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Les origines de la réserve faunique des Laurentides

Patrick Blanchet, directeur général de la Société d’histoire forestière du Québec (SHFQ)


et Martin Hébert, Ph.D., anthropologue (Université Laval) et administrateur de la SHFQ

Les pratiques forestières sont liées à un contexte social, à des valeurs culturelles, et à un
état donné du développement des connaissances scientifiques. Les changements
historiques de chacune des dimensions de ce contexte font en sorte que la foresterie est en
perpétuel mouvement; elle doit opérer dans des cadres institutionnels changeants, doit
répondre à des objectifs continuellement redéfinis, et elle doit s’adapter à la production
de nouveaux savoirs. Son objet d’étude, la forêt, est un espace investit par de nombreux
acteurs de la société – industries, villégiateurs, communautés locales, autochtones et
autres – qui l’abordent avec leur propre vision et leurs propres intérêts. L’évolution des
paysages forestiers est le fruit de cette complexité, elle est une production culturelle
historique, un miroir des rapports qu’à entretenus, au fil du temps, la société avec la
nature.

Il est facile de porter un jugement sur les pratiques forestières historiques sans
voir au-delà de nos propres critères d’acceptabilité sociale. Mais nous oublions souvent à
quel point notre perspective et nos jugements sont conditionnés par le contexte social,
culturel et scientifique dans lequel nous vivons. Comprendre en profondeur les causes
humaines de la transformation historique des massifs forestiers nous demande de
dépasser cette perspective limitative et de situer de manière rigoureuse les pratiques
forestières par rapport aux institutions, aux valeurs et aux savoirs qui leur donnaient sens.
Ce travail de reconstitution historique nous aidera non seulement à mieux comprendre le
présent, mais nous apprendra aussi à mieux saisir les changements de paradigmes
forestiers auxquels nous aurons inévitablement à faire face. L’histoire de la foresterie
peut ainsi devenir un complément important à la foresterie historique en permettant de
replacer dans son contexte culturel la transformation du paysage pour en découvrir toute
la complexité. La production de ce rapport préliminaire propose d’examiner la réserve
faunique des Laurentides comme un artéfact des conflits d’usage du passé qui n’ont ni à
être validés ou discrédités, mais dont la compréhension nous en apprendra beaucoup sur
les chemins complexes qui ont mené au paysage actuel.
La fondation du parc national des Laurentides en 1895 est l’aboutissement de
plusieurs années de lutte idéologique au sujet de l’usage économique de l’espace
forestier. À l’époque, pour les promoteurs de la conservation des forêts, le Parc devait
être une vaste zone d’exclusion axée sur la prévention des feux de forêt et la protection
des espèces fauniques 1.

William Charles John Hall (1857-1920) est le fondateur et le premier directeur du Parc.
Son histoire personnelle est indubitablement marquée par celle de l’industrie forestière
québécoise. Son grand-père maternel, Peter Patterson (1768-1853), s’installa à Québec en
1801 pour travailler au service de Henry Usborne (1780-1840), riche marchand
britannique faisant le commerce du bois équarri avec l’Angleterre 2. Usborne était venu
introduire une filiale à Québec confiant que, dans un avenir rapproché, le Canada allait
bientôt réussir à développer son économie forestière. C’est à la France qu’il devra ses
premiers succès. En imposant un embargo sur les bois en provenance de la mer Baltique,
l’empereur Napoléon força les Anglais à établir une politique économique
protectionniste. Des tarifs douaniers élevés furent imposés sur les produits importés de
l’extérieur de l’Empire permettant ainsi, pour la première fois, au bois canadien de
concurrencer le bois européen sur le marché anglais.

En 1811, Patterson acheta un terrain aux environs de la chute Montmorency et, en


1818, il avait terminé la construction d’une petite usine de sciage à cet endroit pour
compléter son commerce constitué essentiellement de bois équarri. La prospérité de son
entreprise fut telle qu’il fut en mesure d’acquérir, en 1815, Haldimand House (le Manoir
Montmorency) de même que la seigneurie de Beauport en 1844. À sa mort en 1853, sa
fille unique, Mary Jane, devint propriétaire de la compagnie familiale. Son époux, George
Benson Hall (1810-1876) 3, dirigea l’entreprise qui avait, à ce moment, transféré la
majorité de ses activités dans l’industrie du sciage, et la fit prospérer. En fait, depuis les
années 1830, l’Angleterre avait débuté une politique libre-échangiste et diminuait
graduellement les tarifs préférentiels. Les marchands canadien, incapable de soutenir la
compétitivité du marché européen dans le domaine du bois équarri investir leurs capitaux
dans l’industrie du bois de sciage. Au milieu du XIXe siècle, ce marché soutenu par la
construction résidentielle aux États-Unis était en pleine expansion. La famille Hall
possédait alors l’usine la plus moderne et productive de l’Amérique du Nord au pied des
chutes Montmorency, et devint alors l’une des plus riches au Canada.

En 1876, le fils aîné, Peter Patterson Hall (1851-1910), prit la relève. En 1886, le
cadet, William Charles John (WCJ), devint l’un des trois administrateurs de la George
Benson Hall & Co. Au moment de la prise de possession par son frère Peter, la situation
de l’empire familial périclitait. Leur entreprise se trouvait aux prises à la fois avec une
crise économique internationale majeure et avec différents problèmes légaux à l’intérieur
de leurs concessions forestières. Une cause en particulier monopolisa l’attention des Hall
et marqua le jeune WCJ. En 1881, le gouvernement du Québec avait accordé le droit à
une compagnie Anglaise, la Dominion of Canada Land & Colonisation Co, d’entamer le
défrichement et le peuplement de plus de 40 000 hectares de forêt dans la région des
Cantons-de-l’Est. À l’intérieur de ces derniers, près de 16 000 hectares avaient déjà été
louées à la famille pour son approvisionnement en bois. Malgré le fait que la loi prévoyait
déjà que le bois sur pied demeurait la propriété du locataire, la Dominion of Canada
décida d’utiliser les tribunaux pour interdire la coupe du bois à la famille Hall, prétextant
un droit exclusif sur l’ensemble du territoire. Un très long et coûteux conflit juridique
s’entama alors. Déterminée à faire respecter ses investissements, la famille se défendit
jusqu’au Conseil privé de Londres, la plus haute cour d’appel de l’Empire britannique,
qui lui confirma ses droits 4.

Au moment où les terrains furent retournés au département des Terres de la


Couronne, la forêt avait été pillée et détruite par les feux de forêt. Qui plus est, sur les
40 000 ha cédés à la Dominion, seules les forêts de la famille Hall avaient été exploitées,
démontrant clairement la volonté de l’entreprise de s’approprier le bois plus que de
développer une colonie. C’est dans ce contexte difficile que WCJ arriva à l’âge adulte et
devint l’un des administrateurs de la compagnie familiale. Tant bien que mal, il tenta de
convaincre, avec ses avocats, le gouvernement de les dédommager et tissa de la sorte ses
premiers liens avec les administrateurs des Terres de la Couronne. À l’intérieur du
département, la compagnie Hall avait attiré la sympathie dans un contexte de plus en plus
favorable à la promotion de la protection des forêts face à ce qu’on appelait des
spéculateurs, dont le nombre augmentait.

En fait, depuis le début de la crise économique dans les années 1870, l’Amérique
du Nord était le théâtre d’un vaste mouvement de conservation de la nature. En 1882,
alors que les Hall étaient en cour pour régler l’impasse judiciaire face aux promoteurs de
la colonisation, marchands de bois, politiciens et scientifiques de ce mouvement se
réunissaient à Montréal sous l’égide de l’American Forestry Congress afin de promouvoir
la conservation des forêts. Plusieurs solutions furent alors envisagées pour éviter la
destruction des massifs forestiers, dont la création de réserves afin d’exclure la
colonisation des régions impropres à l’agriculture 5. Le ministre des Terres de la
Couronne de l’époque, William-Warren Lynch (1845-1916), présent lors de la rencontre
de Montréal, mit de l’avant cette idée et créa, en 1883 et 1884, les premières réserves
québécoises. Toutefois, cette opération attisa rapidement la colère du mouvement de
colonisation canadien-français qui y vit une menace pour son expansion sur le territoire.
Le gouvernement suivant, celui d’Honoré Mercier, trancha en faveur de la colonisation et
abolit ces premières réserves.

En 1892, les frères Hall durent abdiquer et vendre les actifs de la compagnie avant
d’être totalement ruinés. C’est avec l’idée de changer les choses et convaincu que les
pertes subies par son entreprise familiale dynastique avaient été causées par de trop
nombreux conflits d’usage et un manque flagrant de protection des forêts contre le feu
que WCJ entra au service de l’État. Cette fois-ci, le contexte lui était favorable. En
décembre 1892, un vieux partisan de la conservation, Edmund-James Flynn (1847-1927),
devint commissaire des Terres de la Couronne, et l’année suivante mandata, à titre de
Clerk of Forestry, WCJ pour mettre en application les mesures appropriées pour protéger
l’industrie forestière. En 1894, il planifia la mise sur pied d’une première organisation de
protection intensive contre le feu dans la région de l’Outaouais, organisation structurée et
gérée par un comité de direction mixte composé du gouvernement et de l’industrie.
L’année suivante, le projet de réserves forestières sera remis sur pied. Il fut alors ennobli
d’une volonté de protéger la nature sauvage au bénéfice des activités de tourisme, de
chasse et de pêche dont les intérêts étaient complémentaires à ceux de l’industrie
forestière. En fait, Hall était un naturaliste accompli et le territoire qu’il voulait protéger
était la cours arrière de sa jeunesse, soit les bassins versants des rivières Montmorency et
ceux de la Jacques-Cartier et du nord de Charlevoix. Jeune adulte, dans les années 1880,
il y avait vu les flammes détruire les approvisionnements en bois de la compagnie
familiale, les paysages romantiques de la nature sauvage se détériorer, le castor être
menacé de disparition et le caribou se raréfier.

Sous les pressions des promoteurs de la colonisation, le ministère de l’Agriculture


avait déjà commandité un certain nombre d’expéditions de reconnaissance, en particulier
celle de l’arpenteur Dumais (en 1862), de même que celle de Hamel et Neilson (1863).
Ces explorations avaient établi de manière plutôt convaincante qu’au-delà de Stoneham,
le territoire situé entre Québec et le lac Saint-Jean était impropre à la colonisation. Ces
évaluations, ainsi que les sorties enflammées de Joseph-Xavier Perrault, agronome
attaché à l’expédition de Hamel et Neilson contre ceux qu’il nommait les « faiseurs de
colonisation » à tout prix, contribuèrent, dès les années 1869, à mettre un terme aux
ambitions colonisatrices sur ce territoire. Dans les années 1870, le territoire qui allait
devenir le Parc était perçu avant tout comme un axe de communication - éventuellement
traversé par un chemin de fer - qui contribuerait, faute d’ouvrir de nouveaux territoires à
la colonisation, à désenclaver les colonies déjà établies au lac Saint-Jean.

Pour éviter d’avoir à débourser des sommes d’argent trop considérables pour
financer le développement du chemin de fer, le gouvernement proposa un transfert de
terres à la Quebec and Saguenay Railway Company, principal contracteur identifié pour
ce projet. La compagnie se montra d’abord réticente à la proposition du gouvernement,
mais celui-ci bonifia successivement ses offres jusqu’à offrir, à la fin des années 1870,
5000 acres de territoire pour chaque mille de rail construit. Cet arrangement, après que
les compagnies de chemin de fer eurent vendu ou loué les terres qui leur avaient été
concédées, laissa les vastes territoires entre Québec et le Lac Saint-Jean sous le contrôle
d’un très petit nombre d’acteurs, en particulier les clubs de chasse et de pêche privés et
quelques exploitants forestiers qui acquirent des concessions le long de la nouvelle ligne
de chemin de fer. Une dizaine d’années avant la création du parc des Laurentides, cette
option pour une « conservation par le petit nombre » fut officialisée par la loi sur les Fish
and Game Protection Clubs, entérinée en 1885.

En 1893, après plus d’une décennie de construction, la ligne de chemin de fer


construite à partir de Québec rejoignait finalement le lac Saint-Jean. La complétion de cet
ouvrage mena le gouvernement à s’interroger sur la manière de gérer le territoire
nouvellement doté de cette infrastructure. Une commission parlementaire fut mise sur
pied en 1894 pour discuter de cette question et on décida, au final, d’appliquer, de
renforcer et d’uniformiser le système de gestion qui avait été élaboré pour administrer les
territoires plus au sud déjà traversés par le chemin de fer et de le chapeauter par une
structure administrative. C’est dans ce contexte qu’en 1895, Hall se retrouva à la tête du
parc national des Laurentides. À l’intérieur des frontières du Parc, les gardiens, qui la
plupart du temps étaient des employés des clubs privés de chasse et de pêche, devaient
assurer la protection des forêts contre le feu et protéger du braconnage poissons et
gibiers. L’objectif commercial sous-jacent est évident et demeure le même qu’à l’époque
où les territoires avaient été octroyés aux compagnies de chemin de fer. Dans son premier
rapport en 1896, Hall écrivait : « Le surcroît de protection de la forêt exercée dans les
limites du Parc va, il faut l’espérer, être un moyen d’engager les marchands de bois à y
acheter des limites 6.» À preuve, au moment de fixer la frontière sud dans le secteur de
Stoneham et Tewkesbury, le gouvernement stipula que les concessions forestières qui s’y
trouvaient devaient être protégées 7.

Au début du XXe siècle, une cinquantaine d’entreprises forestières étaient


détentrices d’une concession pour couper du bois à l’intérieur des frontières du Parc. La
compagnie Price détenait, en 1915, la plus grande concession dont la superficie était de 1
232 840 ha. Le Parc était considéré comme un modèle pour les méthodes modernes de
conservation des forêts où l’exploitation forestière n’était pas exclue à condition qu’elle
soit pratiquée selon les méthodes développées par la science forestière de l’époque. La
surveillance y était accrue, plus que partout ailleurs. Le successeur de Hall, M. Saint-
Denys Prévost, écrivait : « Nous avons, pendant toute l’année, exercé une surveillance
sans trêve sur les chantiers d’exploitation forestière, pour imposer le respect strict de tous
les règlements édictés 8.»

À partir de 1905, le ministère des Terres et Forêts se vit attribuer la mission de classifier
les sols forestiers afin de stabiliser l’approvisionnement en bois nécessaire à l’industrie de
la pâte et du papier. Hall reprit le modèle du Parc qu’il répliqua sur 45 millions d’hectares
de forêt situés dans des régions peu propices à l’agriculture. À ce moment, ses idées et
son influence imprégnaient tout le ministère des Terres et Forêts. Il était le chef du
Service de la protection des forêts 9, le directeur de la protection des forêts pour la
Commission des utilités publiques du Québec ainsi que pour la Commission des chemins
de fer du Canada et un influent directeur de l’Association forestière canadienne.
Innovateur, il avait utilisé, en 1908, un système de cartes postales pour étudier les
données météorologiques et prévoir les risques d’incendie. La même année, il proposa
l’usage de tours d’observation à la suite d’un voyage d’étude aux États-Unis et, en 1910,
il introduisit l’idée du permis de brûler les abattis afin de contrôler les activités de
défrichage. Il était alors un adversaire coriace pour le mouvement de colonisation et
s’attirait aussi l’inimitié de certains partisans de la conservation de la nature canadiens-
français.

En 1907, Gustave-Clodomir Piché revenait des États-Unis avec un diplôme de


forestier professionnel. Au cours des trente années suivantes, il fut à la tête d’un vaste
mouvement à l’origine de la foresterie scientifique actuel dont le point d’ancrage fut le
ministère des Terres et forêts. À cette époque, la protection des forêts contre le feu était
un élément fondamental d’une politique forestière durable, et le contrôle de ce domaine
échappait à Piché vu la dominance de WCJ. Pour G.-C. Piché, le problème entre colons et
marchands de bois et, conséquemment, celui des feux de forêt pouvait être réglé par une
classification permanente et scientifique des sols. À son avis, nul besoin n’était
d’amalgamer d’énormes superficies de forêt profitables à quelques privilégiés et d’ainsi
s’attirer la foudre de la population. Il suffisait simplement d’étudier les cas soumis et de
déterminer scientifiquement l’usage approprié des sols.
Entre 1910 et 1917, Piché réussit à éliminer graduellement les énormes réserves
qu’il monnaya avec le mouvement de colonisation au profit de sa propre vision de la
classification des sols 10. En 1918, les réserves restantes, dont le parc des Laurentides,
celui du Mont-Tremblant et celui de la Gaspésie, furent transférées au ministère de la
Colonisation dans le but d’y améliorer les chemins carrossables. Dans ce contexte, WCJ
décida d’abandonner toutes ses fonctions dans le domaine de la protection des forêts pour
ne conserver que son poste de surintendant du Parc afin de protéger ce qui subsistait de
son projet de réserves forestières. Deux ans plus tard, il décéda d’une crise cardiaque
dans son bureau du Parlement, à Québec.

Au cours des trois années suivantes, les feux affectèrent approximativement 1


200 000 ha de forêt dans l’ensemble du Québec. Ce fut la plus intensive période de feu du
XXe siècle et le Parc n’en fut pas épargné. En fait, la moitié de la superficie totale brûlée
entre 1920 et 2005 l’aura été à cette époque où le Parc avait été laissé entre les mains du
ministère de la Colonisation 11. Frustrée, l’industrie forestière, à qui on avait promis un
niveau supérieur de protection, exerça des pressions constantes pour que le niveau de
surveillance soit accru 12. Finalement en 1928, au moment où la nouvelle route 54 fut
terminée, la protection du Parc fut confiée au Service de la protection des forêts.

À ce moment, cinq tours d’observation avaient été construites. Le Service de la


protection décida alors d’en ériger treize supplémentaires et recruta une soixantaine de
patrouilleurs pour parcourir le territoire. Le Parc était alors une véritable forteresse dotée
de plusieurs barrières (six en 1932) qui bloquaient l’entrée et imposaient un contrôle serré
sur tous les visiteurs. Le résultat en matière de protection fut éloquent.

En 1941, le Québec fit face à une nouvelle période d’incendie forestier intensive.
La seconde en importance pour le XXe siècle. Tout autour du Parc, les feux éclataient,
tant au Lac-Saint-Jean que dans Charlevoix et dans la Mauricie. Les gardes du Parc
durent faire face à une situation de sécheresse exceptionnelle et s’assurer du contrôle de
la situation tant à l’intérieur qu’à proximité de la frontière. Dans l’ensemble, ce fut plus
de 1 700 feux qui affectèrent près de 650 000 hectares de forêt au Québec. 40 % de ces
feux étaient d’origine inconnue, 26 % causés par des feux d’abattis, 19 % par des
campeurs imprudents et 10 % par la foudre. Malgré la diversité des sources d’ignition et
des conditions équivalentes de sécheresse, un seul feu eut lieu à l’intérieur du Par cet il
n’affecat que 5 hectares de forêt dans le secteur près de Van Bruyssel. Ce fut la validation
du système de prévention mis en place dans le Parc.

Les politiques intensives d’exclusion mises en place, que ce soit pour la protection
contre le feu ou pour la protection de la faune, étaient cependant loin de faire l’unanimité.
Le contrôle serré de la fréquentation du territoire, associé au concept élitiste d’un Parc
dont la conservation passait par la cession du territoire à un petit nombre d’acteurs
privilégiés, généra un mécontentement croissant à mesure que l’emprise des clubs et des
compagnies forestières s’étendit sur le territoire. Les Hurons-Wendat, en particulier,
déposèrent plusieurs pétitions au ministère des Affaires indiennes et à d’autres instances
fédérales pour affirmer leurs droits de chasse et de pêche sur ces territoires. En mars
1909, par exemple, ils occupèrent massivement la vallée de la rivière Jacques-Cartier
pour affirmer leurs droits. Le public canadien-français, à mesure qu’il commença à
fréquenter en plus grand nombre les espaces forestiers pour des fins récréatives après la
Première guerre mondiale, en vint aussi à contester les mesures restrictives mises en
place sur un territoire si près des centres urbains et s’interrogea à plus d’une reprise sur le
fait que les véritables bénéficiaires des mesures de conservation étaient, comme le relatait
Willson en 1912, « quelques millionnaires non-résidents »13. Ces pressions populaires
pour la démocratisation de l’accès au Parc auront des impacts majeurs sur l’aménagement
de ce territoire forestier tout au long du vingtième siècle. L’interaction de la foresterie, de
la conservation, de la récréation et des droits autochtones contribuera à façonner encore
pour de nombreuses années cet univers forestier complexe.
1
Loi établissant le parc national des Laurentides, S.Q. 1895, chap. 22; R. Peter
Gillis et Thomas R. Roach, Lost Initiatives, Canada's forest Industries, Forest Policy,
and Forest conservation: Greenwood Publishing Group, 1986, p. 118.
2
J. Keyes, « Peter Patterson », consulté le 10 mai 2009 sur le site du Dictionnaire
biographique du Canada en ligne : http://www.biographi.ca; A. J. H. Richardson,
« Henry Usborne », consulté le 10 mai 2009 sur le site du Dictionnaire biographique du
Canada : http://www.biographi.ca.
3
A. Desilets, « Georges Benson Hall », consulté le 10 mai 2009 sur le site du
Dictionnaire biographique du Canada en ligne : http://www.biographi.ca.
4
BAnQ, fonds E21, versement 1991-11-001/19 dossier 45.
5
R. Peter Gillis et Thomas R. Roach, Lost Initiatives, Canada's forest Industries,
Forest Policy, and Forest conservation: Greenwood Publishing Group, 1986, p. 39-40.
6
Québec, Rapport du commissaire des Terres de la Couronne pour les douze mois
expirés le 30 juin 1896, appendice no 39.
7
Ordre en conseil no 212, approuvé le 6 juin 1895 : on the advisability of annexing
certain territory to the Laurentide National Park.
8
Québec, Rapport du ministre des Terres et Forêts pour les douze mois expirés le
30 juin 1940, p. 31.
9
Le Service de la protection fut l’unité administrative chargée d’étudier les questions
liées aux feux, aux insectes et aux maladies des arbres jusque dans les années 1990. En
1918, cette unité a été fusionnée avec le Service forestier et est redevenue autonome en
1924. Henri Kieffer, un émule de Gustave-C. Piché, en est devenu le chef jusque dans les
années 1960.
10
R. Peter Gillis et Thomas R. Roach, Lost Initiatives, Canada's forest Industries, Forest
Policy, and Forest conservation: Greenwood Publishing Group, 1986, p.123.
11
Héloïse Rheault et Julie Hébert, Reconstitution du portrait historique et de la
situation forestière actuelle de la réserve faunique des Laurentides, Québec, ministère
des Ressources naturelles et de la Faune, 2006, p. 15.
12
Québec, Rapport sur la protection des forêts dans la province de Québec durant
l’année 1928, p. 16.
13
B. Willson (1912) Quebec: The Laurentian Province. Toronto: Bell and
Cockburn, p. 246.

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