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El Capitalismo de La Seducción Libro PDF
El Capitalismo de La Seducción Libro PDF
Le capitalisme
de la séduction
CRITIQUE
DE LA SOCIAL-DEMOCRATIE LIBERTAIRE
Éditions sociales
à Dominique Pagani,
à qui l’auteur doit beaucoup.
PRÉLUDE
L’initiation mondaine
à la
civilisation capitaliste
1
A. – MAGIE
B. – TOTEM
C. – POTLATCH
L’ETHNOLOGIE DU PLAN MARSHALL
Nous ne ferons que rappeler les caractéristiques du
potlatch. Car c’est tout notre livre qui sera la démonstration
que la consommation mondaine – cachée derrière la notion
idéologique de « société de consommation » – n’est qu’un
potlatch. Potlatch de la plus-value.
Le potlatch est une dépense somptuaire qui permet
d’établir la hiérarchie sociale selon la consommation. L’étude
de ce potlatch (de la plus-value) permettra donc de compléter
la définition des classes sociales. Et de contribuer à apporter au
marxisme le complément nécessaire aux classifications déjà
connues, celles du procès de production.
Proposer les fondements économiques, sociologiques,
historiques de ce potlatch sert à définir l’intrusion du plan
Marshall {5} dans la société traditionnelle (en France). Le
potlatch naît du plan Marshall. La consommation bourgeoise
spécifique du néo-capitalisme commence avec la pénétration
de l’impérialisme américain. L’américanisation de la vie
française s’inaugure par la consommation des surplus made in
USA.
Mais, de même qu’une certaine modernité juvénile a pu
dire : « Hitler ? connais pas », l’intellectuel de gauche, même
lui – surtout lui ? – risque de nous répondre : « Plan
Marshall ? connais pas : on n’en parle jamais dans le Nouvel
Obs. » Ou bien : « Pour définir la modernité, pourquoi
remonter si loin ? » Il est vrai que pour cet intellectuel la
modernité, bien souvent, ne commence que par le dernier film
à la mode. Le twist ? Connais pas. Le reggae, oui. Et la guerre
du coca ? Elle était devenue un affrontement national. Elle
avait occasionné des débats passionnés, à l’Assemblée. Quel
intellectuel de gauche se rappelle de ce combat contre un trop
évident symbole – alors – de la pénétration commerciale et
idéologique ?
Cette amnésie programmée ne fait que révéler
l’importance de ce qui doit être oublié. Le plan Marshall est
bien l’acte étymologique de notre modernité. Son rôle est
fondamental. Dans l’immédiat après-guerre, il a greffé une
économie d’abondance sur une économie de la rareté, de la
misère même. Et il a greffé le module américain culturel dans
une société traditionnelle, rurale. Cette acculturation radicale a
autorisé ainsi un phénomène radicalement nouveau ;
l’immanence de l’économique et du culturel. Alors que dans la
société traditionnelle, les deux termes se disposent selon la
plus grande distance possible et conservent une autonomie
relative certaine, la modernité sera l’immanence de leurs
rapports d’expression Le culturel sera l’expression des besoins
idéologiques du marché. C’est la définition de la société civile,
que Hegel avait prévue et dénoncée.
L’autre grande amnésie de l’intellectuel de gauche : le
surplus, ce commis voyageur du plan Marshall.
L’extraordinaire gamme des surplus vestimentaires,
machinaux, alimentaires, etc. Cet oubli s’explique en partie par
la modernisation de la boutique de surplus. D’abord officine
d’un produit d’une rareté et étrangeté telles qu’elles
supportaient l’élan de l’imaginaire et du désir. Elle est devenue
le lieu même de la banalisation de la marchandise, du mélange
des modes et des produits exotiques. C’est ce processus de
banalisation qui est la procédure même de l’amnésie {6}.
La stratégie du plan Marshall – celle des surplus – va
révéler la nature du potlatch. De la même manière que le
flipper et le juke-box nous ont permis de reconstituer l’acte
magique et totémique. Définir le potlatch revient à montrer la
stratégie de séduction du plan Marshall.
La conquête de marché sera la braderie des surplus,
l’offrande faite à la jeunesse du peuple de France, des jeux du
machinisme. Le mode d’emploi de la surabondance, du factice.
L’appât et l’usage des surplus. Et tout le reste suivra,
inexorablement : l’UDR, la mise en place du modèle de
production américain (méprisé… par de Gaulle !).
Ces objets – du jeu capitaliste : flipper, juke-box, poster –
ne sont pas des surplus utilitaires. Mais des gadgets. Ils ont
une fonction économique très précise : ce sont des primes à
l’achat. Ils ont été le surplus publicitaire du plan Marshall,
comme cadeaux, comme primes. Ce sont les enjoliveurs du
plan Marshall.
Le poster ? L’image que l’on donne à l’enfant pour
récompenser les parents de leurs achats. La déculpabilisation
de dépenses au-dessus des moyens de la famille. Et l’enfant
incite à l’achat, pour les images. Le père et le fils sont les deux
parties prenantes du plan Marshall. A l’un les surplus
utilitaires. A l’autre les surplus ludiques.
En prime, un supplément d’âme. L’âme des surplus.
L’usage des surplus : la ludicité du consommateur : le rêve
américain.
Tous ces gestes ludiques seront comme des modes d’emploi
pour le bon usage du plan Marshall. Flipper, juke-box, poster
initient à la civilisation américaine du geste facile, car usage du
surplus. Geste ludique, de consommateur désinvolte qui utilise
et qui jette : supplément d’âme de la pacotille qui se fait
culturelle.
Se vendre pour manger ou se vendre pour jouer ; le plan
Marshall tient les deux bouts. Deux dressages. Mais alors que
l’indépendance nationale pourra être reconquise –
symboliquement, d’ailleurs – lorsque le gaullisme aura mis en
place le capitalisme monopoliste d’Etat, le supplément d’âme
apporté par le plan Marshall sera devenu le modèle
promotionnel de la mondanité juvénile. Excroissance
monstrueuse d’une greffe culturelle, animation machinale qui
aboutira à un monopole, soumission et servilité qui auront
l’arrogance de se dire émancipation et libération.
Les surplus utilitaires sont des cadeaux. Et cadeaux de ces
cadeaux : les machines ludiques. Double offrande, double don…
de l’impérialisme américain : le pain et le jeu, l’utile et
l’agréable, l’objet et son mode d’emploi, la machine et le rêve
américain.
En échange ? Rien ! Le pur potlatch. Mais alors soumission
par l’offrande ; conditionnement idéologique d’un marché,
dressage du consommateur. C’est-à-dire tout.
Le capitalisme avait la marchandise. Mais pas la clientèle.
En un rien de temps, il invente et produit son marché. Génie
du capitalisme.
Le supplément d’âme made in USA – ce bout de rêve
américain implanté dans une France qui crevait la faim –, la
ludicité du consommateur, va devenir l’idéologie nécessaire au
développement du capitalisme monopoliste d’Etat.
Le « génie » de ce capitalisme est d’avoir inventé un
potlatch en cascades, en ricochets. Au potlatch de
l’impérialisme américain, il faut ajouter le potlatch du
consommateur français.
Nous situerons celui-ci à deux niveaux : macrosocial et
microsocial. Le second niveau étant une répétition symbolique
du premier, le ricochet d’un ricochet (tout un processus de
l’expansion idéologique est ainsi révélé).
L’implantation du plan Marshall (en France) autorise la
rupture avec la société traditionnelle. C’est l’accès au
gaspillage, symbolisé par l’offrande faite à la machine ludique,
la piécette glissée dans la fente. Il n’y a ni acte d’achat ni gain
possible. Mais dépense ostentatoire pour une consommation
exclusivement ludique.
Alors, différenciation et hiérarchisation. Avec les gens de la
III et même IVe République. Avec une idéologie de l’économie
e
A. ― DU MODÈLE
A SA CONSOMMATION DE MASSE :
D’HOLLY WOOD A L’INDUSTRIE DES JEANS.
B. – LE VISAGE DE L’IDÉOLOGIE
« Cheveux longs, cheveux longs. » Ah ! ces cheveux longs.
Tabou suprême. Ne touchez pas à la femme blanche qui porte
la culotte : tabou néo-féministe. Ne touchez pas au jeune
homme qui porte les cheveux longs : autre tabou de
l’émancipation. Ces idéologies du néo-libéralisme sont rusées :
elles garantissent leur impunité en inversant leurs signifiants.
Et comme dans l’ordre mondain seuls comptent les
signifiants…
Chaque époque a sa foi. Ou ses crédulités. Ou ses
affectations. On a les ferveurs que l’on mérite. La belle âme
exhibera toujours ses indignations et révoltes. Et qu’importe le
prétexte de ces révolutions platoniques, l’essentiel n’est-il pas
de dénoncer « le conformisme » et « l’indifférence » ?
Certains ont voulu croire aux cheveux longs (Hair) comme
d’autres à l’Alsace et à la Lorraine. Comme d’autres aux
reliques. De simonie en simonie, tous ces trafics de signes
constitueront une sémiologie de classe.
Quelle entreprise ! Quel long combat ! Admirable et
grotesque ; promulguer un narcissisme de classe – caste en
symbole chéri de la liberté ! Quelle dérision. Mais quel pouvoir.
Le mondain révèle que la frivolité est le sérieux de l’idéologie.
Faire de la libéralisation la liberté de la mode. Avoir des
martyrs. Pour que cette mode soit la liberté. Génie de la
bourgeoisie.
Et quel tact, quel sens musical du moment idéologique ! Ni
avant, ni après : la mode révolutionnaire – mode de la
révolution et révolution de la mode – est un moment subtil,
précis, imprévisible, mais nécessaire. Mathématique et
musical. Avant : vous faites rire. Après : vous agacez ou vous
faites sourire. Pendant : vous régnez.
Quel mot d’ordre mystérieux, quelles profondes affinités,
quels sens subtils ont fait cheminer dans l’ombre ces héros de
la nuit vers le même but : les cheveux longs ? Pour soudain en
faire un cri de ralliement, un mot d’ordre. Le pouvoir de ce qui
a été une caste, l’estudiantine. Le pouvoir d’une idéologie.
« Comment en un plomb vil l’or pur s’est-il fondu ? » C’est
tout le processus de la récupération qui se révèle. L’idée
devient symbole, le symbole signifiant : l’idéal est devenu la
mode. La révolution se change en sémiologie mondaine.
Putsch mondain qui devient un terrorisme culturel et un
arrivisme politique. En un éclair, fulgurante stratégie, tout le
terrain a été occupé. Le signe de ce pouvoir est inimitable.
Quand il sera contrefait – la deuxième génération des cheveux
longs, et toutes les autres – il n’est plus que mimétisme de
masse, partage des miettes, ralliement d’après la victoire.
Aussi les dépouilles du pouvoir seront-elles abandonnées au
vulgaire. Quand les apprentis – sur le tas – et les bouseux
porteront les cheveux longs ce sera le signe de la démode {9}.
Le pouvoir mondain est ailleurs. Et comme toujours les
martyrs de la cause ne seront pas de la race de ceux qui en
profitent.
Cette minauderie de combat – les cheveux longs – dit bien
le narcissisme de ses enjeux. Elle est la réussite d’une longue
quête, phrénologique. Une époque cherchait son visage. Et elle
le trouve, lorsque l’adolescent découvre le profil de son
narcissisme et la classe sociale la figure de sa séduction. Le
charme fou du néo-capitalisme.
Les cheveux longs sont l’arrangement parfait de la
« visagéité » de l’époque. C’est la dernière touche du poster.
Ils autorisent un nouveau cadrage-montage du visage. Celui-ci
imite la photo d’art au point de devenir photogénique. Cette
coiffure permet même d’arranger la « choséité » (la donnée
osseuse, tendineuse), de modifier la physionomie, l’expression
d’ensemble des traits. Les cheveux longs cachent les oreilles
décollées, le crâne aplati et le citron (de l’Intellectuel). De
même que la barbe – autre usage idéologique, autre message
du poil – permet de cacher le menton fuyant ou en galoche. Ce
n’est pas à dédaigner.
Mais ces cheveux longs permettent surtout de surajouter
une plus-value esthétisante au visage. Ils aménagent la
joliesse : flou artistique, fond scénique, auréole : boucles et
ondulations frissonnantes, cascadantes, ruisselantes sur les
épaules. Ovale cadré, affiné, auréolé. Portrait encadré d’un tel
décoratif que le visage en est stylisé, purifié.
Il aura cette touche, féminine et tendre de l’homme pur et
romantique. L’iconographie spiritualiste et idéaliste a toujours
enrobé de cette auréole enjoliveuse le visage de ses messagers.
Le Christ, le romantique, le hippie, B. H Lévy… Elle est
devenue même le meilleur moyen de la récupération
révolutionnaire : Guevara.
Alors, « la visagéité » est de l’ordre du décoratif et de
l’ornemental. De l’enjoliveur. Le visage de l’époque est à la fois
image d’Epinal, icône saint-sulpicienne, poster américain et
photogénique.
Cette afféterie minaudeuse, photo truquée de famille,
sophistication mondaine, est le nouveau visage : celui de
l’archétype de l’époque. Il est la figure même de l’idéologie.
Son incarnation.
Le cliché s’est substitué à la singularité, l’image au portrait ;
l’expression de la sensibilité est devenue celle de l’idéologie. La
visagéité n’est plus celle de l’individualité singulière : la tête au
portrait, sillonnée, ravinée par l’histoire. Unique. Solitaire.
Mais cette face anonyme : l’idéologie telle qu’elle se porte,
uniforme devenu chair, servilité incarnée jusqu’à devenir
l’expression du visage.
Ce visage est un signe, un symbole, un message : celui du
« naturel » ! La visagéité est cette nouveauté culturelle : le
naturel ! Le charme d’une nature enfin atteinte, révélée,
vécue. Visage du libérateur.
Le montage mondain est proclamé cri spontané, pulsionnel
révolte ! Le signe le plus artificiel est ascèse, quête désespérée
(admirable pose) du naturel. Toute-puissance d’un signifiant
idéologique et mondain au point d’atteindre l’archétype.
Comme si toute imitation de la nature n’était pas le
commencement de l’art. De l’artifice. Un signe est d’autant
plus idéologique qu’il apparaît « naturel ». Laisser pousser les
cheveux, ce n’est pas naturel, mais culturel. C’est une décision,
un choix, un signe. Celui d’une nouvelle nature. Celle de la
nouvelle société. Nature de l’idéologie.
A. – L’ANIMATION MACHINALE
B. – LA BANDE – LE PARCOURS
DE LA MARGINALITÉ
C. – LA BANDE SONORE
E. – BILAN PROVISOIRE
DE L’ANIMATION MACHINALE.
VITALISME ET ANIMISME
B. – LE GRAND PASSAGE
La social-démocratie libertaire
A. – LE NOUVEAU CONTRAT SOCIAL
DU PÈRE ET DU FILS
*
* *
La logique du mondain
1
L’irrésistible
expansion mondaine
A. – DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE A LA LOGIQUE
C. – LE PROSAÏQUE DU MONDAIN :
LES NOUVELLES COUTUMES DE MASSE
ET LA CASCADE DES SNOBISMES
B. – SON APOGÉE :
L’INFORMATISATION DE LA SOCIÉTÉ
AU SERVICE DE LA CONVIVIALITÉ
Prélude.
PREMIERE PARTIE :
L’init iat ion mondaine à la civilisat ion capit alist e
DEUXIEME PARTIE :
La logique du mondain
elle s’agrandit
elle s’enrichit
Déjà parus :