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Chapitre 2.

Realia : l’utilisation des


peaux et du cuir en Grèce ancienne
p. 59-156

PLAN DÉTAILLÉ

TEXTE INTÉGRAL
1Tout en passant en revue les objets réalisés (ou parfois supposément réalisés) en peau,
fourrure ou cuir, nous mettrons en avant les qualités de tels matériaux dont les Anciens
ont su tirer parti. Il n’est évidemment pas toujours possible, en raison de la polysémie
des termes et du caractère allusif des textes, de savoir quel degré de traitement ils ont
fait subir à la peau fraîche, mais il est fort probable que, de par leur connaissance
empirique et lorsque c’était possible, ils devaient choisir le matériau le mieux adapté 1,
bien que des critères autres que techniques, comme le coût de la peau en fonction des
traitements qu’elle a subis, aient pu entrer en compte. Par ailleurs, notre classement est
essentiellement thématique plutôt que typologique ou fonctionnel. Ainsi, par exemple,
nous examinerons l’outre non sous une seule rubrique regroupant tous ses usages, mais
dans chacun des domaines où elle est utilisée : l’armement (dans des machines) ;
l’artisanat (en tant que soufflet) ; la médecine (comme coussin ou instrument pour les
lavements) ; le stockage et le transport de liquides (outre « en tant que telle »), etc.

L’armement
2Le cuir est un matériau très utilisé (souvent en association avec d’autres matériaux)
pour la confection d’armes défensives, ainsi qu’en témoigne cet emploi métonymique
chez Homère2, dans une comparaison des bruits du combat avec le fracas des
bûcherons : « de la large terre monte un grand bruit de bronze, de cuir, de peaux de
bœuf travaillées, que heurtent des épées et des lances à deux pointes », ἀπὸ χθονὸς
εὐρυοδείης | χαλκοῦ τε ῥινοῦ τε βοῶ ν τ᾽ εὐποιητάων, | νυσσομένων ξίφεσίν τε καὶ
ἔγχεσιν ἀμφιγύοισιν (Il. 16, 635-637). Ces armes n’ont d’ailleurs, la plupart du temps,
pas été retrouvées en fouille dans la mesure où elles étaient parfois confectionnées
intégralement en matériaux périssables.
3Les auteurs de récits de guerre ou d’ouvrages sur l’art de la guerre insistent également
sur la nécessité d’avoir toujours à portée de main des matériaux comme l’osier, des
peaux, des tentures en tissu qui seront fort utiles à la confection d’armes défensives
(boucliers, écrans de protection…)3 mais sûrement aussi au bon fonctionnement des
chars et machines4. Ce sont bien les paroles que Xénophon prête à Cyrus dans son
discours à ses troupes, tandis qu’il prépare sa campagne imminente ; ses hommes se
doivent d’emmener les objets et artisans nécessaires aux réparations à venir :
« n’oubliez pas non plus les courroies ; car pour les hommes comme pour les chevaux,
une infinité de choses en dépendent ; qu’elles s’usent et cassent, c’est l’inaction forcée,
sauf si l’on en a de rechange », ἔχειν δὲ χρὴ καὶ ἱμάντας· τὰ γὰρ πλεῖστα καὶ ἀνθρώποις
καὶ ἵπποις ἱμᾶσιν ἤρτηται· ὧν κατατριβομένων καὶ ῥηγνυμένων ἀνάγκη ἀργεῖν, ἢν μή
τις ἔχῃ περίζυγα (XEN. Cyr. VI, 2, 32) ; « J’emmènerai encore, avec leurs outils, les
forgerons, les charpentiers, les cordonniers en âge de servir, pour subvenir à tout besoin
qu’on aura dans l’armée de ces corps de métier ; détachés de leur unité combattante, ils
seront, avec une solde, à leur poste, au service de tous », Ἄξω δὲ καὶ τοὺς ἐν τῇ
στρατιωτικῇ ἡλικίᾳ σὺν τοῖς ὀργάνοις χαλκέας τε καὶ τέκτονας καὶ σκυτοτόμους, ὅπως
ἄν τι δέῃ καὶ τοιούτων τεχνῶν ἐν τῇ στρατιᾷ μηδὲν ἐλλείπηται. Οὗτοι δὲ ὁπλοφόρου
μὲν τάξεως ἀπολελύσονται, ἃ δὲ ἐπίστανται, τῷ βουλομένῳ μισθοῦ ὑπηρετοῦ ντες ἐν
τῷ τεταγμένῳ ἔσονται (XEN. Cyr. VI, 2, 37).
4Par ailleurs, en prévision d’un siège, il est recommandé de garder auprès de soi des
animaux dont le lait et la chair seront une source de nourriture, et parce qu’« en outre,
leurs peaux sont utiles pour les ouvrages de charpente, les béliers et les engins
analogues », ἔτι δὲ τὰ δέρματα αὐτῶν πρὸς τὰ μηχανήματα καὶ τοὺς κριοὺς καὶ ὅσα ἐστὶ
τοιαῦτα χρήσιμα γίνεται (PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, D64 (= 101, 25-27))5.
Boucliers
5Une des armes défensives rencontrée en grand nombre dans nos sources est le bouclier,
qui revêt plusieurs formes. Il ne s’agit pas ici d’établir la nomenclature ni la
typologie6 de tous les boucliers qu’ont connus les armées des Grecs7 ou de leurs rivaux
dans l’Antiquité, mais d’examiner, à l’aune des textes qui apportent des précisions
techniques plus ou moins détaillées, leur fabrication au cours de laquelle on associait la
plupart du temps plusieurs matériaux, parmi lesquels la peau, sous divers états, trouve
naturellement sa place.
6Le premier de ces boucliers constitués de matériaux multiples est celui du héros grec
Ajax, désigné par le terme sakos et maintes fois décrit dans l’épopée :
[Ajax] rejette en arrière son bouclier à sept peaux. ὄπισθεν δὲ σάκος βάλεν ἑπταβόειον
(Il. 11, 545).
Ajax alors s’approche [d’Hector], portant son bouclier pareil à une tour, son bouclier de
bronze à sept peaux de bovin, que lui a procuré le labeur de Tychios, habile tailleur de
cuir entre tous, dont la demeure est à Hylé. Cet écu scintillant, il l’a fait de sept peaux
de taureaux bien nourris, sur lesquelles, il a, en huitième lieu, étalé une plaque de
bronze.
Αἴας δ’ἐγγύθεν ἦλθε φέρων σάκος ἠύτε πύργον, | χάλκεον ἑπταβόειον, ὅ οἱ Τυχίος κάμε
τεύχων, | σκυτοτόμων ὄχ’ἄριστος. Ὕλῃ ἔνι οἰκία ναίων, | ὅς οἱ ἐποίησεν σάκος αἰόλον
ἑπταβόειον | ταύρων ζατρεφέων, ἐπὶ δ’ὄγδοον ἤλασε χαλκόν (Il. 7, 219-223).
En haut comme en bas, sur [la] nuque [d’Hector] et sur ses talons, bat le cuir noir de la
bande qui court à l’extrême bord de son bouclier bombé.
ἀμφὶ δέ μιν σφυρὰ τύπτε καὶ αὐχένα δέρμα κελαινόν,| ἄντυξ ἣ πυμάτη θέεν ἀσπίδος
ὀμφαλοέσσης (Il. 6, 117-118).
[Hector jette une pierre en direction d’Ajax.] Il en frappe le terrible écu, à sept peaux,
d’Ajax, sur son centre bombé, en plein milieu ; le bronze sonne tout autour.
τῷ βάλεν Αἴαντος δεινὸν σάκος ἑπταβόειον | μέσσον ἐπομφάλιον· περιήχησεν δ’ἄρα
χαλκός (Il. 7, 266-267).

7Ilconsiste, on le voit, en une alliance de peaux (sept couches8 tirées de bovins) et de


métal (une feuille de bronze sur le dessus) reposant sur une armature de bois qui, par
son épaisseur et sa bosse centrale9, le rend « semblable à une tour », σάκος ἠύτε πύργον
(Il. 17, 128). C’est encore ainsi qu’on désigne une des deux formes de boucliers
mycéniens, le « bouclier-tour », le second étant le bouclier « en forme de huit »
qu’attestent les représentations sur les murs des palais crétois10. Ces deux types étaient
réalisés de plusieurs peaux de bœuf séchées cousues ensemble et tendues, ce qui offre
« une surface lisse et extrêmement résistante, sur laquelle les flèches et même les lances
glissent ou rebondissent11 ».
8Pourtant,si le bouclier d’Ajax est des plus célèbres et le seul digne aux yeux d’Achille
de remplacer ses armes pour retourner au combat12, il n’est pas le seul dont Homère
fasse mention et donne une description minimale, attestant les deux matériaux
précédemment évoqués : ainsi, le bouclier rond de Sarpédon réunit de « multiples peaux
au moyen de rivets d’or », βοείας [...] θαμειὰς | χρυσείῃς ῥάβδοισι (Il. 12, 296-297) ;
ailleurs, Idoménée « se cache sous son bouclier bien rond, dont l’orbe fait de peaux de
bœuf et de bronze éblouissant est étayé de deux baguettes », κρύφθη γὰρ ὑπ’ ἀσπίδι
πάντοσ’ ἐίσῃ, | τὴν ἄρ’ ὅ γε ῥινοῖσι βοῶν καὶ νώροπι χαλκῷ | δινωτὴν φορέεσκε, δύω
κανόνεσσ’ ἀραρυῖαν (Il. 13, 406-407) ; Hector « tient devant lui son bouclier bien rond,
fait de peaux serrées, sur lesquelles a été étendue une plaque de bronze épais », πρὸ ἕθεν
δ’ ἔχεν ἀσπίδα πάντοσ’ἐίσην, | ῥινοίσιν πυνικήν, πολλὸς δ’ ἐπελήλατο χαλκός (Il. 13,
803-804), qu’Achille transperce au combat, « au-dessous de la bordure extrême, où
court le bronze plus mince et où le cuir de bœuf est le plus mince aussi », ἄντυγ’ ὑπὸ
πρώτην, ᾗ λεπτότατος θέε χαλκός, | λεπτοτάτη δ’ἐπέην ῥινὸς βοός (Il. 20, 275-276).
9Toutefois, ces armes tenant du bel ouvrage semblent l’apanage des chefs, héros sur
lesquels la description s’attarde volontiers pour les mettre en valeur. D’autres boucliers,
qui ne font pas l’objet d’une description aussi détaillée, sont certainement de fait plus
banals, confectionnés de cuir de bovin seul sur une armature de bois ou d’osier, sans
ajout de métal : c’est ainsi que dans la mêlée, Troyens et Achéens indistinctement
présentés, ou, plus loin, dans les mêmes termes, Danaens et Lyciens s’affrontent et
« déchirent, autour de leurs poitrines, boucliers de cuir ronds et rondaches légères »,
δῄουν ἀλλήλων ἀμφὶ στήθεσσι βοείας | ἀσπίδας εὐκύκλους λαισήιά τε πτερόεντα (Il. 5,
452-453 = 12, 425-426)13. De la même façon, ce sont les troupes troyennes qui sont
décrites marchant comme un bloc sur les Danaens « avec leurs boucliers en cuir
façonné », τυκτῇσι βόεσσι (Il. 12, 105).
10Dans des descriptions plus récentes, on note que le barbare utilise des peaux fraîches
pour réaliser ses boucliers. Peut-être doit-on y déceler le préjugé ethnographique de
l’auteur de la description : seul le Grec, dans la vision d’Hérodote, peut s’équiper
d’armes en cuir ; les barbares Pisidiens, Colchidiens et Ciliciens portent, eux, des
boucliers en « peau de bœuf crue », ὠμοβόϊνος ou ὠμοβόε(ι)ος :
Les Pisidiens [...] portaient de petits boucliers en cuir de bœuf cru.
[Πισίδαι...] ἀσπίδας δὲ ὠμοβόϊνας εἶχον σμικράς (HDT VII, 76).
Les Colchidiens [...] de petits boucliers en cuir de bœuf cru.
Κόλχοι [...] ἀσπιδὰς δὲ ὠμοβόϊνας σμικράς (HDT VII, 79).
Les Ciliciens [...] portaient en guise de boucliers, de légères targes faites de cuir de
bœuf cru.
Κίλικες [...] λαισήιά τε εἶχον ἀντ’ἀσπίδων ὠμοβοέης πεποιημένα (HDT VII, 91).
11Mais, au-delà du simple préjugé, il demeure légitime de se demander si l’habitude
décrite relève de la réalité, dans la mesure où fabriquer du cuir demande une
organisation technique et économique complexe, plutôt associée à des civilisations
urbaines.
12Xénophon confirme d’ailleurs le propos du précédent auteur à une ou peut-être deux
reprises : les barbares rencontrés au cours de l’expédition des Dix Mille semblent ne pas
tanner les peaux dont ils se servent pour fabriquer leurs armes ; elles comportent encore
de ce fait leurs poils (γέρρα δασεῖα). Ainsi, sur le mont Théchès, à proximité du Pont-
Euxin, Xénophon et ceux de l’arrièregarde « prirent » aux gens du pays « une vingtaine
[d’exemplaires] couverts de peau de bœuf non tannée qui avait encore son poil », γέρρα
ἔλαβον δασειῶν βοῶν ὠμοβόεια ἀμφὶ τὰ εἴκοσιν (XEN. An. IV, 7, 22) ; ailleurs, les
Mossynèques sont décrits avec leurs « boucliers d’osier recouverts de peaux de bœuf
blanc ayant encore leurs poils, en forme de lierre », γέρρα... λευκῶν βοῶν δασέα,
εἰκασμένα κιττοῦ πετάλῳ (XEN. An. V, 4, 12). Dans ces deux derniers exemples, la
matière avec laquelle est réalisé le plateau ne fait pas de doute : il s’agit d’osier14. Or,
les boucliers constitués d’une carcasse d’osier ou de rameaux entrelacés devaient
présenter, pour certaines espèces d’arbres du moins, un double avantage : par rapport à
un bouclier à plateau de bronze, l’arme s’en trouvait allégée ; la carcasse de branches
tressées pouvait en outre se refermer après avoir été frappée par un trait. Théophraste
l’affirme :
13« Les plus froids sont les bois venus dans l’eau et aqueux. En outre, ceux du saule et
de la vigne sont élastiques ; aussi s’en sert-on pour confectionner les boucliers : les
entailles qu’ils reçoivent se referment. Le plus léger est celui du saule, de texture plus
lâche, et pour cette raison c’est le plus utilisé », ψυχρότατα δὲ τὰ ἔνυδρα καὶ ὐδατώδη.
Καὶ γλίσχρα δὲ τὰ ἰτέινα καὶ ἀμπέλινα· διὸ καὶ τὰς ἀσπίδας ἐκ τούτων ποιοῦσι· συμμύει
γὰρ πληγέντα. Κουφότερον δὲ τὸ τῆς ἰτέας – μανότερον γάρ – διὸ καὶ τούτῳ μᾶλλον
χρῶνται (THEOPH. Pl. V, 3, 4). Pline note, de son côté, que « les bois des arbres
aquatiques sont les plus froids, mais les plus flexibles et, pour cette raison, les plus
propres à la fabrication des boucliers : la déchirure se referme aussitôt, referme sa
blessure et s’oppose donc davantage au passage du fer. On range dans cette catégorie le
figuier, le gattilier, le saule, le tilleul, le bouleau, le sureau et les deux espèces de
peupliers », frigidissima quaecumque aquatica, lentissima autem et ideo scutis
faciendis aptissima quorum plaga contrahit se protinus cluditque suum uulnus et ob id
contumacius tramittit ferrum, in quo sunt genere uitis, uitex, salix, tilia, betulla,
sabucus, populus utraque (PLIN. XVI, 209)15.
14Crue, travaillée sommairement ou tannée, la peau choisie est toujours pour ce genre
d’instrument celle, plus épaisse et donnant un cuir plus solide, d’un bovin (bœuf,
taureau16) – d’où la fréquence élevée des termes formés sur le nom du bœuf – ou, pour
des contrées plus exotiques, celle, certainement brute, d’un éléphant17. Dans le registre
parodique de la geste de Dionysos parti en guerre en Inde, les soldatesques Ménades
sont armées de lances non ferrées en bois de lierre « et de sortes de petits boucliers
légers et sonores, pour peu qu’on les touche », καί τινα πελτάρια κοῦφα, βομβοῦντα, εἴ
τις μόνον προσάψαιτο (LUC. Dion. 1) : les boucliers, parce qu’ils sont ronds et couverts
de peaux tendues, sont semblables aux tambourins18.

Énarmes, baudriers, courroies de boucliers


15Les boucliers sont habituellement suspendus à l’épaule par une courroie, une bretelle
ou « baudrier » de cuir appelée telamôn19 ou aortêr20, afin de laisser le guerrier libre
de ses mouvements en cas d’attaque ou de fuite, le protégeant sur les côtés ou dans le
dos. Hérodote attribue aux Cariens l’invention de « courroies intérieures » (sans
précision du matériau) permettant au guerrier, qui y passe le bras jusqu’au coude, de
saisir son bouclier et de mieux le manœuvrer : « Ce sont eux [les Cariens] qui les
premiers adaptèrent aux boucliers des courroies intérieures ; auparavant, tous ceux qui
avaient coutume de se servir de boucliers les portaient sans courroies et les
manœuvraient au moyen de baudriers de cuir passant autour du cou et de l’épaule
gauche », ὄχανα ἀσπίσι οὗτοι εἰσι οἱ ποιησάμενοι πρῶτοι· τέως δὲ ἄνευ ὀχάνων
ἐφόρεον τὰς ἀσπίδας πάντες οἵ περ ἐώθεσαν ἀσπίσι χρᾶσθαι, τελαμῶσι σκυτίνοισι
οἰηκίζοντες, περὶ τοῖσι αὐχέσι τε καὶ τοῖσι ἀριστεροῖσι ὤμοισι περικείμενοι (HDT I,
171).
16Tandis que l’avant-bras passe dans le brassard (porpax), généralement de métal et fixé
diagonalement21, la main saisit la poignée (antilabè/ochanon) de cuir22, même si la
nécessité peut conduire à utiliser tout autre matériau, comme le bois ou l’osier, ainsi
qu’en témoigne Énée : « des hommes, qui avaient besoin de boucliers [et qui n’avaient
pu s’en faire faire ni en importer par aucun autre moyen,] firent venir une quantité
d’osier et en même temps des vanniers. [Et pendant le jour, ceux-ci] tressaient [des
couffins, mais en plus,] la nuit, des armes défensives, casques et boucliers, auxquels ils
mettaient des énarmes de cuir ou de bois », δεόμενοί τινες ἀσπίδων [...] πλῆθος οἰσυῶν
καὶ ἐργάτας ἅμα τούτων εἰσηγάγοντο. [...] ἐν δὲ ταῖς νυξὶν ὅπλα, περικεφαλαίας καὶ
ἀσπίδας, ἔπλεκον, αἷς ὄχανα περιετίθεσαν σκύτινα καὶ ξύλινα (EN. Pol. XXIX, 11-12).

Autres protections au combat


17Pour se protéger davantage, Hector et Énée ont au combat « les épaules couvertes de
cuirs de bœuf séchés et fermes », τὼ [...] βοέῃς εἰλυμένω ὤμους | αὔῃσι στερεῇσι
(Il. 17, 492-493). Mais, plus globalement, les textes s’arrêtent peu sur le détail du
matériau utilisé pour ce genre de protection : épaulières, jambières (cnémides), cuirasse
(thorax), qui peuvent tout aussi bien être en métal ou combiner les deux matériaux.

Armure de métal et de cuir


18Nous ne développerons ici qu’un seul exemple d’armure alliant métal et cuir, d’après
les restes trouvés dans une tombe à Amanthonte et datés de la période archaïque
chypriote (VIIIe-VIIe siècles). Cette protection était en effet composée d’écailles de fer
rectangulaires percées chacune de deux trous, attachées les unes aux autres par un
tressage horizontal de lacets de cuir. Plusieurs rangs d’écailles ont été retrouvés, rouillés
et encore maintenus par les tresses elles-mêmes recouvertes d’une gangue de rouille.
Sur plusieurs pièces, on constate que les lignes d’écailles étaient couvertes de bandes de
cuir d’environ 1,2 cm de largeur. Vue de l’extérieur, l’armure devait donc ressembler à
une série de bandes de cuir disposées horizontalement, qui se superposaient
partiellement. Sur la base de ces restes et en supposant que l’armure faisait la même
taille qu’une autre retrouvée à Idalion – dont, toutefois, l’agencement des écailles reste
conjectural –, on a pu établir les estimations suivantes : il aurait fallu quelque 16000
écailles de fer et 700 m de lacets de cuir pour le tressage, environ 80 m de bandes de
cuir pour la couverture extérieure et 115 m de fins lacets de cuir pour fixer les bandes
aux tresses23.

« Tablier » de protection
19On connaît par ailleurs d’après un certain nombre de représentations, essentiellement
sur vases, ce qui ressemble à un rideau de cuir, désigné par le terme de « tablier » dans
la littérature scientifique, accessoire accroché au bord inférieur du bouclier et dont la
fonction était, semble-t-il, de protéger le haut des jambes contre les projectiles. Il a fait
l’objet de deux synthèses en 1986 et en 200424, mais les questions qu’il soulève sont
loin d’avoir été toutes résolues.
20L’accessoire apparaît dans le dernier quart du VIe siècle av. J.-C. dans la peinture sur
vases et sur les sarcophages des ateliers des régions de l’Est (notamment de Clazomènes
et de Milet), ainsi que sur un parallèle lydien. Il est rare dans la céramique attique à
figures noires de la même période : la plus ancienne représentation est celle figurant sur
une amphore à figures noires de la Villa Giulia (vers 540 av. J.-C.)25, et on connaît un
autre exemple bien attesté sur une hydrie datée au plus tard de 525 av. J.-C., conservée à
Munich26. L’objet n’est représenté fréquemment qu’après 490-480 en Grèce de l’Est,
ainsi que sur des lécythes à figures noires et les vases à figures rouges attiques (fig. 10).
Mais surtout, la première occurrence de ce tablier comme élément de la panoplie
hoplitique attique figure sur une coupe à figures rouges d’Apollodoros datée de 490-
48027.
21Le matériau dans lequel il est réalisé n’est pas toujours aisément reconnaissable : il
pourrait s’agir de cuir (identifiable par la représentation de languettes découpées dans la
partie inférieure du rideau ?)28, d’un tissu résistant (aux motifs rayés ou carrelés, ou
comportant en son centre un œil apotropaïque ?)29, ou encore de feutre, étoffe faite de
poils, de chèvre par exemple, agglomérés. Si aucun témoignage archéologique du tablier
ne nous est parvenu du fait qu’il était réalisé en matériau périssable, quelques
représentations semblent attester que ce rideau était fixé au bas du bouclier par des
rivets, sur le périmètre de l’orbe ou sur l’arc de cercle du quart inférieur30, système
d’attache qui pouvait par ailleurs avoir une fonction décorative31.
22La fonction d’un tel rideau était vraisemblablement de renforcer la protection du
guerrier quant aux parties de son corps les plus exposées, notamment les pieds, la région
de l’aine, le haut des cuisses, lorsqu’il levait son bouclier pour s’abriter des traits
ennemis. L’introduction du tablier dans les représentations de l’armement hoplitique
attique vers 490 a conduit certains historiens à conclure que cet accessoire a été utilisé
en Grèce centrale au moment des guerres médiques, comme complément aux cnémides
que portent quasiment toujours les guerriers sur les images, et qu’il a connu alors un
grand succès comme parade aux lèches des archers perses, voire qu’il a été une des
raisons principales du succès des troupes grecques depuis la bataille de Marathon32.

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Fig. 10 - Tablier de bouclier. Coupe attique à figures rouges attribuée au Peintre de la
Fonderie, détail de la face B (v. 480). Philadelphie, University of Pennsylvania,
University Museum 31-19-2. Courtesy of Penn Museum.
23Le recours aux textes serait d’un réel secours pour corroborer cette thèse et éclaircir
certains points techniques. Pourtant, ils restent muets : un vers du poète crétois Hybrias,
mal situé chronologiquement (il a peut-être écrit au VIe siècle) et cité par Athénée,
désigne par le terme λαισήϊον, qualiié de « beau », une « protection faite en peau » : τὸ
καλὸν λαισήϊον πρόβλημα χρωτός (ATH. XV, 695f)33, qui pourrait être aussi bien un
tablier qu’un bouclier. Le terme se rencontre dans l’Iliade et chez Hérodote, occurrences
où il est explicitement question d’un bouclier, le nom recevant alors diverses traductions
allant dans ce sens (« bouclier léger », « rondache légère », « targe ») : λαισήϊά τε
πτερόεντα, « et rondaches légères » (Il. 5, 451-453 et 12, 424, trad. CUF ; voir supra) ;
les Ciliciens ont en guise de boucliers de « légères targes faites de peau de bœuf crue »,
λαισήϊά τε εἶχον ἀντ’ ἀσπίδων ὠμοβοέης πεποιημένα (HDT VII, 91, trad. CUF).
24On rencontre par ailleurs l’utilisation de peaux en guise d’autres écrans protecteurs à
plusieurs reprises et à des époques variées dans des contextes militaires.
25Ils’agit, d’une part, de protéger le rempart ou les machines de siège du feu.
Thucydide au Ve siècle et Énée le Tacticien au IVe siècle proposent ainsi de placer sur le
devant des fortifications des feuilles de peaux ou de cuir contre les projectiles
enflammés de l’ennemi, pour protéger tant les hommes qui travaillent alors à élever le
rempart de la ville que la charpente elle-même. Thucydide emploie pour désigner ces
peaux (derseis ou derreis) le terme prokalummata, « ce qui est posé devant pour
dissimuler », soit « rideau » ; Énée, quant à lui, ne donne, pour parler de ces rideaux,
que les noms des matériaux, pilous ê bursas, « feutre ou cuir » (THUC. II, 75, 5 ;
EN. Pol. XXXIII, 3)34. Certains textes attestent l’utilisation d’écrans de peaux ou de
cuir lors des conquêtes d’Alexandre, pour protéger les tours de bois dressées sur le môle
de Tyr, ou encore les parois d’une hélépole (tour roulante) réalisée par le Macédonien
Poseidonios35.

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Fig. 11 - Chasse au daim durant laquelle deux hommes se protègent d’une peau. Coupe
attique à figures rouges dans la manière du peintre Épeleios (v. 510). Louvre G22.
Dessin de Fr. Lissarrague (d’après Lissarague 1990).
26Quant à la protection des personnes, qui nous renvoie à nos images de rideau de
bouclier, il est question d’écrans de peaux contre les armes de jet et les machines.
Hérodote, après Homère36, mentionne la coutume chez un certain nombre de peuples
d’utiliser une peau seule en guise de couche protectrice contre les traits ou les coups
ennemis. Ainsi, les Maces, un peuple de la côte occidentale de la Grande Syrie,
« portent à la guerre, pour se protéger, des peaux d’autruche », ἐς δὲ τὸν πόλεμον
στρουθῶν καταγαίων δορὰς φορέουσι προβλήματα (HDT IV, 175) ; les Éthiopiens
d’Asie, « pour se protéger, se servaient, en place de boucliers, de peaux de grues »,
προβλήματα δὲ ἀντ’ ἀσπίδων ἐποιεῦντο γεράνων δοράς (HDT VII, 70) ; les Lyciens
portaient « suspendues à leurs épaules, des peaux de chèvre, et sur leurs têtes des
bonnets ceints d’une couronne de plumes », ἐπὶ δὲ αἰγὸς δέρματα περὶ τοὺς ὤμους
αἰωρεόμενα, περὶ δὲ τῇσι κεφαλῇσι πίλους πτεροῖσι περιεστεφανωμένους (HDT VII,
92)37. À deux reprises, l’auteur recourt au terme problêma pour désigner ces peaux
protectrices accrochées à l’épaule ou suspendues le long du bras tendu, comme on peut
le voir sur certaines représentations – scènes de combats réels, scènes de chasse,
combats mythologiques et/ou dionysiaques (fig. 11 et 14)38. Énée désigne par le
terme eruma un écran protecteur que la personne chargée d’éteindre un incendie doit
placer devant son visage pour se protéger, mais sans faire référence explicitement au
matériau : « ceux qui éteignent l’incendie [du rempart] depuis un endroit situé au-dessus
de lui doivent avoir devant la figure un écran (ἔχειν περὶ τὸ πρόσωπον ἔρυμα), afin
d’être moins incommodés par les flammes qui leur sautent au visage »
(EN. Pol. XXXIV, 2). Il peut certes tout aussi bien s’agir d’un morceau du vêtement, ici
remonté contre le visage, que d’un tissu mouillé, et moins peut-être d’un morceau de
cuir, malgré la vertu ignifuge qu’on lui reconnaît alors39, à travers lequel il serait
difficile de respirer. Si Xénophon évoque des « pare-flèches » en toile ou crin que l’on
tendait au-dessus du pont sur les navires de guerre pour protéger les rameurs
(XEN. Hell. I, 6, 19 : παραρύματα, terme que l’on retrouve dans les inventaires ;
XEN. Hell. II, 1, 22 : παραβλήματα), Philon de Byzance, quant à lui, explique à
plusieurs reprises comment construire des tortues couvertes ou des guérites (karbatinai
oikiai) à partir d’un squelette végétal tapissé de peaux ou de cuir, utilisées comme
rideaux qu’on suspendait devant les hommes, à la fois pour protéger des traits les liens
qui tenaient suspendus les planches et branchages, et pour mettre les soldats à l’abri des
armes de jet40 :
Devant [les cables attaches aux pieces de bois en saillie pour y suspendre les planches
de palmier et leurs bourrelets], il faut aussi laisser pendre des peaux, pour que les liens
ne soient pas coupes par les armes de jet.
δέρρεις δὲ δεῖ πρὸ αὐτῶν [= τῶν ὁρμιστηρίων] καταπετάσαι ἵνα μὴ ὑπὸ τῶν βελῶν οἱ
δεσμοὶ ἀποκόπτωνται (PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, C5 [= 91, 13]).
Si, à cause de l’extension de la ville, il se trouve une partie de la muraille qui soit prise à
revers, il faut l’isoler au moyen d’un mur ou d’un écran de peaux ou de tentures, pour
éviter que ceux qui se tiennent sur la muraille ne soient blessés par derrière.
Ἐὰν δὲ μακρᾶς οὔσης τῆς πόλεως ἀμφίβολον ᾖ τι τοῦ τείχους, διοικοδομητέον ἐστὶ
τοίχῳ ἢ δέρρει ἢ αὐλαίαις διαφρακτέον, ἵνα μὴ τιτρώσκωνται ἐκ τοῦ ὄπισθεν οἱ ἐπὶ τοῦ
τείχους ὄντες (PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, C63 [= 95, 34]).
Les tortues d’osier se font avec des branches d’osier entrelacées, se réunissant dans la
partie supérieure pour former un angle aigu, et de même dans la partie antérieure ; une
fois qu’on a tendu des peaux tout autour et fixé en bas, en position horizontale, des
poutrelles à section carrée, et qu’on a disposé sous le plancher intérieur des rondins,
elles peuvent être avancées sans difficulté par les soldats, compte tenu de leur faible
poids.
Ποιοῦνται δὲ αἱ γερροχελῶναι ἐκ τῶν πλεχθέντων γέρρων ἄνωθεν ἐς ὀξεῖαν γωνίαν
συγκλεισθέντων πρὸς ἄλληλα, ὡσαύτως δὲ καὶ ἐκ τῶν πρόσθεν· εἶτα βυρσῶν
περιταθεισῶν καὶ δοκίδων κάτωθεν μὲν ἐκ τῶν πλαγίων τετραγώνων συμπαγεισῶν,
ἔνδοθεν δὲ στρογγύλων ὑποτεθεισῶν οὐ χαλεπῶς ὑπὸ τῶν στρατιωτῶν προφέρονται διὰ
τὸ μηδὲ βάρος ἔχειν πολύ (PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, D36-37 [= 99, 29-37 dont 32]).
Il te faut construire des guérites de cuir, d’où tirent les lanceurs de pierres, les archers,
les frondeurs, les plus nombreux et les meilleurs possibles, sans relâche pendant les
assauts – ce qui leur évite d’être blessés.
Καρβάτιναι δέ σοι οἰκίαι <παρασκευαστέαι> καὶ ἐκ τῶν καρβατίνων βάλλοντες καὶ οἱ
λιθοβόλοι καὶ οἱ τοξόται καὶ οἱ σφενδονῆται ὡς πλεῖστοι καὶ ἄριστοι κατὰ τὰς
προσβολὰς ἔστωσαν ἐνεργοῦντες, ἵνα <μὴ> τραυματίζωνται (PHIL. BYZ. Synt.
Méc. V, D66 [= 101, 31-35 dont 31]).
27À travers ces occurrences, nous avons accès à une liste de termes
(derreis41, prokalummata, eruma, problêmata, parablêmata…) dont aucun cependant
ne désigne explicitement le tablier de bouclier. Cependant, à défaut de nous en donner le
nom ou une description précise, les parallèles précédents nous éclairent sur sa fonction
et sur l’analyse technique qu’en avaient certainement faite les Anciens. Jamais il n’est
question de tendre ces peaux sur une quelconque armature, mais bien au contraire de les
laisser pendre, comme elles tombent, le long de l’épaule ou du bras tendu. Ces peaux
sont donc efficaces en raison même de l’absence de tension, ainsi que l’expliquent
Apollodore et Héron d’Alexandrie aux Ier et IIe siècles. Pour Apollodore, sur la
tortueberceau destinée à protéger des traits lancés du haut d’un rempart les hommes qui
s’y abritent, les peaux « ridées, non tendues, disposées de manière lâche, amortissent les
projectiles qui tombent » (APOL. Pol. 142, 2-4 = Thevenot I, 4)42. L’efficacité de telles
tentures est encore signalée par Héron : « Pourquoi les flèches se plantent-elles dans les
cottes de maille et les cuirasses, et ne se plantent-elles pas dans les voiles flottantes ?
Parce que [...] [la] substance s’écarte devant [le trait] et ne lui résiste point. Au
contraire, lorsqu’un corps dur en rencontre un dur comme lui [...] le coup qu’il donne
est très rude » (HERO. Méc. II, 4, 33)43. Le même effet mécanique consistant à
absorber l’énergie des traits, à les amortir, n’est ainsi pas lié à l’emploi du cuir et
pouvait être obtenu par un tissu résistant, comme une toile tissée enduite. Énée,
d’ailleurs, conseillait pour offrir une protection contre les projectiles envoyés au-dessus
du rempart de « tendre à l’aide de cabestans des voiles de bateaux enduites de
substances qui les empêchent de se déchirer » (EN. Pol. XXXII, 1 et 9-10). Par
conséquent, le matériau semble importer peu, à ceci près que le cuir offre naturellement
plus de résistance et moins de pénétration aux armes de jet qu’un tissu, qui devait être
enduit ou de trame suffisamment resserrée et épais pour présenter les mêmes avantages.
28Il est donc permis de penser que ce rideau, au nom inconnu mais d’usage attesté par
l’iconographie, pouvait être en cuir ou en tissu et garantissait une protection d’un autre
ordre que le bouclier, en raison de sa fluidité lors des mouvements du guerrier et de sa
capacité à absorber la force de pénétration des flèches.

Fourreaux et housses de protection de bouclier


29Les archives de Zénon mentionnent, en recourant à un mot composé qui est un hapax,
un probable fourreau de cuir pour protéger une arme. Dans une liste dressée en avril 257
av. J.-C. et composée d’articles divers commandés en vue d’un voyage, on lit « deux
fourreaux à couteau en fer ; deux fourreaux en [cu]ir » μαχαίρας σιδηροκολέους β |
[σκ]υτοκολέους β (PCZ I, 59054, l. 42-43).
30Dans les Acharniens, Lamachos, qui part au combat, ordonne à son serviteur
d’apprêter son bouclier en y « attachant les couvertures », τὰ στρώματ<α> [...]δῆσον ἐκ
τῆς ἀσπίδος (AR. Ach. 1136). On s’accorde généralement à y voir une housse de
protection pour transporter l’arme plutôt qu’un « tablier de bouclier »44, et il n’est pas
exclu qu’elle pût être en cuir. Cette housse a fait l’objet de nombreuses représentations
sur les vases attiques à figures rouges45.

Casques et coiffes de combat


Casques en cuir

31Les textes homériques connaissent différents systèmes de protection de la tête46. Le


casque en bronze à panache que porte, par exemple, Hector lors de la scène d’adieu
auprès d’Andromaque et de son fils47 est également celui que privilégie Pâris ; il est
maintenu au menton par une courroie ouvragée48, si solide du fait d’être « taillée dans
le cuir d’un bœuf abattu » – ἥ οἱ ῥῆξεν ἱμάντα βοὸς ἰφὶ κταμένοιο (Il. 3, 375) –
qu’Aphrodite doit la rompre pour sauver son protégé que Ménélas étrangle en le tirant et
en le traînant par le casque.
32Le poète mentionne en outre la simple calotte de cuir de Diomède, dont l’équipe
Thrasymède : « Sur le front il lui met un de ces casques faits en cuir de taureau, sans
cimier ni panache, qu’on appelle kataitux49 et dont les gars robustes se protègent la
tête », ἀμφὶ δὲ οἱ κυνέην κεφαλῆφιν ἔθηκε | ταυρείην, ἄφαλόν τε καὶ ἄλλοφον, ἥ τε
καταῖτυξ | κέκληται ῥύεται δὲ κάρη θαλερῶν αἰζηῶν (Il. 10, 257-259).
33Le casque d’Ulysse, connu par une représentation en relief sur une plaque en ivoire
trouvée à Délos50, fait lui aussi l’objet d’une description minutieuse : « [Mérion] met
au front [d’Ulysse] un casque travaillé dans le cuir d’un bœuf. Il est, à l’intérieur,
solidement tendu de multiples courroies. À l’extérieur, les dents luisantes d’un sanglier
aux vives défenses51 sont, sur les deux faces, disposées en grand nombre, avec art et
savamment. Le fond est bourré de feutre », ἀμφὶ δὲ οἱ κυνέην κεφαλῆφιν ἔθηκε | ῥινοῦ
ποιητήν· πολέσιν δ’ ἔντοσθεν ἱμᾶσιν | ἐντέτατο στερεῶς· ἔκτοσθε δὲ λευκοὶ ὀδόντες |
ἀργιόδοντος ὑὸς θαμέες ἔχον ἔνθα καὶ ἔνθα | εὖ καὶ ἐπισταμένως· μέσσῃ δ’ ἐνὶ πῖλος
ἀρήσει (Il. 10, 261-265). Ce type de casque mycénien, où les défenses percées de trous
sont cousues sur plusieurs rangées sur une calotte de cuir ou de tissu (fig. 12), semble
avoir disparu bien avant 1050 av. J.-C.52. Les coiffes de Diomède et d’Ulysse sont par
ailleurs dotées d’une forte charge symbolique, voire initiatique53.
34Bien loin du monde homérique, Hérodote offre le témoignage de certains casques
étrangers qui semblent faits d’un entrelacs de courroies ou d’une sorte de tricot de ils de
cuir. Ainsi, les Assyriens « sont coiffés de casques tressés et de bronze, suivant une
mode barbare difficile à décrire », περὶ μὲν τῇσι κεφαλῇσι εἶχον χάλκεά τε κράνεα καὶ
πεπλεγμένα τρόπον βάρβαρον οὐκ εὐαπήγητον (HDT VII, 63)54, tandis que les
Égyptiens « portaient [...] des casques faits de mailles de cuir tressées », εἶχον περὶ μὲν
τῇσι κεφαλῇσι κράνεα χηλευτά (HDT VII, 89)55. Quant à Xénophon, il décrit ainsi les
couvre-chefs des Mossynèques, qui « portent sur la tête des casques de cuir, analogues à
ceux des Paphlagoniens, avec une touffe de lanières (?)56 au milieu, tout à fait
semblables à des tiares », κράνη σκύτινα οἷάπερ τὰ Παφλαγονικά, κρωβύλον ἔχοντα
κατὰ μέσον, ἐγγύτατα τιαροειδῆ (XEN. An. V, 4, 13).

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Fig. 12 - Reconstitution d’un casque mycénien en défenses de sanglier, à protège-joues
et double crochet en os sur le sommet (Mycènes, tombe à chambre 515, XIVe-
XIIIe siècle). Les plaquettes découpées dans les défenses étaient percées pour être
cousues sur une calotte de cuir ou de tissu. Athènes, Musée archéologique national
6507+ 6568. © Hellenic Ministry of Culture and Sports/Archaeological Receipts Fund ;
photographie Giannis Patrikianos.

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Fig. 13 - Deux archers scythes portant l’alopekis, arcs et carquois (dont le couvercle est
en peau ?). Coupe à figures rouges attribuée à Onesimos, tondo (v. 500-490). Boston,
Museum of Fine Arts, 10.207. Dessin Fr. Lissarrague (d’après Lissarague 1990).

Casques de peau et fourrure


35Dans son enquête ethnographique, Hérodote mentionne d’autres couvre-chefs dans
des contextes guerriers, réalisés à partir de peaux ; les unes, communes, de chèvres :
« les Milyens [...] portaient sur la tête des casques faits de peaux de chèvre », Μιλύαι
[...] περὶ δὲ τῇσι κεφαλῇσι ἐκ διφθερέων πεποιημένας κυνέας (HDT VII, 77) ; les
autres, plus surprenantes pour un Grec, de cheval (HDT VII, 70 – peau du front
comportant la crinière et les oreilles57). Dans ce dernier cas, d’ailleurs, il semble que la
peau soit tout autant un gage de protection qu’un ornement en vue du combat.
36Une coiffe bien représentée dans la peinture sur vase et la sculpture, et associée aux
Thraces dans la littérature, mérite d’être signalée. Il s’agit de l’alopekis, décrite en ces
termes par Hérodote : « les Thraces portaient sur la tête des coiffures faites de peaux de
renards » et « aux pieds et aux jambes, des chaussures en peau de faon », Θρήικες δὲ ἐπὶ
μὲν τῇσι κεφαλῇσι ἀλωπεκέας ἔχοντες [...] περὶ δὲ τοὺς πόδας τε καὶ τὰς κνήμας πέδιλα
νεβρῶν (HDT VII, 75). Xénophon en atteste encore l’usage en son temps et en explique
la fonction : tandis que les soldats grecs sont prisonniers du froid au point d’avoir les
oreilles brûlées, « la raison devint alors claire pour laquelle les Thraces mettaient sur
leurs têtes des fourrures de renard qui leur couvraient les oreilles », τότε δῆλον ἐγένετο
οὗ ἕνεκα οἱ Θρᾷκες τὰς ἀλωπεκὰς ἐπὶ ταῖς κεφαλαῖς φοροῦσι καὶ τοῖς ὠσί
(XEN. An. VII, 4, 4), de même qu’ils s’enveloppent cuisses et mollets dans de grands
manteaux. L’alopekis serait donc une toque en fourrure de renard munie de rabats de
chaque côté de la tête, la queue de l’animal protégeant la nuque, si l’on en croit le texte
de Xénophon et les représentations. Sur certaines d’entre elles pourtant, le pelage
s’écarte de celui du renard : la queue de l’animal, parfois rayée, évoque celle du chat
sauvage, ou la fourrure parsemée de taches le pelage d’une panthère (fig. 13). À son
sommet, la coiffe est souvent pourvue d’une boucle (pour l’accrocher ou la saisir ?), et
ce détail, à supposer qu’il soit réaliste, rend difficile la distinction entre l’alopekis dont
le dessin est souvent simplifié et le bonnet scythe, lui-même muni de rabats et d’une
pointe au sommet58.

Tenue de camouflage et usage symbolique au combat


37Homère mentionne à plusieurs reprises le recours à un pelage ou à une peau fraîche en
vue de se camoufler. Dolon, dans l’Iliade, se porte volontaire pour partir en
reconnaissance en pleine nuit dans le camp grec : « il vêt son corps de la peau d’un loup
gris ; sur sa tête, il pose un casque en peau de martre », ἕσσατο δ’ ἔκτοσθεν ῥινὸν
πολιοῖο λύκοιο, | κρατὶ δ’ἐπὶ κτιδέην κυνέην (Il. 10, 334-335), espérant ainsi passer
inaperçu. Mais il se fait rapidement repérer et tuer par Ulysse et Diomède, qui « lui
enlèvent alors le casque en peau de martre qui couvre sa tête, sa peau de loup », son arc
et sa javeline, τοῦ δ’ ἀπὸ μὲν κτιδέην κυνέην κεφαλῆφιν ἕλοντο | καὶ λυκέην (Il. 10,
458-459). L’épisode est repris et développé dans la pièce d’Euripide Rhésos, où le
personnage commente sa stratégie et décrit ainsi au Chœur « le vêtement qui convient
dont [il] v[a] s’envelopper », σκευῇ πρεπόντως σῶμ’ἐμὸν καθάψομαι (EUR. Rh. 202),
selon ses termes, pour arriver à ses fins :
Je couvrirai mon dos d’une peau de loup, je coifferai ma tête de la gueule béante de
l’animal, j’ajusterai à mes bras les pattes de devant et à mes jambes les pattes de
derrière. Comme un quadrupède, j’imiterai la marche du loup, pour que les ennemis ne
puissent me découvrir tandis que je longerai les fossés et les défenses des navires. Mais
lorsque je mettrai le pied dans un endroit désert, je marcherai sur mes deux jambes.
Voilà en quoi consiste ma ruse.
Λύκειον ἀμφὶ νῶτ’ ἐνάψομαι δορὰν | καὶ χάσμα θηρὸς ἀμφ’ ἐμῷ θήσω κάρᾳ, | βάσιν τε
χερσὶ προσθίαν καθαρμόσας | καὶ κῶλα κώλοις, τετράπουν μιμήσομαι | λύκου κέλευθον
πολεμίοις δυσεύρετον, | τάφροις πελάζων καὶ νεῶν προβλήμασιν. | Ὅταν δ’ ἔρημον
χῶρον ἐμβαίνω ποδί, | δίβαμος εἶμι· τῇδε σύγκειται δόλος (EUR. Rh. 207-215).
38Entre les deux versions, la coiffe en peau de martre a disparu et Dolon s’est couvert
tout entier de la peau du loup59. Mais le choix du loup et d’un petit animal carnassier
montre assez la valeur symbolique de la coiffe et du pelage, qui assimilent le héros à un
prédateur nocturne et le rendent invisible : se transformer en une bête reviendrait à se
dissimuler magiquement aux yeux de l’adversaire60. En outre, le matériau, qui n’est
plus l’habituelle peau de bovin mais celle d’un fauve ou d’un carnassier, « a pu être
choisi pour renforcer l’utilité défensive par une action symbolique agressive61 ».
39Le motif du camouflage qui tourne mal se trouve également dans l’univers bucolique
du roman pastoral. Ainsi, dans Daphnis et Chloé, le berger Dorcon se déguise en loup
pour surprendre la jeune fille et s’emparer d’elle :
Il prend la peau d’un grand loup, qu’un taureau, en défendant ses vaches, avait tué à
coups de cornes. Il l’étend sur lui, en la faisant tomber sur son dos jusqu’aux pieds :
ainsi, les pattes de devant recouvraient ses bras et celles de derrière ses jambes jusqu’au
talon, tandis que la gueule grande ouverte abritait sa tête, comme le casque celle d’un
hoplite.
Λύκου δέρμα μεγάλου λαβών, ὃν ταῦρός ποτε πρὸ τῶν βοῶν μαχόμενος τοῖς κέρασι
διέφθειρε, περιέτεινε τῷ σώματι, ποδῆρες κατανωτισάμενος, ὡς τούς τ’ ἐμπροσθίους
πόδας ἐφηπλῶσθαι ταῖς χερσὶ καὶ τοὺς κατόπιν τοῖς σκέλεσιν ἄχρι πτέρνης καὶ τοῦ
στόματος τὸ χάσμα σκέπειν τὴν κεφαλήν, ὥσπερ ἀνδρὸς ὁπλίτου κράνος (LONG. I, 20,
2).
40Dorcon s’approche alors de la source et s’y poste en embuscade. Mais il est repéré par
les chiens de Chloé qui se jettent sur lui et mordent la peau du loup. Dorcon, craignant
d’être reconnu et se sachant « protégé par la peau qui le recouvre » (ὑπὸ τοῦ δέρματος
ἐπισκέποντος φρουρούμενος) se tient coi, mais les chiens finissent par arracher la peau
du loup et atteindre celle du berger, qui hurle de douleur (LONG. Ι, 21, 2-3). Naïfs,
Daphnis et Chloé pensent que « ce déguisement avec la peau <du loup> n’est qu’une
plaisanterie de berger », ποιμενικὴν παιδιὰν [...] τὴν ἐπιβολὴν τοῦ δέρματος (LONG. Ι,
21, 5). L’épisode n’est pas dénué d’éléments que nous avons mis en avant dans le mythe
de Dolon (la tête d’animal qui rappelle le casque du soldat, l’embuscade, la peau qui
sert de protection), même si la situation est ici plaisante, ne visant qu’à ridiculiser le
berger et à accentuer la candeur des héros, et que toute tonalité tragique est à exclure.
41Dans l’Odyssée, Ménélas a plus de chance lorsqu’il cherche à prendre au piège
Protée : la nymphe Idothéa lui explique comment il doit s’approcher du vieillard en
prenant l’apparence (et l’odeur !) de ses phoques, qu’il dénombre avant de s’endormir :
« après avoir rapporté des profondeurs de la mer quatre peaux de phoques fraîchement
écorchés [...], elle jet [te] une peau sur chacun <d’eux> », τέσσαρα φωκάων ἐκ πόντου
δέρματ’ ἔνεικε· | πάντα δ’ ἔσαν νεόδαρτα [...] βάλεν δ’ἐπὶ δέρμα ἑκαστῷ (Od. 4, 436-
437 et 440). D’une certaine façon, Ulysse s’agrippant à la toison d’un bélier, bien vivant
cette fois, pour échapper au contrôle tactile de Polyphème aveuglé et sortir ainsi sain et
sauf de son antre, utilise la même ruse.
42Ces exemples empruntés au merveilleux littéraire sont peut-être l’écho de pratiques
ayant existé, qu’elles fussent pragmatiques (réel camouflage)62 et/ou rituelles (caractère
symbolique dans le fait de se travestir en animal pour en acquérir certaines
propriétés)63.

Armes de jet
Fronde

43Le corps des frondeurs (σφενδονῆται)64, bien que présent régulièrement au combat
depuis le Ve siècle, est rarement représenté sur les vases en raison de la symbolique
négative dont est entachée l’arme de jet qu’ils utilisent, faite pour la chasse65 : les
frondeurs représentés à l’époque classique renvoient soit à un contre-modèle hoplitique
(de par leur semi-nudité, leur absence d’équipement défensif), soit à une figure de
l’altérité (le barbare, l’amazone)66.
44S’il est indubitable que le cuir était utilisé comme aujourd’hui pour la fabrication des
frondes, ce qui est parfois aisément identifiable sur les images en raison du jeu des
couleurs qui traduit en peinture les différents matériaux, un seul texte à notre
connaissance mentionne explicitement le matériau et fournit un détail technique non
négligeable. Une épigramme d’Antipater de Sidon (IIe siècle av. J.-C.) met en scène un
homme qui tâche d’écarter les oiseaux venant picorer les semailles de ses champs,
« tendant les bras, les bretelles tressé(e)s, flexibles de sa fronde en cuir », ῥινοῦ
χερμαστῆρος ἐΰστροφα κῶλα τιταίνων (A.P. VII, 172). Notons que le texte est ambigu,
dans la mesure où l’expression ῥινοῦ χερμαστῆρος κῶλα (mot à mot « les membres de
son cuir lanceur de pierres »), qui désigne ainsi les « bras » ou les « bretelles », est
qualifiée par le terme ἐΰστροφα, « qui tournent bien », c’est-à-dire « flexibles,
souples », ou « qui sont bien tournés », autrement dit « bien tressés »67. Malgré les
différentes traductions possibles de l’expression, c’est la détente de la fronde qui est
mise en avant68 dans le processus du jet, quelle qu’en soit la cause, torsion du cuir ou
flexibilité du matériau. Certaines représentations attiques du Ve siècle figurent ainsi les
frondeurs en position de tir, tendant les lanières de leur fronde d’une main et maintenant
de l’autre le projectile dans la poche69.

Javelot à courroie
45Si l’Iliade ne mentionne pas explicitement l’existence d’une courroie fixée au javelot,
le geste de Sarpédon ou d’Ajax est suffisamment clair : une fois l’ennemi atteint, le
guerrier « ramène l’arme » à lui70. Ce dispositif permettant de récupérer à distance son
arme, mais aussi d’en faciliter le jet et d’en accroître la portée, consiste
vraisemblablement en une courroie fixée en son milieu. Strabon la désigne par le terme
ἀγκύλη lorsqu’il évoque une arme de jet propre aux Gaulois qui « se lance de la main
sans courroie de propulsion71 », ἐκ χειρὸς οὐκ ἐξ ἀγκύλης ἀφιέμενον (STR. IV, 4, 3).
Mais le mot renvoie aussi par métonymie au « javelot (à courroie) » lui-même, comme
en atteste un passage d’Euripide (EUR. Or. 1476). Ce dernier recourt toutefois plus
fréquemment au mot μεσάγκυλον dans des énumérations d’armes de jet
(EUR. Phén. 1141 : cité à côté des flèches, frondes et pierres ; EUR. Andr. 1133 : avec
traits, flèches et piques à double pointe), mais, dans le détail, l’objet a été diversement
compris par les gloses tardives72. Seule une forme verbale com posée apparaît chez
Xénophon, dans deux passages où les lanceurs grecs doivent se tenir prêts à utiliser
leurs armes, ce qui revient pour les akontistes et les peltastes à tenir la courroie du
javelot en main :
Les gens de traits avec la courroie du javelot dans la main, les archers avec la flèche sur
la corde.
διηγκυλωμένους τοὺς ἀκοντιστὰς καὶ ἐπιβεβλημένους τοὺς τοξότας (XEN. An. IV, 3,
28).
[Xénophon] commanda à tous les peltastes d’avancer, la courroie du javelot en main de
façon à pouvoir le lancer au premier signal, aux archers de tenir la flèche sur la corde,
aux gymnètes d’avoir leurs sacs remplis de pierres.
ὃ δὲ τοῖς πελτασταῖς πᾶσι παρήγγειλε διηγκυλωμένοις ἰέναι, ὡς ὁπόταν σημήνῃ
ἀκοντίζειν, καὶ τοὺς τοξότας ἐπιβεβλῆσθαι ἐπὶ ταῖς νευραῖς, ὡς ὁπόταν σημήνῃ
τοξεύειν δεῆσον, καὶ τοὺς γυμνῆτας λίθων ἔχειν μεστὰς τὰς διφθέρας (XEN. An. V, 2,
12).
46Lucien n’oublie pas l’image, lorsqu’il montre un Zeus en colère et menaçant,
brandissant son foudre à courroie pour le lancer contre Cyniscos qui met en doute la
supériorité des dieux : « Je pense que tu as raison de me mépriser, puisque, tout en
tenant dans la main mon foudre par sa courroie, comme tu vois, je supporte que tu
débites tous ces discours contre nous », Καί μοι δοκεῖς εἰκότως μου καταφρονεῖν, ὅτι
κεραυνόν, ὡς ὁρᾷς, διηγκυλημένος ἀνέχομαί σε τοσαῦτα καθ’ ἡμῶν διεξιόντα
(LUC. Z. Conf. 15).

Lances

47Hérodote mentionne l’utilisation de la peau d’hippopotame73 pour la fabrication de


hampes : « la peau [de l’hippopotame] est assez épaisse pour qu’on en fasse, lorsqu’elle
est séchée, des hampes de javelot », τό δέρμα δ’ αὐτοῦ οὕτω δή τι παχύ ἐστι ὥστε αὔου
γενομένου ξυστὰ ποιέεσθαι ἀκοντίων ἐξ αὐτοῦ (HDT II, 71). Son propos est repris plus
tard par Aristote et Pline. C’est l’épaisseur d’une telle peau, précisent-ils, qui rend la
chose possible : « sa peau est si épaisse qu’on peut en faire des lances », τοῦ δὲ
δέρματος τὸ πάχος ὥστε δόρατα ποιεῖσθαι ἐξ αὐτοῦ (ARIST. H.A. II, 7, 502a) ; « le cuir
de l’hippopotame est tellement épais qu’on en tourne des lances », Hippopotamo corio
crassitudo talis ut inde tornentur hastae (PLIN. XI, 227). On peut supposer qu’on
taillait dans la peau fraîche de grandes lanières qui étaient mises à sécher, puis qu’on les
tournait comme du bois, à moins qu’on ne roulât sur ellemême la peau avant de
l’attacher par quelque moyen, ou encore qu’on la tressât.

Autres dispositifs de poliorcétique


Échelle (pour la prise de la ville)
48Parmi les objets utiles à la prise des villes, Philon de Byzance atteste l’existence
d’échelles de cuir, dont il détaille la fabrication avec une grande précision : on peut ainsi
s’emparer d’une ville par surprise, de nuit, « en appliquant les échelles de cuir – qui sont
cousues comme les outres et que des enduits de graisse aux coutures rendent assez
hermétiques pour être gonflées –, en les attachant ensuite à des échelles de corde
tressées et cousues, et en fixant à leur extrémité des crochets qui, le bout une fois jeté
sur la muraille, s’accrochent aux merlons », κατὰ κλοπὴν μὲν νυκτὸς ἢ τὰς σκυτίνας
κλίμακας προσθέντας, αἳ ῥάπτονται καθάπερ οἱ ἀσκοὶ καὶ ὑπαλοιφῇ κατὰ τὰς ῥαφὰς
ὑποστεγνωθεῖσαι φυσῶνται, εἶτα προστιθέντας ἐπὶ ταῖς στυππῖναις κλίμαξιν αἳ
κατασκευάζονται διὰ πλοκῆς καὶ ῥαφῆς, καὶ πρὸς τὰ πέρατα αὐτῶν ἄγκιστρα
προσάπτοντας, ἵνα ἐπιρριπτουμένων τῶν ἄκρων ἐπιλαμβάνηται τῶν προμαχώνων
(PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, D73 [= 102, 12-19])74. Rien n’est dit de la raison pour
laquelle ce dispositif doit être réalisé en cuir gonflé d’air, ni comment il pouvait l’être.
On peut imaginer que, aussi peu encombrant qu’une échelle de corde une fois plié, il
pouvait être réutilisé ; peut-être permettait-il d’être plus discret au moment de sa mise
en place, alors que des échelles de bois cogneraient contre le rempart75.

Soufflets à incendier/protection contre les incendies


49On trouve chez Thucydide un exemple de machine incendiaire qu’utilisent les
Béotiens contre Délion et dont certains des éléments du mécanisme sont des soufflets
(qu’on suppose) de cuir, qui permettent d’allumer une flamme à l’extrémité d’une
poutre creuse pour incendier un rempart :
Après avoir scié en deux une longue poutre (κεραίαν), ils l’évidèrent entièrement et
rajustèrent exactement les parties pour en faire une sorte de tube ; au bout, ils
suspendirent, par des chaînes, un chaudron, dans lequel descendait, depuis la poutre, un
bec de soufflet en fer formant un coude ; le reste du bois était également revêtu de fer
sur une bonne longueur. Ils poussaient de loin cette machine, avec des chariots, contre
les points du rempart comportant le plus de sarments et de bois ; puis, lorsqu’elle en
était proche, ils introduisaient de grands soufflets dans l’extrémité de la poutre tournée
de leur côté et les actionnaient (φύσας μεγάλας ἐσθέντες ἐς τὸ πρὸς ἑαυτῶν ἄκρον τῆς
κεραίας ἐφύσων). L’air, en arrivant sous pression dans le chaudron, qui contenait des
charbons incandescents, du soufre et de la poix, y allumait une grande flamme ; cela mit
le feu au rempart, tant et si bien que personne ne put rester (THUC. IV, 100, 1-4).
50Les auteurs de traités de poliorcétique fournissent les moyens de se prémunir contre
cette menace incendiaire76. Thucydide lui-même nous informe que, parce que les
Péloponnésiens ont construit une levée de terre (χῶμα) contenue par des poutres de bois
dans le but de prendre Platées en 429 av. J.-C., les Platéens surélèvent dès lors leur
rempart au moyen d’un ouvrage de bois rempli de briques et tendent, « en manière de
protection, des couvertures de peaux et des cuirs, pour que les travailleurs et la
charpente fussent à l’abri de tous les projectiles enflammés, en sécurité »,
προκαλύμματα εἶχε δέρσεις καὶ διφθέρας, ὥστε τοὺς ἐργαζομένους καὶ τὰ ξύλα μήτε
πυρφόροις οἰστοῖς βάλλεσθαι ἐν ἀσφαλείᾳ τε εἶναι (THUC. II, 75, 5).
51Pour protéger plus directement les remparts et les tours des incendies, Énée
recommande aux assiégés de garnir de feuilles de feutre et de cuir les parties construites
en bois, mais vraisemblablement aussi l’ensemble du mur, pour éviter aux blocs de
chauffer et d’éclater : « Si des tours ou une partie du rempart de la ville sont en bois, il
faut mettre le long des créneaux, pour que les ennemis ne les incendient pas, des feuilles
de feutre ou de cuir », Ἔπειτ’ ἄν τινες ὦσι τῆς πόλεως ξύλινοι μόσυνες ἢ τοῦ τείχεός τι,
χρὴ τούτοις ὑπάρχειν πρὸς τὸ μὴ ἐμπίπρασθαι ὑπὸ τῶν πολεμίων πίλους καὶ βύρσας
πρὸς τὴν ἔπαλξιν (EN. Pol. XXXIII, 3). Si ces feuilles de cuir comme couverture
ignifuge ne figurent pas parmi de nombreux autres dispositifs contre le feu fixés aux
charpentes proposés par Philon de Byzance, ce dernier recommande, en revanche, le
recours à une plaque de fer ou de bronze, à des tuiles de plomb, à des filets contenant de
l’algue humide, à des éponges imprégnées d’eau, ou encore à « des toisons imbibées de
vinaigre et d’eau77 ».

Dispositif d’outres pour protéger les remparts


52Parmi les dispositifs de défense (ἀντιμηχανήματα) contre les béliers et les machines
de jet qui ouvrent des brèches dans le rempart, Énée préconise de « préparer là aussi des
moyens de protection » ; il s’agit de « suspendre en avant (des murs) des sacs pleins de
paille, des couffins pleins de laine, des outres en cuir vert de bœuf gonflées ou remplies
avec n’importe quoi, et autres choses analogues », ἡτοιμάσθαι δὲ καὶ [...] ἐρύματα,
σάκκους ἀχύρων πληροῦντα προκρεμαννύειν <καὶ> ἀγγεῖα ἐρίων καὶ ἀσκοὺς βοείους
νεοδάρτους πεφυσημένους ἢ πεπληρωμένους τινῶν <καὶ> ἄλλα τούτοις ὁμότροπα
(EN. Pol. XXXII, 3).

Éléments de machines
53Parce qu’ils n’ont pas fait l’objet d’études systématiques ou ne figuraient que dans des
traités techniques perdus, les éléments en cuir des machines – courroies diverses78,
bourrelets de protection...-n’ont laissé que peu de traces. Yvon Garlan va jusqu’à
imaginer des nacelles de cuir suspendues à des mâts à la lecture d’Énée décrivant des
machines qui permettent de surmonter le rempart (EN. Pol. XXXII, 1 : « tours, mâts ou
autres choses du même genre », εἰς τὰ ὑπεραιρόμενα ἐκ πύργων ἢ ἰστῶν ἢ τῶν
ὁμοτρόπων τουτοῖς). Selon lui, les mâts, qui font ici leur première apparition dans la
littérature militaire grecque, offrent l’avantage d’être plus légers que les tours et plus
intéressants en termes de rapidité et de coût de construction ; ils devaient consister en
une « poutre pivotant dans un plan vertical sur un axe médian et portant à l’une de ses
extrémités des sortes de nacelles de cuir ou d’osier capables d’abriter un ou plusieurs
combattants79 ». Quant au système propulseur des machines de jet (catapultes à flèches
ou à pierres), il devait reposer, dès les premiers modèles remontant peut-être au
vie siècle, tout comme pour ceux de la fin du IVe siècle, sur l’élasticité de fibres animales
très résistantes qui, réunies en faisceaux ou écheveaux (appelés « tons » dans le
vocabulaire spécialisé), étaient soumises à torsion, comme des tendons (machines
« neurotones »)80 ou du crin, voire des cheveux humains (machines « trichotones »)81.

Le vêtement
Vêtements de protection contre les agressions extérieures
(coupures, froid)
54Le vêtement de peau (plus ou moins bien) tannée offre la (relative) garantie d’un
maintien du corps au chaud en raison de son imperméabilité à l’eau – la chaleur émise
par le corps reste confinée à l’intérieur du vêtement – et de sa faible porosité – donc
perméabilité – à l’air, interdisant des échanges de température trop importants ou subits.
Par ailleurs, la solidité du matériau en fait un produit adapté à la fabrication d’ustensiles
d’usage quotidien propres à protéger les parties du corps.
55Dans le monde rustique que décrit l’Odyssée, Laërte est ainsi couvert de protections
faites dans la peau des bêtes de son cheptel – plutôt des caprins – ou à partir de pièces
de « cuir » récupérées : bêchant au pied d’un arbre, l’homme, habillé d’une tunique
noircie et rapiécée, « s’est mis autour des jambes des bouts de cuir tout rapiécés, pour ne
pas s’écorcher, à ses mains des gants contre les piquants, et sur sa tête, pour se parer du
froid, une casquette en peau de chèvre », περὶ δὲ κνήμῃσι βοείας,| κνημῖδας ῥαπτὰς
δέδετο, γραπτῦς ἀλεείνων,| χειρῖδάς τ’ ἐπὶ χερσὶ βάτων ἕνεκ’· αὐτὰρ ὕπερθεν | αἰγείην
κυνέην κεφαλῇ ἔχε, πένθος ἀέξων (Od. 24, 227-231). De la même façon, Eumée, se
revêtant pour sortir, « pass[e] un manteau très épais, contre le vent, s’empar[e] d’une
grande toison de bique bien nourrie », ἀμφὶ δέ χλαῖναν ἐέσατ’, ἀλεξάμενον μάλα
πυκνήν, | ἂν δὲ νάκην ἕλετ’ αἰγὸς ἐϋστρεφέος μεγάλοιο (Od. 14, 530)82. Cependant, la
peau de bœuf se prête naturellement bien, par sa plus grande solidité, à la protection de
la personne contre les agressions extérieures. Aussi, les Arabes, selon Hérodote, au
moment de récolter la cannelle, « s’enveloppent de peaux de bœufs et autres le corps
entier et le visage, à l’exception des yeux » pour se protéger d’animaux ailés, proches de
la chauve-souris, ἐπεὰν καταδήσωνται βύρσῃσι καὶ δέρμασι ἄλλοισι πᾶν τὸ σῶμα καὶ
τὸ πρόσωπον πλὴν αὐτῶν τῶν ὀφθαλμῶν (HDT III, 110).
56Dans le même esprit que le passage cité plus haut de l’Odyssée, rien ne vaut, selon
Hésiode, en plus du bonnet de feutre couvrant le sommet de la tête, un manteau de
peaux cousues pour lutter contre les intempéries de l’hiver : « puis, quand viendra le
vrai froid de la saison, cousez ensemble avec un tendon de bœuf des peaux de
chevreaux d’une première portée, dont vous couvrirez votre dos comme d’un bouclier
contre la pluie », πρωτογόνων ἐρίφων... | δέρματα συρράπτειν νεύρῳ βοός, ὄφρ’ἐπὶ
νώτῳ | ὑετοῦ ἀμφιβάλῃ ἀλέην (HES. Trav. 543-544). Le terme βαίτη se rencontre ainsi
pour désigner un pardessus de peaux cousues (traduit diversement par « cape, casaque,
manteau »), chez Hérodote et Théocrite :
Beaucoup d’entre [les Scythes] font aussi avec les peaux écorchées des manteaux dont
ils se revêtent (ἐκ τῶν ἀποδερμάτων καὶ χλαίνας ἐπείνυσθαι ποιεῦσι), formés de pièces
cousues ensemble (συρράπτοντες) comme des capes en peau (βαίτας) (HDT IV, 64).
Lacon nie formellement avoir volé à Comatas le chevrier « sa cape en peau », οὐ τέ γε
Λάκων | τὰν βαίταν ἀπέδυσ<ε> (THEOCR. V, 15).
57Platon enfin, par l’intermédiaire d’un Alcibiade évoquant ses souvenirs de la
campagne de Potidée en hiver, atteste la pratique du rembourrage des chaussures au
moyen d’une toison : « Un jour de gel, ce qu’on peut imaginer de pire dans le genre, [...]
tout le monde évitait de sortir, ou bien ne sortait qu’emmitouflé de façon étonnante,
chaussé, les pieds enveloppés de feutre ou de peaux d’agneau », καί ποτε ὄντος πάγου
οἵου δεινοτάτου, καὶ πάντων ἢ οὐκ ἐξιόντων ἔνδοθεν, ἢ εἴ τις ἐξίοι, ἠμφιεσμένων τε
θαυμαστὰ δὴ ὅσα καὶ ὑποδεδεμένων καὶ ἐνειλιγμένων τοὺς πόδας εἰς πίλους καὶ
ἀρνακίδας (PLAT. Banq. 220b)83.
58On constate déjà, à travers ces quelques exemples où la peau et la fourrure servent de
matériau pour la confection de vêtements dans des contextes essentiellement rustiques,
qu’au-delà de l’aspect purement pragmatique consistant à protéger les individus, une
symbolique du vêtement de peau est à l’œuvre.

Vestignomonie du vêtement de peau et des fourrures


59Le vêtement de fourrure, au sens large du mot (peaux munies de leurs poils), a fait
l’objet d’une courte synthèse récente quant à ses usages84. Trois grandes catégories se
dégagent alors pour la période qui nous occupe : l’humble et l’étranger, le monde
sauvage et les guerriers. Nous reprenons et complétons ici ces catégories dans la mesure
où elles sont effectivement opérationnelles, tout en ajoutant des références au vêtement
plus généralement de peau (sans poils).

Fourrures prestigieuses et guerrières


60Les héros de l’Iliade se parent à plusieurs reprises de peaux de fauves qui ont gardé
leur pelage, soit qu’il s’agisse d’un moment solennel, lorsque Pâris-Alexandre se
présente comme champion des Troyens dans un affrontement singulier qui l’oppose à
Ménélas, « ayant sur les épaules une peau de panthère », παρδαλέην ὤμοισιν ἔχων (Il. 3,
17) – mais il prend soin de revêtir ses armes au moment du combat ; soit que la peau
siée au rang du personnage, à l’instar des frères de sang royal85. C’est ainsi
qu’Agamemnon, en pleine nuit, « se lève et revêt ses flancs d’une tunique, puis à ses
pieds luisants noue de belles sandales ; enfin, il s’enveloppe dans la fauve dépouille
d’un grand lion roux, qui lui tombe aux pieds », ὀρθωθεὶς δ’ ἔνδυνε περὶ στήθεσσι
χιτῶνα, | ποσσὶ δ’ ὑπὸ λιπαροῖσιν ἐδήσατο καλὰ πέδιλα, | ἀμφὶ δ’ ἔπειτα δαφοινὸν
ἑέσατο δέρμα λέοντος | αἴθωνος μεγάλοιο ποδηνεκές (Il. 10, 21-24)86. Ménélas,
également saisi d’angoisse et pris d’insomnie, sort pour aller réveiller son frère et
« couvre son large dos de la peau d’une panthère tachetée » avant de prendre son casque
et sa javeline, παρδαλέῃ μὲν πρῶτα μετάφρενον εὐρὺ κάλυψε | ποικίλῃ (Il. 10, 29-30).
Toutefois, en dehors du prestige que tirent les personnages à s’en revêtir, en raison de la
rareté et de la valeur de telles dépouilles, ces fourrures sont très certainement
convoquées ici en tant qu’élément à part entière de la « panoplie » des guerriers : elles
ont pu être choisies en raison de leur rôle défensif – peau prophylactique dont le
paradigme est la léontê d’Héraklès87 –, mais aussi pour leur « action symbolique
agressive88 ».
61Pourtant, en dehors de ces rares exemples pris dans l’univers héroïque et guerrier de
l’Iliade, les sources dont nous disposons « tendent à montrer que celui-ci n’était pas
synonyme de prestige social » et que, « loin d’avoir la faveur des riches et d’apparaître
comme un article de luxe » – motif qui semble convoqué tout de même mais de manière
satirique dans le théâtre d’Aristophane –, « il caractérise plutôt les couches les plus
basses de la société, et ce jusqu’à la fin de l’Empire romain89 ». Se dégage ainsi une
véritable vestignomonie dans laquelle la fourrure et, plus globalement, la peau encore
pourvue de poils, utilisées de manière pragmatique pour leur qualité isolante et
protectrice, sont des marqueurs de marginalité ou d’altérité profonde.
Peaux (διφθέρα, κατωνάκη, βαίτη...) marquant la marginalité
Marginalité des personnes démunies (mendiants, paysans, bergers ; caricatures de
philosophes)
62Nous avons vu plus haut que les bergers, chevriers, bouviers se protègent des
agressions extérieures au moyen de couvre-chefs et de vêtements réalisés à partir de la
matière première dont ils disposent facilement, la peau des bêtes qu’ils élèvent. Les
préparations et traitements de ces peaux devaient dans bien des cas s’avérer très
sommaires90. Assimilés en quelque sorte à leurs troupeaux91, ces pâtres qui vivent à la
marge du monde urbain ont le même statut dans les textes que les mendiants et les
paysans pauvres, dont le parangon est Timon chez Lucien.
63C’est ce qui explique qu’Athéna, pour transformer Ulysse en vieux mendiant rustique,
lui « je[tte] sur le dos la grande peau d’un cerf rapide », ἀμφὶ δέ μιν μέγα δέρμα ταχείης
ἕσσ’ ἐλάφοιο, | ψιλόν (Od. 13, 436-437), puis lui donne un bâton et une affreuse
besace92. Grimé ainsi, il n’est pas sans évoquer déjà le type du philosophe cynique
misérable que les textes postérieurs décrivent doté des mêmes attributs : haillons ou
vêtement de peau93, bâton et besace rapiécée94. L’ajout d’une peau de bête prise à la
chasse tend à renforcer le trait rustique d’un Ulysse dont la noblesse ne doit pas se
manifester sous peine de le trahir.
64Nombreux sont les personnages à être dès lors revêtus de telles peaux et à s’inscrire
dans l’antagonisme opposant l’homme policé et l’individu mal dégrossi. C’est cette
différence fondamentale de mœurs entre la ville et la campagne, traduite dans le
vêtement, qu’Aristophane illustre dans les Nuées, lorsqu’au sujet de leur fils Phidippide,
sa mère, citadine raffinée de bonne famille95, et Strepsiade son père, de basse
extraction, se font face : la mère imagine déjà son fils conduisant son char « portant une
tunique de pourpre », ξυστίδ’ ἔχων, tandis que le père le voit conduire des chèvres,
comme lui, « vêtu d’une peau de bique », διφθέραν ἐνημμένος (AR. Nu. 72). Par
opposition à l’habit de laine tramé de l’homme civilisé96, produit d’un savoir-faire
élaboré et reconnu, la διφθέρα, peau de chèvre ayant subi un traitement rudimentaire,
devient l’habit caractéristique, définitoire du travailleur de la campagne 97 et, par
élargissement, de l’homme démuni : chez Lucien, Timon, paradigme de l’homme qui
s’est retiré du monde et vit en paysan dans le plus grand besoin, mentionne à plusieurs
reprises sa « peau de bique », associée au hoyau, δικέλλη.
Timon déclare : « J’ai revêtu cette peau de bique afin de travailler la terre (ἐναψάμενος
διφθέραν ἐργάζομαι τὴν γῆν) pour un salaire de quatre oboles philosophant avec la
solitude et mon hoyau (τῇ δικέλλῃ) » (LUC. Tim. 6).
Zeus à Hermès : « Qui est cet homme qui vocifère [...] qui est tout sale, crasseux et vêtu
de peau (ὑποδίφθερος) ? Il a l’air de bêcher, le dos courbé. » Hermès explique le choix
de Timon de se retirer de la société des hommes qui lui ont tout pris : « c’est pourquoi il
manie le hoyau et est revêtu de peau », δικελλίτης καὶ διφθερίας (LUC. Tim. 7-8).
Ploutos refuse d’aller trouver Timon, car ce dernier l’a maltraité jadis. Il se plaint ainsi à
Zeus : « laisse cette espèce d’oiseaux en compagnie de la pauvreté qu’ils nous préfèrent,
et qu’ils reçoivent d’elle peau de bique et hoyau ». Plus loin, Ploutos fait remarquer à
Timon : « au lieu d’un manteau de laine moelleux, ta très chère Pauvreté t’a revêtu de
cette peau de bique », ἀντὶ μαλακῆς χλανίδος ταύτην τὴν διφθέραν ἡ τιμιωτάτη σοι
Πενία περιτέθεικεν (LUC. Tim. 12 et 38).
Timon retrouvant sa fortune s’écrie : « Ô mon hoyau et ma chère peau de bique, il est
bon que je vous consacre à ce dieu Pan », Ὦ δίκελλα καὶ φιλτάτη διφθέρα, ὑμᾶς μὲν τῷ
Πανὶ τούτῳ ἀναθεῖναι καλόν (LUC. Tim. 42).
65On connaît par ailleurs, par deux inscriptions attiques des années 329/328 et
probalement 327/326, le prix de vente d’une diphtera : elle coûte alors de 2,5 à 3
drachmes (IG II2 1672, l. 104 et IG II2 1673, l. 47)98, l’équivalent au IVe siècle de cinq à
six journées de misthos99.

Marginalité des esclaves


66La même διφθέρα est, depuis Aristophane, associée à l’habillement des esclaves.
Ainsi, le Chœur des Guêpes dénonce l’ingratitude des serviteurs de Philocléon, qui le
retiennent de force chez lui pour qu’il n’aille pas assister aux procès : « Ces deux-là
maintiennent de force leur ancien maître, sans se souvenir aucunement des peaux de
chèvre et des tuniques qu’il achetait pour eux... », οὐδὲν τῶν πάλαι μεμνημένοι |
διφθερῶν κἀξωμίδων, ἃς οὗτος αὐτοῖς ἠμπόλα (AR. Gu. 445-446). Athénée nous
informe, en citant Myron de Priène, qu’il s’agit aussi de la tenue infamante des hilotes à
Sparte, contraints de porter un couvre-chef (en peau de chien ?) et une peau de chèvre,
κυνῆν καὶ διφθέραν, et de recevoir tous les ans un certain nombre de coups (ATH. XIV,
657d)100.
67Aristophane mentionne en outre comme vêtement servile la κατωνάκη, par opposition
au manteau de laine, la χλαίνη, que revêt à nouveau le peuple lorsqu’il retrouve sa
liberté après l’épisode des Pisistratides (AR. Lys. 1151 et 1155)101 ; dans l’Assemblée
des femmes, les femmes esclaves doivent « se contenter de coucher avec les esclaves
hommes » et « s’épiler les parties pour une katônakê », παρὰ τοῖς δούλοισι κοιμᾶσθαι
μόνον | κατωνάκῃ τὸν χοῖρον ἀποτετιλμένας (AR. A.F. 723-724)102. C’est, d’après
Théopompe, la tenue de certains esclaves à Sicyone, appelés pour cette raison « porteurs
de katônakes » (ATH. VII, 271d : παρὰ Σικυωνίοις κατωνακοφόρους καλεῖσθαι
δούλους τινάς). Une scholie au dernier passage d’Aristophane cité ainsi que Pollux
s’accordent à y voir, selon le sens étymologique du mot composé, un « manteau bordé
dans sa partie inférieure de fourrure, c’est-à-dire de peau de bête », ἱμάτιόν ἐστιν ἐκ τῶν
κάτω μερῶν νάκος, τουτέστι διφθέραν, περιερραμμένον (Sch. A.F. (D.) 724), et un
« épais vêtement de laine, avec de la fourrure cousue au bord inférieur », ἐξ ἐρίου μὲν
ἦν ἐσθὴς παχεῖα, νάκος δ’αὐτῇ κατὰ τὴν πέζαν προσέρραπτο (POLL. VII, 68).
68On sait aujourd’hui que ces deux vêtements, διφθέρα et κατωνάκη, ont existé dans
bien des cités sans être exclusivement ni de manière imposée portés par les esclaves, et
la désignation chez Pollux de l’esclave homme par le terme διφθερίας ou de l’esclave
femme par celui de διφθερῖτις (POLL. IV, 137) n’est pas la preuve d’un usage unique
de tels vêtements de peau. Ce n’est qu’à Sparte que la διφθέρα constitue
systématiquement un « uniforme » marqueur de ségrégation sociale103.

Marginalité des « hors-la-loi »


69En allant plus loin encore dans le préjugé, Platon donne la peau de chèvre comme le
vêtement d’esclaves en fuite, dans le discours où Socrate convainc Criton qu’il ne peut
s’évader de sa prison sans offenser la cité : « peut-être <iras-tu> en Thessalie [...] et
peut-être y prendra-t-on plaisir à t’entendre raconter de quelle façon bouffonne tu t’es
échappé de ta prison, sous quel travestissement, vêtu d’une peau de chèvre ou de
quelque autre déguisement à l’usage des esclaves fugitifs... », ἴσως ἂν ἡδέως σου
ἀκούοιεν ὡς γελοίως ἐκ τοῦ δεσμωτηρίου ἀπεδίδρασκες σκευήν τέ τινα περιθέμενος ἢ
διφθέραν λαβὼν ἢ ἄλλα οἷα δὴ εἰώθασιν ἐνσκευάζεσθαι οἱ ἀποδιδράσκοντες
(PLAT. Crit. 53d). Déjà, au milieu du ve siècle, dans l’œuvre moralisatrice de Théognis,
le constat est dressé selon lequel la ville a changé et qu’on ne peut plus se fier à aucun
citoyen : les malfrats d’avant, « ceux qui ne connaissaient ni droit ni lois, juste bons à
user autour de leurs flancs leurs peaux de chèvre et à pâturer hors des murs comme des
cerfs », ἀλλ’ ἀμφὶ πλευραῖσι δορὰς αἰγῶν κατέτριβον | ὥστ’ ἔλαφοι [...] ἐνέμοντο
(THEOGN. I, 55), sont désormais des honnêtes gens, et inversement. La peau de chèvre
est donc bien conçue parfois, par extension, comme vêtement du hors-la-loi.

Marginalité des êtres sauvages, du barbare, de l’étranger


70Pire encore, l’habillement de peau pourvue de ses poils traduit la sauvagerie de qui la
porte, son animalité. Les centaures (fig. 14), les dieux agrestes, les membres du cortège
dionysiaque (fig. 2) sont revêtus de peaux de fauves (peau de panthère – la pardalê –,
de lynx104) ou de faon (la « nébride »). Or, l’association de la pilosité et de la bigarrure
de ces peaux tachetées connote le caractère imprévisible et transgressif de telles
assemblées105. Mais en dehors de cet univers mythologique, la symbolique du
vêtement de peau et de poils, donc d’un vêtement brut ou presque106, opère encore
pour caractériser l’autre absolu, le barbare dont la tenue est propre à susciter la
méfiance, voire le mépris, de la part du « Grec » policé et culturellement plus avancé.
Hérodote décrit ainsi à loisir les tenues de peuplades étrangères au fil de son Enquête :
les Gélons, par exemple, habitent un pays où, dans la plus vaste des forêts, se trouve un
lac où « ils prennent des loutres, des castors et d’autres animaux à museau carré, dont
les peaux sont cousues au bord des manteaux de fourrure », ἐνύδριες ἁλίσκονται καὶ
κάστορες καὶ ἄλλα θηρία τετραγωνοπρόσωπα, τῶν τὰ δέρματα παρὰ τὰς σισύρας
παραρράπτεται (HDT IV, 109) ; alors que Crésus se prépare à marcher contre les Perses
en 546 av. J.-C., un Lydien, Sandanis, les déinit comme « des hommes qui portent des
braies de cuir et le reste de leur habillement en cuir », οἳ σκυτίνας μὲν ἀναξυρίδας,
σκυτίνην δὲ τὴν ἄλλην ἐσθῆτα φορέουσι (HDT I, 71)107, signe pour ce dernier de leur
rusticité mais aussi de leur pauvreté, puisqu’il précise : « ils n’ont rien (τοῖσί γε μὴ ἔστι
μηδέν), à quoi bon les vaincre ? » ; le costume des Libyennes est en cuir et porte des
courroies en guise de franges (HDT IV, 189). L’auteur des Maladies apporte également
un témoignage sur la Libye en affirmant qu’« on s’y sert généralement de la peau du
bétail pour vêtement », τῶν μὲν χρῆμα Λιβύων χρέονται οἱ πλεῖστοι τῶν κτηνέων τοῖσι
μὲν δέρμασιν ἀντὶ ἱματίων (HIPPO. VII, 609 (Litt.) = Mal. IV, 56). Pausanias prétend
que les Locriens primitifs s’habillaient de peaux crues, non dépilées et non tannées
(PAUS. X, 38) : la frontière entre animalité et pré-humanité est ici fort ténue108.

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Fig. 14 - Centaure portant une peau de panthère, avec laquelle il se protège au combat.
Coupe attique à figures rouges attribuée au Peintre de la Fonderie, détail de la face B
(v. 480). Philadelphie, University of Pennsylvania, University Museum 31-19-2.
Courtesy of Penn Museum.

Les fourrures, signe extérieur de richesse… de mauvais goût


71Ilapparaît ainsi clairement que les peaux d’ovins ayant conservé des poils constituent
un marqueur de marginalité et que le vêtement de fourrure ne saurait être, pour les
sociétés et périodes gréco-romaines qui nous occupent, un vêtement d’apparat109, en
dépit du prix élevé qu’on pourrait leur prêter, de par le traitement coûteux qu’il a fallu
mettre en œuvre pour leur fabrication – mais sur lequel nous ne sommes que trop peu
renseignés –, de par leur rareté et de par le prestige attaché à la capture de l’animal : la
fourrure de fauve homérique, dotée d’une forte valeur symbolique, demeure l’exception.
72Comment alors expliquer qu’Aristophane, à deux reprises, fait de la fourrure (σισύρα)
une marque ostentatoire de richesse, d’une part lorsque Bdélycléon affirme au Chœur
qu’il offrira des objets de grande qualité, voire de luxe à son père, pour le sortir de sa
vie de misère en tant que dicaste : « je le nourrirai et lui fournirai tout ce qui convient à
un vieillard, du gruau à savourer, un manteau moelleux, une fourrure... », χλαῖναν
μαλακήν, σισύραν (AR. Gu. 738)110 ; d’autre part, quand Strepsiade se plaint de
l’oisiveté de son fils qui a le sommeil lourd et, la nuit, « pète dans cinq fourrures
entortillées en boule », πέρδεται | ἐν πέντε σισύραις ἐγκεκορδυλημένος (AR. Nu. 10-11)
– bien qu’il s’agisse plutôt de couvertures ici, comme en AR. Lys. 933 où Myrrhinè
mentionne la couverture en peau (σισύραν) de son mari et qu’on ne sache pas de quel
animal est tirée cette fourrure111 ? Dans les deux cas, les fils que l’on aimerait
prometteurs semblent accorder de la valeur à un objet par ailleurs décrié en raison de sa
connotation barbare et rustique ; ils font penser à ces figures, intemporelles, de parvenus
à la recherche d’un raffinement décalé, voire décadent112. Pourtant, si le parvenu imite
généralement l’aristocrate, le seul modèle à imiter, voire à dépasser, qui nous est connu
de la littérature grecque reste celui qu’offre Homère. Mais il ne faut certainement pas
négliger le coût que pouvait représenter l’acquisition d’une telle fourrure, et donc le
prestige qu’on pouvait en tirer, au-delà de la représentation qui y est attachée dans nos
sources : elle devait passer pour un signe extérieur de richesse, même si celui qui la
portait affichait, par là-même, un certain mauvais goût.

Couvre-chefs, bonnets
Bonnet en peau d’agneau

73Les bonnets en peau, probablement connus depuis l’époque préhistorique113, ne sont


guère mentionnés dans notre corpus. Un fragment de rapport d’un des agents de Zénon
fait état d’une commande qu’il aurait adressée depuis Memphis à Philadelphie, à une
date inconnue : « Tu nous as écrit d’envoyer à Memphis des coiffes en peau d’agneau.
Nous t’avons donc envoyé Cheilon qui t’apporte les cinq meilleures114 de celles que
nous avons pu trouver », ἔγραψας ἡμῖν ἀποστεῖλαι εἰς Μέμ-|[φι]ν εἰς καυσί[α] ς
ἀρνακίδας. ἡμῖς οὖν | [τῶ]ν ὄντων τὰς βελτίστας ἀπεστεί-|[λ]αμεν κομίζοντα Χείλωνα ε
(PCZ IV, 59633, l. 7-9). Il est clair qu’il ne s’agit pas ici de la καυσία διαδηματοφόρος
dont parle Plutarque115, combinée au diadème et au bandeau royal, insigne de pouvoir
chez les rois macédoniens. Quelles sont alors la nature exacte et la fonction de ce
« bonnet » ?
74Habituellement, le nom kausia renvoie au chapeau macédonien à larges bords utilisé
pour se garantir du soleil et de sa chaleur (kausis). Une épigramme d’Antipater de
Thessalonique, contemporain d’Auguste, composée avant la campagne de Calpurnius
Pison contre les Besses (de 12 à 9 av. J.-C.), nous informe de la fabrication de ce
chapeau au moyen de fils de laine tramés, lorsqu’il le fait parler en ces termes :
« Kausia, autrefois couvre-chef commode des Macédoniens, abri en temps de neige,
casque pendant la guerre, j’ai eu soif de boire ta sueur, brave Pison [...] ; bientôt nous,
fils tissés qui jadis mîmes les Perses en fuite, nous rangerons encore les Thraces sous ta
domination », Καυσίη, ἡ τὸ πάροιθε Μακηδόσιν εὔκολον ὅπλον, | καὶ σκέπας ἐν νιφετῷ
καὶ κόρυς εν πολέμῷ, | ἱδρῶ διψήσασα πιεῖν τεὸν, ἄλκιμε Πείσων [...] τάχα κρόκες αἵ
ποτε Πέρσας | τρεψάμεναι καὶ σοὶ Θρῇκας ὑπαξόμεθα (A.P. VI, 335)116.
75Pollux, citant Ménandre117, en fait un « bonnet de feutre macédonien », ἡ δὲ καυσία
πῖλος Μακεδονικὸς (POLL. X, 162) : il est difficile de savoir ici s’il évoque le couvre-
chef royal ou un bonnet d’usage quotidien, porté selon Plaute par les pêcheurs et les
matelots118, et plus généralement par les voyageurs119. Toutefois, il est intéressant de
constater que dans un passage de Platon déjà cité au sujet de chaussures fourrées, le
feutre ou les peaux d’agneaux (πίλους καὶ ἀρνακίδας) semblent avoir la même utilité et
être interchangeables (PLAT. Banq. 220b)120.
76C’est donc vraisemblablement pour maintenir la tête au chaud (selon Antipater,
Plaute, ou encore le témoignage de Platon pour les pieds) ou pour se protéger du soleil
et absorber la sueur (selon Antipater, et peut-être la lettre à Zénon) que
la kausia, chapeau large et mou ou bonnet121 réalisé en tissu, feutre ou, comme dans la
lettre adressée à Zénon, en peau d’agneau avec ses poils (καυσί[α]ς ἀρνακίδας)122 est
utilisée.

Bonnet en peau de chien ?


77Le terme κυνέη se rencontre à seize reprises dans l’univers homérique pour désigner
le « casque » du combattant de façon générique, qu’il soit en or (Il. 5, 743-744 : le
casque d’Athéna est une κυνέη χρυσείη), en bronze (Il. 3, 316 = 23, 861 : κυνέῃ
χαλκήρεϊ), en cuir de bovin (Il. 10, 257-259 et 261-265, supra), en peau de martre
(Il. 10, 334-335). La coiffe en peau de chèvre que porte Laërte pour se protéger du froid
(Od. 24, 231 : ὕπερθεν | αἰγείην κυνέην κεφαλῇ ἔχε, πένθος ἀέξων) est désignée aussi
par ce même mot. Jamais, donc, ce couvre-chef n’a de rapport direct avec le chien 123.
78Le terme κυνῆ, quant à lui, fait référence à un bonnet, apanage des miséreux, qui
pourrait être en peau de chien124. Aristophane en fait le couvrechef de Strepsiade, qui
annonce à Socrate l’arrivée du Chœur des Nuées (« dire que je suis sorti sans même
prendre un bonnet [en peau de chien ?], malheureux ! », τὸ δὲ μηδὲ κυνῆν οἴκοθεν
ἐλθεῖν ἐμὲ τὸν κακοδαίμον’ ἔχοντα ; AR. Nu. 268), et celui des esclaves de Philocléon,
qui sont ironiquement traités d’ingrats parce qu’ils séquestrent chez lui leur maître qui
leur a fourni des guenilles et des « bonnets (en peau de chien ?) », κυνᾶς
(AR. Gu. 447)125. Mais le matériau dont est fait ce bonnet n’est explicité – et discuté –
que dans les scholies et gloses de lexicographes : un scholiaste précise que le bonnet de
Strepsiade est en cuir de chameau126, tandis que la Souda y consacre trois articles sous
des noms variant légèrement, sans jamais donner foi réellement au fait qu’il s’agirait
originellement (mais quand ?) de peau de chien, ce qui revient a fortiori à dire que par
la suite, l’usage d’un tel matériau n’est plus de règle127.

Caleçon de bain
79C’est encore une des lettres des archives de Zénon, envoyée par un certain Hiéroklès
et reçue autour du 5 mai 257 av. J.-C., qui atteste l’existence d’un caleçon de bain en
cuir. L’expéditeur mentionne un garçon nommé Pyrrhos, éduqué à Alexandrie et
entraîné pour les concours publics, qui a passé commande d’un certain nombre
d’articles : un chiton, un himation, une petite couverture (στρωμάτιον), une couverture
(περίστρωμα), des oreillers (προσ[κεφάλαια]) et du miel. Hiéroklès demande à Zénon
de les lui envoyer : « en[voie]-lui un caleçon de bain le plus rapidement possible, et
surtout qu’il soit en peau de chevreau, sinon, [de vélin] fin », ἀπ[όστειλον] | δ’ αὐτῶι
ἐγλουστρίδα ὅτι τάχος, καὶ μάλιστα μὲν ἔστω τὸ δέρμα αἴγειον, εἴ δὲ μέ, [μόσχειον] |
λεπτόν (PCZ I, 59060, l. 7-9).
80Si le texte indique clairement que le matériau souhaité pour la réalisation du vêtement
est du cuir « fin128 » (la restitution concernant la peau de veau est assurée129), c’est
l’hapax egloustris qu’il nous faut ici identifier plus sûrement. Or, dans une notice
concernant tout autant les noms ἡ λουτρίς que ἡ ᾤα130, noms qu’il cite d’après
Théopompe, un auteur comique du Ve/IVe siècle av. J.-C.131, Pollux les définit ainsi :
« ce qu’<on porte> autour des parties génitales, non seulement des femmes mais aussi
des hommes, lorsqu’on se baigne en compagnie de femmes132, semble porter le nom
de ôa, loutris (“peau de brebis”, “maillot pour le bain”) », τὸ δὲ περὶ τοῖς αἰδοίοις, οὐ
μόνον γυναικῶν ἀλλὰ καὶ ἀνδρῶν, ὁπότε σὺν ταῖς γυναιξὶ λούοιντο, ᾤαν λουτρίδα ἔοικε
[...] καλεῖν (POLL. VII, 66) ; « quant au <vêtement de> peau dont se ceignent les
femmes qui se baignent ou ceux qui les baignent, il est permis de le nommer ôa,
loutris », τὸ μέντοι δέρμα ᾧ ὑποζώννυνται αἱ λουόμεναι γυναῖκες ἢ οἱ λούοντες αὐτάς,
ᾤαν λουτρίδα ἔξεστι καλεῖν (POLL. X, 181).
« Soutien-gorge »
81La plupart des représentations133 ou textes relatifs à ce sous-vêtement nous le
décrivent comme une large bande de tissu, qui pouvait être ornée de broderies et
soutenait les seins à la façon d’un corset. Cette bande d’étoffe, offerte dans bien des cas
à Aphrodite134, porte plusieurs noms : μαστόδετον (et une variante μαστόδεσμος chez
Galien : « qui retient les seins »)135, μίτρα (terme générique équivalent à « bandeau,
ceinture »)136, μηλοῦχος (« qui contient les seins »)137, κεστός (« bande de tissu
brodée »)138, στρόφιον (« bande enroulée ») essentiellement chez les comiques139. Il
est donc d’autant plus remarquable de trouver dans les archives de Zénon une attestation
d’un soutien-gorge (αἱ στηθοδεσμίδες140, « <bandes> qui retiennent la poitrine ») peut-
être réalisé en cuir. Kléon écrit à Zénon qu’il a reçu des « chaussettes » (ποδεῖα, l. 1) de
la part d’Agathon et lui adresse cette requête : « tu me feras plaisir en me faisant
confectionner deux bandeaux à poitrine doux et minces et en <me> les envoyant pour
ma femme », χαριεῖ οὖμ μοι στηθοδεσμί-|δας ποιήσας μαλακὰς λεπτὰς δύο καὶ
ἀποστείλας ὥστε τῆι γυναικί (PCZ III, 59456, l. 2-3). S’il est vrai que le texte ne précise
pas la matière dans laquelle sont confectionnés les bandeaux, les adjectifs permettent
d’y voir un cuir fin, souple et très doux au toucher141, comme le cuir d’agneau ou le
vélin142. Martial, au contraire, dans un registre caricatural, fait référence à des bandes
de maintien fabriquées dans un cuir trop lâche pour contenir la forte poitrine d’une
femme, au point qu’on devrait recourir dans son cas à un cuir résistant de taureau :
« Soutien-gorge. Avec un dos de taureau tu aurais pu maintenir la poitrine : car la peau
que tu tiens ne saurait renfermer tes mamelles », Mamillare. Taurino poteras pectus
constringere tergo : | nam pellis mammas non capit ista tuas (MART. Ep. XIV, 66).
82On pourrait cependant objecter que la lettre de Kléon fait référence à un article qui lui
a été livré auparavant et que l’homme sous-entend ici que Zénon doit passer commande
auprès du même artisan, spécialisé dans le travail d’un matériau. Or, il est difficile de
déterminer avec précision la nature des ποδεῖα (l. 1), qui peuvent tout aussi bien être des
« bas », objets textiles, que des « chaussons » en tissu, feutre ou cuir143.

Les chaussures
83Les descriptions de chaussures dans les textes sont rares et allusives, au point que
« les modèles » retrouvés en fouille pour le monde romain « sont difficiles à
identifier144 ». Il n’est de même pas toujours aisé ni possible d’identifier les modèles
représentés dans l’art – images sur vases, statues, figurines de terre cuite, reliefs…
(fig. 26). Par conséquent, notre classification repose sur la seule nomenclature – toute
ambiguë soit-elle parfois – transmise par les textes littéraires, les inscriptions et les
papyrus ; nous donnons ici essentiellement les passages sélectionnés pour les
caractéristiques qu’ils peuvent fournir sur certains modèles, sans souci d’exhaustivité. Si
les lexicographes sont dans ce domaine généralement peu utiles, puisqu’ils glosent
fréquemment les noms de modèles par la formule « type de chaussures pour
hommes/pour femmes », le catalogue de Pollux (VII, 85-94) constitue cependant une
exception. Enfin, la prudence reste de mise et il ne faut jamais oublier qu’un même mot
a pu désigner des modèles non semblables dans un cadre spatio-temporel identique
ou, a fortiori, différent, ce qui apparaît dans certains de nos recoupements.
84Aussi, regroupons-nous ici les modèles pour femmes et les modèles pour hommes,
après en avoir vu les termes plus génériques ou mixtes. Nous finissons par quelques
considérations économiques en tâchant d’évaluer le prix de certains modèles.

Considérations générales, termes génériques


Matériaux
85Nous avons signalé dans le premier chapitre les modalités de fabrication de
chaussures prêtes pour l’emploi. Les sandales peuvent être confectionnées en fibres
végétales (papyrus, chanvre)145 ou en bois (les semelles des « sandales étrusques »,
σανδάλια Τυρρηνικά146 ; des « sabots » ou « socques », καλόπέδιλα147). Cependant,
seul le cuir bien tanné et entretenu régulièrement à la graisse offre tout à la fois les
qualités de souplesse et de solidité, de maintien, d’étanchéité à l’eau et de
respiration148. Le cuir de bovin est en cela le matériau d’excellence pour la fabrication
des chaussures : Eumée lui-même ou le paysan d’Hésiode, dont les habits (manteaux,
couvre-chefs) sont confectionnés à partir de peaux de petit bétail149, le préfèrent au cuir
de caprins pour cet usage.
Eumée est en train d’« ajust[er] à ses pieds les sandales qu’il venait de tailler dans un
cuir coloré de bœuf », ἀμφὶ πόδεσσιν ἑοῖς ἀράρισκε πέδιλα,| τάμνων δέρμα βόειον
ἐϋχροές (Od. 14, 23-24).
Le poète donne aux paysans le conseil de nouer « autour de [leurs] pieds des chaussures
<confectionnées à partir> du cuir d’un bœuf abattu », ἀμφὶ δὲ ποσσὶ πέδιλα βοὸς ἰφὶ
κταμένοιο (HES. Trav. 541).
86Et si les chaussures en cuir de veau que fabrique le cordonnier trompeur chez
Aristophane sont mauvaises, ce n’est pas tant à cause du matériau – bien qu’une telle
peau permette d’obtenir un cuir très souple – qu’en raison de la coupe frauduleuse et
volontairement réalisée ainsi par l’artisan soucieux de tirer un profit maximum de ses
ressources (AR. Cav. 316-318)150.
Termes génériques : ὑπόδημα, πέδιλον, σανδάλιον
87Parmiles termes génériques, on rencontre depuis l’épopée homérique
ὑπόδημα151 pour désigner une « chaussure » au sens le plus large possible, ce qui sert à
couvrir le pied, par le bas ou complètement152, quel qu’en soit le modèle, comme dans
ce passage où Ischomaque se réjouit de l’ordre qui règne dans sa maison : « c’est un
beau spectacle <que de voir> des chaussures de toutes sortes bien alignées », ὡς δὲ
καλὸν φαίνεται, ἐπειδὰν ὑποδήματα ἐφεξῆς κέηται, κἂν ὁποῖα ᾖ (XEN. Eco. VIII, 19).
Le substantif πέδιλον, non attesté dans les papyrus153 mais connu également depuis
Homère, chez qui il sert à nommer la sandale d’un homme aussi modeste qu’Eumée
(Od. 14, 23-24, supra) ou d’une divinité (Il. 24, 340-341 = Od. 1, 96-97 ; Od. 5, 44-
45)154, désigne plus fréquemment par la suite une chaussure qui peut être montante,
une « bottine », à moins qu’il ne s’agisse de chaussures à lanières plates qui, une fois
mises en place, enserrent et maintiennent entièrement le pied, la cheville ou même le
mollet. Chez Hésiode déjà, le terme ne saurait désigner systématiquement des sandales,
puisqu’il est conseillé, contre le froid de l’hiver, de « noue[r] autour des pieds
des chaussures bien ajustées [...] intérieurement rembourrées de feutre », ἀμφὶ δὲ ποσσὶ
[...] | ἄρμενα δήσασθαι πίλοις ἔντοσθε πυκάσσας (HES. Trav. 541-542). Hérodote
utilise quant à lui ce terme générique grec pour décrire des modèles barbares –
généralement hauts, si l’on en croit les représentations. Ainsi, les Sarangéens avaient
« des chaussures montant jusqu’au genou », Σαράγγαι [...] πέδιλα δὲ ἐς γόνυ
ἀνατείνοντα εἶχον (HDT VII, 67) ; les Thraces avaient « aux pieds et aux jambes, des
chaussures en peau de faon », περὶ δὲ τοὺς πόδας τε καὶ τὰς κνήμας πέδιλα νεβρῶν
(HDT VII, 75). Dans la légende des origines de Thésée que rapporte Plutarque, Égée,
après avoir conçu l’enfant avec Aithra, « laiss[e] son épée et ses chaussures cachées
sous un gros rocher », ἀπέλιπε ξίφος καὶ πέδιλα κρύψας ὑπὸ πέτραν μεγάλην
(PLUT. Thés. 3, 6), afin que son fils, devenu adulte, les lui rapporte comme objets de
reconnaissance : il s’agit bien plutôt ici de chaussures montantes de soldat – attribut
guerrier au même titre que l’épée – que de sandales légères. En revanche, ce peut bien
être « une seule sandale » que Jason, chez Pindare, porte « au pied droit », πέδιλον |
δεξιτερῷ μόνον ἀμφὶ ποδί (PIND. Pyth. IV, 96-97), après avoir traversé un fleuve et ne
s’être qu’à moitié rechaussé, se présentant ainsi devant Pélias comme l’homme funeste
« chaussé d’un seul pied », τὸν μονοκρήπιδα (PIND. Pyth. IV, 75)155, qu’une
prédiction de la Pythie annonçait.
88Il reste parfois impossible de déterminer quel modèle désigne le terme, comme
lorsque le devin charlatan des Nuées exige, selon une prédiction qu’il dévoile alors, que
Pisthétairos lui remette des « chaussures » ou des « sandales neuves » à l’occasion de la
fondation de sa ville dans les nuées, καινὰ πέδιλα (AR. Ois. 973-974).
89Leterme σάνδαλον – qui connaît une forme éolienne, σάμβαλον, et divers diminutifs,
σανδάλιον, σανδαλίσκος, σαμβαλίσκον156 – est anciennement et bien attesté par les
textes littéraires. Il est générique en ce qu’il désigne des modèles pour hommes et
femmes, τὰ τ’ ἀνδρεῖα καὶ τὰ γυναικεῖα (POLL. X, 49), et ne présuppose en rien le
matériau utilisé à la confection de ce modèle très simple, formé d’une semelle
maintenue au bas du pied par des lacets. Ainsi, dans son premier usage connu, le terme
renvoie à la fois à des sandales courantes (en cuir ?) et à un prototype réalisé en fibres
végétales. En effet, pour échapper à ses éventuels poursuivants, le dieu Hermès, après
avoir dérobé cinquante bêtes du troupeau d’Apollon, se crée des sandales-raquettes qui
effacent ses traces : « Il se hâta de jeter ses sandales (σάνδαλα) sur le sable marin et s’en
tressa d’autres – étranges, inimaginables – en entrelaçant des rameaux de tamaris et
d’une sorte de myrte (διέπλεκε [...] συμμίσγων μυρίκας καὶ μυρσινοειδέας ὄζους) :
c’était un travail merveilleux. Après avoir lié cette brassée de jeune feuillage, il put
marcher tranquillement en attachant à ses pieds ces sandales rapides (ὑπὸ ποσσὶν
ἐδήσατο σάνδαλα κοῦφα), avec toutes leurs feuilles » (H. Herm. I, 79-84)157. Le terme
est bien connu des papyrus depuis le Ier siècle apr. J.-C., de même que le diminutif
σανδάλιον, amplement utilisé158.

Parties de la chaussure
« Languette » : γλῶττα/γλῶσσα, γλωττίς/γλωσσίς
90Par une métaphore semblable à celle que nous utilisons, la languette de la chaussure
est dénommée γλῶττα/γλῶσσα, la « langue ». Le terme est connu dès l’époque classique
(PLAT. COM. fr. 51 K.-A., vol. VII, p. 453 = ATH. XV, 677a : γλῶτταν ἐν
ὑποδημάσιν) et glosé par les lexicographes (HESYCH. s.v. γλώσσας· τὰς γλωσσίδας
τῶν αὐλῶν καὶ τῶν ὑποδημάτων, « anches des auloi ou languettes des chaussures » ;
POLL. VII, 81, γλῶτται· μέρη ὑποδημάτων, « parties de chaussures »). On notera que
l’usage que fait Hésychius du dérivé γλωττίς/γλωσσίς est considéré comme fautif par
Phrynicos le Sophiste (IIe siècle apr. J.-C.) :
Ce sont les gens de peu d’instruction qui disent glôssides, γλωττίδας λέγουσιν οἱ
ἀμαθεῖς (PHRYN. Préc. Soph. 58, 12).
On ne doit pas dire glôssides d’aulos ou de chaussures, mais comme les gens
d’instruction glôttaï d’aulos, glôttaï de chaussures, γλωσσίδας αὐλῶν ἢ ὑποδημάτων μὴ
λέγε, ἀλλ’ὡς οἱ δόκιμοι γλώττας αὐλῶν, γλώττας ὑποδημάτων (PHRYN. Préc.
Soph. 58, 25 = Eglog. 308)159.
Semelle : κάττυμα, πέλμα
91Deux termes désignent plus particulièrement la semelle d’une chaussure, dont nous
avons déjà évoqué la fabrication dans le premier chapitre160. L’un, κάττυμα/κάσσυμα,
est courant dès l’époque classique (AR. Cav. 315, 869 ; Ach. 301 ; Gu. 1160 ;
HIPPO. Epid. V, 45). Il est glosé ainsi par une scholie à Aristophane reprise par
la Souda : « morceaux de cuir solides et durs que l’on dispose sous les sandales et
autres modèles de chaussures », δέρματά τινα ἰσχυρὰ καὶ σκληρά, ἅπερ τοῖς σανδαλίοις
καὶ τοῖς ἄλλοις ὑποδήμασιν ὑποβάλλεται (Sch. Ach. 300 [vet])161. L’autre, πέλμα,
également courant à l’époque classique (HDT VII, 116 ; EN. Pol. XXXI, 4 ;
HIPPO. Mochl. 32), apparaît dans les archives de Zénon (PCZ IV, 59692, l. 18 :
συάγρεα πέλματα, « semelles en peau de sanglier162 »), puis dans des papyrus plus
récents163.

Un modèle mixte et protéiforme : les crépides


92Le terme κρηπίς, sans étymologie sûre, renvoie à l’idée de « fondement », de
« bordure » (d’une construction, d’une rivière, d’un trottoir). Il désigne aussi une
chaussure « solide, plus ou moins montante, utilisée pour la marche, notamment par les
soldats » et « parfois portée par les femmes164 ». Cependant, le terme, usité pendant
près de dix siècles, a nécessairement renvoyé à des modèles différents165, dont nous
pouvons préciser certains à l’aune des textes.
93La première attestation remonte à Hippocrate : pour soigner le pied bot, on doit
utiliser une « semelle faite ou d’un cuir qui ne soit pas trop dur ou d’une lame de
plomb », ἴχνος δέ τι χρὴ ποιέεσθαι, ἢ δέρματος μὴ ἄγαν σκληροῦ, ἢ μολύβδινον, qu’on
fixe avant de placer les dernières bandes et non sur la peau même ; « par-dessus le
bandage, on ajoutera une petite chaussure en plomb, qui sera disposée comme l’étaient
les crépides de Chios », ὑποδημάτιον δὲ ποιέεσθαι μολύβδινον, ἔξωθεν τῆς ἐπιδέσιος
ἐπιδεδεμένον, οἷον αἱ χῖαι κρηπῖδες ῥυθμόν (HIPPO. IV, 266-268 (Litt.) = Art. 62).
Nous n’en savons guère plus – et déjà Galien ne savait plus qu’elle était la forme des
crépides de Chios, qui étaient peut-être déjà hors d’usage à l’époque d’Hippocrate166 –,
mais on a été tenté d’y voir « probablement une lourde chaussure de paysan, propre à
faire de longues marches, dans laquelle les clous de la semelle étaient remplacés par des
lamelles de plomb167 ». De fait, le terme κρηπίς désigne à plusieurs reprises des bottes
ou bottines, vraisemblablement cloutées, de soldat. Pollux en fait « le modèle porté par
l’armée, dénommé aussi harpides par certains poètes », τὸ μὲν φόρημα στρατιωτικόν,
ἔνιοι δ’ αὐτὰς τῶν ποιητῶν καὶ ἁρπίδας ὠνόμασαν (POLL. VII, 85). Déjà, chez
Théocrite, une certaine Gorgô évoque la difficulté qu’elle a eue à traverser la ville
(Alexandrie) pour rendre visite à son amie Praxinoa, entre la foule, les véhicules et les
soldats, ces derniers étant désignés non explicitement mais au moyen d’une métonymie
et d’une périphrase : « partout des crépides (bottes), des hommes portant la chlamyde »,
παντᾷ κρηπῖδες, παντᾷ χλαμυδηφόροι ἄνδρες (THEOCR. XV, 6), interprétation que
certains commentateurs contestent car ils voient dans les crépides un équipement
d’origine macédonienne utilisé aussi par les civils168. Athénée rapporte, en s’appuyant
sur les historiens Phylarchos et Agatharchides de Cnide, que les hétairoi, les
compagnons les plus proches d’Alexandre, vivaient dans le luxe et que l’un d’eux,
Hagnon, « portait des clous d’or sur [ses chaussures] », faisant une distinction claire
entre « ses crépides (bottes) et ses hypodêmata (certainement ses “sandales”) », Ἅγνων
χρυσοῦς ἥλους ἐν ταῖς κρηπῖσι καὶ τοῖς ὑποδήμασιν ἐφόρει (ATH. XII, 539c). Le fait
est connu également de Plutarque, à un détail près : « Hagnon de Téos […] portait des
crépides (bottes) à clous d’argent », Ἅγνωνα τὸν Τήιον ἀργυροῦς ἐν ταῖς κρηπῖσιν
ἥλους φορεῖν (PLUT. Alex. 40). Par ailleurs, dans le roman grec, les cavaliers
thessaliens portent, au cours d’une procession, « des crépides faites de lanières de cuir
rouge entrelacées, serrées au-dessus de la cheville », κρηπὶς μὲν αὐτοῖς ἱμάντι φοινικῷ
διάπλοκος ὑπὲρ ἀστραγάλων ἐσφίγγετο (HEL. Eth. III, 3, 2). Peutêtre faut-il
comprendre encore, lorsque le flatteur des Caractères dit à la personne qu’il
« accompagne pour l’achat de crépides que son pied a un galbe plus harmonieux que la
chaussure », συνωνούμενος δὲ κρηπῖδας τὸν πόδα φῆσαι εἶναι εὐρυθμότερον τοῦ
ὑποδήματος (THEOPH. Car. II, 7), qu’il parle de la forme d’une chaussure montante.
94Mais, nous le disions, le terme ne désigne parfois pas autre chose qu’une simple
sandale, c’est-à-dire une semelle dotée de lacets ou de courroies plates et
éventuellement équipée de boucles sur le côté pour l’attacher. Elle apparaît telle dans
l’anecdote bien connue du cordonnier et d’Apelle : « On dit aussi qu’il fut repris par un
cordonnier pour avoir fait, dans des sandales, une attache (ansa) de moins qu’il ne
fallait à la face intérieure (feruntque reprehensum a sutore, quod in crepidis una
pauciores intus fecisset ansas) ; le jour suivant, le même cordonnier, tout fier de voir
que sa remarque de la veille avait amené la correction du défaut, cherchait chicane à
propos de la jambe : alors Apelle, indigné, se montra, criant bien haut qu’un cordonnier
n’avait pas à juger au-dessus de la sandale (ne supra crepidam sutor iudicaret), mot qui
également passa en proverbe » (PLIN. XXXV, 85)169.
95Un passage d’Aulu-Gelle met, quant à lui, sur le même plan les termes grec et
latin crepides et soleae, associant bien notre modèle à une sandale qu’il décrit dans le
détail. Partant ainsi d’une anecdote selon laquelle le rhéteur Titus Castricius avait repris
ses élèves, appartenant à l’ordre sénatorial, sur leur manque de dignité dans le vêtement
et les chaussures, les enjoignant à ne pas être « en sandales » (soleatos) dans les rues de
Rome, Aulu-Gelle poursuit sur un long commentaire lexical, qui ne laisse aucun doute
sur le modèle :
Presque toutes les chaussures de ce genre qui couvrent seulement tout en bas la semelle
de la plante du pied, laissant le reste presque nu et lié par de jolis lacets, ont été
dites soleae et parfois d’un nom grec crepidulae.
Omnia enim ferme id genus, quibus plantarum calces tantum infimae teguntur, cetera
prope nuda et teretibus habenis170 uincta sunt, ‘soleas’ dixerunt, nonnumquam uoce
Graeca ‘crepidulas’ (AUL. GEL. N. Att. XIII, 22, 5).
On a appelé crepidas et crepidulas avec la première syllabe abrégée des chaussures du
genre de ce que les Grecs nomment κρηπῖδας et on dit crepidarios les cordonniers qui
fabriquent ces chaussures. Sempronius Asellio dit au livre XIV de ses Histoires171 :
« Il demanda un couteau à crépides à un cordonnier fabriquant de crépides ».
‘Crepidas’ et ‘crepidulas’ prima syllaba correpta id genus calciamentum
appellauerunt, quod Graeci κρηπῖδας uocant, eiusque calciamenti sutores ‘crepidarios’
dixerunt. Sempronius Asellio in libro rerum gestarum XIV : ‘Crepidarium, inquit,
cultellum rogauit a crepidario sutore’ (AUL. GEL. N. Att. XIII, 22, 7-8)172.
96Les attestations papyrologiques sont quant à elles trop peu précises pour nous éclairer
définitivement sur l’utilisation de telles chaussures dans l’Égypte ptolémaïque, même si
les destinataires des crépides sont Zénon lui-même (PCZ II, 63, l. 10, datée de 257 av.
J.-C. ?) et son collaborateur Sostratos (PCZ II, 77, l. 10, de 248 av. J.-C.), donc des
hommes d’un niveau social élevé173.

Modèles féminins
97Dans son Mime VII, Hérondas présente les femmes – en l’occurrence, certainement
des courtisanes, à considérer la liberté de ton du cordonnier à leur égard – comme de
grandes consommatrices de chaussures : « dites chacune ce que désire votre cœur, de
manière à vous rendre compte de ce que dévore de cuir une femme ou un chien », ὧν
ἐρᾷ θυμὸς | ὑμέων ἑκάστης εἴπατ’, ὡς ἂν αἴσθοισθε | σκυτέα γυναῖκες καὶ κύνες τί
βρώζουσιν (HER. VII, 61-63).

Askerai
98Platon et peut-être Cratinos (cité par Pollux) témoignent de l’utilisation de feutre ou
de toisons pour rembourrer les chaussures par grand froid174. Pollux fournit en outre le
terme ἀσκέρα pour désigner une « chaussure fourrée de poils, portée en hiver »,
ὑπόδημα λάσιον, χειμῶνος χρήσιμον (POLL. VII, 85). Pour la Souda, il s’agirait de
« chaussures attiques », ὑποδήματα Ἀττικά (Souda s.v.). On le rencontre peut-être,
d’ailleurs, employé seul, dans un inventaire de biens confisqués à Athènes vers 415 av.
J-C. (St. Att. II, 148 : ἀ] σκέρα). Le terme est rare175, les sources avares en description
mais nous pouvons affirmer qu’il ne s’agit pas toujours de ce que P. Chantraine
considère comme des « chaussures d’hiver doublées de fourrure », qu’on peut supposer
fermées, voire montantes (DELG s.v.), suivant Pollux et un fragment d’Hipponax où le
mot apparaît sous la forme du diminutif ἀσκερίσκον : le locuteur, miséreux et frigorifié,
demande au dieu Hermès des vêtements – manteau et tunique – et des chaussures –
sandales et askeriai, les deux étant donnés sous la forme hypocoristique : σαμβαλίσκα
κἀσκερίσκα (HIPPON. fr. 32, l. 4)176. En effet, chez Lycophron (IIIe siècle av. J.-C.), le
terme renvoie à un modèle féminin, utilisé seul et désignant les chaussures que Thésée
vole avec la ceinture de leur reine aux Amazones (LYC. Alex. 1322), ou associé à un
autre terme pour évoquer les sandales qu’Hélène portait à Troie, qu’elle consacra en ex-
voto après sa libération, τὰς δάμαρτος ἀσκέρας εὐμαρίδας, qu’il faut traduire sûrement
« les fines pantoufles fourrées de [l’]épouse <de Ménélas> » (LYC. Alex. 855). On est
loin, ainsi, des « chaussures (fourrées ?) flétries », voire « pourries », ἀσκέρας σαπρὰς
(HER. II, 21-23) que porte le pauvre Battaros, aux prises dans un procès avec un riche
armateur qui a endommagé sa maison et ravi une de ses filles.
Eumarides
99L’exemple précédent emprunté à Lycophron associe askerai et eumarides. Que
savons-nous de ces dernières ? Pour Pollux, « l’eumaris est une chaussure commune
aux hommes et aux femmes, d’origine barbare, fabriquée avec la peau de cerf (ou de
biche) », ἡ δὲ εὔμαρις κοινὸν ἀνδράσι πρὸς γυναῖκας, βαρβαρικὸν μὲν εὕρημα, ἐξ
ἐλαφῶν δὲ πεποιημένον (POLL. VII, 90). Apparaissant chez Eschyle, le mot désigne la
« sandale teinte de safran qui enferme le pied » de Darius, κροκόβαπτον ποδὸς εὔμαριν
ἀείρων (ESCHL Pers. 660-661). De même, chez Euripide, un esclave phrygien parle de
ses « babouches barbares », βαρβάροις εὐμάρισιν (EUR. Or. 1370-1371). On se
souvient qu’aux yeux des Grecs, le barbare oriental est un être empreint de langueur
féminine et que ses vêtements en sont une des marques. Une dernière occurrence
renvoie, pour le monde grec, à un modèle féminin : une épigramme funéraire
d’Antipater de Sidon (IIe siècle av. J.-C.) oppose ainsi la tenue des cyniques (besace,
bâton, double manteau et couverture pour faire un lit de sol) et « les tuniques agrafées,
le socque à haute semelle, la résille luisante » des femmes, ἀμπεχόναι περονήτιδες,
βαθύπελμος εὔμαρις, λιπόων κεκρύφαλος (A.P. VII, 413, l. 3-4).

Kothornoi (cothurnes)
100Les cothurnes sont des chaussures hautes destinées prioritairement aux femmes. Les
modèles à semelle haute étaient, du temps de Xénophon, un accessoire de séduction
féminine, si l’on en croit Ischomaque qui déconseille à sa femme de se montrer trop
sophistiquée et lui rappelle que la bonne épouse ne doit pas tricher avec la nature en se
montrant le visage fardé de céruse « sur de hauts souliers », ὑποδήματα δ’ ἔχουσαν
ὑψηλά (XEN. Eco. X, 2), pour corriger son teint et sa taille. Cer taines occurrences du
terme indiquent clairement un usage exclusivement féminin ou « efféminé » : si un
homme porte des cothurnes et revêt un chiton, c’est qu’il se met à la mode orientale,
peu virile pour un Grec ; il accepte ainsi de se grimer en femme. Hérodote rapporte en
effet l’anecdote selon laquelle Crésus, craignant que Cyrus ne détruise Sardes, lui aurait
donné des conseils pour rendre femmes les Lydiens, c’est-à-dire les rendre inoffensifs :
les hommes devaient « revêtir des tuniques par-dessous leurs manteaux et chausser des
cothurnes », κιθῶνάς τε ὑποδύνειν τοῖσι εἵμασι καὶ κοθόρνους ὑποδέεσθαι, et apprendre
à jouer des instruments à cordes (HDT I, 155). Ailleurs, c’est un homme, Alcméon, à
qui Crésus promet de donner autant d’or qu’il peut en porter sur lui, qui revêt les
cothurnes, non parce qu’il s’agit d’un usage courant, mais bien pour emporter la plus
grande quantité de pièces possibles. De fait, il endosse « un ample chiton dont il laiss[e]
une partie former à la ceinture une vaste poche retombante », et « chauss[e] les hautes
bottes les plus larges qu’il put trouver », κοθόρνους τοὺς εὕρισκε εὐρυτάτους ἐόντας
ὑποδησάμενος ; « il commen[ce] par entasser le long de ses jambes autant d’or que
pouvaient en contenir ses bottes », si bien qu’« il sor[t] du trésor traînant à peine ses
chaussures », πρῶτα μὲν παρέσαξε παρὰ τὰς κνήμας τοῦ χρυσοῦ ὅσον ἐχώρεον οἱ
κόθορνοι [...] ἐξήιε ἐκ τοῦ θησαυροῦ, ἕλκων μὲν μόγις τοὺς κοθούρνους (HDT VI,
125).
101Ce dernier exemple montre que les cothurnes devaient être en cuir souple, puisque
Alcméon les remplit et les gonfle comme des bourses. C’est ce qui explique sûrement
une particularité plusieurs fois signalée les concernant : ils étaient interchangeables et
pouvaient être portés à l’un ou l’autre pied. C’est, d’après Xénophon, ce qui valut à
Théramène le surnom de « cothurne », κόθορνος ἐπικαλεῖται· καὶ γὰρ ὁ κόθορνος
ἁρμόττειν μὲν τοῖς ποσὶν ἀμφοτέροις δοκεῖ (ΧΕΝ. Hell. II, 3, 31), pour avoir favorisé
l’établissement du régime des Quatre-Cents à Athènes en 411, puis avoir mené ensuite
le peuple contre eux – là où nous dirions qu’il a « retourné sa veste ». Hésychius
reprend dans sa notice cette particularité technique : κόθορνος· ὑπόδημα ἀμφοτέροις
τοῖς ποσὶ πεποιημένον (HESYCH. s.v.). On sait enfin, parmi les exemples d’accessoires
susceptibles d’incarner des personnages dans la comédie, qu’un chœur de « bottes »
(Kόθορνοι) a été créé chez Philonidès, dans une pièce éponyme visiblement hostile au
même Théramène177.
102Chez Aristophane, c’est un Dionysos efféminé, très imparfaitement déguisé en
Héraclès, qui se tient à la porte du héros, hilare devant un tel spectacle : le dieu porte
la léontê sur une crocote, une robe de femme couleur safran (λεοντῆν ἐπὶ κροκωτῷ
κειμένην). Héraklès de s’exclamer alors : « Que veut dire cela ? Que vient faire un
cothurne avec une massue ? », Τί κόθορνος καὶ ῥόπαλον ξυνηλθέτην; (AR. Gr. 46-47).
À l’inverse, le même Dionysos est dans la suite attaqué par des hôtelières qui sont dupes
de son déguisement et le prennent pour Héraclès. L’une d’elles dit alors fièrement : « Tu
ne t’attendais pas, parce que tu portais des cothurnes, à ce que je te reconnusse
encore ! », οὐ [...] με προσεδόκας, | ὁτιὴ κοθόρνους εἶχες, ἂν γνῶσαί σ’ ἔτι
(AR. Gr. 557). On pourrait voir dans le port de telles chaussures par le dieu Dionysos
un jeu autoréférentiel puisque les « cothurnes » sont les accessoires que portent les
acteurs tragiques178. Toutefois, notre corpus montre que c’est par les
termes embades et embatai que les Anciens désignaient aux époques qui nous occupent
de telles chaussures, certainement raffinées et à semelles hautes. La mollesse de ce
modèle de chaussures n’est d’ailleurs peut-être pas anodine : un passage
des Thesmophories montre de même le Parent d’Euripide se travestissant en femme et
recevant de l’individu efféminé Agathon différents accessoires, dont des chaussures ; il
s’inquiète alors de savoir « si elles [lui] iront », et ajoute à l’adresse d’Agathon : « Tu
n’aimes pas, n’est-ce pas, porter des chaussures trop relâchées ? », ἆρ’ ἁρμόσει μοι;
Χαλαρά γ’οὐ χαίρεις φορῶν (AR. Thesm. 262-263), comme si la faiblesse du maintien
de la chaussure était le propre d’un modèle féminin, pour ne pas dire le signe d’un
manque de virilité – un homme digne de ce nom se devant de mener des activités qui
exigent des chaussures assurant un maintien ferme.
Peribarides
103Les peribarides sont des chaussures de femmes séduisantes et coquettes,
élégamment vêtues, proches de figures de courtisanes. Dans Lysistrata, Cléonice définit
les femmes comme des êtres fardés, attifés de robes longues et droites (cimbériques) et
de péribarides ; l’héroïne éponyme compte bien, quant à elle, tirer profit des atours que
sont « les petites tuniques safranées, les parfums, les péribarides, le fard rouge, les
tuniques transparentes », τὰ κροκωτίδια καὶ τὰ μύρα καὶ περιβαρίδες | χἥγχουσα καὶ τὰ
διαφανῆ χιτώνια, pour soumettre les hommes à leur volonté (AR. Lys. 47-48).
Toutefois, les péribarides sont données comme plus simples et modestes que d’autres
σανδάλια précieusement ouvragés dans un fragment de Céphisodore (v. 400 av. J.-C.) :
« des sandales aux fentes minces, sur lesquelles se trouvent ces fleurs dorées. Mais en
réalité, en tant que servante, je n’ai que des péribarides », σανδάλιά τε τῶν
λεπτοσχιδῶν,| ἐφ’ οἷς τὰ χρυσᾶ ταῦτ’ ἔπεστιν ἄνθεμα. | νῦν δ’, ὥσπερ ἡ θεράπαιν’, ἔχω
περιβαρίδας (CEPHIS. fr. 4 K.-A. vol. IV, p. 65 = fr. 4 K. ; POLL. VII, 87). Pollux,
s’appuyant sur la citation qu’il fournit lui-même, en fait un « modèle plutôt réservé aux
servantes », περιβαρίς· θεραπαινίδων μᾶλλον τὸ ὑπόδημα (POLL. VII, 92).

Persikai (persiques)
104Selon Pollux, les « persiques » ou « modèle à la mode perse » seraient des
« chaussures propres aux femmes : une chaussure blanche, plutôt pour courtisanes »,
ἴδια δὲ γυναικῶν ὑποδήματα Περσικαί· λευκὸν ὑπόδημα, μᾶλλον ἑταιρικόν (POLL. VII,
92). Les papyrus n’en donnent pas d’attestation179. Les trois seules occurrences
littéraires connues, dans le théâtre d’Aristophane, ne permettent guère de s’en faire une
idée précise, si ce n’est qu’elles sont réservées à la gent féminine. Toutefois, le passage
des Nuées semble donner raison à Pollux : Socrate, aux dires de son disciple, a trempé
les pattes d’une puce dans de la cire pour mesurer son saut : la puce, ajoute-t-il, « fut
<alors> chaussée de persiques », περιέφυσαν Περσικαί (AR. Nu. 151). C’est
visiblement ici la couleur blanchâtre des prothèses de cire qui motive la métaphore.
Dans les Thesmophories et Lysistrata en revanche, l’auteur ne nous donne aucun détail
sur le modèle : le Parent d’Euripide, se rendant compte qu’une des femmes dissimulait
une outre de vin dans des vêtements d’enfant, s’écrie : « Qu’estceci ? La fillette est
devenue une outre pleine de vin... et avec cela chaussée de persiques », τουτὶ τί ἐστιν;
ἀσκὸς ἐγένεθ’ἡ κόρη | οἴνου πλέως καὶ ταῦτα Περσικὰ ἔχων (AR. Thesm. 733-734) ;
Lysistrata fait prêter à Cléonice le serment d’abstinence suivant : « Je n’élèverai pas au
plafond mes persiques », οὐ πρὸς τὸν ὄροφον ἀνατενῶ τὼ Περσικὰ (AR. Lys. 229-230).
Hésychius se contente de gloser ce dernier emploi au duel par la formule « chaussures
de luxe », εὐτελῆ ὑποδήματα (HESYCH. s.v. περσικά).

Une liste de chaussures de luxe pour femmes


105Dans le Mime VII d’Hérondas, le cordonnier Cerdon dresse la liste des noms de
chaussures qu’il propose à sa cliente, seize ou dix-huit modèles différents180 :
« Sicyone, Ambracie, jaune serin, unies, vert perroquet, espadrilles, mules, pantoufles,
ioniennes, montantes, sauts-de-lit, décolletées, rouge écrevisse, sandales, argiennes,
écarlates, à la jeune homme, pour la marche », Σικυώνι<α>, Ἀμβρακίδια, νοσ<σ>ίδες,
λεῖαι, | ψιττάκια, κανναβίσκα, βαυκίδ<ες>, βλαῦται, | Ἰωνίκ<α> (,) ἀμφίσφαιρα,
νυκτιπήδ<ηκ>ες, | ἀκροσφύρια, καρκίνια, σάμβαλ<α> (,) Ἀργεῖα, | κοκκίδες, ἔφηβοι,
διάβαθρα (HER. VII, 57-61)181. Ce sont des chaussures de luxe pour la plupart, si l’on
en croit la réaction de la cliente qui s’écrie : « Cette paire vaut une mine ! », μιῆς μνῆς
ἐστιν ἄξιον τοῦτο | τὸ ζεῦγος (HER. VII, 79-80), et complimente le commerçant sur le
fait que « [s]a boutique regorge de beaux et coûteux produits », τὸ στεγύλλιον | πέπληθε
δαψιλέων τε καὶ καλῶν ἔργων (HER. VII, 83-84).
106Outre le terme générique σάμβαλα et le nom d’un type de sandales sans doute plus
spécifiques, βλαῦται, on peut classer les termes de la liste – certains pouvant entrer dans
plusieurs catégories – de la manière suivante182 :
 termes indiquant le lieu d’origine – c’est-à-dire de création originale ou de
production – présumé du modèle (ou du matériau ?) : Σικυώνια, Ἰωνίκα
(ἀμφίσφαιρα), (σάμβαλα) Ἀργεῖα, peut-être Ἀμβρακίδια (cf. les « Laconiennes »
et « Amycléennes », infra) ;
 terme renvoyant à la couleur du cuir : νοσσίδες, ψιττάκια, καρκίνια, κοκκίδες ;
 par antonomase, terme renvoyant au nom d’un personnage illustre qui a rendu le
modèle célèbre ou à la catégorie de personnes portant ce modèle : νοσσίδες
(poétesse Nossis), Ἀμβρακίδια (Ambrakos ou Ambrakidès), βαυκίδες (Baukis,
amie de la poétesse Érinna), ἔφηβοι (pour les « jeunes gens ») ;
 terme renvoyant à une caractéristique technique dans la fabrication de la
chaussure : λεῖαι, κανναβίσκα, ἀμφίσφαιρα, νυκτιπήδηκες, ἀκροσφύρια,
διάβαθρα.
107Cette liste comprend des hapax (ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit de
termes inventés) et des termes connus par ailleurs (ce qui n’authentifie pas pour autant
ceux qui ne le sont pas). N’oublions pas que la virtuosité de l’auteur, qui cherche à
amuser son lecteur, n’a d’égale que celle du cordonnier, qui veut séduire et « en mettre
plein la vue » à ses clientes… mais soulignons aussi celle des commentateurs modernes
à trouver le sens de certains de ces mots. Nous en reprenons l’essentiel ici, par ordre
alphabétique :
 les ἀκροσφύρια, qu’Hésychius nomme άκροσφυρα, de ἀκρο-, « partie haute », et
σφυρόν, « cheville du pied », sont identifiées à des « chaussures montant
jusqu’au-dessus de la cheville » ou des « chaussures qui élèvent la cheville »,
donc à talon haut. Voir Russo 2004a, p. 167-168 et n. 58.
 les Ἀμβρακίδια ou Ἀμβρακίδες (POLL. VII, 94) tirent leur nom, de l’opinion
générale, de leur origine géographique : il s’agirait de « chaussures
d’Ambracie », une ville d’Épire. Voir Russo 2004a, p. 161 (et n. 25) et p. 165.
Neri 1994, p. 226, n. 34, formule l’hypothèse d’un personnage célèbre du nom
d’Ambrakos ou Ambrakidès.
 le terme ἀμφίσφαιρα (Hésychius donne ἀμφίσφυρα, probablement une falsa
lectio, retenue dans l’édition de la CUF et que donne aussi POLL. VII, 94, tandis
que les manuscrits donnent ἀμφίσφαιρα) se compose de la préposition ἀμφι-,
« autour », et du nom σφαῖρα, « objet de forme ronde ». Russo 2004a, p. 160-
161, propose de lire le nom avec l’adjectif Ἰωνίκα (hapax en ce sens) et y voit
des « bottines à décor ionien » (dotées de sphères, de volutes de part et d’autre),
plutôt que des babouches à pointe incurvée à l’orientale comme certains ont pu
proposer (et comme le modèle de sandales en cuir [mais d’époque copte !]
présenté pl. IX et p. 191-192 no 9a).
 les Ἀργεῖα, « chaussures de luxe pour femmes » pour Hésychius (s.v. ἀργεῖαι·
ὑποδήματα πολυτελῆ γυναικεῖα), sont les « chaussures à la mode d’Argos »,
« argiennes ». L’adjectif est rattaché dans certaines éditions à σάμβαλα.
 le terme βαυκίδες se rencontre initialement dans un fragment d’Aristophane (fr.
342 dans l’édition d’Oxford). La glose d’Hésychius n’est pas précise (« type de
chaussures féminines »), au contraire de celle de Pollux (αἱ δὲ βαυκίδες καὶ
βαυκίδια ἐλέγοντο· πολυτελὲς δ’ ἦν ὑπόδημα κροκοειδές :
« les baukides, appelées encore baukidia, sont des chaussures de luxe couleur
safran », POLL. VII, 94). Par ailleurs, l’adjectif βαυκός signifiant « délicat »,
« affecté », il s’agirait donc de « chaussures élégantes, sophistiquées », idéales
pour des courtisanes. C’est d’ailleurs dans ce même contexte qu’elles
apparaissent sous la plume du poète comique Alexis (dans Le bon poids, cité par
ATH. XIII, 568b), qui évoque en ces termes les artifices des courtisanes :
« L’une d’elle est trop petite ? Une semelle de liège est cousue dans
ses baukides. Cette autre se trouve-t-elle trop grande ? Elle porte des chaussures
sans talon (diabathra) et marche la tête enfoncée dans les épaules, ce qui la fait
paraître moins grande. » Toutefois, pour Cunningham, le nom dériverait de
Baukis, amie de la poétesse Érinna, hypothèse reprise avec réserve par Neri
1994, n. 24 et p. 227, et rejetée par Brancolini 1978, p. 228, n. 4. On peut
sûrement faire l’économie de telles explications en s’appuyant sur les textes
antiques.
 le terme βλαῦται, correction en général apportée au manuscrit qui donne
βλαυτία, ne laisse pas de doute quant au fait qu’il s’agit de sandales, ainsi qu’en
témoignent les lexicographes (POLL. VII, 87 : σανδαλίου τι εἶδος183 ;
HESYCH. s.v. βλαυτοῦν· ὑποδέειν. ἢ πλήσσειν σανδαλίῳ. οἱ δὲ
ὑποδήματι cf. βλαύρια (mais mss βλαύτια)· σανδάλια ; Souda s.v. βλαύτη· εἶδος
ὑποδήματος ; cf. βλαυτίοις· σανδαλίοις). L’expression βλαυτὰς σύρων prise par
Athénée à la Comédie moyenne se traduit assez bien par « faisant traîner ses
savates » (ATH. XII, 548c = Anaxilas fr. 18). Le modèle renvoie peut-être à des
chaussures souples d’intérieur (des « pantoufles ») que les textes littéraires
classiques mentionnent déjà : Aristodème raconte qu’il a rencontré Socrate « qui
sortait du bain et avait mis ses blautai, ce qui n’était guère dans ses habitudes »
avant de se rendre chez Agathon, λελουμένον τε καὶ τὰς βλαύτας ὑποδεδεμένον
ἃ ἐκεῖνος ὀλιγάκις ἐποίει (PLAT. Banq. 174a) ; le Charcutier se plaint d’être
trompé par Cléon et l’accuse d’être retors, d’avoir recours à des « tours de
singe », πιθηκισμοῖς (AR. Cav. 887), et des « flatteries », θωπείαις
(AR. Cav. 890) : « je t’emprunte tes procédés comme je recourrais à
tes blautai », τοῖσιν τρόποις τοῖς σοῖσιν ὥσπερ βλαυτίοισι χρῶμαι
(AR. Cav. 889). Il pourrait s’agir de sandales pourvues de nombreux lacets, d’un
système de courroies complexe, à l’image du réseau de mensonges que tisse
Cléon ; à moins qu’il ne faille comprendre « comme je me glisserais dans tes
pantoufles » (i.e. « avec aisance »), ce type de chaussure pouvant renvoyer aussi
par sa souplesse à l’idée de duperie. Athénée décrit enfin un modèle de luxe
porté par le peintre Parrhasios : « il a resserré les oreilles de ses blautai au
moyen d’attaches en or », χρυσοῖς τε ἀνασπαστοῖς ἐπέσφιγγε τῶν βλαυτῶν τοὺς
ἀναγωγέας (ATH. XII, 543f). Voir Russo 2004a, p. 159-160.
 les διάβαθρα seraient, si l’on suit le sens étymologique de διαβαίνω, des
chaussures idéales « pour la marche », car sans talon (cf. ATH. XIII,
568b, supra). Chez Alciphron, c’est un danseur qui les porte (ALCIPH. III, 46) :
profitant du sommeil des banqueteurs qui l’ont engagé pour égayer leur soirée, il
vole une nappe fine et, dans sa fuite précipitée, perd un de ses diabathra. Plaute
mentionne des diabathrarii (PLAUT. Aul. 513). Voir Russo 2004a, p. 168.
 le terme ἔφηβοι, pluriel de ἔφηβος, le « jeune homme », peut être perçu comme
une métonymie, bien qu’il s’agisse de modèles féminins ici. Peut-être Cerdon
cherche-t-il ici à faire sourire ses clientes en leur proposant de porter des
chaussures de jeune homme. Brancolini 1978, p. 233-234, propose d’y voir de la
flatterie envers des jeunes femmes désireuses de porter des chaussures de
garçon.
 l’hapax κανναβίσκα, issu de κάνναβις, le « chanvre », désigne
vraisemblablement des chaussures (partiellement ou totalement) réalisées avec
ce matériau. La documentation papyrologique tardive atteste un tissu en chanvre
(Ve/VIe siècle) de provenance inconnue, le terme κορδίκιον (papyrus
des IIIe et IVe siècles), qui pourrait désigner une chaussure faite en corde, et peut-
être une paire de chaussures en lin (papyrus du IVe siècle). Voir Russo 2004a,
p. 167. Pour d’autres, c’est la couleur du chanvre qui donne son nom à la paire
de chaussures (Neri 1994 p. 226, n. 31).
 le modèle nommé καρκίνια, qu’on rencontre par ailleurs chez Phérécrate (fr.
192 K.-A., vol. VII, p. 197 = 178 K.), connaît des interprétations plus variées. Si
l’on suit Hésychius, il s’agirait de « chaussures creuses, encaissées »
(HESYCH. s.v. καρκίνος· [...] καὶ ὑποδήματα κοῖλα), c’est-à-dire « montantes »
(traduction Bailly). Si le terme vient bien de καρκίνος, le « crabe » et, par
métaphore, certains objets comme une tenaille, un compas, il est toutefois
difficile d’établir ce qui motive la métaphore quant aux chaussures dont dérive le
nom (Russo 2004a, p. 164) : doit-on comprendre chaussures « de la couleur du
crabe, orange-rose » ? chaussures bifides, donnant au bout du pied l’aspect d’une
pince ? Ou encore est-ce parce que le nombre important de lacets jusqu’au
milieu du mollet donne l’aspect des téguments d’un crustacé ?
 l’hapax κοκκίδες sert à dénommer une paire de chaussures réalisée dans un cuir
à la teinte rouge (de κόκκινος, « rouge écarlate »). Voir Russo 2004a, p. 106-107
et p. 165.
 les λεῖαι, substantivation de l’adjectif λεῖος, « lisse » (pour des vêtements, du
marbre), « sans décor, uni » (inventaires d’offrandes), peuvent être des
chaussures « sans décor » comme des « chaussures à semelles lisses », sans
clous. Voir Russo 2004a, p. 166-167.
 les νο[σ]σίδες connues d’Hésychius pourraient tirer leur nom de l’oisillon, du
poussin (τὸ νεοττίον puis νοσσίον, diminutif de νεοσσίς) en raison de leur
couleur jaune. D’autres y voient plutôt une allusion à la poétesse Nossis. Voir
Russo 2004a, p. 162 et 165 pour les références.
 les νυκτιπήδ <ηκ>ες, de νυκτι-, « de nuit », et πηδᾶν, « bondir, s’élancer », sont
des « chaussons à enfiler au saut du lit », comme nos « pantoufles ». Voir Russo
2004a, p. 167.
 les Σικυώνια (voir aussi ATH. IV, 155c et HESYCH. s.v, qui précise que le
terme désigne aussi des bracelets, ψέλια) sont des modèles à la mode
sicyonienne ou dont le prototype fut créé à Sicyone, si l’on suit Pollux (POLL.
VII, 93 : τὰ δὲ Σικυώνια τὸ ὄνομα δηλοῖ τίνων τὸ εὕρημα). Voir Russo 2004a,
p. 160. Parmi les objets utiles à la déclamation à prendre avec soi en voyage, le
maître de rhétorique que met en scène Lucien préconise « de hautes sandales
attiques du genre que portent les femmes, avec de nombreuses fentes, ou bien
des embades Sicyoniennes coupées avec des bandes de feutre blanc », ἢ κρηπὶς
Ἀττικὴ γυναικεία, τὸ πολυσχιδές, ἢ ἐμβὰς Σικυωνία πίλοις τοῖς λευκοῖς
ἐπιπρέπουσα (LUC. M. Rh. 15).
 le terme ψιττάκια est glosé par Hésychius et la Souda respectivement sous les
formes ψιττάκ(ε) ια et ψιττακίαν, sans détail descriptif : ces « chaussures pour
femmes » pourraient tirer leur nom du perroquet, ψιττακός, en raison de leur
couleur. La même explication est donnée pour le modèle nommé φιττάκια (ou
φιττακίδες) par Pollux (POLL. VII, 94), certainement une varia lectio dont
l’origine s’expliquerait par sa couleur « vert pistache », de πιστάκιον. Voir
Russo 2004a, p. 163.

Modèles (essentiellement) masculins


Embades : chaussures du quotidien
108Si l’on s’en tient à une des leçons d’un passage de Xénophon, le mot peut désigner
des « bottes » ou des « souliers montés en botte, quelque chose comme ce qu’on appelle
des leggings184 »: on peut « armer » les jambes et les pieds du cavalier « aussi en
employant des houseaux de cuir, de ce cuir dont les crépides185 sont faites : on aurait
ainsi du même coup la jambe armée et le pied chaussé », ὁπλισθείη δ’ἂν καὶ ταῦτα εἰ
ἐμβάδες [ἐμβάται]186 γένοιντο σκύτους, ἐξ οὗπερ αἱ κρηπῖδες ποιοῦνται · οὕτω γὰρ ἂν
ἅμα ὅπλον τε κνήμαις καὶ ποσὶν ὑποδήματ’ἂν εἴη (XEN. Art. Eq. XII, 10). La littérature
scientifique utilise aujourd’hui ce nom pour désigner les bottines à rabats portées par le
Thrace (fig. 15), suivant en cela la glose de Pollux qui en fait une invention de ce
peuple : ἐμβάδες· θρᾴκιον δὲ τὸ εὔρημα (POLL. IV, 115)187.
109Le terme se rencontre toutefois principalement chez Aristophane pour désigner la
chaussure masculine portée par des vieillards ou les gens du peuple : les chaussures que
Philocléon revêt pour se rendre à l’Héliée sont ainsi nommées ἐμβάδες (AR. Gu. 103 et
275), mais les « souliers » de ses esclaves aussi (AR. Gu. 447) ; le Juste consacre au
dieu Ploutos (« Fortune »), avec son manteau, des « chaussures [qui] ont souffert avec
[lui] de l’hiver », τὰ δ’ ἐμβάδια [...] συνεχειμάζετο (AR. Pl. 847 et 941) ; Carion décrit
la foule des gens heureux qui entourent Ploutos, dans un vers de facture tragique mais
où le mot ἐμβάς, trivial, produit un effet comique188 : « Et résonnait sur la terre frappée
| le soulier des vieillards en leur marche rythmée », ἐκτυπεῖτο δὲ | ἐμβὰς γερόντων
εὐρύθμοις προβήμασιν (AR. Pl. 759).

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Fig. 15 - Peltaste thrace portant une alopekis, un manteau (zeira) et des embades. Coupe
attique à figures rouges dans la manière d’Onesimos, tondo (v. 470-460). Cambridge,
Harvard Art Museums/Arthur M. Sackler Museum, Bequest of David M. Robinson,
1959.219. Imaging Department © President and Fellows of Harvard College.
110On trouve encore le modèle bien plus tard, dans une épigramme votive de Julien,
préfet d’Égypte (VIe siècle apr. J.-C.), à côté des outils d’un jardinier (hoyau, serpe,
plantoir, pélerine contre la pluie…) : « ses bottes indéchirables en cuir de bœuf
naturel », τὰς ἀρρήκτους ἐμβάδας ὠμοβοεῖς (A.P. VI, 21, 4).
111Lorsqu’il décrit le vêtement des Babyloniens, Hérodote mentionne leurs chaussures
qui, « d’un type local, ressemblent aux embades béotiennes », ὑποδήματα ἔχων
ἐπιχώρια, παραπλήσια τῆσι Βοιωτίησι ἐμβάσι (HDT I, 195)189. Il doit par conséquent
s’agir de bottines. La suite de la description montre un rafinement certain dans le
costume et le choix des accessoires : tunique de lin longue sur laquelle les Orientaux
superposent une tunique de laine, léger manteau blanc, mitres ceignant leurs cheveux
longs, parfum sur le corps. La chaussure des Babyloniens devait donc s’inscrire dans
cette catégorie d’objets ostentatoires et de produits de qualité.

Laconiennes
112Le modèle apparaît dans deux pièces d’Aristophane. Dans les Guêpes, le terme est
prétexte à un jeu de mots et à un jeu de scène quand Bdélycléon, forçant son père à
modiier son allure générale en changeant de vêtements et de chaussures, lui enjoint de
retirer ses chaussures banales, ses « maudits souliers », ὑπολύου τὰς καταράτους
ἐμβάδας, pour « chausse[r] des laconiennes », τασδὶ δ’ ἁνύσας ; ὑπóδυθι τὰς
Λακωνικάς (AR. Gu. 1157-1158). Rappelant alors son hostilité à l’ennemi d’Athènes,
Philocléon s’insurge, mais cède malgré lui petit à petit devant l’insistance de son ils :
PH. — Moi ? Je ne consentirai jamais à me mettre aux pieds « De gens, nos ennemis,
les hostiles... semelles » ! ἐγὼ γὰρ ἂν τλαίην ὑποδήσασθαί ποτε | ἐχθρῶν παρ’ ἀνδρῶν
δυσμενῆ καττύματα.
BD. — Enfonce enfin, mon bon, et descends résolument sur le sol laconien, Ἔνθες
ποτ’, ὦ τᾶν, κἀπόβαιν’ ἐρρωμένος, | εἰς τὴν Λακωνικὴν ἁνύσας.
PH. — Tu me fais injure en faisant descendre mon pied en pays ennemi, Ἀδικεῖς γέ με |
εἰς τὴν πολεμίαν ἀποβιβάζων τὸν πόδα.
BD. — Allons, l’autre aussi, Φέρε καὶ τὸν ἕτερον.
PH. — Pour celui-là, non : un de ses doigts est tout à fait ennemi des Laconiens,
Μηδαμῶς τοῦτόν γ’, ἐπεὶ | πάνυ μισολάκων αὐτοῦ’ στιν εἷς τῶν δακτύλων. [...].
BD. — Chausse-toi enfin et finis-en, Ἅνυσσόν ποθ’ὑποδησάμενος (AR. Gu. 1159-1165
et 1168).
113Ce passage, tout délicieux soit-il, n’apporte pas d’informations relatives au modèle,
pas plus que celui des Thesmophories qui, tout au plus, réafirme qu’il s’agit de
chaussures masculines, puisque le Parent s’adresse à Agathon, « l’homme-femme », et
s’interroge sur son ambiguïté androgyne : « Où est ton membre ? Où ton manteau ? Où
tes laconiennes ? Alors tu es femme ? », Καὶ ποῦ πέος; Ποῦ χλαῖνα; Ποῦ Λακωνικαί; |
Ἀλλ’ ὡς γυνὴ δῆτ<α> (AR. Thesm. 142-143).

Embades et laconiennes (homme) vs persiques et cothurnes (femmes)


114Cemarquage générique de l’objet se retrouve nettement dans l’Assemblée des
femmes. On y trouve en effet la répartition des attributs virils et féminins suivante :
115-les hommes ou les femmes grimées en hommes par ruse portent des embades et
laconiennes (équivalentes), associées au manteau et au bâton, ainsi qu’au port de la
barbe ;
116-les femmes, ou les hommes grimés en femmes par nécessité, revêtent persiques et
cothurnes, associées à la crocote et au petit châle.
Une femme à Praxagora : « Ne vois-tu pas Mélistiché, femme de Smicythias, qui se
dépêche dans ses embades ? », σπεύδουσαν ἐν ταῖς ἐμβάσιν (AR. A.F. 47) ;
Praxagora aux femmes : « Vous avez des laconiennes et des bâtons, ainsi que les
manteaux de vos maris », λακωνικὰς γὰρ ἔχετε καὶ βακτηρίας | καὶ θαἰμάτια τἀνδρεῖα
(74-75) ; puis « chaussez au plus vite vos laconiennes, comme vous le voyez faire à
votre mari chaque fois qu’il doit se rendre à l’Assemblée ou sortir », ὑποδεῖσθε δ’ ὡς
τάχιστα τὰς Λακωνικὰς,| ὥσπερ τὸν ἄνδρ’ ἐθεᾶσθ’, ὅτ’ εἰς ἐκκλησίαν | μέλλοι βαδίζειν
ἢ θύραζ’ἑκάστοτε (269-271).
Blépyros paraît sur scène vêtu de la crocote (332) et des sandales persiques (319) de sa
femme ; il raconte à un homme comment à l’aube il s’est aperçu de l’absence de sa
femme et de la disparition de ses vêtements : « Je cherche à saisir mes embades dans
l’obscurité, ainsi que mon manteau », τὰς ἐμβάδας ζητῶν λαβεῖν ἐν τῷ σκότῳ | καὶ
θοἰμάτιον (314) ; ces chaussures sont appelées, par le même Blépyros, « laconiennes »,
τὰς ἐμὰς Λακωνικὰς (345). Contraint de sortir de chez lui par une envie irrépressible
d’uriner, il revêt le « mantelet de [s]a femme et traîne à [s]es pieds ses persiques », τὸ
τῆς γυναικὸς ἡμιδιπλοίδιον,| καὶ τὰς ἐκείνης Περσικὰς ὑφέλκομαι (317-319), qu’il
nomme aussi « cothurnes », τὼ κοθόρνω (346). Un autre homme se voit aussi dépouillé
par sa femme de ses vêtements : « ma conjointe a disparu avec le manteau que je
portais. Et ce n’est pas ce qui me chagrine, mais elle a emporté aussi mes embades »,
φρούδη’ στ’ ἔχουσα θοἰμάτιον οὑγὼ’ φόρουν. | Κοὐ τοῦτο λυπεῖ μ’, ἀλλὰ καὶ τὰς
ἐμβάδας (341-342).
Après que les femmes l’ont emporté à l’assemblée, elles doivent reprendre leurs habits
de peur que leur stratagème ne soit dévoilé. Praxagora encourage donc ses camarades à :
« jeter les manteaux de laine », à « se débarrasser des embades » et de leur bâton ; elle
enjoint l’une d’elles à « relâcher les nœuds des courroies laconiennes », ῥιπτεῖτε
χλαίνας, ἐμβὰς ἐκποδὼν ἴτω, | χάλα συναπτοὺς ἡνίας Λακωνικάς (507-508).
Blérypos interroge sa femme Praxagora sur sa sortie nocturne et sur ses raisons de s’être
emparée de ses laconiennes et de son bâton. Elle lui répond : « C’est pour garantir le
manteau que j’ai fait un échange de chaussures : je t’imitais en marquant le pas avec
bruit », ἵνα θοἰμάτιον σώσαιμι, μεθυπεδησάμην | μιμουμένη σε καὶ κτυποῦσα τοῖν
ποδοῖν (542-543).
Cas particulier : embades et embatai, chaussures portées par les acteurs
117Nous l’avons signalé plus haut : les chaussures à usage scénique étaient désignées en
grec par les termes embades ou embatai, alors que nous avons coutume de les appeler
« cothurnes », selon un usage qui remonte à l’époque romaine. Pollux fait état de
l’usage des deux termes, kothornoi et embades, du moins à son époque, quand il s’agit
d’un accessoire de tragédie (καὶ τὰ ὑποδήματα κόθορνοι μὲν τὰ τραγικὰ καὶ ἐμβάδες,
POLL. IV, 115), bien que la synonymie entre les deux mots ne soit que partielle :
« embades : chaussures au coût faible, d’origine thrace, semblables aux cothurnes bas (=
à talon plat), ἐμβάδες· εὐτελὲς μὲν τὸ ὑπόδημα, Θρᾴκιον δὲ τὸ εὕρημα, τὴν δὲ ἰδέαν
κοθόρνοις ταπεινοῖς ἔοικεν (POLL. VII, 85). Il réserve le terme embatai aux
« chaussures des acteurs comiques », ἐμβάται δὲ ὄνομα τοῖς κωμικοῖς ὑποδήμασιν
(POLL. VII, 91 et IV, 115). Les auteurs latins emploient quant à eux
l’emprunt cothurnus pour désigner tout aussi bien des bottes de chasseurs (CIC. Fin. 3,
46 ; VIRG. Buc. 7, 32 ; JUV. Sat. 6, 105) que les chaussures des acteurs tragiques
(HOR. Art P. 280) dont elles deviennent la métonymie (cothurnus prenant le sens de
« tragédie » en HOR. Art P. 80, ou de « sujet, style tragique, sublime » chez Juvénal,
Quintilien, Virgile).
118Or, Adaios de Mytilène (d’époque inconnue), dans une épigramme funéraire à
Euripide, clame que le tombeau du poète n’est pas le monument devant lequel il se
trouve, mais que « ce sont les journées consacrées à Bacchus et les scènes que frappe
l’embas tragique », τὰ Βάκχου | ἤματα καὶ σκηνὰς ἐμβάδι ῥησσομένας (A.P. VII, 51, 5-
6). Chez Lucien, Damis fait la liste des accessoires de l’acteur tragique : « les masques
des dieux, leurs embatai, leurs tuniques traînantes, leurs chlamydes, leurs manches,
leurs plastrons ainsi que tous les autres accessoires », τὰ πρόσωπα τῶν θεῶν καὶ τοὺς
ἐμβάτας καὶ τοὺς ποδήρεις χιτῶνας καὶ χλαμύδας καὶ χειρῖδας καὶ προγαστρίδια καὶ
τἆλλα (LUC. Z. trag. 41) ; Mycille imagine un acteur tragique faisant une chute : la tête
de l’acteur est en sang, ses jambes si dénudées qu’on voit ses vêtements de dessous,
misérables haillons, « ainsi que la semelle de ses embatai, fort laide et mal adaptée à
son pied », καὶ τῶν ἐμβατῶν τὴν ὑπόδεσιν ἀμορφοτάτην καὶ οὐχὶ κατὰ λόγον τοῦ ποδός
(LUC. Songe 36). Cette dernière remarque insiste sur la partie à nos yeux
caractéristique du cothurne de la tragédie, des semelles épaisses inadaptées à la marche
mais aptes à grandir l’acteur, et dont l’aspect disgracieux était dissimulé par la robe. On
les aperçoit parfois cependant, comme sur le cratère en calice sicilien de Glasgow 190.
119La littérature d’époque impériale fournit des descriptions de chaussures très
luxueuses associées au théâtre, dans des contextes empreints d’une ostentation bien
marquée. Plutarque nous informe que Démétrios (337-283) « étalait sur sa personne un
véritable appareil de tragédie », ἦν δ’ ὡς ἀληθῶς τραγῳδία μεγάλη περὶ τὸν Δημήτριον :
outre des vêtements et une coiffure exceptionnels, « il s’était fait faire
des embades dans lesquelles la pourpre pure était incorporée au feutre et qui étaient
brochées d’or », περὶ τοῖς ποσὶν ἐκ πορφύρας ἀκράτου συμπεπιλημένης χρυσοβαφεῖς
πεποιημένον ἐμβάδας (PLUT. Dém. 41, 6). Lors d’un banquet luxueux décrit par
Athénée, au cours duquel a lieu une procession de chars, on reconstitue sur l’un d’eux le
retour d’Inde de Dionysos, vêtu d’une robe pourpre, d’un thyrse et d’une guirlande de
lierre et de vigne en or, et d’« embades aux coutures d’or », ὑπεδέδετο δ’ἐµβάδας
χρυσορραφεῖς (ATH. V, 200d). Lucien décrit l’entrée en scène d’un homme « portant
des embades dorées et la robe d’un tyran », χρυσᾶς ἐμβάδας ἔχων καὶ ἐσθῆτα
τυραννικήν (LUC. Pseud. 19).

Amuklaides (amyclées)
120On sait peu de choses sur les amyclées, qui portent le nom de leur ville d’origine en
Laconie, par antonomase, d’après les lexicographes : δηλοῖ δὲ κλήσει τὸν τόπον (POLL.
VII, 88) ; εἶδος ὑπόδηματος […]Λακωνικοῦ (HESYCH. s.v. Ἀμυκλᾶιδες). L’inventaire
des « Stèles attiques », ensemble d’inscriptions enregistrant la vente des biens de
propriété confisqués à Alcibiade et autres riches Athéniens condamnés pour sacrilège
après 415-414 (les « Hermocopides »), répertorie de « vieilles amyclées » [ἀ] μυκλάιδια
| [π]αλαιά (St. Att. II, 203-204). Ce sont des chaussures de luxe (εἶδος ὑποδήματος
πολυτελοῦς, écrit Hésychius), portées pour de grandes occasions, ainsi qu’en atteste le
seul exemple littéraire que nous ayons conservé : le paysan Boucaios, qui s’est épris de
Bombyca, s’imagine être consacré avec elle à Aphrodite, elle portant des flûtes, une
rose et une pomme, « et [lui] un beau costume, des amyclées neuves aux pieds », σχῆμα
δ’ἐγὼ καὶ καινὰς ἐπ’ἀμφοτέροισιν ἀμύκλας (THEOCR. X, 35).

Endromides
121Dans les contextes mythologiques, les endromides sont une sorte de chaussure mi-
haute (d’où la traduction habituelle par « brodequin »), maintenant bien la cheville,
portée pour la course. C’est le modèle que portent, chez Callimaque, Iris quand elle se
déplace (CALL. Dél. 237-238 : Iris dort « sans défaire jamais sa ceinture ni ses sandales
de course », οὐδέ ποτε ζώνην ἀναλύεται οὐδὲ ταχείας | ἐνδρομίδας), ou Artémis à la
chasse (CALL. Artém. 16-17 : vingt servantes « qui prendront soin de mes chaussures
de chasse », αἵ τε μοι ἐνδρομίδας [...] | εὖ κομέοιεν), comme, d’ailleurs, dans une
épigramme anonyme : « Artémis, qu’as-tu fait de ton arc, du carquois pendu à ton
épaule et de tes chaussures, ces brodequins de Lycastos191 ? », Ἄρτεμι, ποῦ σοι τόξα,
παραυχενίη τε φαρέτρη; | ποῦ δὲ Λυκαστείων ἐνδρομὶς ἀρβυλίδων (A. Plan. 253).
122Pollux, qui confirme cette association à la déesse chasseresse (αἱ δὲ ἐνδρομίδες, ἴδιον
τῆς Ἀρτέμιδος τὸ ὑπόδημα, POLL. VII, 93), les définit bien comme les « chaussures des
athlètes », celles que portent « les coureurs » : ἀθληταῖς δ’ ἂν προσήκοιεν καὶ αἱ
ἐνδρομίδες· οὕτω δ’ ἐκαλοῦντο τὰ τῶν δρομέων ὑποδήματα (POLL. III, 155).
123Le terme a pu désigner, au moins à époque plus récente, la chaussure montante du
soldat, aux semelles robustes, certainement cloutées, et aux attaches solides : ainsi
conseille-t-on « contre les panneaux posés sur les fosses et les chausse-trapes enterrées,
<de> faire marcher en éclaireurs des hommes chaussés de brodequins », πρὸς δὲ τὰς
βόθροις ἐπιτιθεμένας θύρας καὶ τοὺς τριβόλους τοὺς καταβαλλομένους ἐνδρομίδας
ἔχοντας ὑποβαίνειν (PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, D44 [= 100, 6-8])192.
Arbulê/arbulis
124Le terme ἀρβύλη est attesté dès l’époque classique, notamment chez les Tragiques :
c’est une demi-botte solide, utilisée par les soldats, les voyageurs, les chasseurs,
globalement les marcheurs qui doivent arpenter des terrains sans chemins.
125Chez Eschyle, Agamemnon demande qu’on lui « délie promptement [s]es bottines,
servantes du pied pour qui les chausse » pour entrer avec Clytemnestre dans son palais
en marchant sur des tapis, ὑπαί τις ἀρβύλας | λύοι τάχος, πρόδουλον ἔμβασιν ποδός
(ESCHL. Ag. 944-945). Euripide l’emploie à plusieurs reprises : ici, ce sont les femmes
du Chœur qui, à leur arrivée au palais après avoir parcouru les chemins de l’Argolide,
chantent : « Silence silence, que la pointe de vos bottines se pose légère, sans bruit »,
Σῖγα σῖγα, λεπτὸν ἴχνος ἀρβύλης | τίθετε, μὴ κτυπεῖτ<ε> (EUR. Or. 140) ; là, le poète
oppose aux sandales dorées d’Hélène (EUR. Or. 1468-1469), de luxe et d’intérieur, les
chaussures de marche résistantes et plus frustes d’Oreste : « Oreste avança d’un pas sa
bottine mycénienne » en direction d’Hélène pour la tuer, Μυκηνίδ’ ἀρβύλαν προβάς
(EUR. Or. 1470) ; ailleurs encore, Penthée part en expédition, bien chaussé, dans les
montagnes pour aller chercher les Ménades, qui le déchiquètent : « l’une emportant un
bras, une autre un pied avec les bottines », ἔφερε δ’ ἣ μὲν ὠλένην, | ἣ δ’ ἴχνος αὐταῖς
ἀρβύλαις (EUR. Bac. 1133-1134).
126Dans le passage précédemment cité concernant le pied bot, Hippocrate précise que
« quand il s’agit de chausser l’enfant, les chaussures les plus convenables seront
les arbulai (Littré traduit « brodequins »), appelées « chaussures pour marcher dans la
boue » ; ce sont celles qui cèdent le moins au pied et auxquelles le pied cède le plus ; on
peut aussi se servir du mode crétois de chaussures », ὅταν δὲ ἐς ὑποδήματος λόγον
ἴῃ193, ἀρβύλαι ἐπιτηδειόταται αἱ πηλοπάτιδες καλεόμεναι· τοῦτο γὰρ ὑποδημάτων
ἥκιστα κρατέεται ὑπὸ τοῦ ποδὸς, ἀλλὰ κρατέει μᾶλλον· ἐπιτήδειος δὲ καὶ ὁ κρητικὸς
τρόπος τῶν ὑποδημάτων (HIPPO Litt. IV, 268 = Art. 62). Galien fournit à ce passage
deux indications complémentaires : l’une, dans son glossaire, précise que
les arbulai sont des « chaussures profondes », c’està-dire hautes, ὑποδήματα
βαθέα194 ; il explique en outre, dans son commentaire, que « l’arbulê est une chaussure
creuse et embrassant exactement tout le pied jusqu’aux chevilles ; cela résulte de ce
qu’Hippocrate lui-même ajoute, à savoir qu’elles sont dites “chaussures pour la
boue” »195. Nous ne savons rien, du reste, des chaussures crétoises.
127L’arbulê est aussi la chaussure portée à la campagne, à en croire le narrateur d’un
poème de Théocrite qui s’y rend avec deux amis et rencontre un « original », nommé
Lykidas et dépeint comme un chevrier : « En marchant, [il] fai[t] chanter au choc de
[s]es chaussures toutes les pierres du chemin ! », Ὥς τευ ποσὶ νισσομένοιο | πᾶσα λίθος
πταίοισα ποτ’ ἀρβυλίδεσσιν ἀείδει (THEOCR. VII, 25-26).
128Hésychius présente, outre la leçon ἀρβύλαι (sans toutefois préciser ni la forme ni la
fonction de ce modèle de chaussures), les termes ἄρμυλα, « chaussures, à Chypre »,
ὑποδήματα Κύπριοι, et ἀραβύλας, « sortes de chaussures grossières et non grecques »,
ὑποδήματος εἴδη φορτικὰ καὶ βαρβαρικά, ce dernier désignant vraisemblablement un
autre modèle, bien que la forme paronymique ait été associée à ἀρβύλη196.
129Ildoit s’agir, en dernière analyse, de chaussures solides, lacées haut (jusqu’aux
chevilles), donc normalement difficiles à perdre, comme la citation des Bacchantes le
suggère ainsi que ces vers de Léonidas de Tarente (IIIe siècle av. J.-C) présentant un vieil
Anacréon qui, « de ses chaussures, a perdu l’une tant il est ivre, [tandis que] l’autre reste
ajustée au pied amaigri », δισσῶν δ’ ἀρβυλίδων τὰν μὲν μίαν οἷα μεθυπλὴξ | ὤλεσεν· ἐν
δ’ ἑτέρᾳ ῥικνὸν ἄραρε πόδα (A. Plan. 306).

Konipodes
130Dans un passage d’Aristophane, c’est un Géron métamorphosé et « endimanché »
qui est décrit par la Femme héraut alors qu’il paraît à un banquet raffiné : « Géron
s’avance en manteau de laine et en fines sandales [...], ses gros souliers gisent là et son
sarrau est jeté au rebut », Γέρων δὲ χωρεῖ χλανίδα καὶ κονίποδα ἔχων [...], ἐμβὰς δὲ
κεῖται καὶ τρίβων ἐρριμμένος (AR. A.F. 848) : le contexte évoque clairement une
chaussure élégante et légère, qui ne couvrait peut-être qu’une partie du pied, modèle
qu’on retrouve sur la liste des biens précieux des « Stèles attiques », sous la forme très
restituée cependant [κονί]ποδες (St. Att. VI, 38). Pollux se souvient vraisemblablement
de l’auteur comique lorsqu’il écrit « les konipodes sont des chaussures fines de
vieillards », οἱ δὲ κονίποδες λεπτὸν ὑπόδημα πρεσβυτικόν (POLL. VII, 86).
L’étymologie, renvoyant à κόνις, « poussière » ou « cendre », n’est guère éclairante.

Karbatinai
131Le caractère rustique de telles chaussures – rendu souvent au moyen de diverses
traductions (« galoches », « sabots », « chaussures rustiques ») – est très net197. Pollux
s’en souvient et en donne une origine ethnique : « La karbatinê est une chaussure
rustique, qui tire son nom des Cariens », καρβατίνη μὲν ἄγροικον ὑπόδημα. κληθὲν ἀπὸ
Καρῶν (POLL. VII, 88). Mais il faut toutefois y voir la forme substantivée de l’adjectif
καρβάτινος, « fait en peau », emprunté en latin et encore usité par Catulle : « Avec la
langue que tu as [...], tu pourrais lécher les culs et les sandales faites de peaux » (« de
cuir grossier », CUF), ista cum lingua [...] possis culos et crepidas lingere
carpatinas (CATU. 96, 4). Hésychius en fait une « chaussure rustique à une seule
semelle, de peu de prix », καρβατίνη· μονόπελμον καὶ εὐτελὲς ὑπόδημα ἀγροικικόν, et
donne le terme καρπάτινον, « chaussures rustique faite d’une seule peau », ἀγροκικὸν
ὑπόδημα μονόδερμον (HESYCH. s.v.). Qu’en est-il dans les textes ?
132Longus renvoie bien le modèle au monde de la campagne, puisque c’est un
« vieillard », croisé par Daphnis et Chloé au moment des vendanges, qui porte « aux
reins une fourrure, aux pieds des karbatinai (« sandales de cuir », CUF), une besace à
l’épaule, fort vieille », πρεσβύτης σισύρας ένδεδυμένος, καρβατίνας ὑποδεδεμένος,
πήραν ἐξηρτημένος, καὶ τὴν πήραν παλαιάν (LONG. II, 3, 1).
133C’est encore le terme qu’emploie Xénophon lorsqu’il évoque le moment où les
troupes grecques se trouvent bloquées par la neige en Arménie et que les soldats, ayant
abandonné leurs vieilles paires usées, sont contraints de se fabriquer des chaussures de
fortune, « karbatinai (« sandales rustiques », CUF) faites avec des peaux de bœufs
récemment écorchés », ἦσαν [...] καρβάτιναι πεποιημέναι ἐκ τῶν νεοδάρτων βοῶν, ce
qui d’ailleurs occasionne des blessures si les hommes ne se déchaussent pas au moment
de se coucher, pensant ainsi se protéger les pieds du froid : « les courroies [alors]
entraient dans les chairs et les semelles se recroquevillaient autour des pieds »,
εἰσεδύοντο εἰς τοὺς πόδας οἱ ἱμάντες καὶ τὰ ὑποδήματα περιεπήγνυντο (XEN. An. IV,
5, 14)198.
134Lucien les mentionne à deux reprises au moins comme des chaussures grossières de
barbares. Ainsi, un « barbare venu du pays des Hyperboréens port[e]
des karbatinai (« grosses galoches », CUF) comme seuls en ont les gens de cette
région », τὸν ξένον τὸν βάρβαρον ἐξ Ὑπερβορέων... ὑποδεδεμένον γε καρβατίνας, οἷα
μάλιστα ἐκεῖνοι ὑποδοῦνται (LUC. Phil. 13). Au cours d’une cérémonie à mystères,
deux groupes d’assistants venus du nord de la Galatie acclament Alexandre : ils
apparaissent en costume de maître initiateur, « les Paphlagoniens “Harmonieux” et
“Hérauts” chaussés de karbatinai (« gros sabots », CUF) », Εὐμολπίδαι καὶ Κήρυκές
τινες Παφλαγόνες καρβατίνας ὑποδεδεμένοι (LUC. Alex. 39) ; le caractère rustique et
grossier de ces gens est encore souligné par le détail de leur haleine fort chargée.
135Le terme, enfin, désigne chez Aristote les « protections de cuir dont on chausse les
chameaux (αἱ κάμηλοι) lorsqu’ils ont mal au pied », τὰς εἰς πόλεμον ἰούσας ὑποδοῦσι
καρβατίναις, ὅταν ἀλγήσωσιν (ARIST. H.A. II, 1, 499a 28-30), dont le dessous est
charnu (σαρκώδης) comme chez les ours, en enveloppant simplement leurs sabots199.
Pline reprend l’information : « la plante [du chameau] est charnue comme celle des
ours, aussi les longues courses le fatiguent-elles si on ne le munit pas de
chaussures », pes in uestigio carnosus ut ursi, qua de causa in longiore itinere sine
calceatu fatiscunt (PLIN. XI, 254). Cette fois encore, le mot grec désigne ce qui sert à
couvrir le pied et qui est réalisé grossièrement, qu’il s’agisse de la mauvaise qualité du
« cuir » utilisé et/ou de la conception et de la forme générale de l’objet.

Le prix des chaussures


136Les témoignages apparaissent dans la littérature classique, qui montrent que la
possession d’une paire de chaussures – ou du moins d’une paire en bon état, qui remplit
bien son office – est perçue comme un bienfait qui n’est visiblement pas donné à tout le
monde.
137À plusieurs reprises chez Aristophane, un personnage réagit avec colère contre un
autre du fait de la perte du bien de valeur que représentent ses chaussures. Ainsi,
Strepsiade rétorque au Coryphée qu’il ne voit pas comment il pourrait ne pas se
morfondre « lorsqu’[il] voi[t] fichus[s]es biens, [...] fichue [s]a chaussure », ὅτε μου |
φροῦδα τὰ χρήματα [...] | φρούδη δ’ ἐμβὰς (AR. Nu. 719) ; Phidippide réprimande son
père, revenu sans son manteau ni ses chaussures, qu’il a laissés en gage aux sophistes :
« et tes chaussures, où les as-tu fait passer, insensé que tu es ? », τὰς δ’ ἐμβάδας ποῖ
τέτροφας, ὦνόητε σύ; (AR. Nu. 858). Ce sont des cadeaux qu’on doit à un amant en
gage d’affection… ou pour le retenir. Ainsi, en réponse à la Vieille qui jure avoir reçu
des preuves d’amour de son jeune amant, comme des mots doux, Chrémyle rajoute des
chaussures : « Et puis sans doute il te priait pour des chaussures », ἔπειτ’ ἴσως ᾔτει σ’ἂν
εἰς ὑποδήματα (AR. Pl. 1012) ; elle-même a précisé auparavant à Carion qu’elle
entretenait son amant à qui « il arrivait de [lui] demander vingt drachmes d’argent pour
un manteau, huit pour des chaussures », ἀλλ’ ἀργυρίου δραχμὰς ἂν ᾔτησ’εἴκοσιν | εἰς
ἱμάτιον, ὀκτὼ δ’ἂν εἰς ὑποδήματα (AR. Pl. 983). Ce dernier prix est exceptionnel.
Enfin, on peut aisément acheter le peuple, comme le fait le Charcutier des Cavaliers, en
le gratifiant d’une paire de chaussures, cadeau de prix et utile s’il en est – même s’il
s’agit dans ce contexte de rivaliser avec le fournisseur en cuir qu’est le Paphlagonien, et
que les embades ne sont qu’une image des flatteries dont usent les démagogues200 :
CHARCUTIER — Moi je t’ai acheté la paire de souliers que voilà et je te la donne à
porter.
PAPHLAGONIEN — N’est-ce pas trop fort, en vérité, que des souliers aient tant de
pouvoir ?
ΑΛ — Ἀλλ’ ἐγώ σοι | ζεῦγος πριάμενος ἐμβάδων τουτὶ φορεῖν δίδωμι
ΠΑ — Οὐ δεινὸν οὖν δῆτ’ ἐμβάδας τοσουτονὶ δύνασθαι; (AR. Cav. 871-872 et 875-
876).
138Platon, par l’intermédiaire de Socrate, met « les maisons, les vêtements, les
chaussures au rang des choses nécessaires » de la cité idéale, τἀναγκαῖα [...] οἰκίας τε
καὶ ἱμάτια καὶ ὑποδήματα (PLAT. Rép. II, 373a), et il faut être bien avare pour « ne
s’en chausser qu’à partir de midi », τὸ μέσον τῆς ἡμέρας ὑποδουμένους
(THEOPH. Car. X, 14) en vue de les économiser ! De la même façon, le rustre « porte
des chaussures trop larges pour son pied », καὶ μείζω τοῦ ποδὸς τὰ ὑποδήματα φορεῖν,
et « garnit de clous ses souliers », εἰς τὰ ὑποδήματα δὲ ἥλους ἐγκροῦσαι, pour que leurs
semelles s’usent moins rapidement (THEOPH. Car. IV, 4 et 17), tandis que le
parcimonieux « porte des chaussures toutes rapetassées », τὰ ὑποδήματα παλιμπήξει
κεκαττυμένα φορεῖν (THEOPH. Car. XXII, 11).
139Nous disposons par ailleurs de quelques attestations en dehors de la littérature
satirique, mais peu nous fournissent le prix d’une paire de chaussures. Ischomaque, chez
Xénophon, conseille au maître d’acheter des chaussures de qualité variable (et donc de
coûts différents), en fonction de la qualité du travail de l’esclave : « Je dois fournir à
mes ouvriers des vêtements et des chaussures et je ne les fais pas faire tous pareils : les
uns sont moins bons, les autres meilleurs ; je puis ainsi récompenser les ouvriers les
plus capables avec les meilleurs et donner les moins bons aux moins capables », ἱμάτιά
τε γὰρ ἃ δεῖ παρέχειν ἐμὲ τοῖς ἐργαστῆρσι καὶ ὑποδήματα οὐχ ὅμοια πάντα ποιῶ, ἀλλὰ
τὰ μὲν χείρω, τὰ δὲ βελτίω, ἵνα ᾖ τὸν κρείττω τοῖς βελτίοσι τιμᾶν, τῷ δὲ χείρονι τὰ ἥττω
διδόναι (XEN. Eco. XIII, 10).
140Outre l’extrait d’Aristophane précédemment cité, où, pour un modèle non précisé
(mais il s’agit d’un cadeau exceptionnel pour acheter les faveurs d’un amant !), il faut
débourser huit drachmes, nous n’avons qu’un seul autre témoignage pour l’Attique à
l’époque classique. En 329/328, les comptes des inspecteurs (épistatai) d’Éleusis
montrent un paiement de chaussures pour dix-sept esclaves au prix de six drachmes par
paire (IG II2 1672, l. 105 : ὑποδήματα ΔΠ├├ ἀνδρᾶσι, Π├ τῷ ἀνδρί). Deux prytanies
plus tard, pour la réparation du même nombre de chaussures, un paiement de quatre
drachmes par paire (zeugos) est effectué (l. 190 : ὑποδημάτων δημοσίοις κάττυσις τοῦ
ζεύγους [...]├├├├)201.
141Les archives de Zénon apportent quelques estimations pour l’Égypte hellénistique :
des crépides pour Zénon lui-même (PCZ II, 63, l. 10, datée de 257 av. J.-C. ?) ou pour
son collaborateur Sostratos (PCZ II, 77v, l. 10, de 248 av. J.-C.) leur coûtent
respectivement trois drachmes de bronze et deux drachmes202 ; une paire de chaussures
de femme coûte quatre drachmes (P.Petr.2 13, de 238-237)203.
142Quant aux paires de chaussures de luxe que fabrique et vend le cordonnier
d’Hérondas, elles représentent des exemples exceptionnels, voire hyperboliques,
puisque le fabriquant fixe le prix d’une première paire – pour ne pas dire l’« arrondit » –
à une mine [d’argent] (HER. VII, 79-80 et 91), soit 100 drachmes204 ! Plus loin, on
apprend que la cithariste Évétéris offre cinq statères [ptolémaïques d’argent ?], soit 20
drachmes205, pour se procurer une autre paire, mais Cerdon ne la lui laisserait pas pour
quatre dariques, soit 80 drachmes, tant il la déteste (HER. VII, 9 et 102) ; il est prêt à
faire une faveur à ses clientes en vendant trois paires pour sept dariques, soit peut-être
l’équivalent de 140 drachmes (HER. VII, 106).
143On sent bien ici les limites de notre documentation, trop ponctuelle et éparse, et
souvent empruntée à la littérature satirique encline à l’hyperbole, pour nous permettre
d’établir quelque bilan ou comparaison, synchronique ou diachronique, que ce soit.

Les contenants
L’outre (ἀσκός)
Typologie et usages

144L’outre, ἀσκός206, est un ustentile quotidien hermétique, qui sert à contenir et


transporter des denrées liquides, vin, eau ou huile207, d’où son emploi figuré chez les
auteurs comiques pour désigner un homme qui mange et surtout boit à l’excès208. Dans
d’autres contrées (Afrique du Nord, Proche-Orient), intégrée à un dispositif à
balancement ou agitée à même le sol après fermeture de l’orifice, elle a pu et peut
encore servir de baratte ; mais la production de beurre n’étant pas une habitude en Grèce
antique où l’on produisait de l’huile d’olive, il est logique que cet usage ne soit pas
attesté209.
145C’est un contenant facile à transporter, fait d’un matériau souple et léger si on le
compare à d’autres (céramique, métal), idéal pour une consommation individuelle ou
réservée à un petit nombre. Qui plus est, elle peut être rangée après utilisation sans
exiger d’espace de stockage important. Il n’est donc pas rare d’en trouver l’attestation
dans des scènes de préparatifs de voyage ou de promenade, comme à plusieurs reprises
dans l’Odyssée, lorsque « la divine <Calypso> dépos[e] <à bord de l’esquif d’Ulysse>
une outre de vin noir, et une plus grosse d’eau », ἐν δέ οἱ ἀσκὸν ἔθηκε θεὰ μέλανος
οἴνοιο | τὸν ἕτερον, ἕτερον δ’ὕδατος μέγαν (Od. 5, 265-266) ; quand la mère de
Nausicaa dépose pour sa fille des vivres dans un panier (ἐν κίστῃ) et « remplit de vin
une outre en peau de chèvre », ἐν δ’ οἶνον ἔχευεν | ἀσκῷ ἐν αἰγείῳ (Od. 6, 77-78) ; ou
encore lorsqu’Ulysse, entreprenant une visite d’exploration dans l’île du Cyclope,
emporte avec lui « une grande outre pleine », ἐμπλήσας ἀσκὸν μέγαν, « une outre en
peau de chèvre, pleine d’un vin noir », αἴγεον ἀσκὸν […] μέλανος οἴνοιο, initialement
contenu dans des amphores, οἶνον ἐν ἀμφιφορεῦσι (Od. 9, 196, 204 et 212).
146Ces quelques exemples montrent qu’il existait des outres de différentes dimensions,
simplement parce qu’elles devaient être confectionnées principalement à partir de peaux
de caprins qui n’étaient pas fendues mais retirées d’une seule pièce210, afin d’éviter
toute couture : elles dépendaient donc de la taille de l’animal. Les plus petites d’entre
elles, désignées parfois par le diminutif ἀσκίδιον, fabriquées à partir de petits animaux
ou coupées dans une peau à la taille souhaitée et cousues, devaient s’approcher de nos
gourdes211. Pour les plus grands exemplaires toutefois212, on recourait à des peaux de
bovins (ou de dromadaire) nécessairement dépouillés par incision213, ou à plusieurs
peaux de caprins. On devait, pour ce type d’outres cousues, enduire de graisse les fils
employés pour la suture ou les coutures elles-mêmes214 afin d’assurer l’étanchéité
nécessaire du contenant215. À cette variété dans les tailles devait répondre une relative
hétérogénéité dans la qualité de la peau, même si, idéalement, on peut penser qu’étaient
privilégiées les peaux les plus souples, d’individus jeunes et/ou de caprins216. Toute
autre provenance de la peau relève de l’exceptionnel : ainsi, selon Athénée, dans le
cortège de la pompê de Ptolémée Philadelphe, Callixène de Rhodes signale une outre
gigantesque d’environ 40 hl, portée sur un char suivi de 120 satyres et silènes
couronnés ; elle contient le vin destiné à la foule et est réalisée à partir de peaux de
panthères cousues ensemble, ἀσκὸς τρισχιλίους ἔχων μετρητάς, ἐκ παρδαλῶν
ἐρραμμένος (ATH. V, 199a)217.
147Si, économiquement, l’outre présente un intérêt certain parce qu’elle « est
techniquement simple à réaliser, d’un entretien facile et d’un coût de production
relativement modique218 », elle présente toutefois des défauts quand il s’agit de
contenir du vin219, ce qui ne permet pas d’en faire un récipient adapté au transport à
longue distance ni au stockage de longue durée220. En effet, le vin tire du contact avec
la peau un mauvais goût221 ; il travaille une peau neuve, et si l’on met du vin nouveau
dans une vieille outre, la peau se distend, perd de son élasticité et finit par rompre222.
Par ailleurs, l’outre n’offre pas la facilité d’empilement des amphores ou des tonneaux
en raison de sa perméabilité à l’air : si l’on pose une outre pleine à plat, elle s’écrase et
l’exsudation du liquide qu’elle contient, sous l’effet de l’évaporation, s’accélère tant et
si bien qu’elle se vide223. Par conséquent, elle se transporte sous le bras ou à l’épaule,
sur le dos d’un animal, mais ne doit pas reposer sur une surface plane comme le plateau
d’un attelage, ce qui limite son usage commercial.
148Associée au vin, elle devient l’attribut des satyres et du banqueteur224, et même, par
un jeu de mot plaisant, la demeure de Dionysos225.

Systèmes de préhension, de fermeture et de suspension


149Marion Dabat, en se fondant sur les représentations figurées des outres sur les vases
grecs, établit la typologie suivante : il existait des outres sans poignées, semblables à des
sacs et ne présentant aucune trace de pattes, très certainement de petites dimensions ou
qu’on ne pouvait remplir totalement, qui étaient remplies et transportées par le cou ; des
outres avec poignées, que ces dernières fussent rajoutées après la fabrication ou
« taillées dans la peau de la queue ou des pattes » – outres à une poignée au niveau de la
queue, gardant les pattes arrière pour en augmenter la contenance, remplies par le cou et
vidées par les pattes qui étaient vraisemblablement ligaturées (fig. 16) ; outres, plus
rares et de grandes dimensions, à trois ou quatre poignées fixées au niveau de la queue
et des pattes arrière et avant, qui devaient être acheminées par des animaux sur les
longues distances à cause de leur poids (fig. 5)226.
150Le col des outres était fermé au moyen de cordons227. Souvent, ce procédé n’est
tangible dans les textes qu’à travers l’utilisation des verbes « lier/délier », l’exemple le
plus connu d’une ouverture malencontreuse du contenant étant celui de l’outre des vents
d’Éole que les compagnons d’Ulysse « délièrent » (ἀσκόν... | λῦσαν, Od. 10, 47-48) au
moment où il dormait parce que, pensaient-ils, elle contenait des richesses228. Au
détour d’une anecdote, Hérodote précise ce geste d’ouverture lorsqu’il raconte que, pour
faire diversion et récupérer le cadavre gardé de son frère, un jeune pilleur dispose
devant les postillons ses chameaux chargés d’« outres qu’il a préalablement remplies de
vin », ἀσκοὺς πλήσαντα οἴνου, puis « tire sur les cols de deux ou trois outres et défait
lui-même les nœuds qui les tenaient fermées », de manière à laisser s’écouler le vin,
ἐπισπάσαντα τῶν ἀσκῶν δύο ἢ τρεῖς ποδεῶνας αὐτὸν λύειν ἀπαμμένους· ὡς δὲ ἔρρεε ὁ
οἰνός (HDT II, 121). On notera dans cette occurrence l’emploi du terme ποδεών pour
désigner ce que nous traduisons par « col » au sens d’« embouchure », de « partie
étroite » assurant le passage du liquide, mais qui renvoie étymologiquement à la
« patte » de l’animal et montre bien que l’ouverture utilisée pour verser le contenu était
située au niveau d’un des membres inférieurs, tandis que le cou par lequel on
remplissait l’outre restait fermé229.
151Là où les images représentent très fréquemment ces cordons, on ne trouve qu’une
seule occurrence textuelle du terme ἀσκοδέτης : parmi divers moyens d’aspirer le venin
d’un serpent, on peut recourir aux cordons d’une outre pour s’en faire un garrot, l’outre
elle-même servant à reposer la partie du corps mordue, comme en atteste par ailleurs
son usage en médecine230.
D’autres fois, c’est une chèvre d’élevage dont la peau remplie de vin te rendra service
quand le coup aura atteint ta cheville ou ta main : en plein milieu de l’outre tu appuieras
l’avant-bras endolori, ou la cheville, et tu te serviras de ses cordons pour faire un garrot
dans la région des aines, en attendant que la force du vin ait de ton corps écarté la
souffrance.
Ἄλλοτε φορβάδος αἰγὸς ἐνίπλειον δέρος οἴνης | χραισμήσει τημοῦτος ἐπὴν σφυρὸν ἢ
χέρα κόψῃ· | ἀσκοῦ ἔσω βαρύθοντα μέσου διὰ πῆχυν ἐρείσας | ἢ σφυρὸν ἀσκοδέτῃσι
πέριξ βουβῶνας ἑλίξεις, | εἰσόκε τοι μένος οἴνου ἀπὸ χροὸς ἄλγος ἐρύξῃ (NIC. Thér.
925-929).
152C’est cette même cordelette bien serrée ou une des poignées cousues qui, du reste,
devait permettre d’accrocher l’outre à un arbre ou à tout autre support : ainsi en atteste
l’exemple pris à Hérodote – certes emprunté au merveilleux littéraire, mais comportant
une part de réalité – qui nous apprend qu’en Phrygie, à l’endroit même où jaillit le leuve
Catarractès, « est aussi suspendue l’outre [...] formée [...] de la peau de Marsyas écorché
par Apollon et suspendue par lui », καὶ ὁ τοῦ Σιληνοῦ Μαρσύεω ἀσκὸς ἀνακρέμαται,
[...] ὑπὸ Ἀπόλλωνος ἐκδαρέντα ἀνακρεμασθῆναι (HDT VII, 26).

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Fig. 16 - Détail d’une scène de komos : un jeune homme ithyphallique poursuivant une
hétaïre tient en main une outre à une poignée. Cratère à colonnettes à figures rouges
(v. 480-470). Cambridge, Harvard Art Museums/Arthur M. Sackler Museum, Bequest
of David M. Robinson, 1960.346. Imaging Department © President and Fellows of
Harvard College.
Le jeu de l’outre : askolia, askoliasmos
153Aristophane fait allusion dans Ploutos, par l’intermédiaire du personnage de Carion
qui s’adresse à un Hermès affamé et désœuvré, à un jeu qui demandait pour tout
équipement une outre : « Occupe tes jambes à sauter sur une outre ici, en plein air... »,
ἀσκολίαζ’ ἐνταῦθα πρὸς τὴν αἰθρίαν (AR. Pl. 1129). Nous pouvons tenter de préciser la
nature de ce jeu, notamment grâce aux scholiastes et lexicographes.
154Les scholies du passage cité indiquent que les « askolia sont une fête en l’honneur de
Dionysos ; après avoir rempli de vin une outre, on monte dessus sur un pied, et celui qui
tient debout remporte comme prix le vin », ou encore « une fête au cours de laquelle on
jetait par terre des outres gonflées, et on sautait dessus sur un seul pied. Qui tombait
provoquait le rire. Mais celui qui n’était pas tombé remportait l’outre remplie de
vin231 ». La notice de la Souda nous en indique d’autres règles :
<a>skoliazô232 : les Athéniens célébraient une fête, les <A>skolia, au cours de
laquelle ils sautaient sur des outres en l’honneur de Dionysos. La créature passait pour
l’ennemi de la vigne. <On trouve aussi l’impératif> « askoliaze » à la place de
« <danse> sur l’autre <jambe> »233 : au sens propre, askoliazein signifiait « sauter sur
une outre pour s’amuser ». Au milieu du théâtre, on apportait des outres gonflées et
enduites d’huile ; on tombait pour avoir sauté dessus. C’est ce qu’Eubule dit
dans Damalia234 : « Après ces <; exercices>;, poussez l’outre au milieu, sautez dessus
et riez aux éclats aux dépens de ceux qui tombent : tel est l’ordre ! »
<ἀ>σκωλιάζω· ἑορτὴν οἱ Ἀθηναῖοι ἦγον τὰ <᾿Α>σκώλια, ἐν ᾗ ἥλλοντο τοῖς ἀσκοῖς εἰς
τιμὴν τοῦ Διονύσου. Δοκεῖ δὲ ἐχθρὸν εἶναι τῇ ἀμπέλῳ τὸ ζῷον. Ἀσκώλιαζε δὲ ἀντὶ τοῦ
ἄλλου· κυρίως ἀσκωλιάζειν ἔλεγον τὸ ἐπὶ τὸν ἀσκὸν ἅλλεσθαι ἕνεκα τοῦ γελωτοποιεῖν.
Ἐν μέσῳ δὲ τοῦ θεάτρου ἐτίθεντο ἀσκοὺς πεφυσημένους καὶ ἀληλιμμένους εἰς οὓς
ἐναλλόμενοι ὠλίσθαινον· καθάπερ Εὔβουλος ἐν Δαμαλίᾳ φησὶ οὗτος· Καὶ πρός γε
τούτοις ἀσκὸν ἐς μέσον καταθέντες ἐνάλλεσθε καὶ καγχάζετε ἐπὶ τοῖς καταρρέουσιν
ἀπὸ κελεύσματος235.
155Le Mime VIII d’Hérondas, très fragmentaire, consistant en un récit de rêve qu’un
maître narre à ses esclaves, mentionne peut-être aussi une scène d’askoliasmos, puisque
l’homme prétend que « seul d’un si grand troupeau, il lui semblait réussir à sauter deux
fois, les autres l’encourage[ant] de leurs cris, [l]e voyant soutenu par la peau de
l’outre », δὶς μοῦ[νος] ἐκ τ[ό]σης λείης | ἐπ’ οὖν ἁλέσθαι κἠλάλαξαν ὥνθρω[ποι] | ὡς
μ’εἶδον ὁρθῶς τὴν δο[ρὴ]ν πιεζεῦσαν (HER. VIII, 45-47, trad. perso.), et avoir ainsi
« obtenu le prix [...], seul du grand nombre qui ont foulé l’outre sans souffle », τὸ [...]
ἄεθλον ἔχ[ει]ν μοῦνος | πολλῶν τὸν ἄπνουν κώρυκον πατησάντων (HER. VIII, 74). Le
texte pose toutefois problème dans ces deux occurrences. Les commentateurs
s’accordent généralement pour comprendre dans le premier passage que le pied de
l’homme, s’enfonçant à la surface de l’outre (peut-être un peu dégonflée), se trouve
entouré par celle-ci, ce qui maintient l’homme debout en équilibre. Le deuxième
passage aboutit à des interprétations plus délicates : l’adjectif ἄπνους signifiant « sans
air », un commentateur a dès lors refusé de voir dans ce texte une référence à
l’askoliasmos236 ; pour d’autres, que nous suivons, il faut comprendre « dont l’air ne
s’échappe pas » (d’où la traduction « sans souffle » dans la CUF) parce que l’outre, bel
et bien gonflée, est aussi bien ficelée237. D’autres, enfin, proposent une correction du
texte en ἔμπνουν ou εὔπνουν, « <outre> bien gonflée238 ».
156Virgile garde encore le souvenir de ce jeu champêtre : « Les descendants de Thésée
[...] joyeux, entre deux rasades, sautèrent dans les prés moelleux sur des outres
graissées », Thesidae [...] inter pocula laeti | mollibus in pratis unctos saluere per
utres (VIRG. Géorg. II, 383-384). C’est d’ailleurs l’emblêma d’une mosaïque romaine
du IIe siècle trouvée à Ostie qui offre la représentation la plus évidente du jeu dans le
même contexte que le texte virgilien : un jeune homme couronné prend son élan pour
sauter à pieds joints sur une très grosse outre gonflée d’air, sur laquelle deux satyres
versent et étalent de l’huile239. Mais déjà, les vases grecs représentaient des satyres
chevauchant des outres, sans que l’on sache toujours, d’ailleurs, s’il s’agit bien de
représenter la pratique d’un tel jeu240.

Autres contenants à liquide


Demi-outre/seau
157Hérodote rapporte que Darius établit des Érétriens réduits en esclavage dans un
domaine royal appelé Ardéricca, « à dix stades de Suse et quarante stades d’un puits
(φρέαρ) » visiblement connu241, dont on tire trois sortes de substances : de l’asphalte,
du sel et du pétrole. « On se sert pour puiser d’un appareil à bascule, à quoi est attachée
en guise de seau une moitié d’outre (ἀντλέεται μὲν κηλωνηίῳ, ἀντὶ δὲ γαυλοῦ ἥμισυ
ἀσκοῦ οἱ προσδέδεται) ; avec ce récipient enfoncé dans la nappe, on puise la matière
(ὑποτύψας τούτῳ ἀντλέει) et on la verse (ἐγχέει) ensuite dans un réservoir » à partir
duquel elle est distribuée vers trois voies différentes (HDT VI, 119). On imagine donc
un récipient en cuir au fond arrondi (ce que désigne généralement le terme γαυλός),
d’une certaine souplesse mais résistant, rattaché en son pourtour à des courroies pour
permettre le puisage.

Bidon de peau
158Dans une lettre qu’il adresse à Zénon le 6 mars 243 av. J.-C., Démokratès se plaint
de ce que les mâts de ses tentes sont rongés par les vers. Il demande à son destinataire
de faire en sorte qu’un certain Hélénos lui vende du bois de saule et lui propose de lui
acheter une peau de chevreau pour fabriquer un bidon contenant un demi chous (soit
environ 1,6 litres) : « et donne à Kleitotios afin qu’il m’envoie aussi, après avoir obtenu
le prix auprès de lui, une peau de chevreau pour en faire un bidon d’un demi chous »,
καὶ δοὺς Κλει-|τορίωι ἵν’ἀποστείλη μοι, | τὴν δὲ τιμὴν λαβὼν παρ’ αὐ-|τοῦ, καὶ
δερμάτιον ἐρίφ[ει]-|ον ᾱ εἰς ἀσκοπυτίνην ἡμ[ι]- |χοείαν (PCZ III, 59353, l. 15-17).

Besace (de mendiant, pâtre ou philosophe cynique) : πήρα,


πηριδίον
159La besace (πήρα) est un contenant réalisé en peau de chèvre, souple, léger,
économique et prenant peu de place à vide. Elle était certainement très utilisée au
quotidien, mais, dans la littérature, elle est l’apanage des gens de peu de biens :
mendiants, pâtres ou philosophes démunis et croqués dans leurs guenilles, le bâton
complétant alors la panoplie.
160C’est ainsi qu’Athéna dote Ulysse d’une peau de cerf, d’un bâton et d’une « affreuse
besace pleine de trous, qui avait une corde (ou « une courroie tressée ») pour bretelle »,
ἀεικέα πήρην, | πυκνὰ ῥωγαλέην · ἐν δὲ στρόφος ἦεν ἀορτήρ (Od. 13, 437-438)242,
donnant au héros l’allure d’un vieux mendiant afin de le rendre méconnaissable aux
yeux de ses proches et des prétendants de Pénélope. Le même geste est plus loin
effectué par Ulysse lui-même, lorsque, après avoir assommé le mendiant Iros, véritable
parasite d’Ithaque, il l’asseoit contre un mur, près des portes d’entrée, et jette sur son
dos sa besace sordide, décrite dans les mêmes termes (Od. 18, 108-109). Enfin, dans
une scène précédente, Ulysse, sous ce même déguisement, est contraint de quêter de la
nourriture de table en table : « Il prit la nourriture dans ses mains et la plaça devant lui,
à ses pieds, sur l’affreuse besace, et commença à manger », ἀμφοτέρῃσιν ἐδέξατο καὶ
κατέθηκεν | αὖθι ποδῶν προπάροιθεν, ἀεικελίης ἐπὶ πήρης,| ἤσθιε (Od. 17, 356-358).
P. Pucci a montré, à partir de cette dernière occurrence, le double sens des adjectifs
ἀεικέλιος et ἀεικής qualifiant la besace, « accessoire symbolique du nouveau statut
d’Ulysse » : ils insistent tout à la fois sur l’aspect répugnant, l’« indécence objective »
du mendiant aux yeux des prétendants et sur l’extrême dénuement du héros, dont
l’auditeur et parfois certains personnages complices d’Ulysse sont dès lors les témoins ;
mesurant la détresse du héros à la sordidité de son accoutrement, ils ne peuvent que
ressentir de la pitié à son encontre243.
161Dans l’univers bucolique littéraire comme dans le monde réel quotidien, la besace
permet d’emporter avec soi un peu de nourriture et divers petits objets244, très
probablement parce qu’elle constitue un contenant hermétique qui conserve une relative
fraîcheur : Carion, l’esclave du paysan Chrémyle, imitant le chant dithyrambique du
Cyclope, est décrit par le coryphée comme le géant, « portant une besace et des légumes
sauvages humides de rosée », πήραν ἔχοντα λάχανά τ’ἄγρια δροσερά (AR. Pl. 298) ; le
chasseur et berger Daphnis consacre à Pan « une nébride, la besace dans laquelle il
portait toutes ses pommes », νεβρίδα, τὰν πήραν ᾇ ποκ’ἐμαλοφόρει (Ps.-
THEOCR. Ep. II, 4) ; parce qu’elle est pleine de nourriture, un renard tente de voler sa
besace à un petit garçon qui garde une vigne (THEOCR. I, 49-50 et 53), tandis qu’un
autre fait un festin de raisin ; la Souda donne l’acception « sac dans lequel on entrepose
les pains », πήρα· ἡ θήκη τῶν ἄρτων (Souda s.v.).
162À en croire les textes, la besace est de contenance modeste ou moyenne 245. Elle se
porte suspendue à l’épaule ou, pour un modèle de plus petit format ou lorsqu’elle est
vide, attachée à la ceinture246.
163Enfin, elle constitue un des attributs majeurs du philosophe cynique, par définition
totalement démuni, très souvent doté des caractéristiques avec lesquelles un paysan
désespéré dépeint son fils qu’un disciple de Diogène a converti à son mode de vie… et à
ses signes extérieurs de pauvreté : il erre désormais, dénonce-t-il, « la chevelure
crasseuse, le regard effronté, presque nu sous un mauvais manteau, une pauvre petite
besace à la ceinture (πηρίδιον ἐξηρτημένος) et, à la main, un gourdin de poirier sauvage
(ῥόπαλον ἐξ ἀχράδος πεποιημένον), sans chaussures (ἀνυπόδητος), crasseux, un
fainéant » (ALCIPH. II, 38) ; de même, au moment de sa mort, le philosophe Cyniscos
n’a même pas une obole à donner à Charon et « ne dispose de rien de plus qu’une
besace et qu’un morceau de bois247 », πλέον γὰρ οὐδέν ἐστι τῆς πήρας [...] καὶ τουτουὶ
τοῦ ξύλου (LUC. Trav. 19). On comprend dès lors à quel point Pancratès, une des
figures de philosophe cynique assimilé à un parasite, représente le comble du grotesque
lorsqu’il arrive tout crasseux à un banquet de philosophes, tenant son bâton et sa besace
traditionnels, mais sans avoir renoncé à sa coquetterie et ne sachant pas dissimuler le
but réel de sa venue : « son bâton était garni de clous d’airain plantés sur le renflement
des nœuds ; sa besace vide était habilement suspendue à sa ceinture pour recueillir les
restes », ἀντὶ τοῦ πυκνώματος τῶν ὄξων χαλκοῖς τισιν ἥλοις ἐμπεπαρμένην ἔχων
βακτηρίαν, καὶ τὴν πήραν διάκενον καὶ πρὸς τὰ λείψανα ἐντόνως ἠρτημένην (ALCIPH.
II, 19).

Autres contenants (sacs, gibecières...)


164Différents contenants en peau sont désignés dans la littérature par un petit nombre
d’autres termes, sans qu’on puisse établir de correspondance systématique entre le choix
d’un mot et une forme, un volume ou un usage précis. Ce flottement est bien visible
dans les gloses des lexicographes248. On constate par ailleurs qu’il existe des variantes
orthographiques et des créations lexicales à partir de ces mots, de même que le français
dispose d’une série de mots composés (« sac, bissac et besace, havresac, sac à dos, sac à
main ») ou dérivés (« sac, sacoche, sachet »)249.
Composés d’askos (ἀσκοθύλακος, ἀσκοπήρα)
165Outrel’ἀσκοπυτίνη vue précédemment, les lexicographes mentionnent en citant des
fragments d’auteurs des Ve et IVe siècles l’ἀσκοθύλακος250 et l’ἀσκοπήρα251. Il est
impossible de dire s’il s’agit plutôt de sacs (deuxième élément de comparaison du mot)
ou de gourdes (premier élément du mot), de définir la contenance et le contenu, en un
mot l’usage, de tels ustensiles.
Sakkos (σάκκος)

166Le terme semble renvoyer à des contenants de grande taille252 dont le matériau n’est
pas toujours précisé. Ainsi, à Platées, après la victoire des Grecs sur les Perses, le
général spartiate Pausanias ordonne aux Hilotes de rassembler les objets précieux du
butin pour éviter qu’il ne soit pillé : « ils trouvèrent alors sur des chars des sacs où l’on
découvrit des chaudrons d’or et d’argent », σάκκους τε ἐπ’ἁμαξέων εὕρισκον, ἐν τοῖσι
λέβητες ἐφαίνοντο ἐνεόντες χρύσεοί τε καὶ ἀργύρεοι (HDT IX, 80). Chez Aristophane,
le Mégarien incite les Petites Filles déguisées en truies pour être vendues au marché à
« entre[r] dans le sac » qu’il leur présente, εἰς τὸν σάκκον ὧδ’ εἰσβαίνετε
(AR. Ach. 745).
Thylakos (θύλακος)

167Aristophane recourt au mot simple θύλακος (AR. A.F. 382)253 ou au diminutif


θυλάκιον pour mentionner des contenants d’usage quotidien, qui devaient fréquemment
être réalisés en cuir. Ce dernier emploi se rencontre à deux reprises : dans un contexte
où le personnage d’Eschyle se moque de la façon de composer d’Euripide, qui abuse
précisément des diminutifs pour des raisons de facilité métrique (« tu composes de telle
façon qu’on peut adapter toute chose – petite toison, petite fiole, petit sac – à tes
iambiques », ποιεῖς γὰρ οὕτως ὥστ’ ἐναρμόζειν ἅπαν, | καὶ κῳδάριον καὶ ληκύθιον καὶ
θυλάκιον, | ἐν τοῖς ἰαμβείοισι (AR. Gr. 1202-1203) ; dans le deuxième cas, un petit
enfant qui guide le Chœur déplore le fait que son sac soit vide de tout aliment : « Ô mon
petit sac, inutile ornement pour moi qui te possède ! », ἀνόνητον ἄρα σ’ ὦ θύλακιόν γ’
εἶχον ἄγαλμα (AR. Gu. 314).
168Dans Ploutos, l’hapax ὁ σάκτας désigne le sac dans lequel un prêtre entasse les
offrandes de gâteaux et de figues qu’il vole sur les autels où elles ont été déposées :
« les galettes qu’il trouvait, il les “consacrait” en les fourrant dans un sac ! », ἥγιζεν εἰς
σάκταν (AR. Pl. 681). Seule la scholie précise qu’il s’agit d’un sac en cuir et l’associe
au θύλακος : « un sac de peau, ce que nous appelons thylakos ; vient du verbe
“entasser” » ; le mot est du masculin comme l’enseigne Le bon usage », εἰς σάκταν· εἰς
δερμάτινον σακκίον, ὅπερ θύλακον λέγομεν, ἀπὸ τοῦ σάττεσθαι, ἀρσενικῶς ὁ σάκτας
λέγεται, ὡς αἱ Χρήσεις διδάσκουσιν254.
169L’auteur de Maladies apporte un témoignage sur la Libye en affirmant qu’« on s’y
sert généralement [...] du ventre en guise de sac – car le ventre est une chose solide »,
τῶν μὲν χρῆμα Λιβύων χρέονται οἱ πλεῖστοι [...] τῇσι δὲ κοιλίῃσιν ἀντὶ θυλάκων·
ἰσχυρὸν γὰρ χρῆμα ἡ κοιλίη ἐστίν (HIPPO. VII, 609 (Litt.) = Mal. IV, 56).

Kôrykos (κώρυκος)
170Le terme apparaît dès l’Odyssée pour désigner le sac que Calypso remplit de vivres
et dépose dans le navire d’Ulysse au moment de son départ, ou le même sac à
provisions qu’emporte le héros lorsqu’il part explorer l’île du Cyclope (ἔθηκε | φέρον
[...] ἐν δὲ καὶ ᾖα | κωρύκῳ, Od. 5, 267 et 9, 212-213). L’emploi qu’en fait Aristophane
ne précise pas le contenu des « besaces » ici associées à des « sacs » (σάκους καὶ
κωρύκους, AR. Lys. 1209-1210). On connaît par ailleurs l’usage de ce sac de cuir dans
le domaine des exercices physiques, lorsque, bourré de divers éléments, il sert de
punching-ball255. On peut donc penser qu’il s’agissait d’un sac d’assez grande
contenance et plutôt informe.
Marsippos (μάρσιπ(π)ος)
171Le mot apparaît chez Xénophon, dans un récit que font les Grecs qui ont vu
descendre jusqu’au lit d’un fleuve un vieillard, une femme et des fillettes pour y déposer
« des sacs de hardes dans les anfractuosités du rocher », μαρσίπους256 ἱματίων
κατατιθεμένους ἐν πέτρᾳ ἀντρώδει (XEN An. IV, 3, 11). On peut donc estimer que ce
sac est d’assez grande contenance, mais nous ne savons rien du matériau. Cependant,
l’auteur des Maladies aiguës préconise l’emploi de bouillottes contre certaines
douleurs : il faut remplir d’une décocotion d’orge bouilli dans du vinaigre des « bourses
que l’on coud et qu’on applique » sur le malade, ἐς μαρσίππια καταρράψαντα
προστιθέναι (HIPPO. Mal. Aig. XXI, 3). Il ne peut dès lors s’agir que d’un matériau
suffisamment étanche, donc du cuir. Une liste des archives de Zénon évoque, entre
autres marchandises à transporter, une cargaison de « noix dans un sac », κάρυα ἐν
μαρσιππίωι (P. Caire 2141, 26). Ailleurs, le terme désigne une bourse plus ou moins
grande, contenant des pièces257.
Kynouchos (κυνοῦχος)
172Ce nom désigne un type de sac que les grammairiens et lexicographes assimilent aux
autres termes vus précédemment. Un passage unique de Xénophon nous en fait
connaître la matière – et par là, la tenue – et la destination : il s’agit d’une « gibecière en
cuir de veau pour [ranger] le gibier », ἕνεκα θήρας κυνοῦχος μόσχειος (XEN. Art ch. II,
9). Pollux précise en disant qu’il s’agit d’un « contenant en cuir de veau qui a l’aspect
des bourses munies d’un cordon de serrage, et dans lequel les chasseurs enfermaient
leur filet de chasse » (POLL. V, 31 : κυνοῦχος δ’ἐστὶ δέρμα μόσχειον, εἰς ὃ ἐντίθεται τὸ
δίκτυον, τῷ σχήματι πεποιημένον ὥσπερ τὰ σύσπαστα βαλάντια)258, ou « parmi les
équipements utiles aux habitués des gymnases, une poche ou un sac pour y déposer
leurs vêtements » (POLL. X, 208 : τῶν δὲ γυμνασίοις προσηκόντων σκευῶν [...] ἐστὶ
καὶ μάρσιπος καὶ σάκκος, καὶ κυνοῦχος ὑποδέξασθαι τὰ ἱμάτια). Ce sac en cuir apparaît
peut-être rempli d’argent chez Théophraste, quand le type de l’homme méfiant s’agite
sur son lit et demande à sa femme si le κυνοῦχιον est bien fermé et scellé
(THEOPH. Car. XVIII, 4), à condition d’accepter une correction simple du
manuscrit259 ; il en est question encore au dos du papyrus PCZ I, 59022 (rédigé
probablement vers 258 av. J.-C.), où on lit, en guise d’étiquette, ἔμβλημα ἐκ τοῦ
κυνούχου, « versement du contenu du sac en cuir ». Ces deux derniers exemples nous
laissent penser qu’il s’agirait d’un sac servant à contenir de l’argent plutôt que d’une
simple bourse.
Bourse (βαλλάντιον)
173Lesoccurrences du mot βαλλάντιον montrent clairement que cette « poche »
(μάρσι<π>πος)260 servait à contenir de l’argent261, ce qui explique qu’elle attirait la
convoitise des voleurs « coupe-bourses », βαλλαντιοτόμοι (AR. Gr. 772)262. Son
apparence générale devait s’approcher des bourses à cordons que nous connaissons, que
l’on ferme en serrant, au moyen d’une ficelle ou d’une courroie, la partie supérieure,
ainsi qu’en atteste le récit d’Aristophane dans le Banquet de Platon : Zeus ayant coupé
les hommes en deux pour s’en défendre, « Apollon [...] ramenant de toutes parts la peau
sur ce qui s’appelle à présent le ventre, comme on fait avec les bourses à cordons (τὰ
σύσπαστα βαλλάντια), l’attachait fortement au milieu du ventre en ne laissant qu’une
ouverture – ce qu’on appelle le nombril » (PLAT. Banq. 191a).
174C’est d’ailleurs parce que la bourse s’ouvre par le dessus, en écartant les bords du
cuir une fois déliés les cordons, manipulation aisée pour un voleur, que la cliente de
Cerdon le cordonnier ironise sur l’avarice de ce dernier et tâche de l’apeurer en le
mettant en garde contre la visite de cambrioleurs. Elle lui enjoint ainsi, en recourant à
une expression proverbiale, « de coudre [s]a bourse, afin que les chats n’emportent pas
[s]es pièces (mines) », θύλακον ῥάψαι, | τὰς μνέας ὅκως σοι μὴ αἱ γαλαῖ διοίσουσι
(HER. VII, 89-90). Le mot générique θύλακος prend ici un sens particulier très
explicite.

Soufflets
Soufflet de forge
175Quand Thucydide emploie pour désigner ce qui doit être de grands soufflets, lors de
l’attaque par les Béotiens de Délion (THUC. IV, 100, supra), le mot derreis (« les
peaux »), Apollodore parle, quant à lui, d’une machine incendiaire équipée
d’askomata, d’« outres » gonflées d’air, qui permettent certainement de ne diffuser
qu’un faible volume d’air, dotées d’un embout, et il établit un parallèle entre cette
technologie et celle utilisée en métallurgie : « Ces jarres [en terre cuite, cerclées de
bandes de fer} sont remplies de charbon pilé et ont un tube en fer dans lequel est inséré
un autre tube communiquant avec une outre remplie d’air. [...] Les forgerons en plomb
se servent constamment de ce système », Οὗτοι (οἱ κύθρινοι ὀστράκινοι σιδηραῖς λεπίσι
δεδεμένοι) πίμπλανται ἄνθρακος λεπτοῦ καὶ ἔχουσι σύρριγγα σιδηρᾶν, εἰς ἥν ἄλλη
ἐντίθεται σύριγξ ἄσκωμα ἔχουσα (APOL. 153, 3 = Thévenet IV, 2)263. C’est ce même
genre de sacs en cuir propres à contenir l’air, de dimensions variables, que l’on retrouve
dans le dispositif mythique des forges d’Héphaïstos dans la description qu’en donne
Théodôridas de Syracuse, auteur d’épigrammes et de dithyrambes du IIIe siècle av. J.-C.,
cité par Pollux : « Héphaïstos se sert de sacs de cuir [en peau de bœuf ?] comme
soufflets », Θεοδωρίδας τὸν Ἥφαιστον ἔφη φυσητῆρσι μολγίνοις χρῆσθαι (POLL. X,
187)264.
176Le terme φύσα est utilisé depuis Homère et jusqu’à l’époque classique pour désigner
les soufflets de forge, que ce soient ceux d’Héphaïstos en personne, qui se met à
l’œuvre lorsque Thétis lui rend visite afin de lui demander des armes pour Achille, ou
ceux de simples mortels, y compris du praticien hippocratique. De fait, l’utilisation en
médecine d’outres dotées d’un embout (αὐλός, αὐλισκός), semblables à des soufflets de
plus petites dimensions, nous renseigne également sur leur confection265.
Thétis trouve Héphaïstos « tout suant, s’affairant autour de ses soufflets », ἱδρώοντα
ἑλισσόμενον περὶ φύσας (Il. 18, 372) ; informé de sa venue, il quitte son enclume, range
ses outils, et « écarte du feu ses soufflets », Φύσας μέν ῥ’ ἀπάνευθε τίθει πυρός (Il. 18,
409). Le Spartiate Lichas entre à Tégée dans une forge et observe les « deux soufflets
du forgeron » (τοῦ χαλκέος δύο... φύσας) dans lesquels il reconnaît les « deux vents
[qui] soufflent sous la contrainte de la puissante nécessité » (ἄνεμοι πνείουσι δύω
κρατερῆς ὑπ’ ἀνάγκης) du langage métaphorique de l’oracle qu’il a obtenu de la Pythie
(HDT I, 68)
Aristote affirme que la poitrine de l’homme se soulève lorsqu’il inhale de l’air, « tout
comme les soufflets des forges », καθάπερ τὰς φύσας ἐν τοῖς χαλκείοις
(ARIST. Resp. 7, 13, 474a).
Anaximandre compare l’orbe solaire à une roue de char. Le feu est visible « à travers
une ouverture comparable au bec tubulaire d’un soufflet de forge », διὰ στομίου τὸ πῦρ
ὥσπερ διὰ πρηστῆρος αὐλοῦ (ANAX. cité par Aétius, Opinions II, 20, 1, trad. perso.).
177Si l’objet n’est jamais décrit dans ces derniers exemples avec précision, il est
toutefois connu par une série de représentations figurées en sculpture et en peinture sur
vases. Ainsi, la stèle en naiskos du Louvre de Sôsinous de Gortyne, fondeur de bronze
(χαλκόπτης), présente aux pieds du défunt un objet rond à la surface piquetée évoquant
le cuir et qui pourrait être l’outre centrale d’un soufflet de forge266. Une seconde outre
dégonflée serait alors représentée à plat sur le sol. Sur la frise du Trésor des Siphniens,
les deux objets sur lesquels semble faire poids Héphaïstos ont pu être interprétés comme
deux grands soufflets pour chauffer les pièces de métal qu’il utilise comme munitions
dans la bataille contre les Géants267. J. Beazley signale par ailleurs le fragment d’une
coupe du Peintre de Panaitios (actif vers 500-480) : on y voit, sous la main gauche de
l’un des jeunes hommes tenant des baguettes efilées à leur extrémité, la partie
supérieure d’un objet aux contours courbes et couvert de points de couleur brune : ces
points se retrouvent sous la main droite et derrière les mollets. Ces baguettes effilées et
les sacs à motifs de points représenteraient un type de souflets de cuir connu dans
plusieurs représentations sur vases268. Par ailleurs, la coupe de la Fonderie de Berlin (v.
490-480 ; fig. 17) met en scène une série de personnages parmi lesquels un jeune
homme, placé derrière le four, exerce une pression sur un sac en cuir formant une série
de gros plis : il paraît actionner le souflet dont les embouchures ont été insérées dans un
trou à l’arrière de la cheminée du four.

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Fig. 17 - Scène de fonderie. Un homme attise le feu, tandis qu’un autre, en partie caché,
actionne le soufflet de forge. Coupe attique à figures rouges du Peintre de la Fonderie
(490-480), face A. Berlin, Antikensammlung F2294. © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand
Palais / Ingrid Geske-Heiden.
Le prétendu « souflet de cuisine » (ῥιπίς)
178Les épigrammes votives de l’Anthologie et Aristophane attestent, semble-t-il,
l’existence de souflets de plus petites dimensions à usage domestique : un certain
Timasion offre ainsi à Héphaïstos « ses coutelas <qui> ont égorgé tant de bêtes, ses
“souflets” dont le vent attisait le feu (ξίφη [...] πυριτρόφους τε ῥιπίδας φυσηνέμους) »,
une passoire, un gril à viande, une cuillère et une fourchette (A. P. VI, 101, 2, de
Philippe de Thessalonique, début du Ier siècle) ; dans les Acharniens, le maître ordonne à
ses serviteurs de lui sortir « le fourneau et le “souflet” », τὴν ἐσχάραν μοι δεῦρο καὶ τὴν
ῥιπίδα (AR. Ach. 888). Toutefois, aucune des occurrences précédentes ne fait référence
explicitement à la forme ni au matériau de cet objet. Or, le terme ῥιπίς, dont le sens
étymologique renvoie à la fonction de l’objet qui est de « ventiler269 », désigne plutôt
un éventail que l’on agite pour attiser les braises, comme dans A. P. VI, 306, 3
(d’Ariston, fin du IIIe siècle av. J.-C. ?) où l’offrande du cuisinier Spinther à Hermès
consiste en ustensiles relatifs à son métier : une marmite, un crochet, une hache, un
coutelas et un « éventail à plumes », πτερίναν ῥιπῖδα. Une autre épigramme, qui relate
l’offrande d’une courtisane à Aphrodite, mentionne, sans aucun doute possible, un
« éventail toujours prêt à rafraîchir de sa brise délicate », ῥιπίδα τὴν μαλακοῖσιν ἀεὶ
πρηεῖαν ἀήταις (A. P. VI, 290, de Dioscoride, fin du IIIe siècle av. J.-C.). Enfin, dans les
inscriptions déliennes, le mot désigne toujours cet accessoire féminin, tantôt à manche –
parfois en ivoire – (ῥιπίδαν λαβὴν ἔχουσαν), tantôt composé de lamelles de bois (ῥιπίς
ξυλίνη)270. Une révision de la traduction des deux premières occurrences s’impose
donc.

Attaches et harnachement
Équipement du cheval
179Ilne s’agit pas de donner ici un exposé complet de la question de l’équipement du
cheval, qu’on trouvera traitée dans la synthèse des sources littéraires et iconographiques
de P. Vigneron271, mais d’en rappeler les principaux éléments.

Harnais de tête (mors, courroies, rênes)


180Le harnais de tête ordinaire consiste en trois éléments : le mors de filet, la monture et
les rênes.

181Le mors (χαλινός)272 est une pièce métallique maintenue en position dans la bouche
du cheval par un réseau de courroies – la « monture » – qui entourent la tête. Sa partie
supérieure est constituée par deux courroies qui se recoupent à angle droit, la « têtière »
sur le sommet de la tête et le « frontal » appliqué sur le front. Ces deux courroies, selon
P. Vigneron, apparaissent sur la plupart des documents figurés montrant des chevaux
harnachés273, même si les auteurs de ces représentations ont pu avoir tendance à
rehausser l’effet décoratif et à multiplier le nombre de courroies secondaires 274.
L’« archive de Dryton », écrite par Esthladas au verso d’un papyrus établissant le
compte de paiement de taxes au milieu du IIe siècle av. J.-C., donne la liste de
l’équipement qu’un cavalier peut emporter avec lui en campagne ; les mors, ou plus
vraisemblablement les courroies du mors, y apprend-on, sont fabriqués en cuir de
taureau (χαλιν[ὰ] ταύρεα), matériau garantissant leur solidité275.
182La plupart du temps, les auteurs grecs recourent au terme générique ἱμάντες pour
nommer ces différentes courroies de cuir, qui désignent tout autant parfois les lanières
de fouet276. Un traité spécialisé comme l’Art équestre de Xénophon fournit cependant
le terme ἡ κορυφαία pour nommer l’ensemble des courroies constituant la « têtière »
(XEN. Art Eq. III, 2 ; V, 1 ; VI, 7) ; reposant sur la nuque, elle est maintenue en avant
par le frontal, ὁ κεκρύφαλος (VI, 8) ; les montants de bride, τὰ κατατείνοντα (X, 7),
permettent de tendre le mors.
183Pour désigner les rênes, il existe dans la langue grecque le terme technique, d’emploi
singulier ou pluriel277, ἡνία(ι)278. Elles ressemblent à de simples cordes, des courroies
plates ou des lanières de cuir tressées sur les documents figurés279, car elles doivent
être solides, facilement maniables (donc pas trop épaisses) et ne doivent pas glisser
(d’où les nœuds, le tressage ou l’adjonction de petits éléments métalliques, en bois, en
ivoire, dans la lanière de cuir)280. Comme toute pièce de harnachement, les rênes sont
par ailleurs un élément d’apparat, et certaines occurrences impliquent une coloration des
cordes ou du cuir en vue d’un effet purement esthétique, comme les « rênes écarlates »
(ἡνία φοινικόεντα) qu’Héraklès enjoint à son cocher Iolaos de saisir
(HES. Boucl. 95)281, ou encore l’ajout d’éléments décoratifs en ivoire ou une dorure de
la surface282.

Conduite en main, attache : licou, longes


184Le licou est un harnais de tête simplifié dépourvu de mors, qui permet de conduire
debout à ses côtés le cheval tenu par une longe, ou de l’attacher. Le licou est
confectionné généralement au moyen de fortes courroies ou de cordes et possède une
large muserolle. Dans l’Iliade, les « bonnes courroies dont on attache les chevaux »,
ἵππους μὲν κατέδησαν ἐυτμήτοισιν ἱμᾶσι, servent de licou pour attacher le cheval dételé
(Il. 10, 567)283, ou encore à lier l’un à l’autre deux chevaux non attelés (Il. 10,
499)284. La langue grecque ne semble pas avoir recours à un terme spécifique pour
désigner le licou285.
185Xénophon utilise les termes ἀγωγεύς pour désigner la longe en corde (XEN. Art
Eq. VI, 5 ; VIII, 3) et ῥυταγωγεύς (VII, 1) pour la longe reliée au caveçon
(ψάλιον, ibid.), selon P. Vigneron286 une bande de cuir sûrement renforcée par des
éléments métalliques ou dont l’emplacement est situé sous le mors, la « mentonnière »
ou « sous-barbe » (ὑποχαλινιδία, ibid.)287.

Accessoires du harnais
186Les œillères en cuir, utilisées pour limiter la vue des bêtes et les astreindre au travail
ou pour offrir une protection latérale aux yeux288, sont déjà mentionnées dans une
tablette mycénienne289. On n’en trouve pas de mention dans les textes, mais les
lexicographes les désignent par le terme παρώπια290.
187Pour éviter les morsures des chevaux ou les empêcher d’interrompre leur tâche en
broutant, on recourait à des muselières faites de courroies ou de cordes tressées prenant
la forme d’un panier. Elles pouvaient être partiellement ou entièrement en métal et
étaient rattachées au harnais par un dispositif de courroies ou cordes291. Eschyle
mentionne « les muselières (φιμοί) remplies du souffle de leurs naseaux »
(ESCHL. Sept Th. 461-464) ; Xénophon recourt au substantif κημός et au verbe κημῶ,
« mettre la muselière » (XEN. Art. Eq. V, 3)292.
188Enfin, un fragment de vase attique à figures rouges du milieu du Ve siècle représente
un chapeau de soleil semblable à une petite ombrelle surélevée au-dessus du crâne,
permettant ainsi l’aération et évitant l’échauffement, et dont le manche « semble enfilé
dans une large bande de cuir probablement attachée à la têtière293 ».

Dispositif d’attelage
189Le terme λέπαδνα, déjà présent dans l’Iliade et d’usage poétique, s’applique aux
courroies qui retiennent la tête du cheval au joug ou timon du char lorsqu’on l’attelle,
une sorte de collier souple294. Le geste consistant à attacher la bête au joug est décrit
dans l’Iliade pour les chevaux, et chez Pollux pour les bœufs. Ainsi, Priam ordonne à
ses fils d’atteler des chevaux à un chariot à mules pour aller chercher son fils :
Avec le joug, ils amènent la courroie à joug (ζυγόδεσμον), longue de neuf coudées [soit
quatre mètres]. Ils posent le joug sur le bout d’avant du timon poli et mettent en même
temps la boucle à la cheville. Ils attachent ensuite joug et timon ensemble, en passant
trois fois la courroie des deux côtés de la bosse (τρὶς δ’ ἑκάτερθεν ἔδησαν ἐπ’ὀμφαλόν),
puis ils achèvent le nœud et rentrent le bout en dessous » (Il. 24, 270-274)295.
190Pollux, quant à lui, éclaire le passage d’Hésiode qui évoque le labourage et le
moment où le paysan touche le dos des bœufs qui « tirent sur la cheville <recouverte de
la courroie> du joug », ἔνδρυον ἑλκόντων μεσάβων296 (HES. Trav. 469), puisqu’il
définit le mot μέσαβον en ces termes : « On appelle echeboion, mesaboion [mesoboion]
la large courroie qui s’attache au joug. On fixe le joug en l’entourant de la courroie
après avoir inséré dans son trou la cheville de bois appelée endryon [embryon] », ὁ δὲ
πλατὺς ἱμὰς ὁ τῷ ζυγῷ παρακαθαπτόμενος ἐχέβοιον ἢ μεσάβοιον [μεσόβοιον] καλεῖται·
καταλαμβάνουσι δ’ αὐτόν, ὅταν περιελίξωσιν, εἰς τὸ τοῦ ζυγοῦ τρύπημα κερκίδα
ξυλίνην ἐμβαλόντες ἣ καλεῖται ἔνδρυον [ἔμβρυον] (POLL. I, 252).

Selle
191La question de l’usage – non fréquent mais connu – de la selle a été résolue par
E. Delebecque297. Si aucune selle de cuir n’est jamais représentée, certainement pour
des raisons esthétiques ou du fait de nos lacunes documentaires298, Xénophon marque
bien la distinction entre « monter à cru ou sur une selle », καθέζ[ομαι] ἐπὶ ψιλοῦ [ἢ] ἐπὶ
τοῦ ἐφιππίου (XEN. Art. Eq. VII, 5). Cet objet dénommé ἐφίππιον ne peut se confondre
avec un simple amoncellement de « couvertures », τὰ στρώματα299 ; il s’agit d’un objet
doté d’une matelassure peu épaisse (XEN. Art. Eq. XII, 9 : τὸ ἔποχον),
vraisemblablement en cuir, que le cavalier glissait sous lui pour consolider son assiette
et ne pas blesser le cheval, et qu’il fixait à sa monture par des courroies et des sangles
du même matériau : « l’emploi des mors et des selles veut qu’ils aient pour attaches des
courroies de cuir », χαλινοὶ καὶ ἐφίππια ἐξ ἱμάντων ἠρτημένα ἐστὶ χρήσιμα
(XEN. Com. Cav. VIII, 4).

Équipement du chien : laisse, collier, muselière


Laisse et collier
192Les termes génériques de « lien » (δέσμιον) et « courroie » (ἱμᾶς) sont utilisés par
Énée lorsqu’il explique que, pour faire passer un message en secret, certains ont eu
recours à un chien : « L’ayant amené avec eux en laisse (littéralement « avec un lien »),
ils lui mirent au cou une courroie de cuir, à l’intérieur de laquelle était cousue une
lettre », ἀπαγαγόντες δέσμιον περιέθηκαν περὶ τὸν αὐχένα ἱμάντα, ἐν ᾧ ἐπιστολὴ
ἐνέρραπτο (EN. Pol. XXXI, 32). Le lexique spécialisé apparaît dans une littérature plus
technique, comme le traité de l’Art de la chasse de Xénophon, où sont exposés
l’équipement du chien et les précautions à prendre pour ne pas nuire à l’animal300 :
L’équipement des chiens consiste en colliers, laisses, sous-ventrières. Les colliers seront
doux et larges, afin de ne pas froisser le poil du chien ; les laisses auront des boucles
pour la main, et c’est tout : car on ne tient pas bien les chiens quand on se sert des
laisses pour fabriquer des colliers. Quant aux sous-ventrières, elles auront des courroies
larges pour éviter de frotter les flancs du chien ; des aiguillons y seront cousus pour la
préservation de la race.
κυνῶν δὲ κόσμος δέραια301, ἱμάντες, στελμονίαι· ἔστω δὲ τὰ μὲν δέραια μαλακά,
πλατέα, ἵνα μὴ θραύῃ τὰς τρίχας τῶν κυνῶν, οἱ δὲ ἱμάντες ἔχοντες ἀγκύλας τῇ χειρί,
ἄλλο δὲ μηδέν· οὐ γὰρ καλῶς τηροῦσι τὰς κύνας οἱ ἐξ αὐτῶν εἰργασμένοι τὰ δέραια· αἱ
δὲ στελμονίαι πλατεῖς τοὺς ἱμάντας, ἵνα μὴ τρίβωσι τὰς λαγόνας αὐτῶν·
ἐγκατερραμμέναι δὲ ἐγκεντρίδες, ἵνα τὰ γένη φυλάττωσιν (XEN. Art ch. VI, 1).
On prendra soin de « garder attachés » les jeunes chiens « par de longues laisses ».
ἔχοντα ὑφημμένας μακροῖς ἱμᾶσιν (XEN. Art ch. VII, 6).
193On peut considérer que le cuir est un matériau assez « doux », mais également
suffisamment solide, pour une telle utilisation.
194Àl’époque classique, le collier pour chien se rencontre encore sous le terme
κλῳός/κλοίος, désignant globalement un lien de cou (carcan, collier, licou)302 : chez
Aristophane, un chien coupable d’avoir dévoré un fromage est condamné au « collier »
(AR. Gu. 897) ; Xénophon évoque quant à lui, comme élément de comparaison, « des
chiens qui mordent que l’on a attachés par le collier », τοὺς δάκνοντας κύνας κλοιῷ
δήσαντες (XEN. Hell. II, 4, 41). Longus recourt à un nom composé pour désigner de
manière univoque, alors que le contexte ne suffirait pas à éclairer le sens du terme s’il
était générique, une laisse : un des Méthymniens, « saisissant la laisse de son chien, prit
les mains [de Daphnis] pour les lui attacher derrière le dos », κυνόδεσμον ἀράμενος
περιῆγε τὰς χεῖρας ὡς δήσων (LONG. II, 14, 3). De même, l’hapax κυνάγχη (« qui
étrangle le chien ») se comprend aisément dans le contexte cynégétique de deux
épigrammes votives :
Polyainos consacre à Pan une massue, un arc avec ses flèches et son carquois, des pieds
de sanglier et « ce collier qui serrait le cou de son chien », ἐπαυχένιόν τε κυνάγχαν
(A.P. VI, 34, 3).
Téléson consacre à Pan une peau, une massue avec laquelle il a assommé des loups, un
« collier à mener les chiens et la laisse qui tenait par le cou ses limiers au flair subtil »,
ἀγωγαῖόν τε κυνάγχαν | καὶ τῶν εὐρίνων λαιμοπέδαν σκυλάκων (A.P. VI, 35, 5-6).
195Toutefois, dans aucun de ces exemples le matériau utilisé n’est explicité.

Collier de défense
196Pour « assurer la défense des chiens gardiens de troupeaux », un auteur
des Géoponiques préconise de « leur attacher autour du cou une <pièce de> peau crue –
ainsi <ils seront> protégés au cou et sur toute la gorge – en faisant en sorte d’avoir passé
à travers elle des pointes de fer. En effet, si une bête sauvage l’atteint en quelqu’un de
ces endroits, il tuera le chien, alors que s’il mord quelqu’autre endroit, il ne lui fera
qu’une blessure », Φυλακτέον δὲ τοὺς τῶν ποιμνίων φύλακας κύνας, ὠμὴν βύρσαν τοῖς
τραχήλοις αὐτῶν περιθέντας, καὶ τὸν λαιμὸν καὶ πᾶσαν τὴν φάρυγγα ἀσφαλιζομένους,
κέντρα τε σιδηρᾶ ἀπ’ αὐτῆς ἀναστήσαντας. Τούτων γάρ τι τῶν μερῶν εἰ θηρίον ἅψαιτο,
ἀναιρήσει τὸν κύνα· ἐὰν δέ τι ἕτερον μέρος δάκῃ, τραῦμα ποιήσει μόνον (Géop. XIX, 1,
2-3).

Muselière
197Avons-nous gardé la trace de muselières pour chiens, qui s’avèrent utiles dès lors
que l’animal est susceptible de représenter un danger pour l’homme par ses morsures ?
Le terme κυνοῦχος, signifiant étymologiquement et génériquement « qui entrave le
chien », est traduit le plus souvent par « collier » ou « laisse ». Il fait partie des mots très
nombreux composés en -(δ)οῦχος, où le verbe a le sens actif de « tenir, contenir,
garder » avec comme complément d’objet direct le premier élément. L’étymologie
parfois invoquée de « sac en peau de chien », reposant sur un sens génitif ou
instrumental de kuon, est donc fausse303.
198La signification la plus fréquemment donnée de « laisse ou collier de chien » dans
nos dictionnaires repose sur la glose fautive de la Souda304, qui cite en guise
d’exemple un vers d’une épigramme de Léonidas de Tarente (A.P. VI, 298, du IIIe siècle
av. J.-C.) où un pauvre hère laisse à sa mort, en guise de dépouilles, des haillons et
un kynouchos « sans la moindre monnaie de bronze », ἀχάλκωτόν τε κυνοῦχον. Le
terme désigne donc ici sans aucune ambiguïté tout autre chose qu’une laisse, à savoir
une bourse vide. Th. Reinach démontre que le terme ne peut désigner, dans son emploi
relatif au chien (et donc en lien avec son sens étymologique), qu’une muselière, en le
rattachant à tous les autres emplois du mot où il désigne un sac rempli d’argent, de filets
ou de gibier de chasse, ou des vêtements qu’on enlève au gymnase305. Les sèmes
communs à ces acceptions sont la forme et la fonction de l’objet ainsi désigné : il s’agit
d’un sac, permettant tantôt de contenir des objets (pièces ou autres), tantôt d’enfermer la
gueule du chien. Le sens de « collier » ne doit pas être retenu non plus, si l’on prend
comme argument l’usage adjectival qui est fait du mot dans une autre épigramme votive
de Philippe (début du Ier siècle)306 : κυνοῦχος y est employé dans son sens
étymologique (« qui entrave le chien ») avec le substantif qui désigne, lui, le « collier »
(kloios)307, ce qui montre que les deux termes ne sont pas synonymes.
199On peut imaginer que l’objet a été représenté peint sur des reliefs, comme les laisses
des chiens sur une stèle conservée au Louvre, dont il ne reste que les extrémités,
sculptées, qu’un esclave tient dans ses mains308. L’absence d’un tel objet dans la
peinture vasculaire est plus problématique : doit-on finalement estimer que nous
sommes en présence d’une perte, due au temps, des témoignages iconographiques de la
muselière (perte qui nous prive par là même de son analyse technique : sa forme, les
moyens de fixation…), dont il ne resterait que le mot309, ou d’un manque réel, de
l’absence d’un tel équipement en Grèce ancienne, et ce à l’encontre des arguments
précédents ? La question reste ouverte.

Courroie d’attache du bétail ou des hommes en tant que


prises de guerre
200L’élevage est un domaine dans lequel les liens, cordes et courroies sont d’une grande
utilité. C’est par le recours à une comparaison que l’auteur de l’Iliade donne à voir un
geste banal dans le domaine rustique, lorsqu’il décrit le corps palpitant d’un « bœuf que
les bouviers ont lié avec des liens » pour l’emmener de force, βοῦς τὸν... βουκόλοι
ἄνδρες | ἰλλάσιν [...] δήσαντες (Il. 13, 571-572)310. Plus souvent dans l’épopée, c’est
l’homme comme prise de guerre, dégradé au rang d’animal, qui est attaché par
des himantes : ainsi Patrocle, dont le cadavre est tiré par un pied, après qu’Hippothoos
« lui a passé une courroie aux tendons de la cheville », δησάμενος τελαμῶνι παρὰ
σφυρὸν ἀμφὶ τένοντας (Il. 17, 290) ; de même celui d’Hector, qu’Achille attache à son
char, dans un passage précisant le geste précédent (Il. 22, 396-398)311. Douze jeunes
hommes troyens, destinés à être sacrifiés sur le bûcher de Patrocle, sont saisis par
Achille dans le fleuve Xanthe : « il [leur] lie les bras par-derrière, avec les bonnes
courroies qu’ils portent eux-mêmes sur leurs souples tuniques », δήσε δ’ ὀπίσσω χεῖρας
ἐυτμήτοισιν ἱμᾶσι (Il. 21, 30).
201Hérodote témoigne quant à lui de l’usage qu’un peuple de nomades, les Sagartiens,
fait « de lassos réalisés par un tressage de courroies », χρέωνται σειρῇσι πεπλεγμένῃσι
ἐξ ἱμάντων, pour attraper et tirer à lui les chevaux, mais aussi les hommes (HDT VII,
85).

La navigation
Embarcations
Peaux tendues sur armature
202Les embarcations de peaux étendues sur une armature de bois et cousues « sont
connues au moins depuis le Mésolithique et leur tradition s’est perpétuée jusqu’au
kayak et à l’oumiak des Esquimaux actuels312 ». Les auteurs grecs les mentionnent, en
tant qu’usage étranger ou dans un contexte de guerre, et mettent en avant les qualités de
telles embarcations, qui devaient pouvoir se construire rapidement et avec peu de
moyens, voire avec des moyens recyclables. Hérodote le premier décrit ainsi les bateaux
d’Arménie :
Les bateaux des gens du pays, qui descendent le cours du fleuve pour aller à Babylone,
sont de forme circulaire et tout en cuir. On les fabrique dans la région de l’Arménie, qui
est en amont de l’Assyrie ; les varangues sont faites de branches coupées de saule313 :
on applique sur elles extérieurement, comme on ferait d’un plancher, une enveloppe de
peaux ; [...] on donne au bateau une forme ronde comme celle d’un bouclier, on le garnit
entièrement de paille, et on le laisse aller au fil de l’eau, chargé de marchandises. Ce
qu’on transporte ainsi, ce sont surtout des jarres contenant du vin de Phénicie. [...] On
construit les bateaux de ce genre tantôt très grands tantôt moins. [...] Sur chaque bateau,
il y a un âne vivant ; sur les plus grands, plusieurs. Lors donc que les bateliers sont
arrivés à Babylone et qu’ils ont placé leur cargaison, ils vendent à la criée la carcasse du
bateau et toute la paille ; puis ils empilent les peaux sur leurs ânes et repartent pour
l’Arménie. Il leur est en effet impossible de remonter le fleuve en bateau, à cause de la
rapidité de son cours ; c’est pour cette même raison qu’ils font leurs bateaux non pas de
bois, mais de peaux.
Τὰ πλοῖα αὐτοῖσι ἐστὶ τὰ κατὰ τὸν ποταμὸν πορευόμενα ἐς τὴν Βαβυλῶνα, ἐόντα
κυκλοτερέα, πάντα σκύτινα. ἐπεὰν γὰρ ἐν τοῖσι Ἀρμενίοισι τοῖσι κατύπερθε Ἀσσυρίων
οἰκημένοισι νομέας ἰτέης ταμόμενοι ποιήσωνται, περιτείνουσι τούτοισι διφθέρας
στεγαστρίδας ἔξωθεν ἐδάφεος τρόπον· [...] ἀλλ᾽ ἀσπίδος τρόπον κυκλοτερέα
ποιήσαντες καὶ καλάμης πλήσαντες πᾶν τὸ πλοῖον τοῦτο ἀπιεῖσι κατὰ τὸν ποταμὸν
φέρεσθαι, φορτίων πλήσαντες· μάλιστα δὲ βίκους φοινικηίους κατάγουσι οἴνου πλέους.
[...] Ποιέεται δὲ καὶ κάρτα μεγάλα ταῦτα τὰ πλοῖα καὶ ἐλάσσω· [...] ἐν ἑκάστῳ δὲ πλοίῳ
ὄνος ζωὸς ἔνεστι, ἐν δὲ τοῖσι μέζοσι πλέονες. ἐπεὰν ὦν ἀπίκωνται πλέοντες ἐς τὴν
Βαβυλῶνα καὶ διαθέωνται τὸν φόρτον, νομέας μὲν τοῦ πλοίου καὶ τὴν καλάμην πᾶσαν
ἀπ᾽ ὦν ἐκήρυξαν, τὰς δὲ διφθέρας ἐπισάξαντες ἐπὶ τοὺς ὄνους ἀπελαύνουσι ἐς τοὺς
Ἀρμενίους. Ἀνὰ τὸν ποταμὸν γὰρ δὴ οὐκ οἷά τε ἐστὶ πλέειν οὐδενὶ τρόπῳ ὑπὸ τάχεος
τοῦ ποταμοῦ· διὰ γὰρ ταῦτα καὶ οὐκ ἐκ ξύλων ποιεῦνται τὰ πλοῖα ἀλλ᾽ ἐκ διφθερέων
(HDT I, 194).
203L’usage consistant à bourrer de foin la cale du radeau constitué de peaux se retrouve
à l’époque de Xénophon, alors que les soldats grecs se ravitaillent dans la ville de
Charmandé, « en traversant le fleuve [Euphrate] sur des radeaux de la manière
suivante : remplissant de foin sec les peaux de bêtes, qui leur servaient de tentes, ils en
rapprochaient et en fermaient les bords ; de cette façon l’eau ne mouillait pas le foin.
Sur ces peaux, ils passaient le fleuve et revenaient avec des vivres… », σχεδίαις
διαβαίνοντες ὧδε· διφθέρας ἃς εἶχον στεγάσματα ἐμπίμπλασαν χόρτου κούφου, εἶτα
συνῆγον καὶ συνέσπων314, ὡς μὴ ἅπτεσθαι τῆς κάρφης τὸ ὕδωρ· ἐπὶ τούτων διέβαινον
καὶ ἐλάμβανον τὰ ἐπιτήδεια… (XEN. An. I, V, 10).
204L’usage de telles embarcations est encore attesté au Ier siècle av. J.-C. chez les
populations celtes de Bretagne. Ainsi, « César fait faire à ses soldats des navires du
genre de ceux dont il avait appris l’usage, les années précédentes, en Bretagne. La quille
et l’armature étaient en bois léger, le reste de la carcasse formé d’osier entrelacé et
recouvert de cuir », imperat militibus Caesar ut naues faciant, cuius generis eum
superioribus annis usus Britanniae docuerat : carinae ac prima statumina ex leui
materia fiebant ; reliquum corpus nauium uiminibus contextum coriis
integebatur (CES. G.C. I, 54). On en trouve l’écho chez Lucain, qui décrit
sommairement la fabrication de ces radeaux, rates (LUCA. Phars. IV, 137) et donne
l’aire géographique de leur utilisation : « on mouilla des baguettes de saule argenté pour
les entrelacer en forme de nacelle ; recouverte de la dépouille des bœufs immolés, elles
portent ainsi le passager et bondissent sur le fleuve gonflé. Ainsi le Vénète navigue sur
les lagunes du Pô et le Breton sur le vaste Océan », primum cana salix madefacto
uimine paruam | texitur in puppim caesoque inducta iuuenco | uectoris patiens tumidum
supereminat amnem. | Sic Venetus stagnante Pado fusoque Britannus | nauigat
Oceano (LUCA. Phars. IV, 131-135). Pline confirme l’information : « encore
aujourd’hui, on rencontre, dans l’océan Britannique des radeaux en osier doublés de
cuir », etiam nunc in Britannico oceano uitiles corio circumsutae fiunt (PLIN. VII,
206)315.

Barges et ponts d’outres


205Par ailleurs, des outres gonflées permettaient de construire des barges ou des ponts
flottants afin de franchir des fleuves. L’usage en est attesté dès le IIe millénaire av. J.-C.
en Mésopotamie où il perdure jusqu’au XXe siècle316, et est rapporté pour la période
grecque classique par Xénophon. Ainsi, alors qu’ils font étape, les Grecs aperçoivent de
l’autre côté du fleuve Tigre une grande ville, Caenae, « d’où, sur des radeaux faits avec
des outres, les barbares apportèrent des pains, du fromage, du vin », Καιναί ἐξ ἧς οἱ
βάρβαροι διῆγον ἐπὶ σχεδίαις διφθερίναις ἄρτους, τυρούς, οἶνον (XEN. An. II, 4, 28).
Plus tard, un Rhodien propose aux Grecs un moyen de passer le Tigre, par groupes de
quatre mille hoplites : « J’aurai besoin, dit-il, de deux mille outres ; or, je vois de tous
les côtés des moutons, des chèvres, des bœufs, des ânes : écorchez ces bêtes, gonflez-en
la peau, nous pourrons facilement passer », Ἀσκῶν, ἔφη, δισχιλίων δεήσομαι· πολλὰ
δ’ὁρῶ πρόβατα καὶ αἶγας καὶ βοῦς καὶ ὄνους, ἃ ἀποδαρέντα καὶ φυσηθέντα ῥᾳδίως ἂν
παρέχοι τὴν διάβασιν (XEN. An. III, 5, 9).
206En 326 av. J.-C., Alexandre livre bataille contre le roi Poros à proximité de
l’Hydaspe, dans l’actuel Pakistan. Il décide de prendre à revers l’armée ennemie et de
passer avec sa cavalerie sur l’autre rive du fleuve par l’intermédiaire d’un îlot. Pour
cela, il fait construire des radeaux par ses soldats. Seul Arrien donne des détails
techniques relatifs à la fabrication de ces embarcations317, accomplie secrètement sur
un promontoire situé juste en face de l’îlot.
Pendant la nuit, les peaux amenées bien antérieurement318 furent remplies de foin sec
et cousues serre », ἐπληροῦντο τῆς νυκτὸς αἱ διφθέραι τῆς κάρφης, ἐκ πολλοῦ ἤδη
παρενηνεγμέναι, καὶ κατερράπτοντο ἐς ἀκρίβειαν ; « la plupart des bateaux demontes et
transportes en cet endroit furent remontes a l’abri des vues et caches dans la foret [du
promontoire], y compris les navires a trente rameurs », καὶ τῶν πλοίων δὲ τὰ πολλὰ
αὐτῷ ξυντετμημένα παρεκεκόμιστο ἐς τὸν χῶρον τοῦτον καὶ ἀφανῶς αὖθις
ξυμπεπηγμένα ἐν τῇ ὕλῃ ἐκρύπτετο, τά τε ἄλλα καὶ αἱ τριακόντοροι. A l’aube enfin, « la
cavalerie, embarquee sur les radeaux faits avec les peaux, et toute l’infanterie que
pouvaient contenir les bateaux, traverserent jusqu’a l’ile », καὶ ἡ μὲν ἄλλη στρατιὰ
αὐτῷ ἡ ἱππικὴ τῶν διφθερῶν ἐπιβᾶσα καὶ ὅσους τῶν πεζῶν τὰ πλοῖα ἐδέχετο ἐπέρα
κατὰ τὴν νῆσον (ARR., An. V, 12, 3-4).
207L’épisode a pu donner lieu à la production d’une série de figurines en terre cuite à
l’époque hellénistique, peut-être à partir d’un prototype en bronze du début du IIe siècle
av. J.-C. qui aurait servi d’ornement de fontaine. Elles représentent un satyre juvénile
agrippé à une outre gonflée qui semble dériver dans les airs ou sur les flots319. Ce motif
du « satyre à l’outre », dont certaines répliques viennent d’Alexandrie320, pourrait
illustrer un épisode de la campagne indienne de Dionysos qui fait écho à la traversée
d’Alexandre, si l’on songe que les Lagides se posent comme les héritiers du conquérant
et du dieu. Cependant, on connaît déjà pour la seconde moitié du VIe siècle av. J.-C. une
scène de satyres naviguant sur une outre ou sur une amphore, peinte sur une coupe à
figures rouges de l’entourage de Nicosthénès conservée au Louvre321.

Estrope, courroie d’attache de la rame


208Homère emploie le terme ὁ τροπός pour désigner une courroie de cuir qui permet
d’attacher la rame au tolet322 et l’empêche de se déplacer au moment de la poussée ou
de glisser à l’extérieur du navire si le rameur lâche prise323, dans deux passages où il
est question de la préparation des navires : « de chaque côté du bordage, on attacha les
rames aux estropes de cuir », ἠρτύναντο δ’ ἐρετμὰ τροποῖσ’ ἐν δερματίνοισι | πάντα
κατὰ μοῖραν (Od. 4, 782-783 = 8, 53-54).
209À l’époque classique, le terme est remplacé par ὁ τροπωτήρ, que l’on trouve d’abord
chez Eschyle dans le récit du Messager Perse, lorsqu’il mentionne les préparatifs de son
camp précédant la bataille de Salamine : « chaque marin lie sa rame au tolet qui la
soutiendra », ναυβάτης τ’ ανήρ | τροποῦτο κώπην σκαλμὸν ἀμφ’εὐήρετμον
(ESCHL. Pers. 375-376). On le retrouve ensuite chez Aristophane dans une liste de
préparatifs de guerre habituels chez les Athéniens, que dresse Dicéopolis : « des outres,
des courroies à rames [...] à l’arsenal un vacarme d’avirons qu’on aplatit, de tolets qu’on
enfonce à grands coups, de courroies qu’on fixe aux sabords », ἀσκῶν, τροπωτήρων [...]
τὸ νεώριον δ’αὖ κωπέων πλατουμένων,| τύλων [...] ψοφούντων, θαλαμιῶν
τροπουμένων (AR. Ach. 549 et 553). On notera que dans la deuxième occurrence, le
terme (sous sa forme verbale) semble utilisé pour désigner plutôt les askômata, les
sabords gainés de cuir324, peut-être déjà désignés par le terme askoi dans la
première325.
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Fig. 18 - Estropes (courroies pour maintenir les rames de navire aux mains des
rameurs), ou, plus vraisemblablement, himantes (lanières pour le pugilat). Dessin
d’après photographie d’une base hellénistique à reliefs en l’honneur des Dioscures,
représentant sur la face principale adjacente deux proues de navires. Musée
archéologique de Mytilène (numéro d’inventaire non mentionné sur le cartel). Dessin ©
J.-Chr. Adenis (2014).
210Un passage de Thucydide décrit un projet d’attaque contre le Pirée par la flotte
péloponésienne au cours de l’hiver 429, et permet d’identifier les objets que devait
posséder chaque marin à ses côtés, dans le navire, en plus de sa rame : « L’idée était que
chacun des marins prît sa rame, son coussin326 et sa courroie et se rendît, par voie de
terre, de Corinthe jusqu’au rivage du côté athénien », Ἐδόκει δὲ λαβόντα τῶν ναυτῶν
ἕκαστον τὴν κώπην καὶ τὸ ὑπηρέσιον καὶ τὸν τροπωτῆρα πεζῇ ἰέναι ἐκ Κορίνθου ἐπὶ
τὴν πρὸς Ἀθήνας θάλασσαν (THUC. II, 93, 2). Toutefois, le passage fait débat chez les
commentateurs modernes. Ainsi, pour A. W. Gomme, si le terme τροπωτήρ désigne de
manière juste la courroie de fixation de la rame au tolet pour les embarcations
homériques ou modernes, cela a peu de sens pour les trirèmes, dans lesquelles deux tiers
des rames au moins, et probablement toutes, ne reposaient pas sur un tolet mais sur une
dame, c’est-à-dire une entaille découpée dans le bordage supérieur de l’embarcation et
servant de point d’appui à un aviron garni de cuir à l’endroit où il porte327. Il reprend la
proposition de Bishop328 selon laquelle le terme désigne une longueur de cordage ou
une sangle en cuir requise pour compenser le poids du manche et d’une épaisseur
suffisante pour prévenir le glissement de la rame à travers la dame. Chacune pouvait
être dotée de cette boucle de cuir permettant d’attacher les poignées des rames à
l’arrière du navire, toutes parallèles les unes aux autres, pendant une pause, un arrêt329.
Cette opinion va à l’encontre des tenants de notre interprétation première, qui vont
jusqu’à préciser que le lien de cuir était sûrement utilisé pour fixer les rames des deux
rangs inférieurs du pont, qui passaient au travers des ouvertures pratiquées dans le flanc
du navire330. Une base gravée d’époque hellénistique conservée au Musée
archéologique de Mytilène représente, sur une face, deux poupes de navires et, sur la
face adjacente, deux courroies fines suspendues par le milieu, l’une étant attachée par
une languette de cuir, ainsi que quatre mains, paumes fermées, dont la partie supérieure
des phalanges est entourée d’une courroie plus large : il pourrait s’agir des courroies
d’attache des rames, mais le relief ne nous apprend rien de précis sur la façon dont elles
étaient reliées au navire (fig. 18). En dernière analyse, il semble qu’il faille plutôt y voir
des himantes de boxe : le bloc est à mettre en rapport avec le culte de Dioscures qui ont
pris part à l’expédition des Argonautes331 ; or, Pollux est désigné depuis Homère
comme un héros « habile au pugilat » (Il. 3, 237 = Od. 11, 300 : πὺξ ἀγαθὸν
Πολυδεύκεα), et son combat contre Amycos, qui se déroule lors d’une étape au cours du
périple, est longuement décrit par Théocrite332.
211On trouve en outre la forme verbale chez Lucien, dans le récit de la traversée des
morts jusque dans l’Hadès : Charon, alors, s’impatiente en attendant Hermès car le
bateau est amarré, « chacune des rames dans sa courroie », τῶν κωπῶν ἑκάστη
τετρόπωται (LUC. Trav. 1).
212Par ailleurs, si le tropoter est l’équivalent technique du tropos homérique,
le kopeter d’Hermippos (Ve siècle av. J.-C.) semble être un nom alternatif pour désigner
la même chose, tant le texte fait écho à celui de Thucydide : « C’est l’heure, donc, de
t’avancer à mes côtés en tenant ta courroie à rame et ton coussin, afin, après avoir pris
pied dans le navire, de ramer bruyamment », ὥρα τοίνυν μετ’ἐμοῦ χωρεῖν <τὸν>
κωπητῆρα λαβόντα | καὶ προσκεφάλαιον, ἵν’ἐς τὴν ναῦν ἐμπηδήσας ῥοθιάζῃς
(HERMIP. fr. 54A K.-A., vol. V, p. 586 = fr. 54 K. = HESYCH. s.v. πανικτόν).

Sabord gainé de cuir (askôma)


213Nous évoquions précédemment les askômata, gaines de cuir venant garnir le sabord
et, dès lors, percées d’une fente à l’une de leur extrémité pour laisser passer l’aviron. Le
terme se trouve dans des textes littéraires, épigraphiques et certains vases en offrent
l’illustration333.
214Aristophane associe aux askômata les voiles en lin et la poix comme articles de
contrebande dont fait commerce le magistrat corrompu : « il exporte d’Égine des
marchandises prohibées et fait passer à Épidaure des cuirs de sabord, des voiles, de la
poix », ἐξ Αἰγίνης [...] | ἀσκώματα καὶ λίνα καὶ πίτταν διαπέμπων εἰς Ἐπίδαυρον
(AR. Gr. 363-364). Le scholiaste explique que « l’askôma est un morceau de cuir utilisé
dans les trières, dans lequel, au travers d’une fente, on passe la rame », ἄσκωμα
δερμάτινόν τι ᾧ ἐν ταῖς τριήρεσι χρῶνται, καθ’ὃ τρῆμα ἡ κώπη βάλλεται 334. La plus
ancienne des listes de navires, datée de 377/376 (IG II2 1604), signale que les navires
sont équipés d’askômata, que quelqu’un dont on donne le nom est en possession
d’askômata, que l’autorité de l’arsenal dispose de l’argent pour eux (43 drachmes et
2 oboles, de manière régulière)335, ou encore qu’ils sont manquants.
215L’utilisation d’un mantelet de cuir à l’intérieur des sabords avait une fonction
évidente : il permettait de les fermer quand les rames étaient rangées à l’intérieur du
navire. Cette gaine en cuir devait être nécessaire en cas de mauvais temps, pour prévenir
la pénétration de l’eau, selon Polyen336 : au IVe siècle, dans les trières athéniennes
commandées par le stratège Chabrias, « on avait revêtu de peaux chaque partie de la
coque pour la protéger les assauts des vagues », τῶν κυμάτων ὑπὲρ τὴν παρεξειρεσίαν
ἐκατέρου τοίχου δέρρεις παρέβαλεν (POLY. Strat. III, 11, 13).
216Un autre passage d’Aristophane utilise le terme comme métaphore, et permet
d’interpréter quelques rares occurrences obscures dans les listes navales. Dans
les Acharniens, Pseudartabas, l’ambassadeur du roi des Perses, est décrit en ces termes
moqueurs par Dicépolis : « l’homme, recherches-tu un navire de guerre ? Ou est-ce que,
doublant un cap, tu recherches la cale ? On dirait que tu as un askoma <qui pend> sous
l’œil », ἄνθρωπε ναύφαρκτον βλέπεις; | ἢ περὶ ἄκραν κάμπτων νεώσοικον σκοπεῖς; |
ἄσκωμ’ ἔχεις που περὶ τὸν ὀφθαλμὸν κάτω (AR. Ach. 94-97). C’est parce que l’homme
est l’Œil du Roi que la métaphore est rendue possible ici, les Grecs
appelant ophthalmoi certaines parties du navire : écubiers et sabords de nage, ainsi que
le rappelle le scholiaste : « grands étaient les yeux des trières, à travers lesquels on
faisait passer les rames pour ramer. Ils étaient obstrués par des expédients en cuir afin
d’éviter tout frottement contre les planches (du pont ou de la coque ?) », μεγάλοι ταῖς
τριήρεσιν ὀφθαλμοὶ γίνονται, δι’ὧν τὰς κώπας ἐμβάλλοντες ἐκωπηλάτουν. ἐφράττοντο
δὲ καὶ δερματίνοις τροποῖς πρὸς τὸ μὴ τρίβεσθαι τὰ σανιδώματα (Sch. Ach. 95a (I)
[vet])337.

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Fig. 19 - Relief représentant une trirème : les petites excroissances à l’extrémité des
rames du rang du bas sont interprétées parfois comme les sacs de cuir gainant les
sabords. « Relief Lenormant » (v. 410-400). Athènes, musée de l’Acropole, Aκρ. 1339.
© Μουσείο Ακρόπολης, Φωτ. Σωκράτης Μαυρομμάτης.
217Il est en revanche plus inattendu de trouver l’expression dans les listes navales, qui
consiste à dire d’un navire que « son œil est cassé » (IG II2 1604, l. 68 : ὀφθαλμὸς
κατέαγεν)338, ou qu’« il n’a pas d’apparaux et n’a même pas d’yeux » (IG II2 1606, l.
26-28, 30-32, 88-90 : αὕτη σκεῦος ἔχει οὐδὲν οὐδὲ τὸ χάλκωμα τὸ ἄνω)339. Cela ne
pouvait guère désigner les yeux peints sur la coque avant du navire, comme le montrent
souvent les représentations340, mais peut-être plutôt la gaine ou encore le tolet situé
derrière le sabord, endommagés dans le premier cas, ou pas encore montés sur un navire
non ini dans le second.
218Que nous apprennent les sources iconographiques ? Elles laissent deviner la plupart
du temps des éléments qu’on peut dificilement interpréter autrement que comme des
gaines ou des sacs pour les rames : le cratère attique en volutes à figures rouges peint
vers 400 par le peintre de Talos341 montre une trière du Ve siècle sur laquelle le trou à
rame le plus bas est revêtu d’une espèce de gaine détachée, mal assujettie ; le relief
Lenormant (vers 410) comporte, sur le dernier niveau de représentation des rames
thalamiennes disposées en lignes parallèles obliques, de petits renflements qui
pourraient représenter le revêtement de cuir attaché au sabord et tiré vers l’extérieur par
le poids de l’aviron (fig. 19).

Courroies diverses
219C’est en recourant au terme générique que les auteurs désignent une fois encore
diverses courroies, dont le contexte permet de préciser l’emploi dans le domaine de la
navigation : ainsi, dans les textes homériques, à côté des gréments et cordages désignés
génériquement par ὅπλα (Od. 2, 390 et 430)342, les termes βοεία et βοεύς en viennent à
désigner en fait, par métonymie, une courroie réalisée dans le cuir solide d’un bœuf ou,
plus généralement, d’un bovidé. L’Odyssée présente ainsi une scène où les gens de
Télémaque accomplissent les manœuvres au départ d’un bateau : ils dressent le mât de
sapin, raidissent les étais « et au moyen de drisses de cuir tordu hissent les voiles
blanches », ἕλκον δ’ ἱστία λευκὰ ἐϋστρέπτοισι βοεῦσιν (Od. 2, 426 = 15, 291).
L’adjectif composé ἐΰστρεπτος (εὔστρεπτος) qui qualifie ici les courroies est ambigu,
car il peut renvoyer à une opération technique (la drisse est « bien tournée, tordue ») ou
à une qualité du matériau (« qui tourne bien, flexible, souple ») ; s’il renvoie bien à
l’idée d’une torsion, celle-ci a pour effet de renforcer la solidité du câble de cuir. Dans
l’Hymne qui lui est consacré, le dieu Apollon se trouve à bord d’un navire et donne des
instructions aux marins crétois « laissant les voiles comme ils les avaient tout d’abord
fixées avec des courroies », ὡς τὰ πρώτιστα κατεστήσαντο βοεῦσιν (Hymn. Ap. I, 407) :
« Détachez d’abord les courroies et carguez les voiles », ἱστία μὲν πρῶτον κάθετον
λύσαντε βοείας (Hymn. Ap. I, 487)343.
220L’autre terme générique, ἱμάντες, se rencontre également pour désigner tout type de
courroie équipant le navire, comme « deux vieilles courroies » (ἱμάντες παλαιοί β) dans
les archives de Zénon, parmi une liste d’articles courants réutilisés (PCZ IV, 59756, l.
5)344.
221Enfin,Hésychius est le seul à mentionner les πέδαι qu’il définit comme des
« anneaux de navire revêtus de cuir pour les rames et le mât », κρίκοι ἐσκυτωμένοι τῆς
νεὼς τοῖς πηδαλίοις καὶ τῷ ἱστῳ (HESYCH. s.v.). Il ne peut s’agir uniquement
d’anneaux que l’on fixait à l’extrémité de l’aviron de bois pour en faciliter la préhension
et éviter qu’il ne glisse, puisque le mât est susceptible d’en être équipé. Il faut sûrement
y voir plutôt des anneaux de renfort, cerclages habituellement en corde ou en métal
disposés régulièrement le long du mât de sorte qu’il ne se fende pas et résiste mieux aux
efforts qu’il subit. Ce sont probablement des « roustures » métalliques de ce type,
utilisées pour le mât et, aux dires d’Hésychius, pour les rames, qui étaient ainsi
enveloppées dans une feuille de cuir pour protéger le bois de la morsure du métal345.

Les activités gymniques et sportives


Lanières de cuir pour le pugilat
222Le pugilat346 en tant qu’épreuve codifiée apparaît chez Homère comme épreuve des
jeux funéraires de Patrocle : après la course de chars, Épéios et Euryale se préparent à
l’affrontement, d’abord au pugilat, puis à la lutte. Ils passent une ceinture347 et
enroulent autour de leurs mains des « courroies bien taillées dans le cuir d’un bœuf
agreste » ἱμάντας ἐυτμήτους βοὸς ἀγραύλοιο (Il. 23, 683-685)348. Cet équipement
propre à renforcer les coups et à protéger les mains des boxeurs est certainement ce qui
caractérise sans qu’on puisse s’y tromper les pugilistes dans les représentations
iconographiques349 – même s’il connaît des évolutions350 –, qu’ils soient représentés
en train de l’enrouler ou de le dérouler à la palestre (fig. 20), ou au cœur du combat
(fig. 21). Les himantes définissent le pugiliste, comme le résume la formule de
Théocrite lorsqu’il afirme qu’Héraklès a appris « tous les artifices utiles à leur art
qu’imaginèrent les pugilistes habiles au maniement des courroies », ὅσσα τε πύκται |
δεινοὶ ἐν ἱμάντεσσιν [...] παλαμήματα σύμφορα τέχνᾳ (THEOCR. XXIV, 112-114).
223Une autre des caractéristiques de ce type de combat, que signalent souvent les textes,
est la force des coups donnés et reçus, et les blessures inligées entre adversaires, dont
les himantes peuvent être en premier lieu responsables351.
224Le plus long texte, à notre connaissance, qui détaille un pugilat est le récit du combat
entre Pollux et le chef des Bébryces, Amycos, ils de Poséidon, alors que la nef Argo
vient d’accoster dans le pays de ces derniers. Théocrite, dans l’Idylle XXII, nous fournit
des informations sur trois points :
 la matière des courroies et leur consistance : « courroies en cuir de bœuf »,
βοέοισιν ἱμᾶσιν (v. 3) ; « les combattants s’entredétruisaient, en se frappant avec
les dures courroies », ἀλλήλους δ’ ὄλεκον τερεοῖς θείνοντες ἱμᾶσιν (v. 108) ;
 la façon de les porter : l’ambiguïté du terme cheir en grec, « main » ou « bras »,
qu’on peut lire au v. 68 lorsque Pollux s’exclame : « Qui est celui sur qui
j’assénerai mes mains armées de courroies ? » (Τίς γάρ, ὅτῳ χεῖρας καὶ ἐμοὺς
συνερείσω ἱμάντας;), peut être levée dès le début du texte avec les v. 2-3 :
« Pollux qu’on doit craindre au combat à coups de poing quand il a les bras
ceints jusqu’en leur milieu de courroies en cuir de bœuf », φοβερὸν Πολυδεύκεα
πὺξ ἐρεθίζειν | χεῖρας ἐπιζεύξαντα μέσας βοέοισιν ἱμᾶσιν. Le lecteur apprend
même plus loin que l’équipement complet consiste en bandes de cuir placées
autour des mains et reliées par des courroies au bras : « Lors donc que les
adversaires eurent armé leurs mains de bandes de cuir de bœuf et enroulé autour
de leurs bras les longues courroies, ils entrèrent en lice », οἳ δ’ ἐπεὶ οὖν
σπείραισιν ἐκαρτύναντο βοείαις | χεῖρας καὶ περὶ γυῖα μακροὺς εἵλιξαν ἱμάντας,
| ἐς μέσσον σύναγον (v. 80-82) ;
 les blessures qu’elles inligent ou dont elles ont marqué à vie les visages lors de
précédents combats : Amycos a « un aspect terrible, aux oreilles broyées par le
choc des poings durs », δεινὸς ἰδεῖν, σκληρῇσι τεθλασμένος οὔατα πυγμαῖς
(v. 45) ; recevant les coups de Pollux, il a « la bouche et les mâchoires couvertes
de plaies cruelles, et ses yeux rétrécis dans son visage tuméié », ἕλκεα λυγρὰ
περὶ στόμα τε γναθμούς τε· | ὄμματα δ’οἰδήσαντος ἀπεστείνωτο προσώπου
(v. 100-101). Pollux « lui donna du poing au-dessus du nez au milieu des
sourcils, et lui déchira le front jusqu’à l’os », μέσσης ῥινὸς ὕπερθε κατ’ὀφρύος
ἤλασε πυγμῇ,| πᾶν δ’ἀπέσυρε μέτωπον ἐς ὀστέον (v. 104-105) ; « Pollux lui
défigurait tout le visage par d’horribles blessures », ἀεικέσι πληγαῖς | πᾶν
συνέφυρε πρόσωπον (v. 110-111) ; « de sa main vigoureuse, il frappait Amycos
au-dessous de la tempe [...] ; un sang noir se répandit vivement de la tempe
béante. Puis, avec sa main gauche, Pollux battit la bouche d’Amycos dont il i t
craquer les dents serrées ; et, sous une grêle de coups toujours plus rapides, il lui
abîma la figure, jusqu’à ce que les joues fussent mises en lambeaux », στιβαρῇ
δ’ἅμα χειρί | πλῆξεν ὑπὸ σκαιὸν κρόταφον [...] | ἐκ δ’ἐχύθη μέλαν αἷμα θοῶς
κροτάφοιο χανόντος·| λαιῇ δὲ στόμα κόψε, πυκνοὶ δ’ ἀράβησαν ὀδόντες· | αἰεὶ
δ’ ὀξυτέρῳ πιτύλῳ δηλεῖτο πρόσωπον,| μέχρι συνηλοίησε παρήϊα (v. 123-128).

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Fig. 20 - Jeune homme laçant ses himantes avant le combat, sous le regard de son
entraîneur. Coupe attique à figures rouges attribuée au Peintre de Triptolème, tondo
(v. 490-480). Toledo, Museum of Art, Purchased with funds from the Libbey
Endowment, Gift of Edward Drummond Libbey, 1961.26.

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Fig. 21 - Boxeurs au combat, poings et poignets équipés d’himantes. Coupe attique à
figures rouges attribuée au Peintre de Triptolème, face A (v. 490-480). Toledo, Museum
of Art, Purchased with funds from the Libbey Endowment, Gift of Edward Drummond
Libbey, 1961.26.
225Philostrate, dans un texte plus technique, revient sur ces trois aspects (matière, port
des courroies et blessures provoquées par celles-ci) :
Les anciens pugilistes étaient armés de la manière suivante : ils entraient les quatre
doigts dans une espèce de gant, et les doigts dépassaient de ce gant autant qu’il fallait
pour qu’on pût fermer le poing quand la main se repliait ; les doigts étaient maintenus
[dans ce gant] par une corde qui descendait du coude en spirale comme un soutien.
Maintenant on a changé cela : on fait bouillir du cuir de bœuf très gras, et on en fabrique
une « courroie aiguë » et qui se prolonge sur les doigts. Le pouce ne doit pas agir
conjointement avec les doigts quand on porte les coups, afin de frapper comme si toute
la main ne prenait part au combat ; et cela pour que les blessures soient moins graves ;
par le même motif on a banni du stade les lanières de cuir de cochon, pensant que les
blessures qu’elles produisent sont douloureuses et difficiles à guérir.
Ὥπλιστο δὲ ἡ ἀρχαία πυγμὴ τὸν τρόπον τοῦτον· εἰς στρόφιον οἱ τέτταρες τῶν δακτύλων
ἐνεβιβάζοντο, καὶ ὑπερέβαλλον τοῦ στροφίου τοσοῦτον, ὅσον εἰ συνάγοιντο, πὺξ εἶναι·
ξυνείχοντο δὲ ὑπὸ σειρᾶς, ἣν καθάπερ ἔρεισμα ἐβέβληντο ἐκ τοῦ πήχεος. Νυνὶ δὲ αὖ
μεθέστηκε· ῥινοὺς γὰρ τῶν πιοτάτων βοῶν ἕψοντες ἱμάντα ἐργάζονται πυκτικὸν ὀξὺν
καὶ προεμβάλλοντα. Ὁ δέ γε ἀντίχειρ οὐ ξυλλαμβάνει τοῖς δακτύλοις τὸ πλήττειν, ὑπὲρ
συμμετρίας τῶν τραυμάτων, ὡς μὴ πᾶσα ἡ χεὶρ μάχοιτο· ὅθεν τοὺς ἱμάντας τοὺς ἀπὸ
τῶν συῶν ἐκκρίνουσι τῶν σταδίων, ὀδυνηρὰς ἡγούμενοι τὰς ἀπ’ αὐτῶν πληγὰς καὶ
δυσιάτους (PHILOST. Gymn. 10).
226Le terme technique d’ἱμὰς ὀξύς, parfois traduit par « ceste léger » par opposition au
ceste romain, doté parfois de pointes métalliques et d’un anneau de cuir extrêmement
dur, correspond à une sorte de gant souple : un anneau de cuir assez rigide, fait lui-
même de courroies entrecroisées d’après certaines représentations, enserre les phalanges
des doigts, hormis le pouce dont l’extrémité reste nue ; deux courroies croisées sur le
dessus de la main se rattachent au poignet, lui-même couvert d’une ou plusieurs
courroies352. Ce modèle est utilisé à partir des dernières décennies du IVe siècle av. J.-
C. et se rencontre encore chez Pausanias, qui en fait bien le successeur des
simples himantes enroulées autour de la main :
Les pugilistes n’avaient pas encore à cette époque de courroie « aiguë » au poignet de
chaque main ; ils boxaient encore avec des courroies « molles » qu’ils nouaient sous la
paume de la main de façon à laisser les doigts nus ; les courroies « molles » étaient des
courroies légères en cuir de bœuf non tanné, entrelacées à l’ancienne.
Tοῖς δὲ πυκτεύουσιν οὐκ ἦν πω τηνικαῦτα ἱμᾶς ὀξὺς ἐπὶ τῷ καρπῷ τῆς χειρὸς ἑκατέρας,
ἀλλὰ ταῖς μειλίχαις ἔτι ἐπύκτευον, ὑπὸ τὸ κοῖλον δέοντες τῆς χειρός, ἵνα οἱ δάκτυλοί
σφισιν ἀπολείπωνται γυμνοί· ἀεὶ δὲ ἐκ βοέας ὠμῆς ἱμάντες λεπτοὶ τρόπον τινὰ ἀρχαῖον
πεπλεγμένοι δι’ ἀλλήλων ἦσαν αἱ μειλίχαι (PAUS. VIII, 40, 3).
227Enfin, dans une liste de termes spécialisés relatifs au combat aux poings (pugilat,
pancrace), Pollux nous donne comme équivalent lexical de ces himantes le
terme myrmex au pluriel, les « fourmis », sans autre explication : πυγμή· καὶ τὰ ὅπλα
σφαῖραι [...], καὶ μύρμηκες δὲ τὰ ὅπλα, καὶ ἵμαντες (POLL. III, 150). Hésychius,
précisant le sens du mot ἱμάς du vers de l’Iliade précédemment cité (Il. 23, 684), glose
ἐπὶ τῶν μυρμήκων, et une épigramme satirique de Lucillius (Ier siècle apr. J.-C.),
décrivant les blessures du visage mutilé et méconnaissable du boxeur Apollophanès
comme autant de « galeries de fourmis sinueuses et droites » (μυρμήκων τρυπήματα
λοξὰ καὶ ὀρθὰ, A.P. XI, 78, 3), y fait certainement allusion353.
Punching-ball (kôrykos)
228Timoclès d’Athènes, poète comique contemporain de Démosthène, ne fait qu’une
allusion au kôrykos, par laquelle il indique tout de même le matériau dans lequel il est
fabriqué354 : « Tu trouveras un de ces “chercheurs de victuailles” qui dînent à la table
d’autrui jusqu’à éclater, et qui s’offrent eux-mêmes aux athlètes, en lieu et place de
punching-balls, pour être écorchés » εὑρήσεις δὲ τῶν ἐπισιτίων | τούτων τιν’ οἳ
δειπνοῦσιν ἐσφυδωμένοι | τἀλλότρι’, ἑαυτοὺς ἀντὶ κωρύκων λέπειν | παρέχοντες
ἀθληταῖσιν (ATH. VI, 246f)355.
229L’auteur hippocratique du Régime préconise, en complément d’une alimentation
surveillée, l’entraînement des patients en fonction de leurs symptômes, et la « lutte au
ballon » apparaît à trois reprises aux côtés d’autres types d’exercices356. Ainsi, il est
question des mouvements de bras que l’athlète doit s’exercer à faire : ἀκροχείριξις
ἰσχναίνει καὶ τὰς σάρκας ἕλκει ἄνω, καὶ κωρυκομαχίη καὶ χειρονομίη παραπλήσια
διαπρήσσεται, « la lutte à la main amaigrit et fait remonter les chairs ; la lutte au ballon
et les mouvements rythmés des bras ont des effets analogues » (HIPPO. Rég. II, 64, 3).
Si l’exercice de χειρονομίη désigne de manière hypéronymique des exercices de mains
ou de bras exécutables par tous357, les deux autres termes sont plus étroitement
associés à la pratique du pugiliste et/ou du pancratiaste et à l’entraînement d’un sport de
combat : d’après la Souda (s.v. ἀκροχειρίζεσθαι), l’exercice d’ἀκροχείριξις (variante
ἀκροχειρισμός) consiste à se battre à bout de bras, sans effectuer de prises ou
d’enlacements ; le terme κωρυκομαχίη, quant à lui, est un hapax qui apparaît trois fois
dans Régime358, mais en référence à la lutte au ballon.

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Fig. 22 - Kôrykos, « punching-ball », suspendu dans le champ, entre deux boxeurs
combattant. Coupe attique à figures noires attribuée au Peintre de la Sandale, face B
(v. 560-550). University Museums, University of Mississippi, 1977-3-68. © David M.
Robinson Memorial Collection, University of Mississippi Museum and Historic Houses.
230Philostrate et Oribase, certes plus récents, décrivent plus en détails ce ballon de cuir
rempli diversement en fonction de la force des utilisateurs, de même que la longueur de
l’instrument était adaptée à chacun. Oribase indique aussi pour quels exercices il
pouvait être employé :
On suspendra un punching-ball pour les pugilistes, mais bien plus encore pour ceux qui
se livrent au pancrace. Que celui destiné aux pugilistes soit léger, puisque ces athlètes
exercent uniquement les mains ; au contraire, celui des pancratiastes doit être plus lourd
et plus grand, afin qu’ils éprouvent la solidité de leur stature, en ne cédant pas au choc
du punchingball, et qu’ils s’exercent les épaules et les doigts en se heurtant contre
quelque chose qui résiste. On doit aussi se frapper la tête [contre le kôrykos ?]. Enfin
l’athlète se soumettra à toutes les espèces d’exercices auxquels le pancratiaste se livre
debout.
Κώρυκος δὲ ἀνήφθω μὲν καὶ πύκταις· πολὺ δὲ μᾶλλον τοῖς ἐπὶ τὸ παγκράτιον φοιτῶσιν.
Ἔστω δὲ καὶ κοῦφος μὲν ὁ πυκτικός, ἐπειδὴ κωρύκου γυμνάζονται μόναι αἱ τῶν
πύκτων χεῖρες· ὁ δὲ τῶν παγκρατιαστῶν ἐμβριθέστερος καὶ μείζων, ἵνα γυμνάζοιντο
μὲν τήν βάσιν, ἀνθιστάμενοι τῇ τοῦ κωρύκου ἐπιφορᾷ, γυμνάζοιντο δὲ ὤμους τε καὶ
δακτύλους, ἐς ἀντίπαλόν τι παίοντες. Ἡ κεφαλὴ ἐναραττέτω καὶ πάντα ὁ ἀθλητὴς
ὑποκείσθω τοῦ παγκρατίου τὰ ὀρθὰ εἴδη (PHILOST. Gymn. 57).
On remplit le punching-ball de graines de figues ou de farine pour les gens faibles, et de
sable pour les gens forts. La grandeur doit être appropriée aux forces et à l’âge. On le
suspend en haut au plafond des gymnases à une distance du sol telle que le fond est à la
hauteur du nombril de celui qui s’exerce. Ceux qui s’en servent le tiennent avec les
mains et le font balancer avec les deux à la fois, d’abord doucement et ensuite plus
fortement, de façon à courir après quand il s’en va, et à l’éviter quand il revient, pour ne
pas être repoussés avec force ; ensuite ils le lancent hors de leurs mains, en le poussant,
de sorte qu’en revenant il frappe plus fortement le corps lorsqu’il le touche ; enfin ils le
lancent en le frappant très fortement, de manière à être repoussés quand il revient, s’ils
ne sont pas très attentifs. Quelquefois ils vont à sa rencontre pour le recevoir dans les
mains, d’autres fois ils le reçoivent sur la poitrine les bras étendus, d’autres fois enfin ils
se retournent et le reçoivent sur le dos. Le kôrykos peut rendre le corps musculeux et
donner de la force ; c’est un exercice efficace pour les épaules et pour tout le corps, et il
est profitable à tous les viscères à cause des coups qu’on reçoit.
Κώρυκος ἐπὶ μὲν τῶν ἀσθενεστέρων ἐμπίπλαται κεγχραμίδων, ἢ ἀλεύρου· ἐπὶ δὲ τῶν
ἰσχυροτέρων ψάμμου. Τὸ δὲ μέγεθος αὐτοῦ πρός τε δύναμιν καὶ ἡλικίαν
συναρμοζέσθω. Κρεμάννυται δ’ ἐν τοῖς γυμνασίοις ἄνωθεν ἐξ ὀροφῆς, ἀπέχων τῆς γῆς
τοσοῦτον ὥστε τὸν πυθμένα κατὰ τὸν ὀμφαλὸν εἶναι τοῦ γυμναζομένου. Τοῦτον
διχείρως ἔχοντες ἀμφοτέραις αἰωροῦσιν οἱ γυμναζόμενοι, τὴν μὲν πρώτην ἡσύχως,
ἔπειτα σφοδρότερον ὥστε καὶ ἐπεμβαίνειν ἀποχωροῦντι αὐτῷ καὶ πάλιν προσιόντος
ὑπείκειν ἐξωθουμένους ὑπὸ τῆς βίας· τὸ δὲ τελευταῖον ἀφιᾶσιν αὐτὸν ἔξω τῶν χειρῶν
ἀπώσαντες ὥστε ὑποστρέψαντα σφοδρότερον ἐμπίπτειν τῷ σώματι ἐκ τῆς
προσελεύσεως· τὰ δ’ ὕστατα ἐπὶ πλεῖστον αἰκίσαντες αὐτὸν ἀποπέμπουσιν ὥστε ἐκ τῆς
προσόδου, εἰ μὴ σφόδρα προσέχοιεν, ἀποστρέφεσθαι. Ποτὲ μὲν οὖν ταῖς χερσὶν
ἀντιβαίνουσιν αὐτῷ προσιόντι, ποτὲ δὲ τῷ στέρνῳ, τὰς χεῖρας ἀναπετάσαντες, ἄλλοτε
δ’ ἐπιστρέφοντες κατὰ μετάφρενον. Δύναται μὲν οὖν μυῶσαι σῶμα καὶ τόνον
περιβαλεῖν, καὶ ὤμοις καὶ παντὶ τῷ σώματι δυνατὸν γυμνάσιον· σπλάγχνοις δὲ πᾶσι
κατάλληλον διὰ τὰς πληγάς. (ORIB. VI, 33, 1).
231Il est par conséquent tout naturel de trouver, dans une liste d’activités du gymnase
que dresse Lucien dans Lexiphane, celle qui consiste à battre de ses poings le ballon
d’entraînement : « Arrivés au gymnase, nous nous dépouillons de nos vêtements, et
alors l’un se met à lutter à la pointe des mains, l’autre en se colletant et en se prenant à
bras-lecorps ; un troisième, bien frotté d’huile, se plie dans tous les sens ; celui-ci
s’exerce au punching-ball (ὁ δὲ ἀντέβαλλε τῷ κωρύκῳ), celui-là, saisissant des balles de
plomb à pleine main, les lance avec bruit » (LUC. Lex. 5, 4-5). Une inscription de
Priène du Ier siècle av. J.-C.359 atteste l’emploi d’un tel intrument d’entraînement dans
le gymnase.
232On trouve une représentation de ce sac de cuir suspendu dans le champ, comme
accroché au mur et semblant ployer sous son propre poids, sur une coupe attique à
figures noires du milieu du VIe siècle (fig. 22). Sur une pélikè attique à figures rouges de
440-420, deux nains s’exercent à la palestre, l’un tapant des pieds et des mains le
punching-ball qui a ici une forme de porc360.
Lien pour le prépuce (kynodesmê)
233Quelques rares textes nous informent de l’utilisation par les athlètes d’un lien, peut-
être en cuir, qui leur servait à attacher leur prépuce. On sait, comme le rappelle François
Lissarrague dans un article où il analyse les images vasculaires de satyres
ithyphalliques, dont la grosseur du membre signifie clairement la sexualité débridée 361,
que les éphèbes sont peints au contraire avec des sexes discrets, de petite taille, par
choix esthétique, ce que vient confirmer un texte comme les Nuées d’Aristophane où le
Raisonnement Juste, Dikaios Logos, définit en ces termes ce que doit être le jeune
homme parfait s’entraînant à la palestre : « toujours la poitrine robuste, le teint clair, les
épaules larges, la langue courte, la fesse grosse, la verge petite (πόσθην μικράν) »
(AR. Nu. 1011-1014). Si les satyres sont exhibitionnistes, il semble donc que les Grecs
se soient dotés au gymnase d’un équipement pour faire en sorte que leur corps soit
conforme à un idéal esthétique. Les textes ne sont pas explicites mais parlent d’un lien
disposé autour du prépuce (κύων, le « chien », prenant le sens de membre viril, chez les
Comiques notamment)362 : « On appelle kunodesmê ce lien au moyen duquel on
attachait le prépuce363 », ᾧ δὲ τὴν πόσθην ἀπέδουν, τοῦτον τὸν δεσμὸν κυνοδέσμην
ὠνόμαζον (POLL. II, 171) ; « kunodesmê : attache pour le prépuce », κυνοδέσμη·
δεσμὸς ἀκροποσθίας (HESYCH. s.v.) ; « kunodesmê : petite <lanière de> cuir au moyen
de laquelle ceux qui se montrent indécents au moment des déshabillages s’attachent le
prépuce », κυνοδέσμη· δέρματινον ᾧ τὰς ἀκροποσθίας ἀποδοῦν οἱ περὶ τὰς ἀποδύσεις
ἀσχημονοῦντες (PHOT. s.v.)364. Les images sont plus éloquentes, et même si la mise
en place concrète d’un tel cordon nous échappe, l’opération est claire : il s’agit bien de
ligaturer le prépuce avec un lien (fig. 23-24)365. Les vases nous renseignent également
sur le fait que cette pratique n’a pas seulement lieu dans le contexte du
gymnase366 mais se rencontre dans le kômos367, et, parce qu’ils singent les
comportements humains, les satyres eux-mêmes peuvent être représentés avec une telle
ligature. Techniquement, le « lien du chien » n’a rien à voir avec la pratique de
l’infibulation avec laquelle il est souvent confondu, mais qui « était réalisée par un
percement chirurgical du prépuce et l’utilisation des trous ainsi créés pour insérer une
agrafe de métal (fibula) permettant de nouer le prépuce pour le maintenir fermé368 ».

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Fig. 23 - Athlète s’apprêtant à attacher la kunodesmê à son prépuce. Cratère
d’Euphronios (v. 510-500). Berlin, Antikensammlung 2180. Dessin Fr. Lissarrague
(d’après Lissarague 1987).

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Fig. 24 - Athlète au sexe ligaturé par la kunodesmê, représentée ici comme un lien
formant une boucle. Amphore à figures rouges, attribuées au Peintre de Triptolème
(v. 480). Munich, Antikensammlungen 2314, ARV2 362(14). Dessin Fr. Lissarrague
(d’après Lissarague 1987).

Ustensiles du gymnase (courroies, flacon de cuir) ;


prétendu « grattoir » en cuir
234Les représentations sur vases montrent fréquemment la façon dont les athlètes
accrochent leur nécessaire au mur : les vases qui contiennent l’huile parfumée et le
strigile pour se râcler la peau après l’effort. Une lanière de cuir, ficelée autour des
ustensiles, est alors figurée au moyen d’un trait souple, souvent dans des coloris brun
foncé, par le peintre369. De rares vestiges en sont attestés (fig. 25)370.
235On signalera ici, à côté des strigiles, un objet énigmatique attesté dans un compte
daté de février-mars 112 av. J.-C., qui recouvre les dépenses faites à l’occasion d’une
inspection de production agricole, incluant l’achat de nourriture, d’articles divers
(papyrus…) et les paies des officiels. On y fait ainsi état d’un paiement de cent
drachmes pour un objet qui a été identifié par l’éditeur du texte comme un grattoir, un
racloir en cuir (?), σπάθη(ς) δερμα(τίνης) ρ. (Arch. Mench. 1, 309)371, peut-être utilisé
dans une salle de bain. Parce qu’il est mentionné dans la liste de l’avant-dernier jour du
texte 1, lorsque les officiels extérieurs n’étaient plus présents, l’éditeur suggère qu’il a
pu remplacer un autre racloir utilisé par les officiels durant les jours précédents, voire
emporté par l’un d’eux. Toutefois, l’identification de l’objet proposée est d’autant
moins convaincante que le terme σπάθη est très polysémique372 : il est impossible d’en
déterminer ici la forme et l’usage précis ; le contexte rustique incite même plutôt à
exclure une telle interprétation (il pourrait tout autant s’agir d’une cravache, d’un racloir
pour les chevaux), vouée à rester totalement indémontrable.

Les « athlètes-courroie »
236Dans son entreprise consistant à décrire les différentes morphologies d’athlètes,
Philostrate différencie « les athlètes-planches » (οἱ σχιζίαι) et « les athlètes-courroies »
(οἱ ἱμαντώδεις)373 :
[Ce] sont [deux types] élancés aux jambes longues et aux bras démesurés ; ils diffèrent
plus ou moins entre eux : les premiers ont les chairs fermes, les contours bien marqués,
et sont divisé en plusieurs tronçons ; c’est de là, je pense, que leur vient leur nom ; les
autres sont poreux, ont un corps relâché et sont souples374 dans les mouvements,
comme des courroies. De ces deux classes, les premiers ont plus d’ardeur dans les
enlacements ; mais les athlètes-courroies ont plus de persistance et enlacent mieux.
Σχιζίαι τε καὶ ἱμαντώδεις, εὐμήκεις μὲν ἄμφω καὶ μακροὶ τὰ σκέλη, καὶ ὑπέρχειρες·
διενηνόχασι δὲ ἀλλήλων μικρά τε καὶ μείζω· οἱ μὲν γὰρ στρυφνοί τε καταφαίνονται, καὶ
εὔγραμμοι, καὶ πολυσχιδεῖς· ὅθεν, οἶμαι, καὶ ἡ ἐπωνυμία αὐτοῖς ἥκει· οἱ δὲ μανοί τε
εἶσι, καὶ ἀνειμένοι μᾶλλον, καὶ ὑγροὶ ἅμα ἐν ταῖς περιστροφαῖς κατὰ ταὐτὰ τοῖς
μάσθλησιν. Εἰσὶ δὲ αὐτῶν οἱ μὲν ἰταμώτεροι τὰς συμπλοκάς, οἱ δὲ ἱμαντώδεις
συνεκτικώτεροί τε καὶ εἴροντες (PHILOST. Gymn. 38).
237On trouve déjà cette métaphore chez Aristophane, quand le Coryphée reproche à un
des vieillards dicastes du Chœur d’avancer lentement, alors que dans sa jeunesse il était
plus vigoureux, plus souple : « tu étais une lanière de peau de chien », ἦσθ’ἱμὰς κύνειος
(AR. Gu. 231). Mais chez l’auteur comique, elle peut prendre aussi un sens
psychologique : l’homme-lanière (μάσθλης) est doté d’une grande souplesse d’esprit, se
montre rusé – on dirait en français d’un individu qu’il est une « ficelle »375. Cet emploi
se rencontre à deux reprises : une première fois au sujet du Paphlagonien que le
Coryphée qualifie de « vantard » et de « roublard », ὡς δ’ ἀλάζων, ὡς δὲ μάσθλης
(AR. Cav. 269) ; ou encore lorsque Strepsiade fait la liste de ce qu’il considère comme
des qualités dont il veut se voir affublé, en échange de quoi il accepte de se livrer à
Socrate : « pourvu que j’aie la réputation d’être hardi, beau parleur, audacieux, effronté,
impudent, assembleur de mensonges, jamais à court de paroles, routier de procès, pilier
de lois, cliquette, renard, tout rouerie, <souple comme> lanière, narquois, glissant,
hâbleur, cible à aiguillon, canaille, retors, revêche, lèche-<?>376 », τοῖς τ’ ἀνθρώποις
εἶναι δόξω | θρασύς, εὔγλωττος, τολμηρός, ἴτης, | βδελυρός, ψευδῶν συγκολλητής, |
εὑρησιεπής, περίτριμμα δικῶν, | κύρβις, κρόταλον, κίναδος, τρύμη, | μάσθλης, εἴρων,
γλοιός, ἀλαζών, | κέντρων, μιαρός, στρόφις, ἀργαλέος, | ματιολοιχός (AR. Nu. 444-
451). Une scholie ancienne précise : « lanière : tout particulièrement la courroie qui a
été assouplie et relâchée ; la lanière désigne donc, ici, celui qui est très avisé (i.e. celui
qui a plus d’un tour dans son sac) et léger, qui ne connaît rien de certain ni de ferme »,
μάσθλης· ἰδίως ὁ μεμαλαγμένος λῶρος καὶ ἔκλυτος· μάσθλης οὖν ἐνταῦθαι ὁ
πολυγνώμων καὶ ἔκλυτος καὶ μηδὲν βέβαιον μηδὲ σταθερὸν γινώσκων (Sch. Nu. 449a
[vet])377.

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Fig. 25 - Courroie entourant l’anse d’un strigile en fer (20 cm), trouvé dans le
sarcophage en marbre d’une tombe du IVe siècle mise au jour le long de la voie sacrée en
direction d’Athènes. © Ekdoseis TAP (d’après Kapetanaki 1973).

La musique
Paroi de caisse de résonance de lyre ; dispositif de tension
des cordes
238Le cuir était utilisé pour constituer la paroi de la caisse de résonance de la lyre ; le
texte le plus complet qui en relate la fabrication relève du mythe étiologique : Hermès
enfant, dans l’Hymne qui lui est consacré, inventa la lyre (indifféremment désignée dans
ce texte par φόρμιγξ ou κιθάρα) en fixant des roseaux dans la carapace évidée d’une
tortue qu’il venait de tuer, puis il « étendit sur le pourtour une peau de bœuf », adapta
deux bras en bois par une traverse et « tendit, en les accordant, sept boyaux de brebis »,
ἀμφὶ δὲ δέρμα τάνυσσε βοὸς [...] | ἑπτὰ δὲ συμφώνους ὀΐων ἐτανύσσατο χορδάς (Hymn.
Herm. I, 49 et 51). Deux autres textes378, de nombreuses scholies et des représentations
figurées permettent de préciser encore la nature de l’instrument et de ses parties 379. On
sait ainsi que les cordes étaient attachées à la traverse, et ainsi plus ou moins tendues,
par une série de petits ustensiles nommés κόλλοπες depuis l’Odyssée : on y voit en effet
Ulysse tendre son arc comme l’aède professionnel « tend aisément la corde sur un
nouveau kollops », ῥηιδίως ἐτάνυσσε νέῳ περὶ κόλλοπι χορδήν (Od. 21, 407, traduction
modifiée)380. Il ne s’agit pas à proprement parler de chevilles pour accorder
l’instrument, mais, à l’origine du moins, de bourrelets, de petites lanières de cuir
« autour desquelles <on entortillait> les cordes », περὶ οὓς αἱ χορδαί, selon Hésychius.
De rares représentations figurées permettent de dresser l’évolution du système de
fixation des cordes, dont le nom est resté quant à lui inchangé au fil des siècles : des
tampons de cuir plus ou moins sphériques, sur lesquels on fixait l’extrémité supérieure
des cordes381, ont fait place, semble-t-il dans la deuxième moitié du Ve siècle, à des
pièces de bois ou de métal382.

« Attache-plectre », plectre (sens obscène ?)


239Dans le Mime VI d’Hérondas, il est question de deux cordonniers nommés Cerdon,
dont l’un, prétend Métrô, « ne serait pas capable de coudre un plectre à une lyre »,
ἀλλ’οὗτος οὐδ’ ἂν πλῆκτρον ἐς λύρην ῥάψαι (HER. VI, 51). Le commentateur de
l’édition CUF explique et commente sa traduction par le fait que le plectre est tout
simplement rattaché à l’instrument par un cordon de cuir383, comme on le voit
représenté sur certains vases (fig. 26)384, cordon qui ne prend nulle part de nom
particulier mais devait être rangé parmi les himantes. Mais déjà I. C. Cunningham, et
après lui G. Zanker qui traduit par « coudre un plectre pour une lyre », remarquent
qu’un plectre ne peut être réalisé par couture puisqu’il est en ivoire, os ou bois – mais ils
omettent la possibilité qu’il ait pu être réalisé à partir de cuir durci –, et, dès lors,
recherchent dans l’expression un sens obscène. Un plectre, en effet, peut évoquer un
objet phallique et les liens le retenant à la lyre renvoient à ceux attachant le sexe
postiche au corps du partenaire, au vers 71 du même mime. Par ailleurs, le
mot plectron connaît dans une occurrence explicite une acception obscène et revient à
désigner le pénis : dans le roman d’Achille Tatius Leucippé et Clitophon, le lecteur
assiste à la prise à partie par un prêtre d’un certain Thersandre, qui se prostitue : « Nous
vîmes ensuite dans les gymnases comment il se faisait enduire le corps et comment il
enfourchait un plectre (πῶς πλῆκτρον περιέβαινε), en s’unissant principalement aux
plus virils des jeunes gens avec lesquels il luttait » (ACH.TAT. Leuc. 8, 9, 4, trad.
perso.). Par conséquent, l’expression concernant Cerdon a probablement le sens connoté
de ne pas pouvoir avoir une érection ni pénétrer le vagin d’une femme. Le mot
correspondant à « coudre », rhapsai, serait utilisé parce que les godemichés cousus sont
ce qui occupe principalement l’esprit de Métrô385.
Tambourin (tympanon)
240La membrane tendue qui permet la percussion du tympanon était plus
vraisemblablement en parchemin qu’en cuir, malgré le passage de Lucien qui assimile
ces instruments à des boucliers, très certainement en raison de la rotondité de l’objet,
parce que le chef de guerre n’est autre que Dionysos et ses soldats les Ménades, et par
reprise du thème de la « musique des armes »386. L’Anthologie Palatine livre une
épigramme qui reprend le même motif d’une personne qui se sert du tympanon pour
effrayer et mettre en fuite un animal sauvage prêt à le dévorer. Le tambourin est en effet
déjà assimilé à une arme chez Antipater de Sidon, au IIe siècle av. J.-C. : un prêtre de
Cybèle, pour s’abriter du mauvais temps, trouve refuge dans une caverne où le suit un
lion ; le prêtre menace alors le fauve de ce geste : « il lève en l’air son grand tambourin
(μέγα τύμπανον), le frappe avec force d’une main convulsive et l’arme arrondie
(δινωτὸν... ὅπλον) de l’olympienne Rhéa achève de lui sauver la vie ». L’instrument est
ensuite consacré à Dionysos ou à Pan en remerciement de leur protection (A.P. VI, 219).
Dans les représentations figurées, le tympanon est très souvent représenté aux mains des
Ménades, parfois avec des poignées387.
Mentonnière pour joueur d’aulos (phorbeia)
241Dans les Oiseaux d’Aristophane, Pisthétairos s’étonne de voir parmi les membres du
Chœur un drôle de spécimen qu’il désigne par l’expression « corbeau emmuselé »,
κόρακ’ἐμπεφορβειωμένον (AR. Ois. 861). Il s’agit de l’aulète, peut-être revêtu de noir
pour figurer l’oiseau en question, portant autour de la bouche une phorbeia, ce
qu’explique à juste titre une scholie : « il semble que l’aulète soit déguisé en corbeau.
Le phorbeion (sic) est la pièce de cuir qui passe autour de la bouche de l’aulète pour
éviter que ses lèvres ne se fendent », ἔοικεν ὁ αὐλητὴς διεσκευάσθαι εἰς κόρακα.
φόρβιον δέ ἐστι τὸ περικείμενον τῷ στόματι τοῦ αὐλητοῦ δέρμα, ἵνα μὴ σχισθῇ τὸ
χεῖλος αὐτοῦ (Schol. (D) Ois. 861). Si les textes donnent peu de détails quant à la forme
de cet ustensile utilisé dans tout le bassin méditerranéen depuis l’époque archaïque
jusqu’à l’époque romaine, dans les concours musicaux ou les compétitions sportives, au
théâtre, au combat388, des documents figurés nous permettent de le visualiser
précisément389. Il s’agit d’une bande de cuir large, percée de deux trous pour y passer
les anches, qui enserre les joues et passe devant la bouche du musicien (nommée
περιστόμιον, *ἐπιστομίς ou καταστομίς390). Elle s’attache sur la nuque du musicien par
un système de fixation à crochet et anneau391 ou par une lanière à laquelle elle est
reliée par deux anneaux392. Enfin, une (seconde) lanière, rattachée à la bande par des
anneaux ou des rivets, passe au sommet du crâne (fig. 27).
242Diverses raisons ont été avancées de tout temps pour expliquer l’utilisation d’un tel
ustensile dans la pratique de l’aulos, instrument à double anche, mais aussi de la
trompette (salpinx) à anche : le bandeau, servant à cacher ou à atténuer la déformation
des joues gonflées à l’excès dans la pratique de tels instruments, aurait une fonction
esthétique (Plutarque)393, ou bien, parce qu’il permet de réguler le soufle, une fonction
technique (scholie à Aristophane)394. De fait, parce qu’elle est confectionnée dans un
matériau qui résiste à la pression de l’air et ne se distend pas, la phorbeia régule le
volume d’air respiré par le nez du musicien, qui est contenu dans le réservoir qu’est sa
bouche et par laquelle il l’expulse395 : quand la cavité buccale est remplie à son
maximum, l’air est émis avec régularité, en total détachement avec le rythme
respiratoire de l’instrumentiste. Annie Bélis ajoute enfin que, dans la mesure où « c’est
le cuir qui résiste à la pression de l’air et non plus la joue », la phorbeia sert à « soulager
la tension musculaire des joues », et que, puisque « l’application d’une bande de cuir sur
la bouche a pour effet d’empêcher les lèvres de vibrer », elle autorise « un jeu continu et
puissant396 ».

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Fig. 26 - Scène de komos : un homme danse, l’autre chante et tient dans la main gauche
un plectre (en cuir dur ?) relié au barbiton par un lien qui peut être de cuir. On
remarque, rendus par la même couleur, les kollopes. Coupe attique à figures rouges
attribuée au Peintre de la Fonderie, tondo (v. 480). Toledo, Museum of Art, Purchased
with funds from the Libbey Endowment, Gift of Edward Drummond Libbey, 1964.126.

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Fig. 27 - Aulète portant la phorbeia. Suspendu dans le champ supérieur droit, étui
à aulos en peau tachetée, sur lequel est accrochée une petite boîte servant à ranger les
anches des auloi. Skyphos attique à figures rouges, face B (v. 470). Tampa, Museum of
Art 1986.93.
Étui à aulos
243Le nom de l’étui à aulos, souvent représenté sur les vases où apparaît l’instrument
et/ou celui qui en joue, suspendu au mur (fig. 27) ou au bras de l’instrumentiste
(fig. 28)397, apparaît dès l’époque classique chez Aristophane et dans les inscriptions
attiques.
244L’auteur comique donne le terme sybinê à deux reprises dans les Thesmophories,
lorsqu’un archer scythe, qui déforme la langue grecque, suggère au personnage
d’Euripide lui réclamant de l’argent de prendre son « étui » (AR. Thesm. 1197 : ἀλλὰ τὸ
συβίνη λαβέ), c’est-à-dire ici son carquois398, bien qu’un joueur d’aulos soit présent.
De retour des coulisses où il s’est mis à l’écart avec la danseuse, permettant pendant ce
temps-là à Euripide de délivrer son Parent, il enrage de se voir ainsi berné et s’en prend
à son carquois : « avec raison tu t’appelles étui, car tu m’as foutu dedans ! »
(AR. Thesm. 1215 : ὀρτῶς δὲ <σὺ> συβίνη· καταβεβίνησο γάρ). Le terme se retrouve
dans une série d’inscriptions attiques des Ve et IVe siècles av. J.-C., sous la
forme sybênê399. Les lexicographes corroborent cette forme qui peut désigner, de l’avis
de tous, un étui à aulos – en peau, est-il parfois précisé – ou un carquois, ainsi qu’une
« casaque de matelot » selon le seul Hésychius : συβήνη· ἡ δερματίνη αὐλοθήκη ἢ ἡ
φαρέτρα (Souda et PHOT. s.v.) ; ἡ δὲ τῶν αὐλῶν θήκη συβήνη (POLL. VII, 153) ;
αὐλοθήκη, τοξοθήκη ἢ ὁ ναυτικὸς χιτών (HESYCH. s.v. συβήνη). Ainsi, ce sont les
images vasculaires plus que les textes qui nous permettent d’affirmer que cet étui est
généralement souple, confectionné à partir d’une peau de cochon mais plus souvent de
la peau mouchetée du lynx. Il est parfois porté accroché au sexe en érection des satyres,
peut-être parce que dernier rappelle la forme de l’instrument400.
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Fig. 28 - Détail d’une scène de komos : joueuse d’aulos tenant l’étui de son instrument,
reconnaissable à la peau tachetée utilisée pour sa fabrication. Cratère à colonnettes à
figures rouges (v. 480-470). Cambridge, Harvard Art Museums/Arthur M. Sackler
Museum, Bequest of David M. Robinson, 1960.346. Imaging Department © President
and Fellows of Harvard College.
245On rencontre également le terme ἡ σύρβη chez les lexicographes, sans indication de
matériau. Toutefois, J.-L. Perpillou estime que la glose d’Hésychius σύρβη γὰρ ἡ
αὐλοθήκη401 a dû être inventée dans un second temps, pour justiier celle du terme
συρβηνεύς402 (sufixé par -εύς comme nom d’agent ou d’artisan) pour qualifier
plaisamment un aulète : moqué par les Comiques, ce dernier est ainsi un « spécialiste en
fausses notes […], cacophoniste professionnel403 ».
246Par ailleurs, on trouve aussi un étui de buis, πύξινος αὐλοδόκη, consacré aux Muses
avec l’aulos par une jeune fille, dans une épigramme amoureuse récente de l’Anthologie
Palatine (A.P. V, 206, de Léonidas de Tarente, IIIe siècle apr. J.-C.), et les étuis
(à aulos ?) dont il est question dans les inscriptions attiques sont en ivoire parfois
couvert d’or404.

Instrument indéterminé : trompette en cuir ?


247Dans l’Anabase, Xénophon mentionne l’existence chez les Thraces d’un instrument
à vent fait de cuir, désigné par le terme σάλπιγξ : alors qu’il vient de conclure un accord
de mise à disposition de l’armée grecque avec Seuthès, ce dernier fait entrer « des gens
qui pour flûtes avaient des cornes analogues à celles avec lesquelles on donne des
signaux, et des trompettes de cuir brut avec lesquelles ils marquaient la mesure, comme
on le fait avec la magadis405 », καὶ σάλπιγξιν ὠμοβοείαις ῥυθμούς τε καὶ οἷον ν
μαγάδιδι σαλπίζοντες (XEN. An. VII, 3, 32). Il est toutefois difficile d’en dire plus sur
un instrument qui n’a pas d’équivalent connu dans le monde grec.

La médecine
Appareils pour réduire les luxations et fractures
248Le cuir trouve sa place dans des appareils de contention ou de traction plus ou moins
simples, utilisés pour réduire les luxations (c’est-à-dire rétablir le contact de deux
surfaces articulaires) et les fractures (ce qui revient à « redonner à l’os sa longueur, son
alignement et sa forme initiale, assurer sa consolidation mais aussi pouvoir restituer une
activité fonctionnelle à la région traumatisée, en évitant un nouveau déplacement des
fragments osseux406 »). C’est notamment dans le traité Des fractures que sont donnés
les modes d’emploi de ces montages externes.
249Ainsi, en cas de luxation du pied, on l’entoure d’une « enveloppe molle » (μαλθακόν
τι), puis on « passe tout autour des liens larges de cuir de bœuf » (πλάτεσι βοείοισιν
ἱμᾶσι περιδήσαντα τὸν πόδα) pour exercer la traction (HIPPO. III, 463 (Litt.)
= Fract. 13).
250Pourréduire la luxation congénitale du pied, ou pied bot, le médecin recommande
des manœuvres de kinésithérapie, des bandes de contention et prescrit des chaussures
adaptées, pourvues de semelles n’étant pas trop rigides, en cuir souple ou en plomb.
Une coque de plomb est ensuite lacée sur le dessus du pied au moyen de bandages ou de
courroies (HIPPO. IV, 267 (Litt.) = Art. 62)407.
251Plus complexe est l’appareil qui doit permettre une traction continue afin de réduire
une fracture de la jambe : il est constitué de boudins de cuir qui enserrent le membre,
l’un étant placé au-dessous du genou, l’autre au-dessus des malléoles. On fixe à
l’extrémité de ces boudins des courroies formant des godets dans lesquels on insère, en
les ployant, quatre baguettes de cornouiller souples408, qui en retrouvant leur rectitude
exercent l’extension recherchée, sans qu’elles touchent par là-même le membre de peur
de créer des escarres ; le médecin dispose de plusieurs jeux de verges pour varier
l’extension du membre fracturé409.
Faites coudre deux bourrelets en cuir d’Égypte [...]. Le cuir qui en fait l’enveloppe sera
cousu de manière qu’à droite et à gauche le bourrelet sera le plus élevé du côté de la
fracture, et ira en s’abaissant du côté qui regarde le pied ou le genou. Ces bourrelets
seront volumineux, mous, et s’appliqueront exactement l’un au-dessus des malléoles,
l’autre au-dessous du genou. Latéralement et sur le rebord saillant, le bourrelet inférieur
aura deux godets disposés en appendices, formés d’une courroie de cuir simple ou
double, courts comme des anses [...]. Le bourrelet supérieur aura des appendices
semblables et dans une direction correspondante, εἰ δέ τις σφαίρας δύο ῥάψαιτο ἐκ
σκύτεος αἰγυπτίου [...], αἱ δὲ σφαῖραι ἔχοιεν ἔνθεν καὶ ἔνθεν χιτῶνας, τὰ μὲν πρὸς τοῦ
τρώματος βαθυτέρους, τὰ δὲ πρὸς τῶν ἄρθρων βραχυτέτους, εἶεν δὲ ὀγκηραὶ μὲν καὶ
μαλθακαί, ἁρμόζουσαι δέ, ἡ μὲν ἄνωθεν τῶν σφυρῶν, ἡ δὲ κάτωθεν τοῦ γούνατος· ἐκ
δὲ πλαγίης ἄκρης δισσὰ ἡ κάτωθεν ἔχοι προσηρτημένα, ἢ ἁπλόου ἱμάντος, ἢ διπλόου,
βραχέα ὥσπερ ἀγκύλας [...]· καὶ ἡ ἄνωθεν σφαῖρα ἕτερα τοιαῦτα ἔχοι κατὰ τὴν
ἰθυωρίην τὴν αὐτὴν. Le médecin placera quatre verges de cornouiller sur les extrémités
des bourrelets ; il disposera de trois jeux de verges, plus ou moins longues,
afin « d’augmenter ou de diminuer la tension, ὡς καὶ μᾶλλον διατείνειν [...] καὶ ἧσσον.
Si ces bourrelets sont moelleux, bien faits, souples et récents [...], ce mécanisme est tres
avantageux ; mais s’il y a quelque défectuosité, il nuira plus qu’il ne servira, εἰ μὲν οὖν
αἵ τε σφαῖραι προσηνέες καὶ καλαὶ καὶ μαλθακαὶ καὶ καιναὶ ῥαφεῖεν [...] εὔχρηστον τὸ
μηχάνημα· εἰ δέ τι τουτέων μὴ καλῶς ἕξει, βλάπτοι ἂν μᾶλλον ἢ ὠφελέοι (HIPPO. III,
519-525 (Litt.) = Fract. 30).
252Dans le cas d’une fracture du maxillaire inférieur avec déplacement, le praticien
fabrique un appareil qui permet d’immobiliser la mâchoire en nouant au sommet de la
tête deux courroies collées à la peau par de la gomme, l’une passant sous la mâchoire,
l’autre laissant l’oreille libre. On termine le montage en entourant le front d’un bandage
pour maintenir l’ensemble, et le blessé doit dormir sur le côté opposé410.
On prend du cuir de Carthage ; si le blessé est en bas âge, on détache la partie externe
du cuir, et cela suffit ; s’il est plus âgé, on emploie le cuir même, on en coupe <une
lanière ayant> une largeur de trois doigts ou la largeur qui conviendra ; on enduit la
mâchoire de gomme (ce qui est plus doux que la colle), on fixe l’extrémité de la lanière
de cuir vers l’endroit de la fracture de la mâchoire en laissant entre la lanière et la lésion
un intervalle d’un doigt ou un peu plus. Cette lanière passe par dessous <la mâchoire> ;
elle doit avoir une incision dans la direction du menton, afin d’en embrasser la pointe.
Une autre lanière semblable ou un peu plus large sera collée vers le haut de la mâchoire,
étant, elle aussi, séparée de la lésion par le même intervalle que la première : elle sera
fendue afin d’embrasser l’oreille. Les bouts par lesquels on attache l’une à l’autre ces
deux lanières sont étroits. En collant, on placera sur la peau la partie molle du cuir, cela
tient mieux de cette façon, puis on tendra les lanières…
Ἔπειτα χρὴ δέρματος καρχηδονίου, ἢν μὲν νηπιώτερος ἔῃ ὁ τρωθείς, ἀρκέει τῷ λοπῷ
χρέεσθαι, ἢν δὲ τελειότερος ἔῃ, αὐτῷ τῷ δέρματι· ταμόντα δὲ χρὴ εὖρος ὡς
τριδάκτυλον, ἢ ὅκως ἂν ἁρμόζῃ, ὑπαλείψαντα κόμμι τὴν γνάθον - εὐμενέστερον γὰρ
κόλλης - προσκολλῆσαι τὸ δέρμα ἄκρον πρὸς τὸ ἀποκεκαυλισμένον τῆς γνάθου,
ἀπολείποντα ὡς δάκτυλον ἀπὸ τοῦ τρώματος ἢ ὀλίγῳ πλέον. Τοῦτο μὲν ἐς τὸ κάτω
μέρος· ἐχέτω δὲ ἐντομὴν κατὰ τὴν ἴξιν τοῦ γενείου ὁ ἱμᾶς, ὡς ἀμφιβεβήκῃ ἀμφὶ τὸ ὀξὺ
τοῦ γενείου. Ἕτερον δὲ ἱμάντα τοιοῦτον, ἢ ὀλίγῳ πλατύτερον προσκολλῆσαι χρὴ πρὸς
τὸ ἄνω μέρος τῆς γνάθου, ἀπολείποντα καὶ τοῦτον ἀπὸ τοῦ τρώματος, ὅσονπερ ὁ ἕτερος
ἀπέλιπεν· ἐσχίσθω δὲ καὶ οὗτος ὁ ἱμὰς τὴν ἀμφὶ τὸ οὖς περίβασιν. Ἀποξέες δὲ ἔστωσαν
οἱ ἱμάντες ἀμφὶ τὴν ξυναφήν· ἐν δὲ τῇ κολλήσει ἡ σὰρξ τοῦ σκύτεος πρὸς τοῦ χρωτὸς
ἔστω, ἐχεκολλότερον γὰρ οὗτως (HIPPO. IV, 149-151 (Litt.) = Art. 33).
253La fracture du nez fait l’objet de plusieurs notices qui envisagent deux cas : une
dépression du cartilage ou une déviation de la cloison nasale. Pour la première, il est
recommandé d’introduire dans la narine des mèches de charpie ou un tampon cousu
dans du cuir pour lui redonner sa forme initiale, ce qu’autorise la flexibilité de tels
matériaux tout en évitant le défaut de l’éponge qui s’imbibe rapidement d’humidité.
C’est encore le cuir de Carthage, dont on ne sait rien de précis, qui est préféré :
Soit de la charpie râpée provenant d’une étoffe de lin, soit une substance analogue
qu’on roulera dans une bande ou, ce qui vaut mieux, que l’on coudra dans du cuir de
Carthage, et à laquelle on donnera une forme adaptée au lieu où elle doit être placée.
ἢ ἄχνην τὴν ἀφ’ ἡμιτυβίου, ἢ ἂλλο τι τοιοῦτον ἐν ὀθονίῳ εἱλίσσοντα, μᾶλλον δὲ ἐν
καρχηδονίῳ δέρματι, ἐρράψαντα, σχηματίσαντα τὸ ἁρμόσσον σχῆμα τῷ χωρίῳ ἵνα
ἐγκείσεται (HIPPO. IV, 165 (Litt.) = Art. 37).
254Pour l’autre, on place dans la narine, comme précédemment, un tampon de cuir et on
redresse la cloison par une traction, variable et dans le sens opposé à la déviation,
exercée au moyen d’une lanière de cuir qui peut être attachée autour de la tête :
Mettre dans la narine un tampon de charpie roulé dans un morceau de la pellicule
superficielle411 du cuir de Carthage ou dans une autre enveloppe qui ne cause pas
d’irritation ; coller des lanières de la pellicule superficielle du cuir à la partie déjetée et
la redresser.
ἐντιθέναι ἄχνην ὀθονίου ἐναποδέοντα λοπῷ καρχηδονίῳ ἢ ἐν ἄλλῳ, ὃ μὴ ἐρεθιεῖ· τῷ
λοπῷ δὲ τὰς παραλλάξιας παρακολλᾶν, καὶ ἀναλαμβάνειν (HIPPO. IV, 347 (Litt.)
= Mochl. 2).
On prend la partie extérieure d’une pièce de cuir de Carthage, on en coupe une lanière
large comme le pouce ou comme le cas l’exige, et on la colle en dehors de la narine
déjetée ; ensuite, on donne à la lanière le degré de tension qui convient. [...] Enfin – car
la lanière doit être longue –, on la conduit au-dessous de l’oreille et autour de la tête ; on
peut coller sur le front le bout de la lanière ; on peut encore, la prenant plus longue,
tourner une fois de plus autour de la tête et l’attacher. Cette méthode, d’une part
maintient régulièrement la réduction, d’autre part est facile à graduer. χρὴ καρχηδονίου
δέρματος λοπὸν, πλάτος ὡς τοῦ μεγάλου δακτύλου τετμημένον, ἢ ὅκως ἂν ξυμφέρῃ,
προσκολλῆσαι ἐς τὸ ἔκτοσθεν πρὸς τὸν μυκτῆρα τὸν ἐκκεκλιμένον· κἄπειτα κατατεῖναι
τὸν ἱμάντα, ὅκως ἂν ξυμφέρῃ· [...] Ἔπειτα (μακρὸς γὰρ ἔστω ὁ ἱμὰς), κάτωθεν τοῦ
ὠτὸς ἀγαγόντα αὐτὸν, ἀναγαγεῖν περὶ τὴν κεφαλήν· καὶ ἔξεστι μὲν κατὰ τὸ μέτωπον
προσκολλῆσαι τὴν τελευτὴν τοῦ ἱμάντος, ἔξεστι δὲ καὶ μακρότερον ἐπιπεριελίσσοντα
περὶ τὴν κεφαλὴν καταδέειν. Τοῦτο ἅμα μὲν δικαίην τὴν διόρθωσιν ἔχει, ἅμα δὲ
εὐταμίευτον (HIPPO. IV, 169-171 (Litt.) = Art. 38).

Ustensiles
Balles de cuir
255Le médecin pratique déjà, à l’époque classique, la réduction de la luxation de
l’épaule par le talon. Pour cela, il doit s’asseoir près du blessé étendu par terre, du côté
de l’épaule luxée, afin de placer son talon dans l’aisselle, non sans avoir déposé au
préalable en son creux « une balle très petite et dure – ce qui est le mieux adapté –
comme les balles cousues avec plusieurs quartiers de cuir412 », ἐπιτηδειόταται δὲ αἱ
πάνυ σμικραὶ σφαῖραι καὶ σκληραὶ, οἷαι ἐκ τῶν πολλῶν σκυτέων ῥάπτονται (HIPPO.
IV, 85 (Litt.) = Art. 3), permettant ainsi à l’opérateur de bien appuyer sur la tête de
l’humérus.

Coussins
256Le médecin, pour améliorer le confort du patient, peut avoir recours à des coussins
de tissu ou de laine413, mais aussi de cuir : « on mettra sur la gibbosité une étoffe usée
pliée en plusieurs doubles ou un petit coussin de cuir (τρύχιόν τι πολύπτυχον ἢ σμικρόν
τι σκύτινον ὑποκεφάλαιον) : il convient que le corps interposé soit le moins épais
possible, car l’interposition n’a d’autre but que d’empêcher la planche de causer par sa
dureté une douleur inopportune » (HIPPO. IV, 209 (Litt.) = Art. 47).
257Mais il s’agit surtout de donner la meilleure position au malade pour faciliter
l’opération. Ainsi, pour réduire une luxation des condyles de la mâchoire, « il est plus
sûr d’opérer en faisant coucher le blessé sur le dos et en appuyant sa tête sur un coussin
de cuir aussi gonflé que possible, afin qu’il ne s’affaisse pas », un assistant pouvant par
ailleurs tenir la tête pour la garder bien fixe, ἀσφαλέστερον δὲ χειρίζειν ἐστὶν ὕπτιον
κατακλίναντα τὸν ἄνθρωπον, ἐρείσαντα τὴν κεφαλὴν αὐτοῦ ἐπὶ σκυτίνου
ὑποκεφαλαίου ὡς πληρεστάτου, ἵνα ὡς ἥκιστα ὑπείκῃ (HIPPO. IV, 145 (Litt.)
= Art. 30).
258Les coussins réalisés en cuir, gonflés d’air ou d’eau, assurent de fait un meilleur
maintien : parce que le praticien peut en varier le volume, ils constituent l’instrument le
mieux adapté lorsqu’il s’agit de remettre en place un déplacement osseux, comme dans
l’exemple d’une déviation du rachis due à une chute ou à un mauvais coup
(HIPPO. Art. 47, supra).
259Ces coussins étaient la plupart du temps des outres que l’on gonflait après les avoir
mises en place, ainsi que l’explicitent certains passages. Ainsi, pour réduire une luxation
de la cuisse, on place une outre vide entre les cuisses du patient que l’on attache
ensemble, « puis, introduisant un tuyau de forge dans un des pieds de l’outre, qui sera
dénoué, on l’insufflera », ἔπειτα ἐς ἕνα τῶν ποδῶν, τὸν λελυμένον, ἐνθέντα αὐλὸν ἐκ
χαλκείου, φῦσαν ἐσαναγκάζειν ἐς τὸν ἀσκόν (HIPPO. IV, 308-311 (Litt.) = Art. 77). On
peut au contraire dégonfler une outre préalablement remplie d’eau, comme lorsqu’on
cherche à faciliter l’expulsion du chorion en installant le fœtus sur un tas de laine posé
sur « deux outres, liées ensemble, pleines d’eau », que l’on « perce avec un poinçon afin
que l’eau s’écoule lentement », ἀσκία δύο ζευγμένα ὕδατος μεστά [...]ἔπειτα τρυπῆσαι
ἑκάτερον τῶν ἀσκίων ῥαφίῳ, ὅκως ῥυῇ κατὰ σμικρὸν τὸ ὕδωρ, entraînant ainsi un
affaissement du mate las de laine et une traction du cordon ombilical et du chorion
(HIPPO. VIII, 480 (Litt.) = Superf. 8)414.

« Bouillottes »
260Pour soigner les maladies provenant de la tête, l’auteur de Maladies préconise
l’emploi d’éponges chaudes (HIPPO. Mal. II, 22, 2) mais aussi de bouillottes : « avant
l’éruption d’eau par les narines ou les oreilles et quand le malade est en proie à de vives
douleurs, rasez-lui la tête, attachez au front l’outre de cuir que vous remplirez d’eau
chaude, l’eau sera aussi chaude qu’il pourra la supporter. Laissez le malade s’attiédir ;
quand l’eau s’est refroidie, remplissez une seconde outre », ἀποξυρήσαντα χρὴ αὐτὸν
τὴν κεφαλήν, περιδέοντα περὶ τὸ μέτωπον τὸν ἀσκὸν τὸν σκύτινον, ὕδατος ἐμπιπλάντα
ὡς ἂν ἀνέχηται θερμοτάτου, ἐᾶν αὐτὸν χλιαίνεσθαι, καὶ ἐπὴν ἀποψυχθῇ, ἕτερον ἐγχεῖν
(HIPPO. Mal. II, 12, 3)415.
261Un procédé similaire se rencontre lorsqu’il s’agit d’activer les menstruations de la
jeune fille qui connaît du retard : « il faut (alors) prescrire des peaux de mouton non
dépilées chaudes sur le ventre », χρή [...] ἀρνακίδας προστιθέναι θερμὰς πρὸς τὴν
γαστέρα (HIPPO. VIII, 507 § 34 (Litt.) = Superf. 34).

« Clystère »
262Les lavements sont une pratique courante, mais les textes ne précisent pas toujours
comment ils doivent être administrés. Quand c’est le cas, le montage de l’instrument se
fait à partir d’un sac de cuir. Ainsi, en cas d’ileus (occlusion intestinale), « le patient
doit être hydraté par l’extérieur et l’intérieur : lavez-le avec une grande quantité d’eau
chaude, qu’il boive des boissons qui permettent d’activer la digestion et d’évacuer
l’urine, et, s’il l’accepte, administrez un lavement » ; « s’il ne l’accepte pas, attachez
une canule au col d’une petite outre à vin, gonflez-la, et insufflez dans l’anus du patient
une bonne montée d’air ; alors, quand l’intestin se relâche sous l’action de l’air, et
l’estomac avec lui, enlevez la canule et procédez immédiatement au lavement (ἢν δὲ μὴ
δέχηται τὸ κλύσμα, αὐλίσκον προσδήσας πρὸς ποδεῶνα ἀσκίου, φύσησας, ἐνεῖναι τὴν
φῦσαν πολλήν· καὶ ἐπειδὰν ἀρθῇ τὸ ἔντερον ὑπὸ τῆς φύσης καὶ ἡ γαστήρ, ἐξελὼν τὸν
αὐλίσκον, ἐνεῖναι παραχρῆμα κλύσμα). Si le patient l’accepte, il va évacuer et se
rétablir ; s’il n’accepte pas le lavement même par ce moyen, il mourra sûrement dans les
sept jours » (HIPPO. VI, 233 (Litt.) = Aff. 21). Pour accomplir le même geste, on peut
aussi se servir d’un soufflet de forge qui est déjà doté d’un embout :
Prenez un soufflet de forge et, l’introduisant, insufflez l’air dans la cavité abdominale
afin de relâcher la cavité et le resserrement intestinal. Alors, retirez le soufflet et
administrez immédiatement le lavement préparé à l’avance, pas trop chaud mais capable
de dissoudre et d’amollir les excréments.
φῦσαν λαβὼν χαλκευτικὴν ἐσιέναι καὶ φῦσαν ἐς τὴν κοιλίην, ἵνα διαστήσῃς τήν τε
κοιλίην καὶ τὴν τοῦ ἐντέρου συστολήν· εἶτα πάλιν ἐξελὼν τὴν φῦσαν κλύσαι εὐθὺς·
ἕτοιμον δ’ ἔστω τὸ κλύσμα, μὴ πολὺ τῶν θερμαντικῶν, ἀλλὰ διαλυόντων τὰς κόπρους
καὶ τηκόντων (HIPPO. VII, 137 (Litt.) = Mal. III, 14).

Comparaison avec le cuir dans le diagnostic


263Lors d’affections pulmonaires, le poumon peut tomber sur le côté416 ; le malade
tousse et vomit des glaires, ressent des douleurs à la poitrine et au dos, respire
difficilement et bruyamment. Ce que les médecins appellent aujourd’hui le « frottement
pleural » ou « frottements respiratoires de cuir neuf », symptômes de pleurite, est décrit
par l’auteur hippocratique, qui a pratiqué l’auscultation directe, en ces termes : « cela
crisse comme du cuir », τρίζει οἷον μάσθλης (HIPPO. VII, 93 (Litt.) = Mal. II, 59).

Mobilier et accessoires de meubles


Peaux constituant une couverture de lit ou la couche
264À côté des draps épais et des tapis de laine, toisons et peaux s’inscrivent dans la liste
des accessoires d’intérieur – et particulièrement des éléments de couches – des
personnages de l’épopée homérique, aussi bien dans le contexte rustique de la cabane
d’Eumée le porcher que dans les quartiers des héros et guerriers. Ainsi, Achille invite
Phénix à demeurer près de lui et lui promet une « couche moelleuse », εὐνῇ ἐνὶ μαλακῇ
(Il. 9, 618), un « lit bien épais », πυκινὸν λέχος (Il. 9, 621). Patrocle ordonne alors aux
servantes d’étendre « toisons, couverture et fine toile de lin », κώεά τε ῥῆγός τε λίνοιό
τε λεπτὸν ἄωτον (Il. 9, 660-661) ; lorsqu’Ulysse et Nestor vont trouver Diomède, « le
héros lui-même dort ; la peau d’un bœuf agreste est déployée sous lui ; un tapis éclatant
s’étend sous sa tête », εὗδ’, ὑπὸ δ’ἔστρωτο ῥινὸν βοὸς ἀγραύλοιο, | αὐτὰρ ὑπὸ κράτεσφι
τάπης τετάνυστο φαεινός (Il. 10, 155) ; Eurypyle, blessé, est mené par Patrocle à sa
baraque et, dès que son écuyer le voit, « il étale des peaux de bœufs sous lui », ὑπέχευε
βοείας (Il. 11, 843)417. Eumée n’est pas en reste avec la « toison d’une chèvre sauvage
dont il recouvre un lit épais de brindilles418 » pour y faire asseoir le vieillard qu’il
accueille et qui n’est autre qu’Ulysse : « c’est là qu’il couchait, sur le large et le doux »,
précise le texte (Od. 14, 49-51 : ῥῶπας δ’ὑπέχευε δασείας, | ἐστόρεσεν δ’ ἐπὶ δέρμα
ἰονθάδος ἀγρίου αἰγός, | αὐτοῦ ἐνεύναιον, μέγα καὶ δασύ). En revanche, la couche de
fortune que se fabrique le héros grimé en mendiant dans le vestibule de sa demeure est
bien plus rustique : « Sur la peau encore fraîche d’un grand bœuf, il entassa plusieurs
toisons de ces brebis qu’on immolait en nombre », κὰμ μὲν ἀδέψητον βοέην στόρεσ’,
αὐτὰρ ὕπερθεν | κώεα πόλλ’ὀΐων, τοὺς ἱρεύεσκον Ἀχαιοί (Od. 20, 2-3)419.
265Dans la comédie classique, dormir enveloppé dans des fourrures ou sur des peaux est
l’apanage du riche parvenu, donné comme un signe de décadence : ainsi, le fils inactif
de Strepsiade, aux dires de son père, dort chaque nuit d’un sommeil profond sans se
lever et « pète dans cinq fourrures entortillées en boule » qui lui tiennent lieu de
couvertures (AR. Nu. 10-11)420 ; Cléon, qui prospère grâce à son commerce de cuir, à
en croire Aristophane, est décrit par l’un de ses serviteurs en des mots peu flatteurs :
« le diffamateur ronfle, ivre, couché sur des peaux, à la renverse », ὁ βάσκανος | ῥέγκει
μεθύων ἐν ταῖσι βύρσαις ὕπτιος (AR. Cav. 104-105) ; Cratinos, un personnage
d’ivrogne, incarne lui aussi peut-être une de ces figures de fainéants profiteurs, lui qui
mouille son lit fait de peaux de mouton (AR. Cav. 400)421. Enfin, une couche
composée de la sorte est le gage d’un banquet prometteur, tel celui qu’annonce la
Femme héraut de l’Assemblée des femmes où, déjà, « sur les lits, fourrures et tapis sont
amassés », κλῖναί τε σισυρῶν καὶ δαπίδων νενημέναι (AR. A.F. 840).
266On trouve enfin très naturellement l’usage de peaux d’animaux sauvages des
montagnes ou d’élevage dans des contextes bucoliques, qu’il s’agisse de la couche bien
garnie (λέχος εὔστρωτον) d’Anchise faite « de couvertures moelleuses étendues et,
pardessus, des peaux d’ours et de lions rugissants » qu’il avait tués de sa main,
χλαίνῃσιν μαλακῇς ἐστρωμένον· αὐτὰρ ὕπερθεν | ἄρκτων δέρματ’ἔκειτο βαρυφθόγγων
τε λεόντων (Hymn. Aphr. I, 158-159), de celle constituée d’une « peau de lion » (δέρμα
λεόντειον) préparée avec soin pour Héraklès enfant (THEOCR. XXIV, 135-136), ou
encore des couches dont les bergers de Théocrite affirment à l’envi, au sein de leurs
joutes verbales, la mollesse lorsqu’ils s’allongent à même le sol sur lequel ils ont étalé
une peau ou une toison :
Daphnis chante : « J’ai près d’une onde fraîche une couche, où s’entassent les peaux de
génisses blanches... », στιβάς ἐν δὲ νένασται | λευκᾶν ἐκ δαμαλᾶν καλὰ δέρματα (Ps.-
THEOCR. IX, 9-10). Ménalcas lui répond : « [J’ai des quantités de brebis (ὄϊς) et de
chèvres (χιμαίρας)] dont les toisons font tapis à ma tête, à mes pieds », ὧν μοι πρὸς
κεφαλᾷ καὶ πρὸς ποσὶ κώεα κεῖται (Ps.-THEOCR. IX, 18).
Le chevrier Comatas accuse le berger Lacon de lui avoir volé une toison (νάκος). Ce
dernier rétorque : « Ton maître Eumaras n’en avait pas même une de quoi coucher »,
οὐδὲ γὰρ Εὐμάρᾳ τῷ δεσπότᾳ ἦς τι ἐνεύδειν (THEOCR. V, 10). Lacon provoque
ensuite Comatas : « Si tu viens, tu fouleras ici des peaux d’agneau et des toisons de
laine, plus moelleuses que le sommeil ; tandis que tes peaux de bouc sentent plus
mauvais que tu ne sens toi-même », ἦ μὰν ἀρνακίδας τε καὶ εἴρια τῆδε πατησεῖς | αἴ κ’
ἔνθῃς, ὕπνω μαλακώτερα· ταὶ δὲ τραγεῖαι | ταὶ παρὰ τὶν ὄσδοντι κακώτερον ἢ τύ
περ ὄσδεις (THEOCR. V, 50-52). Comatas lui renvoie alors : « [si c’est toi qui viens] tu
auras sous toi des peaux de chèvre, plus moelleuses cent fois que tes peaux d’agneau »,
ὑπεσσεῖται δὲ χιμαιρᾶν | δέρματα τᾶν παρὰ τὶν μαλακώτερα πολλάκις ἀρνῶν
(THEOCR. V, 56-57).
267C’est d’ailleurs une façon d’agir saine, qui s’incrit plus largement dans le mode de
vie que recommande Philostrate aux athlètes pour demeurer exempts de maladies et
retarder l’arrivée de la vieillesse, à l’instar de leurs aïeux qui « prenaient des bains dans
les rivières et dans les sources, couchaient à la dure, les uns sur des peaux, d’autres sur
des herbes qu’ils coupaient dans les prairies », ποταμοί τε αὐτοὺς ἔλουον καὶ πηγαὶ· καὶ
χαμευνίαν ἐπήσκουν, οἱ μὲν ἐπὶ βυρσῶν ἐκταθέντες, οἱ δὲ εὐνὰς ἀμήσαντες ἐκ
λειμώνων (PHILOST. Gymn. 43).
268La documentation papyrologique fournit quelques exemples de ce qui devait être un
tapis à usages multiples : les archives de Zénon mentionnent à plusieurs reprises des
ψίλαι ou ψιλοτάπιδες, « carpettes qui n’ont du poil que d’un côté422 ».

Peau recouvrant un siège


269Le recours à une peau comme couverture de couche rejoint ses utilisations attestées
pour couvrir un siège, pour des raisons qu’on peut estimer pragmatiques (rendre l’assise
plus confortable) et économiques (la couverture est faite du matériau disponible) plutôt
qu’esthétiques ou sociologiques (rendre compte du rang du propriétaire du siège ou de
qui va l’occuper). Outre les nombreuses représentations figurées d’une telle
couverture423, deux exemples seulement nous sont connus en littérature, qui
s’inscrivent dans l’univers homérique : lorsqu’en plein massacre des prétendants,
Médon se blottit sous un fauteuil et se dissimule sous « la peau de bœuf récemment
écorchée » qui le recouvre, puis « rejette la peau » pour courir vers Télémaque (Od. 22,
362-364 : ἀμφὶ δὲ δέρμα | ἕστο βοὸς νεόδαρτον [...] | βοὸς δ’ ἀπέδυνε βοείην) ; quand
Déméter, en deuil de sa fille, refuse avec humilité de s’asseoir sur un siège luxueux
(Hymn. Dém. 193 : une « chaise étincelante », κλισμοῖο φαεινοῦ) mais accepte le
« siège massif recouvert d’une toison de brebis éclatante de blancheur que lui présente
la sage Iambé », οἱ ἔθηκεν Ἰάμβη κέδν’ εἰδυῖα | πηκτὸν ἕδος, καθύπερθε δ’ἐπ’ἀργύφεον
βάλε κῶας (Hymn. Dém. 195-196). Dans les deux cas, on peut voir dans l’utilisation de
la peau de bête le signe d’une simplicité rustique : la peau de bovin est omniprésente
dans la demeure d’Ulysse, et une telle simplicité convient bien à la décence qu’observe
alors Déméter.

Sangles pour siège et lit


270Hérodote rapporte que, sous le règne de Cambyse, un des juges royaux du nom de
Sisamès s’était laissé corrompre par de l’argent ; sa sanction, ordonnée par le roi, est
décrite dans l’ordre et avec les termes relatifs au traitement de la victime lors d’un
sacrifice : l’homme est ainsi égorgé puis écorché (σφάξας ἀπέδειρε) ; on taille dans sa
peau des sangles (ἱμάντας) que l’on tend sur le siège du juge, comme avertissement
pour les prochains (HDT V, 25)424. Si l’exemple est à prendre ici avec circonspection,
puisqu’il s’agit avant tout d’un récit didactique à visée morale ou, du moins, à
considérer comme un fait exceptionnel du point de vue technique dans la mesure où les
artisans ont recours à une peau humaine, il n’en reste pas moins qu’il atteste un mode de
fabrication de sièges consistant à tendre (ἐντανύω) des bandes de cuir sur un châssis qui
supporte l’assise.
271Le même procédé a pu être utilisé pour le sommier des lits. Dans la scène au cours
de laquelle Ulysse révèle à Pénélope son identité, il achève par ces mots la description
précise du lit matrimonial qu’il a fabriqué jadis de ses propres mains dans un tronc
d’olivier, et qui en constitue la preuve : « Pour finir, je tendis <sur le lit> les sangles
d’un cuir de bœuf d’un rouge pourpre éclatant », ἐν δ’ ἐτανυσσ’ἱμάντα βοὸς φοίνικι
φαεινόν (Od. 23, 201, trad. revue). Cette sangle pouvait difficilement être unique : le
singulier du texte renvoie certainement moins à une réalité qu’il n’est dû à des raisons
métriques, outre qu’il peut constituer une hyperbole valorisant l’ouvrage du héros qui
relève, il est vrai, du tour de force425. À supposer que le passage décrive une technique
de fabrication réelle, les sangles devaient être disposées en zigzag entre les montants ou
le cadre du lit, à moins qu’on ne tendît plusieurs sangles parallèlement entre elles,
interprétation qui semble préférable pour un lit plus large de deux personnes.
272Hérodote mentionne très certainement aussi de telles courroies faisant office de
support de couche, comme le feraient des lattes de bois, lorsque, au cours de la
deuxième guerre médique, les Athéniens assiègent la ville de Sestos et qu’à l’automne,
les Perses assiégés en sont réduits à « faire bouillir les sangles de leurs lits pour s’en
nourrir », τοὺς τόνους ἕψοντες τῶν κλινέων ἐσιτέοντο (HDT IX, 118). Toutefois, le
terme grec τόνος désigne un objet « tendu », cordage ou sangle426, sur le châssis d’un
lit de table (klinê), sans en préciser le matériau ; le contexte peut nous autoriser à y
reconnaître du cuir, qui est bouilli pour être ramolli et mangé en dernière extrémité.
L’anecdote n’est d’ailleurs pas isolée : lors de la prise d’Athènes par Sylla, nous
apprend Plutarque, « les habitants se nourrissaient de chaussures et de fioles de cuir
bouillies », τῶν ἀνθρώπων […] ὑποδήματα […] καὶ ληκύθους ἑφθὰς ἐσθιόντων
(PLUT. Sylla 13, 3).

Phallus de cuir
Phallus de cuir porté au théâtre
273Les acteurs de comédie portaient, noué autour de la ceinture, un membre viril factice
en cuir rouge, propre à susciter des répliques grivoises. Ainsi, à plusieurs reprises, des
personnages d’Aristophane insistent-ils sur cette partie de leur « anatomie
spectaculaire » : l’acteur se contente alors de nommer le membre viril réel (πέος),
comme s’il s’agissait bien de lui et non d’une imitation.
Dicéopolis apparaît portant le phallus de cuir, et demande aux courtisanes de sa suite de
lui « tenir le membre par le milieu » (ἐμοῦ δέ γε σφὼ τοῦ πέους ἄμφω μέσου |
προσλάβεσ[θε]), en écho à Lamachos, qui, s’étant déboîté la cheville en tombant dans
un fossé lors de son départ en guerre, demande à ses esclaves de lui porter la jambe
(AR. Ach. 1216-1217).
Clisthénès est sur le point de découvrir la véritable identité du Parent d’Euripide, qui
s’est travesti pour espionner les femmes et cache son attribut viril comme il peut, en le
balançant d’avant en arrière, ce qui occasionne un véritable jeu de scène : « Clisthénès
— Tiens-toi debout. Où pousses-tu ton membre (τὸ πέος) en dessous ?
Première femme (se mettant derrière le Parent) — Le voici qui passe la tête, et de belle
couleur (εὔχρων)427 !
Ah ! Coquin.
CL. (passant à son tour derrière) — Et où est-il ?
PR. F. — Il est de nouveau parti en avant.
CL. (revenant devant) — Il n’est pas de ce côté.
PR. F. (passant derrière) — Pardi, il est revenu par ici !
CL. — C’est une sorte d’isthme que tu as là, l’homme. Tu fais passer ton membre ici et
là, avec plus de fréquence que les Corinthiens ! » (AR. Thesm. 643-648).
Enfin, par inversion comique, c’est le terme κύσθος, désignant le sexe féminin et
déformé ici dans la bouche de l’Archer Scythe, qui sert à nommer le phallus de cuir que
porte l’acteur jouant le Parent, alors enchaîné, pour démontrer à Euripide déguisé en
Persée que son Andromède n’est pas du sexe adéquat : « Regarde son machin ! »,
σκέψαι τὸ κύστο (AR. Thesm. 1114).
274Mais l’auteur, par l’intermédiaire d’un personnage, peut aussi recourir à une
périphrase intéressante à nos yeux en ce qu’elle décrit plus précisément l’objet. C’est le
cas lorsqu’en pleine parabase le chef de chœur des Nuées s’adresse aux spectateurs :
« cette comédie [...] voyez comme elle est par nature réservée : tout d’abord, elle est
venue sans avoir cousu sur elle un morceau de cuir pendant, rouge par le bout, épais,
pour faire rire les gamins », ἥδ’ ἡ κωμῳδία [...] ὡς δὲ σώφρων ἐστὶ φύσει σκέψασθ’·
ἥτις πρῶτα μέν | οὐδὲν ἦλθε ῥαψαμένη σκύτινον καθειμένον | ἐρυθρὸν ἐξ ἄκρου, παχύ,
τοῖς παιδίοις ἵν’ ᾖ γέλως (AR. Nu. 534, 536-538)428. Les commentateurs s’accordent
sur la nature exacte de l’accessoire : pour le scholiaste, « les comédiens avaient
l’habitude de paraître sur scène en portant un pénis de cuir à la ceinture pour susciter le
rire », διεζωμένοι γὰρ δερμάτινα αἰδοῖα οἱ κωμικοὶ εἰσῄεσαν τοῦ γέλωτος χάριν (Sch.
Nu. 538b [vet]) ; Hésychius précise : « morceau de cuir pendant : les acteurs de
comédie paraissaient sur scène après l’avoir noué à leur ceinture ; pour d’autres, ils
étaient ceints de parties génitales en cuir pour provoquer le rire, juste au-dessus du
bassin et des parties », σκύτινον καθειμένον· διεζωσμένοι ἐσιῄεσαν οἱ κωμικοὶ
ὑποκριταί· οἱ δὲ αἰδοῖα δερμάτινα τοῦ γελοίου χάριν ἀνωτέρω τῶν ἰσχίων καὶ τῶν
αἰδοίων περικείμενοι (HESYCH. s.v.). L’exagération physique (larges postérieurs,
sexes larges des personnages masculins, pour ne citer qu’eux) renforçait donc le
ridicule.
275L’utilisation de tels sexes postiches semble persister jusque dans l’Antiquité tardive,
dans les mimes ou certains petits « spectacles de variété », ainsi que l’atteste, d’un côté,
un texte du Ve siècle de n. è. : « pour ce qui est du phallos : quelque personnage impur
portait un sexe obscène auxquels les mimes ressemblent aujourd’hui <par le leur> en
cuir, appelé phalêtarion », περὶ δὲ τοῦ φαλλοῦ [...] ἀκάθαρτός τις ἦν αἰδοῖον ἔχων
αἰσχρὸν ᾧ ὁμοιοῦσι νῦν οἱ μῖμοι δερμάτινον, ὃ καλοῦσι φαλητάριον (Ps.-NON. Sch.
Myth. 24 = PG 36, 1048). De l’autre, c’est une liste d’accessoires utiles à la mise en
scène de spectacles courts (paignia, « sketches »), datée paléographiquement du Ve-
VIe siècle, qui mentionne, pour la deuxième pièce qui consiste peut-être en un numéro de
« danse », « deux faux-phallus », φαλιταρια ΙΙ (P. Berol. 13927, col. II, l. 2 de la
deuxième pièce)429. Le terme évoque bien sûr celui de φαλλός que la Souda emploie,
mais plutôt pour renvoyer aux phalloi de processions qu’à un accoutrement théâtral,
puisqu’elle le définit comme un « membre (viril) en peau ; ou morceau de bois allongé,
ayant en son extrémité des parties génitales en cuir », μόρια δερμάτινα. ἢ ξύλον
ἐπίμηκες, ἔχον ἐν τῷ ἄκρῳ σκύτινον αἰδοῖον (Souda s.v. φ59), et encore comme un
« [objet imitant des] parties génitales faites en bois de figue et plus tard à partir de
peaux rouges, ayant l’aspect de parties génitales masculines. C’est en les portant autour
du cou et au milieu de la poitrine qu’on dansait en l’honneur de Dionysos lors des
Dionysies », αἰδοῖον σύκινον. ὕστερον δὲ ἐκ δερμάτων ἐρυθρῶν, σχῆμα αἰδοίου ἔχοντες
ἀνδρείου. καὶ τοῦτο ἑαυτοῖς πετιθέμενοι ἔν τε τραχήλοις καὶ μέσοις τοῖς μηροῖς
ἐξωρχοῦντο, τιμὴν τῷ Διονύσῳ ἐν τοῖς Διονυσίοις ἄγοντες (Souda s.v. φ60).
276Les sexes postiches sont souvent représentés sur les vases attiques (fig. 29) et les
quelque deux cents vases « phlyaques » produits entre le début et le troisième quart
du IVe siècle av. J.-C. en Italie du Sud : les acteurs de comédies anciennes430 qui y
figurent portent généralement un justaucorps, une courte tunique et/ou un manteau d’où
pend un « grand phallus en cuir à gland écarlate431 », parfois lié, que ce soit le sexe lui-
même qui dépasse ou la trop courte taille de l’himation qui le permette. Il en va ainsi sur
certaines représentations sur vases (par exemple, un guttus apulien du deuxième quart
du IVe siècle où un homme libre, revenant d’un banquet avec son esclave, s’appuie sur
sa canne et laisse paraître son sexe432) et sur des figures en terre cuite433.

Godemiché
277Une épigramme votive de Philitas de Samos, du reste inconnu, évoque un objet
féminin offert à Aphrodite par une périphrase obscure : âgée de plus de cinquante ans,
Nikias consacre à Cypris, en les suspendant dans son temple, des sandales, des boucles
de cheveux, un miroir, une ceinture « et de ces objets qu’un homme ne doit pas appeler
par leur nom, mais que vous pouvez voir dans cette exposition de Cypris tout entière »,
ἅ τ’ οὐ φωνητὰ πρὸς ἀνδρὸς, | ἀλλ’ ἐσορῇς πάσης Κύπριδος ὀπτασίην (A. P. VI, 210, 5-
6). Il pourrait bien s’agir de godemichés, représentés sur les vases et mentionnés par de
nombreux fragments434, ces derniers ne s’avérant toutefois guère utiles à la
compréhension de ce qu’étaient exactement ces objets. En revanche, trois passages
d’Aristophane, d’Hérondas et du pseudo-Lucien, ainsi que quelques gloses, nous
apprennent à la fois les termes qui les désignent (ὄλισβος, βαυβῶν) et des détails
concernant leur fabrication, leur aspect extérieur et leur utilisation.
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Fig. 29 - Scène de comédie figurant des choreutes revêtus d’un costume à phallus de
cuir en érection (peut-être le chœur des Oiseaux d’Aristophane). Cratère en calice
attique à figures rouges, face A (v. 415-400) ; anciennement J. P. Getty Museum de
Malibu, 82.AE. 83 ; aujourd’hui à Naples, Soprintendenza per i Beni Archeologici. Su
concessione del Ministero dei Beni e delle Attività Culturali e del Turismo -
Soprintendenza per i Beni Archeologici di Napoli.
278Ainsi, Lysistrata se plaint à une amie de ce que la guerre prive les Athéniennes
d’amants : depuis la trahison des Milésiens, constate-t-elle, « je n’ai pas seulement vu
l’ombre d’un olisbos long de huit doigts qui eût pu nous soulager avec son cuir », οὐκ
εἶδον οὐδ’ὄλισβον ὀκτωδάκτυλον, | ὃς ἦν ἂν ἡμῖν σκυτίνη [ἐ]πικουρία (AR. Lys. 109-
110). En cela, elle s’inscrit parfaitement dans le thème comique des femmes qui
cherchent des gratifications sexuelles provenant d’une origine autre que le mari, qu’il
s’agisse d’un amant435 ou d’un objet de réconfort436. Les commentateurs anciens, qui
ne laissent planer aucun doute sur la nature réelle de l’ustensile, insistent sur le matériau
avec lequel est confectionné un instrument destiné, selon eux, aux tribades (considérées
comme infâmes) ou aux femmes esseulées (peut-être alors excusables d’une telle
pratique ?) :
Olisbos : membre viril en peau. On le rencontre dans les Milésiennes : « elle joue à
manier les olisboi ».
ὄλισβον· αἰδοῖον δερμάτινον. καὶ τοῦτο εἰς τὰς Μιλησίας· παίζει δὲ ὡς τοῖς ὀλίσβοις
χρωμένων (Sch. Lys. 109 [rec, ms. Xe-XIe siècle]).
Aide de cuir : les olisboi sont en effet en cuir. Ce sont des membres virils faits de peau,
qu’utilisent les femmes privées d’hommes.
σκυτίνη ἐπικουρία· [...] σκύτινοι γὰρ οἱ ὄλισβοι. εἰσὶ δὲ δερμάτινα αἰδοῖα, οἷς χρῶνται
αἱ χῆραι γυναῖκες (Sch. Lys. 110 [rec, ms. Xe-XIe siècle]).
Olisbos : membre viril en cuir, que les Milésiennes utilisent dans des pratiques
lesbiennes en s’adonnant à des plaisirs obscènes ; y recourent aussi les femmes privées
de leur mari.
ὄλισβος· αἰδοῖον δερμάτινον, ᾧ ἐχρῶντο αἱ Μιλήσιαι γυναῖκες, ὡς τριβάδες καὶ
αἰσχρουργοί· ἐχρῶντο δὲ αὐτοῖς καὶ αἱ χῆραι γυναῖκες (Souda s.v.).
279C’est d’ailleurs dans un passage où est débattue la question d’accorder aux femmes
la pleine liberté de s’unir entre elles – de même que les hommes pratiquent un
commerce sexuel entre eux – qu’est précisée la (une ?) façon de porter le godemiché :
« Que, ceintes de ces instruments infâmes artificiels, monstrueuse imitation dépourvue
de semence, une femme couche avec une femme, comme le ferait un homme ! »,
ἀσελγῶν δὲ ὀργάνων ὑποζωσάμεναι τέχνασμα, ἀσπόρων τεράστιον αἴνιγμα,
κοιμάσθωσαν γυνὴ μετὰ γυναικὸς ὡς ἀνήρ (PS.-LUC. Am. 28). La description d’un
ustensile semblable par la courtisane Métrô chez Hérondas fait état de « petites lanières
de cuir, <douces> comme de la laine », οἱ δ’ἱμαντίσκοι | ἔρι’, οὐχ ἱμάν[τες] (HER. VI,
71-72), qui pourraient servir à l’attacher à la taille – à moins que le diminutif ne désigne
ici les fils de cuir fins utilisés pour coudre la feuille de cuir et lui donner de manière
stable la forme voulue. L’objet est certes désigné ici par un hapax, mais sa destination
ne fait pas de doute : « ma chère Corytto », demande-t-elle à son amie, « dis-moi qui t’a
façonné ce baubôn écarlate ? », τίς ποτ’ ἦν ὅ σοι ῥάψας | τὸν κόκκινον βαυβῶνα; (HER.
VI, 19). L’ustensile pourrait donc être réalisé dans un cuir rouge comme les phallus
portés dans la comédie, à en croire Aristophane et la Souda, ce afin de paraître plus
proches de la réalité437. Corytto se fâche en apprenant que l’objet qu’elle avait prêté à
Euboulé après l’avoir essayé est arrivé chez une rivale qu’elle déteste et à laquelle elle
n’en ferait pas cadeau, « fût-il rugueux entre tous ! », οὐκ ἂν ὅστις λεπρός ἐστι
προσδοίην (HER. VI, 36)438. Elle répond toutefois à son amie et vante la qualité du
travail du cordonnier Cerdon, dont Athéna elle-même a dû guider la main lors de
l’exécution : « Quel travail ! [...] Les hommes n’atteignent pas – nous sommes entre
nous – cette rigidité. Et il n’y avait pas seulement cela, mais la douceur, un rêve ! »,
ὁκοῖ’ ἔστ’ ἔργα· [...] τὰ βαλλί’ οὕτως ἄνδρες οὐχὶ ποιεῦσι -| αὐταὶ γὰρ ἐ[σ]μεν - ὀρθά·
κοὐ μόνον τοῦτο, | ἀλλ’ ἡ μαλακότης ὕπνος (HER. VI, 69-71). Au total, si l’on tient
pour acquise la véracité de l’objet décrit, ce dernier, réalisé par un cordonnier, est
confectionné à partir d’un cuir teint en rouge, doux en surface, et se caractérise par sa
grande fermeté en raison de l’épaisseur du cuir ou par une accumulation de couches
peut-être agencées et maintenues en place au moyen de fines coutures ; il est possible
qu’il ait été maintenu à la taille par des courroies.
280Qu’apporte, du reste, l’iconographie ? Les images vasculaires montrant la
manipulation d’un phallus (de cuir ? de bois ?) par des femmes participent souvent du
monde dionysiaque – les satyres euxmêmes tiennent parfois des olisboi, dans une sorte
de surenchère de leur sexualité déjà hybristique –, mais pas exclusivement439.
L’identification de l’objet au godemiché est dans certains cas très explicite, dans des
scènes érotiques à un seul personnage féminin (fig. 30) ou à plusieurs couples des deux
sexes (banqueteurs et hétaïres)440. Il reste évidemment difficile de tirer des
considérations techniques sur ces objets à partir de telles images441.

Varia et incerta
Fouet à ciste (à lanières de cuir ?)
281Un outil qui sert à récolter la gomme odoriférante du ciste (Cistus ladanifer),
dénommé ergastini ou « fouet », est à peine décrit par Joseph Pitton de Tournefort au
début du XVIIIe siècle dans le récit de son voyage au Levant, mais donne lieu à une
illustration gravée de la main d’Aubriet442. On y voit une sorte de râteau sans dents,
une fourche de bois à trois branches accrochée par des anneaux à un bandeau en
vannerie d’où pendent des lacets de cuir – non corroyé selon P. Belon443. Le voyageur
donne la description suivante d’une récolte dont il a été témoin à Melidoni (sur la côte
nord de la Crète, entre Réthymnon et Héraklion), au moment le plus chaud de la
journée :
Sept ou huit paysans en chemise et en caleçon roulaient leurs fouets sur ces plantes : à
force de les secouer et de les frotter sur les feuilles de ces arbustes, leurs courroies se
chargeaient d’une espèce de glu odoriférante, attachée sur les feuilles ; c’est une partie
du suc nourricier de la plante, lequel transude au travers de la tissure de ces feuilles
comme une sueur grasse, dont les gouttes sont luisantes [...]. Lorsque les fouets sont
bien chargés de cette graisse, on en ratisse les courroies avec un couteau, et l’on met en
pains ce que l’on en détache : c’est ce que nous recevons sous le nom de ladanum. [...]
Du temps de Dioscoride et même plus anciennement [référence à HDT III, 112444], on
n’amassait pas seulement le ladanum avec des fouets, on détachait avec soin celui qui
s’était pris à la barbe et aux cuisses des chèvres, lorsqu’elles broutaient le ciste. Le
même auteur a fort bien remarqué cette plante sous le nom de lêdon (DIOSC. I,
128)445.

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Fig. 30 - Femme maniant des olisboi, godemichés (en bois, en cuir ?). Coupe attique à
figures rouges attribuée au Peintre Nikosthénès. Potier Pamphaios (v. 520-500). British
Museum E815 = 1867, 0508.1064. © Trustees of the British Museum.
282Plus loin, l’auteur précise que cette dernière façon de recueillir le ladanum par
peignage est commune à Naxos, où « on ne prend pas la peine de l’amasser avec des
fouets comme en Candie (i.e. en Crète) », ce qui fait qu’il « n’est bon que pour l’usage
des habitants [car] il est plein d’ordures446 ».
283Une méthode de récolte semblable, par balayage, est connue dès l’Antiquité, mais on
ne saurait afirmer qu’on ait recouru alors à un instrument doté de lanières de cuir.
Dioscoride et Pline, d’ailleurs, nous contredisent sur ce point puisqu’ils évoquent des
cordes, ixées ou non à une armature de bois :
Il y a une autre variété de ciste, appelée par certains lêdon [...] on en tire le ladanum :
les chèvres et les boucs paissant dans les feuilles de cet arbuste en recueillent le suc
poisseux avec leur barbe comme chacun sait, et <la substance> accumulée sur ces
parties parce qu’elle est gluante est retirée, filtrée, déposée, et on en façonne des pains.
D’autres font traîner des cordes de jonc sur les buissons et après avoir raclé la substance
gluante fabriquée par eux, ils la modèlent.
ἔστι δὲ καὶ ἕτερον εἶδος κίσθου, καλούμενον ὑπ’ ἐνίων λῆδον [...] γίνεται δὲ ἐξ αὐτοῦ
τὸ λεγόμενον λάδανον· τὰ φύλλα γὰρ αὐτοῦ νεμόμεναι αἱ αἶγες καὶ οἱ τράγοι τὴν
λιπαρίαν ἀναλαμβάνουσι τῷ πώγωνι γνωρίμως καὶ τοῖς μηροῖς προσπλαττομένην διὰ τὸ
τυγχάνειν ἰξώδη, ἣν ἀφαιροῦντες ὑλίζουσι καὶ ἀποτίθενται ἀναπλάσσοντες μαγίδας.
ἔνιοι δὲ καὶ σχοινία ἐπισύρουσι τοῖς θάμνοις καὶ τὸ προσπλασθὲν αὐτοῖς λίπος
ἀποξύσαντες ἀναπλάσσουσιν (DIOSC. I, 97, 3).
Il se dépose sur la tige une substance grasse, que l’on recueille sur des cordelettes
enroulées autour de la plante et que l’on tire à soi, et dont on fait ainsi des boulettes.
huius pinguia insidere ; itaque et tractis funiculis herbam eam conuolui atque ita ofas
fieri (PLIN. XII, 75).
Pour le recueillir, on passe sur la plante des arcs dont les cordes entourées de laine
retiennent les flocons visqueux qui s’y attachent.
nervos enim in arcu circumdatos lanis trahunt adhaerescente roscida lanugine (PLIN.
XXVI, 47).
284Toutefois, Pline enregistre une autre méthode recourant à des peaux certainement
non dépilées : « on le récolterait, comme la gomme, en incisant l’écorce, et on le
recueillerait sur des peaux de chèvre », colligique ut cummim inciso cortice et caprinis
pellibus excipi (PLIN. XII, 76). L’abbé Mariti l’atteste encore au XVIIIe siècle à Chypre,
où les bergers ramassent le ladanum en essuyant les arbrisseaux de ciste avec une peau
de chèvre attachée au bout d’une perche447.
285La récolte à l’aide d’un fouet ou d’un arc à courroies ou cordes est ainsi connue
depuis l’Antiquité, mentionnée au Moyen Âge et attestée, voire illustrée, par de
nombreux auteurs de l’époque moderne448. Aujourd’hui en Crète, on passe encore sur
les arbustes pour en récolter la sécrétion une espèce de martinet à lanières… en
plastique !
Courroies diverses (ἱμάντες)449
Dispositif de fermeture (d’une porte, d’une boîte)
286Au moment où Pénélope va chercher l’arc d’Ulysse dans une réserve et qu’elle
parvient au seuil en bois de chêne où s’adaptent les deux montants et les portes, « elle
ôt[e] rapidement la courroie attachée à un crochet450 », ἱμάντα θοῶς ἀπέλυσε κορώνης,
introduit la clé et lève le verrou de la porte (Od. 21, 46).
287Concernant le petit mobilier, les boîtes peuvent être fermées par un mécanisme à
charnons – c’est le cas pour la majorité d’entre elles à Délos451 – mais aussi
certainement par une lanière de cuir qui passe par des ouvertures ménagées dans le
couvercle et le boîtier. On en voit peut-être la trace dans une inscription délienne qui
nous informe de ce que, dans le pronaos du temple d’Apollon, a été offerte une « boîte à
fard en or [...] d’un poids d’une drachme avec la lanière », φυκίον χρυσοῦν [...] ὁλκὴ
συν τῷ ἱμάντι (ID 161B [101])452.

Courroie pour attacher et transporter des meubles


288À une occasion dans le théâtre d’Aristophane, il est question qu’un personnage,
Chrémès, emporte ses meubles à l’Agora pour une mise en commun des biens, selon le
nouveau principe qui régit la cité. Pour lier l’ensemble (συνδεῖν) et déplacer cette lourde
charge, il recourt non à une corde mais à une courroie, ἱμάς (AR. A.F. 785), en raison
de la solidité du matériau.

Fouets et courroies pour fouetter


289Le fouet est, dans le monde grec, l’instrument du châtiment que reçoit usuellement
l’esclave453, par punition ou lors de la mise à la torture, mais aussi le citoyen déchu de
ses droits et qui doit subir l’infâmie, ou encore l’homme condamné par ses ennemis454.
290Le fouet au sens où nous l’entendons n’est jamais décrit dans les sources où il est
mentionné, au contraire des séquelles qu’il laisse455. L’iconographie montre une
certaine variété de formes : simple lanière, mastix double ou triple, courroie pourvue
d’astragales (ἐξ ἀστραγάλων μάστιξ chez LUC. Ane 38, ou ἀστραγαλωτὸς μάστιξ|ἱμᾶς
chez POLL. X, 54 et ATH. IV, 153a)456… Nous ne donnons ici que deux exemples de
variantes du fouet traditionnel.
291Lampriscos, maître d’école, exécute la punition que Métrotimé réclame pour son fils
en utilisant la manière forte : « Où est le cuir dur457, ma queue de bœuf dont je bats les
réfractaires ? », Κοῦ μοι τὸ δριμὺ σκῦτος, ἡ βοὸς κέρκος | ᾧ τοὺς πεδήτας κἀποτάκτους
λωβεῦμαι; (HER. III, 68-69).
292Dans la comédie des Grenouilles, Xanthias propose à Éaque, comme preuve de sa
bonne foi, de soumettre son esclave à la question : « [agis] de toute manière possible :
attache-le à une échelle, suspends-le, donne-lui de l’hystrichis, écorche-le, tords-lui les
membres… », πάντα τρόπον· ἐν κλίμακι | δήσας, κρεμάσας, ὑστριχίδι μαστιγῶν, δέρων,
|στρεβλῶν... (AR. Gr. 618-620). Une scholie donne des précisions sur ce modèle de
fouet, qui devait infliger des blessures particulièrement douloureuses, appelé
« hérisson »458 : « l’hystrichis est un fouet en cuir de porc ayant encore les soies »,
ὑστριχίς· ἐστιν ἡ ἐκ δέρματος ὑείου μετ’ αὐτῶν τῶν τριχῶν μάστιξ (Sch. Gr. 619
[vet])459. De fait, il laboure la peau. C’est ainsi qu’un esclave, demandant à un alter
ego la cause de ses cris de douleur, compare l’état du dos ayant subi les coups du fouet à
soies à une forêt ravagée dont on aurait coupé tous les arbres : « Malheureux, qu’est-il
arrivé à ta peau ? Serait-ce que le hérisson t’est tombé sur les flancs en masse et t’a
défriché le dos ? », Ὦ κακόδαιμον, τί τὸ δέρμ’ ἔπαθες; Μῶν ὑστριχὶς εἰσέβαλέν σοι | εἰς
τὰς πλευρὰς πολλῇ στρατιᾷ κἀδενδροτόμησε τὸ νῶτον; (ΑR. Paix 747-748).

Courroie « chronomètre »
293Dans le récit d’Hérodote, Darius, parvenu sur les bords de l’Istros avec son armée,
laisse en place le pont de bateaux sur le conseil de Coès, mais donne aux Ioniens un
délai de soixante jours au-delà desquels ils devront le rompre : « il fit soixante nœuds à
une courroie », ἀπάψας ἅμματα ἑξήκοντα ἐν ἱμάντι, et leur dit : « prenez la courroie que
voici [...] : dès que vous m’aurez vu en marche contre les Scythes, à dater de ce
moment, dénouez un nœud chaque jour », ἔχοντες δὲ τὸν ἱμάντα τόνδε [...] ἐπεάν με
ἴδητε τάχιστα πορευόμενον ἐπὶ Σκύθας, ἀπὸ τούτου ἀρξάμενοι τοῦ χρόνου λύετε ἅμμα
ἓν ἐκάστης ἡμέρης (HDT IV, 98).

Tuyaux pour acheminer l’eau


294Hérodote rapporte deux récits sur la réaction du roi des Arabes après la venue
d’envoyés de Cambyse lui demandant de lui assurer un passage vers l’Égypte : le moins
plausible (τὸν ἧσσον πιθανόν), de l’opinion même de l’auteur, dit que « le roi des
Arabes aurait confectionné avec des peaux cousues de bœufs et autres bêtes un
tuyautage (ῥαψάμενον ὠμοβοέων καὶ ἄλλων δερμάτων ὀχέτον) de longueur suffisante
pour atteindre la région aride, et de ce fleuve [le Corys], amené l’eau par ces peaux
ἀγαγεῖν διὰ δὴ τούτων τὸ ὕδωρ) ; dans la région aride, il aurait fait creuser de vastes
citernes (μεγάλας δεξαμενὰς ὀρύξασθαι) pour recevoir l’eau et la conserver (du fleuve à
cette région aride, le trajet est de douze journées) ; et il aurait amené l’eau en trois
places par trois tuyaux (δι’ ὀχετῶν τριῶν) » (HDT III, 9). Même si la version est
fortement mise en doute par son rapporteur, elle n’en demeure pas moins un témoignage
de l’analyse technique portée à l’époque pour concevoir un tel projet, qu’il ait été ou
non réalisé, et qui intègre certaines des qualités des peaux déjà évoquées : leur
imperméabilité à l’eau et la possibilité de les coudre les unes aux autres tout en assurant
une bonne étanchéité (par le graissage des coutures)460.

Éléments de parure / bijoux de cuir


Anneaux de cheville en cuir
295Hérodote rapporte que chez les Gindanes, dans la partie occidentale de la
Tripolitaine, « les femmes portent aux chevilles nombre d’anneaux de cuir », αἱ
γυναῖκες περισφύρια461 δερμάτων πολλὰ ἑκάστη φορέει ; « pour chaque homme avec
qui elle a commerce, elle se met un anneau ; celle qui en a le plus est considérée comme
la plus méritante, puisqu’elle a été aimée par le plus d’hommes » (HDT IV, 176). Il ne
s’agit donc pas d’un simple bijou décoratif mais d’une parure de prestige.
Diadème en cuir doré
296Pollux est le seul à nous renseigner sur un « [objet en] cuir doré, qui se porte autour
de la tête » nommé στλεγγίς (POLL. VII, 179 : δέρμα κεχρυσωμένον462, ὃ περὶ τῇ
κεφαλῇ φοροῦσιν). Si le terme n’est pas inconnu et désigne habituellement, dans le
domaine de la parure, un « diadème »463, il ne renvoie jamais ailleurs à un objet de
cuir. Xénophon mentionne des στλεγγίδες χρυσαῖ (« étrilles » ou « diadèmes » en or ?)
remises aux gagnants des jeux en l’honneur de Zeus Lykaios à Peltes, auxquels assiste
Cyrus (XEN. An. I, 2, 10) ; Athénée les donne comme parures de fêtes religieuses, sans
toujours en préciser le matériau464.

Objets recouverts de cuir


297Hérodote explique comment les Scythes usent des têtes de leurs pires ennemis : le
crâne est scié, nettoyé, « chez les pauvres, on se contente de l’envelopper
extérieurement d’une peau de bœuf non tanné (ἔξωθεν ὠμοβοέην μούνην περιτείνας) et
on l’emploie tel quel ; chez les riches, non seulement on l’enveloppe de peau de bœuf
non tannée, mais on le dore aussi à l’intérieur » (τὴν μὲν ὠμοβοέην περιτείνει, ἔσωθεν
δὲ καταχρυσώσας) pour l’employer comme verre à boire (HDT IV, 65). L’attestation
d’un tel trophée est ici anecdotique et hors du domaine grec.
298Si les textes littéraires relatifs à la technique de revêtement d’objets au moyen d’une
peau ou de cuir manquent, une inscription de Délos mentionne une « boîte recouverte de
cuir », κιβώτιον ἐσκυτωμένον, contenant des couronnes écrasées et déposée dans le
temple aux Sept Statues (ID 205Ab [20])465. On ne sait si cette boîte a connu un usage
domestique avant d’être déposée en offrande avec son contenu. Une inscription attique
mentionne un arc ainsi couvert : τόξα ἐσκυτωμέ-|[να δύο (IG II2 1631, l. 223, datée de
323/322)466.

Jouets et instruments de jeu


299Cette fois encore, il est aisé d’imaginer que des morceaux de vieux cuir réemployés,
des courroies et lacets de cuir aient pu servir à la confection de jouets (poupées, armes
factices, lacets de jeu…). Aristophane nous en fournit un exemple par la bouche de
Strepsiade, venu vanter les qualités de son fils « industrieux » (θυμόσοφος) auprès de
Socrate qu’il vient d’insulter : « dès sa plus petite enfance, il modelait chez nous des
maisons (ἔπλαττεν ἔνδον οἰκίας), sculptait des bateaux (ναῦς ἔγλυφεν), construisait de
petits chariots de cuir (ἁμαξίδας τε σκυτίνας ἠργάζετο) et, avec l’écorce des grenades,
faisait des grenouilles (ἐκ τῶν σιδίων βατράχους ἐποίει) à merveille » (AR. Nu. 878-
881). L’aspect anecdotique d’un tel passage montre à la fois qu’une telle réalisation n’a
rien de commun mais relève du « bricolage » personnel et que bon nombre d’exemples
quotidiens doivent nous échapper, faute d’avoir été transmis.
300Nous ne savons rien en revanche – et avons perdu définitivement toute possibilité de
le préciser467 – du jeu dont il est question dans les Caractères de Théophraste, à
l’occasion d’un repas où le Complaisant appelle auprès de lui les enfants de son hôte,
les embrasse, les assied à ses côtés et « joue avec les uns, disant : “À qui l’outre ? À qui
la hache ?” », τοῖς μὲν συμπαίζειν αὐτὸς λέγων ‘ ἀσκός, πέλεκυς’, tandis qu’il « laisse
les autres s’endormir sur son estomac qu’ils écrasent » (THEOPH. Car. V, 5).
301Les documents iconographiques abondent en représentations de balles (σφαῖραι),
voire de ballons, et les textes nous informent de leur fortune tant auprès des jeunes filles
comme Nausicaa et ses suivantes (Od. 6, 96-100) que de deux jeunes hommes de rang
princier dans le cadre d’un spectacle (Od. 8, 370)468. Pour autant, ces textes et
représentations ne nous informent pas toujours du matériau utilisé, même si le cuir était
certainement préféré au bois, aux fibres végétales, aux bandes de tissu cousues et
rembourrées (de paille, de son...). On peut en effet supposer l’usage de balles
semblables aux nôtres, faites de bandes de cuir cousues et gonflées, d’après la forme
même d’aryballes qui semblent en reproduire le modèle469. Certains reliefs montrent
des scènes de jeu qui évoquent certains de nos sports : bas-relief présentant six joueurs
munis de crosses, deux d’entre eux cherchant visiblement, alors que la partie est sur le
point d’être lancée, à s’emparer d’une balle470 ; stèle funéraire sur laquelle figure un
jeune homme en train de s’entraîner à la palestre, léchissant la jambe droite sur laquelle
repose un objet sphérique, certainement un ballon en cuir, comme s’il jonglait avec la
cuisse (fig. 31).

Cuir et parchemin comme supports d’écriture


Rouleaux de cuir
302La question de l’apparition du livre en rouleau de papyrus et de celle de l’écriture sur
feuilles de cuir reste à ce jour problématique471. Même si l’on peut supposer assez
raisonnablement que les archives de la civilisation mycénienne n’étaient pas toutes
inscrites sur des tablettes d’argile ou sur des vases, mais que des documents
administratifs, juridiques, diplomatiques étaient écrits sur des matériaux périssables,
rien ne nous permet de dire qu’il s’agissait de parchemin ou de cuir, à côté du bois ou
du papyrus, bien que ce dernier ait pu apparaître comme support d’écriture en Grèce
au VIIe siècle av. J.-C. avec l’installation déinitive des Grecs dans le Delta, instaurant des
liens commerciaux solides et durables472.
303Hérodote témoigne d’un usage de peaux chez les peuples barbares qui lui sont
contemporains, mais en fait remonter l’origine à une époque bien plus ancienne en
l’attribuant aux Phéniciens qui, arrivés avec Cadmos, auraient apporté un grand nombre
de savoirs aux Grecs, notamment les lettres (γράμματα φοινικήια). Il poursuit ainsi :
C’est d’après l’ancien usage que les Ioniens appellent les livres de papyrus (biblos)
« diphtères », parce que jadis, vu la rareté des livres de biblos, ils employaient des
diphtèrai, peaux de chèvres ou de moutons ; encore de mon temps, beaucoup de
barbares écrivent sur cette sorte de peaux.
Kαὶ τὰς βύβλους διφθέρας καλέουσι ἀπὸ τοῦ παλαιοῦ οἱ Ἴωνες, ὅτι κοτε ἐν σπάνι
βύβλων ἐχρέωντο διφθέρῃσι αἰγέῃσί τε καὶ οἰέῃσι· ἔτι δὲ καὶ τὸ κατ’ ἐμὲ πολλοὶ τῶν
βαρβάρων ἐς τοιαύτας διφθέρας γράφουσι (HDT V, 58).
304Cet usage oriental courant des peaux est encore attesté, par Diodore, pour
le Ve siècle : Ctésias de Cnide passa dix-sept ans en Perse à la cour d’Artaxerxès II, entre
415 et 398, où, afirme l’historien, il consulta les données et en composa
une Histoire pour les Grecs « en puisant aux annales royales écrites sur peaux », ἐκ τῶν
βασιλικῶν διφθερῶν (DIOD. II, 32, 4)473.
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Fig. 31 - Au centre de cette stèle, sur la panse du vase représenté en trompe l’œil, figure
une scène en relief montrant un jeune homme jonglant de la cuisse droite avec un ballon
vraisemblablement en cuir. Fragment d’une stèle funéraire figurant une loutrophore,
trouvée au Pirée (v. 400-375). Athènes, Musée archéologique national 873. © Hellenic
Ministry of Culture and Sports/Archaeological Receipts Fund ; photographie George
Fafalis.
305Jean Irigoin a formulé l’hypothèse séduisante, mais invérifiable, selon laquelle la
division en 24 chants des poèmes homériques viendrait de leur mise à l’écrit première
(mais quand ?) sur des rouleaux de cuir, plus épais et par conséquent moins longs que
ceux de papyrus, en remarquant que la longueur moyenne d’un chant est nettement
inférieure à celle qu’on peut écrire sur un rouleau de papyrus. Hipparque, dans la
deuxième moitié du VIe siècle av. J.-C., aurait acquis une copie des poèmes « sous forme
de 48 rouleaux de cuir retraçant chacun un chant, ou du moins sous la forme conservant
la trace d’une copie antérieure sur 48 rouleaux de cuir474 ». À notre connaissance,
aucun autre texte ni aucune image ne permet d’authentifier l’utilisation de tels rouleaux
de cuir pour le monde grec.

La production intensive du parchemin à l’époque hellénistique et les cahiers


de parchemin impériaux
306Le parchemin, en revanche, est un matériau dont on repère plus aisément l’évolution,
même si les circonstances exactes de son invention à Pergame, sous Eumène II (197-
159), restent elles aussi sujettes à controverse475. Pline l’explique par la nécessité de
trouver un nouveau support d’écriture suite à l’embargo sur l’exportation de papyrus à
l’époque de Ptolémée VI (180-145) : « D’après Varron, quand Ptolémée et Eumène
voulurent rivaliser par leurs bibliothèques et que le premier eut interdit l’exportation de
papyrus, on inventa à Pergame le parchemin », aemulatione circa bibliothecas regum
Ptolemaei et Eumenis, supprimente chartas Ptolemaeo, Varro membranas Pergami
tradit repertas (PLIN. XIII, 70)476. Ces exportations ont plus certainement été
interrompues à cause de la guerre qui mit aux prises Antiochos IV Épiphane et
Ptolémée VIII entre 170 et 168, ce qui dut inciter les Attalides à favoriser la production
d’un substitut local477.
307Seul un texte de Galien atteste l’existence de petits livres de parchemin, διφθέραι
(c’est le sens commun du mot au IIe siècle), à l’époque grecque classique, utilisés pour la
prise de notes, comme support de brouillons, lorsqu’il affirme que les livres II et VI
des Épidémies d’Hippocrate ne sont pas de la main même du médecin mais de son fils
Thessalos, qui, puisant dans les « notes écrites par son père sur des feuillets de papyrus,
de parchemin et des tablettes », ὑπογραφὰς [...] γεγραμμένας ἐν χάρταις τε καὶ
διφθέραις καὶ δέλτοις, les aurait rédigés (GAL. Com. sur Epid. VI, Com. II, VII, 890-
891 Kühn)478. Mais il est difficile de prêter foi à une telle assertion en ce qu’elle est un
hapax et un témoignage tardif.
308L’utilisation de tels feuillets de parchemin est en revanche bien connue à Rome dès
la fin de la République pour une telle fin. Horace en fait ainsi le support de manuscrits
de premier jet, à laisser de côté pour éviter de les publier trop hâtivement : « Tout ce
que tu pourras quelque jour écrire [...] garde-le huit ans chez toi, tenant bien enfermées
les feuilles de parchemin », Si quid tamen olim | scripseris [...] nonumque prematur in
annum | membranis intus positis (HOR. Art. P. 386-389). On se souvient aussi du poète
Eumolpe, qui, en pleine tempête, reste « assis devant un immense parchemin qu’il
couvre de ses vers », sedentem membranaeque ingenti uersus
ingerentem (PETR. Sat. 115, 2). Quintilien donne quant à lui une description précise de
carnets en parchemin dont la fonction pouvait être, en dépit du coût de fabrication d’un
tel objet, de faire des brouillons de comptabilité : « Il est très bien d’écrire sur la cire, où
il est très facile d’effacer, à moins qu’une vue un peu faible exige plutôt l’emploi du
parchemin… Qu’on se serve de tablettes ou de parchemin, il faudra laisser en face des
pages blanches où l’on pourra faire librement des additions », Scribi optime ceris, in
quibus facillima est ratio delendi, nisi forte visus infirmior membranarum potius usum
exiget… Relinquendae autem in utrolibet genere contra erunt uacuae tabellae, in
quibus libera adiciendi sit excursio (QUINT. I.O. X, 3, 31-32). L’exemplaire à feuilles
fines conservé aujourd’hui à Berlin (P. Berol. 7358/9), daté du IIe-IIIe siècle et
constituant le plus ancien carnet trouvé en Égypte à ce jour, est rempli de notes de
paiements effectués pour une main d’œuvre employée479.
309La littérature latine d’époque impériale mentionne fréquemment
les pugillares ou membranae, des cahiers de petit format que l’on tenait en main et qui
prenaient la forme de tablettes de bois enduites de cire, de feuillets reliés de papyrus ou
de parchemin. Dès le Ier siècle, en effet, des œuvres littéraires complètes sont publiées
sous forme de feuillets reliés : Martial mentionne une édition d’Homère
(MART. Ep. XIV, 184), une de Cicéron (MART. Ep. XIV, 188), une de Tite-Live
(MART. Ep. XIV, 190) et une autre des Métamorphoses d’Ovide (MART. Ep. XIV,
192) « sur parchemin », in (pugilaribus) membranis480. Si l’on peut douter de la
véracité du discours de Martial quant au volume que pouvaient contenir de tels carnets
(Homère ou Tite-Live tout entiers, ce qui ne saurait tenir dans un seul carnet mais dans
un certain nombre d’entre eux !), on reconnaît avec lui les avantages d’un tel support :
peu encombrant dans une bibliothèque ou dans les bagages en cas de voyage, il se tient
d’une seul main et offre une bonne résistance. Le « livre » en parchemin est ainsi une
invention du Ier siècle qui, loin d’être un « essai mort-né » comme on a pu l’affirmer481,
se serait diffusée tôt dans l’Empire, y compris en Égypte482.

Étiquettes pour volumina


310Cicéron mentionne par ailleurs, dans sa correspondance de l’été 56 av. J.-C., des
étiquettes en parchemin (membranulae) sur lesquelles il faisait inscrire les titres des
rouleaux auxquels elles étaient ensuite suspendues, pour les repérer ainsi plus
facilement dans sa bibliothèque : « Je voudrais que tu m’envoies deux ou trois gens de
ta librairie, que Tyrannion puisse employer comme relieurs483 et dont il puisse faire ses
aides pour le reste ; également que tu leur fasses prendre un bout de parchemin, de quoi
faire des titres, des sittybes, comme vous dites, je crois, vous autres Grecs », Et uelim
mihi, mittas de tuis librariolis duos aliquos, quibus Tyrannio utatur glutinatoribus, ad
cetera administris, iisque imperes ut sumant membranulam ex qua indices fiant, quos
uos Graeci, ut opinor, σιττύβας appelatis (CIC. Att. IV, 4a) ; « tes gens ont embelli ma
bibliothèque par leurs arrangements et leurs étiquettes », bibliothecam mihi tui
pinxerunt constructione et sittybis (CIC. Att. IV, 5).

Amulettes et usage du cuir en magie


311Les écrits d’époque impériale de langue grecque fournissent un certain nombre
d’attestations d’usage de cuir à des fins magiques ou iatromagiques. Si de telles
pratiques ont existé pour des époques plus anciennes, nous n’en avons plus de traces
écrites.
312Chez Artémidore, il est question d’une amulette de cuir, sans qu’on ait plus de
précisions sur sa forme : « Un homme rêve qu’il portait le nom de Sarapis gravé sur une
plaquette de bronze attachée au cou comme une amulette de cuir », περὶ τὸν τράχηλον
δεδέσθαι ὥσπερ σκυτίδα (ARTEM. Onir. V, 26). Les amulettes pouvaient de fait
consister en des courroies inscrites, comme l’atteste Athénée citant des vers extraits de
la comédie d’Anaxilas (IVe siècle av. J.-C.) Le fabricant de lyres, dans laquelle un
personnage « porte sur des lanières de cuir cousues de belles lettres éphésiennes », ἐν
σκυταρίοις ῥαπτοῖσι φορῶν | Ἐφεσήια γράμματα καλά (ATH. XII, 548c = Anaxilas fr.
18). Mais c’est dans les papyrus magiques que l’on trouve l’essentiel de ces objets484 :
on recourt à une peau animale comme support d’écriture, comme étui à amulette ou
contenant, ou encore pour des sandales… autant d’objets somme toute banals mais
réalisés dans le cuir inhabituel d’un animal choisi pour des raisons symboliques.
313Un papyrus du IVe siècle apr. J.-C. relatant une invocation à Séléné mentionne ainsi
une peau d’origine indéterminée mais de couleur rouge (δέρμα), servant d’enveloppe à
une amulette en bois de citronnier sur laquelle est peinte une inscription à l’encre rouge
(PGM IV, 2703). Un autre soutient que des graines d’orge et le mucus des naseaux d’un
bœuf, placés dans un morceau de peau de faon lié à une peau de mule, δέρμα ἐλάφιον
δέρματι βούρδωνος (PGM XXXVI, 329), constituent un des meilleurs contraceptifs qui
soit.
314La courroie que décrit un certain Nephotes au roi Psammétique, et qui sert à
suspendre au cou une lame d’argent porteuse d’un charme de protection gravé avec un
stylet de bronze, doit être réalisée dans le cuir d’un âne, ἱμάντι ὄνου, animal associé à
Seth/Typhon (PGM IV, 259)485.
315C’est en raison de cette même association que la peau d’un âne, δέρμα ὄνου, est
ailleurs recouverte d’une formule marquée du sang tiré de la matrice de silure mélangé
au suc de la plante Sarapis, en guise d’encre (PGM XXXVI, 362) : l’invocation doit
faire naître un amour irrésistible. Un autre papyrus propose, pour calmer la toux, de
porter autour du cou un parchemin en peau de hyène, δέρμα ὑαίνης (PGM VII, 203),
portant une formule inscrite à l’encre noire.
316Enfin, pour faire apparaître Apollon, il faut, nous dit-on, réciter une formule en se
tenant dans une pièce en sous-sol sans lumière, couronné de marjolaine et en portant
aux pieds des sandales en peau de loup, ὑποδησάμενος λύκεια ὑποδήματα (PGM VII,
729).
317On sera peut-être davantage surpris de trouver dans l’œuvre de Galien le mode
d’emploi de quelques-unes de ces amulettes, comprenant pour certaines un élément en
peau. Comme l’explique Jacques Jouanna, l’opinion de Galien n’a pas toujours été la
même à l’égard de ces objets : remarquant – voire vérifiant lui-même – par l’expérience
leur efficacité, il reconnaît à certains un « statut médical », allant jusqu’à « proposer une
explication rationnelle de l’efficacité de l’amulette par la propriété du produit 486 ».
Dans les exemples cités par le spécialiste, la peau sert d’enveloppe ou de contenant :
ainsi cette amulette, reprise par Galien à Archogène, un médecin du Ier-IIe siècle apr. J.-
C., faite d’une « coquille d’un vieux coquillage enfermée dans une peau », τὸ τοῦ
παλαιοῦ κοχλίου κέρας ἐνδήσας δέρματι περίαπτε, contre le mal de dents des enfants
(GAL. 5, 5 ; XII, 874, 12 Kühn) ; ou encore de la fiente de loup enveloppée dans une
peau de biche : « avec de la peau de biche que l’on fasse la courroie qui entoure les
flancs ainsi que l’enveloppe elle-même pour contenir la fiente », ἐκ δέρματος ἐλαφείου
τὸν ἱμάντα τὸν περιελιττόμενον ταῖς λαγόσι καὶ αὐτὸ τὸ περιέξον τὴν (λυκείαν) κόπρον
ἐκέλευσεν εἶναι (GAL. Médicaments simples 10, 2, 21 ; XII, 296, 18 Kühn = App. 4,
11)487.

Produits dérivés de la peau


Engrais
318On connaît au moins depuis l’époque classique, avec Théophraste, un engrais, sorte
de compost préparé à partir des résidus organiques des ateliers de fabrication du cuir
qu’il nomme « [produit] des tanneurs » (ἡ βυρσοδεψική, ἡ σκυτοδεψική), sans en
donner la recette précise : les déchets de tannerie – certainement les éléments issus de la
phase de dépilage, riches en azote488 – entraient dans sa composition et l’urine est alors
mentionnée comme produit associé dans le traitement des cultures.
On recommande d’appliquer un engrais encore plus puissant sur les myrtes, comme
celui des tanneurs, et de verser de l’urine lorsque les pousses sortent.
ὡς παρὰ τοὺς μυρρίνους κελεύουσιν ἰσχυροτέραν ἔτι παραβάλλειν, οἷον τὴν
βυρσοδεψικήν, καὶ οὖρον παραχεῖν ὅταν ἐκβλαστήσωσιν (THEOPH. Caus. Pl. III, 9,
3).
[…] comme on verse de l’engrais des tanneurs et de l’urine sur les racines du myrte,
puisque les deux substances pénétrent davantage [...] ; et il en va de même pour <les
racines>; de la grenade : on y verse aussi <de l’urine> et on applique de l’engrais de
tanneurs, toutefois pas dans les mêmes quantités que sur les myrtes, mais moins.
καθάπερ ἡ σκυτοδεψικὴ τὰς τῶν μυρρίνων καὶ οὖρον παραχεόμενον, ἄμφω γὰρ
διαδύνεται μᾶλλον [...], ὡσαύτως καὶ τῶν ῥοιῶν· καὶ γὰρ ταύταις παραχέουσι καὶ τὴν
σκυτοδεψικὴν παραβάλλουσιν, πλὴν οὐχ ὁμοίως καὶ τοῖς μυρρίνοις, ἀλλ’ ἧττον
(THEOPH. Caus. Pl. III, 17, 5).
319Pline mentionne, dans un chapitre sur les fumiers (fimi), les excréments de l’homme
(humanae dapes, « résidus humains de l’alimentation ») et l’urine (potus
hominum, « [restes de] la boisson des hommes ») qui a servi à dépiler les peaux et dans
laquelle les poils ont macéré (PLIN. XVII, 51)489.
320Les sources reconnaissent unanimement que c’était un produit très puissant, qu’il
fallait diluer avant de l’épandre pour éviter qu’il ne brûle les racines des plantes 490.
Engrais des tanneurs : cet engrais, lorsqu’il est appliqué sans être dilué ou mal dilué,
détruit visiblement tous les types d’arbres, ou presque ; il en va de même pour tous les
engrais chauds, secs et, en un mot, puissants, et qui ne sont pas adaptés à chaque arbre.
ἡ σκυτοδεψική· πάντα γὰρ ὡς εἰπεῖν αὕτη δοκεῖ φθείρειν ἄκρατος οὖσα καὶ μὴ καλῶς
κραθεῖσα· καὶ ὅσαι δὲ θερμαὶ καὶ ξηραὶ καὶ ἰσχυραὶ τὸ ὅλον, καὶ μὴ οἰκεῖαι πρὸς
ἕκαστον (THEOPH. Caus. Pl. V, 15, 2, trad. perso.).
Les immondices des tanneurs, à moins qu’on y ajoute de l’eau [...], brûlent aussi les
vignes ; de même quand on en met trop.
urit uineas [...] et e coriariorum sordibus nisi admixta aqua, item largius (PLIN. XVII,
258).
321On en trouve encore la trace dans un extrait de la compilation tardive
des Géoponiques relatif à la préparation du fumier et à la bonne fermentation de ses
composants :
Certains creusent une fosse profonde et y jettent tous types de déchets, du meilleur au
pire, et les laissent pourrir. Puis ils y ajoutent de la cendre tirée des fours, et de la fange,
et les excréments de tous les animaux, et avant tout ceux des hommes, et ce qui est une
très bonne chose et est en soi utile à toutes les plantes mais en particulier aux vignes, ils
répandent de l’urine humaine. Mais ils y jettent aussi les impuretés des tanneurs.
Τινὲς τάφρον ὀρύξαντες βαθεῖαν πᾶσαν ἐκεῖ κόπρον καταφέρουσι, τήν τε κρείττω καὶ
τὴν χείρω, καὶ σήπουσι. καὶ τέφραν δὲ τὴν ἀπὸ κλιβάνων, καὶ βόρβορον, καὶ τὴν
πάντων τῶν ζώων κόπρον, καὶ πρό γε πασῶν τὴν ἀνθρωπείαν, καὶ ὃ μέγιστόν ἐστι, καὶ
καθ’ ἑαυτὸ μεῖζον ὠφελοῦν πάντα τὰ φυτά, καὶ προηγουμένως τὰς ἀμπέλους, τὸ οὖρον
τὸ ἀνθρώπειον ἐπιβάλλουσιν, ἀλλὰ καὶ τὴν τῶν σκυτοδεψῶν ἀκαθαρσίαν ἐπιρρίπτουσι
(Géop. II, 22, 1, trad. perso.).

Colle
322Les sources grecques et Pline mentionnent la fabrication et l’utilisation de diverses
colles à base de farine491, de poisson492. On recourait également aux peaux
d’animaux, notamment celles de taureaux (ταυροκόλλα, glutinum taurinum). Pline
affirme qu’« avec le cuir de bœuf et surtout du taureau, par cuisson, on prépare de la
colle », boum coriis glutinum excoquitur, taurorumque praecipuum (PLIN. XI, 231),
mais qu’on n’utilise pas seulement la peau : pour parvenir à la guérison des brûlures
sans laisser de cicatrices, « la colle la meilleure se fabrique avec les oreilles et les
parties génitales du taureau, glutinum praestantissimum fit ex auribus taurorum et
genitalibus (PLIN. XXVIII, 236).
323De fait, la peau, comme d’autres parties de l’animal telles que les tendons, le
cartilage, les os, contient de la gélatine493. Parce que ce devait être une colle forte et
pénétrante, elle servait essentiellement en menuiserie et en marqueterie pour coller les
pièces d’ivoire sur les meubles :
La colle est dénommée parfois colle à bois ou colle de taureau », κόλλα, ἣν ἔνιοι
ξυλοκόλλαν καλοῦσιν ἢ ταυροκόλλαν (DIOSC. III, 87).
Selon Polybe, le bouclier des Romains (scutum) est « fait de deux planches ajustées
avec de la colle de bœuf, et il est recouvert à l’extérieur de toile, puis de peau de veau »,
ἐκ διπλοῦ σανιδώματος ταυροκόλλῃ πεπηγώς, ὀθονίῳ, μετὰ δὲ ταῦτα μοσχείῳ δέρματι
περιείληπται τὴν ἐκτὸς ἐπιφάνειαν (POLYB. VI, 23, 3). Son épaisseur est d’une palme,
soit 7,5 cm environ.
Lucrèce insiste sur le pouvoir fortement adhérent du produit : « La colle de taureau unit
si fortement le bois que les veines des pièces qu’elle joint cèdent et s’écartent avant que
les liens de la colle ne relâchent leur étreinte », Glutine materies taurino iungitur una, |
ut uitio uenae tabularum saepius hiscant | quam laxare queant compages taurea
uincla (LUCR. Nat. VI, 1069-1071).
Selon Pline, l’art de travailler le bois remonte à Dédale, qui est l’inventeur des
ustensiles du menuisier : outils, « colle et colle de poisson » (PLIN. VII, 198 : glutinum,
ichthyocollam).
Dans son explication de la fabrication du papyrus, Pline précise que ni la colle de
menuisier (fabrile), donc de peau, ni la gomme (cummis) ne sont adaptées car elles
seraient cassantes (fragilia) (PLIN. XIII, 82, supra).
324Elle
connaît cependant de nombreuses applications comme remèdes cosmétiques et
médicaux, dont la plupart ne sont donnés que par Pline.
Pline la recommande pour les dents (PLIN. XXVIII, 182 : « la colle de menuisier
bouillie dans l’eau est un remède pour les dents », à condition de les laver
immédiatement après avec une préparation de décoction d’écorces de grenades douces
dans du vin) ; contre les crachements de sang (PLIN. XXVIII, 195 : « la colle de taureau
à la dose de trois oboles dans de l’eau chaude se donne en boisson contre les
hémoptysies invétérées », glutinum taurinum tribus obolis cum calida aqua bibitur in
uetere sanguinis excreatione) ; contre la dysenterie (PLIN. XXVIII, 209 : « aux
dysentériques, on administre en lavement de la colle de taureau dissoute dans l’eau
chaude », infundunt dysintericis et glutinum taurinum aqua calida resolutum) ; contre
les brûlures (PLIN. XXVIII, 236, colle d’oreilles et de parties génitales de taureau :
« rien n’est plus efficace pour les brûlures », nec quicquam efficacius prodest
ambustis) ; pour fabriquer des collyres (PLIN. XXXIV, 133 : « on a découvert que la
cendre de colle de taureau, taurini glutinis […] cinerem, ou de linge possède la même
vertu » ; si on la grille au four dans des pots de terre crue jusqu’à complète cuisson de la
poterie, on obtient un succédané de la spode, l’antispode, antispodon, qui sert à la
fabrication de collyres).
325La meilleure provenait, semble-t-il, de Rhodes, mais il existait des contrefaçons de
bien médiocre qualité fabriquées à partir d’objets en cuir mis au rebut.
Celle de Rhodes, la meilleure, est fabriquée à partir de peaux de taureaux. Elle est
blanche et transparente alors que la colle brune est de moins bonne qualité. [...] Elle a la
vertu, quand elle est diluée dans du vinaigre, de faire disparaître les dartres et traces de
lèpre à la surface de la peau, d’empêcher que de brûlures ne se forment des pustules une
fois coupée avec de l’eau chaude et appliquée en onguent. Elle est un bon remède aussi,
délayée avec du miel et du vinaigre (trad. perso.).
καλλίστη ἐστὶν ἡ Ῥοδία ἐκ τῶν βοείων βυρσῶν κατασκευαζομένη. ἔστι δὲ λευκὴ καὶ
διαυγὴς ἡ τοιαύτη, ἡ δὲ μέλαινα ἥττων. [...] δύναμιν δὲ ἔχει λυθεῖσα ὄξει λειχῆνας καὶ
λέπρας τὰς ἐπιπολαίους ἀφιστάνειν, πυρίκαυτά τε οὐκ ἐᾷ φλυκταινοῦσθαι μεθ’ὕδατος
θερμοῦ ἀνεθεῖσα καὶ καταχριομένη. ἔστι δὲ καὶ τραυματικὴ διεθεῖσα μέλιτι καὶ ὄξει
(DIOSC. III, 87).
[…] mais rien aussi ne se falsifie autant, avec n’importe quelles peaux desséchées et
même des souliers bouillis. La colle de Rhodes est la plus pure ; aussi estce celle dont se
servent les peintres et les médecins ; plus elle est blanche, meilleure est-elle ; on rejette
celle qui est noire et ligneuse.
sed adulteratur nihil aeque, quibusuis pellibus inueteratis calciamentisque etiam
decoctis. Rhodiacum fidelissimum, eoque pictores et medici utuntur ; id quoque quo
candidius, eo probatius ; nigrum et lignosum damnatur (PLIN. XXVIII, 236, suite).
326Ilest difficile d’affirmer avec certitude, sur la base de termes donnés par Pollux,
qu’on se la procurait chez des fabricants, κολλέψης, et des vendeurs spécialisés,
κολλοπώλης (POLL. VII, 183).
327En établissant ce catalogue d’objets réalisés en peaux et fourrures diversement
traitées, nous avons à l’occasion dépassé la simple analyse technique et abordé certaines
considérations socio-économiques. Ce sont ces aspects sur lesquels il nous faut
maintenant revenir et qu’il nous faut développer.

Notes de bas de page


1Par exemple, l’auteur hippocratique des Articulations affirme que « les peaux les
mieux corroyées ont la plus grande élasticité » : τὰ δέρματα τὰ εὐδεψητότατα πλείστην
ἐπίδοσιν ἔχει (HIPPO. Art. 30 ; nous modifions ici la traduction de l’édition Littré qui
écrit « les mieux tannées », le terme étant moins précis).

2Les noms du cuir servent ainsi à désigner de nombreuses armes défensives :


voir, infra, τὸ σάκος, τὸ ῥινόν « boucliers en cuir ». Voir Sauzeau 2007, p. 19 : le
latin scutum a été « rattaché par les Anciens à σκῦτος » ; « Le carquois particulier des
peuples iraniens (où l’on place arc et flèches) a été désigné en langue scythe par le nom
« goryte » γωρυτός, « peau du bœuf » (γω- « bœuf », *ruta ou *rauta « boyau », « peau
d’animal ») ; il a été emprunté aux Scythes avec son nom par les Grecs (déjà chez
Homère), et parfois confondu avec le carquois proprement dit (φαρέτρα). »

3Lucien s’en fait l’écho, sur le mode satirique, lorsqu’il reproche aux historiens d’écrire
des prologues brillants puis une suite décevante, établissant par là-même une hiérarchie
entre les matériaux propres à la fabrication des armes ici défensives : « il faut que toutes
les parties se ressemblent, qu’elles aient la même couleur [...] de manière qu’il n’y ait
pas un casque d’or avec une cuirasse ridiculement faite de haillons ou de cuirs pourris
cousus ensemble, un bouclier d’osier et des cuissards en peau de truie », Χρὴ [...] ὅμοια
τὰ πάντα καὶ ὁμόχροα εἶναι [...] ὡς μὴ χρυσοῦν μὲν τὸ κράνος εἴη, θώραξ δὲ πάνυ
γελοῖος ἐκ ῥακῶν ποθεν ἢ ἐκ δερμάτων σαπρῶν συγκεκαττυμένος καὶ ἡ ἀσπὶς οἰσυΐνη
καὶ χοιρίνη περὶ ταῖς κνήμαις (LUC. Ecr. Hist. 23).

4Théocrite, par exemple, mentionne les chars d’Amphitryon, desquels « le temps a


détaché les courroies », δίφροι [...] χρόνῳ διέλυσαν ἱμάντας (THEOCR. XXIV, 124).
Pour les dispositifs des machines et le harnachement, voir infra p. 74 et suiv. ; 112 et
suiv.

5On trouve les mêmes recommandations pour les mêmes usages en PHIL. BYZ. Synt.
Méc. V, C5 et D34.

6Sur la dénomination des différents types de boucliers, notamment en rapport avec la


matière dont ils sont confectionnés, voir Sauzeau 2007, p. 17-18. On trouvera également
une typologie synthétique et claire des boucliers ainsi que de l’armement de l’hoplite
dans Ducrey 1999. Voir Prêtre 2011, p. 228-229, pour une brève synthèse typologique.

7Le bouclier s’utilise dans d’autres contextes : dans les archives de Zénon, on s’adresse
au même artisan pour la réparation d’un manteau en peau de mouton (arnakis) et d’un
bouclier long (thyreos) tous deux destinés vraisemblablement à la chasse (PCZ IV,
59800, l. 3-4 : [-]ποιῶι τῶι τὸν θυρεὸν ἐπισκευασάντι καὶ τὴν [ἀρ] νακίδα). Voir
Reekmans 1996, p. 65 et n. 253.

8L’expression est reprise et raillée par Aristophane : le personnage d’Eschyle prétend


que ses tragédies sont remplies d’hommes vaillants, qui ne « respiraient que piques,
lances, casques à blancs panaches, heaumes, jambières, cœurs à sept peaux de bovin »,
καὶ θυμοὺς ἑπταβοείους (AR. Gr. 1016-1017).

9Cette bosse, c’est l’omphalos, l’umbo latin. Cf. dans la Paix d’Aristophane, un enfant
entonne une chanson guerrière : « Ils entrechoquèrent leurs boucliers de cuir et leurs
écus bombés », σύν ῥ’ἔβαλον ῥινούς τε καὶ ἀσπίδας ὀμφαλοέσσας (AR. Paix 1274).

10Pour une représentation de ces boucliers en forme de 8 recouverts de peaux de vache,


voir les fresques mycéniennes du XIIIe siècle av. J.-C. (inv. 11671 et 11672) du Musée
archéologique national d’Athènes.

11Ducrey 1999, p. 20. Cf. Il. 12, 137 : les guerriers avancent vers les remparts, « levant
bien haut au-dessus de leurs têtes leurs écus en peau de bœuf séchée », βόας αὔας |
ὑψόσ’ἀνασχόμενοι.

12« Aucune arme n’est digne de lui, sauf le bouclier d’Ajax », εἰ μὴ Αἴαντός γε σάκος
(Il. 18, 193).

13Sur le terme λαισήιον, voir infra p. 65 et n. 33.

14Sur les gerrha, boucliers en osier, voir encore HDT IX, 61 : les Perses se font un
rempart de leurs boucliers (φράξαντες τὰ γέρρα). Rapprochés et plantés en terre
(συνεφόρησαν τὰ γέρρα, HDT IX, 99 et ὄρθια, IX, 102), ces grands boucliers d’osier
offraient aux Perses une barrière (ἕρκος, HDT IX, 99) capable de protéger contre des
traits lancés de loin, mais n’opposant qu’un obstacle bien fragile au choc d’assaillants
armés de lances ; HDT VII, 61 : les Perses avaient « à la place de boucliers
des gerrhes <en osier>, sous lesquels étaient pendus leurs carquois », ἀντὶ δὲ ἀσπίδων
γέρρα· ὑπὸ δὲ φαρετρεῶνες ἐκρέμαντο ; XEN. Eco. IV, 5 : il existe chez les Perses des
troupes légèrement armées : « frondeurs et voltigeurs » (σφενδονήτας καὶ
γερροφόρους), ces derniers portant des boucliers rectangulaires d’osier (τὸ γέρρον),
peutêtre recouverts de peau de bœuf. Les lexicographes signalent dans leurs définitions
du mot un élargissement de sens : pour Hésychius « les gerrha <sont> des objets de
toutes sortes qui protègent en couvrant, ou ceux réalisés en peaux », γεῤῥα· τὰ
σκεπάσματα πάντα ἢ τὰ δερμάτινα σκεπάσματα (s.v.) ; la Souda précise : « gerrhoion :
boucliers perses en osier. Et gerrha, toutes sortes de protections, en langue attique »,
γέρροιον· [...] ἀσπίδες Περσικαὶ ἐκ λύγων. καὶ γέρρα τὰ σκεπάσματα πάντα Ἀττικοί
(s.v.). Harpocrate signalait déjà, au Ier ou IIe siècle apr. J.-C., cet emploi comme abusif :
« Démosthène dit dans le Pour Ctésiphon : « Ils commencèrent à chasser leurs
occupants des étals dressés sur l’Agora et à brûler les constructions en vannerie (τὰ
γέρρα). Les gerrha sont une sorte de bouclier perse, selon Hérodote (HDT VII, 61).
Mais par un usage impropre, le mot gerrhon a été appliqué à toutes sortes de
couvertures, en peau ou dans tout autre type de matériau », Περσικὰ μέν τινα ὅπλα τὰ
γέρρα ἐστί, καθὰ (sic) καὶ Ἡρόδοτός φησιν· ἤδη δὲ καταχρηστικῶς καὶ ἅπαν σκέπασμα,
εἴτε δερμάτινον εἴη εἴτε ἄλλης τινὸς ὕλης, γέρρον ἐλέγετο. νῦν γοῦν τὰ τῶν σκηνῶν
σκεπάσματα καὶ παρακαλύμματα (cité dans Wycherley 1957, no 624). On trouve enfin
mention d’autres noms de boucliers d’osier sans qu’on puisse dire avec certitude qu’ils
étaient recouverts de cuir ; voir THEOCR. XVI, 79 : Hiéron se prépare à faire la guerre
aux Carthaginois, en 275 av. J.-C. : « Déjà les Syracusains soulèvent par le milieu leurs
lances, les bras chargés de boucliers d’osier », ἀχθόμενοι σακέεσσι βραχίονας
ἰτεΐνοισιν ; LUC. Songe 21 : le coq présente à Mycille les avantages qu’il peut y avoir à
rester pauvre : ce dernier, notamment, est moins atteint par les guerres. De fait, il n’a
rien à perdre, n’occupe pas de haute fonction périlleuse, et « toi, tu as avec ton bouclier
d’osier un équipement commode et léger pour te sauver », σὺ δὲ οἰσυΐνην ἀσπίδα ἔχων,
εὐσταλὴς καὶ κοῦφος εἰς σωτηρίαν.

15Voir Cullin-Mingaud 2010, p. 225-226, sur les boucliers d’osier revêtus de peau aux
époques grecque et romaine (avec photographie d’une reproduction), et sur cette
propriété de certaines espèces végétales.

16Il. 13, 160-161 et 163 : Mérion vise Déiphobe et atteint « son bouclier rond en cuir de
taureau », κατ’ ἀσπίδα πάντοσ’ ἐίσην | ταυρείην ; Il. 16, 360 : Hector observe le combat
« cachant ses larges épaules sous un bouclier en cuir de taureau », ἀσπίδι ταυρείῃ
κεκαλυμμένος εὐρέας ὤμους.

17Hérodote ne mentionne pas la peau d’éléphant pour un tel usage, au contraire de


Pline : « de la peau du dos des éléphants on fait aussi des boucliers
impénétrables », elephantorum quoque tergora impenetrabiles caetras habent (PLIN.
XI, 227). Le terme tergus renvoie au dos de l’animal, donc vraisemblablement à une
peau brute.

18La comparaison est explicitée immédiatement par l’auteur : ἀσπίσι γὰρ εἴκαζον τὰ
τύμπανα. Sur les tympana, voir infra p. 132. Nous retrouvons par ailleurs ici, par le
biais de cette « confusion », le thème de la musique martiale, du bruit de la guerre déjà
présent chez Homère. Voir le début de ce chapitre.

19Par ex. Il. 11, 38 ; 18, 480 ; le même terme désigne un baudrier pour suspendre
l’épée : Il. 7, 304 ; 18, 598… C’est aussi le terme choisi par Lucien lorsqu’il décrit la
fabrication d’une machine volante pour nommer les liens – qui relèvent donc du
merveilleux littéraire – avec lesquels Ménippe fixe des ailes d’aigle et de vautour « en
les ajustant aux épaules par des bretelles solides », κατὰ τοὺς ὤμους τελαμῶσι
καρτεροῖς ἁρμοσάμενος (LUC. Icar. 10). On peut sûrement identifier à ce type de
dispositif d’attaches pour bouclier, en dépit du choix du terme générique himantes, les
« courroies décousues » de l’immense sakos de Laërte dont le métal est rouillé et le cuir
craquelé (Od. 22, 186 : ῥαφαὶ δ’ ἐλέλυντο ἱμάντων).

20Par ex., Il. 11, 31 ; Od. 11, 609. Le terme désigne, en Od. 13, 438 et 17, 198, la
courroie d’une besace.

21Cette poignée dans laquelle on passe le bras est démontable, d’où l’expression (αἱ
ἀσπίδες) ἔχουσι πόρπακας, « les boucliers sont prêts » (AR. Cav. 858).

22L’anecdote suivante laisse toutefois subsister le doute sur le matériau, utilisé en


raison de sa flexibilité alliée à sa solidité : en Égypte, sous Séthos, rapporte Hérodote,
un flot de rats des champs se répand chez les adversaires Arabes et ils « rongent
les ochana des boucliers », φαγεῖν [...] τῶν ἀσπίδων τὰ ὄχανα (HDT II, 141). Il peut
tout aussi bien s’agir de cuir que d’osier, de corde, de bois... Voir Ducrey 1999, p. 24,
52.

23Rizopoulou-Egoumenidou 2009, p. 7, avec reconstitution proposée p. 6, fig. 3. Aucun


reste de cuir, lacets ou bandes, n’est attesté en revanche pour l’armure d’Idalion, mais
dans la mesure où aucun clou métallique n’a été retrouvé, il est probable que les
écailles, mises au jour en vrac dans une fosse, étaient lacées et cousues à une tunique de
lin ou de cuir.

24L’article de Jarva 1986 offre une perspective linguistique et un historique de la


représentation du type de « l’hoplite au tablier de bouclier » ; celui de Görkay 2004
enrichit le précédent par une lecture historique cherchant à rattacher les représentations
attiques d’un côté et orientales de l’autre à des événements historiques précis. Nous ne
reprenons ici qu’une partie des nombreux exemples iconographiques cités dans ces deux
articles.

25Villa Giulia 50694.

26Munich, Antikensammlungen J572 = Beazley database 300897.

27ARV2 120, 4. Cf. fig. 1.1-5, dans Görkay 2004, p. 193.

28Sur l’alabastre en argent du tumulus lydien d’Ikiztepe (fin VIe siècle) on identifie,
dans le tablier accroché à chacun des boucliers de deux hoplites, une peau de panthère si
l’on se fie aux pattes qui pendent. Une coupe attique conservée à Philadelphie
(University of Pennsylvania Museum, no 31.19.2, v. 480 av. J.-C., d’Euphronios et du
Peintre de la Fonderie) oppose un archer et deux hoplites, tenant chacun un bouclier à
rideau qui peut être de cuir : les autres ustensiles qui sont a priori faits de ce matériau
ne reçoivent non plus aucun traitement particulier ici dans l’exécution (on ne voit pas de
rehauts ni de rendu graphique particulier pour la matière des bottes de l’archer, le lacet
de cuir tenant le carquois, le bonnet scythe…).

29Voir le tondo de la coupe de Boston 10.195 (v. 490-470), de la main du Peintre de la


Fonderie, qui met en scène un guerrier en train de revêtir son armement : on reconnaît,
pendant du bouclier, un tissu à franges à motifs de créneaux, parfois ailleurs de zigzags,
aux allures de zeira, étoffe que l’on retrouve dans d’autres représentations fixée sur la
caisse d’une cithare (par ex. le vase du musée de Malibu 85. AE. 101).

30Autres exemples de rideaux accrochés au moyen de rivets circulaires au bas du


bouclier dans Jarva 1986. Pour la fin de l’époque archaïque : fig. 9 (stamnos du Peintre
de Copenhague, Oxford, Asmoleum Museum, ARV2 1640), fig. 10a (coupe du Peintre
de Triptolème, Vatican 16537 (629), ARV2 364, 49), fig. 12 (lécythe, Oxford,
Ashmoleum Museum 319, ARV2 424, 132), fig. 22 (cratère en calice du Peintre
d’Eucharides, Louvre G47, ARV2 227, 11) ; début de l’époque classique : fig. 21 (cratère
en cloche, Londres, Bristish Museum 1961.7-70.1 par le Peintre d’Altamura, ARV2 592,
33 bis).

31Sur un stamnos à figures rouges du Peintre de Brygos (v. 480), un bouclier circulaire
porte en sa partie inférieure deux éléments décoratifs en forme d’oiseau séparés par un
zigzag. Il pourrait s’agir d’un dispositif d’attache du tablier protecteur, dont on voit
encore à peine la bordure dentée et qui porte en son centre un motif d’œil apotropaïque ;
on ne peut affirmer qu’il s’agit de cuir. Cf. Tzachou-Alexandroi 2001, notamment p. 95
et fig. 9. Par ailleurs, un certain nombre d’agrafes d’or trouvées dans des tombes de
Trebeništa en Macédoine, datables de la deuxième moitié du VIe siècle, ont pu être
interprétées comme de tels ornements de tabliers de boucliers.
32Görkay 2004, p. 58-60.

33Cf. les éditions de Bowra 1961, p. 398-403, et de Page 1962, p. 478-479.

34Voir infra p. 74.

35Exemples recencés par Garlan 1974, p. 225 et 228.

36Il. 3, 17 (peau de panthère portée par Pâris sur le champ de bataille) ; 10, 29-30 (peau
de panthère portée par Ménélas) ; 10, 334 (peau de loup de Dolon, voir infra p. 71).

37Voir Jarva 1986, p. 11, pour qui il pourrait s’agir de l’origine des tabliers de bouclier.

38La face A de la coupe de Philadelphie 31.19.2 (v. 480), d’Euphronios et du Peintre de


la Fonderie, représente une scène de Centauromachie dans laquelle on voit un centaure
déployant en tendant le bras gauche une large peau de panthère, qu’il porte nouée autour
cou, en guise de protection (magique – en se dotant de la force du fauve par le port de sa
peau – et/ou réelle). Il s’agit d’ailleurs d’un des vases que nous évoquions plus haut
pour sa face B, montrant deux hoplites se protégeant de boucliers à tablier.

39Voir EN. Pol. XXXIII, 3 (infra p. 75).

40Voir Cullin-Mingaud 2010, p. 224-225, pour les véhicules d’approche et chariots


légers en osier (claies assemblées et montées sur roues) recouverts de cuir, utilisés lors
des sièges, dans le monde romain.

41Sur derreis, voir encore Robert 1969, p. 21 : dans la lettre III, 36 d’Alciphron (II, 34
dans les éditions récentes), un soldat fanfaron évoque ses exploits militaires et énumère
« décades et phalanges, sarisses, catapultes et rideaux anti-projectiles (δέρρεις) ».
Toutefois, la leçon que suit L. Robert est une conjecture : le manuscrit du XIIe siècle
donne δέρρας et a donné lieu à cette autre conjecture, γέρρας/γέρρα, si bien qu’A.-M.
Ozanam traduit par « mantelets » (Ozanam 1999, ad loc.).

42La tortue-berceau est faite de « perches verticales, reliées entre elles, qui se fichent en
terre, auxquelles on suspend des peaux sur les fronts et sur les parties extérieures, et
depuis le sommet, le long des perches droites, on dispose des peaux plissées
(« ridées »), non tendues, doublées, de manière lâche, afin d’amortir les projectiles qui
tombent », τοῦτοις δέρρεις περικρεμνῶνται κατὰ τὰ μέτωπα καὶ τὰ ἔξωθεν μέρη, ἐκ δὲ
τοῦ ἄνω παρὰ τοῖς ὀρθοῖς κάμαξιν ἐπίκεινται ῥερυσσωμέναι, μὴ προτεινόμεναι, διπλαῖ
καὶ χαλάσματα ἔχουσαι, ἵνα ἐκλύηται τὰ πεμπόμενα. Voir aussi APOL. Pol. 144, 2-3
(Thevenot II, 1), à propos de la tortue des mineurs : « Qu’on y suspende des peaux, ou
des panneaux de lin ou de poils (feutre) sur chacun de ses côtés pour les protéger des
traits jetés obliquement », ἐφ’ ἑκάτερα κρεμαμένας ἐχέτω δέρρεις ἢ λινᾶς ἢ τριχίνας διὰ
τὸ πλαγίως ἐπιφερόμενα βέλη.

43Le texte des Mécaniques ne nous est parvenu qu’en langue arabe. Nous en reprenons
ici la traduction proposée dans Garlan 1974, p. 391-392, reprise à Carra de Vaux 1893,
p. 474-475.

44C’est l’opinion de Jarva 1986, p. 2 ; Görkay 2004, p. 51.


45Görkay 2004, p. 51, n. 10.

46Pour un aperçu complet, voir Lorimer 1950, p. 211-250. Homère recourt aux termes
κόρυς, κυνέη, τρυφάλεια, πήληξ, στεφάνη et à l’hapax καταῖτυξ pour désigner les
casques dont la plupart sont en métal. Aucun de ces noms n’a d’origine bien établie et, à
part κυνέη (qu’Hérodote utilise avec les mêmes emplois que κράνος), aucun n’est
attesté dans la littérature postérieure aux épopées.

47Il. 6, 466-471 : c’est d’ailleurs le bronze du casque (χαλκόν) et le « panache en crins


de cheval (λόφον ἱππιοχαίτην) qui oscille au sommet du casque » qui effraient l’enfant.
Voir aussi 6, 494-495 : « il prend son casque à crins de cheval », κορυθ’εἵλετο [...]
ἵππουριν. L’épithète κορυθαίολος (par ex. Il. 6, 440) qui s’applique toujours à Hector,
sauf dans un cas (Arès), est interprétée diversement, « au casque étincelant » ou « qui
agite son casque » (DELG s.v. αἰόλος).

48Il. 3, 369 (« le casque à l’épaisse crinière », κόρυς... ἱπποδασείη) et 371 (« courroie


décorée de broderies sous la gorge tendre, verrou du casque tendu sous le menton »,
πολύκεστος ἱμὰς ἁπαλὴν ὑπὸ δειρήν,| ὅς οἱ ὑπ’ ἀνθερεῶνος ὀχεὺς τέτατο τρυφαλείης).

49Le substantif féminin καταῖτυξ, -υγος est un hapax d’origine inconnue, qui rappelle
formellement ἄντυξ, la « bordure circulaire » d’un bouclier (Cf. Il. 6, 117-118, voir
supra p. 60). L’explication de la scholie παρὰ τὸ κάτω τετύχθαι· λόφον γὰρ οὐκ ἔχει est
clairement construite à partir du texte et n’apporte aucune information nouvelle (ED et
DELG, s.v.).

50Cf. illustrations 12 (relief en ivoire de Délos, XIVe/XIIIe siècle, montrant un guerrier


mycénien armé d’un casque à dents de sanglier disposées en deux rangées horizontales,
du bouclier en 8 et d’une longue pique) et 14 (cuirasse de Dendra à plaques de bronze
mobiles du XVe siècle et casque à dents de sanglier reconstitué), dans Ducrey 1999. Le
Musée archélogique national d’Athènes en propose une reconstitution (fig. 12) à côté
d’appliques en ivoire représentant des têtes de guerriers portant ce même type de casque
(inv. 2468, 2469, 2470).

51Nous adoptons ici la traduction de Sauzeau 2007, p. 26-27, qui corrige celle de P.
Mazon (« crocs blancs »).

52Sauzeau 2007, p. 27, écrit « avant la in de l’Hellade (sic) récent III ».

53Schnapp-Gourbeillon 1981, p. 120 : « Le déguisement de peaux de bêtes, le masque


que portent les participants à cette épopée nocturne sont donc à mettre en relation avec
les valeurs symboliques de l’animal, telles que l’analogie les a exprimées. » L’auteur
renvoie en outre, pour le casque de Diomède, aux analyses de L. Gernet (p. 108-109), et
rappelle que celui d’Ulysse a appartenu à son grand-père maternel, Autolycos, chez
lequel Ulysse a mené sa première chasse au sanglier, empreinte d’éléments initiatiques
et donnant une « vision essentiellement idéologique des rapports sociaux » (p. 136).

54Note de l’édition CUF : « ce devait être des casques de lanières de cuir entrelacées »
(πεπλεγμένα, participe parfait passif de πλέκω, « tresser »), « peut-être revêtues de
lamelles métalliques. »
55L’hapax est explicité par Pollux : « Hérodote désigne par le terme chéleuta les
casques tressés. Et <on trouve chez> Eupolis : skutina chéleuein, “tresser des <lanières
de> cuir” », κράνη χηλευτὰ τὰ πλεκτὰ Ἡρόδοτον λέγειν· καί Εὔπολις σκύτινα χηλεύειν
(POLL. VII, 83).

56Le mot κρωβύλος renvoie, selon Thucydide (I, 6, par ex.), à la touffe de cheveux que
les vieillards de haut rang ou les enfants retenaient anciennement sur le sommet de leur
tête. C’est une espèce de toupet, d’où la traduction donnée par P. Masqueray (CUF)
« touffe de lanières », mais qu’on pourrait rendre tout aussi bien par « crinière ».

57Supra p. 18.

58Nous empruntons ces éléments de description à Desbals 1997, I, p. 169. Pour des
représentations, voir vol. III, pl. 2. Lissarrague 1990, p. 153, précise qu’on rencontre
rarement des représentations de peltastes vêtus de la zeira (manteau bariolé), de
l’alopekis (coiffe en peau) et d’embades (bottes à rabats) (fig. 13), alors que les porteurs
de peltè – une arme pourtant donnée comme d’origine thrace – sont plus souvent coiffés
d’un bonnet scythe ou d’un casque. Mais l’auteur dénomme souvent alopekis ce que la
précédente identifie avec le bonnet scythe, muni d’une pointe au sommet. Enfin,
Fougerat 1914, p. 272-273, en donne des reconstitutions et une description toutes
personnelles : « Étant donné une peau de renard, on en enlevait un lambeau partant des
pattes de derrière et s’étendant en formant un angle aigu jusqu’à la nuque, on recousait
les deux bords de l’incision et l’on obtenait ainsi une coiffure pointue dans laquelle les
deux pattes arrière de la peau, lorsqu’elles sont attachées ensemble, formaient une sorte
de jugulaire et la queue une sorte de crinière de panache s’étendant dans le dos. »

59C’est ainsi qu’il est représenté sur trois vases, qui s’échelonnent entre 500 et 460
(donc antérieurs à la tragédie qui est attribuée à Euripide mais qui a été certainement
composée au IVe siècle), en train de marcher à quatre pattes, ce qui démontre que le
dramaturge s’est inspiré d’une version s’écartant du récit homérique et n’est pas
l’inventeur du thème du « travestissement de Dolon ». La Dolonie a peut-être été
développée dans un autre cycle épique. Voir la notice du tome VII. 2 de la CUF par
Jouan 2004, p. XIII-XV (pour la datation), XXX, LX et LXI.

60Sur ce thème du casque-masque, rattaché au thème folklorique du casque


d’invisibilité, voir Sauzeau 2007, p. 28-29. Il est intéressant de constater avec l’auteur
(et déjà dans Schnapp-Gourbeillon 1981, p. 109) que le casque d’invisibilité d’Hadès
est désigné par le terme κυνέη chez Homère (Il. 5, 845, porté par Athéna) et Hésiode
(HES. Boucl. 226-227, porté par Persée).

61Sauzeau 2007, p. 25 : le modèle mythique d’une telle peaucuirasse et d’une tête


d’animal-casque est la léontê d’Héraklès. On peut peut-être rattacher aux coiffes à vertu
magique comme « valeur ajoutée » l’alopekis (ci-dessus), le renard étant un petit
carnassier au même titre que la martre ; en revanche, bien que le terme
latin galea, désignant un « casque en cuir », vienne de γαλέη, la « belette », ce mot ne
renvoie jamais à un « casque » en grec.

62Au contraire, selon Polybe, les vélites romains recouvrent parfois leur casque sans
aigrette « d’une peau de loup ou de quelque chose d’analogue (λυκείαν ἢ τῶν
τοιούτων), à la fois pour se protéger et comme signe distinctif (σκέπης ἅμα καὶ σημείου
χάριν) qui permet aux officiers subalternes de bien voir si leurs hommes se battent
vaillamment ou non aux premiers rangs » (POL. VI, 22, 3). Sur les fourrures des vélites,
des trompettes (cornicines) et porte-enseignes (signiferi), voir Leguilloux 2004a, p. 85.
Sur la valeur symbolique de leur peau de loup, en lien peut-être avec des rites de
probation guerrière, voir Lavergne 2002, p. 224-225.

63Sur cette question, voir le développement infra p. 76-77, sur la valeur symbolique du
revêtement héroïque ou guerrier au moyen d’une peau de bête. Sur les différentes
interprétations à donner à la Dolonie, qui « n’est pas un texte susceptible d’un
décryptage intégral » (p. 122), voir Schnapp-Gourbeillon 1981, p. 118-131.

64HDT VII, 158 (contingents fournis aux Grecs par Géron de Syracuse) ; THUC. VI,
22 ; XEN. Eco. IV, 5 (frondeurs Perses) ; PLAT. Crit. 119b. La fronde elle-même
apparaît dans Il. 13, 600, mais utilisée comme bandage ; THUC. IV, 32 ; EUR. Ph.
1142 ; AR. Nu. 1125 et Ois. 1185-1187. Le mot en est venu à désigner le projectile lui-
même (XEN. An. III, 4, 4), ce qui est sûrement à l’origine du sens métaphorique de
« chaton » d’une bague (Prêtre 2012, p. 92).

65Sur le rôle de la fronde dans la conduite de la guerre grecque à travers trois cas
particuliers (l’usage de la fronde à l’époque géométrique d’après une amphore de Paros,
l’interdiction des armes de jet, dont la fronde, durant la Guerre lélantine, et la place de
la fronde dans l’organisation militaire athénienne), ainsi que sur la symbolique négative
de cette arme, on consultera Brelaz-Ducrey 2007. Pour les références sur la chasse aux
oiseaux à la fronde, voir notamment p. 347.

66Brelaz-Ducrey 2007, p. 336, fig. 4 (frondeur en position de tir, sur le tondo d’une
coupe attique à figures rouges conservée à Kyoto – Greek and Roman Museum no 34,
v. 490) ; p. 348, fig. 5 (Amazone, sur un lécythe à fond blanc, New York, Metropolitan
Museum of Art, 10.210.11, v. 440).

67L’article dans Daremberg, Saglio, Pottier 1877 donne pour équivalent de κῶλα le
latin habena, « lanière » (s.v. scutale, terme latin désignant la « poche de la fronde »,
l’« endroit de la courroie de fronde où elle s’élargit pour former la poche où est déposé
le projectile » chez Tite-Live (38, 29, 6 et 42, 65, 10), venant peutêtre de σκῦτος).

68On rencontre chez Homère un exemple de fronde, arme des Locriens, fabriquée à
partir de laine tressée, ce qui devait lui procurer une certaine détente au moment du
lancer du projectile : Il. 13, 599-600 : Agénor retire de la main d’Hélénos, blessé, sa
lance, puis « lui entoure celle-ci d’une tresse en bonne laine de brebis, enlevée à la
(αὐτὴν δὲ ξυνέδησεν ἐυστρόφῳ οἰὸς ἀώτῳ, σφενδόνῃ) ; Il. 13, 714-717 : « [Les
Locriens] n’ont, eux, ni casques de bronze à crins de cheval, ni boucliers ronds, ni
lances de frêne. Ils ont suivi Ajax à Ilion confiants dans leurs arcs et dans les tresses en
laine de brebis (ἐυστρόφῳ οἰὸς ἀώτῳ). »

69Voir les vases sus-cités, n. 66.

70Sarpédon « atteint et pique de sa lance » Alcmaon, « puis il ramène l’arme », δουρὶ


τυχήσας | νύξ’, ἐκ δ’ἔσπασεν ἔγχος (Il. 12, 394-395) ; « De sa longue lance, le fils de
Télamon pique [Imbrios] sous l’oreille, puis ramène l’arme », ἔγχεϊ μακρῷ | νύξ’, ἐκ
δ’ἔσπασεν ἔγχος (Il. 13, 178).
71Le latin connaît le terme amentum « lanière adaptée aux javelots » (CES. G.G. V, 48,
5 ; LIV. 37, 41, 4) et le verbe amento, -are : « garnir d’une courroie » (CIC. Brut. 271),
d’où « lancer un javelot à l’aide d’une courroie » (LUCA. Phars. VI, 221). Les deux
termes ἀγκύλη et amentum peuvent désigner une courroie de chaussure (ALEX. RH.
31 : ἀγκύλη τῆς ἐμβάδος ; PLIN. XXXIV, 31) ; ἀγκύλη correspond à une « courroie »
de machine dans HERO. Bel. 8, 3, 1, voir infra p. 75. Étymologiquement, le mot
renvoie à l’idée de « courbure » et peut donc désigner tout objet courbé. Aussi se
gardera-t-on de voir automatiquement dans les lacets avec lesquels les hommes de
Thoas essaient de retenir le navire dans lequel Oreste emporte sa sœur et le Palladion,
des amarres de cuir ; ces « nœuds coulants » (πλεκτὰς… ἀγκύλας) sont bien plus
vraisemblablement des cordages (EUR. Iph. T. 1408).

72Le scholiaste, ainsi que le rappellent les éditeurs du texte dans la CUF, a tort de voir
en Phén. 1141 un type de javelot portant au milieu de la hampe une encoche sur
laquelle on appuyait l’index, le pouce et le majeur étant appliqués de chaque côté sur le
bois de l’arme pour pouvoir le lancer avec plus de force (Schwartz 1887, I, ad loc. :
μεσαγκύλοις· ἀκοντίοις, διὰ τὸ κατὰ μέσον τοῦ ξύλου τὰ ἀκόντια ἀγκύλον τι καὶ κοῖλον
ἔχειν ἐγγλυφὲν, εἰς ὃ ἐμβαλόντες τὸν δάκτυλον τὸν δεύτερον καὶ τοῖν δυοῖν ἑκατέρωθεν
κατέχοντες τατικώτερον ῥίπτουσιν οἱ πολέμιοι). Il s’agit bien, conformément au sens
étymologique, d’un javelot lancé au moyen de la « courroie enroulée au milieu »
(note ad loc. de H. Grégoire et L. Méridier). La scholie à Andr. 1133 y voit plutôt une
corde : μεσάγκυλα· εἴδη ἀκοντίων ἐν μέσῳ σπάρτῳ δεδεμένων ἣν κατέχοντες ἠφίεσαν,
« sortes de javelots munis d’une corde en sparte attachée en leur milieu qu’on tenait au
moment du jet » (Schwartz 1887, II, ad loc.).

73Goyon 2000, p. 147 : « Animal maudit dans l’Égypte des Pharaons, incarnation de
Seth le « Rouge », l’hippopotame et son apport économique indéniable en cuir, os,
tendons, ivoire font figure d’oubliés ou presque dans les ouvrages d’égyptologie. » Plus
loin, l’auteur précise que la raréfaction ou la disparition de l’hippopotame doit avoir lieu
sur le cours du haut ou moyen Nil dès le VIIe siècle av. J.-C., mais pas dans les zones
deltaïques très marécageuses du nord. On peut donc croire Hérodote lorsqu’il en
mentionne à l’est ou au sud-est du Delta.

74Cf. Garlan 1974, p. 401, n. D73a : « Texte analogue dans l’Anon. Byz., Paragg. 213,
2-214, 4, avec une illustration (fig. 71) » portant la légende κλϊμαξ σκϋτινη. Énée le
Tacticien mentionne également des échelles de corde : « les hommes remonteront sur le
rempart au moyen de filets à sangliers ou à cerfs qu’on y aura suspendus ou par des
échelles faites avec des cordes », ταῖς ἐκ τῶν σχοινίων κλίμαξι πεποιημέναις
(EN. Pol. XXXVIII, 7).

75La description s’inscrit en effet dans un paragraphe où l’idée de prendre l’ennemi par
surprise, en pleine nuit, prévaut.

76Voir Garlan 1974, p. 177 : « le feu reste [...] l’arme maîtresse des deux parties » pour
l’époque d’Énée le Tacticien.

77PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, D34 (= 99, 21-28, dont 26) : χρηστέον ἐστὶ... τοῖς κωδίοις
ὄξει βρέξαντα ἢ ὕδατι. Énée préconise déjà l’emploi du vinaigre dont il faut
badigeonner au préalable le rempart, ou qui peut servir de produit extincteur
(EN. Pol. XXXIV, 1). Les qualités extinctrices du vinaigre sont plusieurs fois
mentionnées dans l’Antiquité : Cf. PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, D34 ; THEOPH. De
igne 25, 59-61 ; POLY. Strat. VI, 3 : PLIN. XXXIII, 94). D’autres mélanges sont
connus : couche de cendres délayée avec du sang en badigeon préventif ; sable mouillé
d’urine ou, encore, de vinaigre. Cf. Dain 1939, p. 35, 39.

78Par exemple, ἀγκύλη en HERO. Bel. 8, 3, 1.

79Garlan 1974, p. 171.

80Garlan 1974, p. 167. L’exemple est donné, p. 218, d’une inscription précisant que le
métèque Euxénidès de Phasélis est honoré par la cité d’Athènes, vers 306 av. J.-C., pour
avoir donné des tendons (ν [ευ] ράς) pour équiper les catapultes (IG II2 554, l. 15-17).
Y. Garlan cite enfin HERO. Bel. 29, qui insiste sur la nécessité de bien choisir les
tendons pour en garantir la résistance et l’élasticité : ceux de porc sont inutilisables ; on
prélèvera de préférence ceux des pattes pour le cerf, du cou pour le taureau, de l’épaule
et du dos pour les autres espèces (p. 220, n. 2).

81HERO. Bel. 30 dans Garlan 1974, ibid.

82Rappelons que νάκος/νάκη désigne la toison du mouton, la peau pourvue de son


lainage. Cf. p. 19, n. 14, et infra p. suiv., la κατωνάκη.

83On en trouve une autre mention chez Pollux : « ce n’est pas seulement ce qui se porte
sur la tête qu’on appelle feutre, mais aussi ce dont on entoure les pieds, comme le
montre Cratinos dans Les efféminés lorsqu’il écrit : “portant aux pieds des feutres” », οὐ
μόνον δὲ ὁ ἐπὶ τῆς κεφαλῆς ἐπιτιθέμενος πῖλος ἐκαλεῖτο, ἀλλὰ καὶ ὁ περὶ τοῖς ποσίν, ὡς
δηλοῖ Κρατῖνος ἐν Μαλθακοῖς λέγων λευκοὺς ὑπὸ ποσὶν ἔχων πίλους (POLL. VII, 171).
Voir CRAT. 107 K.-A., vol. IV, p. 176 = 100 K., vol. I p. 45. Sur les personnages
stéréotypés d’efféminés (μαλακοί) de la littérature grecque et latine, au moins depuis
Aristophane, portant dans les comédies et les mimes un costume et/ou des accessoires
féminins, voir Perrone 2013, p. 146-147.

84Lavergne 2002, p. 217-229. Déjà, Ducat 1990, p. 111-113, développe le thème du


vêtement servile en peau et fourrure et examine les occurrences de διφθέρα et de
κατωνάκη.

85Schnapp-Gourbeillon 1981, p. 119-120, parle d’un « accoutrement réservé à un type


particulier d’action nocturne ou à une catégorie spécifique de personnages [...] ou aux
deux en même temps. »

86Diomède est en cela traité à égalité avec Agamemnon par la répétition du vers
formulaire : « Diomède, sur ses épaules, met la peau d’un grand lion roux, qui lui tombe
aux pieds », ἀμφ’ ὤμοισιν ἑέσατο δέρμα λέοντος | αἴθωνος μεγάλοιο ποδηνεκές (Il. 10,
177-178).

87La léontê connaît en cela des avatars, comme en THEOCR. XXII, 52, où est décrit
Pollux au moment où il s’apprête à combattre Amycos : « Sur son dos, sur sa nuque
flottait une peau de lion, attachée par l’extrémité des pattes », ὑπὲρ νώτοιο καὶ αὐχένος
ᾐωρεῖτο | ἄκρων δέρμα λέοντος ἀφημμένον ἐκ ποδεώνων.
88Lavergne 2002, p. 225 : en vertu d’une « conception socioreligieuse de la guerre,
lions, loups et ours ont une réputation de féroces carnassiers, aptes à symboliser la
fonction guerrière sous ses aspects les plus violents ». Le paradigme fantastique des
« armes défensives symboliquement offensives » est l’égide d’Athéna. Voir Sauzeau
2007, p. 24-25, cité supra n. 61.

89Lavergne 2002, p. 218.

90Voir le chapitre 1.

91Ducat 1990, p. 112 ; Lavergne 2002, p. 218.

92Sur cette besace et son attache, voir infra p. 106-107.

93Pourtant, Ulysse vêtu en mendiant ne porte généralement pas de peau de bête mais
des haillons. Ainsi, dans son récit mensonger à Eumée, en Od. 14, 342-343, il prétend
avoir été volé par des marins lors d’une traversée : « ils mirent sur mon dos cette
tunique loqueteuse, ce sordide et vilain haillon que tu as sous les yeux », ἀμφὶ δέ με
ῥάκος ἄλλο κακὸν βάλον ἠδὲ χιτῶνα, | ῥωγαλέα, τὰ καὶ αὐτὸς ἐν ὀφθαλμοῖσιν
ὅρηαι ; Od. 14, 512 : Eumée lui conseille d’aller dès l’aube nettoyer ses « frusques » (τὰ
σὰ ῥάκεα).

94Voir infra p. 106-107. Démonax, dans l’opuscule du même nom de Lucien, rencontre
ainsi l’un d’entre eux, « <revêtu> d’une peau d’ours », ἐν ἄρκτου δέρματι
(LUC. Dém. 19). La sauvagerie d’un tel animal renforce bien sûr la grossièreté de
l’individu. Chez Alciphron, une hétaïre se plaint de son vieil amant épicurien, « tout
enveloppé de toisons brutes en guise de lainages », καταπεπιλημένου εὖ μάλα πόκοις
ἀντὶ πίλων (ALCIPH. IV, 17). Lavergne 2002, p. 220, rappelle que la marginalité que
connote la fourrure « peut être tout à fait consciente et revendiquée par certains
philosophes, tel Cratès (D.L. VI, 91), qui affichent en se couvrant de peaux leur rejet
des valeurs de la cité ».

95La mère, nièce de Mégaclès, est en effet « une citadine, une demoiselle, une mijaurée,
toute en-Césyrée [De Césyra, type de la grande dame, hautaine, élégante et maniérée
(note de l’édition CUF)] », ἐξ ἄστεως, | σεμνήν, τρυφῶσαν, ἐγκεκοισυρωμένην
(AR. Nu. 47-48).

96Voir encore LUC. Tim. 38, dans la note suivante, où le « manteau de laine
moelleux » s’oppose à la diphtera.

97Les références sont trop nombreuses pour être toutes exploitées ici. Voir encore :
THEOCR. VII, 15-16 : Théocrite et deux amis se rendent à la campagne et rencontrent
un « original » dépeint comme un chevrier, nommé Lykidas : « il avait tout à fait
l’apparence d’un chevrier : aux épaules, la peau fauve d’un bouc velu aux poils épais et
sentant la présure fraîche », ἐκ μέν γὰρ λασίοιο εἶχε τράγοιο | κνακὸν δέρμ’ὤμοισι νέας
ταμίσοιο ποτόσδον. Pour les fourrures, voir LONG. II, 3, 1 : Daphnis et Chloé sont aux
vendanges et s’amusent quand arrive Philétas, « un vieil homme vêtu de fourrures,
chaussé de sandales rudimentaires, portant à l’épaule une besace, une vieille besace »,
πρεσβύτης σισύρας ἐνδεδυμένος, καρβατίνας ὑποδεδεμένος, πήραν ἐξηρτημένος, καί
τὴν πήραν παλαιάν ; ALCIPH. II, 23 : Lenaois, un paysan, se fait voler la pelisse
(σισύρα) qu’il a retirée pour travailler.

98Rosivach 1994, p. 62.

99À titre de comparaison, le misthos, indemnité journalière versée dès le milieu


du Ve siècle au citoyen athénien pour sa participation aux magistratures ou au tribunal,
s’élève à trois oboles, soit une demi-drachme (par exemple, Brunet, Collin Bouffier
2007, p. 140).

100Voir Ducat 1990, p. 111. Sur la κυνέη/ κυνῆ, voir infra p. 82-83.

101Sur POLL. VII, 68, qui prend l’expression d’Aristophane au premier degré et
considère que les Pisistratides ont contraint une partie des citoyens Athéniens à porter
la katônakê (ἔν τε Σικυῶνι ἐπὶ τῶν τυράννων καὶ Ἀθήνησιν ἐπὶ τῶν Πεισιστρατιδῶν,
ὅπως αἰσχύνοιντο εἰς ἄστυ κατιέναι), voir Ducat 1990, p. 112 et n. 10.

102L’éditeur de la CUF traduit ainsi, en précisant en note que l’expression équivaudrait


à « se ruiner pour un cotillon » (?). V. H. Debibour propose plus simplement d’y voir
une métonymie : « si elles s’épilent le cochonnet, que ce soit pour les peaux de bique »,
c’est-à-dire pour les esclaves eux-mêmes (Debibour 1965, ad loc.). Enfin, R. G. Ussher
comprend que ces femmes « se rasent le sexe comme un manteau de peau de chèvre de
piètre qualité », donc pas complètement (Ussher 1973, ad loc.).

103Voir Ducat 1990, p. 112.

104Le dieu Pan a « le dos couvert de la peau fauve d’un lynx », λαῖφος δ’ ἐπὶ νῶτα
δαφοινὸν | λυγκὸς ἔχει (Hymn. Pan 23-24). Les exemples iconographiques abondent.

105Voir les remarques sur le « pileux » et le « multicolore » des tenues des adeptes de
Dionysos dans Détienne 1998, p. 94 ; Ducat 1990, p. 112.

106Lavergne 2002, p. 228 : « À l’intérieur du système vestimentaire antique, les


fourrures se situent au bas de l’échelle par rapport à des catégories jugées plus élaborées
(habits tissés ou réalisés en cuir) ; elles sont “crues” sur le plan technique comme sur le
plan symbolique. Les endosser revient pour l’homme à se doter d’un second système
pileux par définition inculte alors que tout excès de pilosité est regardé avec méfiance
par les Anciens. »

107Ce passage est étudié précisément par A. Grand Clément qui analyse d’abord, de
manière générale, le port des anaxyrides (qu’elle traduit par « pantalon » et déinit
comme « vêtement bifide fermé ») comme une « marque d’altérité ethnique claire »,
spécifique de deux peuples chez Hérodote, les Perses et les Scythes (HDT I, 71 ; HDT
III, 87 : ordalie pour désigner le roi perse, en 522 av. J.-C. ; HDT V, 49 : Aristagoras,
tyran de Milet, cherche à convaincre Cléomène, roi de Sparte, de se battre à ses côtés
contre les Perses, en 490 ; HDT VII, 61,1 : troupes de Xerxès lors de la seconde guerre
médique), des Perses seuls chez Xénophon, mais par emprunt aux Mèdes (XEN. An. I,
5, 8 : costume des nobles perses ; XEN. Cyr. VIII, 1, 40-41 : adoption par Cyrus
l’ancien, par stratégie politique, des pratiques cosmétiques et vestimentaires des
Mèdes), ce que conirme Strabon (STR. XI, 13, 9 : protection contre le froid). Seul le
passage d’Hérodote précise le matériau dans lequel sont réalisées les anaxyrides, à
savoir le cuir, ce qui n’est visiblement pas toujours le cas. Cela rajoute à l’étrangeté –
due à la forme du vêtement – l’image d’un « dénuement et [d’un] retard culturel » des
Perses, que cherche à démontrer Sandanis à Crésus. Cf. Grand Clément 2013, p. 204
notamment, et p. 209 pour une analyse d’une représentation sur vase où un Perse ou un
Scythe, en position de soumission face à un jeune éphèbe, porte un pantalon parsemé de
« taches rondes » évocant « du cuir, de la fourrure ou une toison laineuse ».

108Voir supra p. 33 pour le texte. Voir aussi Ducat 1990, p. 112 : Pausanias (III, 2, 1)
situe l’invention de l’habillement de peaux par les Pélasges en même temps que la
construction de huttes et qu’une nourriture faite de glands, « à cette époque
préhistorique où l’humanité commençait tout juste à émerger de l’animalité ».

109Lavergne 2002, p. 219 : « Jusqu’au ve siècle de notre ère, en Occident, les vêtements
de fourrure sont donc pour l’essentiel des vêtements de travail, voire de voyage ou de
chasse (les pelisses apparaissent assez souvent sur les sarcophages sculptés gaulois du
Bas-Empire) mais nullement d’apparat. Aucun personnage de haut rang ne se montre en
temps normal en public habillé de fourrures et surtout pas lors des cérémonies
officielles ».

110La suite du texte semble montrer qu’il s’agit en fait d’une peau de mouton ou de
chèvre ayant gardé sa laine ou ses poils : Bdélycléon force son père à endosser à la
place de son manteau (AR. Gu. 1131 : τρίβωνα) un « kaunakès » ou « perside »
(AR. Gu. 1137 : Οἱ μὲν καλοῦσι Περσίδ’, οἱ δὲ καυνάκην). Au v. 1138, Philocléon
rétorque : « Moi je la croyais une pelisse de Thymétides », Ἐγὼ δὲ σισύραν ᾠόμεν
Θυμαιτίδα. Il parle ensuite de boyaux de laine (κρόκης χόλιξ) d’Ectabane. La nature
exacte du vêtement est ici très approximative : véritable peau ayant conservé ses poils
ou tissu de laine à longues franges, que l’on pouvait à distance prendre pour un manteau
en peau lainé.

111Voir infra p. 139-141 pour les couvertures en peau.

112Pour le monde romain, voir Lavergne 2002, p. 220, n. 14 : Caton, dans


les Origines, atteste qu’« au début du IIe siècle av. J.-C., les pelles, fourrures, faisaient
partie des ornements de luxe prisés par les matrones romaines », mais l’exemple
apparaît « dans le contexte d’une polémique à propos du maintien d’une loi
somptuaire ». Par ailleurs, « Pline signale comme une curiosité le cas d’un chevalier
romain de la cité d’Arles issu d’une famille de porteurs de pelisses », pellitu[s] (PLIN.
XXXIII, 143).

113Cf. Leguilloux 2004a, p. 87, qui poursuit, au sujet du document extrait des archives
de Zénon : il « ne fournit [...] aucune indication sur l’utilisation qu’on pouvait faire d’un
tel couvre-chef ».

114Le qualificatif βέλτιστος renvoie vraisemblablement à la qualité du traitement de ces


peaux (Cf. Reekmans 1996, p. 33).

115PLUT. Ant. 54, 8 : cette kausia royale, en feutre teint en pourpre, est nommée
καυσία ἁλουργῆς par ATH. XII, 50.
116Traduction CUF de P. Waltz (1931) modifiée. Voir, p. 162, la n. 2 pour la datation
et la définition de la kausia, ce « grand chapeau de feutre à larges bords était la coiffure
nationale des Macédoniens ; le roi de Macédoine lui-même en portait une rouge, ornée
en guise de diadème d’une écharpe blanche ».

117MEN. fr. 242 K.-A., vol. VI. 2, p. 168 = fr. 282 Koerte = fr. 331 K.

118PLAUT. Mil. Glor. 1178 : Palestrion demande à Pleusiclès de se déguiser en patron


de vaisseau (1177 : ornatu… nauclerico) : « affuble-toi d’un large chapeau noir
(causeam habeas ferrugineam), d’un cache-nez de laine […] porte un petit manteau,
noir aussi, car c’est la couleur des gens de mer […] tu feras semblant d’être le pilote
(gubernator) ». Cf. aussi édition CUF p. 66, n. 1 (note à PLAUT. Trinum. 851,
voir infra n. 121).

119PLAUT. Persa 155 : Toxile enjoint à Saturion de rassembler des accessoires qui
serviront à donner une allure d’étranger (136 et 157 : peregrinus) à l’homme qui
viendra chercher sa fille pour la vendre au leno : « prends une tunique avec une
ceinture, apporte une chlamyde et un chapeau à larges bords (causiam) » (édition CUF
p. 110, n. 1).

120Voir supra p. 75-76.

121La traduction par « bonnet » convient peut-être mieux, si l’on en croit la forme de
la kausia d’usage courant dont Plaute nous dit qu’elle ressemble à un champignon.
Sycophante, qui a « la mise d’un Illyrien » (Hilurica facies videtur hominis), « est de
l’espèce des champignons : sa tête le couvre tout entier » fungino generest ; capite se
totum tegit (PLAUT. Trinum. 851). Voir aussi l’illustration et le commentaire dans
Daremberg, Saglio, Pottier 1877, s.v. causia.

122Sur l’arnakis, peau d’agneau non dépilée, voir AR. Nu. 730 (ἐξ ἀρνακίδων, « de
peaux d’agneaux », rendu par « peaux d’ânons (« ah non ! ») dans la CUF, en raison
d’un calembour avec ἐξαρνεῖσθαι « nier (mes dettes) »), et THEOCR. V, 50-52 : Lacon
(le berger) à Comatas (le chevrier) : « Si tu viens, tu fouleras ici des peaux d’agneau et
des toisons de laine, plus moelleuses que le sommeil ; tandis que tes peaux de bouc
sentent plus mauvais que tu ne sens toi-même », Ἦ μὰν ἀρνακίδας τε καὶ εἴρια τῆδε
πατησεῖς,| αἴ κ’ἔνθῃς, ὕπνω μαλακώτερα· ταὶ δὲ τραγεῖαι | ταὶ παρὰ τὶν ὄσδοντι
κακώτερον ἢ τύ περ ὄσδεις. Réponse de Comatas : « [Si c’est toi qui viens,] tu auras
sous toi des peaux de chèvre, plus moelleuses cent fois que tes peaux d’agneau »,
ὑπεσσεῖται δὲ χιμαιρᾶν | δέρματα τᾶν παρὰ τὶν μαλακώτερα πολλάκις ἀρνῶν
(THEOCR. V, 56-57).

123Ducat 1990, p. 113, en fait déjà la remarque et développe les occurrences


homériques. Le seul rapport indirect au chien est la représentation iconographique
attestée en statuaire du casque d’Hadès (qu’Athéna porte en Il. 5, 844-845) : dans
certains cas seulement, ce couvre-chef prend la forme d’une tête de chien (Athéna
Albani, copie romaine d’un original en bronze de l’époque de Phidias ; statuettes
étrusques ; cf. Ducat 1990, p. 115).
124Le problème de l’utilisation du chien comme animal de boucherie est notamment
évoqué par Leguilloux 2000, p. 76-77. Hippocrate le cite dans une liste de viandes
classées par qualité, dans les dernières positions (HIPPO. Rég. II, 46).

125Voir supra p. 78 pour le détail des vêtements.

126Donné par Ducat 1990, p. 113.

127Souda s.v. κυνέας « kuneas : chapeaux. <Le terme vient> soit de ce qu’ils sont
élaborés à partir de peaux de chiens, soit <du nom> d’un certain Kunos, le premier à les
avoir préparés », τὰς περικαφαλαίας. ἤτοι τὰς ἀπὸ κυνείων δερμάτων γιγνομένας, ἢ ἀπὸ
Κυνός τινος, κατασκευάσαντος πρῶτον ; s.v. κυνέη : « kunéê : chapeaux. Ce que
portent les paysans. On dit qu’ils étaient élaborés dans les premiers temps à partir de
peaux de chiens », περικαφαλαία· τῶν ἀγροίκων φόρημα· φασὶ δὲ ὅτι τὸ πρότερον ἀπὸ
κυνείων δερμάτων ἐγίνοντο ; s.v. κυνῆ : « kunê : [...] parce qu’il porte comme chapeau
un pétase, comme Hermès, en tant que messager. Les Péloponnésiens appellent
aussi kunê le pétase », κυνῆ· [...] ὅτι ἔχει περικεφαλαίαν τὸν πέτασον, ὡς ὁ Ἑρμῆς,
ἄγγελος ὤν. καὶ οἱ Πελοποννήσιοι δὲ κυνῆν τὸν πέτασόν φασι. Sur le sens ancien,
encore débattu, et le symbolisme de la kunê, voir encore Sauzeau 2007, p. 26-28.

128Leguilloux 2004a, p. 93, traduit ainsi λεπτός, attesté chez Homère, pour un objet en
cuir au sens d’« aminci » : Achille atteint Énée à l’endroit du bouclier « où court le
bronze le plus mince, où le cuir de bœuf est le plus mince aussi », ᾗ λεπτότατος θέε
χαλκός, | λεπτοπτάτη δ’ἐπέην ῥινὸς βοός (Il. 20, 275-276). Voir aussi Reekmans 1993,
p. 32 : l’adjectif signifie « lisse, fin » (plus de précisions infra n. 141).

129La restitution de μόσχειον est assurée par PCZ I, 59061, l. 3-4, le papyrus étant un
duplicata de la seconde partie de PCZ I, 59060 : (σπούδασον ἀποστεῖλαι) [ἐγλου]- |
στρίδα, καὶ μάλιστα μὲν ἔστω τὸ δέρμα αἴγειον, εἰ δὲ μή, μόσχειονλεπτόν. Par ailleurs, le
veau est bien attesté parmi les espèces préférées de boucherie dans les archives de
Zénon, avec l’agneau, le chevreau et le porcelet : voir Reekmans 1996, p. 23.

130Le mot désigne aussi vraisemblablement une couverture de soldat en « peau de


brebis avec sa toison » : POLL. VII, 62 : (ᾤα/) ὄα δὲ καλεῖται καί ἡ τοῦ προβάτου δορὰ
ἡ σὺν τῷ ἐρίῳ ; POLL. VII, 181 : elle est secourable à des soldats même contre un
mortier, si l’on s’en réfère aux Soldats d’Hermippos : « l’ôa vainc un mortier de
pierre », τοῖς δὲ στρατιώταις καὶ ἀντὶ μάκτρας ὑπουργεῖ· ὄπερ ἐν Στατιώταις Ἕρμιππος
ὑποδηλοῖ, λέγων “νικᾷ δ’ ᾦα λιθίνην μάκτραν” (HERMIPP. fr. 56 K.-A., vol. V, p. 587
= fr. 57 K.).

131THEOP. Paides (fr. 38 K.-A., vol. VII, p. 727 = fr. 743.37 K.) : « enfilant une peau
de brebis comme caleçon de bain… », τὴν δὲ περιζωσάμενος ᾤαν λουτρίδα… POLL.
X, 181, cite aussi Phérécrate, Le sommeil (fr. 68 K.-A., vol. VII, p. 134 = fr. 169/62 K.)
qui énumère les instruments du pédotribe : ἤδη μὲν ᾤαν λουμένωι προζώννυτε. Pollux
empruntant l’expression à Théopompe, il est difficile de déterminer s’il définit ici deux
noms distincts (auquel cas il nous conduit à traduire « il est permis de le nommer ôa,
loutris », ou si les deux mots sont compris comme une seule expression (« il nous est
permis de le nommer une ôaloutris », un « maillot <en> peau de brebis »), mais le
renvoi à Phérécrate, isolant ôa, nous fait choisir ici la première solution.
132Le bain commun et mixte peut s’expliquer du fait que le chauffage de l’eau était
coûteux. Cf. Reekmans 1992, p. 67, pour une telle pratique du temps de Zénon.

133Voir le type statuaire d’Aphrodite nue, vêtue du seul ceste. Nous donnons dans les
notes suivantes les occurrences de soutien-gorges de l’Anthologie Palatine. Signalons
ici, pour le commentaire de certains passages comiques et représentations sur vases,
Stafford 2005, où l’auteur examine l’usage, les représentations (quatre images de vases
exécutés entre 470 et 420 av. J.-C.) et les connotations érotiques du soutien-gorge dans
l’Antiquité grecque et latine.

134Les passages suivants donnés en notes attestent ce type de consécration et sont


considérés comme la preuve de pratiques effectives. Elles rappellent les consécrations
de vêtements des jeunes filles à Artémis Brauronia. Cf. Pirenne-Delforge 1994, p. 378-
380.

135A.P. VI, 201, 4 (de Marcus Argentarius, début du Ier siècle) : offrande d’Euphrantè à
Artémis de sandales, d’un bandeau, d’une boucle de cheveux, d’une ceinture portée
sous la tunique, et de « l’élégant soutien-gorge qui enveloppait sa poitrine », τὰ περὶ
στέρνοις ἀγλαὰ μαστόδετα.

136A.P. V, 199, 5 (d’Hédylos, vivant à Alexandrie sous Ptolémée Philadelphe, entre


285 et 247) : dépouilles d’Aglaonikê consacrées à Cypris : ses sandales et « la souple
ceinture dont ses seins ont été dévêtus », μαλακαὶ, μαστῶν ἐκδύματα, μίτραι ; A.P. VI,
272, 2 (de Persès, fin IVe-début IIIe siècle) : Timaessa consacre à Artémis une ceinture,
un vêtement brodé de fleurs, un « soutien-gorge qui enveloppait étroitement ses seins »,
μίτραν μαστοῖς σφιγκτὰ περιπλομέναν ; A.P. VI, 292, 1 (d’Hédylos) : le poème évoque
les « bandeaux » (de tête ? de poitrine ?) et le « vêtement de dessous » de Nikonoê (i.e.
la subucula des Romains, chemise en usage déjà au IIIe siècle av. J.-C.), αἱ μίτραι τό
θ’ἁλουργὲς ὑπένδυμα. Voir encore Stafford 2005, p. 103.

137A.P. VI, 211, 3 (de Léonidas de Tarente, iiie siècle av. J.-C.) : Kallikleia consacre à
Cypris un Éros d’argent, une bande de cheville brodée, une boucle de cheveux, un
« soutien gorge couleur de verre », μηλοῦχον ὑαλόχροα (n. 6 : il faut comprendre d’un
bleu verdâtre, et non transparent), un miroir de bronze, un peigne de buis.

138A.P. VI, 88, 1-2 (d’Antiphanès de Macédoine, sous Tibère et Caligula) : Cythérée
« a détaché de ses seins son ceste qui fait naître le désir » et l’a donné à Ino, τὸν
ἱμερόεντ’ ἀπὸ μαστῶν, |... λυσαμένη κεστόν ; A.P. II, 100-101 (= Description de
Christodoros, VIe siècle) : description d’une statue d’Aphrodite exposée dans le
gymnase public appelé Zeuxippos : « sur sa poitrine seulement, en s’y répandant depuis
le haut de la gorge, s’enroulait le ceste », ἐπὶ στέρνων δὲ θεαίνης | αὐχένος ἐξ ὑπάτοιο
χυθεὶς ἐλελίζετο κεστός.

139PHER. fr. 106 K.-A., vol. VII, p. 153 = fr. 100 K. : μίτραν ἁλουργῆ, στρόφιον,
ὄχθοιβον, κτένα, « un bandeau pourpre, une bande (à poitrine ?), une tunique à franges,
un peigne » ; IG II2, 1388, l. 19 (de 398/397) ; AR. Lys. 931 (sens incertain),
AR. Thesm. 139, 255 (le strophion, attribut féminin, est porté maladroitement au-dessus
de l’himation par un homme se déguisant en femme), 638, et fr. 664 K.-A., vol. III. 2,
p. 344 = fr. 647 K. (glosé par POLL. VII, 67, cf. note suivante). Tous ces passages
d’Aristophane sont repris (sans le texte grec) et commentés par Stafford 2005, p. 101-
102. Cf. le latin strophium (CATU., CIC.).

140Le terme ne se trouve par ailleurs sous cette forme que chez Galien et Phlegon
Trallianus (IIe siècle) ou dans la Bible (Je 2.32). On trouve le masculin ὁ στηθόδεσμος
au sens de « bandage » chez POLL. VII, 66 (τὸ νῦν καλούμενον ὑπὸ τῶν γυναικῶν
στηθόδεσμον), alors qu’il cite un fragment d’Aristophane (AR. fr. 328 K.-A., vol. III. 2,
p. 191 = fr. 325 K.) où l’on peut lire le composé ὁ ἀπόδεσμος, qui retient les seins
(τιθθίδια), et la forme ἡ στηθοδεσμία chez Soranus (IIe siècle). Enfin, Pollux donne les
noms suivants : ἡ ταινία ou τὸ ταινίδιον (POLL. VII, 65) comme « ceinture pour les
seins des femmes », et τὸ στρόφιον (POLL. VII, 67), évoqué dans la note précédente.

141Sur l’emploi des adjectifs μαλακός, « souple, mou » et λεπτός, « lisse, fin » en
rapport avec l’idée de satisfaire un désir de confort par une sensation agréable au
toucher, voir Reekmans 1996, p. 31-32 (avec référence à ce passage), qui précise que
ces adjectifs ne sont pas appliqués aux objets réalisés à partir de peaux qui ont conservé
leurs poils, comme les carpettes ψιλαί ou ψιλοτάπιδες, « qui ont du poil d’un côté »
(infra p. 139-141).

142D’autres supposent que ces bandes de poitrine sont en lin : Criscuolo 1998, p. 16-20,
« fasce di tessuto sottile e soffice (di lino ?) ».

143Sur les sens possibles de ποδεῖα et ses emplois dans les textes littéraires et les
papyrus de Zénon, cf. Russo 2004a, p. 140-143 ; voir aussi Criscuolo 1998, p. 15-16.

144Leguilloux 2004a, p. 94.

145Pour exemples : chaussures réalisées tout ou partie en chanvre, Russo 2004a, p. 167
(καννάβιον, VIe siècle apr. J.-C. ; κανναβίσκα, dans HER. infra p. 92-94) ; en corde,
p. 120-123 (κορδίκιον, IIIe-IVe siècle) ; en lin, p. 45 et n. 64. Voir également, pour
d’autres périodes, Montembault 2000, passim, et Wipszycka 1965, p. 18. Seuls les
dieux en leur perfection portent des chaussures et sandales en or : par exemple,
Hermès/Athéna « attacha à ses pieds ses belles sandales immortelles en or », ὑπὸ ποσσὶν
ἐδήσατο καλὰ πέδιλα | ἀμβρόσια, χρύσεια (Il. 24, 340-341 = Od. 1, 96-97 ; 5, 44-45) ;
chez Hésiode, Héra est « chaussée de sandales d’or », χρυσέοισι πεδίλοις ἐμβεβαυῖαν
(HES. Th. 12) ; Dionysos porte, chez Lucien, une robe de pourpre et une « chaussure
d’or », χρυσῇ ἐμβάδι (LUC. Dion. 2) ; etc.

146CRAT. fr. 139 K.-A., vol. IV, p. 191 = 131 K. = POLL. VII, 86. Elles sont décrites
par POLL. VII, 92 en ces termes : « tyrrhéniennes : à la semelle de bois de quatre
doigts ; pour d’autres, lanières dorées », Τυρρηνικά· τὸ κάττυμα ξύλινον
τετραδάκτυλον, οἱ δὲ ἱμάντες ἐπίχρυσοι. C’est le modèle que portait la statue d’Athéna
Parthénos de Phidias (Morrow 1985, p. 62). Voir encore Touloupa 1973, qui explique
que le terme est erroné et qu’il s’agit bien de crépides attiques. Le fait que ce soit le
poète comique du Ve siècle Cratinos qui le mentionne convainc K. D. Morrow que c’est
une forme étrusque (Morrow 1985, p. 201, n. 31).

147Hapax en PS.-THEOCR. XXV, 102 : un des pasteurs des troupeaux d’Augias,


« avec des courroies bien taillées, attachait à ses pieds des “sabots” pour se tenir près
des vaches et les traire », ὁ μὲν ἀμφὶ πόδεσσι ἐϋτμήτοισιν ἱμᾶσι | καλοπέδιλ’ ἀράρισκε
παρασταδὸν ἐγγὺς ἀμέλγειν. Le terme signifie « socque (πέδιλον) de bois (κᾶλον) ».

148Au contraire de peaux fraîches utilisées par nécessité sans avoir subi de traitement
leur attribuant les qualités du cuir : voir XEN. An. IV, 5, 14 (supra p. 34).

149Rappels : peau de chèvre avec sa toison portée par Eumée (Od. 14, 530), coiffe en
peau de chèvre de Laërte (Od. 24, 231), voire peaux d’animaux chassés, comme la peau
de cerf qu’Athéna jette sur le dos d’Ulysse pour le déguiser en mendiant (Od. 13, 436),
etc.

150Voir cet exemple supra p. 55 et infra p. 189-190.

151Les emplois du mot sont bien trop nombreux pour tous les reprendre ici. Bon aperçu
dans Russo 2004a, p. 83-104.

152Étymologiquement, semelle « placée sous le pied et attachée » (DELG s.v. δέω 1,


« attacher »).

153Russo 2004a, p. 7 : le terme n’apparaît pas dans la langue quotidienne des papyrus,
mais dans deux papyrus magiques (PGM VII, 919 = P. Lond. I, 121, et PGM VI, 14
= P. Lond. I, 47) ; il était donc utilisé par les locuteurs grecs d’Égypte.

154Les exemples homériques sont cités supra n. 145. Chez Hésiode, le terme désigne
encore les « sandales ailées », πτερόεντα πέδιλα, que porte Persée tel que le représente
Héphaïstos sur le bouclier d’Héraklès (HES. Boucl. 220), motif que l’on retrouve sur le
bouclier d’Achille en EUR. El. 460-461 : Persée « avec ses sandales ailées », ποτανοῖσι
πεδί-|λοισι.

155Sur ce motif du héros μονοκρήπις (variantes : μονοσάνδαλος, μονοπέδιλος,


οἰοπέδιλος) doté d’un pouvoir supérieur au combat, voir Deonna 1935, p. 50-53, pour
l’épisode de Jason ; Bruneau, Vatin 1966, p. 407 et n. 1 ; Bruneau 1995, p. 61-62, sur le
groupe d’Aphrodite et Pan de Délos, la déesse repoussant l’ardeur de Pan en brandissant
sa sandale gauche.

156Par exemple, AR. Gr. 405 : à force de danser à cause de Iacchos, le Chœur dit avoir
mis en pièces ses sandalettes (τόνδε τὸν σανδαλίσκον) et ses guenilles ; HER. VII, 124-
126 : « Mesdames, si vous avez besoin d’autre chose, comme de petites sandales ou de
ce que vous avez l’habitude de traîner à la maison... », γυναῖκες, ἢν ἔχητε κἡτέρων
χρείην | ἢ σαμβαλίσκων ἢ ἃ κατ’οἰκίην ἕλκειν | εἴθιστε.

157La suite du texte précise, par la voix d’Apollon qui rapporte la ruse à Zeus : « il
foulait le sentier en y laissant des traces étranges – comme si on marchait sur de petits
arbres », διέτριβε κέλευθα | τοῖα πέλωρ’, ὡς εἴ τις ἀραιῇσι δρυσὶ βαίνοι (H. Herm. I,
348-349).

158Pour les attestations littéraires et papyrologiques, voir le développement de Russo


2004a, p. 31-52. Voir aussi Leguilloux 2004a, p. 107-108, sur
la solea (crepida/sandalium).
159Pour les usages dans les papyrus, voir Russo 2004a, p. 128-129.

160Sur κάττυμα, voir supra p. 57 ; sur πέλμα, p. 56.

161Russo 2004a, p. 129-130.

162Lecture de Reekmans 1996, p. 33, vs Russo 2004a, p. 29 : « patte » de l’animal.

163Russo 2004a, p. 26-30.

164DELG s.v. Nous modifions « sandale » par « chaussure ». Cf. LUC. M. Rh. 15 : ἡ
κρηπὶς Ἀττικὴ καὶ γυναικεῖα. Voir encore Russo 2004a, p. 22-25, plus juste : le mot
κρηπίς correspond à « diverses formes, de la chaussure recouvrant une partie du pied à
la sandale à peu de courroies », si bien que le terme reçoit diverses traductions :
« sandale », « brodequin », « bottine ».

165Daremberg, Saglio, Pottier 1877 s.v. crepida, p. 1557. On s’y référera aussi pour les
nombreuses représentations figurées.

166Voir la n. 1 de Littré, p. 268 : l’imparfait atteste l’usage révolu des crépides de


Chios dès l’époque d’Hippocrate. Par ailleurs, si Galien ne sait plus quelle en est la
forme, il affirme qu’il n’est pas difficile de fabriquer une telle chaussure de plomb si
l’on comprend bien le but à atteindre, à savoir redresser les parties déviées du pied et
soutenir ce dernier.

167Daremberg, Saglio, Pottier 1877, s.v. crepida, p. 1557.

168Voir Russo 2004a, p. 23 et n. 7, sur cette ambiguïté et la bibliographie.

169A. Reinach, en helléniste, rappelle dans son commentaire du texte que « la crépide
est l’épaisse semelle aux bords de laquelle était fixée une pièce de cuir qui emboîtait le
talon et que des brides croisées ou lacets maintenaient sur le devant » (Rec. Milliet,
no 419, p. 329, n. 6), ce que M. Wallace nomme « type composite » (i.e. entre une
chaussure et une sandale), un modèle qui serait apparu à l’époque hellénistique
(Wallace 1940, p. 214, 218). Le commentateur de l’édition Budé signale en note, à juste
titre, que les éléments du texte permettent tout aussi bien ici l’identification de cette
chaussure à une simple sandale à lacets et boucles (ansas).

170Nous modifions la traduction de la CUF qui rend teretibus habenis par « lacets
ronds », conformément à Leguilloux 2009, p. 182 : le terme est à prendre ici au sens
figuré. Des lacets en cuir de section ronde n’ont jamais été retrouvés en fouille.

171Fr. 11, Peter2. Sur Sempronius Asellio, cf. AUL. GEL N. Att. I, 13, 9, p. 50, n. 3
(CUF) : il servit sous les ordres de Scipion Émilien devant Numance (134/133) et fut
l’auteur de Res gestae allant de la deuxième guerre punique à l’époque des Gracques.

172Pour un commentaire associant, comme le fait Aulu-Gelle, soleae,


crepidae et gallicae pour le monde romain, et faisant la distinction avec les calcei à
lanières plates couvrant la jambe, voir Leguilloux 2004a, p. 98-99 (avec illustration), et
p. 202, n. 3 de l’édition CUF.
173Russo 2004a, p. 25 et infra p. 92-94.

174Voir supra p. 75-76 et 81-82 : PLAT. Banq. 220b ; POLL. VII, 171. Martial
évoque, sans les décrire, des « sandales doublées de laine », soleae
lanatae (MART. Ep. XIV, 65).

175Selon O. Masson, il doit « provenir d’une langue de l’Est, peut-être du lydien »


(Masson 1962, p. 125, avec bibliographie n. 7).

176Masson 1962, ad loc.

177Fragments édités par K.-A., vol. VII, p. 364-366 ; voir aussi Revermann 2013, p. 37.

178Voir Moretti 2001, p. 146 : « Les acteurs, comme les choreutes [de tragédie et de
drame satyrique], pouvaient être pieds-nus ou chaussés ; ils portaient alors diverses
sortes de bottes et de bottines, dont certaines recevaient le nom de kothornoi. Certaines
étaient de formes très simples, avec des bouts pointus ; d’autres, comme il s’en trouve
sur le cratère de Pronomos [voir Planche 13], étaient décorées et pourvues de lacets.
Aucune n’avait de hautes semelles, contrairement à ce que l’on a parfois prétendu. »
Voir toutefois Moretti 1994, p. 73-74 : « Sans connaître ces techniques [d’amélioration
de la réception du spectacle par les spectateurs, comme les jumelles, la projection sur
écran géant], l’antiquité avait développé la même industrie en plaçant des vases sous
l’estrade ou, aux dires de Vitruve, V, 5, sous les gradins, et en vêtant certains acteurs de
hautes chaussures, d’habits rembourrés et de masques, qui les grandissaient. »

179Russo 2004a ne les mentionne pas.

180Le nombre varie en effet en fonction de la ponctuation que l’on établit : nous
donnons ici le texte de la CUF (18 noms), mais Russo 2004a, p. 158 et n. 15, aboutit au
total de seize dénominations différentes, deux termes étant parfois mis en relation (nous
plaçons alors entre parenthèses les virgules du texte de la CUF). Cette liste a donné lieu
à de nombreux commentaires dont nous ferons ici la synthèse, tout en redonnant les
gloses des lexicographes anciens : voir Brancolini 1978 ; Neri 1994. Plus globalement
sur les Mimes d’Hérondas comme source textuelle concernant les chaussures, voir
Russo 2004a, p. 155-170.

181Pollux (VII, 94) dresse aussi une liste de modèles féminins, parmi lesquels on
retrouve un certain nombre de ceux que propose Cerdon à ses clientes : αἱ δὲ βαυκίδες
καὶ βαυκίδια ἐλέγοντο· πολυτελὲς δ’ ἦν ὑπόδημα κροκοειδές. γυναικεῖα δὲ καὶ τὰ
ἄφρακτα, ὀπισθοκρηπῖδες, καννάβια, γυμνοπόδια, περίβαρα, νυκτιπήδηκες,
μεσοπερσικαί, φιττάκια, Σελευκίδες, νοσσίδες, Ἀμβρακίδες, ἀμφίσφυρα, ἀκροσφύρια.

182Le classement de Russo 2004a, p. 159-160, est repris ici.

183Pollux (VII, 94) précise qu’« un cordonnier a consacré un exemplaire de blautê en


pierre », ἀνέθηκε γάρ τις σκυτοτόμος βλαύτης λίθινον τύπον.

184Delebecque 1970, p. 143, n. 5.

185Voir supra p. 87-89.


186Le manuscrit A (« très souvent le seul manuscrit à donner la bonne leçon [...] ; tout
en étant un recentior [...] c’est lui rend les plus grands services au texte », Delebecque
1970, notice, p. 31), donne ἐμβάδες. E. Delebecque garde toutefois dans son édition
ἐμβάται, leçon du manuscrit B, mais glose dans sa note ἐμβάς.

187Sur l’origine orientale possible de ce modèle, voir la notice très développée de


Daremberg, Saglio, Pottier 1877, s.v. embas.

188Cf. p. 125, n. 1 (CUF).

189Voir Russo 2004a, p. 83, et Bryant 1899, p. 81, sur ce même passage.

190Glasgow, Art Gallery, 1903.70f (Trendall 1967, no 78), premier ou troisième quart
du IVe siècle av. J.-C. (sur les critères de datation, voir Piqueux 2013, p. 76-77, n. 74).

191Lycastos, ville du sud de la Crète, devait être spécialisée dans cette fabrication
(p. 176, n. 1 de la CUF).

192Cf. Garlan 1974, p. 399, n. D44b : « Selon Polyen, Strat. I, 39, 2, sur un terrain
jonché de τρίβολοι destinés aux cavaliers, Nicias, pendant le siège de Syracuse, fit
évoluer des peltastes chaussés de στερεὰ ὑποδήματα [« chaussures robustes », trad.
perso.]. »

193Le sens apparaît clairement dans la paraphrase de Galien : εἰς ὑποδήματος ἥξει
λόγον τὸ θεραπευόμενον παιδίον (Littré, IV, p. 268, n. 13).

194On trouve le même adjectif (βαθέα) chez Pollux pour désigner des chaussures
montantes : « chaussures creusées, profondes » signifie « montant jusqu’à mi-jambe » :
ὑποδήματα κοῖλα, βαθέα εἰς μέσην τὴν κνήμην ἀνήκοντα (POLL. VII, 84).

195Littré, IV p. 268, n. 13.

196Voir EDG s.v. ἀρβύλη.

197Leguilloux 2004a, p. 103-105, reprend les occurrences textuelles grecques (hormis


Pollux) et propose des recoupements iconographiques ainsi qu’une reconstitution du
modèle par C. Van Driel-Murray, mais précise bien que c’est « dans la littérature
spécialisée moderne » que le terme désigne des chaussures « élaborées à partir d’une
seule pièce de cuir dans laquelle étaient découpées la semelle et les ouvertures destinées
à former des lanières de fixation » et dont « les bords étaient rapprochés pour couvrir en
partie le pied, la chaussure étant attachée à l’aide de lacets croisés sur le coup de pied et
enroulés autour de la cheville et du mollet », description que ne fournit aucune de nos
sources grecques.

198Des sandales rudimentaires, fabriquées de la même façon à base de peaux de petits


ruminants ou de dromadaires non tannées mais simplement séchées après un raclage et
un dépilage sommaires, ont été mises au jour dans le fortin de Didymoi (occupé entre la
fin du Ier siècle et le milieu du IIIe), dans le désert oriental d’Égypte : elles présentent un
aspect « non pas lisse et poli, mais fripé par le séchage, de couleur blanchâtre, presque
translucide » et laissent encore voir des traces de tissus adipeux et de poils (Leguilloux
2004, p. 34 ; 2006, p. 7, 22, 24, fig. 6 : semelle de sandale du Ier siècle ; 2011, p. 251).

199Xénophon mentionne des sacs de fortune en peau pour les chevaux.


Voir supra p. 34, n. 102.

200Le jeu de mots se poursuit, le Charcutier filant la métaphore : « Je t’emprunte tes


procédés comme je ferais de tes chaussons », τοῖσιν τρόποις τοῖς σοῖσιν ὥσπερ
βλαυτίοισι χρῶμαι (AR. Cav. 889).

201Cf. Pritchett 1956, p. 204, l. 230 et n. 6, avec une proposition de date différente (327
av. J.-C.). Briant-Levêque 1995, p. 400, propose d’autres références pour démontrer une
augmentation sur quatre ans des frais de cordonnerie, mais les exemples pris comportent
une inversion chronologique, IG II2 1673, l. 50 (datée de 327/326 dans l’édition de
référence) étant donnée comme antérieure à IG II2 1672, l. 190 (de 329/328).

202Russo 2004a, p. 25.

203Russo 2004a, p. 152-153. Par ailleurs, une paire de podeia (« bas », « chaussettes »
(?), plutôt qu’un type de chaussures), coûte de 1 drachme et 1 obole à 4 drachmes
(PCZ IV, 59778 et III, 59319). Voir supra p. 84.

204Sur les prix des chaussures et les équivalences monétaires complexes, voir la « Note
sur les monnaies dans Hérondas » de l’édition de la CUF, p. 112-113, no 7, non dénuée
d’erreurs quant au nombre total de paires vendues par Cerdon. Cunningham 1971,
p. 175-176, est bien plus prudent sur les équivalences et l’identification des unités
monétaires utilisées dans le texte.

205Il ne peut s’agir de statères d’or, puisque 5 statères vaudraient alors 100 drachmes,
alors que la somme est censée faire ici moins de 80 drachmes, seuil sous lequel ne
descendrait pas Cerdon. Cf. CUF, p. 113 ; Cunningham 1971, p. 175 : il s’agirait de 5
statères ptolémaïques d’argent (= 20 drachmes), qui vaudraient donc quatre fois moins
que 4 dariques (= 80 drachmes).

206Actuellement, dans le lexique des céramologues, mais déjà chez Hippocrate, le


terme désigne aussi un « vase vinaire en terre cuite dont la forme rappelle celle d’une
outre » à la « panse vaguement ovoïde, de laquelle part une anse qui vient se fixer à
l’extrémité de l’ouverture tubulaire placée en avant, et qui correspondrait au cou de
l’animal » (Marlière 2002, p. 13 et fig. 1). On ne peut pas toujours lever l’ambiguïté du
terme, comme dans cet exemple d’Athénée, emprunté aux Histoires de Poseidonios, où
l’auteur fait usage d’un diminutif : dans les banquets royaux de Syrie, quand les
couronnes sont distribuées aux convives, « certains serviteurs entrent avec de petites
outres/vases (?) contenant des parfums babyloniens », εἰσίασίν τινες μύρων
Βαβυλωνίων ἔχοντες ἀσκίδια, et aspergent à distance les couronnes (ATH. XV, 692c).
Dans le Corpus hippocratique (HIPPO. Nat. Enf. 25 = Litt. VII, 522), un askos percé
d’un trou d’aiguille est très certainement en cuir (Villard, Blondé 1992, p. 94).

207Aristophane décrit une ville en temps de prospérité, prise d’une agitation frénétique,
« pleine d’outres » (ἡ πόλις πλέα [...]ἀσκῶν, AR. Ach. 549), c’est-à-dire, sûrement, de
vendeurs de denrées liquides [pour une autre interprétation, voir infra p. 119-120].
L’« archive de Dryton », du milieu du IIe siècle av. J.-C., désigne l’outre par une
périphrase lorsqu’elle mentionne, parmi les ustensiles qu’emporte un cavalier en
campagne, une « peau porteuse de vin », δέρμα οἰνοφόρον (Vandorpe 2002, no 38, l.
22). Dans le merveilleux littéraire, l’outre sert à transporter les vents d’Éole (Od. 10, 19-
20), mais aussi du sang humain : ainsi, Tomyris, la reine des Massagètes, plongea la tête
de Cyrus mort dans une « outre remplie de sang humain », ἀσκὸν πλήσασα αἵματος
ἀνθρωπηίου, pour l’outrager parce qu’il était avide de sang, selon elle (HDT I, 214).

208Voir Taillardat 1965, p. 95, § 160 : l’outre ou le « sac à provisions », θύλακος,


désignent un gros mangeur et gros buveur, l’équivalent de notre « sac à vin » ; § 255 :
l’outre désigne par métaphore un homme obèse (AR. Ach. 1001-1002 : « qui aura vidé
tout le premier son broc, recevra une outre, rivale de Cléophon », ὃς δ’ἂν ἐκπίῃ |
πρώτιστος, ἀσκὸν Κτησιφῶντος λήψεται, et Sch. Ach. 1002a [vet] : ὡς παχὺς καὶ
προγάστωρ ὀ Κτησιφῶν σκώπτεται). Pour Horace, uter désigne en revanche un
« homme vaniteux », gonflé d’orgueil (HOR. Sat. II, 5, 98).

209Voir l’article ethnographique de Gouin 1998, p. 157, fig. 1, p. 163, fig. 5, p. 165,
167, 170.

210Voir supra p. 41 (fabrication de l’outre et passage au sel). Les sources littéraires


latines fournissent un certain nombre d’éléments de comparaison possibles à condition
de les utiliser, là aussi, avec précaution. On pratiquait vraisemblablement un déhabillage
en fourreau, c’est-à-dire qu’on retournait la peau sans la fendre, peut-être, si l’on se fie à
une comparaison d’Apicius, en gonflant la peau de l’animal décapité au moyen d’un
soufflet dont l’embout était inséré entre la chair et la peau ; on retirait alors l’intérieur
par le cou (APIC. VIII, 7, 14 : porcellus hortulanus exossatur per gulam in modum
utris : « on désosse le porcelet à la jardinière par le gosier, à la façon d’une outre » (trad.
J. André). On pouvait tondre les poils lors de la fabrication : « j’aperçus un homme qui
tondait avec des ciseaux des outres en peau de bouc (forficulis attondentem caprinos
utres). Je les voyais là, solidement ficelées, gonflées et déjà suspendues (constrictos
inflatosque et jam pendentis) » (APUL. Mét. III, 17). Après le traitement au sel, on
ligature les membres et le cou, qui reçoit un tuyau de terre cuite (comme
les cuspides, « pointes de lance », mentionnés par VARR. E.R. I, 8, 4) pour maintenir le
goulot et rendre l’écoulement régulier. On terminait en cousant des poignées « pour
faciliter le transport, la suspension ou le service » : cf. Marlière 2002, p. 16-17.

211AR. A.F. 306 : le Chœur regrette le temps où chaque citoyen arrivait à l’assemblée
avec du pain sec, deux oignons et trois olives et « portant de quoi boire dans une petite
outre », ἕκαστος ἐν ἀσκιδίῳ φέρων | πιεῖν. Pollux donne le terme ἀσκοπυτίνη (POLL.
X, 73), peut-être pour une « bouteille en cuir » de soldat (πυτίνη désignant une bouteille
couverte d’osier chez Cratinos, qui en a fait le titre d’une de ses comédies, cf. K.-
A. vol. IV, p. 219), dans une liste de contenants à vin, à côté d’ἀσκοί. Il cite Méléagre
(Ier siècle av. J.-C., fr. 150 K.) : ἀσκοπυτίνην τινὰ δίψους ἀρωγόν, et atteste l’emploi du
mot dans le Karchêdonios de Ménandre, mais sans citation (fr. 266 K.
cf. Menander, vol. II, p. 105), dans l’édition de W. G. Arnott (Loeb) : « la bouteille
(flask) a pu être mentionnée comme un des ustensiles du soldat ».

212Ces grandes outres pouvaient être utilisées pour le jeu de l’askoliasmos, par
exemple. Voir Labat 1998, p. 34-35 et infra p. 104-106. Pollux mentionne, aux côtés
d’ἀσκός et d’ἀσκίδιον, le terme μολγός, « qui désigne dans la langue tarantine une outre
en peau de bœuf », ὅς ἐστι κατὰ τὴν τῶν Ταραντίνων γλῶτταν βόειος ἀσκός (POLL. X,
187), puis cite des vers de Théodoricas dans lesquels ces molgoi servent de soufflets
dans la forge d’Héphaïstos. Voir infra p. 110-111 et Annexe 4.

213Od. 10, 19-20 (voir supra n. 207).

214Voir supra p. 43-45 (graissage des coutures).

215Aristote rapporte l’expérience d’Anaxagore et de ses disciples qui, pour prouver que
l’air est une réalité, « pressent en les tordant des outres, montrant ainsi que l’air
résiste », στρεβλοῦντες τοὺς ἀσκοὺς δεικνύντες ὡς ἰσχυρὸς ὁ ἀήρ (ARIST. Phys. IV, 6,
213a).

216L’outre d’Éole est bien une outre d’exception : réalisée avec la peau d’un vieux
bœuf, elle est épaisse et solide car elle doit contenir les vents déchaînés. Par ailleurs, le
choix d’un bœuf représente un sacrifice de valeur qu’Éole fait en l’honneur de son hôte.
Voir Marlière 2002, p. 15-16, pour les outres dans l’Odyssée.

217On tiendra également pour exceptionnel le cas mythologique de l’outre réalisée à


partir de la peau de Marsyas (HDT VII, 26, texte infra p. 104). On connaît moins le
mythe du roi d’Arcadie Chorichos, dont les fils Plexippos et Énétos coupèrent les mains
à Hermès alors qu’il dormait, parce qu’il leur avait volé l’attribution de l’invention de la
lutte après que Palaestra, leur sœur, eut raconté cette découverte au dieu. Hermès
réclama vengeance à Zeus, qui écorcha Chorikos et en fit une outre. Cf. le commentaire
de Servius à VIRG. En. VIII, 138, repris dans Grimal 1953, s.v. Chorichos.

218Marlière 2002, p. 11.

219Cet usage est attesté dès l’Iliade : en vue d’un pacte loyal entre Troyens et Achéens
précédant le combat de Pâris et Ménélas, des hérauts « apportent une outre en peau de
chèvre contenant du vin », φέρον...|... οἶνον...| ἀσκῷ ἐν αἰγείῳ (Il. 3, 245-247), vin qui
est ensuite versé et mélangé dans un cratère. On retrouve d’ailleurs l’outre au banquet à
l’époque classique (AR. Ach. 1225, 1230 et 1234).

220Voir toutefois Brun 2003, p. 100-101 : « Les amphores étaient essentiellement


utilisées pour les transports maritimes ou terrestres ; l’outre était surtout utilisée pour les
transports par voie de terre ou dans les contrées montagneuses. » Mais les Romains
disposent de grandes outres faites de peau de bœuf installées et véhiculées sur un
chariot, les cullei (ibid., p. 102-103).

221Voir l’étude de Wills, Watts 2014, sur le transport des outres à vin en peau de
chèvre en Méditerranée au XIXe siècle et les conséquences de l’usage d’un tel matériau
sur le goût du vin.

222Les exemples se trouvent dans le Nouveau Testament : l’outre, dit-on, est utilisée
pour accélérer le processus de vieillissement du vin. Comme, lors de ce processus, la
peau devait se flétrir et se dessécher, elle devient sous la plume des Évangélistes la
métaphore du psalmiste dans les épreuves. Luc 5, 37-38 : οὐδεὶς βάλλει οἶνον νέον εἰς
ἀσκοὺς παλαιούς· εἰ δὲ μή γε, ῥήξει ὁ οἶνος ὁ νέος τοὺς ἀσκοὺς, καί αὐτὸς ἐκχυθήσεται
καὶ οἱ ἀσκοὶ ἀπολοῦνται; ἀλλὰ οἶνον νέον εἰς ἀσκοὺς καινοὺς βλητέον ; Marc 2, 22 :
οὐδεὶς βάλλει οἶνον νέον εἰς ἀσκοὺς παλαιούς· εἰ δὲ μή, ῥήξει ὁ οἶνος τοὺς ἀσκοὺς, καί
ὁ οἶνος ἀπόλλυται καὶ οἱ ἀσκοί ; Matth. 9, 17 : οὐδὲ βάλλουσιν οἶνον νέον εἰς ἀσκοὺς
παλαιούς· εἰ δὲ μή γε, ῥήγνυνται οἱ ἀσκοί, καὶ ὁ οἶνος ἐκχεῖται καὶ οἱ ἀσκοὶ ἀπόλλυνται·
ἀλλὰ βάλλουσιν οἶνον νέον εἰς ἀσκοὺς καινοὺς, καὶ ἀμφότεροι συντηροῦνται.

223C’est ce principe d’évaporation qui permet au contenu de l’outre de rester frais. Cf.
Labat 1998, p. 32-33.

224Anacreonta 47, 4 (édition de M. L. West, Teubner) ou 47, 6 (édition de J. M.


Edmonds, Loeb) : « Je suis vieux, affirme le banqueteur, mais je peux boire mon saoûl
de jeunesse, et si je veux danser, je prends pour sceptre l’outre (σκῆπτρον ἔχων τὸν
ἀσκόν) et la baguette (νάρθηξ) ne m’est d’aucune utilité. » Cf. les innombrables scènes
figurées sur vases où un satyre ou un convive du symposion s’appuie ou se tient à
cheval sur une outre ; par ex., Labat 1998, p. 34, fig. 3 ; Lissarrague 2013, annexes,
p. 287.

225La métaphore filée se trouve dans le dialogue entre Ulysse et le Cyclope dans la
pièce d’Euripide : « CYCL. — Comment se plaît un dieu à loger dans une outre ? UL.
— Partout où on le met, lui, il s’en accommode. CYCL. — Les dieux ne doivent pas
s’enfermer dans des peaux. UL. — Qu’importe, s’il te plaît ? La peau t’irrite-t-elle ?
CYCL. — J’ai l’outre en aversion ; mais la liqueur, je l’aime », ΚΥ. — Θεὸς δ’ ἐν
ἀσκῷ πῶς γέγηθ’ οἴκους ἔχων; | ΟΔ. — Ὅπου τιθῇ τις, ἐνθάδ’ ἐστὶν εὐπετής. | ΚΥ. —
Οὐ τοὺς θεοὺς χρὴ σῶμ’ ἔχειν ἐν δέρμασιν. | ΟΔ. — Τί δ’ εἴ σε τέρπει γ’; ἢ τὸ δέρμα
σοι πικρόν; | ΚΥ. — Μισῶ τὸν ἀσκόν· τὸ δὲ ποτὸν φιλῶ τόδε (EUR. Cycl. 525-529). Il
faut y voir un trait d’esprit de la part d’Ulysse, qui transforme ici la peau de panthère
portée habituellement par Dionysos en peau d’outre, afin de tromper Polyphème. On
notera également le jeu de mot sur le sens de πικρός, qui signifie « dur, irritable » mais
peut prendre ici un sens gustatif, « piquant, âcre ». Cf. Seaford 1984.

226Labat 1998, p. 37-42 et illustrations : outre sans poignée, p. 38, fig. 6, dessin d’après
« Les deux Papposilènes de Délos », et p. 42, fig. 9, photographie ; outre à une poignée
(queue) : p. 34, fig. 3, dessin d’après une coupe du Louvre et p. 40 fig. 7, dessin d’après
une amphore et trois coupes ; outre à plusieurs poignées : p. 41, fig. 8, dessin d’après
deux vases attiques.

227De là vient l’image que l’on trouve dans un fragment d’Aristophane (fr. 745 K.-
A. vol. III. 2, p. 373 = fr. 725 K.), cité par Hésychius : « outres, cadavres serrés par le
cou », μεσαύχενας νέκυας ἀσκούς. Cf. Taillardat 1965, p. 140, § 274.

228On ne doit pas en conclure pour autant, d’après ce passage (Od. 10, 45 : « Quelle
quantité d’or et d’argent est contenue dans cette outre ! », ὅσσός τις χρυσός τε καὶ
ἄργυρος ἀσκῷ ἔνεστιν), qu’une outre est un sac fait pour contenir tout type d’objets ; il
faut précisément comprendre que les compagnons d’Ulysse pensent que leur chef, dont
la ruse est bien connue, camoufle un trésor dans un contenant qui est d’ordinaire utilisé
pour transporter du vin afin de les tromper.

229Le terme se rencontre avec le même sens chez HIPPO. Aff. 21, où l’on adapte au
« col » d’une petite outre un tuyau (voir infra p. 139). Sur le vase repris par Labat 1998,
p. 36, fig. 5, on voit un satyre versant le contenu d’une outre vinaire dans un cratère par
l’une des pattes qui sert d’embouchure. Il n’y a en revanche aucune certitude sur le sens
à donner à ce mot dans l’épigramme votive d’Antiphilos (A.P. VI, 95, époque
d’Auguste), où un laboureur consacre ses outils, sa sacoche (πήρα) et des τρητοὺς
ποδεῶνας (v. 5) : « bottes en peau de mouton », comme propose P. Waltz (CUF),
« chaussures en peau » (LSJ) ? Cependant, par métonymie et du fait de l’emploi du
pluriel, il s’agit vraisemblablement d’objets réalisés en peau d’ovin.

230Voir infra p. 138 (coussins).

231Sch. Pl. 1129b [rec] : ἀσκώλια ἦν ἑορτὴ τοῦ Διονύσιου (α) ἀσκὸν γὰρ οἴνου
πληροῦντες, ἑνὶ ποδὶ τοῦτον ἐπήδων, καὶ ὁ πηδήσας ἆθλον εἶχε τὸν οἶνον. (β) ἐν ᾗ
ἀσκοὺς διαφυσῶντες ἐρρίπτουν καὶ ἄνωθεν ἥλλοντο ἐπάνω αὐτῶν ἑνὶ ποδί. ἐκίνουν δὲ
γέλωτα καταπίπτοντες. ὁ μέντοι μὴ καταπεσὼν ἐλάμβανεν αὐτὸν οἲνου πλήρη.

232Souda s.v. ἀσκός. En marge de trois manuscrits, on trouve la correction ἀσκώλια


pour *σκώλια, forme fautive. Pour Chantraine (DELG s.v. ἀσκώλια), ἀσκωλιάζω ne
dériverait pas de ἀσκός (contra sa première opinion d’après la scholie d’Aristophane et
Pollux, dans Chantraine 1933, p. 243-244) mais en aurait été rapproché secondairement
par étymologie populaire. Il faut selon lui y voir un ἀ-prothétique ajouté au radical
σκωλ-(cf. σκωλοβατίζω, « marcher avec des béquilles, des échasses » (EPICH.),
σκῶλος, « pieu »). Cf. aussi EDG s.v. ἀσκώλια. Il semble toutefois pertinent de
rapprocher la dénomination askolia, « fête des outres » en l’honneur de Dionysos,
des pithoigia, choès et chytroi, fêtes de « l’ouverture des pithoi (grosses jarres de
stockage) », des « conges » (choes, mesure de liquide) et des « pots à cuire » (chytroi) »,
noms des trois jours de fête du festival des Anthestéries en l’honneur du même dieu et
d’Hermès. Voir Daremberg, Saglio, Pottier 1877, s.v. Dionysia.

233Le sens de « sauter sur un pied » – que Chantraine estime être sûrement le sens
véritable du mot – se retrouve chez Platon où il est dit que Zeus envisage de couper par
deux fois les hommes, initialement de forme ronde, pour les affaiblir : « Ils marcheront
droit sur deux jambes, mais s’ils se montrent encore insolents et ne veulent pas rester
tranquilles, je les couperai en deux une fois de plus, et dès lors ils marcheront sur une
seule jambe, à cloche-pied », ὥστ’ ἐφ’ἑνὸς πορεύσονται σκέλους ἀσκωλιάζοντες
(PLAT. Banq. 190d) ; chez Lucien, le personnage de Lexiphanès raconte un voyage en
mule depuis lequel il a mal au coccyx : « le muletier me pressait, tout en s’amusant à
sauter sur un pied [= à mimer une démarche pénible ?] », ὁ γὰρ ἀστραβηλάτης
ἐπέσπερχε καίτοι ἀσκωλιάζων (LUC. Lex. 10).

234EUB., fr. 7 K.-A., vol. V, p. 192 = fr. 8 K. Le titre de la pièce n’est certainement
pas Damalia mais plutôt Amaltheia, Daidalos ou Damasia.

235Cf. encore HESYCH. s.v. ἀσκωλίαζειν· κυρίως μὲν τὸ ἐπὶ τοὺς ἀσκοὺς ἅλλεσθαι,
ἐφ’οὓς ἀληλιμμένους ἐπήδων γελοίου ἕνεκεν, et POLL. IX, 121 : ὁ ἀσκωλιασμὸς τοῦ
ἑτέρου ποδὸς αἰωρουμένου κατὰ μόνου τοῦ ἑτέρου πηδᾶν ἐποίει, ὅπερ ἀσκωλιάζειν
ὠνόμαζον.

236Vogliano 1906, cité par Cunningham 1971, p. 202.

237Knox 1966.

238Comme Cunningham 1971, p. 202 : « Perhaps read ἔμπνουν or εὔπνουν ».


239Berlin, Staatliche Museen, inv. 4. Voir Jouer 1991, p. 120, no 115.

240Voir Mitchell 2009, pour un recensement critique des scènes figurées sur vases.
Selon lui, la face B de la coupe attique à figures rouges du Louvre (G70) du Peintre de
Scheurleer, réalisée vers 500-490, et dont le dessin est reproduit dans Labat 1998, p. 34,
fig. 3, n’est pas une scène d’askoliasmos mais une scène parodique établissant un lien
entre le guerrier et le buveur, un jeune homme nu chevauchant une outre et soufflant
dans une corne à boire. Au contraire, la coupe de Cambridge 37.17 montre des satyres
chevauchant des outres, jouant probablement à l’askoliasmos. Voir aussi la coupe
attique à figures rouges de Tübingen (Archäologische Institut, S101525, ARV2 94.104,
du Peintre d’Evergidès, 515-500) ; le tondo de la coupe de Bruxelles attique à figures
rouges (musées royaux d’Art et d’Histoire, A723, d’Onésimos, 505-480).

241Hérodote écrit « du puits », avec l’article défini, mais n’apporte aucune précision
hormis la description qui s’ensuit.

242Cf. Od. 17, 197-198 : Eumée et Ulysse se mettent en route vers la ville, ce dernier
endossant sa besace décrite à l’identique.

243Pucci 1995 p. 124-125, n. 1.

244Chez Aristophane, le Raisonnement Juste rappelle au Raisonnement Injuste le temps


où il « étai[t] mendiant » (ἐπτώχευες), et « grignotait des maximes » et sophismes
trompeurs « qu’il sortait de sa petite besace » (ἐκ πηριδίου | γνώμας τρώγων), comme il
aurait fait de biscuits (AR. Nu. 921-924).

245Il ne faut voir dans l’exemple du philosophe Thrasyclès, qui veut remplir d’or sa
besace « contenant à peine deux médimnes éginétiques », soit plus de 100 litres, qu’un
simple procédé d’exagération grotesque (LUC. Tim. 57).

246Éros, jouant au bouvier, tient en main un aiguillon « et port[e] sur ses épaules une
besace », πήρην δ’ εἶχε κατωμαδίην (MOSC. Ep. 4). Voir aussi les exemples ci-
dessous, empruntés à Alciphron : la besace accrochée à la ceinture (ἐξηρτημένος) est,
dans un cas (ALCIPH. II, 38), de petite taille (diminutif πηρίδιον) ; dans l’autre
(ALCIPH. II, 19), « totalement vide » (διάκενον).

247On notera que, dans ces portraits caricaturaux, le bâton est toujours très
rudimentaire : « gourdin en poirier sauvage », simple « morceau de bois » ou encore
« pilon en guise de bâton », ἀντὶ δὲ τῆς βακτηρίας ὕπερον (LUC. Dém. 48).

248Voir par exemple les gloses circulaires de la Souda, qui renvoient les termes les uns
aux autres : πήρα· μάρσιππος, θήκη (Souda, s.v.) ; μάρσιππος· σάκκος, θυλάκιον,
σακέλλιον (Souda, s.v.).

249En français, en revanche, les termes « besace » et « bissac » (d’emploi vieilli), issus
du même étymon bissacium, désignent au sens propre un sac double, « ouvert par le
milieu et dont les extrémités forment deux poches » ; on désigne donc plutôt ainsi un
sac de bonne contenance. Le terme « havresac » s’emploie dans le domaine militaire
pour un sac à bretelles porté sur le dos ; la « gibecière », portée en bandoulière, sert à
transporter la prise ou la récolte des chasseurs, pêcheurs et paysans, mais le mot est
aussi synonyme de « cartable d’écolier à bretelles ». Une « sacoche » se porte au moyen
d’une lanière (Robert 2014, s.v.).

250POLL. X, 160 : θύλακος καὶ ἀσκοθύλακος, ὡς ἐν τῷ Ἀριστοφάνους Γηρυτάδηι (fr.


180 K.-A., vol. III. 2, p. 113 = fr. 174 K.) ; PHOT. s.v. ἀσκοθύλακον, chez Archippos
(Ve/IVe siècle) dans son Amphitryon (fr. 4 K.-A. vol. II, p. 540 = fr. 4 K.), et chez Dioclès
(Ve siècle) dans Les Bacchantes (fr. 3 K.-A., vol. V, p. 19 = fr. 3 K.).

251POLL. X, 160 : ἀσκοπήρα, ὡς ἐν ταῖς Ὥραις Ἀριστοφάνους (fr. 587 K.-A., vol. III.
2, p. 302 = fr. 577 K.) ; Diphile de Sinope (IVe/IIIe siècle), fr. 55, 2 K.-A., vol. V, p. 83 =
fr. 55 K., dans une liste d’articles que l’on peut trouver sur l’agora : ἀσκοπήραν,
θύλακον.

252Xénophon emploie le diminutif σάκ(κ)ιον pour décrire un dispositif d’hipposandales


de fortune : on noue des « petits sacs » autour des sabots des chevaux et des bêtes de
somme afin d’éviter qu’ils ne s’enfoncent dans la neige (XEN. An. IV, 5, 36 ;
voir supra p. 34, n. 102).

253Le mot a parfois, par métaphore, le sens de « braies de cuir », peut-être emprunté à
l’argot des soldats, comme en AR. Gu. 1087, où le Premier demi-chœur fait le récit de
la bataille de Salamine : « nous les poursuivîmes [les Perses], les dardant comme des
thons à travers leurs braies », εἶτα δ’ εἱπόμεσθα θυννάζοντες εἰς τοὺς θυλάκους. Voir
aussi EUR. Cycl. 182.

254Texte et traduction pris à Chantry 2009, p. 398. C’est encore l’étymologie proposée
aujourd’hui.

255Voir infra p. 126-128.

256Ce mot, probablement d’origine pré-grecque, connaît différentes orthographes :


μάρσιπ(π)ος, μάρσυππος ; diminutifs : μαρσίππιον, μαρσιπίον, μαρσύπ(π) ιον (EDG).

257Par exemple, dans les Archives de Menchès, on rencontre l’expression ἐκ τοῦ


μαρσίππου : « de la bourse » (dans le compte, la bourse, signalée une fois vide, contient
de 1 000 à 5 000 drachmes : 1, 31 ; 33 ; 40 ; 54 ; 79). Cf. Verhoogt 2005.

258E. Delebecque (n. 1 ad loc. dans l’édition de la CUF) voit dans cette définition une
confusion de la part de Pollux : pour lui, à la lecture de Xénophon, le kynouchos n’est
qu’une gibecière et non un sac de rangement pour le filet. Pour l’inscription de ce sac au
nombre des ustensiles de chasse, voir encore POLL. V, 19 (τὰ δὲ πρὸς κυνηγέσιον
ἐργαλεῖα [...] κυνοῦχος) et POLL. X, 141 (τὰ δὲ κυνηγέτου σκεύη [...] κυνοῦχοι).

259L’édition de la CUF retient la correction κυλικεῖον, « armoire où l’on range les


vases à boire, l’argenterie » (ATH. X, 460d ; LUC. Lex. 7), au lieu du texte du papyrus
κυλιοῦχιον. Reinach 1928 propose de lire κυνοῦχιον.

260Souda s.v. βαλάντιον.


261AR. Lys. 1053 ; AR. Ois. 157 ; THEOPH. Car. XVII, 5, où l’individu
sempiternellement mécontent de son sort, alors qu’il trouve sur son chemin une bourse,
se plaint alors de n’avoir pas trouvé un trésor.

262Souda s.v. βαλάντιον donne pour synonyme de ce nom κλέπτης, « voleur ».

263Whitehead 2010.

264Sur le sens de μολγός, « outre en peau de bœuf » (POLL., HESYCH.),


voir supra p. 102 et n. 212.

265Pour le recours par le médecin à un tel ustensile et la description de tels soufflets,


voir infra p. 139.

266Louvre Ma 769, d’origine attique, v. 410-400. Cf. Hamiaux 2001, p. 146-147.

267Richter 1949, p. 101, fig. 164, avec renvoi bibliographique.

268Beazley 1962, p. 235-236 et pl. 60, fig. 4. J. Beazley renvoie à d’autres


représentations, sur un canthare à figures noires (Acropole 2134, pl. 60, fig. 5 dans
l’article) ; sur un fragment de coupe à figures noires de la pente nord conservé au musée
de l’Agora, publié par C. Roebuck dans Hesperia, 9, 1940, p. 199-200, fig. 31e, où
l’objet noir à petits pointillés blancs est interprété comme la partie inférieure des
souflets d’Héphaïstos (et non d’Héraklès, comme l’écrit, sûrement par inattention,
l’auteur).

269ῥιπίζω, venant lui-même de ῥίπτω, « jeter violemment », donc « attiser le feu »,


« faire de l’air ». Cf. DELG : ῥιπίς est un dérivé inverse de ῥιπιστής, l’« éventail ». Cf.
Prêtre 2012, p. 202.

270Prêtre 2012, p. 202 ; on trouve aussi le diminutif ῥιπίδιον dans une inscription de
l’Aphrodision – 1442B (34). Un relief funéraire de Délos représente une jeune esclave
tenant un éventail en forme de feuille triangulaire (Jardé 1906, p. 651, fig. 4) et W.
Deonna a recensé les manches en ivoire, onyx et os qui pourraient être ceux d’éventails
ou de chasse-mouches de diverses époques (Deonna 1938, p. 247). Ces deux objets et
les mots les désignant (μυ(ι) οσόβη et ῥιπίς) étant d’ailleurs souvent confondus dès la
fin du IVe siècle dans les textes, bien que le chasse-mouche fût un « instrument assez peu
raffiné » (Prêtre 2012, p. 168-169). Nous écartons volontairement de notre corpus le
témoignage d’un chasse-mouche de cuir qu’Aristophane donne pour instrument au
Paphlagonien afin qu’il écarte les orateurs de son maître Démos, dans la mesure où le
terme qui le désigne, βυρσίνη (AR. Cav. 58), constitue un jeu de mots forgé à partir de
μυρσίνη, la branche de myrte connue pour écarter les insectes, sur βύρσα, dans le but de
railler une fois encore l’activité de tanneur de Cléon (Cf. Sch. Cav. 59b [vet] : « <le
poète> a joué sur le fait que Cléon soit tanneur : on attendait mursinê, branche de
myrte [...]. On chasse les mouches au moyen de branches de myrte », ἔπαιξε δὲ παρὰ τὸ
βυρσοδέψην εἶναι τὸν Κλέωνα· ἔδει γὰρ εἰπεῖν μυρσίνην [...]. ταῖς γὰρ μυρσίναις
ἀποσοβοποῦσι τὰς μυίας).

271Voir Vigneron 1968, notamment les chapitres « le harnais de tête » (p. 51-79),
« l’attelage et le bât » (p. 108-137). On se référera également à Delebecque 1970
(lexique et appendice). Nous donnons ici une synthèse de ces ouvrages et mettons en
avant certains points de désaccord dans les interprétations.

272XEN. Art Eq. VI, 8 ; VII, 1 ; X, 6 ; XI. Il peut être doux, rigide, dur, flexible
(voir Art Eq. IX et X notamment). Xénophone utilise les déverbaux χαλινῶ, « brider »
(XEN. Art Eq. V, 1 ; VI, 11) et ὑποχαλινῶ, « débrider » (XI, 7), et le nom χαλίνωσις,
« action de brider » (III, 11).

273Vigneron 1968, illustrations p. 53, n. 5.

274La raison en est que les scènes représentées montrent des chevaux de prestige
(montures de personnages illustres, chevaux de course) et que, comme au cirque de nos
jours, les harnais de parade comportent de multiples courroies secondaires inutiles au
bon maintien du harnais (Vigneron 1968, p. 55 et n. 6).

275Vandorpe 2002, p. 312, no 38, l. 7-8. Nous traduisons le pluriel χαλιν[ὰ] par
« courroies du mors », dans un emploi métonymique du mot, tant il paraît difficile d’y
voir le « mors » lui-même, normalement en métal – à moins qu’il ne s’agisse d’un
morceau de cuir de taureau durci ?

276Par exemple, lors des jeux en l’honneur de Patrocle, des cochers « frappent <les
chevaux> avec des courroies », πέπληγόν θ’ ἱμᾶσιν (Il. 23, 363, traduction modifiée).
Le latin lora a aussi un sens générique et désigne toute sorte de lanière de cuir. Voir
certains emplois et difficultés de traduction dans Vigneron 1968, p. 56. Globalement, les
termes μάστιξ (XEN, Art Eq. VIII, 4 ; verbe μαστιγῶ : X, 1 ; XI, 6), ἱμάς, μάσθλη,
ἱμάσθλη, σκῦτος, μάραγνα désignent des lanières qu’on utilise pour corriger hommes et
chevaux. Le terme βακτήριον renvoie quant à lui à une baguette rigide, la « badine »
(XEN Art Eq. XI, 4). Le ῥάβδος de XEN. Art Eq. VIII, 4 et XI, 4 serait une cravache
(Vigneron 1968, p. 85 ; Delebecque 1970, s.v.). Voir encore Vigneron 1968, p. 86 :
« Les mots ἱμάς, μάσθλη, ἱμάσθλη, σκῦτος, μάραγνα, corrigia s’appliquent à toutes
sortes de lanières qu’on peut utiliser occasionnellement pour corriger un cheval. »

277D’après le schéma qu’en propose Delebecque 1970, p. 89, fig. 4, il n’y a qu’une
seule rêne accrochée à la bride du cheval.

27828 occurrences dans l’Iliade, 2 dans l’Odyssée. XEN, Art Eq. VI, 7 ; VI, 9 (au
singulier) ; VII, 8 ; VII, 9 ; XII, 5 ; SOPH. El. 743 ; Aj. 847 ; EUR. Hipp. 1188 ;
EN. Pol. XXXI, 9, etc. Voir le latin habenae. Xénophon utilise un certain nombre de
formules qui précisent le maniement des rênes : τὰς ἡνίας περιβάλλειν, « passer les
rênes par-dessus l’encolure » (XEN. Art Eq. VI, 7) ; - καθιέναι, « poser les rênes sur le
garrot » (VI, 7) ; - λαμβάνειν, « prendre les rênes en main » (VII, 1) ; - ἰσοῦσθαι,
« ajuster les rênes » (VII, 8 et ἡνίαι ἴσαι, « rênes ajustées », VII, 9 et XII, 5) ; il utilise
aussi le verbe ἡνιοχῶ ἀνώ/κατώ, « tenir les rênes la main haute ou basse » (VII, 10).
Hésiode parle de « cochers montés sur des chars en bois tressé, lançant leurs chevaux
rapides en rendant les rênes », ces derniers étant désignés par le neutre pluriel
substantivé τὰ ῥυτά, « ce que l’on tire » (HES. Boucl. 308).

279Références données dans Vigneron 1968, p. 56-57 et n. 11-12.


280Pour l’exemple du cheval monté par un cavalier portant une lance sur la peinture de
la tombe des Taureaux de Tarquinia (VIe siècle av. J.-C.), voir Vigneron 1968, pl. 20d.

281Faut-il comprendre ici qu’il s’agit de cordes teintes en rouge comme les « licous de
pourpre » des auteurs latins (MART. Ep. I, 105, 7 et OV. Mét. X, 125), selon Vigneron
1968, n. 59 ?

282On voit aussi en Il. 4, 142 un « ivoire qui doit devenir bossette de mors, teint en
pourpre » par des femmes (ἐλέφαντα... φοίνικι μιήνῃ... | παρήιον ἔμμεναι ἵππων) qui est
probablement enfilé dans une des courroies latérales du harnais de tête comme
décoration (Vigneron 1968, p. 78). Cf Il. 5, 583 : ἡνία λεύκ’ ἐλέφαντι, « rênes luisantes
d’ivoire ». Pour les rênes dorées, voir Il. 5, 226 : ἡνία σιγαλόεντα, « rênes brillantes »,
et l’épiclèse χρυσήνιος, « aux rênes d’or » (Il. 6, 205 : épiclèse d’Artémis ; Od. 8, 285 :
épiclèse d’Arès ; SOPH. Œd. C. 693 : épiclèse d’Aphrodite). On retiendra
particulièrement l’expression χρυσόνωτον ἡνίαν « recouvert ou plaqué d’or »
(littéralement « doré au verso », SOPH. Aj. 847).

283Voir aussi Il. 8, 544 : les Troyens « attachent [les chevaux détachés du joug] avec
des courroies, chacun près de son char », δῆσαν δ’ἱμάντεσσι παρ’ἅρμασιν οἷσιν
ἕκσατος.

284Ulysse détache les chevaux du char, « les lie ensemble avec des courroies » et les
pousse loin de la masse des combattants, ἵππους | σύν δ’ ἤειρεν ἱμᾶσι. Cf. Vigneron
1968, p. 56, n. 2.

285Sur l’expression ἐπιφατνιδία φορβεία, « attache à la mangeoire » chez XEN. Art


Eq. V, 1 pour désigner « probablement » le licou – le terme φορβεία impliquant qu’il
s’agit de cuir (voir infra p. 132-134) –, et sur l’existence du licou au temps de
Xénophon, voir la discussion de Vigneron 1968, p. 58-59.

286Delebecque 1970, p. 83, se rallie à l’interprétation que défend P. Vigneron lorsqu’il


écrit que cette « corde-longe » permet au cavalier à pied de conduire en main le cheval
quand il est en promenade et d’attacher sa monture au cours d’une halte. Dans l’édition
de 1950, E. Delebecque affirmait que le terme était un « synonyme pur et simple de
ἡνία, ou, plus probablement, désign[ait] la partie de la rêne proche du mors, celle par
laquelle on peut tenir le cheval en main » (p. 130-131, n. 2). P. Vigneron a montré
l’invalidité d’une telle interprétation dans ce passage.

287Delebecque 1970, p. 87, n. de la fig. 2, définit le caveçon comme un anneau, alors


que la mentonnière est une « courroie placée sous le mors », mais il ne les place pas sur
la fig. 4 qui représente la mise en place de la bride et du mors grec. Pour Vigneron
1968, p. 60 et n. 3, le principe du caveçon consiste en « une sorte de licou dont la
muserolle, constituée par une lame de fer recourbée ou par une lourde chaîne, [...]
frappe sur les os au-dessus des naseaux » du cheval lorsqu’on secoue la longe qui y est
attachée, amenant ainsi l’animal à obéir. Il fait référence à des « demi-cercles de métal »
trouvés en fouille dans le monde romain, qui étaient « suspendus à la tête du cheval par
des lanières de cuir ».

288Vigneron 1968, p. 77-78.


289Voir Bradfer-Burdet 2005, notamment p. 78 et n. 13 : « Les sources épigraphiques
indiquent que le harnachement était travaillé, depuis les œillères, fabriquées parfois en
cuir (Kn Sd 4401 : wi-ri-ni-jo o-po-qo « avec des œillères en cuir »), parfois en ivoire
(Kn Sd 4403 : e-re-pa-te-jo o-po-qo « avec des œillères en ivoire »), jusqu’au char lui-
même incrusté et coloré ». Selon Chadwick, Ventris 1953, wi-ri-no désigne le « cuir de
bœuf » (grec ῥινός).

290POLL. I, 140 ; II, 53 ; X, 54 ; Souda s.v. παρώπια καὶ ἀντήλια· τὰ παρὰ τὰς ὄψεις
τῶν ἵππων δερμάτια, « parôpia et antêlia : objets couvrant latéralement les yeux des
chevaux, en cuir ».

291Vigneron 1968, p. 77.

292XEN. Art Eq. V, 3 : « il faut mettre la muselière au cheval », χρὴ [...] τὸν κημὸν
περιτιθέναι τῷ ἵππῳ κημοῦν δεῖ ; « la muselière, sans l’empêcher de respirer, lui interdit
de mordre ; et une fois mise autour de la bouche, elle enlève davantage aux chevaux
leurs mauvaises intentions », Ὁ γὰρ κημὸς ἀναπνεῖν μὲν οὐ κωλύει, δάκνειν δὲ οὐκ ἐᾷ·
καὶ τὸ ἐπιβουλεύειν δὲ περικείμενος μᾶλλον ἐξαιρεῖ τῶν ἵππων.

293Vigneron 1968, pl. 28f (= Anderson 1961, pl. 22B) et p. 78 pour la description.

294Par exemple, Automédon et Alkimos préparent les chevaux d’Achille : « ils leur
passent les belles courroies ; ils leur mettent le mors aux mâchoires ; ils tirent les rênes
en arrière », ἀμφὶ δὲ καλὰ λέπαδν’ ἕσαν, ἐν δὲ χαλινοὺς | γαμφηλῇς ἔβαλον, κατὰ
δ’ἡνία τεῖναν ὀπίσσω (Il. 19, 393-394). Voir Il. 5, 730 ; ESCHL. Pers. 191 (chevaux
qu’on attelle au char) ; AR. Cav. 768.

295Traduction de P. Mazon, ad loc., qui commente : « Les deux pièces, timon et joug,
sont fixées l’une à l’autre par un anneau et une courroie qui fait plusieurs fois le tour du
renflement central du joug. »

296Pluriel de μέσαβον, que Bailly définit comme « le joug et le timon d’un attelage de
bœufs ». Cf. P. Mazon, ad loc., traduit « la clé du joug » en expliquant : « il s’agit d’une
petite cheville qui traverse le joug et le timon » sur laquelle « porte l’effort des bœufs
lorsqu’ils tirent la charrue ».

297Delebecque 1970, p. 77-81.

298Ibid., p. 79 : la selle a peut-être été peinte sur le marbre (voir bibliographie), sans
jamais toutefois avoir connu de traduction sculpturale.

299Ainsi celles que les Perses entassent, pliées ou superposées, sur le dos de leurs
montures, comme il est dit, dans la perspective de critiquer la nonchalance efféminée de
ce peuple, en XEN. Cyr. VIII, 8, 19 : « les Perses ont aujourd’hui sur leur cheval plus
de couvertures que sur leur lit, car ils ne s’inquiètent pas tant de la position à cheval que
de la mollesse du siège », νῦν δὲ στρώματα πλείω ἔχουσιν ἐπὶ τῶν ἵππων ἢ ἐπὶ τῶν
εὐνῶν· οὐ γὰρ τῆς ἱππείας οὕτως ὥσπερ τοῦ μαλακῶς καθῆσθαι ἐπιμέλονται.

300Mais cela n’exclut pas la reprise de termes génériques dans ce traité, puisque
précisément le contexte en éclaire le sens. Voir XEN. Art ch. VII, 6, infra.
301Le nom δέραιον vient de δέρη, le « cou », la « gorge » d’usage poétique (EDG s.v.).
Voir POLL. V, 55 : « les colliers sont un équipement pour les chiens, une courroie large
<disposée> autour du cou, solide, qui a pour autres noms perideraion, perideris »,
κόσμος δὲ κυνῶν δέραια μέν, ἱμᾶς πλατὺς περὶ τῷ τραχήλῳ, στερεός, ὃς καὶ
περιδέραιον καὶ περιδερὶς ὀνομάζεται.

302Mot d’origine pré-grecque, ou à rattacher à κλεΐς, la « clé » (EDG s.v. κλοιός). Par
ailleurs, Reekmans 1996, p. 69, voit dans le terme ἁλύσιον de PCZ IV, 59782a, l. 48
(Ἀττά[λωι] τῶι κυνηγῶι ὥστε τοῖς κυ[σ] ὶν | ἁλύσιον) un collier de chien, mais il s’agit
plutôt d’une chaîne.

303Nous reprenons ici l’argumentaire de Reinach 1928 que nous développons.

304Souda s.v. : « kynouchos : lien qui retient le chien », κυνοῦχος· ὁ τὸν κύνα κρατῶν
δεσμός. « κὤλπαν ἀστλέγιστον ἀχάλκωτόν τε κυνοῦχον ». La confusion s’installe tant
et si bien que même le DELG retient la traduction de « laisse ».

305Emplois développés supra p. 109.

306A.P. VI, 107, 6-7 : épigramme votive de Philippe : un vieux chasseur, Gélon, a
consacré divers objets liés à son activité au dieu Pan : un épieu émoussé, des pans de
filet usé, des collets, « des colliers qui tiennent les chiens (en laisse) en maîtrisant leur
cou », τραχηλοδεσπότας | κλοιοὺς κυνούχους.

307Halm-Tisserant 1998, p. 87 : κλοιός ou κλῳός désigne le carcan, le collier du chien,


le collier de force porté par l’esclave, le collier de figues qui pendait au cou du bouc
émissaire à Athènes.

308Stèle funéraire : athlète accompagné d’un serviteur et de ses chiens, Athènes, v. 360-
350, musée du Louvre Ma 3114.

309À deux reprises, Hérondas emploie dans un sens inédit le mot μῦς pour désigner un
ustensile destiné à l’homme. Qu’il s’agisse d’un objet qui permet de faire taire
quelqu’un est très clair dans un cas : un maître d’école menace son mauvais élève qui ne
cesse de le supplier de lui épargner les châtiments corporels : « Je vais te mettre la
muselière, si tu continues à grogner », πρός σοι βαλέω τὸν μῦν τάχ’, ἢν πλέω γρύξῃς
(HER. III, 85). Il demeure en revanche incertain dans le deuxième passage, où il
apparaît dans une locution de sens inconnu dans la bouche d’une certaine Bitinna, qui,
négligée par son esclave Gastron, l’a fait mener dans une maison de correction et
déclare : « Qu’on le pende par la muselière, c’est tout ce que mérite un Daos [nom d’un
peuple] », κατηρτήσθω | οὕτω κατὰ μυὸς ὥσπερ ἡ Δάου τιμή (HER. V, 68). Les
lexicogaphes ne relèvent pas cet usage du mot et il n’est pas sûr que la menace soit à
prendre comme le témoignage d’un objet ayant réellement existé.

310Le terme ἰλλάς (de εἰλεῖν), relatif à l’idée de « s’enrouler » (EDG s.v. εἰλέω 2), peut
toutefois désigner ici tout aussi bien une corde qu’une courroie. Dans ce passage,
l’élément comparé aux mouvements convulsifs du bœuf est le corps d’un homme qui,
transpercé par une lance, palpite.
311Il. 22, 396-398 : « à l’arrière des deux pieds, il lui perce les tendons entre cheville et
talon ; il y passe des courroies en cuir de bœuf, et il les attache à son char », ἀμφοτέρων
μετόπισθε ποδῶν τέτρηνε τένοντε | ἐς σφυρὸν ἐκ πτέρνης, βοέους δ’ ἐξῆπτεν ἱμάντας, |
ἐκ δίφροιο δ’ ἔδησε.

312Leguilloux 2004a, p. 165.

313Les gouffes de la Mésopotamie actuelle, décrites dans Gansser 1951, p. 1173, sont
des embarcations, utilisées aussi comme bacs ou pontons, en forme de grandes
corbeilles rondes dont l’armature est faite de roseaux, de branches de saule ou de
noisetier, puis recouverte de peaux souvent imperméabilisées par un enduit de goudron :
« On descend l’Euphrate ou le Tigre pour se rendre au marché. On vend parfois les
peaux des gouffes dont on ne remporte que les carcasses pour éviter de tout
transporter. »

314De συσπάω : « tirer ensemble », d’où « fermer, resserrer, replier ». Le traducteur de


la CUF interprète comme suit : « ils cousaient ensemble ».

315Asso 2010, ad loc., reconnaît dans ces embarcations les coracles du Pays de Galles
et renvoie à ISID. Orig. 19, 1, 6 (carabus, parua scapha, ex uimine facta, quae contexta
crudo corio genus nauigii praebet, « carabus, petite embarcation, faite à partir d’osier
qui, assemblé à des peaux fraîches, offre une sorte de bateau », trad. perso.) ;
ces carabi étaient encore utilisés en Italie au VIIe siècle apr. J.-C. Voir également
Leguilloux 2004a, p. 165-166, pour l’évolution de ce type d’embarcation ; Cullin-
Mingaud 2010, p. 221-223, avec fig. 243 (reproduction d’un coracle), qui renvoie à tous
ces textes.

316Gansser 1951, p. 1173 : les keleks consistent en des radeaux d’outres gonflées,
assemblées, puis « surmontées de traverses pour former un plancher afin de franchir les
eaux fluviales en période sèche, donc peu profondes ».

317Plutarque et Quinte-Curce recourent à des formulations plus implicites : pour celui-


ci, c’est dans des radeaux instables (instabiles rates) que les troupes traversent le fleuve
large de quatre stades, au lit profond et torrentiel (Q.C. VIII, 13) ; pour celui-là, après
avoir traversé, les hommes abandonnent leurs « radeaux » (τὰς σχεδίας) »
(PLUT. Alex. 60, 7).

318Ces peaux (de caprins plutôt que de bovins) peuvent être celles des tentes ou celles
qu’une armée prévoit dans son équipement pour tous les besoins que nous recensons
dans ce chapitre, particulièrement dans la partie « armement ».

319Voir Kassab 1986, p. 309-315 : diverses interprétations ont été données : le satyre
planerait dans les airs ; il s’appuierait sur l’outre pour en faire jaillir du vin ; il jouerait à
l’askoliasmos et viendrait de glisser (pour ce jeu, voir supra p. 104-106). Mais c’est
l’hypothèse que nous reprenons ici qui paraît la plus vraisemblable, et l’auteur renvoie à
un passage des Dionysiaques de Nonnos de Panopolis composées entre 450 et 470
(NON. Dion. XXIII, 147-150) où les troupes de Dionysos traversent l’Hydaspe sur des
embarcations de fortune, notamment des outres remplies d’air : « Et une armée de
belliqueux fantassins, faute d’embarcations, gonflèrent des outres en y insufflant un
vent factice afin de passer l’Hydaspe indien sur ces peaux rebondies : les outres
voguent, grossies des souffles enfermés en leur sein », ἀσκοῖς οἰδαλέοισι χέων ποιητὸν
ἀήτην,| δέρματι φυσαλέῳ διεμέτρεεν Ἰνδὸν Ὑδάσπην,| ἐνδομύχων δ’ἀνέμων ἐγκύμονες
ἔπλεον ἀσκοί.

320Une tête en terre cuite d’Alexandrie, trouvée dans la nécropole d’Hadra, est sortie
du même moule que celle du Satyre à l’outre du Musée du Caire (terre cuite avec traces
de polychromie, provenant des environs de Rosette : Le Caire, Musée égyptien, CG
26752-JE 6102). Voir Grimal et al. 1998, p. 268, no 211 (M.-F. Boussac).

321Louvre G92 (S 1606), Beazley ARV2, p. 134. Reproduite dans Kassab 1986, p. 312,
fig. 7.

322Le tolet est la tige en fer ou en bois, le taquet que l’on enfonce de la moitié de sa
longueur sur le plat-bord d’une embarcation, destiné à retenir un aviron pendant sa
nage.

323C’est ce qui arrive aux compagnons d’Ulysse, saisis de peur en entendant un bruit
sourd sur les flots à l’approche de Scylla : « La peur saisit mes gens : envolées de leurs
mains, les rames en claquant tombent au fil de l’eau ; le vaisseau reste en place, les bras
ne tirant plus sur les rames polies » (Od. 12, 203-205) ; Ulysse parvient à les réconforter
mais évite de parler explicitement de Scylla, car « [s] es gens saisis de peur pouvaient
lâcher les rames pour se blottir en tas dans le fond du vaisseau » (Od. 12, 224-225 ; trad.
V. Bérard).

324Voir la rubrique suivante. Cf. Casson 1971, p. 87, n. 52. On notera que le scholiaste
avait déjà formulé une telle remarque sur l’emploi ici inapproprié du terme : Sch.
Ach. 97a (I) [vet], ἄσκωμα δὲ, ὁ ἱμὰς ὁ συνέχων τὴν κώπην πρὸς τῷ σκαλμῷ,
« l’askoma est la courroie qui maintient la rame au tolet ».

325Hypothèse émise par Morrisson, Williams 1968, p. 283-284.

326Comme le remarque Gomme 1956, p. 238, l’utilisation du coussin ou d’un petit


matelas sur le banc des rameurs sert peutêtre moins à leur assurer un certain confort (et
leur éviter les frottements contre le banc, cf. scholie 157, 22-23 Hude : τὸ κῶας ᾧ
ἐπικάθηνται οἱ ἐρέσσοντες, διὰ τὸ μὴ συντρίβεσθαι αὐτῶν τὰς πυγάς, « la natte sur
laquelle s’assoient ceux qui vont ramer, afin de ne pas se frotter les flancs ») qu’à les
empêcher de glisser sur le banc, particulièrement lorsque la cadence est maximale.

327On trouve ce dispositif de dame sur l’épave C de Pise (navire fluvial de 14 m de


long, à six bancs de rameurs), de la fin de la période augusto-tibérienne : dans le
bordage supérieur, des ouvertures sont pratiquées pour servir de points d’appui aux
rames ; elles devaient être gainées de cuir (voir le point suivant sur les askômata).
L’ouverture est pratiquée de manière à ménager une tige verticale à laquelle on pouvait
attacher la courroie de la rame. Voir Camilli, Setari 2005, p. 49. Nous remercions G.
Boetto, du Centre Camille Jullian, qui nous a communiqué ces documents.

328Voir l’édition d’Arnold 1847.

329Gomme 1956, p. 238.


330C’est l’opinion de Fantasia 2003, ad. loc., p. 571-572. Pour une reconstitution du
système, voir Morrisson, Coates, Rankov 2000, p. 135 (coussin) et p. 161 (illustration
des rames et de deux rangs inférieurs à courroies).

331Cette relation est rappelée sur le cartel du musée, trop endommagé toutefois pour
fournir un numéro d’inventaire. Le bloc a été trouvé dans la région d’Agiôn Apostolôn à
Mytilène.

332Sur les lanières pour le pugilat et cet épisode, voir infra p. 123-126.

333Cf. Morrisson, Williams 1968, p. 283-284, textes grecs p. 286-288.

334Les lexicographes ne nous apprennent rien de plus : POLL. I, 88 : δι’ ὧν δὲ


διείρεται ἡ κώπη τρήματα· τὸ δὲ πρὸς αὐτῷ τῷ σκαλμῷ δέρμα ἄσκωμα ; Souda s.v. : τὰ
ἐν ταῖς κώπαις σκεπαστήρια ἐκ δέρματος, οἷς χρῶνται ἐν ταῖς τριήρεσι, καθ’ ὃ τρῆμα ἡ
κώπη βάλλεται ; E.M. s.v. : τὰ δέρματα τὰ ἐπιρραπτόμενα ταῖς κώπαις ἐν ταῖς τριήρεσι,
διὰ τὸ μὴ εἰσφρεῖν τὸ θαλάσσιον ὕδωρ.

335Ce qui revient, si l’on compte 52 askomata (deux fois 26 avirons de thalamites), à 5
oboles l’unité (Morrisson, Coates, Rankov 2000, ad loc.).

336« Since there were only some 18 inches or so above the waterline, a leather bag
(askoma) fitted snugly about the oar and its opening to keep out the sea ; in any sort of
chop, the thalamite oars were no doubt secured ans the bags sealed », lit-on encore
dans Casson 1971, p. 83.

337Cf. Taillardat 1965, p. 65-66, § 77, pour le commentaire de la métaphore et une


proposition de mise en scène du passage : « L’ambassadeur perse arrive sur le théâtre,
affublé d’un masque grotesque : il n’a qu’un œil, mais un œil énorme qui couvre tout le
visage et sous lequel pend un éventail de cuir figurant l’appareil magniique d’une barbe
orientale. »

338IG II2 1604, 68 (377/376 av. J.-C.) : ἀντὶ τ] ούτο ἀκάτειός ἐστιν· ὀφθαλμὸς
κατέαγεν· ἀδόκιμοι κῶπαι. Pour le commentaire sur ces listes, voir Morrisson, Williams
1968, p. 286-288.

339Le même texte connaît des lacunes variables selon les lignes. Les références
données par Morrisson, Williams 1968, p. 286-288, sont erronées : il faut
lire IG II2 1606 (de 374/373 av. J.-C.) et non 1607.

340Bibliographie sur l’œil de la proue et, plus globalement, sur les navires grecs par
Carlson 2009, notamment p. 363-365.

341Ruvo, palazzo Jatta, inv. 1501 ; Beazley ARV 1338/I. Reproduit dans Morrisson,
Williams 1968, pl. 26a ; avec restitution des rames et du sabord gainé dans Casson
1994, fig. 53.

342Le singulier ὅπλον renvoie plus précisément à une corde : cela est évident
en Od. 21, 390, où « un cordage de papyrus <tressé>, amarre de navire » (ὅπλον νεὸς
[...] βύβλινον) permet à Eumée de fermer les deux barres du portail de la cour ; il doit en
être de même lorsqu’Ulysse, dans son récit mensonger, prétend s’être fait attacher
solidement de plusieurs tours de corde par les marins malintentionnés (Od. 14, 346 : ἐμὲ
κατέδησαν [...] | ὅπλῳ εὐστρεφέι στερεῶς).

343Les marins s’exécutent : « ils détachèrent les courroies et carguèrent les voiles »,
ἱστία μὲν κάθεσαν, λῦσαν δὲ βοείας (Hymn. Ap. I, 503).

344Le terme ἀγκύλη mentionné plus haut pour désigner la « courroie d’un javelot » se
rencontre dans un vers d’Iphigénie en Tauride pour désigner des « amarres », des
« nœuds coulants » qui doivent servir à retenir une embarcation. Le Messager fait le
récit à Thoas de la fuite d’Oreste, qui emporte sa sœur et le Palladion à bord d’un navire
et que Poséidon repousse vers la côte : « parmi nous, les uns s’élançaient dans la mer, et
d’autres essayaient d’accrocher des lacets », ἄλλος δὲ πλεκτὰς ἐξανῆπτεν ἀγκύλας
(EUR. Iph. T. 1408). Rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit ici de cuir, comme cela est
parfois traduit.

345Nous remercions chaleureusement P. Pomey, du Centre Camille Jullian, pour ses


nombreuses explications techniques et pour nous avoir transmis cette dernière
interprétation, avec accord de diffusion, de la glose d’Hésychius.

346Sur ce passage relatif à l’utilisation des himantes et de ceintures dans des scènes de
pugilat et de lutte chez Homère, voir Visa-Ondarçuhu 1999, p. 29-31.

347Sur cette ceinture (zoma) qu’Ulysse, dans le défique lui lance le mendiant Iros,
improvise en roulant ses guenilles en haut de ses cuisses (Od. 18, 30-114, notamment
v. 67 : ζώσατο μὲν ῥάκεσιν περὶ μήδεα), voir Visa-Ondarçuhu 1999, p. 29-30,
particulièrement les rappels bibliographiques sur l’interprétation de la fonction d’une
telle ceinture, p. 29, n. 1. L’auteur, qui propose d’y voir une ceinture qui facilite les
prises (avec cette restriction que cela est valable pour la lutte mais pas pour le pugilat),
conclut qu’il s’agit peut-être d’un équivalent du suspensoir qui protège les organes
génitaux.

348Ulysse, dans son combat contre Iros (voir n. précéd.), ne s’en équipe pas car il ne
dispose pas alors de courroie.

349Outre la gestuelle du combat très remarquable, où les pugilistes tantôt lèvent les
mains pour se protéger, tantôt se dressent pour attaquer en frappant le visage de l’autre.
Parmi les nombreuses images représentant ces himantes pugilistiques, nous renvoyons à
Visa-Ondarçuhu 1999, le fragment de stèle funéraire en marbre P 1054 (v. 50) du musée
du Céramique d’Athènes reproduit dans son ouvrage, p. 95, pl. IV.

350Scanlon 1983 (avec insistance sur le terme μύρμηξ, plus tardif ; voir infra p. 126).

351Eustathe (1324, 17) commentant notre passage de l’Iliade explique que « les
courroies des pugilistes participent en quelque chose aux blessures » (trad. perso.), οἱ δὲ
τῶν πυγμάχων ἱμάντες [...] συνεργαζόμενοί τι ταῖς πληγαῖς.

352Voir, par exemple, la main de statue de pugiliste du Musée archéologique de Bari,


inv. 3577, datée d’après le modèle du gant, publiée dans Stampolidis, Tassoulas 2004,
p. 278, no 208. L’auteur de la notice voit même dans les deux bandes enroulées autour
du poignet « une double épaisseur de fourrure » (?).

353Robert 1968, p. 211-212.

354Le verbe λέπω signifie ici « enlever la peau » à force de coups de la part des
boxeurs, avec une équivoque obscène. Cf. les sens figurés de δέρειν signalés en
Annexe 4.

355Athénée cite des vers des Boxeurs de Timoclès (IVe siècle av. J.-C.).

356Nous tirons ces informations et analyses de Visa-Ondarçuhu 1999 (qui comporte


deux erreurs de références : lire Rég. II, 64, 3 au lieu de III, 64, 2, et Rég. III, 81, 3 au
lieu de III, 79, 3).

357Cf. d’autres médecins comme Arétée de Cappadoce, Galien ; dans le domaine de la


danse : LUC. Danse 78.

358Outre le passage déjà cité, on lit en Rég. III, 78, 3 que les patients qui ont la chair
ferme sécrètent abondamment et finissent par étouffer et vomir, et qu’ils doivent faire
entre autres exercices « un peu de lutte et de la lutte à la main (cette dernière et la lutte
au ballon sont plus utiles) », πάλῃ ὀλίγῃ, ἀκροχειρισμοῖσιν (ἀκροχείρισις καὶ
κωρυκομαχίη συμφορώτερον) ; en Rég. III, 81, 3, pour les patients qui perdent l’appétit,
ont le ventre ulcéré, entre autres exercices, « la lutte à la main, les mouvements des bras,
la lutte au ballon et la lutte au sol conviennent, mais il n’en faut pas beaucoup »,
ἀκροχειρισμός δὲ καὶ χειρονομίη καὶ κωρυκομαχίη καὶ ἀλίνδησις ἐπιτηδείη μὴ πολλή.

359Insc. Priene no 112, l. 72 (année 84 av. J.-C.).

360Saint-Pétersbourg, musée de l’Hermitage, B1621. Cf. Mitchell 2009, p. 240, fig.


122.

361Lissarrague 1987.

362Voir Henderson 1991, p. 127, no 88, qui renvoie à la définition de E.M. 549.27 :
κύων· τὸ κάτω τῆς πόσθης συμπεφυκὸς τῷ δέρματι, « kuôn : la partie supérieure du
prépuce qui s’unit avec la peau » (le frein), et cite le fragment de Platon le Comique
174.16 K., κυνί τε καὶ κυνηγέταιν, « chien et meneurs de chien [au duel] », pour
désigner le phallus et les testicules.

363Ἡ πόσθη est définie juste auparavant comme « la peau qui recouvre l’urêtre ».

364Passage difficile. Nous gardons volontairement une traduction littérale ;


ἀσχημονεῖν : « être malséant, faire honte à quelqu’un ».

365Autres exemples dans Lissarrague 1987, avec illustrations. L’auteur précise que « le
plus souvent, les peintres se contentent d’indiquer par une spirale que le sexe est ainsi
maintenu ».

366Voir aussi Thuillier 1985, p. 396-398.


367Par exemple, selon Lissarrague 1987, Naples 2608 ; ARV2 817(8). Voir encore
Thuillier 1985, p. 396-398.

368Hodges 2001, p. 378-379. Même remarque chez Lissarrague 1987, p. 71, qui
renvoie à Dingwall 1925, p. 74-76.

369Exemple dans Stampolidis, Tassoulas 2004, p. 137, no 55 (tondo de kylix de 480-


470, Tarquinia, conservée à Rome au musée du Capitole, inv. MAI26).

370Kapetanaki 1973, p. 277 (contexte), 281 (notice), 282, fig. 11β (cliché).

371Le papyrus, provenant d’une momie de crocodile, est endommagé et le texte qu’on y
lit très abrégé.

372Voir l’édition de Verhoogt 2005, p. 58, et p. 148-149 pour le commentaire. Sur


σπάθη, « lame de bois ou de métal », ou toute partie d’objet de la forme d’une tige ayant
une partie plate qui peut être tranchante (épée, fil de rasoir, crochet de hameçon, feuille
de palmier, spatule…), cf. LSJ. Pour l’éditeur du texte, la traduction par « grattoir » est
suggérée par un texte des archives de Zénon, qui liste différents instruments pour le soin
des chevaux (PSI IV 430, 6). Voir aussi POLL. I, 185 : « l’objet de bois servant à
nettoyer le crin des chevaux, de la forme d’une plume, a pour nom spathê », τὸ μὲν
ἐκκαθαῖρον τὴν τρίχα πτερῷ ἐοικὸς ξύλον σπάθη.

373On trouve ainsi d’autres métaphores : les « athlètes-lions », « athlètes-aigles »


(PHILOST. Gymn. 37) et les « athlètes-ours » (PHILOST. Gymn. 40).

374ὑγρός : « humide », mais aussi « mou », « flexible » en parlant du corps (ARIST.,


XEN.).

375Taillardat 1965, p. 230, § 412 et n. 2 : « ces images paraissent appartenir à la langue


populaire » et ne se trouvent que chez Aristophane ; Aristide (IIe siècle) Or. 34 (50), 61
l’imite peut-être. Lucien emploie τροπομάσθλης (LUC. Pseudol. 24).

376Mot intraduisible.

377Nous empruntons la scholie et la traduction à Lafargue 2013, p. 107, 261, n. 192,


qui rattache ces métaphores exprimant l’idée d’une « manipulation politique » à celles
relatives au travailleur du cuir qui « coud des intrigues ». Cf. la figure de
Cléon, infra p. 164-165.

378LUC. Dial. Dieux 223-224 et PHILOST. J. Gal. I, 10 (Amphion). Ces deux textes
ne parlent à aucun moment d’une peau tendue sur la carapace. Hésychius mentionne le
terme ἀστέλεφος pour désigner la « peau qui entoure la lyre », τὸ περὶ τὴν κιθάραν
δέρμα, mais on peut tout aussi bien y voir un étui pour l’instrument (HESYCH. s.v. ;
nous traduisons κιθάρα par « lyre » plutôt que par « cithare », dont la caisse est en bois).
Voir aussi le non moins obscur ἀστελοφοῦν, « <tendre> la peau vers les extrémités »,
δέρμα τὸ εἰς τὰ ἄκρα (HESYCH. s.v.).

379Voir Bélis 1985 pour l’ensemble du dossier philologique.


380Sur ce mécanisme, voir Bélis 1985, p. 216-219 notamment.

381Voir Bélis 1985, p. 217-219, pour cette évolution ; notamment p. 218, fig. 7, schéma
des kollopes d’après le lécythe à figures noires du Peintre d’Athéna (fin du VIe siècle) du
British Museum, B 651, où l’on voit une Sirène tenir une lyre à six cordes enroulées sur
des « tampons en forme de boules ». Voir aussi Monbrun 2006, p. 334, fig. 5a (pélikè
attique à figures rouges, v. 475, Bâle, Münzen und Medallien) : « un concurrent
d’épreuve de citharodie fait tourner certains kollopes sur le joug, entre le pouce et les
trois premiers doigts de la main droite pour amener les cordes à la tension désirée » ;
p. 335, fig. 5b (pélikè apulienne à figures rouges, v. 350-330, Genève, collection
Chamay, 16-57) : Apollon « accomplit le même geste tout en vérifiant la justesse de la
corde en la pinçant » (d’après Paquette 1984, p. 127, fig. C49).

382Bélis 1985, p. 219 et fig. 18-19 : « la corde est enroulée en croix ou en 8 autour de la
pièce de bois ou de métal ».

383Voir p. 86, n. 1 (CUF) ; voir aussi Cunningham 1971, p. 168.

384Autre exemple avec l’amphore attique à figures rouges (face A) du Museum of Fine
Arts de Boston, 26.61, du Peintre de Byrgos, v. 490-470.

385Cunningham 1971, ad loc., p. 168 ; Zanker 2009, p. 174-175. Sur le godemiché,


voir infra p. 143-146.

386LUC. Dion. 1 et 4 (supra p. 62). Inversement, chez Eschyle, le bouclier peut se


transformer en un terrifiant tambourin sous lequel « des cloches de bronze sonnent
l’épouvante » (ESCHL. Sept Th., 385-386). Cf. Sauzeau 2007, p. 23.

387Voir le cratère en cloche attique à figures rouges (Cambridge, Harvard, University


Art Museums, 1960.343, face A, v. 440-430) : membre d’un trio dionysiaque,
accompagnée d’un silène jouant de l’aulos et de Dionysos couronné et portant le thyrse,
une Ménade tient d’une main un tambourin par l’une des deux poignées fixées de
manière diamétralement opposée sur l’armature qui doit être de bois ; elle exécute une
danse qu’elle rythme en frappant la peau tendue de l’instrument avec l’autre main.

388Aristophane fournit la seule attestation d’un aulète portant une phorbeia, exerçant
son art dans un tribunal, mais cette intervention demeure anecdotique : « Un joueur de
flûte [ayant gagné sa cause] met sa phorbeia [pour récompense] et joue une sortie » aux
dicastes au moment où ils se retirent, αὐληστής... | ἐν φορβειᾷ... ἔξοδον ηὔλησ<ε>
(AR. Gu. 581-582).

389Voir Bélis 1986, dont nous résumons ici la teneur et qui fournit un grand nombre de
représentations figurées ainsi que l’ensemble des textes et leurs traductions que nous
reprenons ici (mais avec notre système de référençage pour les scholies).

390περιστόμιον : PLUT. Cont. Col. 456B (infra n. 393) ; ἐπιστομίζειν :


PLUT. Prop. VII, 8, 713D (Marsias « s’est lui-même fermé la bouche avec sa muselière
et ses flûtes », φορβειᾷ καὶ αὐλοῖς ἐπιστομίσας ἑαυτόν) et POLL. Prop. VIII, 154 dans
une liste, sans glose ; HESYCH. définit la καταστομίς comme « une partie de
l’aulos, l’embouchure », μέρος τι τοῦ αὐλοῦ. τὸ ἐνόλμιον, mais on peut le comprendre
comme la partie de la phorbeia dans laquelle l’embouchure de l’aulos vient se ficher.

391Bélis 1986, fig. 8 : détail de la phorbeia tenue en main par un aulète, sur un cratère
à volutes du Musée national de Tarente (IG 8263), v. 425.

392Bélis 1986, fig. 7 : fragment de kylix, Musée archéologique de Florence, PD 265,


v. 480. On notera la façon dont la plissure de la bande de cuir sur les côtés, en raison de
la traction exercée, est figurée par un trait.

393PLUT. Cont. Col. 456B : « Marsyas, à ce qu’il semble, par le moyen de la phorbeia
et de sa muselière réfréna la violence de son soufle et tâcha de remédier à la
déformation de son visage et de la dissimuler », ὁ Μαρσύας, ὡς ἔοικε, φορβειᾷ τινι καὶ
περιστομίοις τοῦ πνεύματος τὸ ῥαγδαῖον ἐγκαθεῖρξε καὶ τοῦ προσώπου κατεκόσμησε
καὶ ἀπέκρυψε τὴν ἀνωμαλίαν. Sur la déformation du visage et, conséquemment, le rejet
de l’aulos par Alcibiade ou Athéna, voir PLUT. Alc. 2, 5 (« quand un homme soufle
dans une lûte avec sa bouche, ses familiers eux-mêmes ont grand’peine à reconnaître ses
traits », αὐλοὺς φυσῶντος ἀνθρώπου στόματι καὶ τοὺς συνήθεις ἂν πάνυ μόλις
διαγνῶναι τὸ πρόσωπον) ; OV. A.A. III, 505-506 et Fast. VI, 699-700 (« alors que mon
visage se relétait dans une eau limpide, j’ai vu se gonler mes joues de jeune
fille », virgineas intumuisse genas). Pour une comparaison entre les philosophes
enlammés et les aulètes, voir LUC. Double Acc. 11. Cf. Bélis 1986, p. 210-211.

394Sch. (D) Gu. 582b : « Les phorbeiai sont des bandes de cuir qui s’attachent autour
de la bouche des aulètes ain que le soufle soit émis de façon régulière et rende plus
agréable la sonorité de l’aulos », φορβειαί εἰσι τὰ δέρματα τὰ περὶ τὸ στόμα τῶν
αὐλητῶν προσδεσμευόμενα, ὅπως ἂν σύμμετρον τὸ πνεῦμα πεμπόμενον ἡδεῖαν τὴν
φωνὴν τοῦ αὐλοῦ ποιήσῃ.

395Bélis 1986, p. 211 : les lèvres de l’aulète serrent fortement les anches qui sont
enfoncées dans sa bouche, ce qui l’empêche de respirer par cet endroit. De plus, les
instruments à vent munis d’une anche « demandent une dépense de soufle
considérable » (p. 209).

396Bélis 1986, p. 211-212. Nous soulignons.

397Autres exemples : tondo de coupe à figures rouges (Boston, Museum of Fine Arts,
95.27, v. 500-480) ; tondo de coupe attique à figures rouges (Boston, Museum of Fine
Arts, 01.801, v. 510-500) ; etc.

398Cf. Sch. (R) Thesm. 1197 : τὸ συβίνη· τὴν τοξοθήκην; συβήνη ἡ αὐλοθήκη· λέγουσι
δὲ καὶ τὸν φαρετρεῶνα συβήνην, « sybinê : étui pour l’arc ; sybênê <désigne> l’étui à
aulos ; mais on appelle aussi sybênê le carquois ».

399CIA 1, 170, 19 = Syll.2 586, 75 (422-419 av. J.-C) : ἐν ἑτέρωι κιβωτίωι· συβήνη
ἐλεφαντίνη κατάχρυσος « dans un autre coffre, une sybênê en ivoire plaquée d’or ». De
nombreuses sybênai, boîtes en ivoire, avec ou sans placage d’or, sont répertoriées dans
les offrandes du corpus IG II2, sans qu’on puisse toujours déterminer s’il s’agit d’un étui
à aulos ou d’un carquois, même si ce dernier sens semble préférable (par ex. : συβήνη
ἄχρυσος ἐλεφαντίνη ἄχρηστος, « en ivoire, sans or, non utilisée » dans IG II2 1447 et
1451 (consacrées à Artémis Brauronia, donc des carquois) ; 1450 ; συβήνη ἐλεφαντίνη
ἐπίχρυσος, « en ivoire recouvert d’or » dans IG II2 1377 et 1394 (à Artémis Brauronia) ;
1421 ; 1424a ; etc.).

400Références dans Lissarrague 2013, p. 289, et Mitchell 2009, p. 168-170, et fig. 82


(assiette attique à figures rouges, Paris, Cabinet des médailles 509, de Vulci, signé
Épiktetos, 520-490).

401συρβηνεύς· Κρατῖνος ἐν Θρᾴτταις (fr. 89 K.-A., vol. IV, p. 166 = fr. 84 K.). ἤτοι
(α)ὐλητής· σύρβη γὰρ ἡ αὐλοθήκη. ἢ ταραχώδης, « Syrbêneus : <utilisé par> Cratinos
dans Les femmes thraces. Ou encore <avec le sens d’>“aulète”. En
effet, syrbê <désigne> l’étui à aulos. Ou encore <a le sens de> “désordonné” » (trad.
perso).

402À la base de ce terme, Perpillou 1973, § 80, pose un adjectif συβηρνός dérivé de
σύρβη (τύρβη), qui qualiie un jeu discordant ou arythmique. L’adjectif se trouve dans
l’expression proverbiale συρβηνὸς χορός, qualifiant un chœur mal réglé ; voir ATH.
XV, 669b, 671c, 697f pour ὁ τῶν συρβηνέων χορός : « le chœur de bafouilleurs
braillards ».

403Perpillou 1973, § 88.

404Une boîte rigide, vraisemblablement en bois, permettait également de ranger à part


et de manière sûre les anches : les auteurs la
nomment glôssokomon ou glôttokomeion. Cf. POLL. VII, 153 : τὸ μὲν ἀγγεῖον τὸ τὰς
γλώττας ἔχον γλωττοκομεῖον, ἡ δὲ τῶν αὐλῶν θήκη συβήνη, « la boîte qui contient les
anches <se nomme> glôttokomeion, alors que l’étui à aulos <a pour nom> sybênê. »

405« Comme dans ARIST. Probl. XIX, 18, 39, le verbe magadizein signifie “jouer à
l’octave” : lorsque la main droite jouait un air sur cet instrument, la gauche marquait la
mesure à l’octave inférieur » (note de la CUF, p. 142).

406Caussain-Damas 2012, p. 193.

407Voir supra p. 88.

408Sur la façon dont sont placées ces baguettes (une paire en dedans, l’autre en dehors
des malléoles, soit l’une au-dessus et l’autre en dessous si l’on considère le membre
allongé, de l’avis de Pétrequin, ou les unes au-dessus des autres au-dessous de chaque
malléole pour Littré), voir Caussain-Damas 2012, p. 200-201, avec discussion.

409Littré donne un schéma de cet appareil dans son édition, vol. III, p. 519.
Actuellement, cette traction continue sur attelle de Boppe n’est plus utilisée que comme
traitement d’attente du traitement définitif. Voir Caussain-Damas 2012, p. 200-201.

410Voir Caussain-Damas 2012, p. 232. Nous modifions ici quelque peu le texte et la
traduction de Littré (εὐμενέστερον γὰρ κόλλῃ, « plus doux à la peau et avec de la
colle »), et adoptons la leçon retenue dans l’édition Loeb (1927).
411Le terme λοπός désigne une fine couche de peau (une pelure de fruit, une peau
d’animal qui mue, une peau qui pèle suite à une maladie).

412Sur ces balles, voir infra p. 150-151.

413Par ex., HIPPO. III, 475 (Litt.) = Fract. 16 : « Le membre sera posé sur quelque
chose d’égal et de mou, de manière qu’il ne s’infléchisse [...]. Ce qui convient le mieux,
c’est de mettre sous la jambe un coussin de lin ou de laine, non dur, où l’on fera un
creux longitudinal dans le milieu », καταθεῖναι ἐφ’ ὁμαλοῦ τινος καὶ μαλθακοῦ, ὥστε
μὴ διεστράφθαι [...] μάλιστα δὲ ξυμφέρει προσκεφάλαιον, ἢ λίνεον, ἢ ἐρίνεον, μὴ
σληρόν, λαπαρὸν μέσον κατὰ μῆκος ποιήσαντα.

414Pour ces exemples et le terme ἀσκός (σκύτινος) dans la Collection


hippocratique, voir Villard, Blondé 1992, notamment p. 99-101).

415Voir supra p. 109 l’emploi de « bourses » (μαρσίππια) dans le même but


(HIPPO. Mal. Aig. XXI, 3). Sur les fomentations au moyen de petites outres de cuir,
voir Villard, Blondé 1992, p. 100.

416Cf. HIPPO. VII, 156 (Litt.) = Mal. III, 16.

417Il semble que pour des invités de prestige les peaux soient systématiquement
remplacées par des couvertures et des tapis ouvrés par les gens de la maison : ainsi,
Achille fait préparer une couche pour Priam et ordonne à ses compagnons et ses
captives de mettre un lit (δέμνι<α>) sous le porche, « d’y déposer de beaux draps teints
en pourpre (ῥήγεα καλὰ πορφύρε<α>), d’étendre des tapis (τάπητας) dessus et de mettre
sur le tout des manteaux de laine (χλαίνας οὔλας) dont il puisse s’envelopper » (Il. 24,
644-646) ; de la même façon, Hélène fait préparer le lit de Télémaque et Arété celui
d’Ulysse (Od. 4, 297-299 = 7, 336-338).

418La couche rudimentaire du pauvre, de l’esclave, voire du soldat, est un tas de foin,
de branches ou de feuillage (AR. Pl. 541-542 : « en guise de lit, une litière de joncs
pleine de punaises », ἀντὶ δὲ κλίνης | στιβάδα σχοίνων κόρεων μεστήν ; 663 : στιβάδα).

419Voir encore Od. 20, 95 : Ulysse, entendant Pénélope pleurer, s’imagine qu’elle se
tient près de lui, l’ayant reconnu, « rassemblant le manteau et toutes les toisons de sa
couche », χλαῖναν μὲν συνελὼν καὶ κώεα, τοῖσιν ἐνεῦδεν ; Od. 20, 141-143 : Euryclée
évoque comment l’hôte misérable a passé la nuit précédente : « pour dormir il n’a voulu
ni lit ni couvertures, rien qu’une fraîche peau de bœuf et des peaux de moutons, là, dans
l’entrée, et nous l’avons recouvert d’une cape », οὐκ ἔθελ’ἐν λέκτροισι καὶ ἐν ῥήγεσσι
καθεύδειν,| ἀλλ’ ἐν ἀδεψήτῳ βοέῃ καὶ κώεσιν οἰῶν | ἔδραθ’ ἐνὶ προδόμῳ· χλαῖναν δ’
ἐπιέσσαμεν ἡμεῖς.

420Voir supra p. 81.

421Il faut ainsi comprendre l’allusion du Chœur qui insulte Cléon de la sorte : « Si je ne
te hais, que je devienne toison chez Cratinos » (i.e. « s’il n’est pas vrai que je te hais, je
consens à recevoir l’outrage d’être mouillé par l’urine de cet ivrogne de Cratinos »), εἴ
σε μὴ μισῶ, γενοίμην ἐν Κρατίνου κῴδιον.
422Reekmans 1996, p. 32 : achetées pour un médecin (PCZ IV, 59571, l. 7-12), mises
en gage (P.Lond. VII, 2006, l. 17-27), elles apparaissent surtout dans des listes de
provisions (PCZ IV, 59777, l. 3 ; PSI IV, 391b, l. 32 ; PSI VII, 858, l. 2).

423Par exemple, sur un cratère lucanien à figures rouges (Paris, musée du Louvre,
K518, v. 350-300), Hermès et Nikè entourent Héraklès assis sur un tabouret recouvert
de la léontê, utilisée ici à une autre fin que celle de le protéger. Le peintre fait en sorte
de dissimuler les pieds du siège que les pattes du lion viennent épouser.

424Voir supra p. 19.

425V. Bérard traduit par le pluriel ce qu’il considère comme un singulier collectif. Voir
aussi Van Effenterre 1941 : l’auteur trouve un parallèle non dans l’iconographie, où les
sommiers sont occultés par les représentations de tapis et de coussins qui recouvrent le
lit, mais dans deux larnakes (sarcophages rectangulaires en terre cuite) trouvés à Olonte
en 1937 (sépultures 4 et 9 de la nécropole du XIIe siècle av. J.-C. dans l’isthme de
Spinalonga, constituée d’une soixantaine de tombes dans des creux de rochers), qui
présentent, à 30 cm du fond de la cuve quadrangulaire et dans le sens de la largeur,
quatre bandes de terre cuite parallèles, d’une vingtaine de centimètres de large. S’il
s’agit pour l’auteur d’un dispositif symbolique, permettant de coucher « comme sur les
sangles d’un lit funèbre » le mort, et pragmatique, permettant de ralentir la putréfaction
du corps en l’isolant du fond de la cuve, leur disposition doit aussi être conforme au
sommier utilisé alors dans la vie quotidienne. On peut cependant tout aussi bien voir
dans les bandes de terre cuite l’imitation de lattes de bois, si ces éléments sont bel et
bien réalistes.

426Pour l’usage du mot concernant les couches dans les « Stèles attiques », cf.
Andrianou 2009, p. 32 : οἱ τόνοι : « interlacing, cords ».

427Notons déjà, dans cette occurrence, une allusion à la couleur rouge du membre de
cuir.

428Nous ne conservons pas la correction σκυτίον portée aux manuscrits et qu’adopte la


CUF (pour des raisons métriques ?), et qui n’est pas non plus la leçon qu’en retient
Hésychius (infra).

429Perrone 2013, p. 142 (texte traduit) et p. 144 (commentaire). Pour la réédition


récente du papyrus P. Berol 13927, voir Perrone 2011.

430Voir Piqueux 2005. Deux positions s’affrontent en réalité : pour Taplin 1993, ces
vases reflètent en majorité des comédies attiques et pour certains des comédies
anciennes ; selon Trendall 1967, ces vases sont le reflet des comédies italiotes
influencées par le théâtre attique.

431Moretti 2001, p. 149-150 ; voir également p. 151, au sujet du cratère en calice


attique à figures rouges (v. 415-400) donné ici en fig. 29 ; p. 147, au sujet des acteurs
déguisés en satyres, portant une « culotte de peau dotée d’un phallus postiche dressé et
d’une queue de cheval », du cratère à volutes attique du Peintre de Pronomos (Naples,
Musée archéologique national 3240, face A, v. 410). Voir encore le cratère à figures
rouges produit à Tarente v. 380, où étaient jouées les comédies anciennes, de la
collection privée Fleischman (New York, F93), montrant trois acteurs jouant sur des
tréteaux de bois portant une tunique courte d’où pend le sexe.

432Tarente, Musée national 20353, dans Trendall 1967, no 136.

433Voir, par exemple, Piqueux 2013, p. 59 et fig. 3 (Héraclès), fig. 4 (un voyageur), fig.
10 (un homme libre), fig. 11 (un kinaidos, « débauché »), fig. 12 (un esclave)...

434SAP. 99, 1, 5 dans Lobel, Page 1955, p. 82-83, donné ALC. fr. 303A Voigt, 1971,
p. 281 ; AR. fr. 332, 13 K.-A., vol. III. 2, p. 187 = fr. 320.13 K. ; SOPHR. fr. 23 K.-
A., vol. I, p. 205 = fr. 24 K. ; EPICH. fr. 226 K.-A., vol. I, p. 132 = fr. 235 K. ; CRAT.
fr. 354 K.-A., vol. IV, p. 294 (μισηταὶ δὲ γυναῖκες ὀλίσβοισι χρήσονται) = fr. 316 K.

435Par exemple, AR. Thesm. 478-489, 493-496, 499-501 : une femme, mariée depuis
trois jours, trompe son époux avec un amant de jeunesse ; AR. Paix 978-986 :
contrairement aux femmes honnêtes qui restent cachées, certaines recherchent des
amants qu’elles aguichent en se penchant par la fenêtre du logis.

436LUC. Dial. Court. 5, 4 : Megilla persuade Leaena de se laisser aimer par elle, car si
elle est née femme, elle possède, dit-elle, l’esprit et les désirs d’un homme, et ajoute :
« j’ai là un substitut de l’homme », ἔχω γάρ τι ἀντὶ τοῦ ἀνδρείου.

437Voir le commentaire du vers 19 dans Cunningham 1971, et les occurrences


AR. Nu. 538-539, Souda φ60 supra p. 142-143.

438Sur le papyrus, on lit σα-(πρός) au-dessus de λεπρός, ce qui a donné lieu à de


nombreux commentaires et à l’adoption même de la correction dans plusieurs éditions,
dont celle de Knox. Faut-il lire σαπρός, « pourri » ou « hors d’usage », utilisé pour le
cuir dans AR. Gu. 38 (βύρσα) et MEN. fr. 106, 5 K.-A., vol. VI. 2, p. 96 = fr. 97,
5 Koerte (ἱμάς), alors que λεπρός, « rugueux », peut certes convenir mais manque de
parallèles sûrs (AR. Ach. 724 : ἱμάντας ἐκ λεπρῶν <δερμάτων> n’est pas d’une lecture
certaine) ? Di Gregorio 2004, p. 168, maintient qu’il faut garder λεπρός : le terme est
plus riche pour le sens et l’absence de parallèle s’explique selon lui par la tendance
d’Hérondas à substituer à un mot attendu un terme plus rare ou commun mais utilisé
dans une acception différente des autres auteurs.

439Lissarrague 1987, p. 70 : il peut s’agir de ménades, mais aussi « de femmes plutôt


en rapport avec Aphrodite ou Déméter, hétaïres ou fidèles de la déesse aux
Thesmophories ». Voir la représentation d’une femme enjambant un satyre en érection
tout en tenant un olisbos (p. 75, fig. 21 : tondo de coupe à figures rouges, Boston
08.30a, ARV2 135). Pour Mitchell 2009, p. 81, fig. 29 (dessin), la pélikè de Syracuse
attique à figures rouges (Museo archeologico regionale Paolo Orsi 20065, de Myson,
v. 510-470) joue d’un effet de contraste et de surprise en ses deux faces semblablement
composées : la face A montre une femme lavant ses vêtements ou se lavant, tandis que
la face B présente une femme qui entre dans un panier rempli de godemichés. La
présence d’yeux sur les objets (de bois ? de cuir ?) leur confère la vie. Cette
« immersion phallique » vise bien évidemment à montrer l’insatiabilité sexuelle de la
femme.
440Par ex. la jeune fille nue tenant dans chaque main un olisbos de très grande
dimension pourvu d’un scrotum pour se satisfaire (coupe d’Épiktetos, Saint-
Pétersbourg, musée de l’Hermitage 14611 ; ARV 75, 60 ; dessin de Beazley repris dans
Oikonomides 1986, p. 171, fig. 1), ou encore celle qui dirige un olisbos vers sa bouche
et un autre vers son sexe (fig. 30) ; pour une scène de banquet au cours duquel un
banqueteur manie un olisbos pour satisfaire sa partenaire : canthare de
Boston ARV 132 ; on aperçoit suspendu dans le champ un double olisbos ou olisbos « à
deux têtes » ; Oikonomides 1986, p. 176, fig. 7).

441Essai entrepris par Oikonomides 1986, p. 168-178.

442Pitton de Tournefort 1717 ; illustration dans le t. I, planche en regard de la p. 28,


disponible sur le site <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b23005662/f8.item>.

443Belon 1588. Cf. Mouget 1993, p. 32.

444Hérodote rapporte cette provenance – qu’il met au nombre des choses surprenantes
– du lêdanon dont les Arabes se servent dans la confection de parfums à brûler :
« Quant au ladanum, que les Arabes appellent ladanon, [...] c’est dans la barbe des
boucs qu’on le trouve ; il s’attache, venant de la broussaille, comme de la glu », τὸ δὲ δὴ
λήδανον, τὸ καλέουσι Ἀράβιοι λάδανον [...] τῶν γὰρ αἰγῶν τῶν τράγων ἐν τοῖσι πώγωσι
εὑρίσκεται ἐγγινόμενον, οἷον γλοιός, ἀπὸ τῆς ὕλης (HDT III, 112).

445Pitton de Tournefort 1717, p. 74-76, adaptation en français moderne personnelle.


Dans son commentaire à Recherches sur les plantes du livre VI de Théophraste, p. 128,
n. 1, Suzanne Amigues donne une autre référence : édition de Lyon de 1717, récit p. 90,
pl. p. 87. Théophraste mentionne l’arbrisseau (ὁ κισθός en VI, 2, 1 : le ciste « mâle » a
la feuille plus collante, poisseuse, λιπαρώτερον <φύλλον>) mais ne parle pas de la
récolte de son suc.

446Pitton de Tournefort 1717, p. 214.

447Mouget 1993, p. 32.

448Liste de ces auteurs dans Mouget 1993, p. 32, n. 6.

449Le terme ἱμάντες désigne, dans les inscriptions architecturales (comptes de


l’Érechtheion, autres inscriptions attiques, Délos), « des planches, ou plutôt des lattes,
posées sur des poutres plus importantes ». À Délos, « [les ἱμάντες] ne sont pas tous
destinés à une charpente » ; un exemple semble renvoyer à un chaînage ou une boiserie.
Cf. Hellmann 1992, p. 173.

450Nous traduisons par « crochet » le terme κορώνη, qui désigne une « partie recourbée
et en saillie » (Dictionnaire Bailly).

451Prêtre 2012, p. 227, qui renvoie à Deonna 1938, p. 243.

452Prêtre 2012, p. 225-227 : une autre interprétation possible consiste à y voir une
lanière pour attacher la boîte à une spatule (στυλίσκος), mentionnée dans l’inscription et
localisée près d’elle. Deux courroies de cuir sont par ailleurs mentionnées dans un
inventaire du mobilier du temple d’Éleusis (IG I3 386 (121) et IG I3 387 (III) (135) :
hιμάντε ἐσκυτομένο), sans qu’on en connaisse la destination exacte (Prêtre 2012,
p. 141).

453Halm-Tisserant 1998, p. 45 : le fouet est cité parmi les instruments indispensables


pour qui a des esclaves (mais en faisant référence juste après aux comédies de
Ménandre) avec les courroies, les entraves, la roue, et la machine à tordre : ἐν οἰκίᾳ
σκευῶν καὶ σκῦτος καὶ μάστιγες καὶ τροχοὶ καὶ πέδαι καὶ στρέβλαι (POLL. X, 187).

454Halm-Tisserant 1998, p. 15, 34, 39 (châtiments d’esclaves ou mythiques), p. 99


(infâmie), p. 105 (châtiment humiliant de la part des ennemis).

455Par ex., le médecin d’un patient atteint de folie s’est fait « battre avec une courroie
la paume des mains », παίειν σκῦτος ἔχοντα ἐς ὑπτίας τὰς χεῖρας. Il raconte cela à des
amis et « [leur] faisait voir les marques de coups et quelques égratignures sur son
visage », ἐδείκνυε δὲ καὶ σημεῖα τῶν πληγῶν καὶ ἀμυχάς τινας ἐπὶ τοῦ προσώπου
(LUC. Banq. 20).

456Halm-Tisserant 1998, p. 123-125, pour le lexique des fouets et lanières et leurs


représentations.

457Leçon retenue dans l’édition de Cunningham 1971 (l’édition CUF donne σκῦλος).
La réaction de Cottalos, le fils, ne se fait pas attendre : « Non, je t’en supplie [...] pas le
dur ! Prends l’autre pour me battre ! », μὴ τῷ με δριμεῖ, τῷ ἑτέρῳ δὲ λώβησαι (HER. III,
73).

458Voir aussi Halm-Tisserant 1998, p. 124.

459Cf. Chantry 2009, p. 176.

460Nous avons développé ce même exemple dans notre introduction (supra p. 2)


comme ouvrage relevant du « fictif littéraire », qui reste convocable dans le cadre d’une
étude technique du matériau.

461À titre de comparaison, les comptes de Délos connaissent un composé du même


type, περιβραχίων : « anneau de bras », plutôt que « bracelet », qui se porte sur l’avant-
bras. Cf. Prêtre 2012, p. 186.

462Le participe parfait passif κεχρυσωμένος, « recouvert d’une couche d’or », équivaut
ici, bien qu’étant une forme plus rare, à περίχρυσος, « autour duquel on a appliqué de
l’or, plaqué d’or », devenu synonyme dans les offrandes déliennes de ἐπίχρυσος,
« recouvert d’or sur le dessus », « doré à la feuille d’or » ; χρυσοῦς, « en or », et
ὁλόχρυσος, « en or massif » ; διάχρυσος, « incrusté d’or » (Prêtre 2012, p. 24-26).

463Prêtre 2012, p. 207-211 : sens de « tiare » ou « diadème tubulaire » à partir


du Ve siècle av. J.-C., à partir de la forme en arc-de-cercle du strigile, mais « chez les
Anciens déjà, l’identification de l’objet donnait lieu à beaucoup d’ambiguïtés ». Les
comptes déliens comportent un grand nombre de στλεγγὶς χρυσᾶ ou στλεγγίδιον
χρυσοῦν.
464ATH. IV, 128 c-d : dans sa description d’un banquet de mariage donné par Caranus
en Macédoine, dont la source est datée des années 340 à 260, l’auteur établit la liste des
richesses distribuées et des ornements portés : « il les avait couronnés avant leur entrée
de tiares dorées, chacune valant cinq pièces d’or », προεστεφανώκει δὲ καὶ ἕκαστον
πρὶν εἰσελθεῖν στλεγγίδι χρυσῇ· πέντε χρυσῶν ἑκάστῃ δ’ ἦν τὸ τίμημα. De nombreuses
guirlandes de fleurs sont apportées dans la salle, ainsi que « des tiares dorées qui
pesaient autant que les premières guirlandes attachées sur eux tous », χρυσαῖ στλεγγίδες,
ὁλκὴν ἴσαι τῷ πρώτῳ στεφάνῳ. ATH. XV, 674b: Sosibius, dans Sur les sacrifices des
Lacédémoniens, écrit que lors de la fête des Promacheia, « les jeunes gens venus de la
campagne se couronnent de paille ou de tiares, tandis que les garçons éduqués selon la
discipline stricte suivent sans couronne », τοὺς μὲν ἀπὸ τῆς χώρας καλάμοις
στεφανοῦσθαι ἢ στλεγγίδι, τοὺς δ’ἐκ τῆς ἀγωγῆς παῖδας ἀστεφανώτους ἀκολουθεῖν.

465Prêtre 2012, p. 141 : « il n’y a pas de parallèle archéologique connu », et si l’usage


du cuir dans le mobilier est répandu, « ce type de décoration disparaît à la fin de
l’époque archaïque ». L’auteur signale que le même terme se retrouve chez Polybe pour
désigner des « épées de bois recouvertes de cuir et comportant un pommeau arrondi
destinées à l’entraînement des troupes », μαχαιρομαχεῖν ξυλίναις ἐσκυτωμέναις μετ’
ἐπισφαιρῶν μαχαίραις (POL. X, 20, 3). Voir aussi HESYCH. s.v. πέδαι, supra p. 123.
En revanche, le κιβώτιον χροητόν qui se trouvait dans le temple des Déliens (ID 104
[54]) ne peut désigner une « boîte recouverte de peau », car le terme χρώς ne renvoie
jamais à la peau animale. Il pourrait s’agir, selon Prêtre 2012, p. 144, d’une « boîte
colorée de bois teinté par décoction dans une eau additionnée de plantes tinctoriales, du
sens secondaire de χρώς ».

466On ne peut guère tirer d’information, en revanche, d’une mention, deux fois
présente dans les comptes d’Éleusis des années 408/407 et 407/406, de deux objets
(emploi du duel) indéterminés qui sont « revêtus de cuir »,…]ντε ἐσκυτωμένω
(IG I2 313, l. 121 et 314, l. 135). Par ailleurs, on a vu supra p. 123 l’utilisation de cuir
pour recouvrir, peut-être, des cerclages de métal consolidant le mât et les rames des
navires.

467Navarre 1924, p. 35, établit une liste de nombreuses hypothèses, toutes invérifiables,
sur les jeux inconnus de nous d’ἀσκός et de πέλεκυς, d’« outre » et de « hache ».

468Pour un aperçu sur l’iconographie et les règles des jeux de balles aux époques
égyptienne, grecque et romaine, voir Durand 1991.

469Voir Algrain, Brisart, Jubier-Galinier 2008, p. 161 : on a pu voir dans l’aryballe


l’adaptation en céramique de bourses en peau ; le système décoratif des aryballes en
forme de balle produits à Corinthe évoque le travail du cuir. Ce dernier matériau a
d’ailleurs certainement été utilisé pour la fabrication de conteneurs à huiles parfumées, à
côté de la céramique et du métal (voir PLUT. Sylla 13, 3, qui mentionne, à côté de
chaussures, des « lécythes » bouillis pour se nourrir en temps de siège).

470Musée national d’Athènes 3477, stèle de kouros funéraire, bas-relief du « jeu du


hockey », v. 510-500.

471Synthèse sur le rouleau de papyrus, en français, dans Legras 2002, p. 45-57.


472Legras 2002, p. 51.

473Sur la question de l’existence de « parchemins royaux » (alors que le papyrus est


utilisé en Assyrie dès le VIIIe siècle av. J.-C.), voir la notice de l’édition CUF
d’Hérodote, p. XXII-XXIV, avec renvoi bibliographique.

474Irigoin 2001a, p. 16-17, développé dans Irigoin 2001b. PLAT. Hipp. 228b ne fait
que mentionner l’arrivée des textes d’Homère à Athènes à la demande d’Hipparque, fils
aîné de Pisistrate, sans préciser la nature du support utilisé pour leur mise à l’écrit.

475Sur sa fabrication, différente de celle du cuir, voir supra p. 43 et suiv. Sur la


controverse, Legras 2002, p. 94.

476Canfora 1988, p. 59-60.

477Blanck 1992, p. 63 ; Roberts, Skeat 1983, p. 6.

478Dorandi 2000, p. 20.

479Van Healst 1989, p. 18-21 (qui reprend la datation de Roberts et Skeat) ; Dorandi
2000, p. 16.

480Howell 1980, p. 105.

481Voir la synthèse de Van Haelst 1989, notamment p. 21, où il critique cette formule
de Roberts, Skeat 1983.

482Hypothèse défendue par Legras 2002, p. 85, qui parle toutefois de « codex de
parchemin » à l’époque de Martial (alors que le poète n’utilise jamais ce terme pour
nommer des livres en parchemin) et prend appui sur le fait que le plus ancien « codex »
(sic) retrouvé provient de la vallée du Nil (Pap. Oxy. I, no 30 = P. Lit. Lond. 121). Il
s’agit d’un De bellis Macedonicis anonyme, daté de 100 environ d’après l’écriture.
Au IIIe siècle, du fait de l’abondance et du coût moins élevé du matériau, on observe une
substitution du papyrus au parchemin ; au IVe siècle, les deux matériaux sont à égalité et
au Ve siècle, le papyrus disparaît presque complètement. Cf. Legras 2002, p. 93. Voir
aussi Van Healst 1989, p. 22-23, pour les codices en parchemin en grec et en latin
du IIe siècle trouvés en Égypte.

483Faute de précision de la part de Cicéron, les commentateurs ne s’accordent pas sur


le matériau des feuilles que doivent coller les glutinatores pour constituer les rouleaux :
papyrus, selon Constans 1935 (CUF), p. 153 n. 2 ; feuilles de parchemin, selon Tyrrell,
Purser 1969, p. 57, lettre 101 (= Att. IV, 4b).

484On retiendra les datations suivantes, d’après l’édition des PGM et M. De Haro
Sanchez, Catalogue des papyrus iatromagiques grecs, Centre de documentation de
papyrologie de Liège (en ligne) : PGM VII (= P. Lond. I, 121 : formulaire comprenant
13 formules iatromagiques) : IIIe-IVe siècle ; IV (= Bibl. Nat. Suppl. gr. 574, Paris, date
non précisée) ; XXXVI (= P.Oslo I, 1 : formulaire d’inspiration chrétienne contenant
une formule iatromagique) : IVe siècle. Voir aussi Muñoz Delgado 2001. Pour les
commentaires, Betz 1986.
485Voir Betz 1986, p. 42, n. 59 : l’association de Seth/Typhon est déjà connue à
l’époque classique et devient commune à l’époque gréco-romaine.

486Jouanna 2001, p. 66.

487Ibid., p. 50 et 55.

488Voir édition de la CUF de PLIN. XVII, p. 131, n. 3.

489Voir supra p. 37-38.

490Aujourd’hui encore, on n’emploie pas immédiatement le fumier animal (excrément


et urine mélangés aux éléments de la litière des animaux), mais on procède à une
transformation (« compostage ») de plusieurs mois avant son épandage.

491DIOSC. II, 107 ; PLIN. XXII, 127 ; PLIN. XIII, 82 : dans la fabrication du papyrus,
on emploie la colle ordinaire (glutinum uolgare), faite de farine délayée dans l’eau
bouillante additionnée d’un peu de vinaigre.

492Sur l’ἰχθυόκολλα, venue de Caspienne et utilisée en statuaire chryséléphantine, voir


ARIST. H.A. III, 11, 517b 31 : « on fait parfois aussi de la colle à partir des poissons »,
ἐνιαχοῦ δὲ καὶ ἐξ ἰχθύων ποιοῦσι κόλλαν ; DIOSC. III, 88 ; PLIN. XXXII, 73.

493Lucas 1948, p. 8-9. Aristote déjà met en avant, sans le dénommer, le « principe
actif » qui donne sa vertu à la colle : « On trouve dans toutes les peaux une mucosité
visqueuse, moins abondante dans les unes et plus dans les autres, par exemple dans les
peaux de bœufs : c’est de cette substance qu’on fait la colle », Ἔνεστι δ’ἐν τοῖς δέρμασι
πᾶσι γλισχρότης μυξώδης, ἐν μὲν τοῖς ἐλάττων ἐν δὲ τοῖς πλείων, οἷον ἐν τοῖς τῶν
βοῶν, ἐξ ἧς ποιοῦσι τὴν κόλλαν (ARIST. H.A. III, 11, 517b 28-30).

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