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Jacques Derrida La Voix Et Le Phenomene Introduction Au Probleme Du Signe Dans La Phenomenologie de Husserl 1 PDF
Jacques Derrida La Voix Et Le Phenomene Introduction Au Probleme Du Signe Dans La Phenomenologie de Husserl 1 PDF
La voix
et
le phénomène
INTRODUCTION
AU PROBLÈME DU SIGNE
DANS LA PHÉNOMÉNOLOGIE
DE HUSSERL
QUADRIGE/ PUF
ISBN Z 13 04470% 3
ISSN OZ91-o489
INTRODUCTION • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • I
Imprimé ~n France
Imprimerie des Presses L' niversitaircs de France
j3, avenue Ronsard ..p 100 Vendôme
Juin 1993 - :-;o 39 303
INTRODUCTION
(1) Trad. fr. H. ELIE, L. KELKEL, R. SCHÉRER, t. II, 2° part., p. 136. Chaque
fois que nous citerons cette traduction, nous le signalerons par les signes • tr. fr. •.
Ici nous avons remplacé dans cette traduction le mot • significations • par Bedeutungen.
8 LA VOIX ET LE PHP.NOME.NE
(1) To mean, meaning, sont, pour bedeulen, Bedeutung, ces heureux équivalents
dont nous ne disposons pas en français.
LE SIGNE ET LES SIGNES
Bede111t1ng veut dire la même chose que Sinn (gilt ais gleithbede11tend
mit Sinn). D'une part, il est très commode, précisément dans le cas
de ce concept, de disposer de termes parallèles, utilisables en alter-
nance; et surtout dans des recherches de ce type où l'on doit juste-
ment pénétrer le sens du terme Bede111t1ng. Mais il est autre chose
qu'on doit prendre encore davantage en considération : l'habitude
solidement enracinée d'utiliser les deux mots comme voulant dire
la même chose. Dans ces conditions, il ne paraît pas qu'il soit sans
risque de distinguer entre leurs deux Bede11lllngen, et (comme l'a pro-
posé Frege), d'utiliser l'une pour la Bede11111ng en notre sens et l'autre
pour les objets exprimés » (§ 1 ~). Dans Idées I, la dissociation qui
intervient entre les deux notions n'a pas du tout la même fonction
que chez Frege, et elle confirme notre lecture : Bede11tung est réservé
au contenu de sens idéal de l'expression verbale, du discours parlé,
alors que le sens (Sinn) couvre toute la sphère noématique jusque
dans sa couche non-expressive : « Nous adoptons pour point de
départ la distinction bien connue entre la face sensible et pour ainsi
dire charnelle de l'expression, et sa face non sensible,« spirituelle».
Nous n'avons pas à nous engager dans une discussion très serrée de
la première, ni de la façon dont les deux faces s'unissent. Il va de soi
que par là même nous avons désigné les titres de problèmes phéno-
ménologiques qui ne sont pas sans importance. Nous envisageons
exclusivement le « vouloir-dire » ( bede11ten) et la « Bede11t1111g ». A l' ori-
gine, ces mots ne se rapportent qu'à la sphère linguistique ( sprathlithe
Sphiire}, à celle de l'« exprimer» (des A11sdriitleens). Mais on ne peut
guère éviter, et c'est en même temps un pas important dans l'ordre
de la connaissance, d'élargir la Bede11tung de ces mots et de leur faire
subir une modification convenable qui leur permet de s'appliquer
d'une certaine façon à toute la sphère noético-noématique : donc à
tous les actes, qu'ils soient ou non entrelacés (verjlothten) avec des
actes d'expression. Ainsi nous avons même sans cesse parlé, dans le
cas de tous les vécus intentionnels, de« sens» (Sinn), mot qui pour-
20 LA VOIX ET LE PHÉNOMÈNE
(1) Affi.rmatlon très fréquente, depuis les Recherches logiques (cf. par ex. Intro·
ductlon, § 2) jusqu'à l'Origine de la géom/trie.
LE SIGNE ET LES SIGNES
.J, IJERIIIIIA
CHAPITRE II
LA RÉDUCTION DE L'INDICE
(1) Dans la logique de ses exemples cl de son analyse, Husserl aurait pu citer
la graphie en général. Bien que l'écriture soit pour lui, à n'en pas douter, i11dicative
en sa couche propre, elle pose un problème redoutable qui explique probablement
ici le silence prudent de Husserl. C'est que, à supposer qu'eUe soit indicative au sens
qu'il ùnnne à ce mot, elle a un privilège étrange qui risque de désorganiser toutes ces
distinctions essentielles : écriture phonétique (ou mieux : dans la partie purement
phonétique de l'écriture dite abusivement ct globalement phonétique), ce qu'elle
• indiquerait • serait wte • expression •; écriture non phonétique, eUe se substituerait
au discours expressif ùans cc qui !"unit immédiatement au • vouloir-dire • ( bedeute11).
Nous n'insistons pa.o; id snr ce problème : il appartient à l'ultime horizon de cet
essai.
LA VOIX ET LE PHÉNOMÈNE
qui rassemble toutes les fonctions indicatives :«(dans ces cas) nous
trouvons alors, au titre de cette communauté, la situation suivante :
des objets ou des états-de-choses quelconques de la consistance (Bestand)
desquels quelqu'un a une connaissance actuelle lui indiquent ( anzeigen)
la consistance de certains autres objets ou états-de-choses en ce sens que la
conviction de l'être (Sein) des uns est vécue par lui comme nJotif (et ce en
tant que motif non-évident) déternlinant la conviction ou la présomption
de l'être des autres » (§ 2).
Mais cette communauté d'essence est encore si générale qu'elle
couvre tout le champ de l'indication et autre chose encore. Ou plutôt,
puisque c'est bien un Anzeigen qui est ici décrit, disons que cette
communauté d'essence déborde l'indication au sens strict, qu'il va
maintenant falloir approcher. Et nous voyons alors pourquoi il était
important de distinguer entre Sein ou Bestand d'une part, et Existenz,
Dasein ou Realitàt d'autre part : la motivation générale ainsi définie est
celle d'un « parce que » qui peut aussi bien avoir le sens de l'allusion
indicative (Hinweis) que de la démonstration (Beweis) déductive,
évidente, apodictique. Dans ce dernier cas, le «parce que » enchaîne
des nécessités évidentes et idéales, permanentes, persistant au-delà
de tout hic et nunc empiriques. « Ici se révèle une légalité idéale qui
s'étend au-delà des jugements enchaînés par motivation hic et nunc
et qui embrasse comme tels dans une généralité métempirique tous
les jugements de même contenu, et plus encore, tous les jugements
de même « forme » ( Form). » Les motivations enchaînant les vécus,
les acles visant les idéalités nécessaires et évidentes, idéal-objectives,
peuvent être de l'ordre de l'indication contingente et empirique,
« non-évidente » ; mais les relations unissant les contenus des objets
idéaux, dans la démonstration évidente, ne relèvent pas de l'indi-
cation. Toute l'analyse du paragraphe 3 démontre: 1. que même si A
indique B avec une certitude empirique entière (avec la plus haute
probabilité), cette indication ne sera jamais une démonstration de
nécessités apodictiques, et, pour retrouver ici le schéma classique,
LA REDUCTION DE L'INDICE
(r) Cf. § 4 : • Les faits psychiques, dans lesquels le concept de l'indice a son
• origine •, c'est-à-dire dans lesquels on peut le saisir par abstraction, appartiennent
au groupe plus large des faits qu'il faut comprendre sous le titre historique de
•l'association des idées • •, etc. On sail que, tout en le renouvelant ct en l'utilisant
dans le champ de l'expérience transcendantale, Husserl n'a jamais cessé d'opérer
avec ce concept d' • association •. Ici, ce qui est exclu de l'expressivité pure, c'est
l'indication et par là l'association au sens de la psychologie empirique. Ce sont les
v~ psychiques empiriques qu'on doit mettre entre parenthèses pour reconnaltre
l'idéalité de la Btdeulung commandant l'expression. La distinction entre Indice
et expression apparalt donc d'abord dans la phase nécessairement et provisoirement
• Objectiviste • de la phénoménologie, quand il faut neutraliser la subjectivité empi-
rique. Gardera-t-elle toute sa valeur quand la thématique transcendantale appro-
LA VOIX ET LE PHÉNOMÈNE
D'une part, nous le rappelions plus haut, parce que Husserl croit à
l'existence d'une couche pré-expressive et pré-linguistique du sens,
que la réduction devra parfois dévoiler en excluant la couche du
langage. D'autre part, s'il n'y a pas d'expression ct de vouloir-dire
sans discours, tout le discours n'est pas « expressif». Bien qu'il n'y
ait pas de discours possible sans noyau expressif, on pourrait presque
dire que la totalité du discours est prise dans une trame indicative.
CHAPITRE III
voulant-dire est donc une double sortie hors de soi du sens (Sinn)
en soi, dans la conscience, dans l'avec-soi ou l'auprès-de-soi que
Husserl commence par déterminer comme« vie solitaire de l'âme».
Plus tard, après la découverte de la réduction transcendantale, il la
décrira comme sphère noético-noématique de la conscience. Si
nous nous référons par anticipation et pour plus de clarté aux para-
graphes correspondants de Idées I, nous voyons comment la couche
«improductive» de l'expression vient refléter, « réfléchir» en miroir
(widerzuspiegeln) toute autre intentionnalité quant à sa forme et à
son contenu. Le rapport à l'objectivité marque donc une intention-
nalité « pré-expressive » ( vor-ausdriicklich) visant un sens qui sera
ensuite transformé en Bedeutung et en expression. Que cette « sortie »
répétée, réfléchie, vers le sens noématique puis vers l'expression,
soit un redoublement improductif, voilà qui ne va pas de soi,
surtout si l'on considère que par« improductivité» Husserl entend
alors « productivité qui s'épuise dans l'exprimer el dans la forme du
conceptuel qui s'introduit avec cette fonction» (1). Nous aurons donc
à y revenir. Nous voulions seulement marquer ici ce que signifie
« expression » selon Husserl : sortie hors de soi d'un acte, puis d'un
sens qui ne peut alors rester en soi que dans la voix, et dans la
voix « phénoménologique ».
2.. Dans les Recherches, le mot « expression » s'impose déjà pour
une autre raison. L'expression est une extériorisation volontaire,
décidée, consciente de part en part, intentionnelle. Il n'y a pas
d'expression sans l'intention d'un sujet animant le signe, lui prêtant
une Geistigleeit. Dans l'indication, l'animation a deux limites : le corps
du signe, qui n'est pas un souffle, et l'indiqué, qui est une existence
dans le monde. Dans l'expression, l'intention est absolument expresse
(I) § 124, tr. P. RICŒUR, p. 421. Nous analysons ailleurs plus directement la
Problématique du vouloir-dire et de l'expression dans /dies 1, cf. • La forme et le
;o~oir·dire, Note sur la phénoménologie du langage • in Revue internationale de
hslosophie, sept. 1967.
LA VOIX ET LE PH:t!NOMÈNE
parce qu'elle anime une voix qui peut rester tout intérieure et que
l'exprimé est une Bedeulung, c'est-à-dire une idéalité n' « existant »
pas dans le monde.
3· Qu'il n'y ait pas d'expression sans intention volontaire, cela
se confirme d'un autre point de vue. En effet, si l'expression est
toujours habitée, animée par un bedeuten, comme vouloir-dire, c'est
que pour Husserl la Deutung, disons l'interprétation, l'entente, l'in-
telligence de la Bedeulllng ne peut jamais avoir lieu hors du discours
oral (Rede). Seul un tel discours peut s'offrir à une Deutung. Celle-ci
n'est jamais essentiellement lecture mais écoute. Ce qui« veut dire»,
çe que le vouloir-dire veut dire, la Betleutung, est réservé à ce qui parle
et qui parle en tant qu'il dit ce qu'il veut dire : expressément, explici-
tement et consciemment. Vérifions-le.
Husserl reconnaît que son usage du mot« expression»« contraint»
un peu la langue. Mais la contrainte ainsi exercée purifie son inten-
tion et à la fois révèle un fonds commun d'implications métaphy-
siques. « ... établissons que tout discours (Rede) et toute partie de
discours (Redeteil), aussi bien que tout signe de nature essentielle-
ment semblable est une expression, sans tenir compte du fait que
le discours soit ou non effectivement prononcé (wir/r./jçh geredet},
donc qu'il soit ou non adressé à une personne quelconque dans
une intention de communication. » Ainsi, tout cc qui constitue
l'effectivité du prononcé, l'incarnation physique de la Bedeutung,
le corps de la parole, ce qui dans son idéalité appartient à une langue
empiriquement déterminée, est, sinon hors discours, du moins
étranger à l'expressivité comme telle, à cette intention pure sans
laquelle il ne saurait y avoir de discours. Toute la couche de l'effec-
tivité empirique, c'est-à-dire la totalité factuelle du discours, appar-
tient à cette indication dont nous n'avons pas fini de reconnaître
l'étendue. L'effectivité, la totalité des événements du discours est
indicative non seulement parce qu'elle est dans le monde, aban-
donnée au monde, mais aussi, corrélativement, parce que, en tant
LB VOULOIR-DIRE COMME SOLILOQUE
(r) Pour ne pas mêler et multiplier les difficultés, nous ne considmns en cet
endroit précis que l'expression parfaite, celle dont la 1 Bedeutungsinlmtion 1 est
1 remplie •· Nous y sommes autorisés dans la mesure où cette plénitude, nous le
verrons, est le telos et l'accomplissement de ce que Husserl veut ici Isoler sous le
nom de vouloir-dire et d'expression. I.e non-remplissement fera surgir des problœes
originaux que nous rencontrerons plus loin.
Citons id le passage sur lequel nous venons de nous appuyer : 1 Quand nous
réfléchissons sur le rapport entre l'expression et la Bedeutung et que, à cette fin,
nous démembrons le vécu complexe et en outre intimement uni de l'expression
remplie de sens en Isolant les deux facteurs, le mot et le sens, alors le mot lui-mœe
nous apparaît comme indifférent en soi, mais le sens nous apparaît comme ce qu'on
a 1 en vue • avec le mot, comme ce qui est visé au moyen de ce signe; l'expression
semble ainsi dévier l'intérêt de soi vers le sens (von sich ab und au/ den Sinn hinJu-
lenken), elle semble renvoyer (hinJuzeigen) à ce dernier. Mais ce renvoi (HinJeigen)
n'est pas l'indication ( das A nzeigen) au sens où nous en avons débattu. L'existence
(Dasein) du signe ne motive pas l'existence, ou plus exactement, notre conviction de
l'existence de la Bedeutung. Ce qui doit nous servir d'indice (de signe distinctif) doit
être perçu par nous comme existant ( als daseiend). Cela est aussi le cas des expressions
dans le discours communicatif mais non des expressions dans le discours solitaire. 1
LA VOIX ET LE PHP.NOM!i.NE
(1) Cf. § 90 et tout le chap. IV de la III• Section, en particulier les § 99, 109,
1 1 1 et surtout 112 : • La difficulté ne sera levée que quand la pratique de l'analyse
phénoménologique authentique sera plus étendue qu'elle ne l'est encore à présent.
Aussi longtemps qu'on traitera les vécus comme des • contenus 1 ou des 1 éléments 1
psychiques et que, en dépit de toutes les polémiques à la mode dirigée contre la
psychologie atomiste ou chosiste, on continuera de les considérer comme des sortes
de choses en miniature (Silcllelchen), aussi longtemps qu'on croira trouver la diffé-
rence entre les • contenus de sensation • et les • contenus d'imagination 1 corres-
pondants, dans des critères matériels tels que 1 l'intensité 1, la • plénitude 1, etc.,
on ne peut entrevoir aucun progrès. Il faudrait qu'on s'avisât pour commencer
~0 LA VOIX ET LE PH~NOM:E.NE
qu'il s'agit Ici d'une différence qui concerne la conscienct' ..• • (tr. P. RICŒUR, p. 374).
L'originalité phénoménologique que Husserl veut ainsi respecter le conduit à
poser une hétérogénéité absolue entre la perception ou présentation originaire
(Gegenwtlrtigung, Prâsentalion) et la re-présentation ou re-production représen·
tative, qu'on traduit aussi par présentification (Vergegenwllrtigung). Le souvenir,
l'image, le signe sont des re-présentations en ce sens. A vrai dire, Husserl n'est
pas conduit à recounaJtre cette hétérogénéité : celle-ci constitue toute la possibilité
de la phénoménologie qui n'a de sens que si une présentation pure et originaire est
possible et originale. Une telle distinction (à laquelle il faut ajouter, au moins, celle
entre la re-présentation positionnelle (setzende) qui pose l'ayant-été-présent dans
le souvenir, et la re-présentation imaginaire ( Phantasie· Vergegenwtlrtigung) qui
est neutre à cet égard), dont nous ne pouvons ici étudier directement tout le système
complexe et fondamental, est donc l'instrument indispensable pour une critique
de la psychologie classique, en particulier de la psychologie classique de l'imagi-
nation et du signe. Mais ne peut-on assumer la nécessité de cette critique de la
psychologie naive seulement jusqu'à un certain point ? Et montrer finalement
que le thème ou la valeur de 1 présentation pure •, de perception pure et originaire,
de présence pleine et simple, etc., constituent la complicité de la phénoménologie
et de la psychologie classique, leur commune présupposition métaphysique ? En
affirmant que la perception n'existe pas ou que ce qu'ou appelle perception n'est
pas originaire, et que d'une certaine manière tout 1 commence • par la 1 re-présen-
tation • (proposition qui ne peut évidemment se soutenir que dans la rature de
ces deux derniers concepts : elle signifie qu'il n'y a pas de 1 commencement • et
la 1re-présentation • dont nou5 parlons n'est pas la modification d'un • re· • survenue
à une présentation originaire), en réintroduisant la différence du 1 signe • au cœur
de l' 1 originaire •, il ne s'agit pas de revenir en deçà de la phénoménologie trans-
cendantale, que ce soit vers un 1 empirisme • ou vers une critique 1 kantienne •
de la prétention à l'intuition originaire. Nous venons ainsi de désigner l'intention
première- et l'horizon lointain- du présent essai.
( 1) Il faut rapprocher du texte des Recherches logiques ce passage du Cours
de linguistique génJrale : 1 Le signe linguistique unit non une chose et un nom,
LE VOULOIR-DIRE COMME SOLILOQUE
mais un concept et une image acoustique. Cette dernière n'est pas le son matériel,
chose purement physique, mais l'empreinte psychique de ce son, la représentation
que nous en donne le témoignage de nos sens ; elle est sensorielle, et s'il nous arrive
de l'appeler • matérielle •, c'est seulement dans ce sens et par opposition à l'autre
terme de l'association,le concept, généralement plus abstrait. Le caractère psychique
de nos images acoustiques apparait bien quand nous observons notre propre langage.
Sans remuer les lèvres ni la langue, nous pouvons nous parler à nous-mimes ou nous
réciter mentalement une pièce de vers • (p. 98. Nous soulignons). Et cette mise en
garde qu'on a bien vite oubliée : 1 C'est parce que les mots de la langue sont pour
nous des images acoustiques qu'il faut éviter de parler des 1 phonèmes • dont ils
sont composés. Ce terme, impliquant une idée d'action vocale, ne peut convenir
qu'au mot parlé, à la réalisation de l'image intérieure dans le discours. • Mise en
garde oubliée, mais sans doute parce que la proposition de remplacement avancée
par Saussure ne faisait qu'aggraver le risque : 1 En parlant de sons et des syllabes
d'un mot, on évite ce malentendu, pourvu qu'on se souvienne qu'il s'agit de l'image
acoustique. • Il faut bien reconnaltre qu'on a plus de facilité à s'en souvenir en
parlant de phonème qu'en parlant de son. Ce dernier ne se pense hors de l'action
vocale réelle que dans la mesure où on le situe plus facilement que le phonème
comme un objet dans la nature.
Pour éviter d'autres malentendus, Saussure conclut ainsi : 1 L'ambiguïté dispa-
raîtrait si l'on désignait les trois notions ici en présence par des noms qui s'appellent
les uns les autres tout en s'opposant. Nous proposons de conserver le mot signe
pour désigner le total, ct de remplacer concept et image acoustique respectivement
par signifié et signifiant • (p. 99). On pourrait poser J'équivalence signifiant/expres·
sion, signitiéJBedeutung, si la structure bedeuten/BedeutungJsens/objet n'était pas
beaucoup plus complexe chez Husserl que chez Saussure. Il faudrait aussi comparer
systématiquement l'opération à laquelle procède Husserl dans la première des
Recherches et la délimitation par Saussure du 1 système interne • de la langue.
LA VOIX ET LE PH:SNOMP.NE
sens est une composante non réelle (reel/) du vécu (x). L'irréalité
du discours intérieur est donc une structure très différenciée. Husserl
écrit très précisément, quoique sans insistance : « Un signe verbal,
parlé ou imprimé, est évoqué dans notre imagination, en vérité il
n'existe pas du tout. Toutefois, nous ne devrons pas confondre les
représentations de l'imagination ( Phanlasievorstellungen) el encore
moins [nous soulignons) les contenus de l'imagination qui en sont le
fondement, avec les objets imaginés. » Donc, non seulement l'ima-
gination du mot, qui n'est pas le mot imaginé, n'existe pas, mais le
contenu (le noème) de cette imagination existe encore moins que l'acte.
(1) Sur la non-rédlité du noème dans le cas de l'image ct du signe, cf. en parti-
culier Idées 1, § 102
CHAPITRE IV
LE VOULOIR-DIRE
ET LA REPRÉSENTATION
(1) Cf. à ce sujet la note des traducteurs des Recherches (t. 11, 1, p. 276) et celle
des traducteurs des Leçons (p. 26).
LE VOULOIR-DIRE ET LA REPREsENTATION ~~
tion de la chose corporelle sensible, à savoir que, s'y donnant en personne dans le
présence, elle est 1 signe pour elle-même • (Idées 1, § 52, tr. fr., p. 174). :l;;tre signa
de soi (inde:& sui), ou n'être pas un signe, n'est-ce pas la même chose? C'est en ce
sens que, 1 dans le même instant • où il est perçu, le vécu est signe de soi, présent
à soi sans détour indicatif.
LE SIGNE ET LE CLIN D'ŒIL
tr. fr., p. 65), mais toute sa description s'adapte avec une souplesse
et une finesse incomparables aux modifications originales de cet
étalement irréductible. Cet étalement reste néanmoins pensé et
décrit à partir de l'identité à soi du maintenant comme point. Comme
« point-source ». L'idée de présence originaire et en général de
« commencement », le « commencement absolu », le principium (x)
renvoie toujours, dans la phénoménologie, à ce « point-source ».
Bien que l'écoulement du temps soit« indivisible en fragments qui
pourraient être par eux-mêmes, et indivisible en phases qui pour-
raient être par elles-mêmes, en points de la continuité », les « modes
d'écoulement d'un objet temporel immanent ont un commencement,
un point-source pour ainsi dire. C'est le mode d'écoulement par
lequel l'objet immanent commence à être. Il est caractérisé comme
présent» (tr. fr., p. 42). Malgré toute la complexité de sa structure, la
temporalité a un centre indéplaçable, un œil ou un noyau vivant,
et c'est la ponctualité du maintenant actuel. L' « appréhension-de-
maintenant est comme le noyau vis-à-vis d'une queue de comète
de rétentions» (p. 45), et« il n'y a chaque fois qu'une phase ponc-
tuelle à être maintenant présente, tandis que les autres s'y raccrochent
comme queue rétentionnelle » (p. 55). « Le maintenant actuel est
nécessairement et demeure quelque chose de ponctuel ( ein Punie-
(1) Il est peut-être opportun de relire ici la définition du 1 principe des prin-
cipes • : 1 Mais finissons-en avec les théories absurdes! Avec le principe des prin-
cipes, nulle théorie imaginable ne peut nous induire en erreur : à savoir que toute
intuition donatrice originaire est une source de droit pour la connaissance ; tout ce
qui s'offre à nous dans 1 rintuition • de façon originaire {dans sa réalité corporelle
pour ainsi dire) doit être simplement reçu pour ce qu'il se donne, mais sans non plus
outrepasser les limites dans lesquelles il se donne alors. Il faut bien voir qu'une théorie
ne pourrait, à son tour, tirer sa vérité que des données originaires. Tout énoncé qui
se borne à conférer une expression à ces données par le moyen d'une simple expli-
citation et de significations qui leur soient exactement ajustées, est donc réellement,
comme nous l'avons dit dans les lignes d'introduction de ce chapitre, un commence-
ment absolu appelé au sens propre du mot à servir de fondement, bref un princi-
pium • (Idées 1, § 24, tr. fr., p. 78).
70 LA VOIX ET LE PH:E.NOMÈNE
tuelle.r), une forme qui demeure poliT' une matière toll}ours nouvelle» (Idées I,
§ 81).
C'est à cette identité à soi-même du maintenant actuel que se
réfère Husserl dans le « im se/ben Augenblick » dont nous sommes
partis. Et il n'y a d'ailleurs aucune objection possible, à l'intérieur
de la philosophie, à l'égard de ce privilège du maintenant-présent.
Ce privilège définit l'élément même de la pensée philosophique, il
est l'évidence même, la pensée consciente elle-même, il commande tout
concept possible de la vérité et du sens. On ne peut le suspecter sans
commencer à énucléer la conscience elle-même depuis un ailleurs de la
philosophie qui ôte toute sécurité et tout fondement possibles au discours.
Et c'est bien autour du privilège du présent actuel, du maintenant, que
se joue, en dernière instance, ce débat, qui ne peut ressembler à aucun
autre, entre la philosophie, qui est toujours philosophie de la présence,
et une pensée de la non-présence, qui n'est pas forcément son
contraire, ni nécessairement une méditation de l'absence négative,
voire une théorie de la non-présence comme inconscient.
La dominance du maintenant ne fait pas seulement système avec
l'opposition fondatrice de la métaphysique, à savoir celle de laforme
(ou de l'eidos ou de l'idée) et de la matière comme opposition de
l'acte et de 1a puiuance («Le maintenant actuel est nécessairement et
demeure quelque chose de ponctuel : c'est une forme qui persiste
( Verharrende) alors que la matière esttorgour s nottz•elle ») ( I ). Elle assure
la tradition qui continue la métaphysique grecque de la présence en
métaphysique « moderne » de la présence comme conscience de soi,
métaphysique de l'idée comme représentation (Vorstellung). Elle
prescrit donc le lieu d'une problématique confrontant la phéno-
ménologie à toute pensée de la non-conscience qui saurait s'approcher
du véritable enjeu et de l'instance profonde de la décision : le concept
du temps. Ce n'est pas un hasard si les Leçons sur la conscience intime
<~_6)>:'
74 LA VOIX ET LE PHÉNOMÈNE
(1) Cf. par exemple, entre beaucoup d'autres textes analogues,le Supplément III
aux Leçons : • Nous avons donc, comme modes essentiels de la conscience du temps :
1) la • sensation • comme présentation, et la rétention et la protention, enlacées
(ver{locillenl!} par essence avec elle, mais qui peuvent aussi devenir indépendantes
(la sphère originaire au sens large); 2) la re-présentation thétique (le souvenir),
la re-présentation thétique de ce qui peut accompagner ou revenir (l'attente); 3) la
re-présentation imaginaire, comme pure imagination, en qui se trouvent tous ces
mêmes modes, dans une conscience qui imagine • (tr. fr., p. 141·142.) Ici encore,
on l'aura remarqué, le nœud du problème a la forme de l'entrelacement (Ver-
/lechtung) de fils que la phénoménologie délie rigoureusement en leur essence.
Cette extension de la sphère d'originarité est ce qui permet de distinguer entre
la certitude absolue attachée à la rétention et la certitude relative dépendant du
souvenir secondaire ou ressouvenir (Wiedererinnerung) dans la forme de la re-pré-
sentation. Parlant des perceptions comme archi-vécus (Urerlebnisse), HUSSERL
écrit dans Idées 1 : • En effet, à les considérer exactement, elles n'ont dans leur
plénitude concrète qu'une seule phase qui soit absolument originaire, mais qui égale-
ment ne cesse de s'écouler continûment : c'est le moment du maintenant vivant... •
• Ainsi nous saisissons, par exemple, la validité absolue de la réflexion en tant que
LE SIGNE ET LE CLIN D'ŒIL
présence comme telle; que le re-tour soit retour d'un présent qui se
retiendra dans un mouvementjilli de rétention; qu'il n'y ait de vérité
originaire, au sens phénoménologique, qu'enracinée dans la finitude
de cette rétention; que le rapport à l'infini ne puisse enfin s'instaurer
que dans l'ouverture à l'idéalité de la forme de présence, comme
possibilité de re-tour à l'infini. Sans cette non-identité à soi de la
présence dite originaire, comment expliquer que la possibilité de la
réflexion et de la re-présentation appartienne à l'essence de tout
vécu? Qu'elle appartienne comme une liberté idéale et pure à l'essence
de la conscience ? Husserl le souligne sans cesse, pour la réflexion
surtout dans Idées I (1), et pour la re-présentation déjà dans les
Lefons (.t). Dans toutes ces directions, la présence du présent est
pensée à partir du pli du retour, du mouvement de la répétition et non
l'inverse. Que ce pli soit irréductible dans la présence ou dans la
présence à soi, que cette trace ou cette différance soit toujours plus
vieille que la présence et lui procure son ouverture, est-ce que cela
n'interdit pas de parler d'une simple identité à soi « im se/ben Augen-
blick » ? Est-ce que cela ne compromet pas l'usage que Husserl veut
faire du concept de « vie solitaire de l'âme » et par suite le partage
rigoureux entre l'indication et l'expression? Est-ce que l'indication
et tous les concepts à partir desquels on a tenté jusqu'ici de la penser
(existence, nature, médiation, empiricité, etc.) n'ont pas dans le
mouvement de la temporalisation transcendantale une origine indé-
racinable? Est-ce que, du même coup, tout ce qui s'annonce dans
cette réduction à la« vie solitaire de l'âme» (la réduction transcen-
dantale à toutes ses étapes et notamment la réduction à la sphère mona-
dologique du« propre » - Eigenheit- etc.) n'est pas comme fissuré
(l) Cf. notammentlechap. IV et surtout les§§ 114 à 127des Idées 1 (III• Section).
Nous les étudierons ailleurs de plus p~ et pour eux·mêmes. Cf. • I.a forme et le
vouloir·dire •, déjà cité.
So LA VOIX ET LE PHÉNOMÈNE
ses actes dans la forme de mots dont le lelo.r comporte qu'ils soient
entendus de celui qui les profère.
Considéré d'un point de vue purement phénoménologique, à
l'intérieur de la réduction, le processus de la parole a l'originalité de
se livrer déjà comme pur phénomène, ayant déjà suspendu l'attitude
naturelle et la thèse d'existence du monde. L'opération du« s'entendre-
parler » est une auto-affection d'un type absolument unique. D'une
part, elle opère dans le médium de l'universalité ; les signifiés qui y
apparaissent doivent être des idéalités qu'on doit idealiter pouvoir
répéter ou transmettre indéfiniment comme les mêmes. D'autre
part, le sujet peut s'entendre ou se parler, se laisser affecter par le
signifiant qu'il produit sans aucun détour par l'instance de l'exté-
riorité, du monde, ou du non-propre en général. Toute autre forme
d'auto-affection doit ou bien passer par le non-propre ou bien
renoncer à l'universalité. Lorsque je me vois, que ce soit parce
qu'une région limitée de mon corps se donne à mon regard ou que
ce soit par la réflexion spéculaire, le non-propre est déjà entré dans
le champ de cette auto-affection qui dès lors n'est plus pure. Dans
l'expérience du touchant-touché, il en va de même. Dans les deux
cas, la surface de mon corps, comme rapport à l'extériorité, doit
commencer par s'exposer dans le monde. N'y-a-t-il pas, dira-t-on, des
formes d'auto-affection pure qui, dans l'intériorité du corps propre,
ne requièrent l'intervention d'aucune surface d'exposition mondaine
et pourtant ne sont pas de l'ordre de la voix? Mais ces formes restent
alors purement empiriques, ne peuvent appartenir à un médium de
signification universelle. Il faut donc, pour rendre compte du pouvoir
phénoménologique de la voix, préciser encore ce concept d'auto-
affection pure et décrire ce qui en lui le rend propre à l'universalité.
En tant qu'auto-affection pure, l'opération du s'entendre-parler
semble réduire jusqu'à la surface intérieure du corps propre, elle
semble, dans son phénomène, pouvoir se dispenser de cette extério-
rité dans l'intériorité, de cet espace intérieur dans lequel est tendue
LA VOIX QUI GARDE LE SILENCE
(1) Il est étrange que, malgré le motif formaliste et la fidélité leibnizienne qui
s'affirment d'un bout à l'autre de son œuvre, HusSERL n'ait jamais placé le problème
de l'écriture au centre de sa réflexion ni, dans l'Origine de la géométrie, tenu compte
de la différence entre l'écriture phonétique et l'écriture non phonétique.
LA VOIX QUI GARDE LE SILENCE
(1) Dans les importants paragraphes 124 à 127 de Idées 1 que nous suivrons
ailleurs pas à pas, HussERL nous invite du r~te, tout en parlant sans cesse de
couche sous-jacente du vécu pré-expressif, à • ne pas trop présumer de cette image
de stratification 1 (Schichtung). • L'expression n'est pas une sorte de vernis plaqué
ou de vêtement surajouté ; c'est une formation spirituelle qui exerce sur la couche
intentionnelle sous-jacente (Unterscllicht) de nouvelles fonctions intentionnelles. 1
CHAPITRE VII
LE SUPPLÉMENT D'ORIGINE
{1) Selon Husserl, bien entendu. Cela est sans doute plus vrai des théories
modernes qu'il réfute que, par exemple, de certaines tentatives médiévales auxquelles
il ne se réfère presque jamais, à l'exception d'une brève allusion à la Grammatica
speculativa de Thomas d'ERFURT dans Logique formelle et lcgique transcendantale.
102. LA VOIX ET LE PH:BNOMÈNE
en la111 qu'oijel, en /ani qHe sens remplissant el en lan/ que simple sens
011 Bedeutung).
Pourquoi des mêmes prémisses Husserl refuse-t-il de tirer ces
conséquences? C'est que le motif de la « présence» pleine, l'impé-
ratif intuitionniste et le projet de connaissance continuent de
commander - à distance, disions-nous - l'ensemble de la des-
cription. Dans un seul et même mouvement, Husserl décrit et efface
l'émancipation du discours comme non-savoir. L'originalité du
vouloir-dire comme visée est limitée par le telos de la vision. La
différence qui sépare l'intention de l'intuition, pour être radicale,
n'en serait pas moins prc-visoire. Et cette pro-vision constituerait
malgré tout l'essence du vouloir-dire. L'eidos est déterminé en
profondeur par le le/os. Le « symbole » fait toujours signe vers la
« vérité » dont il se constitue comme le manque : « Si la « possibilité »
ou la « vérité » viennent à manquer, l'intention de 1•énoncé n'est
évidemment accomplie que « symboliquement » ; elle ne peut puiser
dans l•intuition et dans les fonctions catégoriales qui doivent s•exercer
sur son fondement la plénitude qui constitue sa valeur de connais-
sance. Il lui manque alors, comme on a coutume de dire, la Bedeultmg
«vraie»,« authentique»»(§ 11). Autrement dit, le vrai et authentique
vouloir-dire est le vouloir dire-vrai. Ce subtil déplacement est la
reprise de l'eidos dans le /e/oset du langage dans le savoir. Un discours
avait beau être déjà conforme à son essence de discours quand il
était faux. Il n•en atteint pas moins son entéléchie lorsqu•il est vrai.
On peut bien parler en disant « le cercle est carré », on parle bien en \
disant qu'il ne l'est pas. Il y a déjà du sens dans la première proposition..
Mais on aurait tort d'en induire que le sens n'al/end pas la vérité.
Il n'attend pas la vérité en tant qu'il l'attend, il ne la précède que
comme son anticipation. En vlrill, le telos qui annonce l'accomplis-
sement promis pour « après » avait déjà, auparavant, ouvert le sens
comme rapport à l'objet. C'est ce que veut dire le concept de nor-
ma/ill chaque fois qu'il intervient dans la description de Husserl. La
llO LA VOIX ET LE PHl?.NOMP.NE
***
Nous avons éprouvé la solidarité systématique des concepts de
sens, d'idéalité, d'objectivité, de vérité, d'intuition, de perception,
d'expression. Leur matrice commune est l'être comme présence :
proximité absolue de l'identité à soi, être-devant de l'objet dispo-
nible pour la répétition, maintenance du présent temporel dont la
forme idéale est la présence à soi de la vie transcendantale dont
l'identité idéale permet idea/iter la répétition à l'infini. Le présent-
vivant, concept indécomposable en un sujet et un attribut, est donc
le concept fondateur de la phénoménologie comme métaphysique.
Pourtant, tout ce qui est purement pensé sous ce concept étant du
même coup déterminé comme idéalité, le présent-vivant est en fait,
réellement, effectivement, etc., différé à l'infini. Cette différance est
I 12. LA VOIX ET LE PHF.NOM!!.NE
(1) Pp. 106-7 de la traduction française, dans laquelle nous avons fait apparaftre
te mot Bedelllung et souligné deux phrases.
114 LA VOIX ET LE PH:f.NOMP.NE
vers les salles ... Un tableau de Téniers ... représente une galerie
de tableaux... Les tableaux de cette galerie représentent à leur tour
des tableaux, qui de leur côté feraient voir des inscriptions qu'on
peut déchiffrer, etc. ».
Rien n'a sans doute précédé cette situation. Rien assurément
ne la suspendra. Elle n'est pas tomprise, comme le voudrait Husserl,
entre des intuitions ou des présentations. Du plein jour de la pré-
sence, hors de la galerie, aucune perception ne nous est donnée
ni assurément promise. La galerie est le labyrinthe qui comprend
en lui ses issues : on n'y est jamais tombé comme dans un tas parti-
culier de l'expérience, celui que croit alors décrire Husserl.
Il reste alors à parler, à faire rlsonner la voix dans les couloirs
pour suppléer l'éclat de la présence. Le phonème, l'akoumène est
le phénomène du labyrinthe. Tel est le tas de la phonè. S'élevant vers le
soleil de la présence, elle est la voie d'Icare.
Et contrairement à ce que la phénoménologie - qui est toujours
phénoménologie de la perception - a tenté de nous faire croire,
contrairement à ce que notre désir ne peut pas ne pas ~tre tenté de
croire, la chose même se dérobe toujours.
Contrairement à l'assurance que nous en donne Husserl un peu
plus loin, « le regard » ne peut pas « demeurer ».