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Améliorer, autant que faire se peut, la

condition et l’avenir des hommes

Quand on persiste dans la volonté d’être initié, on ignore, en toute bonne foi, à quoi l’on
s’expose et quels vont bien pouvoir être le sens et la durée du trajet qui s’annonce. On
croit prendre un aller « simple » vers une destination inconnue, mais fraternelle, or il
s’agit plutôt d’un billet de retour, de retournement, plus exactement.

Comme engagement sur un chemin intérieur, l’initiation entraîne immédiatement à se


retourner sur soi-même. C’est le principe de base sur lequel repose cette hygiène mentale qui
ne s’arrête pas à la sincère autocritique, au seul examen de conscience. Du reste, il ne s’agit
pas ici de chercher la rédemption des fautes, de glorifier un tant soit peu les vertus
purificatrices d’un quelconque dolorisme, mais bel et bien d’ouvrir nos facultés à des voies
constructrices — certes, en corrigeant, d’abord, ce que l’on aura soi-même identifié comme
des erreurs mais en explorant, ensuite, librement des solutions plus harmonieuses, c’est-à-dire
portées par des actes justes visant à satisfaire à un idéal de bien commun.

Au plan spirituel, le retournement conduit de proche en proche à une lecture inverse qui
permet le dévoilement paradoxal du sens. C’est à cette découverte que nous convie
l’initiation. C’est une autre perception, celle de la réalité permanente d’un monde à l’envers,
dans une perspective différente de celle que l’on envisageait jusqu’alors.

Il s’agit, en l’occurrence, de la face cachée et le plus souvent contradictoire des évidences,


c’est-à-dire littéralement de « ce qui nous saute aux yeux ». Tout n’est pas contenu dans la
manifestation des choses, qu’elle soit éclatante ou confuse. Les apparences sont loin de
divulguer les phénomènes jusque dans leurs racines profondes. Or c’est à cette approche
patiente – qui, par nature, ne peut que déconcerter le profane – que s’emploie l’initié. Jusqu’à
considérer et à prendre en compte la part ironique de toute vérité.

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Cet exercice de compréhension et de lucidité franchit des étapes, que, faute de mieux,
j’appellerai celle de la connaissance, qui correspond à une description entière des
phénomènes, puis celle de la conscience, qui ajoute à la précédente une dimension d’intimité
et d’implication, enfin celle de l’intelligence des forces et des situations, c’est-à-dire celle qui
façonne notre pleine capacité intellectuelle, morale et affective à agir et, pour tout dire, à nous
diriger dans la vie.

Du reste, si, au moins au début, un tel exercice met à rude épreuve, la difficulté tend à
s’amoindrir avec le temps voire à s’apaiser en quelque manière, quoique, luttant contre la
facilité, une telle vigilance requière toujours un effort. Devenant une opération régulière,
consubstantielle à l’activité mentale, cette routine d’un retour sur soi – et à soi, tout aussi bien
– agissant à la fois comme spectromètre du discernement et boussole de la fidélité, met au
service de la rectitude des agissements une pensée compréhensive, qui, sans nier l’apport de
l’approche analytique, s’attache à une conception holistique tâchant de combiner ou de
concilier tous les aspects.

Pour le franc-maçon, l’individu n’étant qu’un échelon d’appréciation du bon fonctionnement


du rouage qu’il constitue, la mécanique ne s’arrête pas à sa personne. De là, l’importance du
Frère ou de la Sœur et de l’Autre, en général. Et, parce que, dans sa complexité, cette
mécanique (qui n’en est pas une, en réalité) dépasse de beaucoup le rationnel et donc le
déterminisme dans ses formes étroites, le sujet engagé sur la Voie ne se sent pas prisonnier de
l’endroit où l’a placé sa naissance sur la flèche du temps. Il retourne constamment les
questions, pour atteindre à une ample compréhension des causes, des développements et des
conséquences, pour s’orienter au mieux, — et c’est là son véritable aboutissement — pour
améliorer, autant que faire se peut, la condition et l’avenir des hommes.

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