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La production de vases rouges à bord noirs a stoppé en Égypte au prédynastique.

Pourtant de nombreux exemplaires beaucoup plus récents ont été retrouvés en Égypte. En
effet, la production des vases rouges à bord noirs était toujours présente en Nubie et étaient
importés en Égypte. Ces découvertes sont un des nombreux exemples de commerce et
d’échanges entre l’Égypte et la Nubie.
La Nubie est une région de l’actuel Soudan, elle s’étend le long du Nil de la première
cataracte au point de jonction entre le Nil Bleu et le Nil Blanc. Cette région fut contrôlée de
-2500 à -1480 par le royaume de Kerma dont la capitale portait le même nom. Les Nubiens
furent en contact quasi permanent avec les Égyptien avec qui ils partagent une frontière.
Ces relations étaient de plusieurs natures, de nombreux échanges commerciaux existent
entre les Nubiens et les Égyptiens mais également une influence notamment culturelle de
l’un sur l’autre, avec une culture égyptienne qui finit par s’imposer sur la culture nubienne.
Néanmoins, les contacts les plus visibles sont clairement les nombreux affrontements
militaires opposant les deux formations. Ces combats se sont quasiment toujours soldés sur
une victoire égyptienne.
Thoutmosis Ier (1504-1493 avant J.C) signe définitivement le retour de la puissance
égyptienne suite à la deuxième période intermédiaire ayant pris fin avec Ahmosis
(1540-1525 avant J.C) suite à la reconquête menée par Kamosis (1553-1549 avant J.C).
Thoutmosis Ier mène de nombreuses campagnes militaires, notamment en Nubie où il lance
une occupation égyptienne qui durera plusieurs centaines d’années. Lors de cette conquête
sera construite la ville de Doukki Gel aux abords de la ville de Kerma, ancienne capitale du
royaume du même nom, cette ville est un exemple parfait de la relation entre Nubie et
Égypte.
Toutes ces différentes relations sont liées et comme expliqué précédemment, l’Égypte
avait l’ascendant sur la Nubie pendant la grande majorité de l’histoire. Nous nous
intéresserons donc à cette domination.
On se demande donc quels sont les impacts et quelles relations naissent de cette
domination égyptienne sur la Nubie.
Pour répondre à cela nous allons dans un premiers temps nous intéresser aux contacts
entre les Nubiens et les Égyptiens pour ensuite se pencher sur les conflits opposant les
deux partis et finalement nous évoquerons les échanges présents entre la Nubie et l’Égypte.

Nous allons commencé par évoquer les contacts entre la Nubie en s’intéressant
premièrement à la période de Nagada I (4000-3750 avant J.C) pour ensuite se baser sur la
fondation de la ville de Doukki Gel par les Égyptiens en Nubie et finalement évoquer
l’egyptianisation de la culture nubienne suite à l’occupation de la région par l’Égypte. Entre
3900 et 3500 avant J.C. les relations de la Haute-Égypte avec la Nubie sont florissantes.
Cette période est souvent désignée comme une "culture égypto-nubienne". Cette
désignation met en lumière l'interconnexion des deux régions à cette époque. Au cours de
cette période, la Haute-Égypte entretenait des liens plus étroits avec la Basse-Nubie qu'avec
la Basse-Égypte. La proximité culturelle entre les deux régions s'explique par un certain
nombre de facteurs, tels que l'emplacement géographique et les relations commerciales. Le
Nil, par exemple, était une voie de communication et de commerce naturelle entre les
régions, facilitant le partage de biens et d'idées. De plus, les ressources naturelles
abondantes de la région, telles que l'or et les minéraux, attiraient les populations des deux
côtés de la frontière, renforçant ainsi les interactions. Les similitudes culturelles entre la
Haute-Égypte et la Nubie à cette époque sont également évidentes dans les artefacts
archéologiques découverts dans la région. Des éléments tels que la poterie, les outils et les
motifs artistiques montrent des influences mutuelles et des pratiques partagées entre les
deux régions.
Les deux régions se sont ensuite plus ou moins éloignées culturellement même si les
contacts commerciaux étaient toujours présents. Des rapprochements territoriaux se sont
fait notamment durant la deuxième période intermédiaire (1780-1570 avant J.C) où les rois
nubiens profitent de la dislocation du pouvoir royal égyptien pour prendre le contrôle de la
Haute-Égypte. C’est suite à la réunification par les rois de Thèbes et le lancement de la
XVIIIe dynastie avec Ahmosis que les Nubiens, en tant qu’entité politique et militaire, sont
chassés du territoire. C’est ensuite Thoutmosis Ier qui lance des opérations militaires
au-delà des frontières, notamment vers la Nubie qui reste sous contrôle égyptien pendant
des centaines d’années. C’est donc dans ce but de conquêtes et de contrôle que le pouvoir
égyptien fait construire la ville de Doukki Gel. Cette ville servait donc d’avant poste militaire
mais aussi administratif et économique. La construction de Doukki Gel a facilité les
échanges culturels et sociaux entre les Égyptiens et les Nubiens. Cette interaction a favorisé
la diffusion des pratiques, des croyances et des traditions égyptiennes dans la région,
contribuant ainsi à l'assimilation progressive de la culture égyptienne par les communautés
nubiennes et renforçant les liens entre les deux cultures, on parle ici d’égyptianisation de la
société nubienne.
Cette égyptianisation sera quasiment complète incluant les aspects religieux, culturels,
économiques et administratifs. Le contrôle du territoire est géré par un vice-roi,
généralement membre de l’entourage du roi égyptien. Ce vice-roi impose son autorité sur
les chefs locaux qui deviennent des vassaux du roi égyptien, leurs fils sont même envoyés
en Égypte pour y recevoir une éducation égyptienne. Cela a donc joué un rôle majeur dans
l’égyptianisation de la société nubienne. Ce processus s’est notamment mis en place au
niveau religieux avec la construction d’un grand nombre de temples égyptiens comme celui
de Sedeinga et celui de Soleb ayant des colonnes de grès très similaires à celles du temple
de Louxor. Sur le plan social, l'égyptianisation s'est reflétée dans l'adoption de la langue, des
coutumes vestimentaires, de l'architecture et des pratiques administratives égyptiennes par
les élites nubiennes. Les dirigeants nubiens ont souvent adopté des titres et des symboles
égyptiens pour légitimer leur autorité et renforcer leur lien avec l'Égypte. Cette
égyptianisation gardera une grande marque sur la culture nubienne et cela est visible avec
l’utilisation du terrassement égyptien dans les représentations iconographiques des Méroé
(-1000).

Mais ces contacts ne sont pas tous faits naturellement, certains ont été forcés et imposés
par des conflits armés opposant les royaumes rivaux, ces conflits se finissent généralement
sur la domination de l’Égypte sur la Nubie.

Nous allons donc nous intéresser aux conflits opposants la Nubie à l’Égypte en
commençant par l’invasion de la Nubie par Thoutmosis Ier pour ensuite évoquer les révoltes
nubiennes en réaction à l’occupation égyptienne et finalement expliquer l’attaque de
Psammétique II contre les troupes nubiennes. En 1480 avant J.C., sous le règne de
Thoutmosis Ier, l'Égypte poursuit ses campagnes militaires en direction de la Nubie, une
politique d'expansion territoriale initiée par ses prédécesseurs. Thoutmosis Ier va même plus
loin en menant ses troupes jusqu'à Kourgous, situé entre la 4ème et la 5ème cataracte du
Nil. Cette avancée représente un tournant majeur dans l'histoire des relations entre l'Égypte
et la Nubie, car elle marque le début de l'occupation officielle de la Nubie par l'Égypte.
L'occupation de Kourgous par les forces égyptiennes symbolise l'extension du contrôle
égyptien sur le territoire nubien. Cela signifie que l'Égypte exerce désormais une autorité
directe sur une partie significative de la Nubie, imposant sa présence militaire, politique,
culturelle et religieuse dans la région. Cette occupation n'était pas simplement une
démonstration de puissance militaire, mais aussi une stratégie visant à consolider le contrôle
égyptien sur les ressources naturelles de la Nubie notamment l’or. Les Égyptiens
considéraient la Nubie comme un eldorado, néanmoins après avoir mené des fouilles dans
la région Jean Vercoutter affirme que c’était une vision idéalisée et qu’il fallait nuancer cela.
En lançant cette occupation, Thoutmosis Ier cherchait probablement à renforcer la position
de l'Égypte dans la région, à sécuriser ses frontières sud et à étendre son influence
économique. L'occupation de Kourgous permettait également à l'Égypte d'avoir un meilleur
contrôle sur les routes commerciales vitales qui traversaient la Nubie, facilitant ainsi les
échanges commerciaux notamment sur le cours du Nil.
Des conflits eurent également lieu par le biais de révoltes nubiennes contre l’occupation
égyptienne. La première eut lieu suite à l’attaque menée par Ahmosis, il parvint à atteindre
la deuxième cataracte qu’il soumet à son pouvoir. Néanmoins dès le retrait de ses troupes
de la région, des révoltes éclatent ce qui poussera le pouvoir égyptien à mener de nouvelles
campagnes militaires dans la région. Ces campagnes militaires signeront la fin du royaume
indépendant de Kerma notamment suite aux grandes réussites militaires de Thoutmosis Ier.
Malgré cela, le contrôle du pouvoir égyptien sur la région reste fragile comme en témoignent
les révoltes ayant eu lieu lors de la première année du règne de Thoutmosis II (1492-1479
avant J.C). Ces révoltes semblent avoir été d’une ampleur particulièrement importante
comme décrite sur un rocher à Assouan. Toutes ces révoltes furent réprimées par la force
par les troupes égyptiennes qui accentuèrent leur contrôle sur la région au fur et à mesure
des soulèvements. Ces rébellions ne furent pas qu’une réaction spontanée et montannée à
l’occupation du territoire nubien par les Égyptiens mais bien un mouvement de résistance
continue puisqu’on retrouve des traces de révoltes nubiennes jusqu’en 1300 avant notre ère
soit plus de 200 ans après l’annexion du territoire par l’Égypte.
Durant la troisième période intermédiaire, la XXVe dynastie s’installe en Égypte, sa
particularité est que c’est une dynastie nubienne, aussi connus sous le nom de “pharaons
noirs”, les rois de cette dynastie perdent le contrôle du pouvoir avec l’arrivée au trône de
Psammétique Ier (664-610 avant J.C) qui unit l’Égypte, signant le début de la Basse
Époque. C’est ensuite Psammétique II (595-589 avant J.C) qui expulse complètement les
descendants des rois de la XXVe dynastie qui gardaient une influence sur la région de
Thèbes. Il mène donc une campagne militaire majeure contre les forces du Royaume de
Koush et parvient à entrer dans sa capitale Napata qu’il saccage et pille. Psammétique II
mène aussi une campagne de damnatio memoriae contre les représentations des rois de la
XXVe dynastie. Malgré ce grand succès militaire, les Égyptiens ne lancent pas d’occupation
de la Nubie. Tout d’abord cela est dû aux campagnes militaires déjà en cours dans la région
du Levant rendant difficile le contrôle de deux fronts simultanément. Mais également dû à la
puissance de cette offensive sur la Nubie qui a complètement réduit à néant la puissance du
royaume de Koush qui ne constitue plus un danger pour le pouvoir égyptien.

Ces conflits reflètent parmi tous leurs objectifs une volonté égyptienne de contrôler le
commerce et de l’imposer à la Nubie.
Nous allons donc nous intéresser aux échanges entre la Nubie et l’Égypte en commençant
par les échanges commerciaux pour finalement évoquer les échanges culturels. Les
échanges commerciaux entre l’Égypte et la Nubie datent d’avant l'Ancien Empire.
Néanmoins c’est à partir de ce dernier que l’Égypte a imposé son hégémonie sur la Nubie
pour y forcer des échanges commerciaux et être au commande de ces derniers. En effet,
Djer (3050-3000 avant J.C), le troisième roi de la Ière dynastie, a mené de nombreuses
expéditions militaires pour contrôler des comptoirs de commerces notamment au Sinaï mais
aussi en Nubie. En effet, d’après une inscription retrouvée à Jabal Sheikh Suleyman, il aurait
percé jusqu’à la deuxième cataracte du Nil. Le contrôle de la Nubie pour le commerce est
primordiale étant donné notamment ses mines d’or. Le nom de Nubie vient de l’égyptien nub
signifiant “or”. Des comptoirs sont donc établis à des points stratégiques comme à Bouhen
ou à Tomas. Les rois suivants Djer continueront d’imposer un contrôle militaire accru à la
frontière de manière à sécuriser les routes commerciales et les comptoirs commerciaux.
Les échanges entre les Nubiens et les Égyptiens ne peuvent pas être réduits à de simples
échanges commerciaux. Comme expliqué plus tôt, les deux régions partageaient la même
culture durant la période de Nagada I. Et malgré la séparation des deux régions dû aux
conflits les opposant, la culture de chacun d'entre eux est restée très similaire à l’autre. La
conquête de la Nubie par l’Égypte a enclenché un rapprochement plus grand et une
unification des deux cultures avec la dominance de la culture égyptienne. Mais ce n’est pas
pour autant que la culture égyptienne n’a été elle-même influencée par la culture nubienne.
En effet, les remparts fortifiants la ville de Doukki Gel sont circulaires. Cela représente un
style typiquement africain de fortifications montrant donc l’influence de la culture régionale
sur cette ville construite par les Égyptiens qui se sont très probablement aidés d’architectes
locaux pour la construction de la ville. La libre-circulation et le commerce étaient donc
assurées entre Egypte et Nubie, mais la seconde versait tout de même un tribut à la
première.

En conclusion, la domination égyptienne sur la Nubie se répercute de différentes manières


sur les relations entretenues entre les deux régions. Ces relations peuvent même être
parfois contradictoires sachant que les deux royaumes étaient à la fois ennemis et
partenaires commerciaux. En effet, en plus des nombreux affrontements militaires et
victoires égyptiennes ayant donné lieu à des révoltes nubiennes, les deux cultures se sont
entrechoquées et se sont mutuellement influencées.
A partir de 743 avant J.C, la Nubie aura finalement pris l’ascendant sur l’Égypte subissant
alors la troisième période intermédiaire (1069-664 avant J.C). En effet, les Nubiens installent
une XXVe dynastie en Égypte, ce pouvoir ne durera néanmoins pas plus de 70 ans.

Bibliographie:
- Honneger M., Bonnet C., Chaix L., “Kerma (Soudan): origine et développement du
premier royaume d’Afrique noire”, Archéologie suisse: bulletin d’Archéologie suisse
32, 2009.
- Histoire et civilisation du Soudan, de la Préhistoire à nos jours, Paris, 2019
- Obenga T., Histoire de l’Humanité, v.II: 3000 à 700 av. J.-C., p.138-144

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