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Séance 1.

Le royaume de France dans l’Europe

à la mort de Louis XIV (1715)

Une crise de l’absolutisme ?


L’absolutisme : un néologisme (construit au XIXe siècle) pour désigner
un état dans lequel le roi aurait un pouvoir absolu (sans limite). On parle
ainsi de « monarchie absolue ». Ce régime serait incarné par Louis XIV
(1715).
Partie I.
(Société et démographie)
Crises et "malheurs du temps ».
Le lourd héritage de Louis XIV
1. La population du royaume de France

1.1. Puissance démographique (le plus peuplé d’Europe)


France : 20 M en 1690 / 18 M. en 1715 / 25 M. en 1760.
Angleterre : 5/6 M.
80% de la population est rurale.
Paris, une capitale « monstre » : 6/800 000 habitants au 18e
siècle. Marseille (97000 hbts), Rouen (60000 hbts).

Des bras pour travailler (agriculture), des corps pour combattre


(armées).
Vers Vers
1600 1700
France 18 20
Espagne 8 6
Etats allemands, Autriche 17 18
Etats italiens 12 11
Russie 11 12
Angleterre 5 6
Provinces-Unies 1,5 2
Suède 1 1,5
2. Le retour des trois grands fléaux : faim, pestes et guerres
2.1.Crises démographiques et accidents climatiques :
La crise des années 1692-1694 – étés pourris - (2,8 M. de morts) :
surmortalité, misères, chertés, abandons d’enfants, baisse des mariages et
des procréations, maladies (typhus…)… dans les campagnes et dans les
villes. Le petit Poucet (1696) : l’imaginaire de la crise.
Le « grand hiver » de 1709 (gel des semences entre janvier et mars)
« Dans la plupart des villes et villages, on y meurt à tas, on les enterre trois
à trois, quatre à quatre, et on les trouve morts ou mourants dans les jardins
et sur les chemins. (...) on voit des gens couchés par terre qui expirent ainsi
sur le pavé, n’ayant pas même de la paille pour mettre sous leur tête, ni un
morceau de pain. » Témoignage d’un prêtre du diocèse de Paris, en 1709.
Des projets de réformes : Taxation des plus riches, distribution gratuite de
vivres par les municipalités, « libertés » du commerce des grains…
impossibles. L’impuissance du roi ?
2.2 Le poids des armes :
■1688-1697 : Guerre de la Ligue d’Augsbourg.
■1701-1714 : Guerre de succession d’Espagne.
Réformes du ministre à la Guerre (1672), François-Michel Le Tellier de Louvois (1639-
1691) : encasernement ; disciplinarisation ; création des Invalides (1670)
Levées d’hommes : création de la « milice » en 1688 (amalgame en 1701).
200 000 hommes pendant guerre de la Ligue d’Augsbourg.
450 000 hommes pendant guerre de Succession d’Espagne
1689 : ravage du Palatinat.
Coûts importants – entre 1701-1708, Michel Chamillart est ministre de la Guerre et
contrôleur général des Finances.
3. Fiscalités et injustices
3.1 Le poids de l’impôt :
Renforcement du poids des fermes : création de la Ferme générale en 1681.
L’Etat prend le monopole des produits comme le tabac, les timbres, les jeux de cartes
(1701), la vente de glace (1701), sur les perruques (1706), sur les huitres (1709).
Tentatives de réformes fiscales : la « dîme royal » de Sébastien Le Prestre Vauban (1633-
1709).
La capitation (1695-1697) et du dixième (1710-1717).
Capitation : impôt par tête ; division de tous les sujets dans 22 classes (depuis M. Le
Dauphin…).
Dixième : prélèvement du revenu sur toutes les propriétés (revenus fonciers, revenus
mobiliers, revenus des professions libérales, revenus de l’industrie) acquitté par tous les
membres des trois corps du royaume.
Le clergé s’exonère du dixième en versant un don gratuit.
Expédients : vente des offices, fonte de la vaisselle de Versailles, emprunts
3.2. Désordres et révoltes.

Des pratiques de désobéissance (contrebandes, désertions) aux révoltes antifiscales dans


les villes et les campagnes : les « Bonnets rouges » en 1675 ; les « tard avisés » en 1707.
Répressions violentes : galères et expéditions militaires…
-Contrôle de l’imprimé ; contrôle des marginaux et lutte contre les « bandits »

La sécurisation de Paris par Gabriel Nicolas de La Reynie (1625-1709), Lieutenant


général de police.
-Les commissaires du Châtelet ; les « mouches » et la traque des « mauvais discours »
-Eclairage des rues
-La Bastille
En août 1709, Nicolas Desmarets, le contrôleur général des Finances, adresse au Roi un
mémoire où il met en évidence la « mauvaise disposition les esprits de tous les peuples ».
Partie II.
(Etat et pouvoirs)
Du roi soleil au roi tyran. Les
oppositions à l’absolutisme ?
Caricature anonyme.
« Louis d’or au soleil », 1693
1. La France, un Empire concurrencé

1.1 La puissance française :


1713-1714 : Traités d’Utrecht et de Rastatt.
- Affaiblissement de la puissance maritime des Provinces-Unies.
- Disparition de la crainte du Saint-Empire romain Germanique et de
l’Autriche des Habsbourg.
-Affaiblissement de l’Espagne.
-Consolidation des frontières du Royaume de France.
1.2. De nouveaux défis :
Consolidation d’une nouvelle grande puissance maritime et
politique : l’Angleterre.
1687 : un « révolution » : la publication des Principia mathematica
d’Isaac Newton (loi de la gravitation).
1688 : Glorieuse révolution – Guillaume d’Orange (1688-1702).
Monarchie parlementaire (Bill of Rights ; Habeas Corpus)
1690 : Essai sur le gouvernement civil de John Locke.
1707 : Acte d’Union entre l’Angleterre et l’Ecosse, créant le
Royaume-Uni de Grande Bretagne.
2. La Cour et les oppositions à l’absolutisme.
2.1. Versailles… cadre de cabales et de complots.
Poisons, messes noires… « empoisonneurs », devins et magiciens à la Cour.
1679-1682 : grands procès par un tribunal spécial (« la chambre ardente »).
Lutes entre les clientèles (Colbert, Louvois, La Reynie…). Mise en cause de
Madame de Montespan.
Août 1682 : Edit du roi pour la punition de différents crimes (magie,
sortilèges, empoisonnement).
Madame de Maintenon (Françoise d’Aubigné, 1635-1719) : épouse du Roi en
1683
2.2. Oppositions littéraires et politiques contre le « despotisme »
1687-1694 : Querelle (esthétique et politique) des Anciens (Boileau) et des
Modernes (Charles Perrault).
La critique de la Cour et des courtisans : François de La Rochefoucauld (1613-
1680), Maximes (1665) ; Jean de La Bruyère (1645-1696); Les caractères ou les
mœurs de ce siècle (1688).
Les libertins et la critique du pouvoir :
Charles de Saint-Evremont (1613-1703) – scepticisme : Discours sur
Épicure (1684)
Gatien de Courtilz de Sandras (1644-1712), Le grand Alcandre frustré (1696) ;
Nouvelles amours de Louis le Grand (1696).
Les historiens : Pierre Bayle (1647-1706), Dictionnaire historique et critique
(1697)
Les pédagogues : Fénelon (1651-1715), archevêque de Cambrai, précepteur du duc
de Bourgogne – Louis de France (1682)1712) - , Aventures de Télémaque (1699).
2.3. La voix des réformateurs :
Pierre Le Pesant de Boisguilbert (1646-1714), Le Détail de la France
(Rouen, 1695) : critique des réglementations économiques ; l’économie
est régulée par la libre confrontation des intérêts égoïstes.
Les Tables de Chaulnes (du nom de la commune de Chaulnes, lieu de
rédaction du document) sont les principaux termes d'un programme
élaboré par les ducs Paul de Beauvilliers et Albert de Luynes, gendres
de Colbert et Fénelon. Ce programme aspirait à réformer la monarchie
en s'appuyant sur le jeune duc de Bourgogne qui devait potentiellement
succéder à son grand-père Louis XIV.
Trois idées majeures : la « vieille » noblesse devait avoir davantage de
prépondérance dans le gouvernement de l’État, les états généraux
devaient être convoqués tous les trois ans et la liberté économique ainsi
que la paix devaient être érigées en maximes du royaume. La disgrâce
de Fénelon ainsi que la mort du petit-dauphin en 1712 rendent le projet
caduc.
3. Crises religieuses : jansénisme et protestantisme
3.1. Le jansénisme : de l’hérésie à la crise politique.
Evêque d’Ypres, Corneille Jansenius (1585-1638), Augustinus (1640) – théorie
de la grâce, prédestination
Père Louis Molina (libre arbitre) vs Jean-Ambroise Duvergier du Hauranne
(1581-1643), abbé de Saint-Cyran
Abbaye de Port-Royal des Champs - Angélique Arnaud (1591-1661)
Blaise Pascal (1623-1662), Les Provinciales (1656)
Mars 1682 : Déclaration des Quatre articles (Bossuet) – droit de régale. Innocent
XI.
La répression du mouvement janséniste :
1709 : dispersion des religieuses de Port-Royal.
1711 : destruction de Port-Royal.
1713 : Bulle Unigenitus du Pape Clément XI.
3.2. L’offensive contre le protestantisme…
■ 1679 : exclusion de tous les protestants des offices.
Louis XIV, champion de la chrétienté (en 1683, victoire de l’Empereur –
Habsbourg - sur les armées turques à Vienne)
■ 1685 : Edit de Fontainebleau.
■ Dragonnades.
■ Exils : environ 200 000 sur environ 800 000 (Angleterre, Prusse,
Provinces-Unies).
■ Conversion ou clandestinité (le « Désert » dans les Cévennes).
■ Les Camisards (1703-1710) et la répression du maréchal de Villars.
3.3. Louis XIV, un « barbare et cannibale »

Pierre Jurieu- pasteur - exil en Hollande – rédacteur de nombreux


pamphlets (Lettres pastorales à partir de 1686) contre Louis XIV.

Du « bon roi » au « tyran » (contre la guerre)

Presse et caricature.
Gravure allemande,
Anonyme, 1689,
représentant le
général français
Ezéchiel de Mélac,
commandant les
troupes française au
Palatinat.

La France et l’affirmation des « identités nationales ».


Partie III.
L’expérience de la Régence
L’absolutisme en question

Hyacinthe Rigaud, Portrait


de Louis XV, 1715
1/ La Régence et la redistribution des pouvoirs
Pendant longtemps, la Régence a mauvaise réputation…
Après 54 ans de règne, mort de Louis XIV en septembre 1715 :
la question de la succession.
1715 : minorité de Louis XV (duc d’Anjou), arrière-petit-fils de
Louis XIV et 3e fils du duc de Bourgogne, né le 15 février 1710 à
Versailles.
1711 : mort du Grand Dauphin (variole).
1712 : mort du Duc de Bourgogne (petit-fils).
1713 : mort du duc de Berry (petit-fils).
Autre petit-fils de Louis XIV : Philippe V d’Espagne.
1. Le coup de force de Philippe d’Orléans
Le Testament de Louis XIV, volonté pour la tutelle du Dauphin notre
arrière-petit-fils et pour le c
« Ceci est notre déposition et ordonnance de dernière volonté pour la tutelle
du Dauphin notre arrière-petit-fils et pour le conseil de Régence que nous
voulons être établi après notre décès pendant la minorité du roi. »
le gouvernement serait confié à un Conseil de Régence présidé par le duc
Philippe d’Orléans (1674-1723).
Le duc du Maine (fils naturel de Louis XIV) obtenait la tutelle sur Louis XV
et le commandement militaire des troupes de la Maison du Roi.

Philippe d’Orléans fait casser le testament de Louis XIV par le Parlement.


Le 2 septembre 1715, il obtient les pleins pouvoirs aux dépens du Conseil de
régence.
Il a le soutien des membres de la vieille noblesse.
Philippe d’Orléans (1674-1723), ambitions et stratégies

Fils de Monsieur, le frère de Louis XIV, et de la princesse


Palatine, marié à Mademoiselle de Blois, fille naturelle de
Louis XIV et de Madame de Montespan. Soldat, il intrigue
pour obtenir le trône d’Espagne.
Ecarté de Versailles et accusé de vouloir empoisonner le duc
de Bourgogne, il est défendu par Louis XIV qui se méfie de
lui.
2. Pouvoir et contestation de l’absolutisme
La polysynodie (7 conseils) = l’abbé de Saint-Pierre (1658-1743) =
chaque conseil est composé de 10 membres.
le conseil de Conscience (affaires morales et religieuses), présidé
par le cardinal de Noailles.
le conseil des Affaires étrangères, présidé par le maréchal
d'Huxelles.
le conseil de la Guerre présidé par le maréchal de Villars.
le conseil de la Marine présidé par le comte de Toulouse (fils
naturel de Louis XIV).
le conseil des Finances, présidé par le duc de Noailles.
le conseil des Affaires du Dedans du Royaume, présidé par le duc
d'Antin.
le conseil du Commerce (décembre 1715), présidé par le maréchal
de Villeroy.
Polysynodie : retour de la vieille noblesse.
Des tentatives de réformes : création temporaire de la taille tarifée
par le cardinal de Noailles… mais rapidement de nombreuses
critiques (coûts, lenteurs des décisions, incompétences…).
Système supprimé en 1718.

La vie de Cour : installation à Paris ; contestation de l’étiquette


(festivités…).

La revanche des parlementaires.


Les Parlements retrouvent le droit de remontrance (édit du 15
septembre 1715).
1716 : Chambre de justice pour juger les « corrompus » (traitants).
3. John Law (1672-1729) et la tentative de réforme
financière et économique

3.1. La volonté de mettre fin au « système fisco-financier ».


Un constat :
- l’endettement : 3 milliards de livres.
- les disfonctionnements de la perception des impôts
L’expérience de l’Ecossais Law :
Création en mai 1716 d’ une banque privée qui émet des billets de
monnaie (papier-monnaie) gagés sur des métaux (or et argent).
Le capital de la Banque est fixé à 6 millions de livres en 1717 (actions
de 500 livres).
En décembre 1718, la banque de Law devient une banque d’Etat
(banque royale).
3.2. Essor du grand commerce et réforme fiscale

Rôle de Louis II Phélypeaux de Pontchartrain (1643-1727), Contrôleur


général des finances (1689-1699) et secrétaire d’Etat à la Marine et à la
Maison du Roi (1690-1699) dans la constitution de la « machine
coloniale ».
Janvier 1717 : alliance avec l’Angleterre et les Provinces-Unies.
Création en août 1717 de la Compagnie de Commerce de l’Occident (dit du
Mississipi) dont le rôle est de renforcer les crédits de la Banque. Capital de la
Compagnie se monte à 100 millions de livres, divisés en actions de 500 livres.
La compagnie absorbe les autres compagnies (Compagnie des Indes,
Compagnie des Indes orientales)
La Compagnie obtient progressivement le privilège du monopole du
commerce avec le Mississipi, la Louisiane, avec la Chine, les Indes, le
Sénégal (1718), tête de pont de la traite des esclaves.

Elle bénéficie aussi du monopole du tabac, du recouvrement du produit


des fermes générales, des droits liés à la frappe des monnaies.
En mai 1719, elle devient la Compagnie des Indes.
Succès : propagande pour présenter la Louisiane comme un pays de cocagne
(romans de voyage, théâtre…).
3.3 . De l’ascension à l’échec.

1719 : la success story de Law…


-Hausse des actions
-Law obtient le monopole des monnaies
-Law obtient l’adjudication de la Ferme générale
Janvier 1720 : Law est nommé Secrétaire général des Finances.
Toute puissance d’un système qui renforce l’Etat « dans le but de
créer de nouvelles richesses et de liquider les dettes de l’Etat, voire
supprimer la fiscalité » (A. Orain).
■ En février 1720, les adversaires de Law (les ducs de Conti et de
Bourbon) font exploser le système en demandant leur conversion
de monnaies en espèces.
■ Panique attisé par les financiers parisiens, adversaires de Law
(les frères Pâris).
■ En mars, mouvement de panique chez les petits actionnaires.
■ Octobre 1720 : le Régent abandonne Law.
■ Décembre 1720 : Law se réfugie à Bruxelles.
■ 1721-1722 : banque et compagnie sont dissoutes. Seule subsiste
la Compagnie des Indes.
Le krak de la banque Law (1720) de la rue Quincampoix… un
traumatisme de longue durée
Conclusion
La Régence, une réelle expérience politique… qui devient un
moment « repoussoir ».
1720 : suppression progressive de la polysynodie. Le cardinal Dubois
(ancien précepteur du régent) devient principal ministre.
1722 : la Cour se réinstalle à Versailles et les cérémonies sont rétablies.
Répression contre les marginaux (envoyés en Floride).

Pierre-Denis Martin, Vue du Château de Versailles en 1722,


Versailles, Musée national des Musées nationaux.
25 octobre 1722 : Louis XV sacré à Reims (majorité).
1723 : Majorité de Louis XV et fin de la Régence. Le duc de
Bourbon devient principal ministre.
1725 : mariage de Louis XV et de Marie Leszcynskia (fille du roi
de Pologne).
Marie LESZCZYNSKA (1703-1768). Fille du roi (détrôné) de
Pologne, épouse Louis XV est 1725. Après avoir pris parti pour le
duc de Bourbon (contre Fleury) elle prend la tête du parti « dévot »
(ultra catholique).
.1726 : début du ministère du cardinal de Fleury (1726-1743).

Portrait
1748, Jean-
Marc
Nattier,
Château de
Versailles
Récupération démographique à partir de 1715
Accroissement naturel : baisse de la mortalité (même si la mortalité infantile
reste forte = système des nourrices) et maintien d’une natalité forte (dans les
milieux populaires).
Baisse des crises de subsistances (climat)
1720 : peste de Marseille. Lutte contre les épidémies (variole) qui se
maintiennent. La santé devient une affaire d’Etat (création en 1776 de la
Société royale de médecine).
Les guerres se déroulent à l’extérieur des frontières (guerres coloniales ;
guerres navales ; empires coloniales).
Un nouveau « régime démographique » ? Dans certaines provinces (Bassin
parisien ; villes…) : baisse de la fécondité à partir de 1770 et recul de l’âge
du mariage (26/28 ans)

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