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HISTOIRE, GEOGRAPHIE ET GEOPOLITIQUE DU MONDE

CONTEMPORAIN

 Comment construire une dissertation ?


 Méthodologie

Il s’agit de l’exercice-clé des différents concours des écoles de commerce. Il est donc impératif de
comprendre ce qu’il est : un effort de réflexion, d’analyse et démonstration qui obéit à des règles précises.
Ces règles relèvent d’une méthode à suivre ; la respecter permet de construire une réponse argumentée et
pertinente par rapport au sujet proposé.

La dissertation s’articule autour de trois éléments : une introduction, un développement, une conclusion.
Ils doivent apparaître avec clarté : sauts de lignes, retours à la ligne, alinéas ne sont donc pas
superfétatoires. Chacun de ces éléments répond à des objectifs propres, mais ils sont liés : la dissertation
doit logiquement se dérouler, depuis la première phrase de l’introduction jusqu’à la dernière de la
conclusion sans rupture abrupte. L’on ne peut atteindre cet objectif que si le propos s’enchaîne
logiquement à mesure qu’il se déroule.

L’introduction : une partie essentielle et stratégique de la dissertation

L’introduction est un élément à ne pas négliger. Trop d’étudiants, à la lecture des sujets, se
jettent sur leur brouillon, pour trouver le plus rapidement possible un plan « faisant l’affaire », alors
qu’ils négligent une étape fondamentale : tout sujet implique une réflexion préalable, qui donne son sens à
l’introduction. Une saine réflexion liminaire, une bonne définition des termes du sujet, un questionnement
judicieux sont des gages de réussite. Une introduction se compose de quatre éléments. Ces éléments sont
distincts et également importants. Ils s’articulent étroitement au reste de la dissertation.

L’accroche
L’accroche permet de capter l’attention du lecteur et de montrer que l’on a saisi au moins un enjeu du
sujet. L’accroche part souvent d’un fait précis, ou parfois tiré de l’actualité la plus récente.

Présentation et définition des termes du sujet

Il s’agit de présenter le sujet en l’explicitant : son ou ses mot(s)-clé(s), ses bornes spatiales et/ou
chronologiques. Cette étape ne consiste pas en la juxtaposition de quelques phrases vagues, de définitions
désincarnées du sujet, ou en un panorama anticipé de ce qui sera écrit dans le développement (sinon à

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quoi bon lire la dissertation puisque tout serait déjà dit ?). Il faut surtout faire attention à ne pas donner
dans l’accroche ou la présentation du sujet la réponse à la problématique qui suit !

Intérêt du sujet

Il faut mettre en évidence l’intérêt spécifique du sujet, les problèmes qu’il soulève, ses paradoxes.Vous
devez montrer l'intérêt et la/les particularité(s) du sujet. C'est l'étape la plus "difficile" mais aussi la plus
importante. Vous devez chercher ce qui est "en jeu" dans le sujet, ce qui se joue. Chaque sujet a un intérêt
particulier, une singularité : vous devez la décoder. Essayez de reformuler le sujet avec d'autres termes,
pour l'éclairer. Avant : au moment de l'apprentissage des cours, essayez de bien identifier les enjeux des
chapitres, et les enjeux à l'intérieur des chapitres. Une fois que vous aurez compris et mis en valeur le
sujet, vous pourrez formuler la "problématique".

La problématique

C’est le travail qui consiste à élaborer une problématique c'est-à-dire de transformer le sujet en un
problème auquel le plan se chargera ultérieurement de répondre. Autrement dit la problématique n'est
jamais la simple reformulation du sujet. A partir de l'analyse du sujet, il est possible de le questionner plus
précisément. Il convient toujours de se demander : Pourquoi me pose-t-on cette question ?, la réponse au
sujet est-elle si évidente ? On pourra aussi chercher les présupossés de la question : que suppose le sujet ?
Que faut-il admettre pour rendre cette question possible ou légitime ? On cherchera enfin les questions
que font naître logiquement le sujet. Ce questionnement (avant la problématique) doit normalement
faire apparaître le problème central du sujet. Une fois le problème découvert, il s'agit de le
formuler clairement. Cette formulation se retrouvera dans l'introduction et servira de point de
départ à l'argumentation.

La problématique correspond à la manière dont l’étudiant s’est approprié le problème posé


par le sujet et dont il exprime ce problème. Elle constitue un questionnement « Qu’est-ce que je vais
démontrer ? » dont les éléments de réponse successifs constitueront le corps de la dissertation. Elle se
présente généralement mais pas obligatoirement sous la forme d’une question, sous forme indirecte ou
directe. Il faut veiller à ne pas multiplier les questions, car cela diluerait la réflexion et le développement.
La problématique doit être lisible, claire, précise : il s’agit d’être compris du lecteur et de témoigner que
l’on maîtrise le sujet. Une problématique abstruse n’a aucun intérêt : elle n’aide ni le candidat à y voir
plus clair dans le sujet, ni le correcteur perdu dans tant d’hermétisme. Derrière une problématique
exagéré- ment complexe, le candidat cache souvent l’absence de compréhension réelle du sujet.

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L’annonce du plan

L’annonce du plan doit pas être négligée (alors qu’elle est parfois oubliée lorsque l’on considère, à tort,
que problématique et annonce du plan sont redondantes). Elle doit être concise et nette, s’articuler autour
de phrases qui commencent à apporter des éléments de réponse à la problématique et qui clarifient la
direction que le développement va prendre. À la question suivante : « Tel phénomène hiérarchise-t-il
l’espace ? », il vaut mieux répondre : « Nous verrons que ce phénomène favorise certains espaces moteurs
alors que d’autres restent à la marge » plutôt que : « Nous verrons que ce phénomène hiérarchise l’espace.

EXEMPLE

Si l’on est confronté au sujet « L’Europe, première victime de la mondialisation ? », voici un exemple
d’introduction qu’il est possible de rédiger.

[Accroche] L’Europe, de l’Atlantique à l’Oural, fut en pointe dans le phénomène de mondialisation


puisque dominant ses deux premières phases. Lançant le mouvement des Grandes Découvertes aux XV-
XVIe siècles, elle est surtout l’aire de genèse du processus de Révolution industrielle. Elle domine alors
l’économie mondiale grâce à une industrialisation maîtrisée.

[Présentation et définition des termes du sujet] Et pourtant, aujourd’hui, dans un ouvrage récent
(Le joker européen, la vraie solution pour sortir de la crise), Christian Saint-Etienne n’hésite pas à taxer
le Vieux Monde de « ventre mou » de l’économie mondiale. De fait, la troisième phase de la
mondialisation – caractérisée par la fulgurante montée en puissance de la Chine – traduit son
déclassement ou situation de victime, notamment par rapport à une partie du Sud. Sur le plan
géopolitique, les années 1990 ont été marquées par la multiplication de crises localisées (effondrement de
l’ex-Yougoslavie, tensions sécessionnistes en Transnistrie...) cependant que la crise systémique qui
l’affecte depuis 2008 la fragilise sur le plan économique mais aussi diplomatique (tensions internes à
l’Union européenne). C’est pourquoi l’Europe donne l’impression de subir la mondialisation.

[Problématique] Ces constats incitent à interroger les principales difficultés actuelles de l’Europe
dans l’ordre géopolitique et géoéconomique : ce continent a-t-il abdiqué toute prétention à la puissance ?

[Annonce du plan] Nous verrons que l’Europe est directement frappée par une concurrence
internationale dévastatrice et par le phénomène de désindustrialisation. Mais l’Europe demeure une

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force normative dans la mondialisation, en lien notamment avec le projet de construction européenne. Ce
trait est d’autant plus vrai que le déclin européen est une réalité strictement localisée alors que certaines
régions européennes demeurent des centres moteurs du Système-Monde, attendu qu’il existe non pas une
mais des Europe dans la mondialisation.

Le développement : un raisonnement argumenté

Il s’organise autour de parties articulées et équilibrées. Le choix d’un plan ternaire facilite souvent
l’argumentation, la troisième partie permettant de montrer la diversité des situations, de changer
d’échelle... Par-là, ce choix, par ailleurs élégant, est assez bien adapté au mode de pensée historique et
géographique. Mais un plan binaire peut tout à fait être accepté s’il est justifié pertinemment en
introduction. Il convient par contre de prohiber les développements réduits à un bloc monolithique (une
seule partie) ou atomisés en quatre partie, voire plus ; dans ce dernier cas, tout esprit de synthèse et de
classement logique des idées serait perdu.

Dans tous les cas, il convient de sauter des lignes entre chaque partie et de proposer des phrases de
transition. Des sous-parties marquent, dans chaque partie, la progression du raisonnement et la
mobilisation des arguments : entre ces sous-parties, il est inutile de sauter une ligne mais un retour à la
ligne et un alinéa rentrant s’imposent.

Dans tous les cas, il faut que le plan « saute aux yeux » du correcteur, qu’il n’ait aucun problème pour se
repérer dans la copie. Chaque partie et chaque sous-partie reposent sur une idée directrice : il convient
d’exprimer celle-ci clairement pour montrer quel est le but de la démonstration, quel est l’axe directeur du
propos qui va être développé dans les lignes qui suivent.

Le propos doit toujours garder une exemplaire clarté. Chaque sous-partie doit être illustrée par un
exemple développé. Tout plan procède de la problématique et constitue une réponse progressive. Il est
très déconseillé de commencer par construire un plan au brouillon pour chercher ensuite la problématique
qui convient : cela reviendrait à « mettre la charrue devant les bœufs » et à nier l’esprit de la dissertation.
Le plan doit être ajusté au sujet et montrer une vraie démonstration : il faut donc éviter les options passe-
partout.

Si seules des idées générales sont avancées, le propos reste plat et superficiel. Toute idée doit donc être
corroborée par un exemple précis (développé, donc à ne pas confondre avec une simple allusion) qui tient
lieu d’incarnation, d’illustration probante, parfois de preuve. La dissertation est d’abord un raisonnement,

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justifié et annoncé par l’introduction. Elle doit être bâtie autour d’une charpente forte : des idées claires,
enchaînées et justes, qui constituent l’ossature du devoir et correspondent aux parties et sous-parties.

Une fois ce travail de construction accompli, les études de cas, les faits historiques et géographiques, les
dates ou les statistiques assurent le tuilage de cette charpente et témoignent de la culture historique,
géographique et géopolitique de l’auteur du devoir. Des citations tirées de grands auteurs et de judicieuses
références bibliographiques sont les bienvenues et grandement valorisées à condition de ne pas être trop
nombreuses et d’être vraiment en appui du sujet. Il convient de ne pas plaquer des définitions apprises par
cœur que le candidat serait frustré de ne pouvoir utiliser. Le propos peut être émaillé de schémas éclairant
pertinemment le propos. Ceux-ci doivent respecter les impératifs classiques de la sémiologie graphique
(titre, orientation, légende, échelle), être précis, justes et graphiquement soignés... sous-peine d’être
contre-productifs.

Dans une dissertation insistant sur les réseaux de transport, le schéma d’un grand port (Shanghai,
Rotterdam, Singapour...) peut être bienvenu, ou celui sur la frontière mexicano- étatsunienne à propos des
processus d’intégration transfrontalière. Il est conseillé de ne pas dépasser un ou deux schémas par
dissertation. Par contre, si le devoir se résume à une compilation de statistiques et d’exemples simplement
décrits, la démonstration n’a pas de rigueur intellectuelle : elle devient une fastidieuse nomenclature. Rien
de plus contre-productif qu’une copie qui accumule des connaissances, non mises au service d’un projet
démonstratif global. Le lecteur ne peut qu’être perdu face une avalanche de cas mal maîtrisés.

Le devoir n’est alors qu’énumératif. Tout devoir de ce type sera sanctionné, alors qu’il fait pourtant
montre d’un travail manifeste (comme en témoigne l’abondance des exemples) ; pour l’étudiant, la
frustration sera immense puisque le travail d’apprentissage réalisé en amont n’aura pas « payé ». Il
convient d’éviter une erreur : histoire, géographie et géopolitique ne sont pas des prospectives. Construire
une partie du développement sur des prévisions ou des injonctions à propos d’un phénomène fait courir le
risque de se perdre dans des propos sans consistance, trop subjectifs ou trop normatifs : « Il faudrait faire
ceci », « Il n’y aurait qu’à faire cela », « Il suffirait de »... Toute projection doit reposer sur des faits
avérés et éviter un caractère sentencieux. Il y a une différence entre écrire : « Les États-Unis doivent se
convertir aux énergies alternatives » et affirmer: « les États-Unis peuvent mener une politique de grande
envergure dans les énergies alternatives, dans le sens où certains États ont déjà ouvert la voie, à l’image
de la Californie ».

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Conclusion

La conclusion se compose souvent de deux paragraphes : le premier étant la synthèse de l'argumentation


souligne l'apport du devoir par rapport au sujet. Ou la somme des conclusions partielles et le deuxième
étant la réponse à la problématique qui constitue le vrai bilan du développement.

Les principaux dangers à éviter.

Les étudiants qui rencontrent l'exercice de la dissertation pour la première fois tombent régulièrement
dans certains pièges ou dangers :

1) une interprétation hâtive du sujet : faute d'un questionnement rigoureux du sujet, nombreux sont les
étudiants qui croient savoir de quoi traite le sujet et se lance immédiatement dans la rédaction du devoir.
Or, une interprétation hâtive peut conduire à passer à côté du problème sous-jacent porté par le sujet et
donc à ne pas réellement y répondre.

2) le hors-sujet : c'est le plus grave danger qui guette les étudiants. Il y a hors-sujet total quand la
dissertation répond à un sujet voisin mais étranger à celui proposé. On parlera de hors-sujet partiel quand
une partie ou une sous-partie sort des limites du sujet. Ce défaut est souvent lié à une interprétation hâtive
du sujet ou simplement à une mauvaise interprétation de celui-ci.

3) les défauts de l'analyse : l'interprétation du sujet peut-être bonne, il peut ne pas y avoir de hors-sujet,
et néanmoins l'analyse laisse à désirer. Soit parce qu'elle est trop partielle, réduite par exemple à une seule
dimension du sujet ou à un seul cas (par ex. ne traiter que d'un pays quand le sujet mentionne une
dimension européenne ou comparative) ; soit parce qu'elle est trop superficielle, ne rentrant pas assez
dans les détails concrets (exemples, chiffres, citations), effleurant chaque thème.

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