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MASSIEU Benjamin Commentaire de texte

TETREL Aurélien

Les réalisations de Mussolini


Quand Mussolini prit le gouvernement de l'Italie en 1922, celle-ci était encore un État fragile,
écartelé entre un Nord industriel et un Sud arriéré, vidé de sa substance par l'émigration vers les
Amériques, tenu en faible estime par les autres puissances européennes.... Sans s'embarrasser de
circonvolutions, le Duce réforme donc tambour battant le pays. Il mène une politique du refus de la
démocratie, du socialisme de la lutte des classes et dirigiste tout en laissant les entreprises et les terres à
leurs propriétaires (pas question de les nationaliser comme en URSS). Le texte ci-contre est extrait de
l’ouvrage «Le long voyage à travers le fascisme» de Ruggero Zangrandi parut en 1963. Ruggero Zangrandi
(1915 - 1970), ami d’enfance de Vittorio Mussolini (2nd fils de Benito), commence à écrire à l’adolescence le
journal de l’école et dans des revues fascistes. Il devient membre du comité d’action pour l’exposition
universelle de Rome de 1932 - 1935, date à laquelle, il commence à prendre de plus en plus ses distances
avec le fascisme jusqu’a devenir un antifasciste militant. En 1939, il fonde le Parti Révolutionnaire
Socialiste, dans la clandestinité qui aurait fusionné avec le Parti Communiste Italien pendant la guerre. Il
est épié et constamment suivit par l’OVRA (police politique) jusqu’en 1942, date à laquelle il est arrêté, puis
expulsé en Allemagne. Après la guerre il devient journaliste et publie dans plusieurs journaux de gauche. Il
se suicide en 1970.
L1 à L9 et de la L 28 à L39 : L’auteur évoque d’abord les manifestations de l’Etat et la question de
l’antifascisme puis les changements institutionnels et dans chaque cas il montre la réaction de la jeunesse
mais aussi le fait que la propagande à mis à profit les échecs de la démocratie.
L10 à L19 : Il est question des « batailles » de Mussolini c’est à dire la bataille du grain, de la
bonification des terres, la création de villes nouvelles comme réalisation du fascisme et de leurs influences
sur les populations.
L20 à L28 : Mussolini fait devant le conseil des corporations le procès du capitalisme et tente de
prouver que l’Italie n’est pas capitaliste.
Dans cet extrait comme dans tout son ouvrage, le but de Zangrandi est de montrer en quoi, par ce
qu’il a accomplit, et malgré ce qu’il a caché, le régime a suscité l’adhésion des jeunes de sa génération.
Nous nous demanderons ici quelles sont les réalisations accomplies par Mussolini et le régime
fasciste et comment celles-ci furent-elles instrumentalisées par la propagande. Nous tenterons d’y
répondre en étudiant tout d’abord les grands chantiers puis les changements institutionnels. Enfin dans une
dernière partie nous montrerons comment celles-ci furent utilisées par la propagande et reçues par
l’opinion.

I- Les grands chantiers

a) La bataille du grain

Zangrandi écrit (ligne 8) : « Avec ce dixième anniversaire, la « révolution » était entrée dans
la phase des « réalisations ». Depuis longtemps déjà, une campagne avait été entreprise pour la
« bataille du grain » ». La politique agricole du régime fut préparée par une série d’interventions brutales
dans les campagnes. Une fois abolies toutes les conquêtes des métayers et des journaliers de l’immédiat
après-guerre, les paysans sans terre furent livrés à eux-mêmes et soumis, de la part des propriétaires
terriens, à de lourdes obligations. En 1931, la loi contre l’urbanisation réduisit la liberté de mouvement des
paysans, sans réussir néanmoins à freiner l’exode rural. Les fascistes pensaient qu’en développant
l’agriculture, la création d’emplois dans les campagnes contrerait l’exode rural. En inversant le phénomène,
ils espéraient débarrassés les villes de leurs chômeurs. En juin 1925 fut donc lancée la « bataille du blé »,
dont l’objectif était de parvenir à l’autosuffisance dans le domaine céréalier. Pour décourager les
importations, le gouvernement rétablit les droits de douane sur le froment. Le programme prévoyait la
mécanisation de la production, la diffusion des engrais chimiques et le recours aux cultures expérimentales.
On peut ainsi lire aux lignes 10 à 12 « grâce aux engrais de la « Montecatini » que l’on commençait à
employer sur une grande échelle (« Avec la calciocyanamide – le paysan ne s’en fait plus », disait un
slogan partout répandu ». Zangrandi écrit ensuite aux lignes 12-14 « grâce enfin à la sueur de nos
paysans, on atteignit une production de 73 millions de quintaux par an, réalisant un record de 81
millions en 1934 et une moyenne de 16 quintaux par hectare. » La "bataille du blé" constitue
incontestablement le symbole des grandes batailles économiques engagées par le régime fasciste italien à
partir de 1925-1926, Mussolini fait clairement le choix d'une politique dirigiste et autarcique. Le blé
constitue un enjeu de taille en Italie, dans un pays où l'alimentation populaire se compose essentiellement
de pain et de pâtes. Or, en 1925, l'Italie importe environ 25 millions de quintaux de blé, représentant 4
millions de lires, soit la moitié du déficit de la balance commerciale. Menée sous l'impulsion du Comité
permanent du grain, la "bataille du blé" donne lieu à un immense effort de propagande que l’on évoquera dans
la dernière partie. Sur le plan économique, la "bataille du blé" est un succès et participe à la popularité du
régime, servant largement sa propagande: les rendements augmentent en quelques années de 50 % tandis
que la surface cultivée s'étend considérablement grâce à une politique de bonification des terres agricoles
par le drainage, l'assèchement, l'irrigation (plusieurs millions d'hectares sont assainis et mis en culture
dans la basse vallée du Pô et au sud de Rome, dans la zone dite des "marais pontins"). La production passe de
50 millions de quintaux en 1924 à près de 80 millions de quintaux au début des années trente, permettant à
l'Italie de satisfaire ses besoins à 100 %. Dans la continuité de la "bataille du blé", un effort analogue est
entrepris pour développer les autres grandes cultures vivrières (maïs, seigle, betterave à sucre...) ainsi que
l'élevage destiné à la production de viande. Le défi de l'autarcie semble donc se réaliser mais au prix d'un
renforcement important du protectionnisme et de droits de douane élevés. L'agriculture italienne
n'apparaît ainsi soumise à aucune concurrence véritable et les prix du marché italien sont très supérieurs à
ceux du marché international, ce qui ne va pas sans provoquer d'importantes inégalités quant à l'accès à la
nourriture pour la population italienne.

b) La récupération des terres marécageuses

Préparé par la loi de 1924 sur les transformations foncières d’utilisé publique, le programme de
« bonification intégrale » des terres fut lancé officiellement en 1928. Sa mise en œuvre fut confiée à un
spécialiste de l’économie agraire, Arrigo Serpieri, qui lui imprima un nouvel élan après la crise économique de
1929. C’est ce qu’explique Zangrandi aux lignes 14 à 18 : « Une autre bataille était livrée, et qui ne
suscitait pas moins d’enthousiasme : celle qui avait pour objectif la récupération de terres
marécageuses. L’offensive était déclenchée dans la basse Piave, dans la Maremme et en Sardaigne.
Mais ce qui, plus que tout, passionnait le public, frappait les visiteurs étrangers, attendrissait
légitimement les poètes, ce fut le dessèchement des marais Pontins. » Plusieurs personnalités
étrangères célèbres effectivement, au moment de la crise économique, ce qu’on appelle la « synthèse
mussolinienne » qui a su obtenir certains succès économiques en remédiant aux tares du capitalisme sans
tomber dans les excès du socialisme. Parmi les témoignages les plus admiratifs, ceux des hommes d’Etat
britanniques Lloyd George et Winston Churchill, de l’Indien Gandhi, des Français Kerillis et Jouvenel. Les
marais Pontins, près de Rome, sont asséchés et bonifiés (transformés en terres agricoles). Ces terres et
beaucoup d'autres sont consacrées à la culture du blé... au détriment de cultures d'exportation plus
rentables (agrumes....). Outre l’irrigation des terres et la lutte contre la malaria, le gouvernement promit la
construction d’infrastructures (aqueducs, fermes et routes), qui serait financée par l’Etat et par les
consortiums des propriétaires terriens. En 1934 était achevée la bonification de l’Agro Pontino (marais
Pontins), où furent fondées cinq villes nouvelles.
Cette idée d’asséchée la région n’avait rien de nouvelle. Tout au long de son histoire, cette zone fut
ravagée par les maladies et en particulier par la malaria. On peut remonter jusqu’à Jules César qui eu pour
projet de détourner le Tibre vers les marais, mais il mourut avant de réaliser ce projet. D'autres
empereurs romains, ainsi que plusieurs papes, s'efforcèrent également d'assécher la zone marécageuse.
Sous l'occupation française, Napoléon Bonaparte chargea l'ingénieur Prony de s'attaquer à son tour à cette
question, mais les études menées de 1805 à 1812 restèrent à l'état de projet, faute de moyens. En 1899, les
autorités italiennes rassemblèrent des fonds afin d'essayer d'assainir la région. Mais c'est seulement sous
Mussolini que plus de 20 230 ha furent asséchés et mis en culture. C’était là encore une victoire indéniable
pour le régime.
Dans le Sud, cependant, les consortiums hésitèrent à investir dans les cultures intensives,
préférant les productions extensives à l’élevage. En fin de compte, les nouvelles terres mises en culture à
l’échelle de toute l’Italie ne dépassèrent pas 250 000 hectares : sauf en de rares régions mises en avant
par comme les marais Pontins, l’opération de « bonification » fut donc un échec. Le gouvernement ne réussit
pas mieux dans sa tentative de repeupler les campagnes.

c) Les villes nouvelles

Aux lignes 18-19, Zangrandi écrit que dans la foulée de l’assèchement des marées et indissociable
d’eux : « En 1932 et 1933, entre les montagnes et la mer, là où sévissaient jadis la misère et la
malaria, deux villes nouvelles sortirent de terre : Littoria et Sabaudia. » En effet, à partir de 1929, les
terres libérées par la « bonification intégrale » permirent la fondation d’un certain nombre de villes
nouvelles, qui représentèrent un formidable instrument de propagande pour le régime. L’ambitieux
programme fut placé sous la responsabilité de l’Œuvre nationale des combattants qui, depuis 1926, était un
organisme public chargé de superviser les réformes agraires. Si la Sardaigne vit naître la première ville
nouvelle, Mussolinia (l’actuelle Arborea), fondée en 1929, c’est dans l’Agro Pontino que furent construites
les cinq villes les plus importantes : Littoria (1932), chef-lieu de la nouvelle province, devenue Latina en
1945, une ville de 50 000 habitants; Sabaudia (1934), qui comptait environ 5000 habitants ; Pontinia (1935),
une ville de moins de 4000 habitants ; Aprilia (1937), qui comptait 3000 habitants, mais dont le bassin
abritait 9000 habitants de plus, et Pomezia (1939), conçue pour 12 000 personnes environ. Du point de vue
de l’urbanisme, la ville de Sabaudia, dont le plan rappelait les villes médiévales, est la plus intéressante et le
plus controversée (le projet fut critiquée par les représentants du Mouvement Moderne notamment
l’architecte Marcello Piacentini). Les cinq villes nouvelles obéissaient à une même typologie : autour du noyau
urbain s’étendaient des bourgades rurales qui portaient le nom des champs de bataille de la Grande Guerre.
Outre ces villes, le régime fonda des villes « de catégorie », qui répondaient aux besoins d’une activité de
production : les villes minières d’Arsia (Istrie) et de Carbonia (Sardaigne), en 1937 ; Guidonia (Agro
Pontino), conçue comme un centre d’entraînement aérien ; santa Eufemia Lamezia (Calabre), construite en
1939 et associée à la production de betteraves sucrières.

II- Les changements institutionnels : « Tout dans l’Etat, rien en dehors de l’Etat »

a) La mise en place du totalitarisme

A la ligne 35, Zangrandi évoque « la création d’un Etat totalitaire » et la distinguant d’un état
« autoritaire ». L'expression totalitaire vient du fait qu'il ne s'agit pas seulement de contrôler l'activité
des hommes, comme le ferait un état autoritaire/une dictature classique : un régime totalitaire tente de
s'immiscer jusque dans la sphère intime de la pensée, en imposant à tous les citoyens l'adhésion à une
idéologie obligatoire, hors de laquelle ils sont considérés comme ennemis de la communauté. Les
caractéristiques habituellement retenues pour caractériser le totalitarisme sont : une idéologie imposée à
tous, un parti unique contrôlant l'appareil d'État, dirigé idéalement par un chef charismatique, un appareil
policier recourant à la terreur, une direction centrale de l'économie et un monopole des moyens de
communication de masse.
L'adjectif « totalitaire » (« totalitario ») apparut en Italie en 1923 et son emploi se répandit de
manière péjorative dans les milieux antifascistes italiens. En 1925, les théoriciens du fascisme reprirent de
manière opportuniste le terme à leur compte, en lui attribuant une connotation positive, celle d'unité du
peuple italien. En plus de la propagande que l’on abordera dans notre troisième partie qui permet d’obtenir
l’adhésion aux grands chantiers du fascisme, le totalitarisme s’illustre également à travers diverses
mesures qui visent à réformer le fonctionnement de l’Etat.
Les Italiens n’ayant aucune sympathie pour (l32) « l’impuissance du parlementarisme », un projet
de réforme constitutionnelle fut lancé en août 1924, quand fut nommée une commission de quinze membres,
présidée par Giovanni Gentile. En juillet 1925, cette commission, dont le nombre avait été porté à dix-huit
en janvier, présenta à Mussolini différentes propositions, relatives au renforcement de l’exécutif et à
l’organisation des syndicats et corporations, qui ne furent pas retenues. La loi du 24 décembre 1925 sur les
compétences du chef du gouvernement introduisit, en revanche, une modification essentielle : le Premier
Ministre n’était plus responsable que devant le roi, et non plus devant le Parlement ; il désignait les
ministres à nommer et à révoquer ; enfin, aucune proposition de loi ne pouvait être mise à l’ordre du jour du
Parlement sans autorisation. Un mois plus tard, la loi du 31 janvier 1926 accorda à l’exécutif le pouvoir de
légiférer par décrets-lois. Parallèlement fut entreprise la réforme de l’administration locale, qui plaça les
communes sous l’autorité du préfet, et d’un conseil municipal, réforme évoquée par Zangrandi ligne 32,
quand il parle de la « paperasse administrative » qui la précédait.

b) Abolition des partis et répression de l’antifascisme

A la ligne 35, Zangrandi évoque, parmi les mesures prises par les fascistes, « l’abolition des
partis ». L’opposition avait déjà été muselée dès .1924. Les partis traditionnels et les personnalités non
fascistes éprouvèrent de plus en plus de difficultés pour faire entendre leur voix. L’abolition pure et simple
ne tarda pas. Cette mesure faisait parti des lois fascistissimes établies entre 1925 et 1926 transformant le
royaume d’Italie en Etat totalitaire en lui donnant son arsenal répressif. Ces lois prévoyaient que le Parti
national fasciste (PNF) soit l'unique parti admis, le chef du gouvernement devait rendre compte de son
action seulement auprès du roi et non plus devant le parlement dont le rôle s'était réduit à une simple
représentativité ; le Grand Conseil du fascisme, présidé par Mussolini, était composé de vrais notables du
régime et il devenait l'organe suprême du parti fasciste et donc de l'État ; toutes les associations de
citoyens furent soumises au contrôle de la police ; les seuls syndicats reconnus étaient ceux fascistes, qui
interdisaient notamment les grèves et les réunions, les autorités nommées par le gouvernement
remplaçaient les administrations communales et provinciales élues. Enfin, toute la presse fut soumise à la
censure. De plus, ces lois mettaient en place : le confinement des antifascistes; le Tribunal spécial pour la
sécurité de l’État et l’OVRA, la police secrète. Elle était entourée d’un halo de mystère qui renforçait dans
l’opinion publique l’impression de son omniprésence. Parmi ces nombreux « tentacules », l’OVRA comptait un
vaste réseau d’informateurs et d’hommes de confiance, répartis sur tout le territoire, qui entretenaient la
pratique de la délation.
Lorsque Zangrandi évoque l’amnistie politique des opposants au fascisme accordée par Mussolini en
1932 il ajoute que les jeunes « crurent qu’à cela seul se bornait l’opposition au régime ». Après la
promulgation des lois « fascistissimes », l’opposition antifasciste avait été contrainte de se taire, d’entrer
dans la clandestinité ou de se réfugier à l’étranger. Nombreux furent les antifascistes qui abandonnèrent la
lutte, en particulier dans les rangs libéraux et catholiques. Pour les socialistes, jusqu’en 1935, les positions
de la IIIe Internationale sur le « social-fascisme » empêchèrent la formation des « fronts populaires » et
l’action concertée. Entré dans la clandestinité, l’antifascisme militant restait pourtant actif. Quant aux
antifascistes exilés à l’étranger, beaucoup s’étaient retrouvés en France. Fondé en 1929 à Paris par Carlo
Rosselli, le mouvement Giustizia e Libertà fut l’un des plus important et avait déjà pour objectif de
préparer les conditions d'une révolution antifasciste en Italie qui ne se limite pas à restaurer le vieil ordre
libéral mais créer un modèle de démocratie avancé, ouvert aux idéaux de justice sociale et qui saurait
recueillir l'héritage du Risorgimento.
Zangrandi poursuit : « Ils ne savaient rien, ou presque, des émigrés, des exilés sur le sol
même de la patrie. » Il fait ici référence au fait que les opposants au régime étaient confinés,
emprisonnés relégués dans les îles Lipari, dans la mer Tyrrhénienne, qualifiées non sans quelque exagération
de «bagnes de feu»... Les opposants étaient donc placés à l’isolement mais sur le territoire italien même.

c) La Chambre corporative : originalité du fascisme.

L19 20 à L27 « Mussolini, parlant devant le conseil des corporations de la crise économique
mondiale, faisait en ces termes le procès du capitalisme américain...»
L 36 «substitution d’une chambre corporative au parlement traditionnel»
L’idéologie de l’obéissance, de la conquête, de la rhétorique de la violence et de la foi, cette
mystique du chef de la hiérarchie de l’Etat, cette exaltation du nationalisme capable d’entrainer une
minorité, ne peuvent mobiliser longtemps de grandes masses. C’est pourquoi l’accent est mis sur le
corporatisme. Né en avril 1926, le corporatisme va bientôt devenir le grand thème de propagande, la grande
illusion, le grand sujet de discussion du fascisme en Italie et hors d’Italie. Le corporatisme, c’est aussi l’une
des dernières mises en scène réussies de cet habile démagogue qu’est Mussolini. Le principe fondamental du
corporatisme est simple: il s’agit de subordonné les intérêts particuliers à l’intérêt général, donc à l’intérêt
national, et de soumettre les classes sociales à la collectivité. Dès lors il ne peut plus y avoir de grèves ou de
lock-out, plus de conflits entre les classes qui doivent collaborer entre elles. L’Etat arbitre et régulateur
organise les corps sociaux. En 1926 un ministère des corporations est créé en 1927 est publié la charte du
travail où il est dit que «le travail est un devoir social... le complexe de la production est homogène d’un
point de vue national... ses objectifs sont le développement de la puissance nationale ». En 1930, un
organisme spécifique, le Conseil national des corporations, fut mis sur pied. Ainsi il n’y a plus ni employeurs
ni employé mais que des producteurs regroupés en 1934 en 22 corporations. Représentants ouvriers et
représentants des « organisateurs de production » s’y rencontrent. Ils doivent naturellement « satisfaire
aux exigences politiques du régime », être fasciste en clair. Ils sont d’ailleurs choisit par le pouvoir et non
pas élus, et ses fonctionnaires syndicaux ont des salaires bien supérieur à ceux des fonctionnaires de l’Etat.
Ce système marque donc la fin de tout syndicat ouvrier indépendant. Il se développe aussi en peine période
de crise économique et favorise l’intervention de l’Etat dans la production, l’aide au capital privé et rive les
masses ouvrières à l’obéissance. Mais cette politique est parée des prestiges d’une révolution sociale. Ici il
faut reconnaitre à Mussolini ses qualités d’orateur inventeur de formule et de thèmes propre à séduire et
pour un temps masquer le réel. 6 octobre 1934 il parle à Milan devant les ouvriers « Chemise noires de
Milan, camarades ouvriers ! Vous êtes ici, en ce moment les protagonistes d'un évènement que l'histoire
politique de demain appellera « le discours aux ouvriers de Milan ». Il n’hésite pas à condamner le
capitalisme: « en 1929, dit-il les colonnes d’un temple qui semblait défier les siècles se sont écroulés dans
un immense fracas... La crise que nous vivons n’est pas une crise dans le système, c’est la crise du système
». A ce système capitaliste en crise, Mussolini oppose « la solution corporative, solution de la discipline de la
production confiée aux producteurs... industriels... employeurs... mais j’entends aussi par producteurs les
ouvriers ». Elle permet de dépasser socialisme et capitalisme, elle « hérite de l’un et de l’autre de ce qu’ils
avaient de vital ». Et à l’assemblée générale du conseil des corporations, Mussolini déclare le 14 novembre
1933 « Aujourd’hui nous faisant un pas décisif dans la voie de la révolution » . Le mot est de nouveau lancé,
comme tant d’autres; Car l’idéologie fasciste c’est surtout cela : des mots, et un système du haut parleur.
Les affirmations créent la réalité de même que ne plus dire c’est faire disparaitre : il n’y a plus de
prolétaires en Italies, plus de chômeurs puisqu’on n’en parle plus : jamais idéologie ne fus plus que celle-ci
celle de la parole, de l’illusion et de la rhétorique des formules imprécises. L'existence des corporations,
cependant, fut le prélude indispensable à la transformation de la Chambre des députés, qui, en 1939, devint
la Chambre des faisceaux et des corporations, composée de 600 conseillers nationaux, tous issus du Parti
national fasciste ou du Conseil national des corporations. Cette assemblée, qui ne représentait plus que les
seuls intérêts économiques, n'était qu'un organe consultatif, même si, officiellement, elle partageait avec le
gouvernement le pouvoir législatif. Ainsi se trouvait définitivement aboli le principe électif sous la forme de
la représentation.

III- Les réalisations vues par la propagande et l’opinion

a) La célébration du régime, de l’unité et de la concorde

«divertissements, défilés, réjouissances de toutes sortes» L2


Le fascisme parait imprégner profondément la vie quotidienne. Parade de jeunes Avenguardisti,
défilé militaire, enfants en uniforme, prêtres bénissant les Balilla. Il y a même un style fasciste qui
s’élabore peu à peu tentant de calquer le style mussolinien qui écrit pour définir ce nouveau style : « La vie
tel que la conçoit le fasciste est grave, austère, religieuse. Le fasciste méprise la vie commode. Il croit
encore et toujours à la sainteté et à l’héroïsme » . Ce style Mussolinien vient du fait que le Duce veut plaire,
on doit le voir et l’admirer. Le soin qu’il porte à son physique est significatif de ses rapports avec la foule.
Quand il voyage dans son train par exemple il est informé de quelle coté se trouve la foule et il paraît à la
fenêtre correspondante. Pour Mussolini : « la foule est une femme, la foule aime les hommes forts» . Il
contrôle lui-même toutes photographies où il paraît et choisit celles que les journaux peuvent publier. Les
rencontres entre le Duce et son peuple ont perdu leur spontanéité. La mise en scène se règle comme pour
une pièce de théâtre : la foule «océanique» se rassemble devant le Duce, elle est composée entre autres de
bataillons de la milice volontaire, enfants des écoles, spectateurs conduits en rang depuis leurs bureaux.
Face à cette foule Mussolini prépare soigneusement ses discours et sur la place raisonnent des orchestres,
les chants et cris des Balilla qui créent l’ambiance. Et pour assurer une foule nombreuse et enthousiaste à
chaque discours, lorsque le train de Mussolini quitte Rome, c’est 14 trains chargés de brigades d’acclamation
qui le suivent. Aussi tous les discours du Duce son retransmis dans toute les grandes villes d’Italie par un
système de haut-parleurs. A travers ces festivités des « 10 ans de la marche sur Rome» le régime
fasciste tente de gommer le fait que l’Italie est un pays qui s’est unifié tardivement 1861 avec des
particularismes régionaux encore fort en 1922. La centralisation de l’Etat part le régime fasciste participe
fortement à concrétiser l'unité et la concorde italienne.

b) La jeunesse fasciste : un endoctrinement dès le plus jeune âge

L2« quiconque approchait de la 15e année été persuadé qu’il s’agissait d’un grand évènement
de concorde et unité nationale»
L5 «les jeunes n’ayant aucune raison de remettre en doute l’exactitude...»
L31 « l’adhésion des jeunes avait pour origine l’ignorance fruit d’équivoques et de mensonges
maintes fois répétés».
En 1933 le parti fasciste présent partout est un parti de masse : 3 millions d’inscrits auxquels il
faut ajouter les organisations de jeunesse : Balilla, Petites Italiennes, Avanguardisti, et Jeunes Italiennes
(14 à 18 ans) près deux 2 millions d’inscrits en 1933.
Dès le plus jeune âge l’endoctrinement commence : On voit défiler devant le Duce, casqué et à
cheval, les Balilla de 6 ans en uniforme : à 12 ans ont leur donne un fusil miniature et ils montent la garde,
jugulaire tendu, gants noirs et pantalons courts. Un opuscule fasciste écrit : « Il faut créer les italiens du
fascisme qui seront pour notre siècle ce que furent pour leur temps les Italiens de la Renaissance et de la
Latinité ». Et les Balilla «escursionisti» (8 à 12 ans), les Balilla «moschettieri» (mousquetaires) (12 à 14 ans),
les Avenguardisti «moschettieri» (14à 16 ans), «mitraglieri» (16 à 18 ans) commandé par des officiers de la
Milice se retrouvent chaque année près de Rome, au forum Mussolini, pour le Campo Dux, rassemblement
national des jeunes. Devant l’entrée, un tank est en position, un arc de triomphe sur lequel on peut lire le
mot DUX, et dans le camp sur des panneaux noirs des formules de Mussolini tel que : « Guerre un mot qui ne
nous fait pas peur ! » ou encore « je prépare les jeunes à lutter pour la vie et pour la nation » . Des
Avenguardi s’entrainent à la mitrailleuse, des gosses paradent avec leurs fusils, d’autres défilent avec une
pelle sur l’épaule sur laquelle on peut lire l’inscription : «W il Duce». Cette double exaltation de la force
guerrière et de l’obéissance aveugle au Duce sont les piliers de l’éducation fasciste, des Balilla au parti. Les
chansons jouent un grand rôle dans cette éducation. Voici l’Hymne officiel des Balilla :
Pour le duce
Pour le duce béni
Nous sommes prêts
Nous sommes prêts avec le mousquet
Et avec notre
Et avec notre drapeau
Toujours de l’avant
Toujours de l’avant nous irons
Alalà

Le refrain des écoliers est plus significatif encore :


Les Italiens ont été recréés
C’est Mussolini qui les a recréés
Pour la guerre de demain

Les jeunes fascistes ont leur décalogue dont le second commandement déclare : « celui qui n’est pas prêt à
donner son corps et son âme à la patrie n’est pas digne de la chemise noire ». Le milicien fasciste, pour sa
part reçoit à son entrée dans cette « armée fasciste », qui doit forger les générations guerrières un petit
opuscule contenant dix commandements :
1) Sache que le fasciste, et en particulier le milicien, ne doit pas croire à la paix perpétuelle.
2) Les jours de prison sont toujours mérités.
8) Mussolini a toujours raison.
10) Une chose doit t’être chère par dessus tout : la vie du Duce.
Enfin l’Italien, au terme de ce « Cursus Honorum », entre au parti : « Si le parti n’existait pas, je
l’inventerais », déclare Mussolini.
Au fur et mesure que le temps passe, la génération du pré-fascisme disparait et une nouvelle née
autour de 1915 comme notre auteur arrive à majorité : elle est composé de jeunes gens qui n’ont aucune
expérience historique de l’antifascisme, de la violence des squadres : ils croient aux 300 000 chemises
noires de la Marche sur Rome alors qu’ils n’étaient en réalité que 26 000.
L 31 « la propagande fasciste contre la paperasse adm ... décrépitude du régime
démocratico-libéral rencontrait un terrain favorable"
L33-34 «Les jeunes n’avaient pas trop de sympathie pour ces vieilles formes politiques»
Cela s’explique par le fait que si la génération née avec le fascisme y adhère par la force d’un
endoctrinement dès la plus jeune âge, la génération précédente ayant connu la démocratie s’en est aussi
satisfaite, la Monarchie italienne de 1861 à 1946 étant caractérisé par une démocratie censitaire impliquant
la faiblesse du corps civique (8.7 millions d’électeurs sur 36 millions d’habitants, une forte abstention aux
élections et où le clientélisme était la règle).
La plupart comme on l’a vu sont pris dès l’enfance par les organisations et l’éducation fasciste et ils
sont fascistes parce qu’ils imaginent que le fascisme est une révolution sociale qui conduira à «l’égalité des
hommes devant le travail par le corporatisme ». La réussite de la rhétorique Mussolinienne s’est d’avoir
enfermé ces jeunes gens dans le fascisme.
C’est cependant dans les milieux de la jeunesse fasciste élevée dans le culte du régime, qui aurait
du être un pur produit de l’éducation totalitaire que se produisent les premières notes discordantes. C’est
Ruggero Zangrandi qui le premier a montré comment les espérances suscitées par le régime idéalisé
présenté par les organisations de jeunesse s’effondrèrent au contact des réalités. Le conformisme,
l’absence de liberté réelle, la corruption généralisée, le favoritisme et la lutte des clans provoquent une
déception à la mesure des enthousiasmes d’hier. Zangrandi parlera d’un « chagrin d’amour politique ».

c) Les résultats des grands chantiers amplifiés par la propagande

Le 4 juillet 1925 le Duce à commencé sa première bataille : l’Italie ne doit plus importer de Blé : il
lui faut se suffire comme on l’a vu précédemment. La presse, les actualités cinématographiques, l'école, les
autorités locales du parti, les syndicats... sont mobilisés en permanence et utilisés de façon massive pour
stimuler le zèle des agriculteurs. Un concours est institué pour récompenser les meilleurs producteurs, avec
des étoiles d'or, d'argent et de bronze. Mussolini lui-même figure au premier rang des combattants,
endossant devant les photographes les habits du soldat-laboureur, moissonnant et battant le grain, en
chemisette ou torse nu. Les reportages des actualités participent au culte du chef : ils mettent en scène le
Duce dans une position qu'il affectionne, lui permettant d'étaler sa force physique, ses qualités d'athlète,
sa volonté au travail. Les images montrent également l'accessibilité du Duce, proche de son peuple, et qui
n'hésite pas à participer aux travaux communs.
Le Duce compose même un poème :
Aimons le pain
Cœur de la maison
Parfum de la table
Joie du foyer
Respectons le pain
Honorons le pain
Ne gaspillons pas le pain de l’Italie

En 1931, c’est la victoire, les besoins sont couverts, le fascisme triomphe, la propagande tonne. La
politique du « pain italien » n’est justifiable que sur le plan de la propagande et de l’économie de guerre
puisque les cultures plus rentable comme les fruits et légumes souvent exportés ainsi que l’élevage ont été
négligé. L 11 « grâce aux engrais de la Montecatini» D’autres politiques fascistes se justifie par la
propagande comme la bataille de la Lire non évoqué dans le texte mais qui à lieu en 1926 : Mussolini s’écrit «
je défendrai la lire jusqu’a mon dernier soupir, jusqu’ à ma dernière goutte de sang ». Son cours est fixé en
1927 à l’équivalent du franc Poincaré. Cependant cette politique de prestige et de déflation conduit à une
baisse des salaires alors que les prix baissent très peu. Là encore le cours forcé de la Lire se justifie
d’abord sur le plan de la propagande. Cependant la baisse des prix gêne les firmes moyennes qui sont
englouties par les grandes entreprises comme la Montecatini. Mais sur le moment on ne voit que le prestige
accru de la monnaie italienne. La propagande va porter très haut « L 16 à 19» les projets de bonification
des terres et de villes nouvelles qui ont partiellement réussi mais qui ont coutés plus de 12 milliards de Lires
à l’Etat et qui souvent n’ont bénéficié qu’aux grands propriétaires. Le régime affectionne en période de
crise économique la réalisation de travaux publics pouvant mobiliser les chômeurs et réalisé à sa gloire. Les
constructions fascistes se distinguent par leur architecture souvent hardie qui paraît symboliser, aux yeux
de l’étranger, le visage d’un régime rénovateur.

En conclusion, au-delà des apparences et malgré quelques réussites amplifiées par le vernis de la
propagande, l'État fasciste ne modifie guère en profondeur la société italienne. Cette société reste fragile,
pauvre, inégalitaire et relativement inefficace. Elle ne résistera pas à l'aventurisme de la politique
étrangère de Mussolini. Mais ces réalisations, spectaculaires pour certaines comme l’assèchement des
marais ont assurés au régime une popularité qui l’a dépassé. Mussolini est sans doute le dictateur des années
30 qui possède encore aujourd’hui le plus de partisans dans son pays, un certain nombre d’italiens ayant
tendance à considérer la période fasciste comme une dictature patriotique qui a donnée à l’Italie sa
législation sociale mais qui s’est perdue dans son alliance avec l’Allemagne nazie.
Bibliographie

 BERSTEIN Serge et MILZA Pierre, « L’Italie contemporaine, du Risorgimiento à la chute du


fascisme », Armand-Colin, Paris, 1995, 367p.

 TACCHI Francesca, « Histoire illustrée du Fascisme », Préface de Pierre Milza, Editions Place
des Victoires, Paris, 2004, 191p.

 GALLO Max, « L’Italie de Mussolini, vingt ans d’ère fasciste », Texto, Paris, 1964, 191p.

 FORO Philippe, « L’Italie fasciste », Armand-Colin, Paris, 2006.

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