chez les
adultes dans l’apprentissage, de contenus verbaux significatifs, notamment en situation
de classe. Il adopte le cours magistral, qu’il appelle apprentissage passif, car il
considère que pour communiquer un grand nombre d’informations 2 (1963, p. 19), c’est
une méthode plus rapide et plus efficace que l’apprentissage par la découverte.

1
En français, il s’agit d’un « lévrier nain ». Contrairement à l’anglais, ce nom indique clairement de quoi
il s’agit et le processus mental qu’a dû faire Glenys Waters n’aurait pas eu lieu chez un francophone.
Comme, dans ce passage, l'important est le processus mental, nous avons gardé le mot anglais.
2
Ausubel ne traite que des cas où l’enseignement se fait dans la langue maternelle de l’élève.
24

La terminologie d’Ausubel est assez complexe, mais les éléments principaux de sa


théorie se trouvent dans de nombreux livres et articles (par exemple, Ausubel, 1963 et
1967 ; Ausubel, Novak, et Hanesian, 1978). En voici un bref résumé.
Tout le monde aime apprendre. Cette motivation intrinsèque nous pousse à
explorer notre environnement et, en cas de succès, nous sommes récompensés par une
satisfaction interne. Ce pilotage cognitif, comme le nomme Ausubel, est adapté à
l’esprit humain qui a une extraordinaire capacité d’organisation et de catégorisation.
Quand l’information lui parvient, le cerveau crée des catégories et organise
l’information selon une hiérarchie, du plus général au plus spécifique. On appelle
structures cognitives les ensembles de concepts ayant un lien.

L’importance d’un apprentissage qui a du sens

Selon la théorie d’Ausubel, l’apprentissage consiste à assigner une place à un concept


dans la structure cognitive, puis à y associer plus d’informations. Cependant, il ne peut
pas y avoir d’apprentissage sans signification. L’apprentissage signifiant se produit
quand un individu relie un nouveau concept à un réseau de concepts apparentés, déjà
emmagasinés dans l’esprit. Les ensembles de concepts associés s’appellent des
structures cognitives.
L’intelligence se mesure par le nombre de concepts maîtrisés et l’efficacité avec
laquelle les relations cognitives sont organisées. Plus une personne emmagasine de
concepts dans sa tête, plus elle est capable d’apprendre parce qu’elle dispose de
davantage de catégories auxquelles ancrer ou accrocher les informations nouvelles.

Les concepts intégrateurs

Pour faciliter l’acquisition de nouvelles informations, Ausubel (1960) introduit la


notion de concept intégrateur, c'est-à-dire des explications qui aident à organiser les
informations déjà connues et stockées dans la mémoire de l’apprenant et le préparent à
recevoir des données nouvelles. Voici le processus :
L’enseignant est un expert de la matière qu’il enseigne. Il évalue tout d’abord le
domaine et en choisit une partie pour la leçon. Deuxièmement, il identifie les concepts
implicites dans le contenu choisi. Troisièmement, il évalue l’élève (idéalement,
individuellement) pour déterminer ses connaissances sur le sujet.
Si l’élève connaît déjà les concepts de la leçon, l’enseignant le sensibilise
simplement aux concepts dont il a besoin pour tirer profit du cours. Si l’élève ne
connaît pas encore les concepts, l’enseignant a le choix entre :
• créer un concept intégrateur comparatif, permettant de comparer le nouveau
concept à quelque chose déjà connu ;
• créer un concept intégrateur explicatif : une explication orale des traits principaux
du concept. L’objectif est d’établir le nouveau concept en tant que catégorie dans la
structure cognitive de l’élève.
Un concept dont l’élève ne connaît rien deviendra une nouvelle catégorie. S’il
n’existe aucun autre concept auquel il peut le relier, l’élève devra lui assigner une place
arbitraire dans sa structure cognitive et l’apprendre par cœur. Quand l’apprenant n’a
rien à quoi raccrocher l’information, il faudra plus d’effort et de temps pour l’apprendre
25

par cœur, jusqu’à ce qu’un réseau soit établi. Ausubel a toujours cherché à éviter
l’apprentissage par cœur en préparant les élèves à l’aide de concepts intégrateurs.
Dès que l’enseignant est certain que l’élève comprend le concept de la même
manière que son professeur et qu’ils ont tous les deux le même concept en tête, la leçon
peut commencer.

La leçon : le stockage des informations et leur rappel

Au cours de la leçon, le stockage des nouvelles connaissances dans la structure


cognitive s’appelle l’assimilation. Les éléments nouveaux sont rattachés à une catégorie
déjà existante, le concept assimilateur. Si l’élément s’intègre parfaitement au groupe
assimilateur, le processus d’accommodation s’appelle l’assimilation dérivative. S’il faut
élargir quelque peu la catégorie pour l’adapter à de nouvelles connaissances, le
processus s’appelle alors l’assimilation corrélative. Une connaissance incluse dans une
catégorie peut, à son tour, contenir d’autres éléments, tout comme le classeur d’un
bureau comporte des sections principales et des sous-sections, chacune avec ses dossiers
propres. L’organisation des informations en catégories s’appelle la réconciliation
intégrative. (Ausubel, 1963, p. 53, 77–78).
Pour expliquer comment s’effectue le rappel des informations, Ausubel postule que,
lorsqu’on a besoin d’une donnée (par exemple, lors d’un examen), le cerveau va faire
une recherche. L’élément recherché est localisé, dissocié de la structure cognitive qui
l’environne, amené au seuil d’accessibilité et mis dans la mémoire de travail.
Cependant, il arrive que les données soient si étroitement imbriquées dans un réseau,
qu’on ne peut pas les en séparer pour en faire des éléments indépendants ou les amener
au seuil d’accessibilité. Dans ce cas, on dit que l’élément a été oublié. Ausubel appelle
cela l’assimilation bloquante (1963, p. 25–26).

Une aide pour les pédagogues

La théorie d’Ausubel contient un certain nombre d’éléments utiles aux pédagogues.


S’appuyant sur la théorie piagétienne, Ausubel reconnaît que « les apprenants dont le
développement cognitif n’a pas encore dépassé le stade concret sont significativement
incapables d’intégrer dans leurs structures cognitives des relations entre deux ou
plusieurs abstractions, sauf s’ils bénéficient peu avant, ou sur le moment, d’une
expérience empirico-concrète (1967, p. 19). » Cependant, Ausubel a le sentiment qu’à
partir des classes du second degré, les élèves peuvent saisir des relations de niveau
supérieur entre des abstractions, surtout si on les aide par un « bon » cours magistral
(1967, p. 19). Comme Ausubel se préoccupait des étudiants en médecine, tout à fait
capables d’un raisonnement abstrait, il n’est pas allé plus loin.
Quand les enseignants comprennent l’importance des connaissances préalables dans
le processus de compréhension et reconnaissent la nécessité, même pour les adultes, de
disposer des savoirs de base utiles à la leçon, ils peuvent aider leurs élèves à apprendre.
C’est dans ce but qu’Ausubel insiste sur la nécessité d’utiliser des concepts intégrateurs
pour que les élèves localisent et emmagasinent plus facilement les nouvelles idées dans
leur structure cognitive. Il fait plusieurs recommandations concernant la présentation
des concepts intégrateurs (1967, p. 81–83) :
26

• Présenter le concept intégrateur à un niveau d’abstraction supérieur à celui du


nouveau contenu à apprendre (de manière à inclure tous les aspects de la nouvelle
leçon) ;
• Développer le concept intégrateur de manière à présenter d’abord les notions les
plus générales, avant d’opérer peu à peu des distinctions ;
• Déterminer clairement les similitudes et les différences entre le nouveau contenu et
ce qui est déjà connu ;
• Relier le nouveau contenu aux idées établies.
Les deux types de concept intégrateur d’Ausubel (1967, p. 83) peuvent être à la fois
simples et complexes.
Les concepts intégrateurs comparatifs utilisent un exemple pour expliquer le
nouveau concept au moyen d’un élément déjà compris. Cela est surtout utile dans les
cas où les élèves ne réaliseraient pas qu’ils connaissent déjà quelque chose sur le sujet.
Exemple simple : un émeu est un grand oiseau qui ressemble à une autruche.
Les concepts intégrateurs explicatifs, eux, identifient les éléments essentiels du
nouveau concept au moyen d’une explication. Le concept va alors servir de groupe
assimilateur pour les éléments présentés ensuite dans la leçon.
Exemple simple : Une catleya est une sorte d’orchidée.
Exemple complexe : Le concept d’époque (voir appendice A)
L’idéal, pour Ausubel, serait que l’enseignant élabore des concepts intégrateurs
correspondant exactement aux connaissances et aux lacunes de chaque élève.
Cependant, dans les classes ayant beaucoup d’élèves, comme il n’est pas possible de
tester et de faire un enseignement préparatoire pour chacun d’eux avant le cours, les
enseignants devront faire des suppositions d’après leur expérience et leurs
connaissances ou trouver des moyens de déterminer rapidement ce que la majorité de
leurs élèves connaît sur un thème.
En cours particulier, ou en cours de soutien, l’enseignant peut s’aider d’un test
préalable et se servir de concepts intégrateurs pour corriger les idées fausses qui
n’auraient pas été identifiées. Les concepts intégrateurs sont particulièrement
importants dans l’enseignement interculturel car les élèves peuvent ne pas disposer de
catégories dans lesquelles placer ce qu’ils doivent apprendre. Ausubel procure à
l’enseignant une méthode pour faire porter son cours sur le nouveau concept et donner
aux élèves les informations dont ils ont besoin pour créer une catégorie pour ce
concept.

Application

Ausubel nous apprend que :


• les êtres humains aiment apprendre ;
• l’information est emmagasinée dans une structure cognitive ;
• le sens est fondamental pour l’apprentissage et la rétention ;
• si un contenu doit être présenté rapidement, le cours magistral est plus efficace que
la méthode où l’élève découvre lui-même le concept ;
27

• si on organise ce que sait déjà l’élève en vue de la nouvelle leçon, ce qui est
enseigné aura du sens ;
• les structurants antérieurs sont particulièrement utiles aux élèves qui ne disposent
d’aucune catégorie où placer les informations qu’ils doivent apprendre ;
• les structurants antérieurs peuvent être :
o des comparaisons,
o des explications ;
• on mémorise mieux un contenu lorsqu’il est ancré dans une structure cognitive
comprenant de nombreux liens (associations).

La théorie des schémas – Richard C. Anderson

La théorie des schémas, développée par Richard C. Anderson, un psychologue de


l’éducation réputé (Anderson, 1977 et 1978 ; Schallert, 1982), considère que les
connaissances organisées forment un réseau complexe de schémas, c'est-à-dire de
structures mentales abstraites (idées qui représentent la compréhension que quelqu’un
se fait du monde).

Exemple : Un réseau de schéma


Le terme schéma a été introduit dans la psychologie de l’éducation moderne par Piaget
en 1926 et se trouve aussi dans les écrits de Wertheimer, Bartlett, et Bruner (Anderson,
28

1978, p. 67 ; 1977, p. 417). Anderson a trouvé ce concept de processus mental


particulièrement judicieux. Il a adopté le terme assimilation de Piaget pour l’utilisation
du schéma et le terme d’accommodation pour les modifications du schéma, mais il a
élargi dans sa théorie le sens originel de schéma.

Le concept de schéma
Un schéma, au sens donné dans la théorie des schémas, représente un ensemble de
connaissances génériques. Une catégorie générale (schéma) comprend des
emplacements pour tous ses éléments constitutifs, ses caractéristiques. Les schémas
sont imbriqués les uns dans les autres, à différents niveaux d’abstraction. Leurs
relations sont représentées sous forme de réseaux (plutôt que de hiérarchies) ; ainsi,
chaque schéma est relié à de nombreux autres. Par exemple, le schéma de quelqu’un
pour « œuf » pourrait comprendre les composantes illustrées dans le diagramme ci-
dessous.

Exemple : Schéma du concept « Œuf »


29

Les schémas sont toujours organisés de façon pertinente. Ils sont extensibles et
peuvent évoluer pour inclure d’autres variables et d’autres particularités, au fil des
expériences de la personne. Certaines variables sont obligatoires ; d’autres non. Chaque
schéma est imbriqué dans d’autres schémas et contient lui-même des sous schémas. Les
schémas changent constamment en fonction des informations reçues. Ils peuvent être
réorganisés lorsque des données entrantes demandent une restructuration. Les
représentations mentales utilisées lors de la perception et de la compréhension évoluent
suite à ces processus et se combinent pour former un ensemble plus vaste que la somme
de ses parties (Anderson, 1977, p. 418–419).
Schallert, un disciple d’Anderson (1982, p. 24–25), considère que les enfants :
1. progressent clairement dans leur acquisition de métaconnaissances (conscience
de ce qu’ils savent personnellement, connaissances concernant les stratégies
d’apprentissage, etc.) ;
2. font la preuve, entre cinq et sept ans, d’une compréhension de la structure des
histoires ; (la capacité de construire des histoires de plus en plus complexes augmente
par la suite.)
3. font évoluer les concepts vers une plus grande spécificité (en réduisant les
concepts compris au départ de manière trop large) et une plus grande extension (en
élargissant les concepts compris au départ de manière trop restrictive).
Les études portant sur des adultes ont principalement comporté des tests où les
sujets devaient assimiler de nouvelles informations au moyen de schémas déjà établis.
Schallert (1982, p. 26) se réfère à des études montrant que les gens comprennent mieux
des concepts abstraits après avoir assimilé des informations concrètes et utiles à leur
compréhension. Ces connaissances générales, également appelées connaissances
préalables, constituent un cadre dans lequel la structure nouvellement créée peut
s’insérer.
L’exemple suivant souligne l’importance des connaissances préalables : un jour,
dans une salle informatique, j’ai entendu par hasard une conversation en anglais.
L’anglais étant ma langue maternelle, j’ai été stupéfaite de constater que je ne
comprenais absolument rien à cette discussion de 15 minutes, mis à part qu’il était
question d’ordinateurs. Mes connaissances préalables n’englobaient ni les termes
techniques, ni les concepts dont parlaient ces programmeurs en informatique. Ceci dit,
je suis tout à fait capable d’employer dans une discussion les termes techniques des
théories de l’apprentissage, car c’est un domaine pour lequel j’ai construit des schémas.
Ceux qui connaissent moins ce domaine ne comprendront rien à cette discussion tant
qu’ils n’auront pas développé leurs schémas, grâce aux explications et aux définitions
du vocabulaire employé.
Ainsi, concernant l’interprétation des messages, la compréhension augmente à
mesure que la pensée interagit avec le message et se sert des indices qu’il contient pour
insérer les nouvelles données dans la structure existante des connaissances. Les
connaissances que la personne possède déjà et son analyse du contexte influencent
fortement ce processus (Anderson, 1978, p. 72). Cette interaction entre les
connaissances nouvelles et anciennes, Anderson l’appelle l’instanciation (Anderson,
Pitchert, Goetz, Schallert, Stevens et Trollip, 1976). Dans ce processus, deux méthodes,
l’une « généralisante » et l’autre « particularisante, » servent à opérer une sélection
parmi les variables possibles. Tout comme les expériences antérieures du sujet et la
30

nouveauté du contenu, l’approche adoptée par le sujet influence à la fois l’encodage et


le rappel. Cependant, toutes les inférences possibles ne font pas l’objet d’une
instanciation. Le fait qu’un sujet établisse ou non une connexion dépend de
l’importance du contenu pour l’interprétation qu’il est en train de construire (Schallert,
1982, p. 27–34).

Des conséquences importantes

En affirmant que les connaissances, les intérêts et l’expérience servent de structure


d’ordre supérieur pour organiser les liens entre les schémas et l’interprétation du sens,
la théorie des schémas a des conséquences importantes pour les pédagogues,
notamment :
La faculté d’apprentissage repose plus sur l’existence d’une structure de schémas
généraux (connaissance préalable) auxquels les nouvelles connaissances peuvent être
associées, que sur les stades du développement. « La compréhension, et donc
l’apprentissage et la mémoire dépendent de l’usage des schémas appropriés »
(Anderson, 1977, p. 421). On peut attribuer de nombreuses difficultés d’apprentissage à
des connaissances générales insuffisantes, en particulier dans des situations
interculturelles.
Puisque les connaissances préalables sont indispensables à la compréhension de
nouvelles informations, les bons enseignants analyseront les connaissances de leurs
élèves et s’y référeront pour faciliter l’acquisition de nouvelles connaissances. Soit ils
aideront leurs élèves à acquérir les connaissances préalables, soit ils leur rappelleront
ce qu’ils savent déjà avant de leur présenter un nouveau contenu.
En aidant les élèves à développer de nombreuses connexions entre les schémas au
lieu de se contenter d’un ou deux liens, on peut accroître progressivement leur
compréhension. Une discussion, une chanson, un jeu de rôle, des illustrations, des aides
visuelles et des explications sur l’application d’une connaissance sont autant de
techniques utiles pour renforcer les connexions.
Les schémas abstraits suscitent chez les individus le besoin d’élaborer des scénarios
concrets. En d’autres termes, la compréhension de messages abstraits dépend de la
capacité d’un individu à instancier (à se représenter) des abstractions avec des
représentations concrètes cohérentes avec le message (Anderson, 1977, p. 423–424).
Cela diverge grandement de la conception antérieure selon laquelle, si le texte est
abstrait, les processus mentaux utilisés pour celui-ci sont également abstraits.
Les schémas bien élaborés sont très facilement assimilables (Anderson, 1977,
p. 421,429). Toutefois, plus un schéma peut couvrir de situations variées, moins il sera
adapté à une situation dans toute la richesse de ses spécificités. Pour les enseignants,
cela souligne l’importance d’accorder beaucoup de soin à la mise en place de concepts
génériques. Une fois que les apprenants ont saisi un concept générique, ils sauront lui
associer de nombreux éléments.
L’utilisation d’un schéma implique nécessairement de construire des
interprétations parce que chaque situation comprend au moins quelques
caractéristiques nouvelles. Le secret d’un transfert de connaissances réussi réside dans
la bonne construction de ces interprétations. Par exemple, dans le diagramme illustrant
le réseau d’idées pouvant être contenues dans le concept œuf, l’une des séries d’entrées
31

(celle reliée à OISEAU) appartient à un niveau hiérarchique plus élevé que les autres.
Lors de l’enseignement du concept œuf, une bonne interprétation du diagramme
mentionnerait l’importance de cette catégorie-là.
À mesure que de nouvelles informations sont acquises, les schémas évoluent par
extension, articulation et affinement progressifs. Cependant, un enseignement
didactique aura rarement une influence sur les schémas les plus profonds (par exemple,
ceux relatifs à la vision du monde). Plus le schéma est construit, moins il sera
susceptible d’évoluer. Les études à ce sujet montrent que, lorsque l’acceptation de
nouvelles informations nécessite une réorganisation cognitive majeure, les gens
peuvent éprouver un fort conflit interne et tendent à s’opposer à cette réorganisation
(Anderson, 1977, p. 424–425). (La personne perçoit les difficultés inhérentes à une
réorganisation totale et a peur de renoncer aux convictions qui lui ont donné des
repères toute sa vie). Cela concerne particulièrement les situations interculturelles
d’enseignement et explique (d’un point de vue psychologique) pourquoi des messages
nouveaux peuvent faire l’objet d’un fort rejet.
Les gens qui tiennent beaucoup à un certain schéma sont souvent enclins à tolérer
et à assimiler dans leurs schémas de nombreuses preuves du contraire (telles que des
incohérences et des contre-exemples évidents) (Anderson, 1977, p. 425). Même s’ils
peuvent s’apercevoir que les nouvelles données sont plus logiques, ils peuvent choisir
de camper sur leur position afin de ne pas avoir à réajuster des convictions
profondément enracinées.
Un schéma a le plus de chances de changer quand quelqu’un identifie une difficulté
dans sa position actuelle et se rend compte que le problème peut être réglé dans un
schéma différent (Anderson, 1977, p. 427). Lorsque les preuves allant à l’encontre de
l’ancienne position deviennent si convaincantes que celle-ci n’apparaît plus tenable, la
personne peut alors adopter rapidement la nouvelle position. Cela est vrai pour tout
changement de paradigme, qu’il soit séculier ou religieux.
Les personnes qui enseignent dans des classes d’une autre culture que la leur
peuvent se servir des principes de la théorie des schémas pour identifier des concepts-
clés, donner des informations de base avant la leçon, aider les élèves à faire le lien
entre des idées pertinentes et les aider à en déduire des interprétations. Cette théorie
leur permet également de mieux comprendre les élèves ayant des difficultés à assimiler
un schéma qui va à l’encontre de leurs suppositions préalables.

Application

La théorie des schémas nous apprend que :


• Les connaissances sont emmagasinées dans des réseaux appelés « schémas » ;
• La connaissance préalable joue un rôle important dans l’apprentissage de nouveaux
concepts et on doit l’activer pour que des connexions se créent ;
• Pour être mémorisées, les connaissances doivent s’ancrer par de nombreuses
connexions à un schéma ; l’enseignant doit donc utiliser différents moyens de
communication : musique, jeux de rôles, jeux, supports visuels, présentation audio,
exercices dans le cahier, etc. ;
• Les schémas bien élaborés permettent d’assimiler beaucoup de choses ;
32

• Les schémas s’enrichissent et évoluent en fonction des informations reçues ;


• Les schémas bien installés résistent au changement ; pour qu’un changement de
paradigme ait lieu, il faut d’abord une accumulation de preuves.
33

Exemple : Application de la théorie des schémas


Leçon de CE2 [Ou troisième année de primaire] : les bonnes choses dans notre
nourriture
Objectif : Créer un nouveau schéma : la nourriture contient des éléments indispensables à
une bonne santé.
Moyens
1. Employer de nombreux moyens de communication pour faciliter la mémorisation
de la leçon.
2. Établir des connexions pour fixer les nouvelles connaissances dans l’esprit des
élèves.
Matériel : Bananes plantains mures, couteau, cuillère, presse-purée, cuisinière, bols.

Plan de la leçon
1. Commenter l’image avec les enfants. Leur expliquer que la nourriture contient de
nombreuses substances qui nous aident à rester en bonne santé. Dans la banane
plantain, par exemple, ce que nous voyons, ce sont les fibres alors qu’elle est
essentiellement composée d’eau. En plus de l’eau et des fibres, elle contient une
dizaine de substances, qui ont chacune un rôle particulier.
Lire tous les noms de substances écrits dans la liste et parler du rôle de chacune.
Expliquer que tous les aliments contiennent des fibres, de l’eau, des vitamines et des
sels minéraux.
2. Travail en groupe. Se laver les mains, peler les bananes plantain, les mettre dans la
marmite avec de l’eau. Les faire cuire sur la cuisinière.
34

3. Pendant que les bananes cuisent, apprendre aux élèves le chant suivant sur l’air de
Matsigenka lullaby :
1. A l’intérieur de ma banane 3. A l’intérieur de ma banane
Il y a surtout de l’eau, Il y a de bonnes vitamines,
Surtout de l’eau. De bonnes vitamines.
2. A l’intérieur de ma banane 4. A l’intérieur de ma banane
Il y a des fibres délicieuses, Il y a aussi des sels minéraux,
Des fibres délicieuses. Il y a aussi des sels minéraux.
4. Écraser les bananes plantains cuites, ajouter de l’eau et servir cette boisson.
Expliquer que celle-ci est très nourrissante et qu’on la boit dans de nombreux pays.
5. Revoir les informations sur les tableaux et rechanter le chant.
6. Demander aux élèves de citer quatre éléments importants contenus dans les bananes
et dans tous les aliments.

Le traitement de l’information - Robert Gagné

Robert Gagné est un psychologue de l’éducation, perçu comme cognitiviste et


associationniste du courant de l’apprentissage verbal. Il est connu pour son modèle du
traitement de l’information. Selon les behavioristes, l’apprentissage ne serait qu’une
suite de stimulus-réponses. Pour Gagné, en revanche, il s’agit d’une série de processus
internes nécessaires pour percevoir, choisir, emmagasiner et rappeler des informations.
Selon lui, ces processus s’appliquent à toute activité de mémorisation.
35

La séquence des processus internes selon Gagné

Les processus de traitement de l’information sont définis par Gagné (1985, p. 76) de la
façon suivante :
1. Les récepteurs sensoriels (yeux, oreilles, peau, etc.) reçoivent des stimuli ;
2. Ces stimuli se transforment en impulsions nerveuses qui sont transmises à ... ;
3. Un registre sensoriel qui filtre et élimine les stimuli inutiles tels que les bruits de
fond et qui retient les éléments devant être emmagasinés dans la mémoire
(perception sélective) ;
4. Les signaux choisis sont envoyés dans la mémoire à court terme où ils sont
conservés peu de temps : sensations auditives, paroles, images visuelles. Ils sont,
soit :
a. retenus quelques secondes ou éliminés (comme dans le cas d’un numéro de
téléphone qu’on compose et qu’on oublie aussitôt),
b. soit encodés sur le plan sémantique (c’est-à-dire par des mots) et envoyés à...
5. La mémoire à long terme qui les stockera ;
lorsqu’on fait appel à une information stockée, un processus de rappel se met en
marche.
6. Une recherche s’effectue dans la mémoire à long terme ;
7. L’information est retrouvée et envoyée dans la mémoire à court terme ;
8. De là, elle est envoyée dans un générateur de réponses qui ordonne au cerveau et
aux muscles de réagir ;
9. Pour finir : des effecteurs donnent la réponse nécessaire, ensuite l’organisme
chargé du traitement…
10. attend la réaction, ce qui fournira un renforcement et lui signalera si d’autres
réactions sont nécessaires.
(Gagné, 1985, p. 71–77)

La hiérarchie des connaissances

Gagné a émis une théorie disant que toutes les connaissances sont hiérarchisées de
façon ascendante (même si, dans ses écrits ultérieurs, il est moins certain de cette
hiérarchisation et met plutôt l’accent sur les pré requis à partir desquels l’apprentissage
se fait). Selon son schéma hiérarchique cependant, toutes les compétences
intellectuelles et l’apprentissage suivent le schéma ci-dessous où, pour atteindre chaque
niveau, il faut maîtriser les niveaux inférieurs.
36

5. Règles d’ordre supèrieur

4. Règles

3. Concepts

2. Différenciations

1. Associations et chaînes (forms élémentaires de l’apprentissage)


(Adapté de Gagné, 1985, p.55)

Explications :
Les associations sont les éléments de base à partir desquels est construit ce modèle.
Une association, c’est tout simplement deux idées habituellement mises ensemble
(Gagné, 1985, p. 23). Par exemple, les noms communs avec les objets correspondants :
le mot « table » associé au meuble, « cheval » à l’animal, « arbre » au végétal, « mère » à
la personne, « nourriture » à des choses à manger. Il existe aussi des associations de
nature différente, comme par exemple « rose » avec l’odeur, « docteur » et « hôpital »,
« feu » et « danger », le chiffre « 1 » et la quantité « un ». Avec les associations, un
stimulus donné déclenche une réponse ou une image mentale données.
Les chaînes sont des suites logiques d’associations, comme attacher ses chaussures,
s’asseoir sur une chaise, souffler une bougie, se servir d’un crayon, bander une plaie,
chanter une chanson, faire ses devoirs, conduire une voiture, utiliser un ordinateur ou
écrire une rédaction. Les chaînes peuvent être simples ou complexes, mais pour réussir
l’action, il faut exécuter les séquences dans l’ordre. (Gagné, 1985, p. 36–38).
Les différenciations sont les différences observées entre des propriétés et des objets
légèrement différents. Cela veut dire que l’on reconnaît la distinction entre des
concepts tels que « balle » et « ballon », « homme » et « femme », les nombres « un »,
« deux » et « trois » et les lettres « a », « b », « c ». Savoir discriminer les sons devient
important quand on étudie une langue étrangère.
Différencier implique aussi de savoir faire la différence entre des propriétés comme
« doux » et « dur » ; « rouge », « rouge foncé », « rouge léger » et « rose » ; « gentil »,
« généreux », « poli » et « pacifique » ; « grand », « plus grand », « le plus grand » ;
« vert », « mûr », « pourri ». Reconnaître la différence entre un chat et un chien est une
différenciation entre deux catégories. Faire la différence entre un chat domestique, un
chat persan et un chat siamois est une différenciation à l’intérieur d’une catégorie.
Les concepts sont des idées abstraites formées chacune d’un réseau d’idées et de
définitions. Exemples de concepts abstraits : la justice, la politique, la crise, la
sympathie, la vieillesse, l’amitié, l’honneur, la rébellion, la gloire, l’autorité, la loyauté,
la vertu. Vous remarquerez la façon dont chacun de ces concepts contient un réseau
d’idées.
37

Parmi les exemples de concepts contenant des définitions qui équivalent à une
règle, il y a : un litre, qui représente une quantité de liquide égale à 100 millilitres ; un
mètre qui équivaut à une longueur de 100 centimètres ; un pourcentage, qui représente
une partie d’un certain objet ou d’une quantité ; une bibliothèque, qui désigne une
pièce ou un édifice contenant des livres. Gagné (1985, p. 53) fait remarquer qu’il ne
suffit pas de connaître la définition ou la règle inhérente au concept, mais qu’il faut
savoir l’appliquer ou comprendre comment l’on se sert du concept.
Les règles (ainsi que les généralisations) établissent des principes valables dans de
nombreux cas. Ceux-ci sont fréquemment des liens de cause à effet ou des corrélations.
Exemples :
• règle scientifique : l’air chaud monte, l’air froid descend.
• règle de mesures : 100 millilitres de liquide égalent un litre.
• règle de grammaire : le verbe s’accorde avec son sujet en personne et en nombre.
• règle mathématique : trois fois quatre égalent douze.
• règle de conduite : si vous voulez que les autres vous traitent bien, traitez-les
bien.

Les règles d’ordre supérieur combinent des règles simples en un processus plus
complexe. C’est le domaine où la résolution de problèmes se produit.

Exemple : Les connaissances requises pour résoudre un problème de


mathématiques
Question : combien vont me rapporter 2 000 dollars, si je les investis pendant trois ans
à un taux d’intérêt de 3,75% ?
Processus : (établi en appliquant le schéma de Gagné en partant du bas vers le haut.)
5. Savoir appliquer les règles d’ordre supérieur (combinaisons de règles) pour trouver
la solution.
4. Règle : connaître la formule pour calculer le pourcentage.
3. Concept :
- savoir comment les intérêts s’ajoutent aux investissements ;
- connaître la méthode utilisée pour le paiement des intérêts ;
- comprendre le système monétaire (en dollars) et l’addition, la soustraction, la
multiplication, la division et les décimales.
2. Différenciation :
- savoir la différence entre intérêt et investissement ;
- comprendre la différence entre calculer des intérêts et calculer une aire ou un
volume.
1. Associations : savoir les noms des nombres, leurs symboles et les quantités qu’ils
représentent.
38

Contrairement à Piaget, Gagné pensait que tout enfant peut comprendre n’importe
quel principe, règle ou généralisation, si on lui a enseigné au préalable les
connaissances pré requises (associations, différenciation et concepts). Une fois le
concept compris, l’élève peut l’utiliser sans limitation. Cette idée, révolutionnaire
lorsqu’elle fut exposée pour la première fois, est à présent mieux acceptée.

L’importance du concept de hiérarchie

Les enseignants, notamment en situation de mixité culturelle, supposent souvent à tort


que les élèves connaissent les associations simples et les différenciations pré requises au
nouveau concept ou à la nouvelle règle enseignés. En fait, il se peut que les élèves
n’aient jamais entendu parler des informations des niveaux inférieurs, qu’ils aient mal
compris le sujet ou que cela ne soit pas clair pour eux, ou encore qu’il leur manque des
connaissances pour faire les différenciations nécessaires pour s’en sortir avec les règles
d’ordre supérieur.
Chaque fois qu’un enseignant doit enseigner un nouvel élément, il devrait faire la
liste des éléments des niveaux inférieurs inhérents au sujet et s’assurer que les élèves
connaissent les pré requis avant d’enseigner ce qui était prévu ce jour-là.
Une grande partie de la confusion qui assaille ceux qui apprennent une langue
seconde provient du manque d’éléments culturels permettant de faire les
différenciations et les associations indispensables au sujet étudié.

Les catégories d’apprentissage

Gagné (Gagné, 1985, p. 47–48) a divisé les conduites humaines en cinq grandes
catégories ou aboutissements d’apprentissage.
• Les compétences intellectuelles : les connaissances procédurales, lesquelles incluent
la connaissance de la langue et autres activités symboliques.
• L’information verbale : la connaissance déclarative ou capacité à formuler des idées
et des propositions.
• Les stratégies cognitives : l’aptitude à organiser son propre apprentissage, sa
mémoire et sa pensée. Les stratégies cognitives incluent les techniques d’analyse et
la résolution de problèmes.
• Les compétences motrices : la capacité organisée d’exécuter des mouvements
comme conduire une voiture ou jouer au tennis.
• Les attitudes : les états mentaux qui influencent, chez un individu, le choix de ses
actions.
L’état de l’élève, ainsi que les conditions d’apprentissage, ont des effets différents
sur ces cinq catégories d’activités et affectent grandement les résultats.
Selon Gagné, l’élève trouve de la motivation grâce à la motivation incitative
(l’usage de récompenses), la motivation pour la tâche elle-même (la satisfaction
d’acquérir de nouvelles connaissances), la motivation pour atteindre des objectifs
choisis (la recherche du succès) et en l’informant des objectifs (afin qu’il puisse faire
correspondre ce qu’il fait aux attentes de l’enseignant). Le transfert de connaissances
d’une situation à l’autre est obtenu par la généralisation du stimulus quand les stimuli
39

sont similaires ou par la généralisation du concept. (Les stratégies cognitives, les règles
classificatoires et les indices nécessaires au rappel de l’information jouent tous un rôle
dans la généralisation du concept.) L’oubli est dû aux interférences, aux inhibitions et à
l’extinction.
Pour Gagné, il est important de noter que lorsqu’un élève traite un nouveau
contenu, comme indiqué ci-dessus, il acquiert de nouvelles structures mnésiques.
Celles-ci permettent à l’apprenant de montrer ce qu’il a retenu et de changer sa façon
de procéder (Gagné et White, 1978, p. 187).

La conception d’un enseignement permettant d’améliorer l’apprentissage

Selon Gagné (1985), voir aussi Gagné et Briggs (1979) et Gagné et Dick (1983), il
existe une forte relation entre de bonnes techniques d’enseignement et l’ordre dans
lequel le cerveau traite les informations. Gagné les schématise comme suit (les
explications en italique sont de Patricia Davis) :
Processus Élément de la leçon
d’apprentissage (ce que l’enseignant doit faire)
(dans la tête de l’apprenant)

Réceptivité - Attirer l’attention (nécessaire pour que l’apprentissage


ait lieu).
Attente - Informer les apprenants de l’objectif (afin qu’ils visent
un objectif précis).
Rappel dans la mémoire de - Stimuler le rappel des connaissances préalables.
travail (Poser des questions.)
Perception sélective - Présenter le contenu servant de stimulus (la leçon)
avec tout ce qui peut marquer les apprenants et les
aider à apprendre.
Encodage sémantique - Guider l’apprentissage. (Proposer une organisation
logique, donner des exercices dirigés.)
Réponse ou Réaction - Obtenir de l’apprenant qu’il fasse un exercice seul. (Il
est bon qu’il le fasse sans aide pour voir s’il maîtrise bien
la leçon.)
Renforcement - Faire des commentaires aux apprenants (leur indiquer
ce qu’ils font bien ou mal.)
Rappel et renforcements - Évaluer la performance. (Ce qu’a fait l’apprenant.)
(Donner des exercices supplémentaires, des devoirs ou un
contrôle. Le corriger dès que possible ; il est important de
commenter le travail fait dans les plus brefs délais.)
Rappel et généralisation - Renforcer la rétention et le transfert (en donnant
différents exercices et en faisant de révisions de temps à
autre).
(d’après Gagné 1985, p. 246)
40

Explication :
Selon Gagné, on capte l’attention en utilisant un procédé quelconque, parfois une
simple phrase comme « Nous allons commencer », Cela informe les élèves que le cours
va débuter et qu’il est temps d’écouter.
Les attentes dirigent l’attention des élèves vers les buts choisis afin qu’ils puissent
se concentrer sur ces objectifs et soient motivés pour les atteindre. Il faut leur dire ce
qu’ils doivent être capables de faire à la fin du cours ou bien leur faire lire le
questionnaire final pour qu’ils sachent ce qu’ils doivent apprendre.
Le rappel des connaissances préalables dans la mémoire de travail se fait par des
rappels et à l’aide des concepts intégrateurs. On peut aussi poser des questions qui
aideront les élèves à organiser leurs idées.
La perception sélective est obtenue grâce à une présentation très claire du contenu
de la leçon à l’aide d’objets ou d’illustrations. Le plan doit être rigoureux et conçu pour
faire ressortir les informations importantes. L’enseignement doit être très vivant pour
que les élèves perçoivent facilement son importance et sélectionnent les données
importantes à mémoriser.
L’encodage fait référence à la forme sémantique (verbale), sous laquelle une
donnée est mise en mémoire. L’enseignant peut poser des questions pour aider les
élèves à formuler les concepts avec leurs propres mots. En donnant différents types
d’exercices dirigés, il leur permettra de maîtriser le nouveau contenu et de
l’emmagasiner en mémoire à long terme. Cette étape prolonge la leçon. Elle donne aux
élèves l’occasion de consolider leurs connaissances et d’avoir une réponse claire à leurs
questions.
On obtient la réponse d’abord à l’aide d’exercices (souvent oraux et en groupe)
sous forme de questions, puis par des travaux individuels. L’enseignant pourra proposer
des façons pertinentes d’organiser le contenu. Les exercices ou activités contribueront à
fixer les nouvelles connaissances dans la mémoire.
Le renforcement se fait par des exercices supplémentaires (exercices systématiques,
devoirs à la maison ou série de questions) avec une correction immédiate. Des études
ont montré que la rétention est meilleure quand les enseignants ont trouvé un moyen
permettant à chaque élève de répondre individuellement (soit en levant la main, soit en
montrant la réponse sur sa feuille) au lieu d’avoir une réponse de groupe. L’apprenant
doit pouvoir vérifier aussitôt si sa réponse est juste ou, sinon, quelle est la bonne
réponse.
Le rappel et le renforcement s’obtiennent souvent en donnant aux élèves un moyen
mnémotechnique (aide-mémoire) dont ils pourront se servir pour se rappeler une
réponse. Il est aussi important de les habituer à répondre à des questions qui
nécessitent le transfert et la mise en pratique des connaissances.
Quand les élèves semblent avoir appris le contenu enseigné, on les soumet à un
contrôle officiel. Ce test va montrer tout ce dont ils arrivent à se souvenir. Revoir
ensuite le contrôle en classe va aider les élèves à en fixer le contenu. Après le contrôle,
il est important de réviser les concepts de temps à autres pour qu’ils ne soient pas
oubliés.
Le rappel et la généralisation s’obtiennent en habituant les élèves à répondre à des
questions qui nécessitent le transfert et la mise en pratique d’informations. Ces
questions doivent être préparées avant le cours, en tenant compte d’autres sujets et
41

événements connus de la classe. Pour favoriser la rétention à long terme, il y aura de


temps à autre des révisions.

Pour les enseignants de classes multiculturelles, le déroulement de l’enseignement


selon Gagné donne un plan et une série de points-clés utiles pour améliorer l’efficacité
de l’enseignement et accroître la réussite et la satisfaction de l’élève. McKenzie, un
disciple de Gagné, a développé une version légèrement modifiée du plan et des
stratégies pédagogiques de Gagné pour enseigner les différents types de connaissances
(McKenzie, 1974, 1979, 1980).

Application

La théorie du traitement de l’information de Gagné nous apprend :


• Comment la pensée traite l’information ;
• La nécessité de présenter tous les éléments de base nécessaires avant d’aborder
l’enseignement à des niveaux de fonctionnement supérieurs dans la hiérarchie de
l’information. Cela est important en particulier dans l’enseignement interculturel ;
• Que les enfants peuvent raisonner avec des concepts de niveau supérieur s’ils ont
appris toutes les informations de base pré requises ;
• L’importance d’avoir des étapes pédagogiques qui correspondent à l’ordre dans
lequel le cerveau traite les informations.

La Théorie de l’Apprentissage Social – Albert Bandura

Albert Bandura est psychologue de l’éducation. Béhavioriste au départ, il reconnaît que,


dans de nombreux cas, l’anticipation d’un résultat avant même qu’il ne se produise
suffit à motiver un comportement (au lieu de la récompense ou de la punition de
celui-ci). Bandura est aujourd’hui considéré comme cognitiviste et il est à l’origine de la
théorie de l’apprentissage social (Bandura 1963, 1965, 1977, 1986). Cette théorie
cherche à expliquer comment il se fait que la société transmette si efficacement des
mœurs, des valeurs et des compétences, alors même que les apprenants n’ont pas, le
plus souvent, conscience d’avoir été enseignés.
Bandura décrit les processus mentaux inhérents à l’apprentissage social, d’une
manière différente de Ausubel, Anderson et Gagné. Par ailleurs, comme sa théorie de
l’apprentissage social se concentre sur les méthodes pédagogiques, certains pédagogues
la considèrent plutôt comme une méthodologie éducative que comme une théorie de la
cognition.

Condensé de la théorie de Bandura

La théorie de l’apprentissage social est perspicace et vaste ; Lefrançois (1988, p. 171)


en a résumé les principaux points comme suit :
• une grande partie de l’apprentissage humain consiste à observer, puis à imiter des
modèles symboliques ou le comportement des autres ;
42

• nous apprenons à imiter les autres en obtenant des renforcements positifs.


Lorsqu’on le fait, et grâce à des renforcements constants, ce comportement imitatif
est durable ;
• l’imitation, ou l’apprentissage par l’observation, peut donc s’expliquer en termes de
conditionnement.

La contagion de l’exemple

Bandura affirme que, dans la vie courante, « les gens apprennent la majeure partie de
leurs comportements en observant ceux qui en donnent l’exemple » (1977, p. 22). Il
souligne l’immense diversité des comportements bien imités : par exemple, les
compétences linguistiques, les styles de vie, les attitudes, les émotions, les modes, les
habitudes, les façons de faire (comment se raser ou faire le ménage), les
comportements obéissant à des règles, les normes sociales et morales. Il reconnaît la
forte influence des personnes importantes dans notre entourage (parents, héros
sportifs…) et étudie l’énorme potentiel multiplicateur des modèles présentés dans les
média (acteurs, personnalités de la télévision…). « Les exemples peuvent instruire,
inhiber, désinhiber, faciliter, renforcer un stimulus et provoquer des émotions. »
(Bandura 1977, p. 50).
Les publicités à la télévision inculquent souvent quelque chose par l’exemple. Voici
un exemple hypothétique, quoique correspondant bien à la réalité :
On montre un 4x4 traversant un terrain accidenté alors que son conducteur est
assis dans le véhicule climatisé. (Exemple instructif : le spectateur apprend quelles sont
les performances du véhicule.)
Les vêtements et l’attitude du propriétaire du 4x4 indiquent que le véhicule est
celui de Monsieur Tout-le-monde. (Désinhibiteur, au cas où la réaction initiale du
spectateur serait que le véhicule est trop cher.)
La femme séduisante assise à côté du chauffeur montre que le véhicule apporte
prestige et succès amoureux. (Renforcement du stimulus et éveil d’émotions.)
On voit le couple s’avancer vers un grand garage où ces 4x4 sont vendus à bas prix.
(Facilitation : cela montre au spectateur comment acheter un nouveau 4x4.)
Une vidéo finale montre des amis déçus d’avoir acheté un modèle plus cher qui n’a
pas les mêmes performances. (Inhibiteur : le spectateur apprend à se méfier des modèles
plus chers.)

Les catégories de modèles

Le terme « modèle » peut se rapporter à une personne dont le comportement peut être
perçu comme positif par quelqu’un qui essaiera de l’imiter. Cependant, des individus
qui ne respectent ni les règles, ni les conventions, ni la morale peuvent aussi donner
indirectement un fort enseignement. Leurs pairs, voyant les conséquences de leurs
actes, décident souvent que cela ne vaut pas la peine de prendre de tels risques.
Les modèles exemplaires : Ceux qui manifestent un comportement, qu’il soit bon
ou mauvais, sont appelés modèles exemplaires. Observer le choc et les regrets de ceux
qui ont perdu des êtres chers dans des accidents causés par la conduite en état
43

d’ivresse, par exemple, a fortement contribué à ce que, dans notre société, on accepte
que, si l’on boit, on ne doit pas conduire.
Les modèles symboliques : Contrairement aux modèles vivants, ces modèles
peuvent être des livres, des enseignements écrits, des photos, des images mentales, des
personnages de bandes dessinées, dessins animés ou de films, des figures religieuses et
des personnalités de la télévision.
Casimir, le sympathique dinosaure orange de la télévision française des années
1980, est un modèle symbolique qui enseigne des règles sociales aux jeunes enfants en
leur montrant ce qu’est la gentillesse, l’adaptation aux besoins des autres et la prise en
considération de leurs sentiments.
Lire dans un journal les problèmes rencontrés par un adolescent rebelle qui a été
exclu de l’école ou a plongé dans la drogue peut avertir d’autres jeunes des risques d’un
tel comportement.

La façon efficace de montrer l’exemple

L’exemple sera efficace s’il respecte les étapes que Bandura a identifiées. Dans la
société, ce processus se produit naturellement. Si des enseignants veulent préparer un
enseignement par l’exemple, ils devront suivre chacune des étapes suivantes :
1. Le processus attentionel : pour toucher l’apprenant, le modèle doit attirer
l’attention (en étant séduisant, célèbre, en ayant du succès) ou être, d’une façon ou
d’une autre, attachant et crédible. Les comportements exemplaires doivent également
suivre un plan rigoureux, conçu pour attirer l’attention. Ils doivent être
caractéristiques, attrayants, moyennement complexes (ni trop simples, ni trop
difficiles), assez communs pour être pertinents et fonctionnels.
Les apprenants doivent être physiquement capables de recevoir les stimuli et de
les imiter (inutile de montrer un film à des gens qui voient mal, par exemple !). Il faut
qu’ils aient envie de le faire et soient convaincus que, s’ils essaient d’imiter l’action
donnée en exemple, ils réussiront. (Reiser et Gagné, 1982, p. 499–512).
Par exemple, on demande souvent à des joueurs de basket-ball célèbres d’entraîner
des enfants handicapés ou des jeunes. En tant que modèles, ils attirent l’attention grâce
à leurs compétences et à leur succès. Quand ils entraînent le groupe à un niveau de
difficulté adapté, la tâche n’est ni trop difficile ni trop facile, mais appropriée et utile à
des enfants qui ont besoin d’avoir confiance en eux-mêmes. Le succès de leur
entraîneur les encourage à croire qu’avec beaucoup de travail ils pourront eux aussi
atteindre leurs objectifs.
2. Les processus de rétention. Pour que les élèves bénéficient du comportement
montré, ils doivent se souvenir de ce qu’ils ont vu. Un encodage symbolique
(habituellement, une explication verbale) aide les élèves à retenir une leçon. Une
illustration marquante peut avoir le même effet, tout comme une répétition mentale, et
une répétition (une mise en pratique) de l’action motrice.
Par exemple, l’émission télévisée éducative « 1, rue Sésame » pour les enfants, ou les
séries télévisées pour adultes portant sur des leçons de cuisine, d’art ou d’exercice
physique. Ces émissions sont préparées avec soin de façon à être intéressantes, avec des
couleurs vives et des actions dont on se souvient facilement. On y trouve toujours une
démonstration et, en plus des explications verbales, il peut y avoir des sous-titres. Les
44

modèles sont attrayants et les sujets adaptés à chaque âge visé. Les images vives et les
démonstrations rendent ces cours faciles à mémoriser et illustrent bien les principes de
Bandura.
3. Les processus de reproduction motrice consistent à mettre en pratique le
comportement montré, qu’il s’agisse d’être une bonne hôtesse, de faire un discours, de
nager ou lancer correctement un ballon. Les techniques complexes telles que le billard,
le golf ou la gymnastique acrobatique demandent une longue période de tâtonnements
et d’améliorations par de l’autocorrection et des retours sur la performance.
4. Les processus motivationnels. Même si on a appris un comportement, on ne le
met pas nécessairement en pratique. Tout dépend des conséquences observables. La
récompense ou l’absence de récompense influencent la mise en pratique de façon
positive ou négative. De plus, tout le monde n’a pas les mêmes goûts, ce qui fait que le
comportement exemplaire n’est pas accepté par tous de la même façon. Il est donc
important que les enseignants donnent des incitations qui sont des récompenses aux
yeux des élèves.

Le renforcement

Les théoriciens de l’apprentissage social estiment qu’on apprend d’abord de façon


symbolique un comportement et qu’on l’accepte avant de le reproduire. Trois sortes de
renforcements encouragent l’apprentissage de nouveaux comportements et leur mise en
pratique.
1. Le renforcement externe. Ce sont des récompenses que l’apprenant apprécie.
Attention ! Une même récompense ne sera pas appréciée pareillement par tous (dans
certains contextes, même un compliment bien-intentionné peut mettre mal à l’aise un
élève), d’où l’exhortation à donner des récompenses jugées telles par ceux qui les
reçoivent.
2. Le renforcement indirect. Les apprenants observent et tirent la leçon des
conséquences, bonnes ou mauvaises, d’un acte sans avoir à les subir eux-mêmes. Si
quelqu’un voit un comportement récompensé, il aura davantage tendance à l’accepter
et à l’adopter. S’il voit un comportement puni, il aura davantage tendance à l’éviter.
L’observation des conséquences établit des normes et peut modifier un comportement à
peu près de la même façon que les conséquences vécues personnellement (Bandura,
1977, p. 117–118).
3. L’auto renforcement. Les gens tiennent fermement aux idées qui marchent pour
eux. Ce sont les idées qui leur permettent d’évaluer leur propre comportement, établir
leurs propres normes et se récompenser avec des récompenses à leur portée quand ils
ont atteint leurs objectifs. L’exemple permet d’apprendre aux apprenants, de façon
directe ou indirecte, à se fixer des normes et à s’encourager eux-mêmes par une
récompense, une fois le but atteint (Bandura, 1977, p. 128–138).
Attention : l’auto renforcement est une fonction nécessaire et salutaire. Il permet de
persévérer quand tout autre encouragement fait défaut. Toutefois, comme l’estime de
soi est très liée à l’atteinte d’un but (Bandura, 1977, p. 140–142), l’auto renforcement
devient dysfonctionnel si l’on place la barre trop haut ou si l’autopunition est excessive.
45

L’auto évaluation et le choix des amis

Les conséquences extérieures auront un grand impact sur le comportement quand elles
sont compatibles avec les valeurs déjà internalisées. Ainsi, les actes suivis d’une
récompense externe procurent de l’autosatisfaction et les actes suivis d’une punition
externe sont autocensurés (Bandura, 1977, p. 155). À cause de cela, les gens ont
tendance à s’associer à ceux qui ont les mêmes normes de conduite, ce qui assure un
soutien social à leur propre système d’auto renforcement.

L’évitement du sentiment de culpabilité

Si quelqu’un transgresse les normes éthiques de conduite qu’il a intériorisées, il se sent


coupable. L’anticipation de ce sentiment suffit en général à détourner la personne
d’actes répréhensibles. En effet, les gens aiment avoir une bonne image d’eux-mêmes et
préfèrent s’engager dans des activités sources d’autosatisfaction. Selon Bandura, la
barrière morale est très forte quand la conduite répréhensible est clairement liée à des
effets préjudiciables pour les autres (Bandura, 1977, p. 155).

Les mécanismes qui impliquent la restructuration cognitive

Ceux qui, pour une raison ou une autre, se conduisent sciemment de manière
répréhensible ont des mécanismes pour éviter de se sentir coupables. Voici ceux que
Bandura (1977, p. 155–158) décrit :
La justification morale : les actes répréhensibles sont justifiés parce qu’ils servent à
des objectifs prétendument valables : de nombreux actes de cruauté, par exemple, ont
été opérés au nom de principes religieux, d’idéologies de pureté et de l’ordre social
(1977, p. 156). Les Nazis ont exterminé des Juifs au nom de « la purification raciale ».
La comparaison palliative : on fait paraître dérisoires des actes répréhensibles en
les comparant à des atrocités plus flagrantes ; « Ce que je leur ai fait n’est rien en
comparaison avec ce qu’ils m’ont fait. »
L’euphémisation : la personne désigne des activités répréhensibles par un
euphémisme qui les masque, diminue leur gravité, voire les rend respectables. « Une
abondance de paroles, qui ne disent presque rien, vise à minimiser une conduite
pernicieuse et à dédouaner de leurs actions ceux qui les commettent. » (1977, p. 156)
Les exemples sont multiples : les termes « pieux mensonges », « emprunter » (pour
« voler »), « tombé du camion » (pour « voler »), « elle a fêté Pâques avant les
Rameaux » au lieu de « elle a eu un enfant avant le mariage », « il a fait une bêtise » au
lieu de « il a commis un délit ».

Les mécanismes qui voilent ou dénaturent la relation entre actions et effets.

Minimiser les conséquences : Justifier l’acte en lui accordant peu d’importance, par
exemple :
« Personne n’a souffert. » ; « Cela a seulement touché un petit groupe de gens. » ; « Pas
besoin de leur rendre l’argent : ils sont riches. »
46

Ignorer les conséquences, c’est négliger les effets néfastes de nos actions,
notamment quand leurs conséquences n’affectent pas directement les personnes au
pouvoir. Les gouvernements et l’industrie, par exemple, nient souvent la pollution de
l’environnement ou les risques d’accident du travail jusqu'à ce qu’il y ait une crise
sanitaire ou des accidents.
Mal interpréter les conséquences : Certains se persuadent eux-mêmes que personne
ne va découvrir qu’ils ont fait de fausses déclarations d’impôt, ou bien qu’ils se sont
enrichis en détournant des fonds ou encore qu’ils peuvent résoudre une mésentente en
accusant à tort un collègue pour le faire licencier. En interprétant mal les conséquences
de leurs actions, ils parviennent (au moins pour un temps) à ne pas tenir compte des
effets négatifs de leur conduite et à éviter le sentiment de culpabilité.

Les mécanismes qui déshumanisent la victime

La déshumanisation : La déshumanisation consiste à attribuer à une personne, ou à un


groupe de personnes, un statut inférieur à celui d’être humain. Pratiquement tout le
monde réprouve la cruauté et excuse rarement son utilisation envers des personnes.
Cependant, on considère les animaux comme insensibles et n’obéissant qu’à la force.
Dans une société bureaucratique automatisée, urbanisée et très instable, les relations
anonymes et impersonnelles sont fréquentes. Il est alors facile de considérer que les
étrangers, ou ceux qui sont très différents, sont insensibles et primitifs. Une fois qu’une
personne, ou un groupe, est déshumanisé, on peut tout lui faire subir ou presque. En
1850, on a déclaré que les esclaves des États-Unis n’étaient pas des êtres humains. En
1939, Hitler a dit la même chose pour les Juifs. Ces groupes ont ensuite été traités
comme des animaux. (Adapté de Bandura, 1977, p. 156)
Rejeter la faute sur la victime : Les relations nuisibles comportent une série
d’actions où les victimes reçoivent leur part de responsabilité. On peut toujours se
focaliser sur un comportement non désirable de son adversaire et considérer cela
comme la source du problème. Les victimes sont alors accusées d’être responsables de
leur propre malheur. Le coupable excuse ses propres actions en reportant la faute sur la
victime (1977, p. 158). On a entendu des épouses, qui ont tué leur mari violent, se
justifier en disant : « C’était de sa faute. »

Les mécanismes qui déplacent la responsabilité

Le transfert. Les gens se comporteront d’une manière qu'habituellement ils réprouvent,


si une autorité légitime approuve leur conduite et assume la responsabilité des
conséquences. (Kelman, 1973 ; Milgram, 1974). En déplaçant notre responsabilité vers
une autorité, on se décharge de sa propre responsabilité et des interdits qui lui sont
associés. Des soldats peuvent justifier leurs crimes de guerre en disant qu’ils obéissaient
à des ordres venant de leurs supérieurs.
La dilution. En divisant le travail, en répartissant la prise de décisions et en
agissant collectivement, les gens peuvent avoir un comportement répréhensible sans
s’en sentir personnellement responsables. Les gens agissent plus méchamment quand
l’instrumentalité collective voile leur responsabilité (Bandura, Underwood et Fromson,
1975). C’est le cas des rites d’initiation (à une bande) ou du bizutage. Des écoliers
47

peuvent se grouper pour harceler un enfant plus faible et se montrer plus insensibles
collectivement que s’ils agissaient seuls.
Il faut que les enseignants sachent voir clair dans ces justifications d’actes
répréhensibles pour aider les élèves à s’en rendre compte afin de les éviter.

Conseils pour les enseignants

Pour les enseignants, l’intérêt de la théorie de l'apprentissage social est de porter sur les
stratégies d’enseignement et d’apprentissage qui ont fait leurs preuves dans le
fonctionnement de la société. Montrer l’exemple est parfois le meilleur moyen
d’enseigner certains comportements et de mettre en garde contre d’autres. En s’en
inspirant, les enseignants en tireront un bénéfice. Pour que l’exemple réussisse, il faut
cependant veiller à :
• Attirer l’attention ;
• Rendre l’apprentissage mémorable ;
• Donner des occasions de le mettre en pratique ;
• Dispenser des récompenses appropriées aux yeux des élèves.
On doit fixer des attentes d’efficacité. Bandura (1977, p. 80) conseille de montrer
aux élèves qu’ils sont capables de réussir au moyen :
• de tâches réalisées (en les aidant à les faire) ;
• d’expériences indirectes (observer quelqu’un d’autre faisant l’action) ;
• de persuasion verbale (leur dire qu’ils sont capables de le faire) ;
• d’éveil de leurs émotions (les aider à vouloir faire la tâche).
Le renforcement, interne, externe et indirect entretient les comportements. Les
élèves oublient un comportement quand il n’est plus renforcé. Il est possible de leur
apprendre à se fixer des objectifs et à se récompenser par un auto renforcement
approprié.
Pour les enseignants qui enseignent à des minorités ethnolinguistiques, montrer
l’exemple est un excellent outil pédagogique, tout comme l’emploi de marionnettes, de
jeux de rôles, de saynètes ainsi que l’exemple de visiteurs officiels, de certains parents,
de notables et autres personnalités.

Application

La théorie de l'apprentissage social nous apprend :


• L’universalité et l’importance de l’apprentissage par l’exemple ;
• Les modèles qu’on peut utiliser pour enseigner ;
• Le déroulement de la séquence pédagogique pour que l’exemple montré soit
efficace ;
• Les types de renforcement à la disposition des enseignants ;
• Les mécanismes que les gens utilisent pour justifier un comportement
répréhensible.
Chapitre 4

Les styles d’apprentissage et les méthodes d’enseignement

Introduction

Les recherches de Herman A. Witkin et de ses associés, commencées dans les années
1940, sont à l’origine d’une l’école de pensée : les styles d’apprentissage.
Les styles d’apprentissage concernent la façon dont les gens abordent
habituellement des tâches d’apprentissage. Il existe différents styles d’apprentissage :
auditif, visuel, kinesthésique ou tactile (Constantinidou et Baker, 2002 ; Dunn et
Griggs, 2003), mais notre chapitre portera sur les styles d’apprentissage cognitifs, c’est-
à-dire les processus mentaux impliqués dans l’apprentissage.
Witkin et ses collègues ont identifié deux principaux styles d’apprentissage : la
dépendance du champ et l’indépendance du champ (Cohen, 1968, 1969 ; Witkin, 1978,
p. 2). Leurs découvertes ont suscité un vif intérêt parmi les pédagogues et, au fil des
ans, d’autres styles d’apprentissage ont été proposés. Ils sont représentés ci-dessous
comme les pôles d’un continuum :

Types de styles cognitifs Chercheur


Pensée convergente_____________ Pensée divergente Guilford 1950
Analytique___________________________Synthétique Tyler, 1965
Acuité_________________________________ Nivellement Tyler 1965
Séquentiel___________________________ Simultané Luria 1966a, 1966b
Simplicité cognitive_____________ Complexité cognitive Kogan 1979, Bieri 1961
Par spécification__________________ Par généralisation Ausubel 1978
Par centration______________________Par balayage Rice 1979
(Valencia, 1980–1981, p. 62–63)

Pour comprendre les contrôles cognitifs, Klein, Gardner et Schlesinger (1962) ont
fait des recherches sur la tolérance à des expériences irréalistes. Kagan, Rosman, Day,
Albert et Phillips (1964) ont étudié le traitement de l’information en fonction des
attitudes analytiques ou réflexives. Pask (1976a ; 1976b) a amélioré les connaissances
sur les apprenants holistiques, les apprenants analytiques et ceux qui fonctionnent selon
les deux modes (à savoir les apprenants bicognitifs 1 qui manifestent des compétences à la
fois holistiques et analytiques). Dunn et Dunn (1978) ont étudié les éléments de
l’environnement et les méthodes pédagogiques qui affectent nettement les apprenants
n’ayant pas les mêmes styles d’apprentissage. Avec Price, ils ont élaboré cinq

1
Un apprenant bicognitif utilise les deux façons d’apprendre : le mode holistique et le mode analytique.
L’un des deux modes est néanmoins souvent dominant.

48
49

questionnaires permettant d’inventorier les styles d’apprentissage et d’identifier vingt-


trois caractéristiques des différentes modalités d’apprentissage (Dunn, 1988, p. 306–
307). Quant à Howard Gardner (1983), il a introduit le concept d’intelligences
multiples.
Les chercheurs ne partent pas des mêmes bases théoriques et ils utilisent des termes
différents ce qui fait que chaque étude apporte une contribution spécifique. Toutefois,
leurs travaux ont un grand nombre de points communs. Le but de ce chapitre est de
réunir les principaux thèmes apparaissant dans les ouvrages publiés sur l’apprentissage
et l’enseignement dans les sociétés minoritaires, à commencer par les concepts centraux
du modèle utilisé par Witkin et ses collègues, et qui seront complétés par des
informations tirées d’autres modèles. Dans un domaine si vaste et complexe, aucune
théorie sur l’apprentissage humain n’est définitive, mais la combinaison des théories
nous permet de nous rapprocher de la vérité.

Quelques mots sur la terminologie

Les termes en usage pour décrire les fonctions cognitives comportent d’importantes
nuances.
Le style cognitif se rapporte à la manière dont le cerveau d’une personne traite des
données.
Le style d’apprentissage cognitif est la manière habituelle avec laquelle une
personne apprend. Ce n’est pas la même chose que :
Le développement cognitif : capacité croissante du cerveau à traiter l’information et
qui évolue avec les stades successifs de son développement.
Les stratégies d’apprentissage : techniques spécifiques utilisées pour favoriser
l’apprentissage, telles que la démonstration ou la répétition en groupe.
Les modalités habituelles d’apprentissage : méthodes d’apprentissage et
d’enseignement habituellement utilisées dans une société donnée.
Les lecteurs doivent bien identifier ces différences et utiliser les termes avec
précision, car les publications scientifiques les confondent parfois.
Les chercheurs ont utilisé parfois des termes différents pour les deux styles
principaux d’apprentissage que Witkin et ses collaborateurs appellent dépendance du
champ et indépendance du champ :

Indépendant du champ ____________ Dépendant du champ Witkin, et al, 1969–1977


Analytique_______________________________ Relationnel Cohen 1969
Analytique ______________________________ Holistique Pask and Scott, 1972, Pask 1975
Indépendant du champ ____________ Sensible au champ Ramírez and Castañeda 1974
Analytique ______________________________ Global Kindell and Hollman 2003
(d’après Valencia, 1980–1981, p. 62–63, et al.)
50

L’evolution des recherches

Des tests fiables

Après des années de travail, Witkin et ses collègues sont parvenus à mettre au point des
tests qu’ils ont jugé fiables et qui permettent d’identifier les différences de style cognitif
(Witkin, 1974, p. 103 ; 1976, p. 39–42 ; Witkin et al., 1977, p. 2–6). Les trois
principaux tests sont :
• Le test appelé Rod-and-Frame Test : on demande aux sujets de placer une tige
lumineuse à la verticale tandis qu’un cadre lumineux, seul point de référence dans
une pièce totalement sombre, est en position inclinée ;
• Le test appelé le Body-Adjustment Test : on demande aux sujets, assis dans une pièce
où tout est penché, de se tenir droits ;
• Le test appelé Embedded Figures Test (Test des figures imbriquées) : on présente des
figures géométriques ; les sujets doivent ensuite les retrouver dans une figure plus
complexe.

Exemples de figures

La tâche du sujet consiste à retrouver la figure de gauche à


l’intérieur de celle de droite.
« Reproduit avec l’autorisation de l'éditeur, MIND GARDEN, Inc., www.mindgarden.com et
tiré du Group Embedded Figures test par Herman A.Witkin, Philip K. Oltman, Evelyn Raskin
et Stephen A. Karp, Copyright 1971, 2002 par Herman A. Witkin, et al. Reproduction
interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur. »

Si le sujet arrive à accomplir ces tâches de façon satisfaisante, on dit qu’il est
indépendant du champ (IC), puisqu’il est capable de percevoir les éléments en les
isolant du champ organisé dont ils font partie. S’il n’y arrive pas, on dit qu’il est
dépendant du champ (DC), puisque l’environnement exerce une influence sur sa
perception des éléments constituants. Cependant, les résultats à ces tests montrent une
51

grande variabilité ; aussi Witkin et d’autres chercheurs en sont venus à concevoir la


dépendance du champ et l’indépendance du champ comme les deux pôles d’un
continuum sur lequel chacun peut être positionné.
Dépendance du champ________________________________________________Indépendance du champ
Environnement
Les tests positionnent certaines personnes au milieu du continuum ; d’autres sont
plus proches d’une des extrémités.
Certaines parties des tests d’intelligence déjà mis au point (par exemple le test
d’assemblage de cubes du test de Wechsler et le test de dessin d’une personne, dans
lequel on évalue des dessins représentant un être humain en comptant le nombre
d’éléments représentés) se sont aussi révélés utiles pour mesurer la dépendance du
champ.
Il faut noter que les tests de Witkin reposent beaucoup sur les sens physiques
(ajustement du corps) et sur la discrimination visuelle (figures imbriquées). Cela
présuppose que la façon dont un sujet accomplit ces actions concrètes révèle les types
de processus mentaux utilisés lorsqu’il apprend. Les critiques jugent que ce présupposé
est contestable et constitue une limitation sérieuse de la théorie de la dépendance du
champ.

La définition que Witkin donne des styles cognitifs

Suite aux découvertes de Witkin, les styles cognitifs sont définis comme étant :
[…] les modes typiques de fonctionnement logique présents dans toutes les activités
cognitives, c’est-à-dire dans les activités intellectuelles et perceptives. Ce sont […] des
manifestations […] de dimensions encore plus larges du fonctionnement personnel, qui
se retrouvent sous une forme similaire dans de nombreux domaines de l’activité
psychologique. (Witkin, 1974, p. 99)
Messick l’exprime plus simplement : « Les styles cognitifs sont les différences
individuelles constantes dans la manière d’organiser et de traiter l’information. »
(Messick, 1978, p. 5) Ausubel et ses collègues ont confirmé cette définition (1978,
p. 203).

Les caractéristiques dominantes

Dans un important article qui résumait les connaissances accumulées jusqu’à la date de
sa rédaction, Cohen (1969, p. 844–852) a utilisé les termes analytique et relationnel
pour décrire les styles cognitifs dépendants ou indépendants du champ. Les
caractéristiques socio comportementales de chaque style étaient présentées en détail
dans des tableaux. Par exemple :
52

Analytique Relationnel
Sensibilité aux parties d’objets Sensibilité aux caractéristiques
globales
Attitude plus réfléchie Les réactions apparaissent plus
impulsives
Grande concentration Dispersion
Préférence pour une distance Préférence pour une intégration
sociale sociale
Fait beaucoup d’abstractions Fait peu d’abstractions
Voit l’enseignant comme une Voit l’enseignant en tant que
source personne
d’information
Cohen (1969, p. 829) considérait les styles cognitifs comme des traits hautement
individuels, indépendants des capacités innées, de la race, du sexe ou du statut socio-
économique. Les styles cognitifs, cependant, ont un impact direct sur l’apprentissage
(Cohen, 1968, p. 201).
Witkin (1978, p. 25–29) était d’accord avec les descriptions faites par Cohen. Il
considérait l’IC et la DC comme des paramètres de traitement, des dimensions
omniprésentes du fonctionnement individuel, bipolaires (c’est-à-dire se trouvant le long
d’un continuum) et dont la valeur est neutre (c’est-à-dire qu’elles sont également
valables et utiles). Les résultats de ses travaux montrent aussi que le style cognitif d’une
personne tend à rester stable dans la durée et quel que soit le domaine (Witkin, 1978,
p. 25–29 ; Witkin, Moore, Goodenough et Cox, 1977, p. 7, 15).

La différenciation psychologique

Witkin a introduit le concept de différenciation psychologique pour décrire les


manifestations d’un style cognitif dans tous les domaines. « La différenciation renvoie à
la complexité d’une structure d’un système psychologique […] Une plus grande
différenciation se manifeste […] dans la division des activités psychologiques au sein
de l’organisme […] » (1978, p. 15).
La différenciation se manifeste dans les processus individuels de structuration
hiérarchique, dans le développement de mécanismes de contrôle des impulsions, dans
la différenciation du moi et du non moi, et dans les degrés d’importance accordée aux
référents internes ou externes dans le traitement de l’information. Lorsque les tests ont
montré que les femmes étaient légèrement plus dépendantes du champ (DC) que les
hommes, Witkin, Moore, Goodenough et Cox (1977, p. 7) ont attribué cela à la
différenciation psychologique. On a observé de nombreux corrélats comportementaux
de ce type. Par exemple, les personnes DC sont généralement plus attentives,
expressives, chaleureuses et tournées vers les autres que leurs pairs qui tendent à être
indépendants du champ. Ces derniers sont souvent plus tranquilles, analytiques et
détachés (Witkin et al. 1977, p. 10–14). Ces différences influencent souvent le choix
des activités (Witkin, 1976, p. 52–54). Par exemple, les personnes IC s’orienteront
plutôt vers des carrières scientifiques ou techniques. Alors que les personnes
53

dépendantes du champ auront tendance à s’orienter vers l’enseignement, la vente, la


gestion du personnel, la psychologie ou la relation d’aide (Witkin, 1976, p. 47–57).
La personnalité humaine est cependant bien trop complexe pour être entièrement
déterminée par une seule variable. Nous recommandons la prudence quant à
l’importance accordée au facteur dépendance ou indépendance du champ lors de
l’évaluation ou la définition de la personnalité et lors de l’observation du
comportement [d’une personne].

Les variations culturelles et sociales

Selon Bertini, Pizzamiglio et Wapner (1986, p. 95), parmi toutes les théories cognitives,
c’est celle de Witkin qui a été la plus documentée tant pour la société occidentale que
sur le plan interculturel avant 1966 (Witkin, 1967). Bien qu’on reconnaisse que la
DC/ID est une affaire individuelle, on a aussi observé, dans certaines cultures, une
prédominance pour l’un ou l’autre mode de fonctionnement (Chapelle et Roberts, 1986,
p. 29).
Les sociétés agraires ou autoritaires, qui ont en général une forte organisation sociale et
ont des normes d’éducation très strictes, ont tendance à produire davantage de
personnes dépendantes du champ. Les sociétés démocratiques et industrialisées avec des
pratiques d’éducation plus souples tendent à produire plus d’indépendance du champ.
(Hansen, 1984, p. 313, citant Witkin et Goodenough, 1981 et Berry, 1976)
Ainsi, beaucoup de citoyens des États-Unis sont indépendants du champ (Ramirez
et Castañeda, 1974, p. 156), tout comme les Mende du Sierra Leone (Witkin, 1974,
p. 106–108) et les Esquimaux (Witkin, 1974, p. 109–110). Les enfants mexico-
américains tendent, eux, à être plus dépendants du champ (Ramirez et Castañeda,
1974, p. 79, p. 132–133), tout comme les afro-américains (Cox et Ramirez, 1981), les
membres de certains groupes amérindiens d’Amérique du Nord (Pepper et Henry c.
1984, p. 4), les Aborigènes australiens (Harris, 1982), certaines minorités ethniques de
la jungle péruvienne (Davis, 1987, p. 2) ainsi qu’au moins une des cultures ethniques
des Philippines (Bulmer, 1983) et une du Ghana (Lingenfelter et Gray, 1981).

Les caractéristiques du groupe

Cohen (1969, p. 852–854) a décrit les différences d’organisation collective selon les
styles cognitifs. Parmi celles-ci, elle a cité :

Caractéristiques du groupe
Analytique : organisé de façon formelle Relationnel : Fonctions partagées
Les fonctions essentielles sont définies en Les fonctions essentielles sont liées aux
bonne et due forme et partagées statuts socio-économiques
L’individu se réserve le droit de refuser L’individu ne peut pas refuser d’agir
d’agir
Identification occasionnelle au groupe Forte identification au groupe
54

Ramirez et Castañeda (1974, p. 132–133) donnent la liste suivante des variables


qui influencent la sensibilité du champ chez les enfants mexico-américains :
1. Les pratiques parentales de socialisation (accent mis sur le respect de la famille,
l’autorité religieuse et politique) ;
2. Les caractéristiques du groupe (une société de type sensible au champ) ;
3. La langue dominante (espagnol) ;
4. L’enracinement dans la famille (forts liens maternels).
Par la suite, Hansen a étudié la relation entre la dépendance du champ et les
résultats au test des « textes à trou » 2 pour 286 adolescents représentant 6 cultures des
îles du Pacifique. Le test des figures imbriquées (EFT) a montré « des différences
frappantes entre les groupes échantillonnés, non seulement pour le niveau
d’indépendance du champ, mais aussi dans la corrélation DI/IC et le sexe » (1984,
p. 317). Chez les élèves hawaïens testés, on a trouvé, significativement, plus
d’indépendants du champ que chez ceux des îles Samoa, Tonga, Tahiti et Fidji (que les
élèves soient Fidjiens ou Indo-Fidjiens). Chez les hommes, il y avait significativement
plus d’indépendants du champ que chez les femmes, sauf pour l’échantillon hawaïen.

Les facteurs déterminants

Se demandant pourquoi les sociétés tendent à être composées majoritairement de


personnes avec les mêmes tendances à la dépendance ou à l’indépendance du champ,
les chercheurs se sont lancés dans une nouvelle série d’études.
Seder (1957, cité par Witkin 1974, p. 106) a constaté que les différences cognitives
des jeunes garçons juifs de New York dépendaient du degré de différenciation
manifesté par leur mère. Les travaux de Seder ont été confirmés par Dawson (1963 et
1967), et Berry (1966a et b). Le premier a comparé deux groupes ethnolinguistiques de
la Sierra Leone, les Temne et les Mende, chez qui la dépendance du champ est favorisée
par une forte domination parentale. Le second a démontré que les Esquimaux
ressemblent beaucoup aux Écossais concernant l’indépendance du champ, en raison,
suppose-t-il, des attentes parentales ainsi que de l’environnement géographique qui
oblige les garçons à développer une grande discrimination visuelle.
En examinant les études de cette époque, Witkin a conclu que le conditionnement
social contribue à la dépendance ou à l’indépendance du champ. Le statut socio-
économique n’affecte pas l’ID/DC. (1969, p. 691–701 ; 1974, p. 106–110, p. 116–117).
Lingenfelter et Gray le confirment pour certaines sociétés où un style cognitif est plus
apprécié que l’autre. Il en résulte que le style préféré se développe dans cette société
tandis que le moins estimé est réprimé. Ils citent en exemple une expérience frappante :

2
Les tests des « textes à trous » servent à évaluer la compréhension écrite. On demande aux élèves de
lire un paragraphe dans lequel un mot sur cinq (ou sur huit ou sur dix) a été remplacé par un blanc,
selon le niveau de difficulté souhaité par l’enseignant. (Plus il y a de mots enlevés, plus le test est
difficile.) Les élèves doivent remplir les blancs. S’ils retrouvent les mots exacts employés par l’auteur,
c’est la preuve qu’ils ont bien compris le texte.
55

Voici [...] le cas de deux jeunes micronésiens qui ont vécu pendant six ans au domicile
de l’un des auteurs. Ces jeunes étaient apparentés, mais l’un avait tendance à être
relationnel [R] alors que l’autre était plus analytique [A]. L’étudiant A a très bien réussi
dans le système scolaire américain, car il était doué pour l’analyse et l’abstraction.
L’étudiant R, bien qu’intelligent, a eu beaucoup plus de difficultés à comprendre les
exigences des devoirs à l’université. Cependant, de retour en Micronésie, ce dernier s’est
assez rapidement adapté et a fait honneur à son père. Sa capacité à saisir une situation
dans son contexte l’a énormément aidé dans son travail. Par contre, l’étudiant A a eu
beaucoup de difficultés à s’adapter aux exigences culturelles de la Micronésie, où son
aptitude pour l’abstraction et les questions l’ont fait passer pour un « Monsieur-je-sais-
tout » et où les personnes plus âgées n’apprécient pas du tout ses idées de changement.
(1981, p.15–16)
En 1983, après plusieurs études transculturelles, Greenfield a conclu, non sans
hésitation, que, dans le domaine de la formation de concepts, des systèmes où les
catégories sont fermées (où les erreurs ne sont pas permises, car il n’y a qu’une réponse
ou qu’un seul résultat considéré comme juste) font principalement appel à l’observation
et à la démonstration. Les systèmes ouverts (où l’expérimentation est permise) sont
enseignés, eux, par essais ou erreur, ce qui ouvre la porte à l’innovation mais aussi aux
erreurs (1983, p. 128).
Cox and Ramirez (1981, p. 62–63) identifient trois facteurs qui influencent la
manière dont les enfants apprennent à se comporter : la tâche, la situation et les
contenus. Selon Cox et Ramirez, la manière dont les parents éduquent leurs enfants
exerce, chez ces derniers, une influence primordiale sur l’installation de leur mode
habituel d’apprentissage. Le style éducatif des parents est lui-même fortement influencé
par les valeurs culturelles. Voici donc un schéma représentant les influences qui
s’exercent.
Les manières dont
Les valeurs influencent Les pratiques de qui influencent les enfants
culturelles socialisation
préfèrrent apprendre
Les études faites par Greenfield (1976, p. 322–333) au Mexique, parmi les
Zinacantan du Chiapas, ont confirmé que, dans des situations multiculturelles, les
recherches effectuées selon les méthodes occidentales (questions, explications verbales
et raisonnement hypothétique) peuvent ne pas donner de résultats fiables, surtout s’il
s’agit de sujets peu familiers. (Greenfield recommande, dans le cas de test où l’on pose
des questions, que les consignes soient accompagnées d’exemples concrets clarifiant ce
que la personne testée doit faire). De plus, elle souligne la nécessité de comprendre les
idéaux culturels. À partir de là, on peut identifier la façon dont ces valeurs sont
inculquées aux jeunes. Les méthodes et les stratégies utilisées pour diriger
l’apprentissage et façonner le style cognitif dans la culture en question ne seront pas
nécessairement conformes aux schémas de pensée occidentaux.
Laosa reconnaît que la communication du savoir-vivre à des enfants est propre à
certaines cultures et tend à favoriser le développement de styles cognitifs particuliers,
mais il signale le risque d’appliquer aux individus les résultats obtenus au niveau du
groupe. Il soulève alors une autre question :
Si […] des styles cognitifs caractéristiques sont adaptés aux contextes écologiques et
culturels dans lesquels vivent les groupes au sein d’une société, qu’advient-il de ces
56

différences au cours de contacts avec d’autres cultures ou lors de changements sociaux ?


Certains signes montrent que les styles cognitifs évoluent suite à l’acculturation […].
(1977, p. 28)

L’aptitude à se développer

Witkin (1974, p. 100–101) a décrit le processus mental comme passant par différentes
étapes de développement allant de la perception globale d’un domaine à une
perception organisée d’éléments distincts, mais où néanmoins une structure est imposée
à l’ensemble. Les études que Greenfield a faites au Sénégal, parmi les Wolof en 1963–
1964, le confirment (Greenfield et Bruner 1966, p. 104–105). Greenfield a testé la
façon dont les différentes catégories d’enfants wolofs (ceux des campagnes qui
n’allaient pas à l’école, ceux qui étaient scolarisés en brousse, ceux des villes)
catégorisaient les concepts. Elle a constaté ceci :
[…] C’est toujours la scolarisation qui modifie la direction du développement des
enfants et sa qualité. Les enfants Wolof scolarisés présentent, avec les enfants vivant
dans le même village de brousse mais non scolarisés, plus de différences intellectuelles
qu’avec ceux des villes du Sénégal, ou même de […] Brookline dans le Massachusetts.
(1966, p. 104)
Greenfield et Bruner (1966, p. 104) mentionnent d’autres études menées au Congo
belge (Cryns, 1962) et en Afrique du Sud (Biesheuvel, 1949) qui démontrent l’immense
influence de la scolarisation.
Néanmoins, une étude ultérieure faite parmi les Zincantecan au sud du Mexique
(Greenfield, Brazelton et Childs, 1989) n’a pas confirmé les résultats des premières
recherches. La scolarisation n’a pas influencé le résultat de tests où les sujets devaient
classer des objets ou représenter des motifs tissés (1989, p.38–39). En revanche, les
différences reflétaient le niveau culturel et, dans une moindre mesure, le sexe du sujet.
Pour les Zinacantecan, la conservation des valeurs de leur culture est une priorité.
Les enfants apprennent en commençant par observer, puis essayent d’imiter sous le
contrôle constant de la mère ou d’un mentor qui intervient chaque fois que l’apprenant
hésite, de sorte qu’il y a peu de possibilité d’erreur. De ce fait, les enfants pensent qu’il
n’y a qu’une bonne façon de faire, la façon traditionnelle. La créativité et l’expression
personnelle ne sont pas valorisées, mais au contraire, réprimées. Devant une nouvelle
tâche demandant de l’ingéniosité, les enfants avaient tendance à être bloqués, car il ne
leur était pas possible de faire autrement que selon la manière établie. La plupart des
exceptions ont été trouvées parmi les garçons, car certains étaient autorisés à faire des
expériences en-dehors de la société zinacantecan. Comme les Zinacantecan voulaient
que ce soient ces jeunes qui résolvent les problèmes lors des transactions avec la société
hispanique, ils ont souhaité que ceux-ci aient plus d’idées novatrices (1989, p. 42).
Une expérience faite dans la forêt amazonienne au Pérou montre qu’on peut
apprendre des stratégies concernant la DC/IC si celles-ci sont explicitées et présentées
lentement. (Davis, 1981, p. 231–232). C’est ce que montre également une expérience
faite au Ghana :
« Parmi les Bulsa, l’anglais était à la fois la langue officielle et la langue de prestige.
Les enfants fréquentaient les écoles anglophones. Le taux d’abandon scolaire était élevé
et, donc, le taux de poursuite des études était faible. En cherchant à utiliser la capacité
57

des Bulsas à mémoriser de façon globale, Claire Gray a rédigé un nouveau manuel de
lecture qui ne contenait que seize mots. Le manuel suivant ajoutait seulement
l’équivalent de « C’est ». Certains mots clés étaient décomposés en syllabes, mais
seulement ceux dont les syllabes, prises séparément, avaient un sens. Grâce à la
signification des syllabes, les élèves ont vite compris la syllabation. Le 3ème manuel
contenait des histoires toutes simples et élargissait leur vocabulaire à environ 80 mots,
mais seuls quelques mots nouveaux étaient décomposés en syllabes. Le 4ème manuel
montrait comment transférer la décomposition en syllabes à des mots dont les syllabes,
prises seules n’avaient pas de sens. Les enfants avaient alors acquis l’analyse et la
synthèse et ils ont progressé sans autres difficultés. »
À ce sujet, Pepper et Henry font remarquer que, bien qu’il soit souhaitable de tirer
profit des styles d’apprentissage des élèves quand on leur présente de nouveaux
concepts, il est aussi nécessaire de les aider à acquérir d’autres styles pour qu’ils
continuent leur développement intellectuel. « Trop souvent, les élèves indiens
progressent normalement ou brillamment dans une école « protégée » pour échouer,
dès qu’ils la quittent […]. N’est-il pas de notre devoir de développer les styles
d’apprentissage des élèves indiens […].pour éviter de les enfermer dans un certain
moule ? » (Pepper et Henry, circa 1984,
p. 18–19).

Les styles d’apprentissage et L’éducabilité

Tests de Quotient Intellectuel (Q.I.)

Ayant trouvé que les apprenants relationnels avaient tendance à avoir de moins bons
résultats aux tests de Q.I., Cohen a fait une étude des mesures non verbales de
l’intelligence. On pensait que les tests verbaux étaient les seuls à avoir une composante
culturelle et que les tests non verbaux portaient uniquement sur le raisonnement
logique. Or elle a trouvé que « la nature même de ces séquences logiques véhicule les
aspects les plus liés à la culture de la classe moyenne ou à la façon « analytique » de
penser ». (1969, p. 840)
Les résultats d’évaluation de soixante-six élèves de 3ème et de 2nde (14 à 16 ans),
d’intelligence moyenne ou supérieure, confortent sa position. Les élèves plus
intelligents, plus relationnels, ont eu de très faibles résultats (15ème au 20ème centile)
à deux sous-tests du « Project Talent Achievement Inventory » 3 mais ont eu de très bons
résultats (90ème au 95ème percentile) pour deux séries de problèmes concrets. Cohen
en a conclu que, pour bien apprendre et avoir de bons résultats, les élèves très
relationnels ont besoin de concret et que le degré d’abstraction requis pour les tests de
Q.I. joue en leur défaveur.
Comme les tests de Q.I. ne mesurent pas correctement les styles cognitifs, Witkin a
proposé de les remplacer par une évaluation des styles cognitifs (1976, p. 70–71).

3
Litt. Projet talent : bilan des acquis
58

La discrimination scolaire

Suite à ses recherches, Cohen a identifié une autre source de problème pour les
apprenants relationnels. Les systèmes scolaires occidentaux étant fondés sur le modèle
analytique (IC), l’apprenant relationnel (DC) a « peu de chance d’être gratifié dans le
contexte scolaire, quelles que soient ses capacités naturelles et même s’il a les
connaissances et l’expérience adéquates. » (Cohen, 1969, p. 830). De ce fait, les
apprenants holistiques se sentent souvent frustrés et désavantagés. En utilisant une
batterie de tests psychologiques, de tests linguistiques et de tests d’attitudes, Cohen
(1968, p. 209) a identifié quatre catégories de réponses clairement différenciées :
• Les élèves très relationnels : faibles résultats scolaires ou en deçà de leurs
possibilités ;
• Les élèves très analytiques : bons résultats scolaires ;
• Les élèves moyens sur le plan relationnel et analytique : résultats dans la moyenne ;
• Les élèves très analytiques et très dépendants du champ : résultats moyens qui ont
montré des réponses conflictuelles et une certaine confusion.
Les preuves de Cohen ont conforté la conclusion de Witkin, qui affirme que les
styles cognitifs sont influencés par les premières expériences vécues dans la famille et
dans le groupe. Les tests de Cohen sur 500 élèves de 3ème (14–15 ans) n’ont cependant
donné aucun signe d’un lien entre le style cognitif et les capacités naturelles (1969,
p. 838).
Pepper et Henry identifient le handicap scolaire dont souffrent les apprenants DC
amérindiens : « en règle générale, les élèves amérindiens apprennent plus vite lorsque
l’enseignement va du concret vers l’abstrait, de la pratique à la théorie. Or, la plupart
des écoles suivent le modèle américain d’origine européenne qui va de la théorie à la
pratique » (circa 1984, p. 16).
Parlant des styles d’apprentissage traditionnels parmi les Aborigènes australiens,
Harris (1982, p. 129–133) a établi une liste des caractéristiques qui apparaissent
comme très relationnelles :
• Un apprentissage informel, conduit par différents membres de la famille sur
plusieurs années et passant surtout par des moyens non verbaux, sans lieu conçu à
cet effet ; c’est un processus inconscient issu des besoins vitaux ;
• L’observation et l’imitation (plutôt que des instructions verbales) ;
• L’apprentissage par essais et erreurs (plutôt que par des instructions verbales) ;
• Tourné vers les personnes (plutôt que vers les informations) ;
• Un apprentissage de l’ensemble (plutôt que des parties) ou en faisant des
approximations jusqu’à obtenir un bon produit final (plutôt qu’en séquençant les
compétences) ;
• L’acceptation de l’univers comme une chose « donnée » et non comme quelque
chose à changer ou à manipuler ;
• L’utilisation de l’insistance et de la répétition au lieu de l’analyse comme méthode
de résolution de problème ;
• Un évitement de la confrontation verbale ;
59

• Un refus de poser des questions, surtout des questions rhétoriques ou dont la


réponse est évidente, et des questions hypothétiques.
Ces caractéristiques ont systématiquement eu pour conséquence les faibles résultats
des élèves aborigènes en comparaison avec leurs pairs européens. L’étude menée par
Klich et Davidson (1984, p. 191) montre que cela n’a rien à voir avec l’intelligence
innée. Dans cette étude, on a donné une batterie de onze tests à 76 enfants issus de
deux groupes du fin fond du désert, au nord-ouest de l’Australie du Sud, et à 91 enfants
australiens blancs de la région rurale du New South Wales. Ces chercheurs en ont
conclu qu’aucune différence observable dans la structure sous-jacente aux fonctions de
traitement cognitif ne pouvait être établie statistiquement entre ces enfants qu’ils soient
aborigènes ou non aborigènes.

Les domaines d’apprentissage affectés

Witkin, Moore, Goodenough et Cox ont fait une revue des travaux sur les perceptions
faits jusqu’en 1977 et ont énuméré les domaines d’apprentissage qui sont influencés par
les styles cognitifs (1977, p. 17–27).

Le contenu social

Witkin et al. (1977, p. 18–19), citant des études faites par Ruble et Nakamura (1972),
Crutchfield et al. (1958), Fitzgibbons et al. (1965), affirment, preuves à l’appui, que les
sujets dépendants du champ, enfants comme adultes, arrivent mieux à assimiler et à
utiliser les indices sociaux, à mémoriser les visages et à apprendre le savoir social
entourant une tâche sur laquelle ils font porter leur attention.
Witkin en conclut : « les personnes dépendantes du champ se rappellent mieux ce
qui a trait aux relations humaines […] Cela est dû au fait qu’elles font porter leur
attention sur le contenu social. » Elles ont tendance à être meilleures dans les tâches ou
les situations où il faut prendre en compte des indices sociaux (Ruble et Nakamura,
1972).
Dans le même esprit, Bulmer (1983, p. 24–30) cite une expérience faite aux
Philippines auprès des Kalinga où les élèves n’ont progressé que lorsqu’on leur a
procuré un certain cadre social. Chez les Kalinga, le but, ce sont les personnes. Les
relations sont donc extrêmement importantes. En cas de désaccord, il faut faire appel à
des médiateurs pour éviter de faire perdre la face à quelqu’un. Pour que les élèves
soient heureux d’étudier, on ne doit pas les séparer et il faut qu’ils travaillent dans un
groupe homogène, formé de leurs fréquentations habituelles au village. Le temps en
classe doit être un temps social où les élèves sont libres de discuter de ce qui les
intéresse. On doit leur permettre de se copier et de s’entraider. Personne ne doit être
mis mal à l’aise ou humilié et on doit accepter des interruptions comme des
cérémonies, des visiteurs, ou des travaux.
Harris (1982, p. 132) relate une expérience similaire, qui, selon lui, montre que,
chez les Aborigènes australiens, l’apprentissage est tourné vers les personnes (souvent
les parents proches) plutôt que vers les informations. Pendant deux mois, avec sa
femme, il a aidé un directeur d’école lors d’un atelier d’écriture destiné à un groupe de
jeunes femmes aborigènes. Lorsque le directeur est parti en vacances pour une semaine,
60

les progrès des élèves ont pratiquement cessé. Pourtant elles continuaient à assister aux
cours. Pensant que c’était peut-être un problème de langue, même si elles maîtrisaient
plutôt bien l’anglais, les Harris ont demandé à un enseignant parlant la langue
aborigène de les aider. Bien que les élèves et le nouvel enseignant s’entendaient bien,
cela n’a guère changé à l’atelier. Celui-ci n’est revenu à la normale qu’au retour du
directeur.
Harris (1980, p. 19) donne aussi un aperçu des types d’expériences collectives qui
sont importantes pour des élèves dépendants du champ et tournés vers la tradition :
Il est courant dans la société aborigène, que des groupes fassent part de ce qu’ils ont
appris, surtout entre groupes de pairs. Ainsi, un moyen d’apprendre de longs cycles de
chants est de les chanter en groupe. De même, les cérémonies ou les cueillettes de
nourriture s’apprennent pour l’essentiel en groupe. Les membres du groupe sont donc
habitués à s’entraider. Une des raisons pour lesquelles les Aborigènes sont,
comparativement à d’autres, moins ennuyés de faire des activités répétitives est qu’elles
se passent au sein de groupes dont ils aiment faire partie. […] Un autre aspect important
[…] est que, le plus souvent, on donne la réponse à l’élève au lieu de le laisser batailler
seul pour arriver à maîtriser chaque partie. Les enseignants d’élèves aborigènes devront
décider si fournir les réponses est vraiment « tricher » ou est une mauvaise méthode
pédagogique, ou, alors, si c’est tout simplement une autre façon d’atteindre, en fin de
compte, le même but.

Le renforcement

« Comme les élèves apprenant de façon globale ont tendance à compter davantage sur
des référents externes pour se définir, […] les élèves dépendants du champ seront plus
susceptibles d’avoir besoin d’objectifs et de renforcements externes précis que ceux qui
sont indépendants du champ » (Witkin et al., 1977, p. 19). Comme leur sécurité dépend
de leur relation harmonieuse avec les autres, les personnes DC sont aussi plus sensibles
à la critique. Witkin et ses collègues citent un nombre d’études dans lesquelles les sujets
IC ont obtenus de meilleurs résultats que les enfants DC lorsque le renforcement était
abstrait, mais si les récompenses étaient matérielles ou sociales, les enfants DC et IC
avaient les mêmes résultats. En revanche, les personnes IC ont tendance à mieux
apprendre quand la motivation est intrinsèque (1977, p. 19–20).
Rapportant des preuves provenant des Kalinga (dépendants du champ), un peuple
des Philippines, Bulmer (1983, p. 29) écrit :
Le prestige obtenu est source d’une grande motivation pour l’alphabétisation et les gens
voient, déjà dans la scolarité, un moyen d’obtenir du prestige. La réussite doit être
reconnue et il est très important de donner des certificats et autres formes de
reconnaissance, lors d’une cérémonie de remise de diplômes. Le fait que le superviseur
des écoles publiques du district soit venu assister à Mallongo à notre cérémonie de
remise de diplômes pour les adultes […] a beaucoup encouragé les adultes.

L’organisation

Selon Witkin et al. (1977, p. 21–22), les élèves IC ont tendance à imposer une structure
aux contenus qui n’ont pas de structure intrinsèque manifeste. Ils créent eux mêmes des
indices qui les aident à retenir ce qu’ils apprennent. Les élèves DC, eux, éprouvent plus
de difficultés à apprendre les contenus dépourvus de structure, car ils n’inventent pas
61

aussi facilement des solutions pour organiser ou unifier les concepts. Contrairement aux
élèves IC, ils ne testent pas non plus des hypothèses. Ces auteurs font référence à une
étude que Fleming et al. ont faite en 1968, dans laquelle les sujets devaient apprendre
des mots qui soit allaient du plus général au plus spécifique (animal, vertébré,
mammifère, veau), soit étaient dans l’ordre inverse (veau, mammifère, vertébré,
animal). Dans les séries du premier type, le premier mot sert de titre ; l’hypothèse des
chercheurs était que sans cet indice, les sujets DC auraient plus de difficultés pour la
série partant de l’animal jusqu’au terme général. Comme prévu, les élèves DC se sont
rappelés de moins d’exemples de cette série alors qu’ils ont eu les mêmes résultats que
les sujets IC pour la série allant du plus général au plus spécifique.
Dans leur compte-rendu d’une étude faite par un de leur collègue, Walter
Emmerich, Witkin et al. signalent que les enseignants trouvent que les élèves DC ont de
meilleurs résultats quand on leur fournit un plan. « Une caractéristique du
comportement des personnes dépendantes du champ est qu’elles ont davantage besoin
que quelqu’un leur fournisse une structure » (1977, p. 23).
Greene (1972), cité par Witkin et ses collègues (1977, p. 23), rapporte un autre
élément prouvant que les DC ont davantage besoin de structures fournies par d’autres :
Les thérapeutes choisissent nettement plus souvent une thérapie de soutien pour leurs
patients DC et une thérapie modifiante pour leurs patients IC…Dans la thérapie de
soutien, le thérapeute joue un rôle plus important en fournissant une structure pour le
processus thérapeutique alors que dans une thérapie modifiante, le patient participe à la
détermination du contenu et à l’avancement du processus.
Des individus, mais aussi des sociétés tout entières, manifestent de grandes
capacités d’organisation. MacArthur a découvert que les Eskimos canadiens et les
Amérindiens, deux sociétés de chasseurs-cueilleurs, « étaient plus IC, c'est-à-dire, plus
aptes à imposer une structure dans les cas où il y a peu d’organisation intrinsèque (par
exemple, pour un territoire non cartographié) en raison de leur mode de vie et de leur
façon d’éduquer les enfants » (1968, cité dans More, 1984, p. 6).
Weitz « […] a étudié deux peuples amérindiens : les Algonkins et les Athapaskans.
Dans ces deux peuples, elle a distingué des populations urbaines, transitionnelles et
traditionnelles ainsi que des catégories homme/femme et personnes âgées/jeunes. Elle
a trouvé que l’ensemble de la population a un score IC très élevé » (1971, cité par
More, 1984, p. 6).
Ceci est apparemment contredit par une étude bien documentée sur les Aborigènes
d’Australie dépendants du champ. Celle-ci démontre que ces Aborigènes sont
exceptionnellement doués pour pister des animaux et s’orienter malgré l’immensité
monotone, du moins aux yeux d’Occidentaux, des terres du centre de l’Australie.
Lewis s’est aperçu que, dans des conditions normales, les Aborigènes utilisent un
« schéma topographique » complexe (Gibson, 1950) qui dépend essentiellement :
de la connaissance de points de repères importants ;
de la connaissance de l’ensemble des mythes associés à ces points de repères ;
de l’utilisation de cartes mentales dynamiques […] (Lewis, 1976a dans Klich et
Davidson, 1984, p. 172).
Lewis en a donc conclu que :
L’excellent sens de l’orientation visuo-spatial des Aborigènes du désert peut être attribué
à l’utilisation de processus de cartographie complexes suite à un « conditionnement
62

terrestre » effectué au moyen de liens émotionnels et spirituels avec la terre qui est
structurée par des réseaux d’évènements mythiques. (Lewis, 1976b dans Klich et
Davidson, 1984, p. 173)
La capacité des Aborigènes du type DC à imposer une structure au désert semble
être le résultat d’un apprentissage, exigé par la nécessité de survivre, qui s’appuie sur
une vaste structuration (les points de repère) renforcée par des croyances religieuses.

L’acquisition de concepts

Les pédagogues acceptent deux modèles d’acquisition de concepts : le test d’hypothèses


(l’apprentissage par essais/erreur) et l’approche passive (l’apprentissage par
l’observation). Witkin et al. parlent d’une étude, faite par Nebelkopf et Dreyer (1973),
qui invite à penser que les personnes IC testent très souvent des hypothèses alors que
celles DC préfèrent l’approche passive. D’après leurs résultats, quand les personnes DC
testeraient des hypothèses, elles « ne feraient pas des hypothèses à partir des mêmes
éléments que les personnes IC » (Witkin et al., 1977, p. 24–25).
On trouve des preuves de l’utilisation de l’approche passive parmi certaines
minorités ethniques du Pérou :
Dans certaines cultures [de la forêt tropicale] que nous connaissons, on apprend par
l’observation. Les enfants observent leurs parents ou d’autres personnes, jusqu’à ce qu’ils
pensent maîtriser les techniques concernées. Ils n’attendent pas d’explications et celles-ci
leur sont rarement données. Cela n’empêche pas qu’en général l’enfant, dès sa première
tentative, réussit très bien. L’échec est source de honte, car il montre qu’on a été
orgueilleux et trop pressé. (Davis, 1981, p. 231)
Harris (1982, p. 130–131) dit que l’une des principales stratégies d’apprentissage
chez les Aborigènes australiens est l’observation et l’imitation, non l’instruction
explicite, qu’elle soit orale ou écrite. Par exemple :
M, quarante-cinq ans, et ses trois fils de onze, neuf et six ans, coupaient des arbres de dix
à douze centimètres de diamètre, à l’écorce filandreuse, car M. voulait faire des
didgeridoos4 pour les vendre dans le magasin d’artisanat. M s’approchait de chaque
arbre sélectionné et l’examinait de bas en haut, cherchant des branches mortes ou des
trous susceptibles d’indiquer qu’il était creux. Chacun de ses fils suivaient son regard,
surtout les deux aînés qui se plaçaient souvent du même côté de l’arbre que M afin
d’avoir le même point de vue. Quand tout en examinant l’arbre, M en faisait le tour, ses
garçons l’imitaient parfois. M se parlait à lui-même de temps en temps, mais ne disait
rien aux enfants. Chaque fois qu’un arbre tombait, ses fils se précipitaient pour voir s’il
était creux. Une fois où M se reposait, chacun des deux aînés a essayé de couper un
arbre, mais la hache était trop lourde pour eux et ils ont vite renoncé.
Presque toutes les compétences pour survivre, tous les savoir-être et une bonne partie
des compétences artistiques […] s’apprennent par l’observation et l’imitation […]. (les
Aborigènes parlent beaucoup, mais leurs propos ont plus une fonction sociale
qu’éducative.)

4
Instrument de musique aborigène, fait d’un long bois creux dans lequel le musicien souffle.
63

Swisher et Deyhle (1987, p. 345–354) citent des exemples d’Amérindiens


d’Amérique du nord qui préfèrent apprendre par l’observation, par la répétition
mentale et en évitant la compétition. À l’école, la norme, ce sont des conversations à
l’initiative des élèves et des contacts avec les enseignants. Les élèves réussissent mieux
si on leur donne des explications personnalisées, rigoureuses et patientes, qui
mobilisent leurs compétences visuelles très développées.

La saillance des indices

Witkin et al. (1977, p. 25–27) citent les études de Bruner et al. (1956), Goodenough
(1976) ainsi que d’autres qui indiquent que les apprenants DC utilisent moins les
indices disponibles dans un champ que les IC. Face à une nouvelle situation, les
apprenants DC ont parfois également du mal à faire abstraction des indices inutiles,
mais qui ont été pertinents pour d’autres situations passées. Pour améliorer
l’apprentissage chez ces personnes, Witkin propose de leur donner des instructions qui
les aident à chercher les indices pertinents et de les encourager à trouver d’autres
manières de traiter les problèmes.

Les rôles attendus des adultes et des enfants

Le rôle qu’une société attend des adultes et des enfants a également un effet sur
l’apprentissage.
Flinn (1992) explique qu’en raison des valeurs de la culture de l’atoll de Pula, en
classe, il est indispensable d’être souple sur les horaires et d’être permissif.
Lipka (1991) décrit que, à la différence des coutumes pédagogiques occidentales,
un cours eskimo yup’ik se caractérise par des ordres indirects et des réponses mesurées
que l’enseignant donne calmement, d’une voix douce, en manifestant un grand respect
pour les personnes, y compris pour les enfants, car c’est ce qui est attendu d’un adulte.
Deyhle et LeCompte (1994) ont identifié des différences importantes entre les
Américains d’origine anglaise et les Navajos dans une école où les attentes envers les
adultes et les enfants affectent manifestement les cours.
64

Quelques différences culturelles dans les attentes concernant le rôle des adultes
et des enfants
Américains d’origine britannique de Navajo de 9 à 15 ans :
9 à 15 ans :
• sont toujours des enfants ; ils ne • sont en train de devenir des adultes ;
deviennent adultes qu’à l’âge d’au ils deviennent adultes après la
moins 18 ans puberté
• sont trop immatures pour prendre des • doivent apprendre à prendre leurs
décisions propres décisions et à en assumer les
conséquences
• ne savent pas ce qui est le mieux pour • sont en train d’apprendre ce qui est le
eux mieux pour eux
• doivent faire ce que les adultes leur • ne doivent pas être forcés à faire
demandent. quelque chose dont ils n’ont pas envie

Adultes américains d’origine Adultes Navajos :


britannique :
• sont responsables du comportement de • ne contrôlent pas le comportement de
leurs enfants leurs enfants
• doivent prendre de sages décisions pour • ne doivent pas se mêler de ce que
leurs enfants font ou décident les autres, même
s’ils sont leurs enfants
• doivent amener leurs enfants à obéir à • ne peuvent que donner des idées ou
leurs instructions des conseils sur la conduire à tenir
• doivent empêcher l’activité sexuelle de • doivent décourager l’activité sexuelle
leurs enfants de leurs enfants
• doivent permettre les mêmes activités, • doivent encourager, chez leurs
professions ou rôles et avoir les mêmes enfants, des activités, du travail, des
attentes, quel que soit le sexe leurs rôles et des attentes selon leur sexe
enfants
• doivent montrer qu’ils s’occupent de • doivent montrer qu’ils s’occupent de
leurs enfants en exerçant un contrôle sur leurs enfants en respectant leur
eux indépendance
Tiré de Deyhle (Donna) et LeCompte (Margaret), « Cultural differences in child development: Navajo
adolescents in middle schools », Theory into Practice,* 1994, n° 33 (3), p. 156–166. Utilisé avec
permission
*
Litt. « Les différences culturelles dans le développement de l’enfant : les adolescents navajos au
collège ». Mise en pratique de la théorie.
65

Quelques autres styles d’apprentissage

Aux styles d’apprentissage déjà mentionnés, Witkin ajoute : le contrôle (strict/flexible),


l’automatisation (forte/faible), la conceptualisation, la réflexion opposée à l’impulsivité
(1978, p. 4). Ausburn et Ausburn ajoutent le visuel opposé à l’haptique (le tactile)
(1978, p. 351).
Brown considère que la réflexivité et l’impulsivité (étroitement liées à la
systématicité et à l’intuition), la tolérance ou non à l’ambiguïté, la catégorisation
(restreinte/large) et l’ébauche opposée à l’enjolivement, bien que se soit des
dimensions peu étudiées, sont de véritables styles cognitifs (1980, p. 89–98).
D’après More, la catégorie simultané/successif est utile pour comprendre les
performances de certains enfants amérindiens qui, d’après les tests menés par
Krywaniuk (1974), Das, Manos et Kanungo (1975), et Kaufman et Kaufman (1983)
avaient de meilleurs résultats que les élèves blancs pour les mesures simultanées, mais
plus faibles, pour les mesures successives. Les résultats préliminaires des tests menés
par More et ses collègues en Colombie Britannique indiquent que « les élèves
amérindiens sont comparativement meilleurs pour traiter simultanément des
informations », ce qui suscite une question concernant l’enseignement syllabique de la
lecture, dans lequel on insiste sur le traitement successif des informations (1984, p. 7).
Cahir (1981, p. 24), de son côté, identifie une dichotomie verbal/visuel dans le
fonctionnement cognitif. Il considère cette dichotomie comme étant aussi importante
que la DC/ IC. Il a découvert que dans certaines cultures, entre autres amérindiennes,
les enfants sont plus réceptifs aux informations présentées visuellement qu’à celles
données verbalement.
Quant à Ausubel (1967), il énumère également la plupart des catégories ci-dessus,
accompagnant chacune de quelques explications, mais pour lui, « la dimension la plus
importante du style cognitif en ce qui concerne l’apprentissage d’une matière (…) est la
tendance des individus à fonctionner soit de façon holistique, soit de façon analytique,
ou bien à se situer quelque part entre les deux extrêmes » (Ausubel et al., 1978,
p. 204).
Les styles de fonctionnement inductif ou déductif dans l’apprentissage apparaissent
très liées aux styles d’apprentissage globaux ou analytiques. Pour certains pédagogues,
la dichotomie inductif/déductif reflèterait mieux le processus de pensée que les
distinctions DC/IC, elle serait plus stable parmi les élèves et les enseignants et elle
inclurait la dépendance et l’indépendance du champ (Dolores Cardenas, conversation
privée). Ceci semble différer du lien établi par Piaget entre, d’une part l’apprentissage
inductif et le stade des opérations concrètes, et d’autre part entre l’apprentissage
hypothético-déductif et le stade des opérations formelles (Kolb, 1984, p. 25). De nos
jours, les raisonnements abstraits font partie de l’enseignement inductif et déductif,
dans le système scolaire aux États-Unis.
Après avoir testé plus de mille élèves dans la région de Seattle, Reinert (1976,
p. 161) a identifié quatre manières d’assimiler de nouvelles informations. Il les
considère comme des styles d’apprentissage et propose que les apprenants d’une langue
étrangère tirent parti de leur style privilégié pour progresser :
• En se représentant mentalement l’objet ou l’activité ;
• En se représentant mentalement le mot épelé ;
66

• En comprenant le sens à partir du son, sans aucune visualisation ;


• En ressentant une réaction kinesthésique fugace, soit émotionnelle, soit physique.

La prédominance d’un hémisphère

Le travail de Witkin et Cohen a donné lieu à une explication physiologique des styles
d’apprentissage : ces différences seraient dues aux spécialisations de chacun des
hémisphères du cerveau. Selon le contrôle exercé par l’un ou l’autre des hémisphères,
les individus auraient des tendances analytiques ou holistiques. Si l’hémisphère gauche
prédomine, la personne tendrait à être analytique. Si c’est l’hémisphère droit, la
personne serait davantage créative et holistique. La prédominance hémisphérique serait
d’origine génétique.
Des tests neurologiques et psycho neurologiques effectués sur des patients atteints
de lésions cérébrales ont montré une spécialisation cérébrale, du moins pour certaines
fonctions.

Hémisphère gauche Hémisphère droit


Langage Relations spatiales
Symbolisme et abstraction Représentations concrètes
Perceptions précises de l’ordre Regroupement des parties en un
chronologique ; Conscience du tout ; perception des modèles et
temps des structures
Séquençage Traitement simultané
Analyse : comprendre point par Analogie : voir les points
point, une étape après l’autre communs, les ressemblances
Ce sujet a été traité par un si grand nombre de chercheurs et d’auteurs qu’il est
impossible de donner la liste complète de leurs écrits. À titre d’exemple, on peut citer :
Sperry, 1969 ; Ten Houten, 1971 ; Doyle, Ornstein et Galin, 1974 ; Krashen, 1976 ;
Edwards, 1979 ; Fadley and Hosler, 1979 et 1983 ; McKeever et Dixon, 1981 ; Springer
et Deutsch, 1981 ; Polich, 1982.
La plupart de ces études se sont avérées utiles, mais quelques temps après, elles ont
suscité des questions. Albert et Obler (1978), en s’appuyant sur les résultats de la
passation de leurs tests sur des sujets bilingues en Israël, ont prouvé que, alors que chez
les sujets monolingues l’hémisphère droit semble contrôler le langage, chez les sujets
bilingues et polyglottes, ce sont les deux hémisphères qui gèrent ce contrôle. Selon
Levy, psychologue de l’université de Chicago, les deux hémisphères du cerveau ne
fonctionnent pas indépendamment l’un de l’autre et il n’y a aucune preuve que les gens
soient purement « cerveau gauche » ou « cerveau droit ». « Les sujets normaux ont […]
un cerveau merveilleusement différencié, dans lequel chaque hémisphère apporte la
contribution des facultés dans lesquelles il est spécialisé » (1985, p. 44). Chrisjohn et
Peters, du département de psychologie de l’université de Guelph en Ontario au Canada,
déclarent que « les penseurs les plus sérieux et les plus respectés dans ce domaine
insistent par dessus tout, non pas sur le rôle de chaque hémisphère, mais sur
67

l’importance de la collaboration des deux hémisphères pour contrôler le


comportement » (Chrisjohn et Peters 1984, citant Kinsbourne, 1982).
Il semblerait donc que la théorie de la prédominance hémisphérique doive faire
l’objet de réserves, vu que désormais, le fonctionnement du cerveau apparaît trop
complexe et trop malléable pour être défini aussi catégoriquement.

En classe

Les caractéristiques des élèves

En classe, l’enseignant reconnaît les apprenants analytiques à leur aisance cognitive


pour l’analyse. Ces élèves ont tendance à être focalisés sur la tâche. Face à un ensemble
de faits isolés, les esprits analytiques aiment souvent chercher à comprendre et à leur
imposer une structure organisatrice. En règle générale, ils sont doués pour disséquer un
sujet ou un problème, pour ensuite en réorganiser les éléments en un tout. Ces
apprenants ont tendance à réfléchir par étapes et à examiner les problèmes
méthodiquement ; souvent, ils représentent leurs idées par des schémas, des symboles
et des formules. En général, ils préfèrent trouver la solution plutôt qu’on la leur dise. Ils
peuvent donc se sentir frustrés avec un enseignant qui les aide trop. Les détails les
intéressent et ne les gênent pas. En général, ils sont assez rapides pour saisir de
nouvelles connaissances, en tirer des généralités et les appliquer. Certains sont doués
pour cibler un sujet précis afin de l’approfondir. En tant qu’individus, ils peuvent
préférer travailler seuls par périodes ininterrompues. Ils ont parfois l’esprit de
compétition et, souvent, détestent la désorganisation et l’imprécision.
Dans la même classe, l’enseignant reconnaîtra les apprenants holistiques à leur
aptitude à avoir une vue d’ensemble et à travailler du tout vers les parties, du général
au particulier. Les sujets holistiques ont besoin de comprendre le sens et la raison d’être
de tout ce qu’ils apprennent ; une fois que cela est clair, ils ont tendance à être doués
pour appliquer leurs connaissances à d’autres domaines d’étude. Ces apprenants
apprécient d’avoir, au début de chaque nouvelle tâche, une rapide vue d’ensemble pour
les orienter vers le sujet. S’ils n’ont pas cette vue d’ensemble ou s’ils sont surchargés
d’informations sans disposer de temps pour les assimiler, ils peuvent se sentir frustrés.
Comme ils s’efforcent d’intégrer chaque nouvelle information à l’ensemble de ce qu’ils
connaissent déjà, leur réflexion est souvent vaste et complexe, parfois intuitive, et
nécessite parfois du temps. Cependant, une fois qu’ils ont saisi un concept, on peut
s’attendre à ce qu’ils manifestent, dans son application, des capacités considérables et
de la créativité. Nombre de ces apprenants apprécient les illustrations visuelles
accompagnées d’explications orales ; ils ont aussi tendance à vouloir voir des exemples
et à être guidés avant de se lancer. Ils sont capables d’être visionnaires
(généralisateurs), mais sont plus intéressés par les concepts et les tendances que par les
détails. Sur le plan personnel, ils ont tendance à être sociables et coopératifs, sensibles
à leur entourage et aux autres et, souvent, préfèrent travailler en groupe.
Bien entendu, on doit s’attendre à ce que les apprenants, qu’ils soient analytiques
ou holistiques, manifestent un éventail d’intelligence et de créativité, conformément à
ce qu’on trouve dans la population.
68

Dans les sociétés occidentales, les méthodes d’enseignement ont, pour la plupart,
été conçues pour les apprenants analytiques. Mais, progressivement, on met au point
des stratégies d’apprentissage adaptées aux apprenants holistiques. Dans les pages
suivantes, vous trouverez quelques principes d’enseignement holistique. D’autres
sources d’informations sont recensées dans l’appendice B.

Un exemple de classe holistique.

Une anectode rapportée par Harris (1982, p. 136) illustre comment a été réalisé un
programme d’apprentissage holistique :
J’aimerais maintenant montrer comment une méthode moderne s’est avérée efficace
avec au moins un groupe d’adultes aborigènes. Cette méthode intégrait de nombreux
processus d’apprentissage aborigènes et ceci sans que cela ait été le but, puisque, à
l’origine, elle a été mise au point en France pour apprendre l’anglais à des hommes
d’affaires internationaux. En 1977, la méthode audiovisuelle structuro-globale
d’enseignement de l’anglais parlé […] a été utilisée à Milingimbi (Australie), pendant six
semaines. Lors de cette formation, des Aborigènes ont été placés dans des situations
simulées où ils pouvaient apprendre les dialogues-types nécessaires pour s’en sortir
parmi les Australiens blancs. Grâce à l’usage répété de vidéos de dialogues, d’un
magnétophone et d’une machine à intonation, les élèves ont réussi peu à peu (grâce à
des mimes et des jeux de rôles) à oser s’exprimer en anglais. L’apprentissage s’effectuait
dans un cadre où les relations interpersonnelles étaient importantes. Les élèves passaient
la plupart de leur temps à essayer de parler à leurs camarades au moyen de groupes de
mots et de phrases tirés du film qu’ils venaient de voir. Ils apprenaient ainsi, par une
pratique constante, dans un environnement où ils n’étaient pas évalués, et donc ne
pouvaient pas se sentir humiliés. L’échec était impossible, car l’élève pouvait mimer le
dialogue s’il ne trouvait pas les mots. Il pouvait, de plus, choisir, dans une certaine
mesure, le moment exact et la manière de répondre, même si dans les faits, il était porté
par l’élan du groupe.
J’ai donné des cours aux adultes aborigènes, et j’ai assisté à des classes où plus
personne ne venait après deux ou trois sessions. Par contre, au bout de six semaines avec
trois heures de cours par jour, la plupart des hommes et des femmes du cours « All’s
Well » étaient toujours passionnés. J’attribue cela à une motivation initiale très forte, à
un enseignement très habile et à un processus d’apprentissage prenant bien en compte
les manières d’apprendre des Aborigènes. Il y avait une loyauté envers le clan et le
groupe, c.-à-d. une activité tournée vers les personnes ; les sessions étaient agréables,
c.-à-d. étaient une fin en soi et n’étaient pas considérées comme des exercices ennuyeux
en vue de finalités ultérieures ; il n’y avait pas de différence nette entre spectateurs et
acteurs (ce qui trouve son équivalent lors des danses aborigènes). Beaucoup d’activités
d’observation, de répétition, d’imitation, d’apprentissage par la pratique, d’essais et d’erreurs,
étaient menées, le tout dans un contexte rassurant. Il n’y avait pas de devoirs sur table et
le talent d’acteur des Aborigènes, associé à leur amour pour le spectacle, était utilisé au
maximum. Il n’y avait pas d’interrogation directe, ni de menace sur le droit qu’éprouvent
les Aborigènes à faire ce qu’ils veulent. Personne n’était mis mal à l’aise devant les autres
et il n’y avait pas de longues explications. »
69

Les techniques pédagogiques holistiques

Enseignement et stratégies d’apprentissage IC/ID

Pepper et Henry (1986, p. 58–59) font remarquer que les élèves amérindiens peuvent
sembler désavantagés en classe, car ils développent des compétences dans d’autres
domaines que ceux requis à l’école. Ces élèves apprennent plus vite quand l’approche
est concrète et va de la pratique vers la théorie. Pepper et Henry recommandent donc
les stratégies pédagogiques suivantes :

Stratégies pédagogiques susceptibles de convenir au style d’apprentissage des


Amérindiens :
1. Privilégier les groupes où les élèves apprennent en s’entraidant plutôt que les classes
traditionnelles.
2. Donner un fort pourcentage de projets à faire en groupe et un faible pourcentage
de questions et de réponses orales.
3. Avoir des objets à manipuler et des activités permettant aux élèves de « sentir » et
de « toucher ».
4. Mettre à leur disposition des salles de classes avec un agencement varié permettant
la liberté de mouvements : étudier par terre, assis à une table, disposer les bureaux
en petits groupes etc.
5. Donner une vue d’ensemble avant de segmenter l’apprentissage des compétences en
petites étapes.
6. Proposer des activités fondées sur l’expérience.
7. Encourager beaucoup les apprenants.
8. Encourager la mobilité par des activités programmées.
9. Faire faire des exercices d’explicitation des valeurs.
10. Avoir recours au tutorat entre pairs et à l’enseignement des plus petits par les plus
grands.
11. Fournir aux élèves des images et des représentations de personnages, d’animaux,
des bandes dessinées, des figurines en bois, des maquettes, des modèles réduits,
leur faire dessiner des cartes géographiques.
12. Utilisez des jeux de rôle et des saynètes imaginatives.
13. Organiser les ressources du centre d’apprentissage de façon à répondre aux besoins
de tous les élèves.
14. Encourager l’expression de points de vue personnels, sur des sujets sociaux ou toute
autre matière où plusieurs points de vue sont possibles.
15. Présenter les contenus nouveaux et difficiles avec des aides visuo-spatiales plutôt
que verbalement.
16. Utiliser des métaphores, des images, des analogies et des symboles plutôt que des
définitions comme celles d’un dictionnaire.
17. Utiliser les séries télévisées sur l’école et ses problèmes, comme « Classroom
20/20 » ou « News in Review ».*
70

18. Organiser des séances de brainstorming et d’activités libres non limitées dans le
temps
19. Prévoir des journées sportives et récréatives.
20. Utiliser des jeux pédagogiques.
21. Les jeux éducatifs conçus par les élèves sont particulièrement efficaces.
Extrait de: Pepper (Floy C.) et Henry (Steven L.), Social and cultural effects of Indian learning Style :
Classroom implications, Canadian Journal of Native Education, 13(1), 1986, p. 59. Reproduit avec
autorisation.
*
La première est une émission télévisée qui traite de l’école et des comportements des élèves, l’autre une
émission canadienne sur des sujets d’actualités destinés aux jeunes.

Pour Herold, Ramirez et Castañeda (1974, p. 74–76), la traditionnelle salle de


classe avec des rangées de bureaux convient probablement mieux à l’enseignement
destiné à des élèves IC alors que les petits groupes d’activités autour d’une table sont
plus adaptés aux élèves dépendants du champ.
Selon certains, les élèves apprennent mieux quand on les enseigne selon leur style
d’apprentissage privilégié (Pask, 1975 ; Domino, 1971 ; Entwistle, 1981, p. 95–96).
Pour Kogan (1979, cité par Valencia, 1980–1981, p. 65), des élèves DC apprendront
mieux les mathématiques avec un enseignant DC. Selon Hansen et Stansfield (1982,
p. 272), il faudrait faire davantage de recherches sur les interactions entre les styles
cognitifs des élèves et des enseignants. Vous trouverez d’autres sources d’informations
sur ce sujet dans l’appendice B.

Plan d’un cours holistique 5

S’appuyant sur les travaux de Baumann (1984), Herold, Ramirez et Castañeda (1974) et
sur l’expérience des formations données par SIL au Brésil (Wieseman, 1978) et en
Angleterre, Kindell et Hollman ont élaboré un plan de leçon qui fait usage de stratégies
pédagogiques globales. Créé pour enseigner la linguistique, ce modèle de leçon peut
être utilisé pour des matières analytiques comme les mathématiques et les sciences. On
peut également l’adapter à d’autres disciplines. Voici le plan :
1. Introduction : un survol rapide visant à donner aux élèves une idée claire du
contenu et du but de la leçon ;
2. Enseignement direct : les connaissances nouvelles sont présentées en partant du
tout vers le détail ; les démonstrations et les exemples sont des éléments
importants de la leçon ; l’enseignant invite les élèves à poser des questions et
fournit des explications d’une manière rassurante ; on ne s’attend pas à ce que
l’élève fasse, intuitivement, des bonds dans l’apprentissage ;

5
Le terme « holistique » ou « global » suit la nomenclature utilisée par Kindell et Hollman, qui qualifient
le style dépendant du champ de global et le style indépendant du champ de linéaire. Les auteurs
préfèrent les termes global et linéaire parce que moins chargés de connotations péjoratives.
71

3. Mise en pratique dirigée par l’enseignant : les élèves s’entraînent avec le professeur
qui les guide et commente leur résultat ; le modèle doit être fidèlement reproduit ;
on ne demande pas à l’élève de « faire des bonds » dans la compréhension ;
4. Exercices indépendants : les élèves s’exercent seuls ou en groupe, avec la possibilité
de faire appel à l’enseignant si besoin est ; là encore, il faut suivre le modèle
fidèlement ;
5. Application indépendante : les élèves appliquent les nouvelles connaissances de
façon autonome et de préférence seuls ; ils devraient pouvoir à présent gérer des
écarts par rapport au modèle et se servir de nouveaux concepts et de nouvelles
manières de procéder.
(Kindell et Hollman, 2003, p. 30–32)
Le plan de Kindell et Hollman est très proche du modèle mis au point dans la
jungle péruvienne pour les écoles bilingues de vingt-huit minorités ethnolinguistiques.
Les cours de mathématiques, de sciences, d’histoire et de géographie suivent le plan ci-
dessous, à partir du CE2 (3e année) :
1. Révision des leçons précédentes ;
2. Motivation : pour introduire la leçon, l’enseignant présente quelque chose
d’intéressant ;
3. Observation : les élèves observent le professeur qui enseigne, démontre, donne des
exemples, explique et répond aux questions ;
4. Élaboration : le professeur montre comment représenter les nouvelles
connaissances à l’aide de nombres, de diagrammes, de graphiques, de méthodes de
rédaction des solution des problèmes ;
5. Expression : les élèves s’entraînent à suivre la méthode jusqu’à ce qu’ils puissent le
faire seuls par écrit. La forme des questions reste la même jusqu’à ce qu’ils
maîtrisent le modèle.
(Davis et Jakway, 1983, p. 82–86, traduit de l’espagnol)
Voir également Schooling (1984 et 1987) pour des conseils concernant la formation
des traducteurs en langue maternelle et Sodeman (1987) sur l’utilité des cours
magistraux et de la mémorisation dans les contextes interculturels.
Bowen et Bowen (1989) ont appliqué les recherches sur l’apprentissage global à
l’enseignement des élèves des écoles bibliques africaines. Voici leur liste des méthodes
utiles :
Tiré de Bowen (Earle) et Bowen (Dorothy), « Contextualizing teaching methods in
Africa », Evangelical Missions Quarterly, n° 25 (3), juillet 1989, p. 270–275.
72

Conseils pour enseigner aux apprenants holistiques


1. Exposer les grandes lignes du cours ; les élèves dépendants du champ doivent voir le
plan du cours dans son ensemble parce qu’ils réfléchissent « globalement ».
2. Expliquer en quoi consiste le cours : ce que les élèves doivent apprendre et
pourquoi. Donner clairement les objectifs du cours.
3. Identifier les points importants d’une leçon parce que les élèves dépendants du
champ ne sont pas analytiques. On doit les entraîner à cela.
4. Les encourager souvent à faire des commentaires et leur donner fréquemment des
encouragements.
5. Travailler de préférence sur de petites unités plutôt que sur des grandes, car les
élèves dépendants du champ les maîtrisent plus facilement.
6. Les corriger fermement et les encourager beaucoup (ce qui peut s’avérer difficile
pour l’enseignant indépendant du champ) parce que les élèves dépendants du
champ sont plus sensibles que les élèves indépendants du champ aux louanges et
aux critiques de leurs pairs et de leurs enseignants.*
7. Mettre l’accent sur les projets en groupe, les discussions à plusieurs et le travail à
deux, c’est ce qui convient le mieux aux élèves africains. Travailler seul n’est pas
l’idéal pour eux. Encourager les élèves à travailler, étudier et faire leurs devoirs
ensemble. Bien sûr, les contrôles sont individuels.
8. Donner le cadre et les consignes adéquates pour les projets.
9. Fournir des manuels ou des polycopiés : les africains sont plus visuels qu’auditifs. Il
est peu judicieux de leur demander de prendre des notes. En dernier ressort,
écrivez vos notes au tableau.
10. Utiliser de nombreux supports visuels, images, schémas et modèles, non seulement
pour améliorer l’enseignement mais pour s’assurer que le message est reçu.
11. Donner des notes, des félicitations et des critiques, car les motivations externes
renforcent plus l’apprentissage des élèves DC que les motivations internes.
Dans les classes africaines, pour améliorer l’apprentissage, donner des notes plus
souvent que d’ordinaire.
12. Se comporter comme un modèle et un exemple : les élèves apprendront comment
se comporter, plus en observant notre conduite qu’en écoutant nos cours.
13. Donner des consignes claires et précises : les élèves dépendants du champ préfèrent
faire les choses comme on leur montre, plutôt que de les faire à leur idée ; ne pas
les frustrer en disant « faites comme vous voulez ».
14. Éviter les cours magistraux, c’est la méthode qui marche le moins avec les Africains
ou alors prévoir de leur donner des polycopiés, des images, des exemples et des
illustrations.
73

15. Mettre le contenu du cours en relation avec des personnes et des situations de la
vie réelle, parce que les Africains apprennent mieux un enseignement orienté vers
les relations humaines.
16. Noter selon des critères : baser les notes sur ce que les élèves ont fait d’après des
critères fixés d’avance, sans comparer leurs performances. La compétition est
rarement profitable aux élèves dépendants du champ.
Cet article a été publié pour la première fois dans le numéro de juillet 1989 de la revue Evangelical
Missions Quarterly (EMQ). Reproduit avec autorisation des auteurs. EMIS, Box 794, Wheaton, IL 60187.
E-mail: emis@wheaton.edu, Website: www.emisdirect.com.
* Bien que les élèves DC apprécient d’être clairement corrigés et encouragés, certaines cultures
interprètent facilement un commentaire négatif comme de la critique. Les enseignants doivent être
sensibles aux normes culturelles et apprendre à corriger d’une manière culturellement acceptable.

La formation des enseignants

Les Occidentaux, qui forment des enseignants autochtones venant de sociétés largement
holistiques, rencontrent souvent des difficultés.
Graham (1980a, p. 34–35) fournit des idées intéressantes tirées de son expérience
australienne. Elle recommande en particulier de développer des relations en mettant en
place des situations où Occidentaux et non Occidentaux travaillent en équipe d’égal à
égal : en travaillant par groupe de plusieurs personnes ; en ayant, dans chaque équipe,
des membres expérimentés qui montrent l’exemple aux autres, chacun dans sa
spécialité ; en étant sensible à la communication non-verbale et aux indices culturels ;
en utilisant la langue locale.
Graham a élaboré un guide de l’enseignant qui est adapté à la culture (1980b) ainsi
qu’une liste de conseils pratiques destinés à favoriser une bonne communication
interculturelle (1980a). Cette liste, reproduite ci-après, est valable pour de nombreux
pays, en plus de l’Australie :

Liste de contrôle permettant une formation réussie des enseignants d’autres


cultures.
1. Ayez au moins deux enseignants aborigènes dans le groupe, l’idéal étant d’en avoir
trois ou quatre. Si vous travaillez avec un seul enseignant aborigène, invitez
quelqu’un d’autre à se joindre au groupe. Avec le temps, cherchez à faire participer
des parents aux sessions de discussions.
2. Prévoyez des temps de formation des enseignants ou des discussions ; ne les laissez
pas au hasard. Il vous en faudra probablement trois par semaine.
3. Accordez au moins une demi-heure à chaque session ; la fin de la journée n’est pas
toujours le meilleur moment.
4. Trouvez un endroit où les enseignants aborigènes soient à l’aise. L’idéal est parfois
d’être assis par terre ou à l’ombre d’un arbre. Une tasse de thé ou une boisson
fraîche aide souvent à créer l’atmosphère détendue dont vous avez besoin.
5. Pour instaurer le dialogue, prévoyez de faire quelque chose ensemble pour
introduire une discussion. À partir de ce vécu commun, amenez le groupe à en tirer
des enseignements.
74

6. Ne terminez pas un sujet sans avoir trouvé comment appliquer les idées discutées.
Cela demandera souvent de créer ou de recueillir des contenus adaptés, de mettre
au point des jeux ou des livres racontant des histoires, de faire un plan de cours.
7. Évitez d’utiliser le « jargon » pédagogique sauf s’il est bien expliqué et
régulièrement utilisé.
8. Accordez du temps aux enseignants aborigènes pour qu’ils puissent bien discuter le
sujet dans leur langue avant de vous dire ce dont ils ont parlé.
9. La règle est : « Hâtez-vous lentement ». N’essayez pas d’enseigner trop de choses en
trop peu de temps.
10. Laissez les enseignants illustrer certains points s’il s’avère difficile d’en faire des
listes.
11. Traduire des concepts pédagogiques dans la langue vernaculaire prend du temps.
Laissez leur le temps de bien comprendre et de faire des vérifications auprès de
personnes telles que le linguiste local ou du personnel plus expérimenté.
12. Faites en sorte que les idées concernant le contenu proviennent d’une
compréhension de la théorie. Une bonne théorie mènera à une bonne pratique.
13. Reprenez, dans les sessions de planification des programmes, les éléments acquis
lors des sessions de formation des enseignants.
14. Dans la mesure du possible, partagez la direction avec des enseignants aborigènes
plus expérimentés ou avec ceux qui ont déjà reçu des formations.
15. Si vous avez demandé à quelqu’un d’autre de diriger, ne reprenez pas la direction
et ne faites pas les choses à sa place. Si vous sentez que vous allez intervenir, partez
et laissez-le faire. Il vous fera un compte-rendu de ses activités plus tard.
16. N’ayez pas peur du silence : apprenez à vous détendre et à attendre que les autres
parlent. Vous pouvez reformuler la question si nécessaire, mais ne donnez pas la
solution. S’il n’y a toujours pas de réponse du groupe, proposez au groupe d’en
parler dans sa langue, car les personnes n’ont peut-être pas compris la question et
ont besoin de la clarifier.
17. Rappelez-vous que les Aborigènes utilisent beaucoup la communication non
verbale. Apprenez à « l’entendre » vous aussi.
18. Apprenez à ne pas écouter uniquement les mots que les gens disent. Cherchez aussi
à écouter les idées qu’ils essaient de faire passer. (Rappelez-vous qu’il est difficile
d’exprimer des idées dans une langue seconde.)
19. Rappelez-vous que les gens apprennent plus de choses lorsqu’ils réfléchissent par
eux-mêmes que lorsque quelqu’un les leur dit.
Extrait de Graham (Beth), « Starting where they are: Rethinking Aboriginal early childhood education »,
The Aboriginal Child at School, n° 9 (1), 1980a, p. 28–40. Reproduit avec permission
*
Litt. « Partir de là où ils en sont : Repenser l’enseignement en langue maternelle des Aborigènes. »

À l’université, McEachern et Kirkness (1987) ont élaboré une formation modèle


pour les enseignants amérindiens de Colombie Britannique. Ce cursus a les mêmes
exigences que le diplôme normal (avec des différences dans l’ordre des cours), avec, en
plus, des études amérindiennes et douze semaines de stage pour chacune des deux
75

premières années, ceci afin de s’adapter aux élèves qui apprennent plus facilement par
la pratique qu’en écoutant.

L’organisation et l’évaluation du cursus

Banks (1988, p. 273–292) énumère les orientations majeures des cursus d’enseignement
multiethnique dans les grands systèmes scolaires. Il conseille entre autres que le
programme multiethnique aide les élèves à développer des valeurs favorables au
pluralisme ethnique, qu’il accroisse la capacité des élèves à prendre des décisions, qu’il
améliore les capacités à participer à la société ainsi que le sens de l’efficacité politique,
qu’il aide les élèves à interpréter les événements selon les points de vue de différentes
ethnies.
Banks (1988, p. 293–301) recommande également un inventaire de l’éducation
multiethnique intitulé Evaluation Guidelines for Multicultural-Multiracial Education 6
(National Study of School Evaluation, 1973, p 25–33). Cette évaluation comprend des
listes de critères :
- l’équilibre ethnique et racial du personnel ;
- la conduite des enseignants et des directeurs ;
- l’organisation et le regroupement scolaire ;
- le cursus officiel ;
- le matériel pédagogique ;
- l’enseignement spécialisé.

Le développement bicognitif

Pour réussir les tâches du quotidien, chacun a besoin de faire appel à la fois aux
raisonnements analytiques et aux raisonnements holistiques, chacun ayant ses intérêts
et ses limites. C’est en faisant appel au raisonnement le plus approprié, qu’on est le plus
efficace.
Pour être efficace et compétent dans les deux styles cognitifs, il faut intégrer [...] les
domaines affectif et cognitif. L’objectif est que les enfants passent plus facilement d’un
style à l’autre pour s’adapter aux exigences de plus en plus complexes de la vie […].Pour
arriver à cela, il faut les aider à développer la capacité de tirer parti à tout moment des
deux styles. (Castaneda et Gray, 1974, p. 206).
Comme les enseignants sont confrontés aux deux types d’élèves dans leurs salles de
classe, Ramirez et Castaneda (1974, p. 150–151) recommandent aux enseignants de
cultiver les deux styles pédagogiques afin de toucher tous les élèves et de stimuler le
fonctionnement bicognitif. Ils considèrent comme inadapté le comportement IC qui
exprime une rivalité et une indépendance excessives, alors que pour réussir, il faut
aussi rivaliser avec soi-même, travailler de façon autonome, explorer un sujet et
aborder des abstractions mathématiques et scientifiques. Les comportements DC

6
Litt. Directives pour l’évaluation de l’enseignement multiculturel et multiracial.
76

inadaptés sont la distraction et la dépendance excessive de l’approbation de


l’enseignant, alors que, pour réussir, les élèves DC doivent aussi travailler avec les
autres, être sensibles aux sentiments des autres et à une grande variété d’indices, savoir
apprendre en imitant des exemples.
Souvent, les gens ne comprennent pas un style cognitif opposé au leur et ont
tendance à le mépriser et à le critiquer alors que chacun a besoin d’apprendre le
respect mutuel ainsi qu’à cultiver les points forts de l’autre style.
Pour aider un élève à développer des compétences bicognitives, Herold, Ramirez et
Castaneda (1974, p. 58) conseillent aux enseignants :
1. de regrouper les élèves, en adaptant l’enseignement à leur style privilégié ;
2. d’introduire progressivement le style mal connu (en les mettant avec des pairs de
ce style) ;
3. de travailler avec l’enfant et observer la façon dont il ou elle répond et acquiert le
nouveau comportement. Cela présuppose que l’élève comprenne ce qui est
demandé et coopère.
Ausburn et Ausburn (1978, p 343–344) prônent d’aider les élèves, dont la façon de
traiter les informations n’est pas compatible avec la tâche demandée, au moyen « d’une
supplantation planifiée comportant ouvertement une modification des exigences de la
tâche. » Cette supplantation comprendra :
• La supplantation conciliante, qui se sert de la méthode d’apprentissage que l’élève
privilégie ;
• La supplantation compensatoire, qui permet aux élèves de compenser leurs
carences concernant la tâche demandée en leur donnant la méthode qu’ils ne
peuvent pas encore trouver seuls.
Ils proposent également trois étapes qui peuvent être utilisées dans la conception
de la leçon :
L’analyse des tâches ;
L’identification des élèves qui ont besoin de supplantation ;
La planification de la supplantation appropriée (de conciliation ou de
compensation).
Pepper et Henry recommandent d’enseigner volontairement à travailler de façon
bicognitive en présentant aux élèves d’abord la leçon dans leur style habituel, puis en
la répétant dans le nouveau style. Une fois que les élèves se sont adaptés à ce nouveau
style, Pepper et Harry recommandent de présenter la leçon dans le style habituel 65
pour cent du temps et dans le nouveau style 25–35 pour cent du temps. Les activités
d’apprentissage et les contrôles devraient aussi être présentés dans les deux styles. Au
fil du temps, les élèves s’habituent à travailler dans les deux styles (1986, p. 60).
D’autres informations sur ce sujet se trouvent dans l’Annexe B.
Les chercheurs s’accordent pour dire que la tâche des parents et des enseignants est
de se servir des points forts des élèves pour ensuite, peu à peu, les aider à acquérir des
compétences dans des domaines où ils sont moins bons.
77

Considérations supplémentaires

Au vu des dates des ouvrages cités, les lecteurs constateront que l’étude des styles
d’apprentissage cognitifs a fait l’objet d’un intérêt croissant et a atteint son apogée dans
les années 1970 et 1980. Depuis lors, les styles d’apprentissage constituent une partie
de la théorie de l’éducation. Ces recherches ont été très utiles aux apprenants
holistiques, car elles ont prouvé que leur style d’apprentissage cognitif est valable
(Cohen, 1969, p. 829), ce qui n’avait pas toujours été reconnu à cause de la tendance
analytique de l’enseignement occidental.
Il existe de nombreuses preuves empiriques. Dans la famille de l’auteur, il y a deux
étudiants holistiques, l’un en linguistique, l’autre en ingénierie. Tous deux sont de bons
élèves, qui se sentent frustrés par les méthodes inductives utilisées en cours de
linguistique et de mathématiques. Leur frustration perdure, même quand ils ont
compris ce qui était enseigné. Les élèves, qu’ils soient holistiques ou analytiques,
peuvent réussir avec les mêmes méthodes en langue étrangère, histoire, géographie et
sciences sociales, mais, comme Ramirez et Castañeda (1974, p. 56–157) et Carnine
(1990, p. 377), je pense que, si on veut réellement donner à tous les mêmes chances de
réussite scolaire, on doit développer des approches adaptées aux élèves DC, du moins
pour les matières les plus analytiques. On doit cependant enseigner aux élèves à se
servir des deux styles afin qu’ils adaptent leur méthode à ce qu’ils doivent apprendre.

Mises en garde

Des mises en garde concernant la théorie de la DC/IC s’imposent.


L’origine des habitudes d’apprentissage individuelles est sujette à controverse.
Selon la théorie de la prédominance hémisphérique, en vogue dans les années 1960 à
1980, les tendances analytiques ou holistiques dépendraient du taux de contrôle exercé
par les hémisphères gauche et droit du cerveau. Comme les principaux neurologues
avaient du mal à étayer cette théorie (Albert et Obler, 1978 ; Levy, 1985), d’éminents
théoriciens de la psychologie de l’éducation ont orienté leurs études vers les
mécanismes cérébraux universels, tels que ceux décrits par Ausubel, Anderson et
Gagné. Bien que la plupart des psychologues de l’éducation s’accordent sur l’existence
de différences dans les styles d’apprentissage, ils tendent, du moins pour le moment, à
les attribuer au conditionnement (un processus de socialisation que chacun subit)
plutôt qu’à la génétique.
Cox et Ramirez (1981, p. 61) nous avertissent que « le concept des styles cognitifs
des minorités ethniques (ou d’autres élèves) est trop vite simplifié, mal compris ou mal
interprété. Malheureusement, il a servi à stéréotyper les élèves venant des minorités ou
à les enfermer encore plus dans des catégories plutôt qu’à identifier des différences
individuelles pertinentes sur le plan pédagogique ».
Pour Malone, l’évaluation de la DC/IC n’est pas adaptée aux cultures orales où « les
personnes n’ayant pas l’habitude des symboles abstraits, tels que des figures
imbriquées, craignent leur manipulation ». Malone pense que « le concept de style
cognitif nécessite une étude plus approfondie de la mythologie et de la philosophie de
la vie qui orientent et filtrent la cognition dans les sociétés traditionnelles » (1985,
p. 39–41).
78

Ciborowski et Cole (1971) ont, quant à eux, identifié d’autres facteurs qui ont un
rôle dans la formation des concepts : l’influence du langage sur l’encodage des
perceptions en vue d’une utilisation ultérieure ; la mesure dans laquelle le langage est
utilisé pour résoudre des problèmes. Concernant les influences déterminantes,
l’expérience parmi les groupes ethnolinguistiques de la forêt tropicale péruvienne ne
confirmerait pas la théorie selon laquelle la dominance parentale engendre
inévitablement une dépendance du champ (Hansen, 1984, p. 313). En effet, dans cette
région, la dépendance du champ semble plus forte dans les sociétés les plus
permissives, alors que l’indépendance du champ est plus évidente parmi les Aguaruna,
une société très structurée où les parents ont le devoir de guider et discipliner
sévèrement les enfants.
Reid met en garde les enseignants contre « une mauvaise utilisation de l’évaluation
du style d’apprentissage, de son diagnostic et des prescriptions qui y sont liées », du fait
de « la complexité des variables agissant sur l’apprentissage, dans l’enseignement en
général, et dans l’enseignement des langues étrangères en particulier » (1987, p. 102).
Pour McKenna (1984) et pour Widiger, Knudson et Rorer (1980), l’évaluation de la
théorie de la DC/IC n’a pas été concluante. Widiger et al. constatent que les résultats de
leurs évaluations indiquent qu’« il vaut mieux interpréter les mesures actuelles de la
DC/IC comme des tests d’aptitude plutôt que comme des tests de style cognitif » (1980,
p. 116). McKenna fait le compte rendu d’évaluations qui donnent à penser que les tests
de dépendance du champ, tels que le test des figures imbriquées, « ne remplissent pas
les critères qui permettraient d’évaluer le style cognitif à un niveau conceptuel, et qu’ils
présentent, sur le plan empirique, des corrélations substantielles avec les tests
standards d’aptitude » (1984, p. 593). Il recommande de poursuivre les évaluations
pour éprouver la fiabilité test-retest et la convergence entre des mesures très variées du
style cognitif.
McCarty, Wallace, Lynch et Benally (1991, p. 42–59) montrent que, pour la
formation de concepts, l’important c’est le mode de questionnement, et non le style
d’apprentissage. Des questions ouvertes sur des sujets qui les intéressaient ont permis à
des élèves amérindiens, jusque là inhibés et normalement considérés comme des
apprenants holistiques, de verbaliser et de faire des classifications avec beaucoup
d’enthousiasme et de compétence.
Une des écoles de pensée rejette totalement l’Aptitude Treatment Intervention
(ATI) (approches qui s’adaptent aux différences de chaque apprenant), pour plusieurs
raisons, dont celles-ci : (1) plusieurs études contestent la fiabilité des méthodes
d’évaluation des styles d’apprentissage ; (2) la corrélation entre les avantages de
certains styles d’apprentissage et les résultats scolaires est faible ; (3) un enseignement
correspondant aux styles d’apprentissage des élèves n’a qu’un impact très modéré sur la
réussite scolaire (Carnine, 1990, p. 377) ; (4) il est impossible pour un enseignant très
occupé de s’adapter à chaque élève.
Ceux qui pensent cela ont tendance à estimer que si l’enseignement est adéquat,
tout le monde peut, avec la même efficacité acquérir les concepts enseignés. Au lieu de
se préoccuper des différences individuelles, les enseignants devraient donc porter leur
attention sur des stratégies efficaces pour tous et mettre dans la leçon tous les éléments
nécessaires à chaque élève (comme ceux définis dans les étapes d’apprentissage de
Gagné).
79

Il faut donc avoir une position équilibrée. Même dans les cultures où la dichotomie
entre apprenants analytiques et apprenants holistiques est nette, toutes les difficultés
d’apprentissage ne sont pas attribuables aux différences de styles d’apprentissage.
L’analyse des styles d’apprentissage n’est qu’un des outils de la panoplie de
l’enseignant. Il est nécessaire de continuer les recherches empiriques au sein d’ethnies
du monde entier pour répondre à des questions telles que :
1. Quel est l’effet du contact entre les cultures et du changement social sur les styles
d’apprentissage ?
2. Dans les sociétés permissives, quels sont les facteurs qui donnent des apprenants
holistiques ?
3. Quelles sont les mesures interculturelles qui aident le mieux les individus à
apprécier les avantages d’un style d’apprentissage autre que le leur et qui les
poussent à l’acquérir (c.à.d. à développer une performance bicognitive) ?

Application

La théorie des styles d’apprentissage nous enseigne :


• À reconnaître qu’il y a de nombreuses façons d’apprendre ;
• À reconnaître la validité de chaque style d’apprentissage, avec ses avantages et ses
inconvénients ;
• À tirer le meilleur parti des avantages des styles d’apprentissage des apprenants ;
• À aider les apprenants en leur présentant les informations de manière compatible
avec leur style d’apprentissage ;
• À enseigner aux apprenants à se servir d’autres styles d’apprentissage ;
• À aider les apprenants à organiser les concepts de façon pertinente ;
• À être attentif aux cultures afin d’identifier leurs attentes traditionnelles en matière
d’apprentissage et d’enseignement.
Chapitre 5

La théorie du constructivisme social

Introduction

Avant de s’intéresser à la psychologie expérimentale en 1924, Lev Vygotsky (1896–


1934), célèbre intellectuel russe d’origine juive, a étudié la médecine, le droit, la
philosophie, l’histoire et la littérature. Très vite, il a remis en question les positions des
behavioristes comme Pavlov, pour lesquels « tout comportement est la somme de
réflexes conditionnés » (Vygotsky, 1986, p. 19). Cela lui a valu d’être reconnu comme
intellectuel de premier plan. De 1926 à 1930, ses recherches ont porté sur les
mécanismes qui transforment les fonctions psychologiques naturelles en fonctions de
niveau supérieur : mémoire logique, attention sélective, prise de décisions et
compréhension du langage. Il a collaboré avec Alexandre Luria et d’autres
psychologues russes (1986, p. 11–56).
Même si la théorie de Vygotsky concerne toutes les fonctions mentales supérieures,
il s’est principalement intéressé au développement du langage en relation avec la
pensée. Pour lui, l’apprentissage est dialogique par nature, c'est-à-dire qu’il se forme à
travers la conversation : « les enfants résolvent des tâches pratiques en s’aidant de la
parole » (1978, p. 26). Il en a donc conclu que toute connaissance est construite
socialement.
La carrière professionnelle de Vygotsky a commencé alors que la Russie sortait de
sa révolution contre le tsar. En ce temps-là, le marxisme accordait une grande
importance aux idéaux socialistes de coopération et de partage, l’individu devant
sacrifier ses désirs personnels au profit de l’amélioration de toute la société. Chaque
triomphe personnel était perçu comme celui de la société. Les théories de Vygotsky
reflétaient cette époque (R. Vasta, M. M. Haith et S. A. Miller, 1995). Vygotsky est mort
de la tuberculose en 1934, au moment où les psychologues soviétiques commençaient à
subir des pressions pour que les travaux de Marx, Engels et Lénine servent directement
de fondements aux différentes branches de la psychologie. Les idées de Vygotsky ont
été attaquées politiquement et il a fallu attendre 1962 pour que son livre soit publié en
anglais sous le titre Thought and Language. Depuis lors, les concepts de Vygotsky se sont
largement répandus en Occident et, à partir des années 1990, sa théorie du
constructivisme social a été mise en pratique dans de nombreuses salles de classe.
Voici ce que David Barton (1994, p. 224) écrit à propos de Vygotsky :
Le psychologue russe Vygotsky […] a travaillé dans les années 20 et 30. Il est mort en
1934. Ses travaux ne sont connus dans le monde anglophone que depuis la traduction
d’un seul livre en 1962 et ce n’est que depuis la dernière décennie qu’ils sont pris au
sérieux. Son influence est frappante sur des sujets où il est difficile de trouver des
références de plus de cinq ans.

Les concepts fondamentaux

Les travaux de Vygotsky abordent de nombreuses questions que nous ne pouvons pas
toutes étudier dans ce chapitre. Les concepts-clefs, cependant, sont les suivants :

80
81

• On apprend deux fois : d’abord socialement, ensuite en intériorisant le savoir ;


• Toute connaissance est construite socialement, c’est-à-dire que tout apprentissage
est un apprentissage en groupe ;
• La pensée et le langage sont les clefs de la conscience humaine ;
• Le langage aide la pensée et non l’inverse : « […] la pensée naît des paroles. Un
mot dépourvu de pensée est mort » (1986, p. 255).

L’idée maîtresse du raisonnement de Vygotsky

C’est en observant des enfants que Vygotsky (1978, p. 56–57) a abouti à ses
conclusions sur la manière dont les concepts sont formés :
1. Un très jeune enfant essaie de saisir un objet ;
2. Sa mère s’en aperçoit et l’aide en plaçant l’objet à sa portée ;
3. Après avoir répété cette expérience à plusieurs reprises, le bébé n’essaie plus
d’attraper maladroitement l’objet mais le montre du doigt ;
4. La signification est née du contexte social des relations mère-enfant ;
5. Le bébé intériorise ensuite la signification ;
6. Très vite, le bébé va apprendre de sa mère les termes (paroles) correspondant à la
signification qu’il a déjà intériorisée. Il n’est pas libre de choisir le sens de ces mots.
Les mots lui sont donnés par les adultes et servent de substituts aux concepts
(1986, p. 122–123). Il est impossible pour l’enfant de découvrir tout seul leur sens.
Du point de vue du constructivisme social, on classe l’ensemble de l’échange entre
la mère et le bébé dans la catégorie dialogue.
Ainsi, pour Vygotsky « la pensée et la parole s’avèrent être la clef de la nature de la
conscience humaine […], un mot est un microcosme de conscience humaine » (1986,
p. 256).
Les recherches de Vygotsky l’ont également conduit à affirmer que « faire
semblant » et jouer (comme jouer à être une maman ou un bébé) favorisent le
développement cognitif, puisque la situation imaginaire que les enfants ont ainsi créée
les amène à adapter leur comportement à cette nouvelle situation. De plus, « lorsqu’ils
imitent leurs aînés dans des activités culturellement marquées, les enfants se créent
eux-mêmes des occasions de développement intellectuel et acquièrent un premier
niveau de maîtrise de la pensée abstraite » (Vygotsky, 1978, p. 129). En grandissant, les
enfants inventent des règles pour leurs jeux, ce qui est un autre progrès dans la
complexité de la pensée (1978, p. 103).
Selon Vygotsky, tout comme les enfants développent leurs compétences orales, ils
devraient aussi développer leurs compétences à l’écrit, afin que l’écriture devienne pour
eux tellement utile et naturelle qu’elle fasse partie de leur façon de s’exprimer. « En
fait, Il s’agit d’enseigner aux enfants la langue écrite et pas seulement à écrire les lettres
de l’alphabet » (Vygotsky, 1978, p. 119).
82

Le discours intérieur

Selon Vygotsky, pour que la pensée soit stimulée, il n’est pas toujours nécessaire de
parler avec une autre personne. Il est aussi possible de dialoguer avec soi-même après
avoir reçu des informations venant des autres. Un dialogue de cette nature favorise les
processus de pensée et conduit à une nouvelle compréhension des choses. Il s’appuie
toutefois sur l’analyse et la synthèse d’informations venant de l’extérieur, directement
ou indirectement, par des moyens de communication tels que les livres et la télévision.
Par conséquent, la connaissance qu’on développe est toujours construite socialement.

Les limites du constructivisme social

Le constructivisme social ne sait pas vraiment bien traiter les situations d’inspiration
solitaire, les changements de paradigmes résultant d’une compréhension subite, hors de
toute influence extérieure, par exemple la découverte de la gravité par Newton. Le
concept de dialogue intérieur était, peut-être, une tentative d’explication de ces rares
cas.

La zone de proche développement

Vygotsky reconnaissait que l’apprentissage est progressif et qu’il y a des connaissances


qui sont juste au-delà de celles déjà acquises et que l’intelligence est prête à assimiler.
Il a appelé ces zones d’apprentissage potentiel des zones de proche développement.
Vygotsky a invité les enseignants à tirer profit de ces zones, chez leurs élèves, en
identifiant ce qu’ils savent déjà, puis en leur enseignant ce qu’ils sont prêts à
apprendre.

Les conséquences

S’il est vrai, comme l’a affirmé Vygotsky, que toute connaissance est construite
socialement, à savoir qu’elle se développe lorsque les gens interagissent dans certaines
situations, alors il devient capital de permettre aux élèves de parler et d’échanger des
idées. Puisque la pensée se développe même en parlant dans des jeux, l’acte de parler
est alors aussi important que l’acte d’écouter ce que disent les autres. Les parents
doivent donc comprendre l’intérêt du jeu pour leurs enfants et les enseignants doivent
créer, pour leurs élèves, le plus d’occasions possibles de dialoguer en classe.
Ce concept de dialogue, considéré par les disciples de Vygotsky comme
fondamental dans toute situation, a encouragé les activités collectives et les groupes de
travail dans les classes contemporaines et se montre particulièrement utile dans les
sociétés où les relations humaines priment. On peut construire des cours autour
d’activités d’apprentissage nécessitant des conversations ou des discussions pour
résoudre les problèmes. Les groupes de discussion et les groupes de recherche se
réunissent et exposent ensuite leurs conclusions. Les activités comme : parler d’un objet
qu’on montre, raconter des histoires, faire des jeux de rôle, animer des marionnettes,
échanger dans des débats et faire du théâtre, sont autant de moyens de stimuler la
pensée et d’échanger des idées en s’exprimant verbalement. Au lieu de toujours
83

demander aux enfants d’être silencieux, les enseignants devraient s’efforcer


d’encourager les activités qui développent le langage et donc la pensée.
Le développement du langage devrait continuer chez les enfants jusqu’à ce que
l’écriture de leurs pensées soit devenue un mode naturel d’expression. Les enfants
peuvent apprendre à exprimer leurs idées avec des images et des mots, à créer des
panneaux et des affiches, à écrire des messages pour eux-mêmes et pour les autres, à
noter les résultats de leurs recherches (peut-être dans des schémas et des plans), à tenir
le journal de leurs expériences et de leurs impressions, à écrire des histoires et des
livres qui seront publiés en classe.

Application

Le constructivisme social nous enseigne :


• La valeur du dialogue dans l’apprentissage ;
• L’importance de laisser aux élèves la possibilité de jouer, de dialoguer et
d’exprimer des pensées par écrit ;
• L’importance d’enseigner dans la « zone de proche développement ».
Appendice A :

Exemple d’un concept intégrateur 1

Le concept d’époque 2

Contexte

Pendant plusieurs années, j’ai travaillé pour un programme scolaire bilingue et


interculturel créé par le ministère péruvien de l’éducation pour les populations de
l’Amazonie péruvienne. Un après-midi, un des enseignants stagiaires, un homme très
intelligent venant d’un des groupes linguistiques les plus isolés, m’a regardée et m’a
demandé : « Madame, qui est venu en premier : Jésus-Christ ou les Incas ? »

La structure cognitive préexistante

Les cultures amazoniennes sont des cultures orales. Leurs archives les plus anciennes
sont gardées dans la mémoire des grands-parents. Les temps plus lointains forment,
pour l’essentiel, un grand tout indéfini, avec une vague distinction entre le passé
lointain et le passé très lointain évoquée parfois dans les discours et les légendes.
Comme il était diplômé de l’enseignement secondaire, j’ai immédiatement compris que
le problème de mon étudiant, ce n’était pas qu’il n’avait pas étudié les civilisations
anciennes, ni eu connaissance de dates, mais qu’il ne disposait pas des outils
conceptuels nécessaires pour aborder les époques anciennes. Même s’il avait appris à
compter en années (1982, 1983, 1984, etc.) je me suis doutée qu’il ne faisait pas le lien
entre ces chiffres et le passé lointain ou qu’il ne comprenait pas leur origine.
J’ai réussi à fournir une explication qui a tellement ravi l’étudiant et tous ses amis
réunis autour de nous, qu’ils ont posé des questions pendant deux heures. Si j’avais su
ce que je sais maintenant, j’aurais pu commencer mon explication avec un concept
intégrateur déclaratif comme celui qui suit.

Le concept intégrateur : objectif comportemental visé

Le but de cette leçon est, qu’après la présentation du concept intégrateur, l’étudiant


sache d’une part représenter sur une frise chronologique deux époques et d’autre part
expliquer avec précision les choses suivantes :
1. Le temps est divisé en grands blocs, appelés époques ;

1
Cet exemple illustre l’idée d’Ausubel, qui conseille l’utilisation de concepts intégrateurs avant la
présentation de nouveaux concepts. Voir chapitre 3.
2
Cet exemple est plus complexe que bien d’autres concepts intégrateurs qui pourraient être utilisés, mais
il servira à illustrer la méthode de présentation.

84
85

2. Les époques portent souvent le nom du peuple qui avait le pouvoir pendant cette
période ;
3. Une époque couvre la durée de plusieurs générations ;
4. Certaines époques sont plus longues que d’autres.

Le concept intégrateur : (de type comparatif)

Considérons que le temps est comme une ligne qui a commencé il y a si longtemps que
personne ne peut se souvenir de son début et qui se poursuit, dans le futur, plus
longtemps que nous ne pouvons l’imaginer, comme ceci :

Voici notre place sur la ligne :

Avant nous, il y avait nos parents :

Avant nos parents, il y avait nos grands-parents et nos arrière-grands-parents :

Et avant eux, il y avait nos ancêtres :

Les gens de votre peuple parlent « du temps de ton père » ou « quand ton grand-
père était en vie. » Cependant, dans d’autres pays, l’histoire écrite s’étend sur beaucoup
plus d’années et rend compte des vies de tellement de personnes que nous devons
découper le temps en périodes bien plus longues que les durées de vie des ancêtres
dont nous nous souvenons. C’est pour cette raison que les gens ont commencé à diviser
l’histoire en grands blocs, qu’on appelle périodes ou époques et qu’on leur donne
souvent le nom des civilisations qui exerçaient le pouvoir en ce temps-là.
Nous pourrions par exemple répartir l’histoire de l’Amazonie en deux grandes
époques :
Époque 1 Époque 2

Avant l’arrivée des Blancs Après l’arrivée


des Blancs
Vos ancêtres ne comptaient pas en années, mais maintenant que vous le faites, vous
pouvez voir que certaines époques sont longues et d’autres sont courtes. Par exemple,
86

l’époque avant l’arrivée des Blancs dans la jungle est beaucoup plus longue que celle
qui a commencé depuis la venue des Blancs.

Le concept intégrateur en tant que concept

Ce concept intégrateur part des connaissances historiques très limitées de l’étudiant, en


lui rappelant le déroulement du temps et la succession des générations dans sa famille.
On continue en utilisant ses connaissances pour lui faire comprendre que la durée de la
vie humaine fait partie de périodes beaucoup plus longues.

Schéma 1. Structure cognitive préexistante.


(les lignes en pointillés représentent des relations vagues, qui ne sont pas clairement
définies)
Jusque-là donc, j’ai simplement organisé les connaissances de l’étudiant. Puis, j’ai
ajouté de nouvelles informations : le mot époque se rattache à de plus grandes
périodes. C’est un nouveau mot pour l’étudiant, mais c’est aussi un nouveau concept
car il désigne, comme un élément distinct, ce qui auparavant était une idée floue. La
personne doit apprendre par cœur le mot de vocabulaire, mais elle apprend le concept
par assimilation corrélative, puisqu’il s’agit simplement d’une extension de ses
connaissances antérieures.
87

Schéma 2. La structure cognitive après la présentation du concept intégrateur.


Le nouveau concept d’époque inclura toutes les périodes que les historiens (et toute
autre personne) voudront définir. Celles présentées dans la leçon seront donc apprises
par analogie et par assimilation dérivative.
La succession des époques, leurs noms et leurs différentes durées, tout cela fait
partie du concept dès qu’il y a plusieurs époques et qu’il devient nécessaire de les
distinguer entre elles. Une fois que l’étudiant a été sensibilisé à cela par le concept
intégrateur, il comprendra leur occurrence dans la leçon, par analogie et par
assimilation dérivative.
Comme l’étudiant a été averti que les années et les époques sont liées, il est
possible d’enseigner le système utilisé pour compter les années en étendant
l’information et par assimilation corrélative.
Les traits communs véhiculés par le concept intégrateur et la leçon sont : le passage
du temps, le découpage du temps en époques, la dénomination des époques, la mesure
du temps, et la subdivision d’une époque en générations.
Ce concept intégrateur exclut d’autres façons de voir l’histoire, telles que la
succession d’inventions majeures, la mise au point d’écritures, la diffusion des langues
ou l’extension du colonialisme.

Le contenu de la leçon

Nous avons des archives écrites datant de 4000 à 5000 ans, mais venant seulement
de certaines parties du monde. Ce que nous connaissons, nous pouvons le répartir en
grandes époques, selon les peuples qui étaient au pouvoir. C’est ce que nous avons fait
quand nous avons établi deux périodes : avant et après l’arrivée des Blancs dans la
jungle. Voici quelques grandes périodes de l’histoire (selon l’Encyclopédia Britannica,
volume 14, 1988, p. 721–722) :
88

Les années sont comptées à partir de la naissance de Jésus-Christ – avant (av. J.-C.) et après (ap. J.-C.)

Schéma 3. La Leçon.

Analyse

Le schéma 4 décrit ce qui s’est passé dans la structure cognitive des étudiants pendant
la leçon. Ils sont maintenant prêts à comprendre toute information qui pourrait leur
être donnée sur l’histoire ancienne et à la situer à peu près dans le temps.
89

Schéma 4. Structure cognitive après présentation du nouveau contenu.

Conclusion

Vous connaissez maintenant :


• Certaines des époques importantes de l’histoire ;
• Les peuples qui avaient le pouvoir en ces temps-là ;
• L’ordre dans lequel ces époques se sont succédées ;
• Comment compter les années ;
• Le fait que Jésus-Christ est venu avant les Incas.
Appendice B :

Autres sources complémentaires

Le contenu des ouvrages suivants est également utile.

Enseignement et évaluation des apprenants holistiques :

Campbell (Linda), Campbell (Bruce) et Dickinson (Dee), Teaching and learning through
Multiple Intelligences, Needham Heights, MA, Allyn and Bacon, 1996.
Carbo (Marie), Dunn (Rita) et Dunn (Kenneth), Teaching students to read through their
individual learning styles, Englewood Cliffs, New Jersey, Prentice Hall, 1986.
Gardner (Howard), Frames of mind : The theory of multiple intelligences, New York,
Basic Books, 1983.
Les sept formes d’intelligences sont présentées : l’intelligence verbo-linguistique,
l’intelligence logico-mathématique, l’intelligence kinesthésique, l’intelligence
spatiale, l’intelligence musicale, l’intelligence interpersonnelle et l’intelligence
intra-personnelle.
Gardner (R.), Holzman (P.), Klein (G.), Linton (D.) et Spence (D.), « Cognitive control :
A study of individual consistencies in cognitive behavior », Psychological Issues IV,
New York, International Press, 1959.
Hernandez (Hilda), Multicultural education : A teacher's guide to content and process,
Columbus, Ohio, Merrill Publishing Company, 1989.
Les pages 121 à 125 présentent un inventaire informel des styles d’apprentissage,
ce qui donne un aperçu des styles d’apprentissage et des styles d’enseignement.
McCarthy (Bernice), The 4-mat system : Teaching to learning styles with right/left
mode techniques, Barrington, Illinois, Excel, 1980.
Meister Vitale (Barbara), Unicorns are real : A right-brained approach to learning,
Rolling Hills Estates, California, Jalmer Press, 1985.
Cet ouvrage recense des idées pour enseigner les couleurs, la lecture, l’écriture, les
opérations mathématiques, l’organisation, la grammaire, la musique. Il donne aussi
les titres d’autres ouvrages.
National Association of Secondary School Principals, Student learning styles :
Diagnosing and prescribing programs, Reston, Virginia, 1979.
National Study of School Evaluation, « Evaluation guidelines for multicultural-
multiracial education », National Study of School Evaluation, Arlington, Virginia,
1973, p. 25–33.

90
91

Les stratégies d’enseignement holistiques :

Baumann (James F.), « The effectiveness of a direct instruction paradigm for teaching
main idea comprehension », Reading Research Quarterly, n° 20 (1), 1984, p. 93–
115.
Hernandez (Hilda), Multicultural education : a teacher's guide to content and process,
Columbus, Ohio, Merrill Publishing Company, 1989.
Les pages 131 à 133, adaptées de Weinstein et Mayer (1986), donnent une liste de
stratégies utiles pour les classes multiculturelles.
Herold (P. Leslie), Ramirez (Manuel III) et Castaneda (Alfredo), « Field sensitive and
field independent teaching strategies », New approaches to bilingual, bicultural
education, Austin, Texas, The Dissemination and Assessment Center for Bilingual
Education, 1974, p. 65–76.
Ces pages résument des différences importantes entre les cursus d’enseignement
dépendants et indépendants du champ. Bien que les auteurs parlent du contexte
américain, beaucoup de choses sont applicables aux cursus d’enseignement dans les
pays en voie de développement.
Kauback (Brent), « Styles of learning among native children : A review of the
research », Canadian Journal of Native Education, n° 11 (3), 1984, p. 27–37.
Kolb (David A.), Experiential learning : Experience as the source of learning and
development, Englewood Cliffs, New Jersey, Prentice-Hall, 1984.
Kolb étend l’application des principes de style d’apprentissage à son modèle
d’apprentissage par l’expérience.
Ramirez (Manuel III) et Castaneda (Alfredo), Cultural democracy, bicognitive
development, and education, New York, Academic Press, 1974.
Ces auteurs ont observé et décrit des stratégies DC et IC d’apprentissage et
d’enseignement, surtout parmi les étudiants hispanophones aux États-Unis. Voir
plus particulièrement les pages 133 à 140.

Le développement bicognitif :

Davis (Thomas) et Pyatskowit (Alfred), « Bicognitive education : A new future for the
Indian child? », Journal of American Indian Education, n° 15 (3), 1976, p. 14–21.
Cet article aborde l’éducation bicognitive du point de vue de l’école Menominee
(réserve Menominee, nord du Wisconsin, U.S.A.). Ces auteurs recensent huit
concepts Menominee de soi et proposent un plan pour enseigner, de l’école
maternelle à la fin du lycée, à la fois les connaissances indiennes et celles
nécessaires à l’école et dans la société dominante.
92

Silberman (Mel.), Active learning : 101 strategies to teach any subject, Needham
Heights, MA, Allyn and Bacon, 1996.
Sternberg (Robert J.), « Thinking styles : Keys to understanding student performance »,
Phi Delta Kappan, n° 71 (5), 1990, p. 366–371.
Sternberg traite des styles en termes de portées et de formes d’autogestion mentale.
Il relève la tendance des enseignants et des écoles de récompenser les élèves dont
les styles correspondent aux leurs. Il souligne également que les élèves ont besoin
de développer leurs capacités à passer d’un style à l’autre.
Williams (Linda Verlee), Teaching for the two-sided mind, Englewood Cliffs, New
Jersey, Simon and Shuster, 1983.
Williams traite des façons de penser et de la manière d’enseigner aux élèves à traiter ce
qu’ils perçoivent.

Lectures complementaires en francais

Berchadsky (J.), « Le cognitivisme », Actes de Lecture, n° 48, décembre 1994.


Chartier (D.), « Les styles d'apprentissage : Entre flou conceptuel et intérêt pratique »,
Savoirs, n° 2, février 2003, p. 7-28. Article consultable sur : URL :
www.cairn.info/revue-savoirs-2003-2-page-7.htm. DOI : 10.3917/savo.002.0007.
Huteau (M.), « Un style cognitif : La dépendance-indépendance à l'égard du Champ »,
dans L'Année Psychologique, vol. 75, n°1, 1975, p. 197-262.
Lecomte (J.), « Lev Vygotski (1896-1934). Pensée et langage », revue « Sciences
Humaines », n° 81, mars 1998.
Lemaire (P.), Psychologie cognitive, ed. De Boeck, Bruxelles, 1999, p. 543.
Lieury (A.), Manuel visuel de Psychologie pour l’enseignant, Dunod, 2010.
Piaget (J.) et Inhelder (B.), La psychologie de l'enfant, Quadrige, PUF, 2004.
Références bibliographiques

Lectures complémentaires (anglais)

Academic American Encyclopedia, Danbury, Connecticut, Grolier, Inc., 1986.


Albert (Martin L.) et Obler (Loraine K.), The bilingual brain : Neuro-psychological and
neurolinguistic aspects of bilingualism, New York, Academic Press, 1978.
Anderson (Richard C.), « The notion of schemata and the educational enterprise », dans
Anderson (R C.), Spiro (R.J.), et Montague (W. E.) (eds.), Schooling and the
acquisition of knowledge, Hillsdale, New Jersey, Lawrence Erlbaum, 1977,
p. 415–431.
Anderson (Richard C.), « Schema-directed processes in language comprehension », dans
Lesgold (Alan M.), Pellegrino (James W.), Fokkema (Spike D.) et Glaser (Robert)
(eds.), Cognitive psychology and instruction, New York, Plenum Press, 1978,
p. 67–82.
Anderson (Richard C.), Pichert (James W.), Goetz (Ernest T.), Schallert (Diane L.),
Stevens (Kathleen V.) et Trollip (Stanley R.), « Instantiation of general terms »,
Journal of Verbal learning and Verbal Behavior, n° 15, 1976, p. 667–670.
Ausburn (Lynna J.) et Ausburn (Floyd B.), « Cognitive styles : Some information and
implications for instructional design », Education Communication and Technology
Journal, n° 26 (4), 1978, p. 337–354.
Ausubel (David P.), « The use of advance organizers in the learning and retention of
meaningful verbal material », Journal of educational psychology, n° 51, 1960,
p. 267–272.
Ausubel (David P.), The psychology of meaningful verbal learning, New York, Grune &
Stratton, 1963.
Ausubel (David P.), learning theory and classroom practice, bulletin n° 2, Toronto, The
Ontario Institute for Studies in Education, 1967.
Ausubel (David P.), Novak (Joseph D.) et Hanesian (Helen), educational psychology : A
cognitive view, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1978.
Baldwin (James Mark), The development of the child and of the race, New York,
McMillan, 1894.
Bandura (Albert.), Social learning and personality development, New York, Holt,
Rinehart and Winston, 1963.
Bandura (Albert), « Behavioral modifications through learning procedures », dans
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