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RECHERCHES HISTORIQUES
NEUVIÈME PARTIE
LA RENAISSANCE
NOUVELLE ÉDITION
À PARTIR DE CELLE DE 1857 PAR GAUME FRÈRES
Éditions Saint-Remi
– 2011 –
Éditions Saint-Remi
BP 80 – 33410 Cadillac
05 56 76 73 38
www.saint-remi.fr
AVANT-PROPOS.
Voilà, sans doute, pour nos amis et pour nous, des encoura-
gements d’un grand prix ; mais sont-ils autre chose que des vœux
et des espérances ? Où en est l’œuvre capitale de la réforme ?
Nous allons le dire en peu de mots. A moins que le monde ne
soit condamné, ce qui est nécessaire se fait toujours. Or la Ré-
forme chrétienne de l’enseignement est une nécessité sociale.
Comme toutes les œuvres qui s’attaquent à de grands préjugés,
elle fait son chemin lentement, mais elle le fait. Donner lieu à la
publication de nombreux classiques chrétiens, tant en France qu’à
l’étranger ; les introduire dans des maisons dont les portes leur
étaient fermées depuis trois siècles ; faire expurger plus sévère-
ment les auteurs païens ; provoquer l’encyclique du 21 mars
1853 ; faire passer, dans un grand nombre d’esprits, de l’état de
dogme à l’état de problème ; la nécessité des auteurs païens pour
former des hommes et des littérateurs chrétiens ; préparer ainsi
une jeune génération qui, Dieu aidant, viendra renverser l’idole :
tels sont les résultats généraux obtenus jusqu’ici. Nous n’avons
pas lieu de nous plaindre : il a fallu dix-sept ans de lutte pour ga-
gner la question moins grave de la liturgie romaine.
La Providence, toutefois, a daigné nous ménager d’autres
consolations. Grâce à la courageuse initiative de l’illustre évêque
d’Aquila, douze diocèses d’Italie ont embrassé la Réforme. Cha-
que année augmente ce nombre, et tous les évêques
s’applaudissent des heureux résultats, sous tous les rapports, pro-
duits par la méthode chrétienne. A son tour, l’Espagne s’ébranle
et entre résolument dans la même voie. Marchant sur les traces
du saint évêque d’Aquila, le vénérable confesseur de la foi qui
gouverne l’Église d’Urgel vient de lever l’étendard et d’introduire
16 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
des, comme il arrive pour les autres auteurs classiques ; mais dans
lesquels, pendant leur carrière scientifique et même après, leur
application trouvera toujours un nouvel appât, et leur entende-
ment une nourriture agréable, solide et salutaire. Mais le latin
chrétien, ce latin si injustement, si sévèrement censuré par les
modernes Zoïles, ne sera-t-il pas un obstacle à l’instruction ? ne
corrompra-t-il pas la belle latinité, pour laquelle plusieurs mon-
trent une jalousie si exagérée, qu’ils n’hésiteraient pas à sacrifier à
une stérile et misérable forme les idées les plus nobles et les plus
utiles ? Avec la permission de tous les détracteurs de la langue de
l’Église, je vais dire sans détour et en peu de mots ce que je pense.
« La transformation du monde de païen en chrétien exigeait
nécessairement une transformation dans le langage, puisque celui-
ci est toujours l’expression de la pensée. Donc, autant le Christia-
nisme l’emporte sur le Paganisme dans l’ordre des idées, autant,
toute proportion gardée entre ce qui est divin et ce qui est hu-
main, le langage chrétien doit l’emporter sur le langage païen dans
sa différence substantielle : la conséquence est rigoureuse. Ceci
n’empêche pas que, dans les choses où le Christianisme et le Pa-
ganisme n’entrent pour rien, certains auteurs païens peuvent avoir
l’avantage sur certains auteurs chrétiens, et vice versa.
« Allons plus loin ; même en considérant la question non plus
sous le point de vue de la différence essentielle entre les deux lan-
gues, mais uniquement au point de vue de la pure latinité, en tant
qu’idiome des Romains, quelle différence y a-t-il, je vous prie, en-
tre la vie de saint Paul, premier ermite, écrite par saint Jérôme, et
les Commentaires sur la guerre civile rédigés par Jules César ? en-
tre les lettres de saint Cyprien et les discours de Cicéron ? très pe-
tite ou nulle. Et cette différence nulle ou insignifiante, qui, si elle
se présente, disparaît sans peine au moyen de quelques observa-
tions, nous alarme au point de nous faire trembler pour la pureté
de la belle langue du Latium, et de nous faire garder cette langue
comme le feu sacré dans le temple de Vesta, de peur qu’il ne
s’éteigne au moindre souffle du Christianisme ! Ceci est de la su-
perstition.
18 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
1 Bien por el escritor eminente, por el adalid zeloso, por el genio sublime que
tan preclaros servicios presta á la santa religion, y que tanto contribuye á la sal-
vacion de la sociedad
2 Ha sido el arquitecto, yo el peon ; él el piloto, yo el humilde barquero que
ce n’est pas un Dieu qui la fera, nous ne sommes plus dans une
époque où l’on attend des Messies ; ce n’est pas même un réfor-
mateur ni un penseur. L’esprit humain commence à faire ses af-
faires lui-même : LE MESSIE MODERNE, C’EST LA PHILOSOPHIE.
« Si la philosophie cherche les lois universelles, c’est pour y
rattacher les lois sociales ; elle a quitté la cellule de la spéculation
pure et les nuages des théories ; elle devient humaine et pratique,
et comme ce n’est ni un Dieu ni un homme qui doit faire l’œuvre
de l’idée dans la sphère de l’action, ce n’est ni un prêtre ni un sol-
dat, c’est le genre humain qui doit sauver le monde !
« LA PHILOSOPHIE EN ACTION, C’EST LA DÉMOCRATIE.
« Les associations comme celle de la Dageraad, des réunions
comme celle à laquelle je regrette de ne pouvoir assister, servent
ce double but, tant pour combattre l’ennemi commun de la philo-
sophie et de la démocratie, que pour préparer la victoire au dou-
ble vainqueur.
« S’unir quand on se sent solidaires, établir des relations entre
les divers corps de pionniers de la vérité et chercher un tracé gé-
néral dans les routes de l’idée ; réunir ses lumières et ses armes en
faisceau ; communier enfin, pour changer encore une fois de
comparaison, communier avec tout ce qui pense, n’est-ce pas
faire faire un premier signe de vie, préparer un premier temple à
l’humanité collective, cette puissance sublime qui doit être la reine
et l’âme du monde ? »
Dans un ouvrage de 488 pages, un penseur de la même école
vient de jeter les fondements de cette puissance sublime, et
comme première condition de progrès, demander la désertion du
christianisme et le retour au Paganisme, qu’il appelle la recons-
truction de l’ancienne et primitive loi. Il suppose comme point de
départ l’existence d’une société primitive où les hommes vivaient
en paix et dans le bonheur, sous l’empire de la vérité qui régnait
sur la terre. Cette société s’est divisée en deux courants : l’un
oriental, qui a produit les croyances de l’Inde et l’idéalisme ra-
tionnel le plus antique ; l’autre occidental, qui avait pour épouse
l’imagination vide.
24 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
1 Nous seul, objet de tant d’injures, de tant de superbes dédains ; nous seul,
Ilcontrées
y a quatre siècles, toute l’Europe, moins quelques petites
du Nord, était catholique ; l’Église était le plus
grand propriétaire du globe ; sa puissance, reconnue de tous, ré-
gissait le monde comme le soleil régit le système planétaire.
Aujourd’hui la moitié de l’Europe n’est plus catholique ; l’autre
moitié ne l’est guère qu’à demi ; l’Église n’a plus de racines dans
le sol ; sa puissance sociale a passé comme une ombre ; dépouil-
lée, mise en tutelle, vivant du pain de l’aumône, la mère des na-
tions est à peine tolérée parmi ses enfants ; la reine du moyen âge
en est réduite à se faire garder dans sa demeure par des baïonnet-
tes étrangères :
après dix-huit siècles de christianisme, comment cela se fait-il ?
Il y a quatre siècles, l’ordre social posait sur le surnaturalisme
chrétien. Droit politique et civil, institutions publiques, philoso-
phie, histoire, sciences, littérature, peinture, architecture, langage
même, en un mot, toute la civilisation respirait son esprit, portait
son empreinte. L’Europe croyait à quelqu’un et à quelque chose,
à l’autorité, à la propriété, à la famille. Toutes ces choses repo-
saient sur une base solide, le droit divin, que nul ne songeait à
ébranler, à nier moins encore. Le despotisme de tous et le despo-
tisme d’un seul étaient également impossibles : pas plus que le ré-
gicide politique, et surtout l’apologie du régicide politique, les ré-
volutions sociales n’étaient connues.
Aujourd’hui le surnaturalisme chrétien a presque entièrement
disparu en philosophie, en histoire, en sciences, en arts, dans le
langage même et dans toute notre civilisation. Est-il autre chose,
pour la plupart des gouvernements et des hommes d’État, qu’une
théorie, belle peut-être, mais surannée ? Quelle est la foi politique
et sociale de l’Europe ? La foi à l’autorité, au principe même de
l’autorité ; la foi au droit de propriété et aux lois fondamentales
do la famille a disparu dans les uns, s’est altérée dans les autres, et
les monstrueuses théories de l’ancien Paganisme, sur ces diffé-
30 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
son d’être existe pour d’autres faits du même genre. Ainsi un Hongrois peut
assassiner l’empereur François-Joseph ; le Napolitain, un Bourbon ; le Romain
ou le Français, un Bonaparte. L’assassinat politique est un fait forcé, fatal, logi-
que, par conséquent nécessaire… Ah ! les accusés mourront sans remords, ils
l’ont touché !... Quant à nous, nous ne pouvons malheureusement prétendre à
aucune part dans le mérite de leur action ; nous n’avons pas eu l’honneur de
participer à leur entreprise. Mais le coq chanterait trois fois, si une voix fran-
çaise ne les saluait pas en présence de leurs juges. Amis, inconnus, mais non
méconnus, nous vous saluons ! Vous serez vengés ! etc. »
32 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
1 IL faut en excepter la Somme de saint Thomas, Contra gentes. Cet ouvrage fut
commandé au saint docteur par saint Raimond de Pennafort, général des do-
minicains, pour les missionnaires qui évangélisaient alors les peuples païens de
l’extrême Orient : on s’en servit également contre les Arabes d’Espagne. Ces
ennemis étaient hors de l’Europe chrétienne: Contra gentes.
CHAP. I : LES COMMENT 35
lant dans son sein les religions de tous les peuples, adoptant tous
les dieux, autorisant tous les cultes, couvrant de son autorité tou-
tes les négations et toutes les affirmations, ruinant dans l’esprit du
peuple romain la religion de ses ancêtres, ne laissant subsister au
fond des âmes que la haine de la vérité, et arrivant ainsi au chaos
intellectuel et moral, précurseur du chaos politique et social ?
Notre civilisation matérielle surpasse celle des Romains. Étu-
des, génie, fatigues, nous lui sacrifions, nous lui rapportons tout :
il en était de même à Rome. Cette civilisation, corrompue et cor-
ruptrice, parce qu’elle ne tend qu’au bien-être matériel de
l’homme, produit deux grands résultats : le luxe et la misère : il en
était de même à Rome. Au beau siècle d’Auguste, quand la for-
tune devenait contraire, quand on n’avait plus de quoi satisfaire
ses penchants, quand on était las de la vie, on se tuait. Nous pra-
tiquons aujourd’hui le suicide sur une plus vaste échelle qu’aucun
peuple païen connu dans l’histoire1.
AVANT-PROPOS......................................................................................3
CHAPITRE PREMIER. LES COMMENT...........................................29
La religion. - La société. - La famille. - Les mœurs. - Les arts. - Le théâtre. -
La polémique. - Le paganisme...........................................................................29
CHAPITRE II. RÉPONSE AUX COMMENT. ....................................42
Causes prochaines du mal. - Ce qu’il faut en penser. - Vraie cause. -
Objection, la perte de la foi. - Réponse. - Autre objection, le péché originel.
- Réponse. - Histoire du péché..........................................................................42
CHAPITRE III. PROPAGATION DE LA RENAISSANCE. MÉPRIS
DU MOYEN AGE...................................................................................55
La Renaissance est un enseignement universel. - Premier moyen de
propagation, mépris du moyen âge. - Il est barbare dans son ensemble, -
dans ses grands hommes, - dans sa langue. - Dictionnaire des PP. Pomey et
Joubert. - Le concile d’Amiens. - Lettre de Pie IX. - Dangers du néologisme
classique. - Bembo. - Vida..................................................................................55
CHAPITRE IV. MÉPRIS DU MOYEN AGE. ......................................68
Barbare dans sa littérature, - dans sa théologie et sa philosophie, - dans
l’ordre social, - dans la religion, - dans les arts, - dans l’architecture. -
Paroles de Mgr l’évêque d’Arras........................................................................68
CHAPITRE V. ÉLOGES DE L’ANTIQUITÉ PAÏENNE...................77
Ce qu’était l’antiquité païenne. - Éloges généraux qu’en fait la Renaissance. -
Éloge des Spartiates. - Mably, La Guilletiére, le maréchal de Bassompierre. -
Vérité de cet éloge. - Balzac, le P. Brumoy. - Éloge des Athéniens. - Le P.
Brumoy. - Éloge des Romains. - Les Pères Catrou, Rouillé, Rothe. - Ce
qu’ils disent des historiens païens. - Dédicace de leur histoire à Louis XV. -
Ce qu’ils désirent de ce prince. - Balzac, ses adorations. - Voltaire,
Helvétius, d’Holbach, Lavicomterie. ................................................................77
CHAPITRE VI. ÉLOGES DE L’ANTIQUITÉ PAÏENNE. ................89
Éloge particulier des hommes et des choses. - Espèce de litanies en
l’honneur de tous les écrivains de l’antiquité. - Éloges plus détaillés de Tite-
Live et de Thucydide, de Pindare et d’Horace par le P. Rapin ; - de Cicéron,
par Érasme et Lambin ; - de Tacite, par l’abbé de la Bletterie. .....................89
CHAPITRE VII. ÉLOGES DE L’ANTIQUITÉ PAÏENNE. ..............97
Éloge d’Homère par le P. Bossu, Vossius, Thomassin, le P. Rapin, Pierre le
Loyer ; - de Virgile par le P. Tarquin Galluzzi. - Virgile le plus parfait des
poètes, - théologien, moraliste, ascétique. - Jugement d’Ovide. - Actes de
quelques Renaissants...........................................................................................97
TABLE DES MATIÈRES 207