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Anne Bourhis
Professeure titulaire
Département de gestion des ressources humaines
21 avril 2016
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Les cahiers des leçons inaugurales
Anne Bourhis
Au cours des dernières années, la professeure Bourhis a publié ses recherches dans
plusieurs revues scientifiques, notamment Law and Human Behavior, Relations
Industrielles, Journal of Organizational Behavior, Journal of Applied Social
Psychology, Journal of Applied Psychology et Journal of Information Science.
Promus titulaires, les professeurs de HEC Montréal sont invités à donner un discours inaugural,
appelé leçon inaugurale, à l’intention de la communauté universitaire. Dans le cadre de cette leçon,
les professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur la pratique de la gestion.
Introduction .........................................................................................................5
I. La dotation, pourquoi est-ce important? ......................................................7
Qu’en est-il des professeurs d’université?...............................................8
II. La première étape du processus : attirer des candidats de qualité..............10
La proposition de valeur employeur ......................................................10
L’adoption d’une marque employeur ....................................................12
La promotion de la marque employeur .................................................12
Comment ces notions s’appliquent-elles à HEC Montréal? ..................13
III. La deuxième étape du processus : la sélection des employés ....................16
Les nouvelles tendances dans le domaine de la sélection .....................16
Qu’en est-il de la sélection des professeurs? .........................................18
IV. La troisième étape du processus : la socialisation......................................22
Au-delà de l’accueil : la socialisation organisationnelle .......................22
La socialisation chez les professeurs .....................................................23
Conclusion.........................................................................................................27
Bibliographie .....................................................................................................28
Introduction
Ce n’est pas pour rien que j’ai attendu si longtemps. En fait, d’avoir à prononcer
cette leçon inaugurale me remplit d’un sentiment mitigé. C’est tout d’abord, bien
évidemment, un immense honneur d’avoir le privilège de m’adresser à mes pairs
pour leur faire part de mes réflexions sur le sujet de mon choix. Mais à cet honneur
se greffe l’angoisse de trouver ce que je pourrais bien vous dire qui serait
susceptible de vous intéresser.
Alors face à cette angoisse de la page blanche, j’ai fait ce que probablement
tout universitaire ferait, j’ai écouté ou lu des leçons inaugurales de collègues d’ici
et d’autres institutions.
Il a fallu ce texte pour que je comprenne que cet exercice se rapproche de mes
propres intérêts de recherche et d’enseignement qui portent principalement sur la
dotation, c’est-à-dire le recrutement, la sélection et l’intégration – Bourdieu
parlerait d’intronisation – du personnel (Bourhis, 2013). Mais ce qu’il y a de
5
particulier est que j’ai la chance de pouvoir mettre en pratique presque au quotidien
cet objet de recherche dans mes fonctions actuelles, puisque j’ai le privilège
d’occuper un poste de gestion à l’École depuis maintenant 9 ans.
J’ai donc choisi de vous parler ce matin de l’état des connaissances dans mon
domaine de prédilection : la dotation – vous serez en mesure de constater que c’est
un domaine qui a connu de grands changements au cours des dernières années. Mais
je vais surtout vous faire part de mes réflexions quant à l’application de ces
avancées sur les pratiques de l’École touchant le corps professoral.
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I. La dotation, pourquoi est-ce important?
Avant de commencer, vous vous demandez peut-être pourquoi cet intérêt pour
la dotation? La principale raison est que cela préoccupe les gestionnaires, et comme
professeure d’une école de gestion, je me sens une obligation de m’intéresser à ce
qui préoccupe ces derniers.
Or, ce sont les ressources internes d’une organisation qui lui permettent
d’élaborer et de mettre en œuvre ses stratégies. Une entreprise développe un
avantage concurrentiel lorsqu’elle implante une stratégie créatrice de valeur qui
n’est pas immédiatement imitée par un concurrent.
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2. être rare;
3. difficile à imiter; et
4. difficilement substituable par une autre ressource équivalente au plan de la
stratégie.
Bien entendu, les employés sont plus susceptibles de trouver cette synergie si
des pratiques de gestion efficaces sont mises en place. En effet, la source
d’avantage concurrentiel réside à la fois dans la qualité du capital humain d’une
organisation – les compétences de ses employés – et dans la capacité à le mobiliser
(Wright et al., 1994). C’est le rôle des activités de formation, par exemple, qui
visent à développer le capital de compétences des individus; ou encore des
pratiques de reconnaissance pour les encourager à adopter des comportements en
lien avec les objectifs de l’organisation (Pfeffer, 1994; Schuler & MacMillan,
1984; Ulrich; 1991). Mais ces pratiques ne peuvent être efficaces que s’il existe,
au préalable, un bassin d’employés à développer ou à mobiliser. Autrement dit, la
capacité d’une organisation à se doter de recrues possédant les qualités requises par
l’emploi constitue une condition sine qua non à la mise en place de pratiques de
gestion des ressources humaines efficaces.
Je pense que je trouverai peu de personnes dans cette salle pour me contredire
– et certainement pas le directeur de l’École ou le directeur adjoint au corps
professoral – si j’affirme que les professeurs d’une université sont l’exemple
typique d’une ressource qui ajoute de la valeur à l’institution, en plus d’être rare,
inimitable et difficilement substituable. Ce qui fait la réputation d’une université,
la qualité de ses programmes ou sa capacité à produire des connaissances, ce sont
ses professeurs. Et même si les dernières années ont vu croître de nouvelles formes
de pédagogie, par le biais notamment de la formation en ligne, notre collègue Jean
Poitras nous a démontré dans sa leçon inaugurale que ces formes d’enseignement
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étaient complémentaires, et ne se substituaient pas aux cours en classe (Poitras,
2016).
Et les professeurs sont une ressource rare – là encore, je ne pense pas que
quiconque dans la salle me contredise. Au tournant des années 2000, l’Association
des universités et collèges du Canada estimait qu’il faudrait entre 30 000 et 40 000
nouveaux professeurs pour remplacer les départs, et la Crépuq évaluait à environ 3
800 le nombre de professeurs à embaucher au Québec (AUCC, 2003; Crépuq,
2004). Or, le nombre d’étudiants au doctorat ne suffit pas pour répondre à ces
besoins, d’autant plus que tous ne se destinent pas à une carrière universitaire,
certains étant très recherchés par le secteur privé. Pour les facultés de gestion tout
particulièrement, ce phénomène a fait l’objet d’analyses approfondies au Canada
mais aussi à l’étranger (p. ex., AACSB, 2002; Holloway, 2004 ; Mottis & Thévenet,
2007; Winter et al., 2007).
Pour évaluer ce que nous faisons, revenons à la base, c’est-à-dire aux trois
étapes d’un processus de dotation :
1. le recrutement, qui consiste à attirer des candidats de qualité et en nombre
suffisant;
2. la sélection, qui consiste à choisir parmi les candidats ceux à qui l’on va
faire une offre; et,
3. la socialisation, qui vise à faire de ces recrues des membres à part entière de
l’organisation.
Comme vous allez le voir, chacune de ces étapes a connu, au fil des ans, des
transformations majeures qui nécessitent que nous adaptions nos propres pratiques.
9
II. La première étape du processus : attirer des
candidats de qualité
Mais construire, puis diffuser, une marque employeur n’est pas si facile. Pour
se démarquer, les organisations doivent se préoccuper, d’une part, des attributs de
leur marque – ce qu’on appelle la proposition de valeur employeur –, et, d’autre
part, de la diffusion et de la reconnaissance de cette marque (Backhaus & Tikoo,
2004; Love & Singh, 2011).
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Toutes les organisations ont une proposition de valeur, qu’elles en soient
conscientes ou non, mais pour que celle-ci ait un effet positif sur l’attraction, la
fidélisation et l’engagement des employés, elle doit :
• répondre aux attentes de ceux-ci;
• permettre une segmentation des cibles; et,
• amener l’entreprise à se différencier de ses concurrents.
11
rétention de la main-d’œuvre. Encore faut-il communiquer clairement et de façon
réaliste ce que l’organisation propose à ses employés (Bourhis, 2013). Pour
véhiculer sa proposition de valeur, tant auprès des employés actuels que des
candidats potentiels, une entreprise doit donc adopter une marque employeur forte.
Mais pour que ce discours soit efficace, encore faut-il qu’il soit crédible, c’est-
à-dire qu’il corresponde réellement à ce que vivent les employés. Autrement dit, la
cohérence entre le discours et les actions est indispensable pour que se bâtisse, à
long terme, une marque employeur (Herman & Gioia, 2000).
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notoriété auprès de cette population. De tels concours ne mènent pas
instantanément à l’embauche de personnel, mais avec le temps, ils créent un intérêt
pour les entreprises qui les organisent, de sorte qu’ils attirent de plus en plus de
participants talentueux et intéressés qui seront prêts à postuler lorsqu’il y aura des
postes à pourvoir.
Comme je vous le disais plus tôt, j’ai la chance de travailler dans un domaine
dont les applications concrètes pour HEC Montréal sont immédiatement
observables. Prenons l’exemple de l’image de marque : il est clair que HEC
Montréal est une marque reconnue à l’échelle internationale, comme en font foi les
accréditations que l’École a obtenues et sa place enviable au sein de plusieurs
classements.
Mais cela en fait-il une marque employeur forte? Je ne suis pas sûre que l’on
utilise au maximum le levier qu’est la marque HEC pour attirer de nouveaux
professeurs. Certes, certains collègues directeurs de département vont arguer que
l’on n’a pas de problème à attirer des candidats, donnant pour preuve le fait qu’ils
reçoivent des centaines de CV chaque fois qu’un poste est vacant. Sur la quantité,
je suis d’accord avec eux, mais attire-t-on vraiment les candidats que l’on souhaite?
Est-on en mesure de cibler des candidats dont les attentes correspondent à ce que
l’institution peut leur offrir? Je crois qu’il y a place à amélioration dans ce domaine.
Parmi nos conditions de travail, l’équilibre que HEC réussit à établir entre les
différentes facettes du métier de professeur me semble une composante unique de
notre proposition de valeur. Cette culture de l’École, composée à la fois d’une
recherche d’excellence et d’une certaine bienveillance, me semble être au cœur de
13
cette proposition. On entend souvent parler de publish or perish pour définir la
culture universitaire; bien sûr, ici aussi l’accent est mis sur la production, mais mes
années au Conseil pédagogique m’ont démontré que HEC a réussi à maintenir une
belle diversité dans les contributions qu’elle valorise, de sorte qu’elle permet à
différents types de professeurs de trouver leur place au sein de l’institution.
Mais même si je crois que nous avons une proposition de valeur employeur
unique et attrayante, ce n’est pas véritablement mon opinion qui compte. Comme
je vous le disais, la principale qualité d’une proposition de valeur est qu’elle répond
aux attentes des employés ciblés. Ainsi, l’École gagnerait à sonder les collègues
qui ont été embauchés récemment, voire les candidats qui ont postulé sans recevoir
ou sans accepter une offre de notre part, afin de vérifier dans quelle mesure ce que
nous sommes prêts à leur offrir répond à leurs attentes à long terme.
Par ailleurs, même si elle y répond, la proposition de valeur n’est utile que si
elle est communiquée adéquatement (Swartz et al., 2007). Or, les annonces que
nous diffusons ne mettent pas forcément en valeur la marque HEC et sa proposition
d’employeur. Certes, je comprends bien les impératifs légaux liés au recrutement à
l’étranger qui nous obligent à publier des annonces pour prouver que nous
déployons des efforts pour attirer des candidats locaux.
Bien sûr, certains me diront que ces informations sont communiquées aux
candidats invités à une entrevue sur le campus. C’est peut-être le cas, mais la grande
décentralisation du processus de recrutement dans les départements – que je ne
remets d’ailleurs aucunement en question – fait en sorte que l’on peut difficilement
s’assurer de l’uniformité de la diffusion de l’information. En outre, rendre cette
dernière disponible avant même les entrevues pourrait inciter certains candidats à
se retirer du processus parce qu’ils estiment que l’École ne répondra pas à leurs
attentes… j’y reviendrai dans quelques instants, mais je suis loin de croire que ce
serait une mauvaise chose.
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Cette dernière remarque m’amène à la deuxième étape d’un processus de
dotation, la sélection. Autrement dit, après avoir attiré un nombre suffisant de
candidats qualifiés, il s’agit de choisir celui auquel on fera une offre d’emploi… et
cette étape aussi a connu des bouleversements importants au cours des dernières
années.
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III. La deuxième étape du processus : la sélection des
employés
La sélection est un champ de recherche qui, au départ, a surtout été investi par
les psychologues et les psychométriciens. Ainsi, une grande partie des études porte
sur les qualités psychométriques des outils de sélection, autrement dit, sur les
façons d’accroître la capacité de ces outils à prédire la performance future en emploi
(p. ex., Breaugh, 2009; Robertson & Smith, 2001).
Les études ont démontré, par exemple, la très bonne validité prédictive des
entrevues structurées, c’est-à-dire des entrevues basées sur une analyse du profil de
compétences requis par l’emploi et centrées autour des comportements ou
expériences passées des candidats (p. ex., Huffcutt, 2011; Macan, 2009). Une autre
activité de sélection qui a été reconnue pour sa capacité à évaluer adéquatement les
postulants est l’échantillon de travail qui consiste, pour un candidat, à réaliser
devant les recruteurs une partie des tâches inhérentes au poste convoité (Gatewood
et al., 2008). Mais finalement, les recherches concluent que la meilleure façon de
prédire la performance future d’un candidat consiste à utiliser de multiples
méthodes d’évaluation, dont des entrevues, des tests, des simulations et des jeux de
rôle (Thornton & Gibbons, 2009).
Une autre tradition dans les recherches sur la sélection est liée à la question de
la discrimination. Il s’agit de s’assurer que les outils utilisés pour évaluer les
candidats ne causent pas un phénomène de discrimination systémique, c’est-à-dire
qu’ils n’écartent pas un nombre démesurément élevé de candidats issus d’un groupe
protégé. Cela a d’ailleurs été l’objet de mes premières recherches avec ma directrice
de thèse, mais j’ai choisi de ne pas aborder cette question ce matin parce que nous
ne serions pas sortis d’ici avant midi.
Toutes ces questions sur le choix des outils les plus appropriés pour, à la fois,
évaluer adéquatement le potentiel de performance des individus, et éviter la
discrimination, demeurent d’actualité. Cependant, l’arrivée dans le domaine de
chercheurs en gestion a élargi le champ des études qui sont désormais moins
centrées sur des dimensions techniques, et davantage orientées vers les
préoccupations des gestionnaires. Ces chercheurs ont constaté notamment que les
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outils d’évaluation des candidatures préconisés par les études scientifiques sont
relativement peu utilisés en pratique parce qu’ils répondent mal aux besoins des
gestionnaires (p. ex., König et al., 2010; Langhammer et al., 2012).
Là non plus, la préoccupation pour ce que les candidats pensent des activités
de sélection n’est pas nouvelle en soi; depuis longtemps, les chercheurs
s’intéressent aux réactions des candidats, arguant que, durant le processus de
dotation, ceux-ci se forgent une opinion de l’organisation qui influence leurs
comportements par la suite, y compris leur décision d’accepter ou non l’offre
d’emploi qui leur est faite (p. ex., Hausknecht et al., 2004).
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et constitue une source d’information pour améliorer à la fois le processus de
dotation mais aussi, de façon plus large, la proposition de valeur employeur.
Or, ce processus est loin des meilleures pratiques de sélection. Alors que la
littérature recommande aux organisations de dresser le profil de compétences requis
par le poste, nous tenons pour acquis que nous savons ce qu’est un bon professeur,
sans jamais – ou presque – l’expliciter. Or, comment pouvons-nous évaluer avec
confiance quelque chose que nous n’avons pas défini?
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Certains diront que nous utilisons de façon systématique une des méthodes
d’évaluation les plus valides qui soient : l’échantillon de travail. Et, en effet, la
présentation par un candidat de ses travaux de recherche constitue un exemple de
performance d’une des tâches inhérentes à l’emploi. Cependant, cet échantillon de
travail est très partiel puisqu’il ne concerne que la recherche. Certains collègues
font l’hypothèse que le candidat possède des qualités de pédagogue en se basant
uniquement sur la présentation de sa thèse. Or, il me semble que la présentation
d’un projet de recherche devant un groupe de professeurs peut difficilement se
comparer à l’enseignement d’un cours obligatoire de gestion devant un groupe de
70 étudiants au baccalauréat. Je crois sincèrement que notre évaluation du potentiel
des candidats est lacunaire et que nous devrions mieux mesurer les compétences en
enseignement qui, après tout, représente 40 à 50 % de la charge de travail d’un
professeur.
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contribuer aux objectifs de cette dernière, impératif d’autant plus grand que
l’institution est soumise aux contraintes des accréditations et des classements. Or,
en termes de gestion des carrières des professeurs, on a tendance à mettre en
évidence la dimension individuelle, en récompensant par exemple le nombre et la
qualité des publications. Pour maintenir sa réputation, l’École a aussi besoin de
professeurs qui s’engagent dans la révision des programmes, qui acceptent des
responsabilités de gestion des étudiants ou encore, qui s’investissent dans le
rayonnement institutionnel auprès du monde des affaires ou de partenaires
internationaux.
Je crois qu’il est dans l’intérêt de l’École, comme dans celui du candidat,
d’accepter de ne pas considérer la candidature de certains postulants, même
brillants, dont les objectifs de carrière correspondent mieux à d’autres institutions
que HEC.
Mais cette réflexion suppose deux choses : d’une part, que l’on définisse les
compétences requises pour s’intégrer à l’institution; et d’autre part, que l’on évalue
nos résultats en sélection. Je ne reviendrai pas sur la définition du profil de
compétences, j’en ai déjà parlé précédemment. Mais je souhaiterais m’attarder
quelques instants sur l’évaluation.
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publications, mais ceci a une fonction de récompense individuelle et ne permet pas
une appréciation de la contribution du professeur à la collectivité.
Je m’en voudrais de ne pas terminer cette section sur la sélection sur une note
plus positive. En effet, je crois qu’il y a un élément du processus de sélection que
nous faisons particulièrement bien : offrir à nos candidats une expérience de qualité.
Je sais que j’ai un biais favorable envers l’École – je m’en suis déjà confessée –
mais je crois sincèrement que les rencontres que les candidats ont avec les
professeurs, leur séjour dans nos locaux, la visite de nos installations, projettent une
image de professionnalisme et de qualité. C’est une force de notre processus et nous
aurions probablement intérêt à nous en servir davantage, en particulier pour les
candidats provenant de l’extérieur du Québec.
21
IV. La troisième étape du processus : la socialisation
22
La plupart des études portant sur les activités organisées pour socialiser les
recrues citent quatre pratiques susceptibles de favoriser l’intégration des employés
(Bauer & Erdogan, 2011) : l’accueil, dont je viens de vous parler; la formation; le
mentorat; et les activités sociales. J’aimerais élaborer les deux dernières, le
mentorat et les activités sociales, qui répondent au même besoin de miser, non pas
seulement sur la dimension professionnelle, mais également sur l’aspect personnel
et affectif des relations au sein d’une organisation.
Pour leur part, les activités sociales sont des événements organisés par
l’entreprise, auxquels les employés participent volontairement et qui peuvent
revêtir plusieurs formes : soirée de Noël, cocktail pour célébrer un événement, ligue
de hockey, sortie de groupe, etc. (Bauer & Green, 1994). Le principal avantage de
ces activités est le fait qu’elles permettent aux employés, nouveaux comme anciens,
d’apprendre à se connaître et de créer des liens en dehors du cadre normal de travail.
Par le fait même, elles offrent aux recrues l’occasion d’en apprendre davantage sur
les attentes et les valeurs de l’organisation, qui ne sont pas toujours clairement
énoncées (Bauer & Green, 1994 ; Chatman, 1991).
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effet, mis en lumière les impacts positifs du mentorat pour les professeurs en début
de carrière, particulièrement en termes de soutien affectif, de conseils
pédagogiques, de partage d’idées et de rétroaction (Ehrich et al., 2004; van der
Weijden et al., 2015). Les études ont mis en évidence un vaste éventail d’effets
durables, allant d’un meilleur développement professionnel jusqu’à un plus haut
niveau de satisfaction envers la carrière, en passant par une augmentation de la
confiance en soi, un réseau de collaborateurs plus vaste et un meilleur accès aux
ressources (p. ex., Nick et al., 2012; Gardiner et al., 2007; Kiopa et al., 2009).
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programme de mentorat pour les nouveaux professeurs, en particulier pour les
adjoints en début de carrière. Il s’agirait de désigner, pour chaque nouveau
professeur, un collègue plus expérimenté, provenant de son département ou pas,
qui aurait pour fonction de le conseiller de façon plus informelle que ne peut le faire
son directeur de département, et surtout sans subir cette pression hiérarchique qui
vient du fait que le directeur doit l’évaluer. Je sais que cela se fait de façon
informelle dans certains départements, mais c’est une expérience qui devrait être
généralisée.
Tout d’abord, il faut avoir des professeurs expérimentés, qui connaissent bien
l’École et ses règles, souvent non écrites, et qui acceptent de jouer le rôle de mentor.
Au nombre de professeurs que nous sommes à l’École, je ne pense pas que cela
pose de problème.
Il faut ensuite apparier les mentors et les recrues. La recherche montre que c’est
l’étape la plus importante (Bell & Treleaven, 2011; Ehrich et al., 2004; Nick et al.,
2012), car il faut à la fois que le protégé puisse s’identifier au mentor, et donc qu’ils
partagent des intérêts, des valeurs ou encore que leurs parcours personnels se
ressemblent, mais aussi que le mentor puisse aider au développement des habiletés
dont la recrue a besoin. Ainsi, le mentor ne serait pas nécessairement la personne
avec qui la recrue va publier ou enseigner, mais plutôt celle qui peut le mieux l’aider
à développer ses compétences.
J’ai en tête le souvenir d’une jeune collègue – qui n’est plus parmi nous
aujourd’hui – et qui, pendant sa première année à l’École, m’avait annoncé qu’elle
partait faire une collecte de données à l’étranger pendant trois semaines, en plein
milieu du trimestre, et qu’elle s’arrangerait avec ses étudiants pour rattraper ses
cours à un moment qui lui conviendrait. Comme cette façon de faire était tout à fait
acceptable dans la culture organisationnelle dont elle était issue, j’ai eu beaucoup
de mal à lui faire comprendre que c’était inadmissible à HEC.
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Quel serait le rôle de l’École dans un tel programme? Il s’agirait
essentiellement de créer un environnement favorable au mentorat, en recrutant des
mentors parmi les professeurs expérimentés et en acceptant de reconnaître cette
contribution dans leur charge de travail ou dans la rémunération incitative.
J’ai commencé cette leçon en vous parlant de la réflexion de Bourdieu sur les
rites institutionnels. Je finirai là-dessus car les rites de passage sont également une
pratique de socialisation. Ce sont des rituels symboliques auxquels doit se
soumettre le nouvel employé – ou, dans le cas présent, le nouveau titulaire – afin
de marquer la transition d’un statut social à un autre.
Alors cette leçon inaugurale, elle participe elle aussi, en tant que rite de passage,
de la socialisation des professeurs… mais je dois dire qu’elle arrive un peu tard
dans la carrière – et pas uniquement parce que j’en ai repoussé l’échéance. Parvenu
au rang de titulaire, j’ose espérer qu’un professeur de HEC est bien socialisé à
l’institution. En revanche, je trouve dommage qu’aient disparus d’autres rites de
passage qui existaient au temps, pourtant pas si lointain, où j’ai commencé ma
carrière. J’en garde deux à l’esprit : les Déjeuner d’Archimède et la présentation
des recrues à la première réunion de l’année de l’Assemblée des professeurs. Je
vous accorde que la présentation à l’AP n’était pas un rituel très contraignant, mais
je trouve dommage que cette habitude ait disparu.
J’aimerais donc que l’École réussisse à instaurer des rituels pour les nouveaux
professeurs afin de marquer leur arrivée à HEC dans un cadre qui dépasse celui de
leur département. Actuellement, leur arrivée est vécue de façon assez
confidentielle, ils côtoient un nombre restreint de personnes en dehors du cercle
limité de leur département, et j’aimerais que l’École trouve une façon plus éclatante
de célébrer leur arrivée parmi nous.
26
Conclusion
L’École est une institution qui a su, depuis plus de 100 ans, imprimer une
marque d’excellence dans son environnement, notamment grâce à la qualité de son
corps professoral. Mais la concurrence n’a probablement jamais été aussi féroce et
la capacité de l’École à poursuivre sa quête d’excellence dépendra de notre habileté
collective à attirer, sélectionner et intégrer les nouveaux professeurs dans les
prochaines années. C’est un domaine dans lequel nous avons innové, mais je suis
persuadée que nous devons continuer à nous améliorer et j’espère avoir un peu
contribué à cette réflexion ce matin.
27
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