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Formaliser l’intervention collective pour soutenir la

résilience individuelle : modèle d’une analyse post-


événementielle dans l’accompagnement des décès
d’enfants en milieu hospitalier
Bénédicte Minguet, Adélaïde Blavier
Dans Le travail humain 2018/3 (Vol. 81), pages 173 à 204
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0041-1868
ISBN 9782130803324
DOI 10.3917/th.813.0173
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 23/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 102.159.192.249)

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Théories et Méthodologies
theories and methodologies

Formaliser l’intervention collective


pour soutenir la résilience individuelle :
Modèle d’une analyse
post-événementielle
dans l’accompagnement des décès
d’enfants en milieu hospitalier

FORMALIZING COLLECTIVE INTERVENTION


TO SUPPORT INDIVIDUAL RESILIENCE:
MODEL OF A POST-EVENT ANALYSIS
IN ACCOMPANYING THE DEATHS OF CHILDREN
IN HOSPITAL ENVIRONMENT
Par/By Bénédicte Minguet1 et/and Adélaïde Blavier2
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Résumé

L’analyse post-événementielle est un dispositif de soutien collectif des équipes


soignantes mis en place après chaque décès d’enfant hospitalisé. Sa méthodologie
comprenant une régulation pour la médiation interprofessionnelle en séance ori-
ente les échanges sous la forme d’analyse de pratiques. Elle permet le développe-
ment de l’acte individuel et collectif du travail. C’est une nouvelle voie de soutien
liée à la créativité et l’expertise collective de l’équipe, dont la permanence du
dispositif accompagne la progression dans le temps. La participation de l’équipe
à l’amélioration de ses pratiques et de ses conditions d’organisation offre une res-
source supplémentaire pour faire face à la souffrance liée à la relation à l’enfant
et la famille endeuillée. L’article questionne alors la responsabilité institutionnelle
dans le choix de dispositifs préventifs de soutien face aux situations générant de
la souffrance au travail. Il s’appuie sur une expérience de 15 ans et illustre la
méthode par une situation concrète.
Mots-clés : souffrance au travail, décès d’enfant hospitalisé, analyse
post-événementielle, dispositif de soutien collectif, responsabilité institutionnelle,
subjectivité psycho-sociale.

1. Docteur Bénédicte Minguet, PhD, centre hospitalier catholique de Liège, Belgique,


clinique de l’Espérance. E-mail : Benedicte.Minguet@chc.be (Auteur correspondant).
2. Professeur Adélaïde Blavier, PhD, université de Liège, Belgique, place des Orateurs, 1 -
Bât. B33 - Quartier Agora, 4000 Liège. E-mail : Adelaide.Blavier@ulg.ac.be
Le Travail humain, tome 81, n°3/2018, 173-204
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Summary

Post-event analysis (PEA) is a collective support for healthcare teams put


in place after each death of a hospitalized child. PEA is made up of two distinct
parts: first a chronological reconstitution of the event; in a second time, analysis
of practices by the multidisciplinary team. Its systematic and recurrent metho­
dology implies regulation by inter-professional mediation; it guides exchanges
thanks to the analysis of practices. It increases the development of the individual
and collective act of work. It is a new channel of support linked to the creativity
and collective expertise of the team, and this device accompanies the team progress
over time.The team’s participation in the improvement of its practices and organ-
izational conditions provides an additional resource to deal with the extreme psy-
chological distress associated to the relationship with the child and the bereaved
family. The article presents the PEA from a socio-psychoanalytic approach. It
explains the main characteristics of the humanization of the healthcare sector.
We present the current aim of healthcare improvement with a systemic approach.
The practice improvement brings benefices for the patients (child and family)
as well as for the worker’s team. In this process, the team workers are involved
as actors with a real impact on their practices and on work organization. This
process takes into account collective field experience, with strong attention paid to
ethics. The PEA efficiency is explained by the permanence of the process with the
auto-evaluation of practices and a memory of the decisions and their effects. This
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collective work analysis increases the team cohesion and responsibility, it helps to
gain control upon the situation. All these factors increase the individual and the
collective team’s resilience, when workers face painful work situations which are
part of their work. Finally, this article questions the institutional responsibility in
the choice of preventive devices to support situations causing suffering at work.
This article is based on a fifteen-year experience; the model is illustrated by a
concrete situation of child’s death.
Keywords: suffering at work, death of hospitalized children, post-event
analysis, collective support process, institutional responsibility, psycho-social
subjectivity.

I. INTRODUCTION

L’objet du présent article est la présentation d’une nouvelle modalité


d’intervention nommée analyse post-événementielle (APE). En précisant
ses caractéristiques et son champ épistémologique, une description du
dispositif viendra illustrer les enjeux qu’il rencontre et le principe actif
sur lequel il se fonde pour travailler la dimension collective du travail.
La production issue du dispositif en termes de réflexions et propositions
organisationnelles montrera comment le collectif se construit et dans quelle
mesure le dispositif soutient la dimension psychosociale des professionnels
face aux situations au potentiel traumatique.
L’article débutera par une présentation de l’analyse post-événementielle
en situant ses sources dans l’approche socio-psychanalytique. Ensuite,
l’article énoncera certaines grandes caractéristiques du mouvement
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d’humanisation des soins dans lequel l’accompagnement des décès d’enfant


se situe. Il précisera le défi actuel qui consiste, au-delà de l’amélioration
de l’environnement thérapeutique hospitalier et de l’approche systémique
du soin, à intervenir directement sur les pratiques en vue d’une amélio-
ration dont les bénéfices profitent autant aux enfants, qu’aux parents et
aux équipes. La description du dispositif permettra de saisir son origina-
lité : intervenir sur les pratiques et l’organisation du travail pour soutenir la
créativité des équipes, véritable levier de résilience, comme force collective
face à une forme de souffrance au travail liée aux décès des enfants.

I.1. Qu’est-ce que l’analyse post-événementielle ?

Les situations de décès d’enfant génèrent une souffrance importante


liée au contenu du travail dans la mesure où elles signifient l’échec d’un
travail, un travail mort en quelque sorte auquel s’ajoutent les répercus-
sions psychologiques liées au terme mis à la relation entre l’enfant, l’équipe
et la famille (Phaneuf, 2014, 2012 ; Lachambre & Marquenet, 2008 ;
Stryckmans, 2005).
Dans ce cadre, l’objectif de l’APE est d’aborder la situation, par une
réflexion sur le travail, en se penchant sur les actes des uns et des autres,
comme ressource possible d’un investissement de l’équipe, orientée
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clairement vers l’amélioration continue des pratiques d’accompagnement.
Celles-ci, travaillées, formalisées sont alors disponibles pour l’équipe dans
l’approche des situations suivantes.
L’analyse post-événementielle après un décès d’enfant dans un service
hospitalier est un dispositif de soutien des équipes qui œuvre, par sa récur-
rence dans l’organisation du travail et sa méthodologie de médiation, à la
construction de l’identité de l’équipe fondée sur des pratiques d’humani-
sation des soins. Le dispositif ouvre un espace de réflexions sur les pra-
tiques. Il agit en prévention d’une forme de souffrance au travail par la
possibilité d’élargir le pouvoir sur l’acte individuel et collectif de travail
(Mendel, 1998), le pouvoir d’agir (Clot, 2015) et par l’inscription dans
l’organisation du travail du fruit de l’expertise collective.
En ce sens, le dispositif prend en compte la souffrance des équipes, sans
intervenir directement sur les répercussions individuelles de la situation
sur chaque professionnel mais en proposant de « travailler » le collectif. Il
s’agit de rendre ce collectif visible, de l’accorder, de lui permettre d’être
l’auteur de propositions pertinentes dans son fonctionnement organisa-
tionnel et de pratiques humanisantes faisant contrepoids au vide, inhérent,
laissé par la situation.
Le dispositif rend perceptible pour l’équipe le pouvoir d’un agir indi-
viduel et collectif, tout autant que le contexte dans lequel il se développe,
comprenant les obstacles et les leviers du changement. Le récit collectif de la
situation de décès et ses propositions rendent la notion de collectif de travail
plus concrète, plus palpable, plus proche de chacun. Dans ce sens, l’APE
contribue à la construction de l’identité d’équipe. Porteuse de cette iden-
tité, l’équipe est plus à même sur le terrain d’appliquer et de soutenir les
propositions et nouvelles pratiques, leur transmission, leur évaluation.
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Ainsi, c’est par le travail sur l’acte (analyse de l’activité), examiné au tra-
vers d’un dispositif d’intervention précis que l’hypothèse d’une prévention
de la souffrance au travail se place.

I.2. Les caractéristiques du dispositif d’analyse post-événementielle

L’APE est conduite dans un groupe de 5 à 10 personnes qui est hétéro-


gène dans sa composition et qui comprend les professionnels ayant participé
directement à la prise en charge et l’accompagnement du décès (pédiatres,
infirmiers, psychologue, assistant social, membre de l’équipe pastorale). La
présence d’un animateur, formé à l’intervention psychosociologique assure
le cadre de la prise de parole et la méthodologie d’intervention. Les consi-
gnes sont les suivantes : après un rappel des modalités de fonctionnement
de la séance, il est demandé au pédiatre d’évoquer la situation par laquelle
l’enfant est entré dans le service. Un premier tour de table est initié en
respectant la chronologie de la prise en charge, chaque métier exposant ce
qu’il a été amené à poser comme acte jusqu’au décès et après. Lorsque la
recomposition du tableau de la prise en charge est terminée et seulement
à ce moment, il est proposé aux participants de reprendre la parole indivi-
duellement pour transmettre, s’il le souhaite, une réflexion sur le tableau
recomposé, une coloration de celui-ci par l’expression de son vécu, et/ou
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une proposition organisationnelle liée à la prise en charge.
La participation est volontaire et la confidentialité est de mise. L’écoute
est précieuse. Les participants s’engagent à ne pas quitter la réunion, à ne
pas répondre au téléphone. Le dispositif propose des conditions d’expres-
sion égalitaire. Chacun écoute l’autre jusqu’au bout de son développement,
cadré par ailleurs par la présence de l’animateur. La reconstruction cogni-
tive de la prise en charge établie de façon chronologique et multidiscipli-
naire apporte alors des réponses anticipées à bon nombre des questions
que chacun se posait quant à la compréhension de son intervention dans
cette situation précise. Cette phase permet de rassembler les pièces du
puzzle qui étaient éparses en un tout signifiant pour chaque participant.
Des échanges se poursuivent, d’une part, sur la compréhension globale
de la situation, et d’autre part, sur l’appréciation par le groupe de l’ensemble
des propositions émises, qui feront l’objet du compte rendu organisationnel.
Le groupe s’exprime alors à partir d’un consensus plus large sur la situa-
tion, à propos des actions à mettre en place par la suite. Leurs propositions
organisationnelles sont légitimées par une meilleure compréhension de la
situation dans son ensemble, ce qui renforce leur pertinence.
Après une heure et demie, l’intervenant conclut par une synthèse
reprenant les principales caractéristiques de la situation ainsi que les pro-
positions des uns et des autres qui ont reçu l’aval du groupe pour être
communiquées au management dans le but de les inscrire dans un plan
d’action du service. Ainsi, après la séance, le travail de l’intervenant consiste
à rédiger ce compte rendu synthétique et le transmettre au cadre infirmier
et au médecin responsable du service. Il ne comporte que les éléments liés
au cadre de l’intervention (exemple : lieu, date, participants) et les propo-
sitions organisationnelles émises et validées par le groupe en séance.
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Cet espace-temps particulier est mis en place dans les 15 jours après
chacun des décès. En séance, il propose trois types d’actions :
• Une approche cognitive de l’événement avec une reconstruction
collective de la prise en charge multidisciplinaire, afin de faciliter la
compréhension de l’enchaînement des actes de chacun et des effets
des actes des uns sur ceux des autres. Un des aspects principaux dans
cette approche est de reprendre la complexité de la situation réelle,
notamment de recréer le contexte incertain de la situation relatée et
d’ainsi minimiser les biais rétrospectifs (le fait de juger un acte une
fois l’issue connue). La manière de mener l’entretien collectif permet
de promouvoir le partage d’expérience plutôt que le jugement en vue
d’une amélioration du système.
• Une forme d’autodiagnostic organisationnel, dans une visée construc-
­tive, avec l’identification par les participants des problématiques à
améliorer du point de vue des conditions de travail, du matériel, des
ressources disponibles.
• Un espace cadré pour l’expression de la dimension émotionnelle de
la situation. Il propose une forme de contenance dans la mesure où
les émotions sont rattachées à une meilleure compréhension de la
situation, de la prise en charge pluridisciplinaire, replaçant le travail de
chacun et ses répercussions psychologiques dans une dimension collec-
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tive rendue visible et accessible aux participants dans la première partie
de l’animation.
Dans la mesure où l’APE est mise en place après chaque décès
d’enfant dans les services de néonatologie, de soins intensifs pédiatriques
et d’urgence pédiatrique, sa récurrence offre alors plusieurs avantages.
• L’équipe connaît le dispositif et est assurée de sa mise en place après
chaque décès. Elle est assurée du fait que chaque problématique ou
tension vécue au moment du décès peut être reprise dans un espace
spécifique et régulé entre les métiers.
• L’autodiagnostic organisationnel est réalisé de façon multidisciplinaire.
Ainsi, chaque métier est informé des préoccupations des autres métiers
et des actions que chacun souhaite mettre en place.
• La récurrence du dispositif permet également une forme d’évaluation régu-
lière des actions mises en place précédemment et revisitées à la lumière de
la nouvelle situation de décès. Il s’agit alors d’une forme de régulation col-
lective, offrant une prise de parole à chacun sur le travail d’organisation.
• Dans la mesure où les APE se succèdent, ils font l’objet au fil du temps
(et des années) d’une compilation des comptes rendus. Celle-ci donne
lieu à un document de synthèse et de référence, rédigé par l’équipe
elle-même, de tous les points organisationnels travaillés, ainsi que des
initiatives mises en place dans un esprit d’humanisation des soins.
• Enfin, nous pouvons souligner également qu’au fil des années, les
grandes caractéristiques des situations de décès apparaissent plus
clairement aux yeux de l’équipe ainsi qu’à ceux du management. De
ces caractéristiques se dégagent des modalités d’organisation adaptée,
anticipée d’une fois à l’autre par le cadre du service.
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En conséquence, les pratiques de l’équipe se construisent sur la base


de leurs propres réflexions organisationnelles d’autodiagnostic et d’auto-
évaluation. Cette possibilité d’agir sur le travail renvoie à une identité col-
lective commune et une reconnaissance dont Clot (2008) nous rappelle
l’importance : « Être reconnu ce n’est pas seulement être reconnu de quel-
qu’un, dans une activité adressée à l’autre, mais dans un objet commun,
une réalisation où on aura imprimé sa marque, déposé une partie de soi
en la tenant loin de soi, transpersonnelle en même temps que personnelle,
comme le dit Vygotski : pour produire ensemble une histoire collective. »
Dans ce cadre, notre approche théorique s’inscrit dans l’inspiration
socio-psychanalytique. Le corpus et la pratique socio-psychanalytique
créés par Mendel ont contribué à articuler la dimension psychologique et
sociale de l’acte de travail. La méthodologie pensée pour composer avec
(voire atténuer) les effets des rapports d’autorité entre métiers, et avec la
hiérarchie soutient le mouvement d’appropriation de l’acte individuel et
collectif. Il se concrétise, dans le passage par le dispositif de concertation,
par des initiatives de métiers, ou même institutionnelles, lorsque le thème
se construit au fil des ans et que le périmètre de l’action englobe plusieurs
métiers.
L’APE se réfère à une réflexion méthodologique initiée au début
des années 2000 où l’institution hospitalière a mis en place des dispo-
sitifs institutionnels Mendel, accompagnés par lui-même (jusqu’en 2004,
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année de sa disparition) et son groupe de recherche (AGASP, groupe
Desgnettes, association pour la gestion des activités sociales et psycho-
logiques). L’hôpital avait bien saisi l’apport de la méthodologie de l’inter-
vention concrétisée dans la socio-psychanalyse par la mise en place de
groupes homogènes de métiers sur les questions d’organisation du travail,
articulés d’un point de vue systémique avec un comité de pilotage, hétéro-
gène, composé des responsables hiérarchiques. Ce dispositif mis en place
sous forme de cycle de réunions organisées 3 à 4 fois par année soutient
l’entièreté des membres des équipes dans la réflexion sur l’organisation du
travail, le développement des ressources collectives, les initiatives d’amé-
lioration de l’organisation et des pratiques dans une communication des
groupes de métiers vers la hiérarchie et de la hiérarchie vers les groupes de
métier, toujours médiatisée par l’écrit.
Dans ce cadre, l’APE a été adaptée aux situations de décès. Certains
éléments entre l’approche de Mendel et l’APE convergent et d’autres dif-
fèrent, notamment la constitution des groupes de base, puisque dans l’APE
le groupe est d’emblée hétérogène (dans les métiers et dans leur statut).
Mais, la théorie qui sous-tend le développement d’une personnalité psycho-
sociale du travailleur est identique. L’acte est ciblé comme premier dans
l’analyse réelle du travail et dans son approche par les différents métiers.
La réappropriation de la question d’organisation du travail dans les grou-
pes homogènes dans le dispositif Mendel fait défaut dans l’APE. Mais, la
régularité du dispositif et ses possibles évaluations, remises en question et
ajustements, offrent des avantages non négligeables en termes d’identité
collective, de connaissance respective des métiers et des logiques, et en
termes d’apprentissage de la réflexion collective. Par contre, les rapports
d’autorité (davantage maîtrisés par la constitution de groupes homogènes
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de métiers chez Mendel), sont plus présents dans les groupes hétérogènes
lors des APE. C’est une des limites du dispositif, mais il reste porteur de
potentialités très intéressantes comme nous le verrons ci-dessous.
C’est au travers de la définition de l’acte selon Mendel (1998), que
nous pouvons saisir les leviers sur lesquels l’institution peut agir pour
soutenir ses équipes. Il a proposé une définition de l’acte en y associant les
éléments d’une lecture anthropologique : L’Homme vit son acte comme
un prolongement de lui-même. Il développe un mouvement d’appropria-
tion de l’acte, cherchant à en être maître. L’acte a donc un impact sur le
développement de la personnalité psychosociale de l’individu, qui se dis-
tingue de la personnalité psycho-familiale, qui se construit sur la base du
vécu des rapports familiaux depuis la naissance. Par conséquent, dans le
cadre des rapports sociaux que le travail offre, certains facteurs sont déter-
minants quant à la possibilité de développer la personnalité psychosociale
des acteurs. En effet, le fait de disposer de moyens de développer le pou-
voir sur son acte aura un effet positif sur la personnalité psychosociale car
l’acte-pouvoir assure une satisfaction psychique profonde, facteur essentiel
du développement de la personnalité psychosociale et de la capacité à éta-
blir des rapports sociaux équilibrés avec les autres, dans le travail et dans
la cité (Mendel, 2003).
Mendel (2003) insiste encore sur le point suivant : la santé psychosociale
du travailleur est artificielle parce qu’elle doit se construire. Elle n’est pas
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innée et ne va pas de soi. C’est notamment dans le cadre de l’analyse
des conditions de travail et des propositions de dispositifs de concertation
(dont il a conceptualisé la méthodologie), de réappropriation du sens de
son travail que ce bien-être se construit progressivement, d’autant plus si
l’acte est inscrit et reconnu dans une institution et que sa reconstitution
globale impacte le collectif.
C’est pourquoi dans le cadre de l’analyse post-événementielle après un
décès d’enfant, ce n’est pas sur la nature de la souffrance (les répercussions
des décès sur les soignants) que le dispositif agit principalement, car on
n’efface pas la souffrance face à un décès d’enfant, mais sur les conditions
dans lesquelles l’équipe y fait face.

II. Le contexte de l’APE

II.1. Les décès d’enfant à l’hôpital :


le réseau des soins palliatifs pédiatriques

Les décès d’enfant à l’hôpital sont malheureusement fréquents dans les


services de soins intensifs pédiatriques, d’urgences pédiatriques et de néona-
tologie. À titre indicatif, dans une institution de près de 80 lits pédiatriques
augmenté de 35 lits de néonatologie, on dénombre par exemple 18 décès
d’enfants (Centre Hospitalier Catholique, 2017). Cette situation récurrente
est vécue par les équipes comme une succession d’événements déstabi-
lisants d’un point de vue personnel, mais aussi pour l’organisation du travail
(Groupe Francophone de Réanimation et Urgences Pédiatriques, 2002).
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En effet, l’intensité de la prise en charge vient modifier la mobilisation


psychique de l’équipe, implique un grand nombre de professionnels à
coordonner et vient interpeller de façon parfois violente les capacités de
chaque professionnel à « faire face » alors que les mécanismes d’identi-
fication fonctionnent avec une grande intensité. « Cela aurait pu être
mon enfant ! » disent-ils souvent. Ces situations questionnent également
l’éthique : quelles sont les indications d’une réanimation ? Quand passer
de la prise en charge curative à la prise en charge palliative ? Elles rap-
pellent aussi les limites des capacités médicales quand l’issue est fatale
(Farrell & Millotte, 2001).
Les équipes infirmières ont cela de particulier qu’elles accompagnent
l’enfant et la famille 24 heures sur 24, organisées sous la forme de 3 pauses,
matin, après-midi et nuit. Cette proximité leur donne à voir et à vivre la
situation d’une façon différente des médecins qui régulièrement viennent
faire le point sur la situation au chevet du patient. Ainsi, pour les équipes
infirmières, côtoyer la souffrance des parents, être un support des pro-
jections ou des mécanismes de défense les confrontent émotionnellement
de façon importante. Elles ne disposent généralement que de trop peu
d’espaces et de moments réguliers pour élaborer autour des répercussions
psychologiques de la situation sur elles-mêmes. Et, sans formation psycho-
logique approfondie, elles ne peuvent faire appel à des outils conceptuels
pour tenter de comprendre ce qui se joue, ce qui se noue, ce qui se crispe
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dans ces relations. Alors même que les soins sont souvent vécus (et ren-
voyés par les patients) comme des gestes agressifs, générant douleur,
souffrance, immobilisation et contrainte de séparation, elles sont au cœur
de dynamiques émotionnelles intenses malgré le contexte très technique
de leur travail (Phaneuf, 2014).
Si la question de la mort reste en soi inaccessible, le réseau franco-
phone des soins palliatifs pédiatriques actif depuis 20 ans en France, au
Québec, en Belgique et en Suisse a largement contribué au développement
des soins appropriés pour les enfants, leur famille, dans une prise en charge
multidisciplinaire (Humbert, 2004). C’est tout un système qui est mis en
place autour de l’enfant, sa famille, sa fratrie. L’école et les professionnels
disposent aujourd’hui de formations très complètes sur les moyens pharma-
cologiques, non pharmacologiques nécessaires pour répondre aux besoins
des enfants. Ils s’organisent en réseau avec les soins à domicile et abordent
largement la dimension psychologique des soins, de l’accompagnement.
Les répercussions professionnelles, identifiées et analysées en termes de
réactions psychologiques et individuelles (Canoui & Maurange, 2001),
signent le burn-out spécifique aux soignants. En écho, dans les institutions
hospitalières, le soin et l’accompagnement témoignent aujourd’hui d’un
regard systémique sur la question lorsqu’il s’agit d’articuler les besoins des
enfants, des familles, leurs droits, et les conditions de travail des équipes.
Un bel exemple réside dans le travail effectué aux soins intensifs de l’hôpital
Necker à Paris. Il met en lumière cette approche, autour des situations de
décès d’enfant qui cristallisent l’ensemble des difficultés que les soignants
rencontrent lorsque les patients sont des enfants. Le collectif témoigne
particulièrement d’un deuil spécifique aux soignants. Spécifique car il n’est
pas de la même nature que le deuil des parents. À partir du moment où
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Analyse post-événementielle en milieu hospitalier 181

l’enfant est considéré comme une personne unique, dans sa globalité, le


soignant construit avec lui, à l’occasion des soins prodigués, une relation
particulière et privilégiée qu’il faudra clore. Par ailleurs, quelques éléments
vont connoter la couleur du deuil, notamment le temps de l’histoire par-
tagée avec l’enfant (qui est aussi le temps de l’attachement à l’enfant, à sa
famille) et cela est d’autant plus sensible pour les équipes que le temps
d’hospitalisation est long.
Le risque d’identification et de relation fusionnelle est plus fort lorsque
le cas de l’enfant rencontré entre en résonance avec la propre histoire du
soignant. À l’inverse, une trop grande distance et un retranchement der-
rière la technique pourront traduire les difficultés liées à la mort elle-même
et à sa représentation (à quoi est-elle due ? La mort est-elle un échec ?).
L’admettre est d’autant plus difficile que le processus d’hospitalisation a
proposé des variations importantes dans l’espoir que l’équipe pouvait sou-
tenir davantage le patient, un espoir généré lui-même par les fluctuations
de l’état de santé de l’enfant, avec ses phases d’amélioration et d’aggra-
vation. Enfin, ce n’est plus un enfant mais toute sa famille dont il faut
accompagner le chemin douloureux, dans un travail parfois accaparant
pour les soignants, dans une gestion éprouvante du désarroi et parfois de
l’agressivité des familles (Phaneuf, 2014).
Le Groupe Francophone de Réanimation et Urgences Pédiatriques
(GFRUP, 2002) relève différents facteurs qui aggravent la situation des
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professionnels : le nombre de décès, la dégradation physique du corps
de l’enfant, la cause et le mode de décès (mort « décidée » ou naturelle,
accident domestique…), la difficulté à soulager la douleur. Par ailleurs,
l’observation chez les enfants reste difficile, les gestes invasifs sont mal
supportés par l’équipe en période palliative. En conséquence, une certaine
tension peut exister entre les prescripteurs et les « appliquants », souligne
le groupe du GFRUP (2002). Cette tension intensifie alors les difficultés
en lien direct avec l’activité, qui devront être gérées dans le service, avec les
collègues et dans l’institution.

II.2. L’évolution institutionnelle : la bientraitance,


l’aspect systémique du soin et les outils de soutien

Les initiatives de soutien des équipes sont une prérogative de direction,


motivée par les demandes des cadres sensibilisés aux répercussions psy-
chologiques des difficultés rencontrées dans le service, ici en l’occurrence
des décès. Ceci dit, les directions peuvent aussi s’appuyer sur l’injonction
de la législation belge sur le bien-être au travail (Moniteur Belge, 2014)
qui incite les institutions à mettre en œuvre une politique préventive des
risques psychosociaux, dans une approche de préférence collective et liée
à l’organisation du travail. Pour une institution, l’enjeu est double : d’une
part, contribuer à l’amélioration des pratiques humanisantes pour lesquelles
elle dispose d’un certain pouvoir sur les conditions de leur émergence, et
d’autre part, favoriser le bien-être des équipes. Mais il n’est pas toujours
aisé, pour une direction, de maîtriser le fait de savoir quel dispositif mettre
en œuvre pour aborder quel type de souffrance.
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182 Bénédicte Minguet et Adélaïde Blavier

Il n’est pas simple de voir clair dans les moyens qui « soignent l’hôpital »,
bien que les institutions disposent aujourd’hui d’une variété d’outils de
soutien lorsque l’on cible une approche psychologique. On peut citer par
exemple les groupes de parole (Rusniewski, 1999) réunissant les équipes
de soin ou les groupes de parole mixtes conviant les équipes et les parents
endeuillés (Fohn & Verday, 2004).
Lorsqu’on ouvre un espace de parole sur l’aspect émotionnel des décès
dans les équipes, il est possible de mesurer le poids. Les souvenirs des
premiers décès évoquent de la douleur, de la souffrance. Cette souffrance
n’a pu s’élaborer depuis, réactivant alors un vécu anachronique, une image
d’impuissance non tant sur le fait de la mort que sur ses conditions de sa
prise en charge professionnelle ou de son accompagnement : « Je me sou-
viens que l’enfant mourait dans la nuit, et on n’appelait les parents qu’au
petit matin. » Vingt ans après, les souvenirs refont surface et l’on comprend
que les aménagements internes que le professionnel s’est imposé ont eu un
coût psychique (Phaneuf, 2014 ; Soubieux, 2012).
Canoui et Maurange (2001) suggèrent d’autres modalités pour
penser le soutien psychologique des équipes. Ils évoquent des soutiens
verticaux (hiérarchiques) et horizontaux (pairs). Pour ces auteurs, les
relations entre pairs seraient plus efficaces dans les moments informels
(les échanges entre deux portes, dans le couloir), car ils apportent un tant
soit peu d’énergie et de soutien relationnel par le possible recul que la
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parole peut apporter quand on est submergé par l’émotion. Mais, ques-
tionnent Canoui et Maurange (2001), n’y aurait-il pas encore d’autres
lieux à inventer, entre autres, des lieux qui favoriseraient la créativité
chez les soignants, car celle-ci pourrait être à l’origine d’une ressource
supplémentaire ?
Parallèlement à l’existence de ces outils, le développement de la notion
de bientraitance envers l’enfant (Rapoport, 2006) s’est diffusé dans les
institutions pédiatriques à l’origine du mouvement d’humanisation hos-
pitalière. Ce mouvement s’appuie aujourd’hui sur la charte des enfants
hospitalisés (Leiden, 1988) et contribue à rendre visibles les besoins des
enfants et des familles à l’hôpital, en leur donnant un nouveau statut. De
nouvelles pratiques d’accueil et de prise en charge se sont ainsi dévelop-
pées en favorisant notamment trois applications essentielles : la présence
des parents au chevet de l’enfant, le droit d’information des enfants et la
prise en charge de la douleur. Privilégier la présence des parents auprès de
son enfant souffrant participe à l’amélioration d’une ambiance de soin, à
l’aube de l’alliance thérapeutique.
Se souvenant que dans les années 1990, il était encore possible de lire
à l’entrée d’un service de soins intensifs que la visite des membres de la
fratrie âgés de moins de 14 ans était interdite, que les parents rendaient
visite à leur enfant derrière une vitre, on mesure aujourd’hui les avancées
dans les pratiques d’accueil dans les services. Elles permettent de satisfaire
les souhaits et revendications des parents, dont l’un d’eux est maintenant
autorisé à dormir auprès de son enfant, mais aussi ceux des frères et sœurs
qui tout au long de l’hospitalisation de l’enfant, sont accompagnés par un
psychologue pour être présents dans le décours de son passage à l’hôpital
et ce, jusque dans les moments toujours très intenses du décès.
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Analyse post-événementielle en milieu hospitalier 183

Robin (2009) établit le constat selon lequel il est parfois plus facile de
faire bouger les pratiques et les organisations à partir d’une action rele-
vant des droits (des patients) plutôt qu’à l’issue d’une réflexion collec-
tive sur les transferts et contre-transferts de situations cliniques. À notre
tour, nous avons constaté que dans le secteur pédiatrique, cette incur-
sion plus consensuelle de la charte des droits de l’enfant hospitalisé est
venue clarifier un discours collectif et rassembler des énergies pour contri-
buer à la modification de l’environnement thérapeutique d’accueil des
enfants générant de nouvelles pratiques d’humanisation des soins (Centre
Hospitalier Catholique, 2002).
L’application des droits de l’enfant hospitalisé, l’aménagement de
l’environnement thérapeutique des enfants et l’amélioration des conditions
de soins ont contribué grandement à l’humanisation des milieux pédia-
triques. La possibilité d’élargir le pouvoir d’agir des équipes soignantes
constituait le second volet de la démarche dans le cadre d’une bientrai-
tance institutionnelle (Minguet, 2009).

II.3. Agir sur les pratiques de soins : le défi


Cependant, si des avancées se sont concrétisées pour l’amélioration des
conditions d’hospitalisation (exemple : chambre mère-enfant, information
adaptée aux enfants), c’est autour des soins, dans l’ici et maintenant, que
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les défis sont encore à relever. Ces situations conjuguent en effet diverses
logiques : les pratiques de métiers et leur articulation partenariale dans les
services et entre différentes unités de soins, la psychologie des uns et des
autres, les situations médicales complexes, à haut risque. Les situations qui
font l’objet de cet article concentrent les difficultés sur des périodes par-
fois très courtes. On les rencontre immanquablement dans les services des
urgences, des soins intensifs et en néonatologie. Les situations de réani-
mation illustrent bien ces tensions. Lorsque, par exemple, la décision d’un
arrêt de traitement est communiquée et mise en place trop tardivement
aux yeux de l’équipe, la situation est vécue dans une incompréhension qui
génère une tension vive entre les communautés médicale et infirmière. Les
retombées sur la relation avec la famille sont prévisibles tout autant que le
malaise éprouvé par le professionnel vis-à-vis des conditions de l’exercice
de son métier, de son éthique (Soubieux, 2012).
Or, la littérature nous apprend que c’est la manière dont on vit et inter-
prète un événement qui détermine la souffrance qui va l’accompagner plutôt
que l’événement en lui-même. Et dans ces processus de vécu et d’inter-
prétation subjectifs, le soutien social est un facteur déterminant (Sirriyeh,
Lawton, Gardner, & Armitage, 2010 ; Guay, Billette, & Marchand 2006 ;
Altinda, Ozen, & Sir, 2005 ; Vermeiren, 2005).
Autour des réanimations, comme des décès, le questionnement récur-
rent et principalement dans la communauté infirmière se traduit par les
questions suivantes : « A-t-on bien fait ? Suis-je passé à côté de quelque
chose ? Et comment savoir si nous avons bien fait ? Quand on accompagne
un décès, quels sont les indicateurs d’une bonne prise en charge ? Est-ce
des parents qui quittent le service en remerciant l’équipe ? Peut-on se
réjouir, dans cette situation fatale de leur apparente satisfaction ? »
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184 Bénédicte Minguet et Adélaïde Blavier

Les décisions du passage de la prise en charge curative vers la prise en


charge palliative questionnent la construction de l’alliance thérapeutique
entre les parents et les équipes soignantes. La notion de l’articulation de
différents temps est souvent en dysharmonie : le temps psychologique,
pour les parents, de cheminer vers l’acceptation de la situation et le
temps d’une intervention ou d’une non-intervention médicale ou encore
le temps de la demande pour le don d’organe. Lorsque ces différentes
logiques se concentrent sur quelques jours, voire quelques heures, elles
se heurtent violemment les unes aux autres.
Et puis, lorsque comme aujourd’hui les professionnels au chevet de
l’enfant se multiplient et se diversifient, la question du rapport que chacun
entretient avec son travail, ses finalités, son identité professionnelle apparaît.
À quel moment chaque professionnel intervient-il dans les situations de
décès ? Quand appeler la psychologue, l’accompagnateur spirituel, l’assis-
tante sociale ? Le défi est alors de coordonner les différentes interventions
afin de proposer à l’enfant comme aux parents un fil conducteur cohérent
dans la réponse à leurs besoins.
La situation de décès est susceptible de créer de la souffrance au travail,
par le contenu même de l’acte de travail en lien direct avec la mort et ses
multiples impacts sur le vécu individuel mais également par les conditions de
travail, d’organisation de travail qui favorisent ou non la capacité d’agir sur la
situation. La souffrance, nous dit Dejours (2015) est une dimension inévitable
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du travail vivant, mais ce qu’il adviendra de cette souffrance n’est pas fixé
l’avance. En fonction des caractéristiques de l’organisation du travail, elle peut
dans certains cas conduire à la maladie mais dans d’autres cas, elle peut être
transformée en plaisir et devenir une pièce maîtresse dans la construction de
la santé mentale. Il nous rappelle que la prévention de la pathologie mentale
au travail passe essentiellement par la recomposition de la coopération dans
ses trois dimensions : horizontale avec les membres de l’équipe, verticale entre
l’équipe et son chef, et transverse entre le salarié et le « patient ». La prévention
repose donc sur la transformation de l’organisation du travail à l’aune du tra-
vail vivant, et ne saurait relever de la seule responsabilité des médecins du
travail, des psychiatres et psychologues.
La transformation de l’organisation du travail est ici au cœur de l’APE.
Le soutien social est abordé par la dimension collective du dispositif. Le vécu
est abordé par l’analyse des conditions de travail, entre autres, et le levier du
dispositif est le fait de pouvoir proposer aux équipes la possibilité d’agir sur
leur contexte, de développer leur pouvoir d’agir sur le travail.

III. ANALYSE de cas

III.1. Cas présenté

Les APE concernent les situations de décès d’enfant que les équipes
rencontrent dans les services suivants :
• Au centre néonatal (ex : Noa est né à 36 semaines, mais il décède d’une
méningite après 4 jours passés au centre avec ses parents),
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Analyse post-événementielle en milieu hospitalier 185

• Au service des urgences(ex : après un accident de la route, Bruno,


8 ans, est emmené en ambulance jusqu’au service des urgences pédia-
triques. Il décédera dans les minutes qui suivent, avant le retour de ses
parents),
• aux soins intensifs pédiatriques (ex : Sybile est soignée depuis un an
pour un lymphome, elle passera 3 semaines dans le service, entourée
des siens, avant d’y décéder).
Pour chacune de ces situations, le cadre de l’équipe fait appel à l’inter-
venant interne pour mettre en place une analyse post-événementielle dans
les 15 jours qui suivent le décès. Y sont conviés les membres de l’équipe
présents au moment du décès.
Dans le cas que nous analysons pour cet article, Hugo, un an, est
adressé du service des urgences d’une clinique 1 vers la clinique 2. Le
transport est assuré par l’intensiviste de la clinique 2 accompagné d’une
infirmière. L’enfant est en choc septique : purpura, meningococcémie cer-
tainement. La situation est d’emblée préoccupante mais la tension artérielle
est encore normale. Arrivé dans le service des soins intensifs (clinique 2),
son état évolue très vite vers une insuffisance respiratoire, décompensée et
grave. Le remplissage vasculaire n’est pas efficace. Rapidement la décision
est prise de commencer l’hémofiltration. Mais l’évolution est fatale et il
décède en moins de 24 heures.
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Dans les quinze jours qui suivent se met en place une APE, analyse
post-événementielle dans le service des soins intensifs pédiatriques qui a
accueilli l’enfant. Le service est de taille moyenne, il comporte une dizaine
de lits. L’équipe est composée d’une quinzaine d’infirmières et de deux
pédiatres intensivistes. L’APE réunit les professionnels qui sont intervenus
dans la prise en charge et l’accompagnement du décès : les deux pédiatres
de ce service, le cadre infirmier et trois infirmières, la psychologue, mais
aussi un pédiatre urgentiste, une assistante pédiatre, un membre du ser-
vice d’accompagnement spirituel et religieux, ainsi qu’un membre de la
clinique extérieure 1.
L’animateur est un psychologue formé aux interventions psycho-
­sociologiques, il occupe une position extérieure à l’équipe soignante.
Il est engagé dans l’institution pour proposer à l’ensemble des équipes
soignantes des dispositifs de régulation, de concertation, d’analyse de
pratiques dont l’APE est une des différentes modalités.
Il invite le pédiatre intensiviste, chef de service, qui a assuré le transfert
de l’enfant, à introduire la situation initiale par la présentation des moda-
lités d’arrivée de l’enfant au service des urgences. Puis, chacun des parti-
cipants relate pas à pas l’acte qu’il a posé, replaçant celui-ci dans le contexte
propre à chacun. Sous la forme de récit et non de questions, les thèmes
suivants sont abordés : Comment l’enfant a-t-il été accueilli dans le service
des urgences ? Que s’y est-il passé ? Pourquoi a-t-il été transféré aux soins
intensifs ? Sur quels critères et avec quelles informations ? À ce moment-là,
comment l’information était-elle comprise par l’infirmière ? De quels
moyens organisationnels disposait-elle ? Comment l’équipe s’est-elle orga-
nisée sur le champ pour répondre au mieux à la situation (les coulisses de
l’acte) ? Comment ont été accueillis les parents, par qui et à quel moment ?
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186 Bénédicte Minguet et Adélaïde Blavier

Quelle était leur demande ? Qu’est-ce qui a été proposé ? Quelle a été leur
réaction sur le moment ? L’approche chronologique permet alors de replacer
l’incertitude de l’événement dans une compréhension recomposée par la
parole de chaque métier, de chaque membre de l’équipe.
Le rôle de l’animateur dans un premier temps est de tenir le fil chrono-
logique comme point de repère identifiable et objectivable par tous, tout
en replaçant bien dans ce fil toutes les incertitudes du moment relaté. Les
actes relatés s’y déposent progressivement. Le fil « tient » le récit de chacun,
plaçant les actes et leur contexte en avant-plan. Le fait que chacun des
métiers s’exprime et que chacun écoute l’autre alimente une représen-
tation globale de la prise en charge, sans que soit donnée la préséance à
l’interprétation de la situation par l’un ou l’autre participant.
C’est l’objet du second tour : chacun revient sur le tableau recomposé
pour y apporter son point de vue, sa question ou réflexion, une demande
de précision. L’effort d’écoute prolongée, l’exercice de la reconstruction
chronologique prenant 45 minutes, vient combler de nombreuses ques-
tions laissées en suspens dans l’intervalle, du décès à l’APE.
Sur cette base commune d’informations partagées, replacées dans
leur contexte et exprimées par les mots de chacun selon sa formation, son
angle d’approche, les participants prennent la parole, s’ils le souhaitent, et
« avancent » leur(s) question(s), leur(s) proposition(s). Cette étape consti-
tue la seconde partie de l’animation.
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L’intervenant veille à ce que chaque professionnel qui souhaite s’expri-
mer puisse le faire et dans de bonnes conditions d’écoute collective. Il prend
note discrètement des propositions organisationnelles faisant consensus
dans le groupe. Car chaque proposition est discutée à minima. La nature
des propositions justifie le fait que certaines soient d’abord relayées au
cadre avant d’être closes.
La forme que prend le compte rendu est présentée dans la section sui-
vante (§ III.2). Il donne à voir dans un premier temps ce que la situation a
présenté de caractéristique pour l’équipe, avec les éléments qui signent sa
particularité. Dans un second temps, les réflexions organisationnelles sont
relevées et relues à haute voix en fin de séance.
Le parti pris de cet article est de donner à voir la nature de la parole, son
statut dans l’APE et son poids potentiel dans l’organisation du travail. Par les
détails qui sont très souvent forts significatifs pour les participants, ceux-ci
précisent en quoi et sur quoi il est possible d’agir pour améliorer la situation.
Chaque point énoncé a été une source d’obstacle dont ils ont mesuré l’effet
délétère sur leur acte. À l’inverse, ils nomment ce qui a fonctionné et au plus
près du réel du travail, ils identifient ce sur quoi il est utile d’agir et ce qui est
significatif à leurs yeux pour modifier les conditions de travail qui permettent
d’améliorer la prise en charge, de supporter la difficulté de la situation.

III.2. Compte rendu de l’APE


Voici les réflexions de l’équipe qui émanent de l’APE. La reconstruction
chronologique n’est pas retranscrite dans le compte rendu. Les réflexions
reflètent l’autoévaluation de la situation. Les participants contribuent ainsi
à la construction d’un autodiagnostic collectif.
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Analyse post-événementielle en milieu hospitalier 187

Après la reconstruction chronologique de la prise en charge, les parti-


cipants pointent ce qu’ils identifient comme les caractéristiques de la situa-
tion. Ces caractéristiques peuvent relever de la dimension émotionnelle,
comme ici : « Ce qui était le plus choquant pour l’équipe : la brutalité de la
situation et le délabrement physique impressionnant de l’enfant, en moins
de deux heures. »
Mais les caractéristiques de la situation sont aussi liées aux actes encore
inédits, à poursuivre dans la mesure où ils ont eu un impact positif sur le
travail d’équipe et la prise en charge, comme ici :

Entre médecins et infirmières du service


• Le dilemme de l’intubation a pu être planifié en termes de scénario
par le médecin et l’infirmière durant l’aller vers les urgences de la
clinique 2 ;
• Un autre point très positif : les temps d’arrêt entre médecins et infir-
mières pour la transmission de l’information et des orientations thé-
rapeutiques, les messages déjà donnés aux parents, l’information
communiquée sur l’hémofiltration ;
• L’équipe soignante a apprécié le moment du rangement de la chambre
comme un temps précieux pour finaliser un acte de façon apaisée.
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Entre l’équipe et les autres métiers de l’équipe pluridisciplinaire
• Le psychologue s’est coordonné avec un membre de l’équipe pasto-
rale (c’était une intervention spontanée) pour présenter aux parents les
personnes ressources (en l’occurrence ici l’imam) vers qui ils peuvent
se tourner pour intégrer l’approche rituelle. C’est une forme de coordi-
nation qu’il va falloir retenir car elle a été très positive.

À propos de la prise en charge et l’accompagnement des parents et de


la famille
• Les parents ont été informés au fur et à mesure de la gravité de la
situation ;
• La maman est restée longtemps seule avant que son mari ne la rejoigne,
mais les membres de l’équipe se sont relayés auprès d’elle ;
• Ils ont eu chacun et ensemble l’occasion de prendre l’enfant dans leurs
bras, malgré la difficulté, en raison du matériel et des fils toujours
connectés à l’enfant ;
• Les soignants ont fait attention de ne pas parler entre eux du traitement
dans la chambre de l’enfant ;
• Le psychologue a pu prendre en charge le demi-frère de 8 ans qui a
réalisé un dessin pour le bébé ;
• L’imam a été appelé pour intervenir dans le service. Le symbole du lin-
ceul est la pureté. Beaucoup d’attention a été portée à la désinfection ;
• La gestion de la famille s’est déroulée sans incident dans le service. Elle
était nombreuse, il a fallu jongler entre le soutien que les proches appor-
taient et le respect de la nécessaire intimité des parents auprès de leur
enfant. Les infirmières ont été actives dans une régulation des visites ;
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188 Bénédicte Minguet et Adélaïde Blavier

• La psychologue a pu gérer les parents des chambres avoisinantes, au


moment du décès dans le service. L’équipe pastorale s’est rendue dans
l’une et l’autre de ces chambres pour poursuivre son travail. Cette pré-
sence dans le service a été aidante pour l’équipe soignante ;
• Le papa a demandé à pouvoir disposer de quelques photos de son
enfant décédé. Le médecin en a réalisé, a demandé l’avis à son confrère
et en a proposé trois au papa ;
• Les parents ont témoigné fortement leur reconnaissance à l’équipe ;
• La psychologue a informé les parents de l’existence du groupe de parole
pour parents endeuillés. Le papa semblait rassuré du fait qu’il existe la
possibilité d’un suivi ;
• La salle des défunts a été réaménagée. Ce lieu est très apprécié, et
ce d’autant qu’il existe un espace pour les parents mais aussi pour la
famille.
Nous noterons que les participants eux-mêmes identifient dans un
premier temps ces caractéristiques et repèrent les unes après les autres
les actions qui ont eu un impact positif : l’initiative de l’un ou la réfé-
rence au protocole de l’équipe pour les autres. Un consensus se dégage
autour du bénéfice de chacune de ces initiatives pour l’enfant, ses parents
et l’équipe. Après cette liste d’éléments perçus comme positifs, l’équipe
énonce quelques propositions qui font état d’un constat partagé et d’une
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volonté d’équipe de « travailler » la situation en cherchant à en approfondir
la compréhension et identifier des pistes d’actions.
Il est intéressant de noter à cet endroit que les propositions viennent
s’inscrire dans le processus après l’étape qui a consisté à réaliser un état des
lieux positif et partagé. Comme s’il s’agissait d’une étape nécessaire et pré-
alable pour l’équipe avant de commencer à porter un regard un tant soit
peu critique sur la situation. C’est une façon de garantir ensemble la philo-
sophie de la démarche : la bienveillance vis-à-vis de chacun et vis-à-vis de
son rapport au travail.
Ainsi pour l’avenir, l’équipe pointe, selon ses propres mots trois formes
d’acquis sur lesquels ils sont en phase
Le fait de démontrer toujours plus d’attention aux parents :
• « La gestion du frigo » où repose l’enfant : ne serait-il pas plus approprié de par-
ler avec les parents de « lieu de refroidissement » plutôt que de parler de frigo ?
• Question : lorsque l’enfant est amené en salle des défunts, le passage se fait par
un service pédiatrie. Ce service est prévenu et ferme ses portes (pratique déjà
inscrite dans le document de repères) mais le second jour, lorsque les parents
reviennent de l’extérieur pour retrouver l’enfant à la salle des défunts, il faut
réfléchir quant au fait de les y amener par l’extérieur, de sorte à ne pas les
confronter à la dynamique du service de pédiatrie, qui n’est pas concerné par
l’événement.
Le fait de pouvoir évaluer positivement une démarche qui était à leur
initiative et qui se pérennise :
• Réunion post-décès : le médecin remettra aux parents les photos de l’enfant
et le rapport médical au cours de la consultation prévue trois semaines après
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Analyse post-événementielle en milieu hospitalier 189

le décès. Il pourra ainsi répondre aux questions que se posent les parents. Le
rapport médical peut être envoyé au médecin traitant également.

Le fait de savoir se préserver aussi :


• L’importance lors du décès d’avoir pu bénéficier d’un espace physique pour
l’équipe soignante (la cuisine) afin de déposer sa difficulté et le poids de la
situation avant de quitter le service.
• Rappel : Insister et être attentif en équipe pour descendre en duo à la salle des
défunts.
• À retenir, la coordination médicale : l’obligation pour le premier médecin de
rentrer dormir trois heures chez lui avant de revenir sur place, prendre le relais
du médecin qui l’avait remplacé, plutôt que de passer la nuit entière sur place.
Ce fut une bonne proposition.
Ainsi, pratiquement, ils identifient ce qui, au terme de cette évaluation
collective de la situation, est à anticiper prioritairement pour les prochains
décès :
• L’hygiène : comment faire respecter et que respecter en termes d’hygiène pour
les collaborateurs du service ? Ils voient que certaines personnes de l’équipe
portent un masque ; doivent-ils en porter un aussi ?
• L’articulation à revoir avec l’organisation des psychologues pour déterminer
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quelle personne va accompagner le décès en fonction du type de situation et de
la disponibilité horaire des psychologues.
Cette formalisation écrite de l’APE prend la forme d’une autoévalua-
tion collective, critique et dynamique de la situation dans la mesure où elle
est porteuse d’améliorations qui font sens pour l’équipe. Elle rend compte
par le détail des valeurs que les professionnels accordent à leurs gestes, des
repères qu’ils se donnent en termes de bonnes pratiques, des idées qu’ils
concrétisent pour se préserver et des sujets sur lesquels avancer en équipe
pour se préparer au mieux dans une prochaine situation de décès. D’autres
exemples illustrent encore leur degré d’initiative : l’équipe a identifié un
trajet particulier dans l’hôpital pour rejoindre la salle des défunts. Il évite
le passage par la pédiatrie, et évite que les parents se perdent dans le laby-
rinthe des couloirs internes. Et puis, l’équipe a mis en place un rendez-vous
systématique avec les parents, trois semaines après le décès, les parents sont
invités à rencontrer le pédiatre, l’infirmière et la psychologue, tous référents
dans la prise en charge de leur enfant, afin de leur offrir la possibilité de
reprendre la situation et poser les questions qu’ils souhaitent.
Ce sont aujourd’hui des éléments qui font partie des pratiques spéci-
fiques de cette équipe, dont elle peut se revendiquer en être l’auteur, sans
que cela ne leur ait été prescrit.
Dans le compte rendu, apparaissent également des rappels de leurs bonnes
pratiques. En exemple : le fait de descendre à deux à la salle des défunts
(pour éviter la confrontation individuelle avec l’enfant décédé) évoque le
fait que le thème a déjà été abordé lors d’une précédente APE et qu’il est
bon d’insister pour inscrire réellement dans l’organisation du travail la pro-
position que les participants avaient déjà jugée pertinente et fondée.
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190 Bénédicte Minguet et Adélaïde Blavier

Les réflexions d’équipe soulignent tout autant les initiatives qui fonc-
tionnement déjà et qu’il est utile de maintenir, que des points à travailler
en dehors de la séance parce qu’ils requièrent un temps de résolution dif-
férent ou d’autres membres à consulter.
Le compte rendu, composé uniquement des points énoncés ci-dessus
(sans les commentaires de l’animateur), est transmis au cadre de service
et au médecin responsable. Le cadre a pour mission de placer les points
relatifs à l’organisation du travail dans un plan d’actions afin d’agir sur
eux d’ici l’APE suivante. Par exemple, il peut s’agir d’organiser une garde
spécifique pour renforcer l’équipe le jour même du décès. Il prend l’initia-
tive de porter d’autres points dans la compilation des « bonnes pratiques »
à maintenir, consignées dans le document de synthèse que l’équipe a inti-
tulé : « Repères de bonnes pratiques pour l’accompagnement des décès aux
soins intensifs ». Ce document fonctionne comme un texte de référence
dans le service. Il est le fruit de la somme de toutes les APE. Aujourd’hui,
le document est composé d’une dizaine de pages comportant l’ensemble
des propositions, initiatives et points d’attention. Il est important de sou-
ligner que ce document qui génère des conduites collectives dans le travail,
n’est pas un travail prescrit par la hiérarchie (tâche), mais, au plus près du
travail réel analysé (activité), qui est le fruit de l’expertise collective.
En soi, le document de référence comporte les rubriques suivantes :
comment préparer les souvenirs de l’enfant (empreintes, photos) ; comment
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créer une ambiance dans la chambre et gérer les visites ; comment s’articuler
avec le service des pompes funèbres ; comment gérer le défunt dans la salle
des défunts ; quelles sont les démarches administratives et la communication
à mettre en oeuvre autour du décès auprès de l’équipe et dans l’institution.
Les grandes étapes du post-décès comportent l’organisation du rendez-vous
des parents avec les membres référents de l’équipe à trois semaines du décès,
l’organisation pratique de l’APE autour de cette situation.
Chaque nouveau membre de l’équipe prend connaissance de ce
document. Au-delà d’un protocole, c’est la partie visible de la construction
des pratiques de l’équipe, à leur image qui apparaît dans ce document.

IV. Discussion

La psychodynamique du travail (Dejours, 2015) a démontré que la


qualité du travail vient de l’engagement subjectif des individus lorsqu’elle
peut se fonder sur une conception partagée du sens donné à l’activité,
lorsque les membres de l’équipe peuvent confronter leurs modes opéra-
toires et leurs ruses dans des espaces dédiés à cette discussion. Les équipes
forgent ensemble les règles de travail. Ces accords sur ce qui peut faire
référence pour le collectif permettent d’ordonner les choix et les arbitrages,
font naître la coopération et éviter le risque de tensions que de telles situa-
tions sont propices à faire émerger.
Dans la délibération entre soignants, il ne s’agit pas d’un conflit théo-
rique uniquement mais bel et bien de contradictions réelles qui traversent
les pratiques. Sans règles communes, la recherche de la qualité n’est pas
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Analyse post-événementielle en milieu hospitalier 191

considérée comme un problème de travail qui va engager l’ensemble des


soignants. Ainsi, la production de règles de travail communes nécessite
des lieux dans lesquels les soignants peuvent confronter leurs expériences
respectives du réel et harmoniser leurs manières de faire, afin de résoudre
les difficultés du travail (Dejours, 2015).

IV.1. La permanence du dispositif et le critère de mise en place

Un seul exemple est repris dans le présent article à titre d’illustration,


mais le principe actif de l’APE se compose d’une part de sa méthodo-
logie et d’autre part du fait qu’il s’applique à la suite de chaque décès
d’enfant dans le service. Ainsi, il n’est pas possible d’affirmer que les
résultats sont positifs et efficaces dans l’organisation du travail après une
seule séance. La reprise ponctuelle de la situation 15 jours après le décès
dans un espace régulé aurait sans doute des conséquences sur le moment
en termes de soulagement, de déposition d’informations ou d’émotions,
d’échanges de points de vue, mais le moteur de l’APE est la permanence
de son dispositif.
La permanence du dispositif, intégrée dans un protocole institutionnel
spécifiant que l’APE se déroule après chaque décès d’enfant, vient d’emblée
s’interposer dans les rapports de force qui se jouent autour de la nécessité
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ou non de mettre en place le dispositif et sur quels critères. C’est un cadre
qui s’impose, ce n’est pas une autorité médicale qui décidera de sa mise
en place ce jour-là, et encore moins une opportunité du psychologue insti-
tutionnel d’intervenir s’il a ses propres entrées dans un service, liées aux
relations interpersonnelles satisfaisantes avec l’un ou l’autre responsable.
N’interviennent pas non plus de critères de mise en place soumis à l’éva-
luation de la difficulté rencontrée dans la situation de décès. Cela concrétise
la considération pour chaque degré de souffrance. Les différences interindi-
viduelles sont respectées sans que l’on ait besoin de demander à chaque
personne si elle a souffert, et avec quelle intensité. Le message porté par l’ins-
titution est le suivant : nous n’attendons pas qu’un certain degré d’expres-
sion émotionnelle de la souffrance soit atteint pour déclencher la réflexion
sur le travail. Dans le cas contraire, le risque serait pour certains membres de
l’équipe de ressentir la souffrance comme une défaillance dont il vaut mieux
alors cacher l’existence s’il y avait lieu d’en parler en groupe hétérogène et de
s’exposer. Cela aurait comme conséquence une démobilisation et, très vite,
une impossibilité de mettre en place le dispositif.

IV.2. Ni un groupe de parole, ni un débriefing psychologique

On comprendra dès lors que la méthodologie et ses fondements diffèrent


des deux initiatives déjà connues dans les institutions hospitalières pour
aborder la question des situations au potentiel traumatique : les groupes
de parole et les débriefings psychologiques. Pour cerner les caractéristiques
méthodologiques de l’APE, il est nécessaire de réaliser une comparaison
des modèles pour faire ainsi entrevoir la différence d’objectifs, de méthode
et de rôle de l’intervenant (Minguet, 2009).
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192 Bénédicte Minguet et Adélaïde Blavier

IV.2.1. Groupe de parole


Dans un service d’hémato-oncologie l’équipe a souhaité l’instaura-
tion d’un espace de parole pour limiter le risque d’usure professionnelle.
L’équipe entière est convoquée à la réunion. « On a besoin d’un temps
pour nous », disent les professionnels. « Soigner les enfants gravement
malades, c’est épuisant, lourd et émotionnellement exigeant ! » En quête
d’une aide extérieure à l’institution, l’équipe demande à la direction une
supervision. Elle se réunit alors une fois par mois, en soirée, dans le service,
pour un échange d’une heure et demie. La rencontre est animée par un
psychanalyste.
Théoriquement, Rusznieswsky (1999) décrit le groupe de parole
comme un nouvel espace de relation où les soignants osent dire des choses
qu’habituellement, selon la norme de la structure hospitalière, « on garde
pour soi ». C’est un lieu où l’on reconnaît les différents points de vue, sans
chercher à les modifier, mais où l’on essaie de les faire résonner, un lieu
où s’organise leur expression pacifique et bénéfique autour d’une même
réalité qu’est le patient. Pour amener les professionnels sur le terrain de
la parole subjective, le groupe de parole doit pouvoir quitter la logique
professionnelle. L’hypothèse est la suivante : la qualité et l’humanité de la
parole instaurée entre soignants génèrent un temps gagné sur la fatigue, les
blocages et les non-dits qui épuisent. Le but du groupe n’est pas de faire
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abandonner aux soignants leurs compétences, mais de leur faire expéri-
menter que leur compétence s’améliore lorsqu’un peu de subjectivité s’y
introduit, s’y exprime et devient visible et conscient aussi bien sur le plan
individuel que collectif.
Dans ce type de réunion, l’animateur est appelé « leader ». Il n’est pas
un « soignant » et cette incompétence médicale bien assumée indique
aux soignants que leur rôle vis-à-vis du corps humain malade les place
dans un rapport qu’ils peuvent, seuls, décrire. C’est cette place irréduc-
tible qui donne à leurs paroles un sens, une valeur et une vitalité uniques.
Selon Rusznieswsky (1999), pour que le groupe soit fécond, il faut qu’une
relation transférentielle se tisse entre les membres et le leader. Le leader
s’appuie donc sur des enjeux transférentiels. Le crédit qui lui est accordé
par le groupe est en réalité la condition du fonctionnement du groupe. La
relation de transfert repose sur le savoir que les participants supposent au
leader, qui doit, lui, être capable d’évoluer dans cette situation de trans-
fert, tout en étant conscient du savoir supposé conféré par la place qu’il
occupe comme leader. Et même si chacun croit qu’il sait et qu’il pourra
résoudre les problèmes, il n’a cependant pas de réponses à donner car les
réponses viennent du groupe. En effet, par principe, le leader ne connaît
pas l’idéal de la relation avec un malade. Par contre, il sait qu’en évoquant
ses difficultés, un participant découvrira peut-être une solution et inven-
tera un chemin. Les rôles du leader sont multiples : il est à la fois capitaine,
vigie, père, censeur de la parole et aussi un protecteur bienveillant. De
sa capacité à enchaîner ces rôles, de sa capacité à surprendre dépendra
son crédit auprès du groupe. Le leader soutiendra le processus associatif
dans le groupe. Il permettra notamment aux participants de maintenir un
« écart de penser », cet écart étant essentiel pour permettre un partage
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d’expérience, rassembler et donner un sens à ce qui a été diffracté. C’est en


effet dans l’écart et la tension qu’un travail psychique peut être réalisé.

IV.2.2. Les débriefings psychologiques

La démarche centenaire de prévention des risques face à un événe-


ment traumatique a évolué différemment sur les continents. Le débrie-
fing psychologique de Mitchell (Critical Stress Incident Debriefing) est
un type de soins post-immédiats destinés aux sauveteurs. Inscrit dans
le courant cognitivo-comportementaliste, il se caractérise par la préco-
cité de son intervention après un événement hors du commun, qui est
considéré comme tel dans la mesure où cet événement modifie les stra-
tégies d’adaptation des sujets et peut induire une incapacité à reprendre
le travail (Ponseti-Gaillochon, Duchet, & Molenda, 2009). Les quatre
déterminants de cette intervention sont les suivants : la précocité de
l’intervention (dans les 48 à 72 heures), l’opportunité de verbalisation
de l’événement dans ses différents points de vue, la psychoéducation
(dans le conseil sur la gestion individuelle du stress proposé en fin de
séance), et le soutien psychosocial qui vient du fait même de l’inter-
vention groupale et est en soi un facteur de protection. Les sept étapes
de l’intervention en séance sont les suivantes : l’introduction de l’événe-
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ment, les faits, les pensées, les émotions, les symptômes, l’information,
la normalisation (sur la gestion du stress) et la conclusion qui favorise
un retour vers les activités futures.
L’école française se distingue par la mise en place de deux outils qui
peuvent être complémentaires : l’intervention à chaud (défusing) et l’inter-
vention psychothérapeutique post-immédiate (Ponseti-Gaillochon et al.,
2009). Ces deux types de débriefing sont exceptionnels et non inscrits dans
la durée. Ils sont présentés comme un entretien structuré mené idéalement
dans les 48 à 72 heures et au plus tard dans les 7 jours suivant l’incident
critique. L’objectif du débriefing est d’inciter les personnes affectées par un
événement potentiellement traumatisant à verbaliser leur expérience afin
de prévenir ou diminuer l’apparition de troubles psychologiques et pour
promouvoir leur rétablissement psychique. Les objectifs sont les suivants :
partager son expérience avec les autres personnes impliquées, exprimer
ses problèmes ou ses inquiétudes immédiates, égaliser le niveau d’infor-
mation quant à l’incident critique, réduire la probabilité d’apparition de
symptômes psychotraumatiques, stimuler le soutien émotionnel mutuel,
accélérer la récupération psychologique.

IV.2.3. L’analyse post-événementielle

Méthodologiquement, l’APE est un modèle d’intervention plus pro-


che du modèle de Mitchell, mais les différences sont importantes quant
aux objectifs finaux. Ainsi, nous pouvons noter que la méthodologie s’y
apparente dans les phases d’introduction, de présentation de la situation,
des faits, des pensées. Mais, l’aspect émotionnel ne s’invite que lorsque
la reconstruction collective de la prise en charge a été réalisée. De plus,
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194 Bénédicte Minguet et Adélaïde Blavier

l’APE n’oriente pas son intervention sur la gestion individuelle du stress


mais est plutôt centrée sur l’acte de travail, individuel ou collectif réalisé,
créé, ce qui place cette intervention dans la sphère de la dynamique du
travail davantage que dans la clinique du traumatisme, bien qu’un de ses
effets s’apparente bien à la prévention du traumatisme et de l’épuisement
professionnel.
Ainsi, l’APE ne vient pas après un défusing1, la rencontre informelle
de l’équipe qui détermine si un débriefing se mettra en place ou non.
Nous sommes dans la dimension préventive du travail. Nous savons que
les décès ont un impact sur le rapport au travail, les APE sont donc sys-
tématiques. Cette caractéristique qui n’est partagée ni avec Mitchell ni
avec les auteurs français qui ont adapté son modèle (Ponseti-Gaillochon
et al., 2009) est précisément là pour inscrire, dans l’organisation du
travail, des espaces de réflexions sur le travail où l’analyse de pratiques
est suscitée. C’est donc le rapport au travail qui est le motif d’inter-
vention et non pas uniquement le traumatisme possible ou avéré d’un
événement au travail.
Par conséquent, l’APE n’est ni un groupe de parole, ni un débriefing ou
défusing. C’est un espace-temps, qui, par son intervention régulière après
chaque décès, s’inscrit dans un cadre préventif (primaire). D’une séance à
l’autre, il permet à l’équipe de modifier, peaufiner, préciser ses pratiques.
Il n’est pas centré sur les conséquences individuelles psychologiques orien-
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tant son intervention dans la clinique du traumatisme mais prend le pari
qu’un espace régulier de réflexions sur les pratiques, par une approche de
l’analyse de l’acte de travail, viendra renforcer le rapport concret au travail
et favoriser les incidences psychiques positives du travail, comme les res-
sources individuelles et collectives.
Les débriefings psychologiques sont réservés aux personnes ayant
vécu un événement éprouvant avec une dimension de stress ou de trau-
matisme qui prévaut. Les situations de travail, en réanimation pédiatri-
que contiennent cette intensité de stress qui nous alerte sur la nécessité
de ne pas banaliser la situation en se cachant derrière la maitrise de
haute technicité. Mais, comme le souligne Vermeiren (2005), le débrie-
fing doit rester exceptionnel comme les événements qui le motivent.
Il ne doit pas être systématisé, ce qui est la tendance actuelle dans
les entreprises, car le risque serait alors de banaliser ce type d’inter-
vention, comme les événements qui le déclenchent, voire d’instaurer
des gestions routinières et techniques des souffrances de l’individu. On
mesure que le débriefing psychologique intervient dans un contexte
précis, selon des orientations théoriques définies et choisies, avec ses
propres modes d’intervention. C’est la raison pour laquelle l’APE ne se
nomme pas débriefing. Alors que le débriefing situe son objectif dans
la restauration psychologique des membres participants, l’APE vise

1. Il est cependant intéressant de mentionner que les moments qui font suite directement
à décès où l’équipe a besoin de souffler, de parler, de se retrouver ne serait-ce que quelques
instants pour partager l’intensité du moment, est à soutenir dans les équipes. Certains le
nomment défusing, mais si le dispositif ne comporte pas d’intervenant externe, il ne devrait
pas en conséquence porter ce nom.
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prioritairement l’amélioration des pratiques qui aura en conséquence


une incidence positive par son processus participatif sur la souffrance
liée à la situation de travail.

IV.2.4. Un dispositif d’analyse de pratiques

L’APE se range plutôt dans la catégorie des analyses de pratiques. Ce


cadre permet à l’intervention de s’inscrire dans la durée et dans la conti-
nuité, ce qui présente l’avantage de créer les conditions d’une appropriation
collective, d’un mode de fonctionnement à deux vitesses dans le collectif
de travail. Le collectif en situation, et le collectif dans le dispositif.
Dans son approche, Gust-Desprairies (2011) définit le dispositif
d’analyse de pratiques comme une démarche d’élucidation de la manière
dont chacun, à partir de questions qu’il se pose, se dispose dans son rap-
port au travail et avec les autres. Cette analyse de pratiques constitue par
conséquent un espace-temps pour former des liaisons significatives et pour
ouvrir à une activité représentative qui encourage le processus de mentali-
sation. Nous nous accorderons à dire avec elle que le dispositif permet de
restaurer un processus de pensée en œuvrant à conserver une place pour la
subjectivité. Cependant, nous compléterions en précisant que la spécificité
de la subjectivation suscitée dans le dispositif va au-delà de l’énonciation
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de l’écart entre le travail prescrit et le travail réel, au-delà de l’identification
des contraintes organisationnelles et institutionnelles qui s’imposent dans
le sens à donner au contenu du travail. L’APE propose un récit collectif,
une narration collective de la prise en charge dans laquelle la subjectivité
psychosociale individuelle vient enrichir la signification collective et donc
le sens collectif du travail.
Gust-Desprairies (2011) précise que l’accès au sens n’est pas un
dégagement du bon et du mauvais, mais une élaboration de sens que
prennent les situations pour ceux qui les vivent. Le double étayage dans le
temps que propose l’APE facilite le processus d’élaboration collective :
le temps de la séance, une heure et demie focalisée sur la même situation,
et la répétition des APE au fil des décès. Les autres caractéristiques du dis-
positif y concourent également, mais cette double temporalité répond à un
critère identifié par Gust-Desprairies : les changements nécessitent pour
les sujets, des moments d’arrêt ou de ralentissement pour que s’opère une
intégration psychique au-delà de l’efficience pragmatique. En APE, le sens
collectif et partagé de la prise en charge, recomposé a posteriori, s’ins-
crit dans la mémoire du service et se présente comme une référence sur
laquelle les actes individuels posés dans les nouvelles situations de décès
prennent une signification protectrice face à son potentiel déstabilisateur.
Ce dispositif d’analyse de pratiques n’en reste pas là. Il crée du neuf
dans l’organisation du travail, dans les pratiques de références de l’équipe.
En référence au cas présenté ci-dessus, les attentions pour les parents, les
propositions à suivre pour se préserver, les nouvelles modalités de trans-
mission entre l’équipe infirmière et l’équipe médicale sont autant d’idées,
puis d’actions mises en place par l’équipe elle-même. C’est alors son
potentiel créatif qui se donne à voir.
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196 Bénédicte Minguet et Adélaïde Blavier

IV.3. L’appropriation de la méthode collective

C’est l’appropriation de la méthode collective par l’équipe qui permet-


tra d’y parvenir. Cette appropriation s’appuie sur les éléments suivants :
Les membres de l’équipe ont la garantie du fait que chaque décès
sera repris en APE. Autrement dit, chaque situation de travail liée à un
décès vaut la peine d’être reprise. Cette garantie assure aux membres de
l’équipe en difficulté dans une situation de décès la possibilité d’en reparler
à distance. Ainsi, là où auparavant les désaccords sur la prise en charge
thérapeutique, les relations avec la famille étaient l’objet de tensions qui
éclataient au moment même du désarroi émotionnel, l’équipe aborde les
difficultés avec une certaine sérénité et relativité, projetant dans un avenir
proche de meilleures conditions pour reprendre collectivement la situation.
On pourrait avancer que l’appropriation des modalités du dispositif favo-
rise une fonction de pare-excitation chez les soignants puisqu’une fonction
de régulation interne est activée grâce à un dispositif externe.
Les modalités de l’APE insistent sur une représentation enrichie de la
situation au-delà de son propre acte de travail. L’approche chronologique
facilite la mise en système d’un grand nombre d’informations rendues
accessibles à tous. Les échanges autour d’une seule situation, s’étendant
sur une heure et demie, avec un début et une fin d’histoire bien clairs
aux yeux de tous, facilitent également l’organisation de toutes les données
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reçues sans avoir à se concentrer sur l’urgence de ce qui est à mettre en
place, comme c’est lecas par exemple dans le cadre des réunions cliniques
hebdomadaires des équipes autour des suivis des patients, menées par
les chefs de service. Les enjeux de l’APE sont différents. La situation de
l’enfant décédé ne questionne plus la prise en charge thérapeutique, mais
la met en perspective en y incluant le positionnement des parents et les
répercussions sur le travail de chacun.
Le dispositif insiste sur la modalité suivante : avant de proposer une
interprétation de la situation, entamons la description de l’acte, des actes
et de leur enchaînement. On l’a bien compris, il ne s’agit pas d’une des-
cription déclarative qui se contenterait de coller son acte aux significations
institutionnelles attendues. L’énonciation de l’acte contextualisé en séance
facilite l’effort de compréhension de la logique de chaque métier, parti-
cipant à la mise en forme d’un tableau général dans lequel chacun iden-
tifie son apport, son acte, et l’effet de celui-ci sur les actes des autres. Il
s’agit également de reconnaître la légitimité du champ d’action de chacun,
de comprendre le métier de l’autre dans sa spécificité et aussi dans ses
contraintes propres. Dans la pratique, cette meilleure compréhension est
souvent suivie d’une meilleure collaboration entre les différents métiers au
quotidien, les champs d’intersection sont plus visibles et facilitent alors le
processus de collaboration. Par exemple, l’équipe infirmière va comprendre
plus précisément la nature du travail du psychologue. En APE, le psycho-
logue va mettre en lien son intervention auprès de l’enfant ou des parents
et les effets sur le positionnement des infirmiers dans la relation soignant-
soigné. Cela permet au fil des APE d’identifier, de réajuster la façon dont
l’équipe fait appel aux services du psychologue pour aborder, travailler une
situation difficile sur le terrain.
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Les trois temps de l’APE (récit chronologique, réflexions, proposi-


tions) proposent une alternative à l’expression émotionnelle première et
intense. Elle est respectée mais n’a plus la préséance. Elle ne cherche plus
à s’imposer pour témoigner de l’urgence et de la nécessité de s’arrêter pour
réfléchir, puisque le cadre de l’intervention répond par anticipation à ce
besoin. Par ailleurs, l’impact de la réflexion se mesure aujourd’hui par les
traces inscrites dans l’organisation du travail, dont ils sont à l’origine. Le
rapatriement des réflexions est lui-même inclus dans la méthodologie par
l’existence du compte rendu et sa réappropriation managériale.
Pour ne pas vivre une séance multidisciplinaire comme un tribunal
où les actes sont dévoilés à ceux qui sont censés les évaluer ou les juger,
il faut l’expérience de quelques séances d’APE. La culture du dispositif
s’établit sur la notion de bienveillance partagée, de compréhension, de
recherche d’articulation de logiques différentes mais complémentaires et
de recherche d’adaptations et d’ajustements.

IV.4. L’articulation des différentes temporalités

Le dispositif est bien au clair à propos des différentes temporalités qu’il


articule et qu’il propose à l’équipe. C’est à ces conditions qu’il est efficient.
Cela semble nécessaire pour permettre à la temporalité psychique des tra-
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vailleurs d’être respectée et lui assurer les bonnes conditions pour que ce qui
en émergera puisse s’inscrire dans la réalité organisationnelle. En premier
lieu, le dispositif s’inscrit comme un temps de réflexion dans l’organisation
du travail. Il respecte le rythme nécessaire en séance pour amener le groupe
à établir son objet commun de réflexion, avant de le soumettre au regard
plus critique. Les effets du dispositif s’inscrivent sur le long terme, il s’appuie
sur un fonctionnement d’au moins un an pour garantir une certaine réap-
propriation des modalités collectives de réflexion et de travail. Enfin, par
l’existence du compte rendu, il s’articule au fonctionnement institutionnel
qui entre en jeu lorsque des propositions organisationnelles, qui émanent
de l’APE, requièrent d’autres actions managériales avant de se concrétiser
en pratiques collectives. Aux termes de quelques années, nous pouvons
parler d’une culture de l’APE, le service dispose des outils construits à la
suite de ces dispositifs. Après plusieurs années de participation à l’APE,
l’équipe et les responsables perçoivent ses différentes temporalités. Ce qui
peut être un signe également de maturité dans la compréhension du fonc-
tionnement institutionnel, des liens qu’ils établissent plus finement entre
leurs besoins et la réponse organisationnelle, institutionnelle.

IV.5. L’effet de ses actes et la boucle de rétroaction

Mendel (1992) évoquait l’importance de « voir le bout de ses actes »


comme élément constitutif et satisfaisant de l’acte de travail. D’une APE
à une autre, l’équipe a la possibilité de mesurer l’efficacité de ses pro-
positions énoncées aux APE précédentes. Cet aspect permet par ailleurs
que le protocole de prise en charge des décès et de leur accompagnement
ne soit pas clos définitivement mais toujours susceptible d’être revu,
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précisé, complété, aménagé. Autrement dit, la créativité de l’équipe


peut toujours se mettre en œuvre et se concrétiser.
Le cycle APE-compte rendu-construction du document collectif
des« points de repères pour les bonnes pratiques de prise en charge des
décès et leur accompagnement », est rejoué plusieurs fois sur une année. Il
permet à l’entièreté de l’équipe de connaître le dispositif. En effet, d’une
APE à l’autre, les membres de l’équipe ne sont pas identiques mais tous
vivent le même processus et alimentent un même document final. Du
point de vue de l’animation des groupes dans le cadre de supervision, cet
élément vient suppléer aux problèmes de discontinuité des groupes parti-
cipant au dispositif (Talpin, 2011).
Le renforcement de la dimension collective du travail est ici au cœur
de la démarche. Dejours (2015) insistait sur l’importance des références
partagées dans les lieux de soins et des espaces formels et informels qui
peuvent traiter des problèmes relatifs aux dérèglements de la communica-
tion, des conflits, des désaccords et des problèmes d’organisation dans les
domaines moraux auxquels ils sont confrontés au quotidien. Cette démarche
amenuise le recours aux seules stratégies individuelles comme défense pos-
sible contre la souffrance générée par le travail (Dejours, 2015). L’APE
présente alors un dispositif qui permet de construire les références dans les
équipes. Mais, nous souhaitions énoncer l’appareil méthodologique néces-
saire à l’établissement de dialogues et d’échanges sur les conflits et les
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désaccords. L’instruction des discordes, ainsi que la nomme Clot (2015)
requiert des conditions et compétences psychosociales chez les profes-
sionnels, activées par le dispositif d’APE.
Sans pouvoir agir directement sur les conséquences individuelles,
personnelles d’un décès, l’APE s’appuie alors sur les leviers collectifs sui-
vants : l’analyse multidisciplinaire de l’activité, l’amélioration des condi-
tions nécessaires pour rendre efficaces dans l’organisation du travail les
propositions dont l’équipe est à l’origine, la création d’un outil d’exper-
tise collective (le document de référence) qui concrétise la réflexion, le
travail et l’organisation collective spécifique à l’équipe. Son identité se
donne à voir.

IV.6. Le statut de la parole dans le dispositif

Alors que la prise de parole est individuelle, la régulation lors de la


séance la place directement dans le récit collectif comme un des éléments
constituants et significatifs d’une finalité à laquelle chacun s’identifie. On
pourrait penser qu’il s’agit là de retrouver sa « place d’exception dans une
instance collective », ainsi que le nomme Lebrun (2017) qui évoque cet
objectif pour soutenir l’action collective en difficulté aujourd’hui dans les
institutions.
Le récit de l’acte, en séance, au sein du collectif, dispose d’un écho dif-
férent de la relation interpersonnelle entre deux professionnels (médecin-
infirmier par exemple). L’explication ou la réponse apportée en séance,
accompagnée souvent de la valorisation de l’acte de l’un et de l’autre,
ainsi que de la remise en contexte enrichissent les réponses apportées.
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Cet accroissement qualitatif de la réponse se conjuguant avec la tempo-


ralité du dispositif (1 h 30) crée des conditions d’échanges qui ne sont
plus basées uniquement sur les rapports d’autorité et de savoirs, mais sur
la complexité d’un système abordé collectivement. La reconnaissance
du travail de l’autre alimente le sentiment d’appartenance à l’équipe
qui construit ses pratiques collectivement. Plus largement, le sentiment
d’appartenance s’étend à l’institution dans laquelle l’équipe rencontre les
conditions de travail qui permettent son développement.
Rappelons que la prise de parole est davantage liée à l’expression sub-
jective de la psychosocialité qu’à l’expression purement émotionnelle de
l’incidence psychique de la situation de travail. Ce type d’expression est
la condition d’une prise en compte organisationnelle de la parole dont les
concrétisations sont à mesurer dans les empreintes laissées dans l’organi-
sation du travail. Du statut de la parole au circuit que lui propose le dispo-
sitif, nous pouvons identifier une dimension intéressante de la parole qui
est celle de sa productivité. Mais, pour lui attribuer cette qualité, il faut
pouvoir la relier au dispositif méthodologique qui la soutient.

IV.7. La mémoire collective et ses traces

Au quotidien et au cœur des moments de stress intense qui génèrent


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une recherche de solutions ou un mode opératoire qui rassure, il est clair
que ce n’est pas le moment pour les soignants de l’analyse de la situation
(Soubieux, 2012). Or, à distance du terrain, chaque proposition qui émane
de l’APE est le fruit d’un consensus entre collègues dans lequel chacun a
bien identifié sa place. Dans cet esprit, le recours à l’expertise collective
écrite se révèle un bon soutien pour tous les membres de l’équipe, il agit
comme un ciment pour l’équipe. Les nouveaux arrivés, les professionnels
travaillant la nuit témoignent alors de l’efficacité d’une référence écrite,
multidisciplinaire sur l’accompagnement des décès d’enfant. Mémoire
du travail réel, mais aussi mémoire de l’identité que s’est créée l’équipe,
autant de soutiens supplémentaires aux ressources individuelles activées
par les soignants dans les situations difficiles.
Au-delà de la gestion des risques psychosociaux, Clot (2015, p. 169)
insiste sur la valorisation du « travail à cœur », le travail bien fait comme
ressource objective pour les professionnels : « Mieux vaut donc retrouver
le chemin de la transformation réelle du travail et prendre “soin” de lui
en le requalifiant. L’un des critères de la santé au travail est certainement
centrifuge, c’est l’empreinte laissée dans l’une organisation du travail
affecté par l’initiative de ceux qui y travaillent ». La traduction métho-
dologique d’un tel objectif n’est pas si simple. Nous avons évoqué le fait
qu’il ne s’agit pas seulement de cibler le contenu du travail, c’est-à-dire
la possibilité d’échanger sur les critères de qualité, mais qu’il faut aussi
agir sur les conditions d’échanges. Les groupes homogènes de métiers,
de fait, représentent des espaces où le point commun du métier permet
un échange profond sur le travail connu de la même façon par tous. En
groupe hétérogène, le débat ne peut pas se jouer dans les premiers instants
au risque d’activer les rapports d’autorité, de force qui viendraient clore
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trop tôt les échanges. En APE, la prudence observée dans la gestion du


groupe hétérogène permet, grâce à la continuité du dispositif, de débattre
des critères de qualité du travail bien fait, d’oser le remettre en question.
Cependant, cela est davantage possible que les participants intègrent les
modalités de fonctionnement collectif qui insistent sur le fait que c’est le
travail qui est remis en question et non le travailleur.

IV.8. Une clinique du dispositif

Tout au long de nos 15 années d’intervention avec les APE, trois par-
ticularités se sont fait entendre dans la clinique du dispositif.
La notion de cadre n’est jamais acquise définitivement. Même avec le
support validé par la direction médicale et la direction de l’hôpital, la pro-
cédure d’intervention vient toujours quelque peu questionner l’autorité
médicale. Les risques liés au fait de réaliser une APE sans intervenant, de
court-circuiter l’APE par une séance d’information (de réinformation) sur
la situation, ou les risques de remise en question du cadre en séance, ne
sont pas à minimiser.
Le critère de mise en place peut être remis en question à la longue.
Même avec quelques années d’expérience, un service peut être amené à
« juger » qu’une APE ne vaut pas la peine d’être mise en place car le décès
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était « prévisible », ou parce que tout le monde a tourné la page (mais qui
le dit vraiment ?). Pour le cadre par exemple, le fait de mobiliser une partie
de son équipe pour une réunion qui va en partie désorganiser le travail
quotidien représente plus d’inconvénients que les bénéfices de la réunion
autour d’un décès annoncé. De fait, il y a certainement des situations de
décès plus éprouvantes que d’autres, mais le fait de ne pas réaliser d’APE
comporte des effets plus délétères encore car le systématisme du dispositif
remis en question n’offre plus la garantie des deux temporalités qui per-
mettent de ne pas se laisser enfermer, envahir par les réactions in situ. Les
membres de l’équipe chercheront à identifier sur quel critère les respon-
sables vont se baser pour décider de la mise en place et le raccourci de la
mesure émotionnelle va se rejouer.
Enfin les différents degrés d’hétérogénéité du groupe sont à mesurer
car ils donnent d’emblée une idée de la complexité de l’articulation des
propos. Citons trois exemples d’hétérogénéité :
• Deux services présents, un service de soins intensifs et un service de
maladie chronique, ce sont deux cultures qui s’expriment, deux iden-
tités. La remise en question est délicate et en général ne se réalise que
lorsque l’un des deux services a déjà intégré les modalités de fonc-
tionnement collectif de l’APE pour arrimer le second service dans la
direction du dialogue ;
• La présence de médecins superviseurs et d’assistants (internes) : l’APE
ne peut être un lieu d’évaluation du travail des uns par les autres. C’est
ainsi que l’on observe une participation qualitativement différente si
cet enjeu s’impose d’emblée dans les échanges, ce que l’animation doit
gérer et tendre à ne pas laisser apparaître ;
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• La présence d’un service interne et d’un service externe à l’hôpital :


lorsqu’un service externe (SMUR, pompier) est invité dans le groupe,
il s’agit aussi de respecter la confidentialité de la situation en pondérant
la présentation de la situation et l’intérêt pour un pompier, par exemple,
de connaître les conséquences de son acte, la suite de l’histoire dans la
prise en charge d’un enfant décédé à domicile et conduit au service
des urgences. Comment la famille a-t-elle été accueillie, qu’est-ce qui a
été mis en place pour les frères et sœurs ?... autant d’informations, qui
viennent compléter un tableau de la situation, auxquelles le pompier
peut se référer une prochaine fois pour saisir la chaine dans laquelle il
se situe lorsqu’il intervient au domicile.

V. Conclusion

La mort frappe à l’hôpital, dans les services pédiatriques et les équipes


doivent y faire face parce qu’elle fait partie de leur métier. C’est un impen-
sable aux yeux de la médecine qui soigne et qui est sévèrement mise en
échec dans sa mission première. C’est un double drame. La situation crée
dans l’équipe une crise d’identité professionnelle mais aussi personnelle
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car la mort de l’enfant entre en résonnance avec la leur et celle de leurs
proches ou du moins l’éventualité de l’annonce de celles-ci. Non seule-
ment le sujet est mort, mais le travail l’est tout autant, touchant à la limite
de ses moyens. La souffrance au travail évoque alors également le fait que
le travail lui-même est en souffrance.
La spécificité de l’APE, c’est le renforcement des ressources collectives
des équipes par l’appropriation des modalités de fonctionnement du dis-
positif et l’usufruit tant en séance que par la suite des échanges régulés
autour des pratiques d’humanisation des soins.
En ce sens, il se présente comme un processus dans lequel la résilience
individuelle peut se développer par l’action collective construite autour de
pratiques dont ils sont à l’origine et dont ils voient le bout de leurs actes,
comme le soulignerait Mendel. Dans un contexte de travail par ailleurs
aversif, il est fondamental de ne pas seulement soutenir les professionnels
pour qu’ils tiennent le coup mais d’aller au-delà. L’objectif n’est donc pas
de maintenir un système figé dans son état, mais de faire en sorte que le
travail autour des événements aversifs permette d’aller vers un mieux et
d’améliorer les pratiques, par une mobilisation des stratégies de résilience
collective, dont l’effet positif est aussi visible au niveau individuel et insti-
tutionnel. Il est alors possible de mobiliser la créativité pour soutenir le
rapport positif au travail et participer à l’amélioration des pratiques.
L’orientation méthodologique s’appuie sur la notion de médiation. À
l’heure où les phénomènes d’autorité sont questionnés, où la difficulté
de soutenir les instances collectives se fait entendre, l’existence d’espaces
horizontaux autour du contenu du travail, mais bien articulés avec l’organi-
sation de celui-ci, ouvre une porte nouvelle aux pistes que l’institution peut
proposer aux équipes. Soulignant la nécessaire régulation des échanges en
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202 Bénédicte Minguet et Adélaïde Blavier

cours de séances, et d’autre part l’introduction de modalités différentes


dans les échanges entre métiers dans le service, le pari consiste à trans-
former l’organisation du travail dans le sens recherché par l’éthique de
l’équipe. Les étapes de la transformation de la pensée vers les propositions
et leur concrétisation dans le fonctionnement sont à respecter si l’on sou-
haite que le processus soit démocratique.
Au-delà des dichotomies rencontrées dans les propositions méthodolo-
giques traditionnelles, il est important de noter comment dans ce dispositif
formellement centré sur la dimension organisationnelle, il a été question
de travailler « le psychologique ». C’est dans l’amélioration des conditions
d’exercice de son travail, que le travailleur pourra déployer ou non son acte-
pouvoir dans une perspective collective. Élargir positivement ce rapport au
travail en soutenant le développement de compétences psychosociales
répond alors à cet objectif de prévention de la souffrance au travail. Cette
subjectivité mobilisée par la méthodologie du dispositif et son processus
de transformation de l’organisation du travail peut être à la source d’une
créativité visible qui renvoie au professionnel comme à l’équipe les effets
de leurs actes de concertation. Une subjectivité qui n’est pas mobilisée
sous la contrainte, mais qui est capable de s’articuler à d’autres pour
développer des forces de proposition, dépasse le sentiment d’indignation
et de désobéissance qui témoignent aussi d’une saturation professionnelle
et d’une revendication de moyens envers l’institution. Nous pourrions
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avancer dans ce cas que la subjectivité psychosociale vient ici au secours
d’une subjectivité personnelle perçue dans le registre de l’individualisation,
et de la solitude, premier retranchement face à la souffrance au travail.
Le dispositif s’inscrit en tiers dans l’organisation du travail et donne à
voir la fonction du collectif dans l’activité individuelle. Le collectif est alors
une ressource et ne s’impose pas (ou du moins beaucoup moins) avec ses
normes de groupes qu’il est difficile de questionner du dedans. Travailler
les collectifs au secours de l’individuel dans le milieu du travail est une
piste fructueuse lorsque la méthodologie d’analyse de pratiques a l’oppor-
tunité de s’inscrire dans l’organisation du travail sur un long terme. Cette
démarche tient compte des rapports de force existant entre métiers et tend
à les rééquilibrer, là où une marge de manœuvre est identifiée pour élargir
l’acte-pouvoir individuel et collectif. Les effets du dispositif viennent alors
en contrepoids de la souffrance inhérente à l’acte de soins. Si l’on consi-
dère que le bien-être psychosocial ne va pas de soi, mais qu’il est la consé-
quence d’une construction individuelle et collective de l’acte de travail, il
appartient alors aux institutions, aux directions de réfléchir aux conditions
de travail et d’analyse qui le favorisent ou à l’inverse l’entravent.
Le propos de l’article était de présenter un dispositif capable de tra-
vailler à la réduction de la souffrance au travail par une prise en compte
des analyses des équipes dans l’organisation du travail. La méthodologie
basée sur l’apport de la réflexion collective se présente comme ressource
pour l’activité individuelle. Le développement de l’acte-pouvoir indi-
viduel et collectif est le cap managérial à suivre en proposant les outils
adéquats pour soutenir le processus de transformation de l’organisation
du travail à partir d’une prise de parole démocratique sur le travail.
C’est bien une façon d’envisager le bien-être psychosocial au-delà d’une
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gestion des risques du travail, mais dans une vision managériale qui sus-
cite la créativité au travail et qui mobilise les processus de résilience indi-
viduels et collectifs.
Au départ d’une situation de souffrance au travail, le dispositif a contri-
bué à la production de l’amélioration de pratiques par la méthodologie
spécifique de la mobilisation psychique dans le collectif de travail. Un dis-
cours qui rejoindra l’idée selon laquelle le travail est une ressource à la
souffrance au travail pour autant que le sens y soit « travaillé ».

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Manuscrit reçu : mai 2017.


Accepté après révision par A. Aublet-Cuvelier : juin 2018.

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