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Introduction / I - Les dérivations / II - Les compositions / III - Procédés non

classiques / Exercices

Porte-avions

Ce mot a été formé par le procédé de composition populaire, qui consiste à créer un mot nouveau à
l'aide de deux mots (radicaux susceptibles de donner naissance à des dérivés) existant en français.

Ici, on a fait un nom commun composé grâce au verbe porter et au nom COD avions, pour désigner un
bateau de guerre capable de transporter des avions. Les deux mots sont accolés par un trait d‘union, ce qui
est le procédé le plus classique en français.

Greffe

Ce mot a été formé par dérivation inverse, ce qui consiste à créer un nouveau mot en retranchant un
élément à la fin d'un mot existant. On obtient donc un mot plus court à partir d'un mot plus long.

Ici, c'est au départ le verbe greffer, à partir duquel on forme le nom greffe en ôtant la désinence verbale. Il
s'agit donc d'un déverbal

Le nom obtenu exprime d'abord l'action de greffer, avant de désigner l'élément qui est greffé.

Rudiment

C'est un mot simple, un radical, un morphème lexical de base, qui n'a donc subi aucun procédé de
formation. Seule l'histoire de la langue, en remontant au latin, serait susceptible d'expliquer la formation de
noms comme rudiment, élément, monument, sédiment, mais ce n'est pas l'objet de la linguistique
moderne.

Photomontage

Ce mot a subi plusieurs procédés de formation successifs.

 Le premier élément est le nom commun photographie. Il a été constitué par composition savante,
assemblage de deux racines anciennes, d'origine grecque : photo, qui fait référence à la lumière, et graphe,
qui fait référence à l'écrit. S'y ajoute un petit élément dérivationnel, le suffixe -ie, qui permet de constituer
un nom commun féminin et de distinguer la technique de celui qui l'utilise. La photographie est donc la
technique qui consiste à fixer la lumière (celle d'une sujet éclairé) sur un support a priori de type papier ;
c'est aussi le résultat concret de cette opération.

 Le deuxième procédé, c'est l'abréviation, la troncation du mot précédent, comme c'est l'usage
concernant les mots savants qui entrent dans le vocabulaire courant. On aboutit donc à photo, c'est
toujours un nom commun.

 Le deuxième élément du mot est montage. Il a été constitué par dérivation proprement dite, ajout
d'affixes à un morphème lexical de base. Le radical est ici le verbe monter, auquel on a ajouté le suffixe -
age, qui en fait un nom commun exprimant l'action de monter.

 Enfin, un dernier procédé consiste à assembler l'abréviation photo avec le


dérivé montage par composition populaire, addition de deux mots français, complètement collés ici, sans
trait d'union. A partir de deux noms, on fait un nouveau nom, qui signifie un montage de photographies, un
assemblage d'éléments pris dans plusieurs photographies, par trucage, ou pour donner un résultat
humoristique.
Glougloutement

Ce mot a été formé par dérivation proprement dite, soit l'ajout d'affixes sur un radical, mais on peut
compter quand même deux étapes.

 Le radical est en effet l'onomatopée glouglou, qui imite le bruit de l'eau. C'est le procédé le plus
basique de la langue, et sans doute le plus ancien de l'humanité. Cette onomatopée est utilisée comme
nom commun : le glouglou de l'eau. Pour être complet, elle existe en bas latin sous la forme glutglut, et
s'applique à la bouteille.

 Sur ce radical, on a formé d'abord le verbe glouglouter par l'adjonction d'une désinence verbale de


premier groupe, avec une consonne t intermédiaire pour faciliter la prononciation entre deux
voyelles. Glouglouter, c'est gargouiller, émettre un bruit de type glouglou (on remarquera que cela
concerne aussi les dindes et les dindons). Ce verbe est attesté en 1569 chez Ronsard, et il a connu la
forme glougloter. Puis, on a ajouté le suffixe -ment pour en faire un nom commun exprimant le fait
de glouglouter, soit à peu près la même signification que l'onomatopée première. Ce nom commun se
trouve chez Louis Pergaud (décédé en 1915), dans Les Rustiques (publié en 1921), à propos des bulles de
gaz qui remontent de la vase ; c'est peut-être cet auteur qui l'a inventé, ou réinventé ; on retrouve le mot
chez Blaise Cendrars en 1926, c'est cette dernière référence que donnent le TLF et le Grand Robert.

Indécrottablement

Ce mot a été formé par dérivation proprement dite : procédé qui consiste en un ajout d'affixes à un
radical. 

Le radical est le nom crotte, à prendre ici au sens ancien de « boue » (rentrer tout crotté d'une promenade
dans les champs).

A été ajoutée d'abord une désinence verbale -er, qui permet de former le verbe crotter.

Ajout ensuite du préfixe d'éloignement dé-, correspondant pour un verbe à l'idée de «défaire ce qui a été
fait», pour former le verbe décrotter.

Puis, par dérivation parasynthétique, on a formé l'adjectif indécrottable, par ajout en même temps du


préfixe in- qui sert à crée un contraire, et du suffixe -able qui change la nature grammaticale et permet de
créer un adjectif exprimant une notion de capacité. Le verbe indécrotter et l'adjectif décrottable n'existent
pas.

Enfin, l'ajout d'un suffixe -ment permet de former un adverbe qui exprimera la manière.

Le sens du mot sera : « irrémédiablement, d'une façon telle qu'il n'y a rien à faire pour débarrasser le
personnage par exemple de sa paresse qui lui colle comme de la boue ».

Judas

Ce mot a été formé par dérivation impropre ou conversion : changement de nature grammaticale, sans


changement de forme.

Il s'agit au départ d'un nom propre (celui d'un apôtre de Jésus, qui l'a trahi, selon la tradition), utilisé
comme nom commun. Ce procédé particulier est une antonomase.

Sens du mot obtenu : un traître, d'abord, mais aussi une ouverture sur une porte, permettant de voir les
visiteurs en étant soi-même à peine démasqué, et que l'on trouve aujourd'hui sous la forme d'un oeilleton.
Eléphantôme

 Il s'agit ici d'un mot-valise, formé par le procédé du téléscopage. Ce procédé consiste à juxtaposer,
accoler deux mots qui existent dans le lexique, en retranchant souvent soit la fin du premier mot soit de
début du second ; un élément (une syllabe ou une lettre, un phonème) commun aux deux mots permettant
la soudure.

Ce mot est formé sur éléphant et phantôme, la syllabe phan étant commune.

Il s'agit d'un mot plaisant forgé par un auteur, avec la définition suivante :

« pachyderme serviable qui se revêt d'un grand drap blanc afin de faire peur à ses congénères atteints du
hoquet »...

Démocrature

Ce mot (trouvé sur Internet) a subi plus d'un procédé de formation.

 Le premier élément est le nom démocratie. C'est un mot de composition savante, formé par
l'assemblage de deux radicaux grecs, demos, qui signifie « le peuple » au sens politique du terme,
et crate (kratein), qui fait référence au pouvoir. S'y ajoute le suffixe -ie, qui permet de former un nom
féminin, et de distinguer le pouvoir de celui qui l'exerce, ou qui en est partisan, ce qui constitue un élément
dérivationnel final, fréquent en composition savante. La démocratie, c'est le pouvoir assumé par le peuple.

 Le second élément est le nom dictature. C'est un mot directement emprunté au latin dictatura au
XIVème siècle, nous n'étudierons donc pas davantage sa formation. En latin, il exprimait une magistrature
extraordinaire ; en français, il exprime la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'un seul
individu, ou d'un parti.

 Le mode de formation finale est le télescopage : il s'agit ici d'un mot-valise. On utilise le début, en fait
la plus grande partie, du mot démocratie (démocrat-), que l'on assemble avec la dernière syllabe
de dictature. La syllabe commune est -at-, dans laquelle la lettre t a la même prononciation [t] que
dans dictature, et non la prononciation [s] de démocratie. On constitue donc un nouveau nom commun à
partir des deux noms précédents.

Une démocrature est un régime officiellement démocratique, mais qui est en fait une dictature déguisée,
par exemple par la manipulation, un scrutin faussé, l'absence de liberté politique. Ce néologisme est bien
sûr un terme ironique.

Téléachat

Ce mot a subi plusieurs procédés de formation successifs.

 Le premier élément est le nom commun télévision. Il a été constitué par composition savante,
assemblage de deux racines anciennes : télé, d'origine grecque, qui fait référence à la distance, et vision,
mot français d'origine latine, qui signifie le fait de voir. La télévision est donc la technique qui permet de
voir des choses qui sont à (grande) distance, par la transmission d'ondes électromagnétiques (cet élément
n'est pas exprimé dans la formation du mot).

 Le deuxième procédé, c'est l'abréviation, la troncation du mot précédent, comme c'est l'usage
concernant les mots savants qui entrent dans le vocabulaire courant. On aboutit donc à télé, c'est toujours
un nom commun.

 Le deuxième élément du mot est achat. Il a été constitué par dérivation inverse, un mot nouveau fait
en retranchant un élément à la fin d'un autre, un mot plus court fait à partir d'un mot plus long. Ce nom
fait à partir du verbe acheter, en retranchant la désinence verbale, est donc un déverbal. En fait, c'est la
forme ancienne achater qui a été utilisée.

 Enfin, un dernier procédé consiste à assembler l'abréviation télé avec le dérivé achat par composition


populaire, addition de deux mots français, complètement collés ici, sans trait d'union. A partir de deux
noms, on fait un nouveau nom. C'est au départ plutôt un nom propre, puisque c'est le nom donné à une
émission de télévision, mais l'usage tend à le transformer en nom commun (ce qui serait une dérivation
inverse finale).

Sidaction

Ce mot a subi plus d'un procédé de formation.

 Le premier élément est le nom sida. Il s'agit d'un sigle, constitué des initiales S.I.D.A. au départ,
pour Syndrome d'ImmunoDéficience Acquise, et c'est même un acronyme, car l'alternance de voyelles et
de consonnes en rend la prononciation aisée. L'usage en a donc fait un mot normal, un nom commun, écrit
en minuscules ; il a même servi de base à des dérivés comme les adjectifs sidatique et sidéen (et
non sidaïque, qui est une invention de Jean-Marie Le Pen à partir de sida + hébraïque), ou un composé
comme sidologue pour désigner le médecin spécialiste. La siglaison est donc la première étape.

 Le deuxième élément est le nom action, qui est un mot simple emprunté au latin actio.

 A partir de ces deux mots a été formé par télescopage le mot sidaction, qui est donc un mot-valise.
L'élément commun est la voyelle a, et les mots n'ont même pas besoin d'être tronqués. Ce mot est en fait
un nom propre, puisque c'est une action particulière en faveur des malades du sida, mais l'usage a
tendance à le transformer en nom commun.
3                                                                   B. SCHWISCHAY, Introduction à la lexicologie  (hiver 2001/02)

Dernière mise à jour : 18-11-01

La morphologie lexicale
(ou formation des mots)[1]
0. Mots simples et mots construits
1. La dérivation (ou affixation)
1.0. Base, radical et affixes
1.1 La préfixation
1.2 La suffixation
1.3 La dérivation « inverse »
1.4 La dérivation parasynthétique
2. La composition
2.1 La composition « populaire »
2.2 La composition savante
2.3 Les mots-valises
3. La dérivation impropre
4. La troncation
5. La siglaison
5.1 Les sigles
5.2 Les acronymes
5.3 Sigles et acronymes comme bases de dérivés

0. Mots simples et mots construits


Les mots français peuvent se répartir en mots simples et mots construits.[2] Les mots simples sont des mots qui
ne sont pas décomposables ; les mots construits, par contre, peuvent être décomposés en éléments significatifs
plus petits (mots ou morphèmes).
EXEMPLE :
boisson, buvable, buvard, buvette, buveur, imbu, imbuvable, pourboire
Tous ces mots sont construits à partir du mot simple boire[3], ou bien par adjonction d’un autre mot – c.-à.-d.
 par composition :
pourboire < pour (préposition) + boire
– ou bien par adjonction d’un suffixe ou d’un préfixe à l’un des radicaux de ce verbe[4], c.-à-d. par dérivation.
 Sont construits par dérivation suffixale :
boisson < (je) bois + -son  « (ce) qui subit l’action (exprimé par la base) ».
« Liquide qui se boit. » Cf. cuisson, nourrisson.
buvable < (nous) buv-(ons) + -able « possibilité ». « Qui peut se boire. » Cf. abordable, faisable.
buvard < buv- + -ard « appartenance, propriété ». « Papier qui boit l’encre. » Cf. campagnard, vieillard,
braillard.
buvette < buv- + -ette « qui a un rapport caractéristique à ce qu’exprime la base ». « Petit local ou comptoir où
l’on sert à boire. » Cf. allumette, sucette.
buveur  <buv- + -eur « qui fait l’action (exprimé par la base) ». « Personne qui boit. » Cf. chanteur, vainqueur.
 Sont construits par dérivation préfixale :
imbu  < im- (in2-)  « dans l’état (exprimé par la base) » + bu. « Imprégné, pénétré (de sentiments, d’idées, de
préjugés…). » Cf. inflammable.
imbuvable  < im- (in1-)  « élément négatif » + buvable. « Qui n’est pas buvable. » Cf. imbattable, inabordable.
Par la suite, en plus de la dérivation et de la composition, nous traiterons de la dérivation
impropre,  de la troncation  et de la  siglaison.
5

1. La dérivation (ou affixation)


Avant de présenter les différents modes de dérivation (préfixation et suffixation, dérivation
inverse et formation parasynthétique), il nous faudra distinguer les différents éléments qu’on peut isoler dans le
mot dérivé : la base, le radical  et les affixes.

1.0. Base, radical et affixes


Les affixes s’ajoutent à un mot, plus exactement à ce qu’on appelle une base, et selon que l’affixe précède ou
suit la base, on parle de préfixe ou de suffixe.
Par l’adjonction d’un préfixe ou d’un suffixe à une base, on obtient un (mot) dérivé ; inversement, la
suppression de l’un de ses affixes nous donne la base du mot. – Exemple :
préfixe base suffixe
dé- geler  

  dégel -er

Les bases geler et dégel sont elle-mêmes des dérivés, c’est-à-dire décomposables en base et affixe :


préfixe base suffixe

dé- gel  

  gel -er

Mais cette fois-ci, la base (gel) n’est plus décomposable en morphèmes plus petits – elle se confond au radical.
Généralement parlant, c’est par suppression de tous les affixes qu’on obtient le radical du mot :
  base  
=
radical

dé- gel -er

REMARQUE. – Le radical n’est pas forcément une forme correspondant à un mot, comme gel, dans
l’exemple qui précède. Le radical ann- [an] (cf. ann-ée [ane]) n’existe pas en tant que mot – la forme qui
sert de mot est ans [S]. – Ceci est particulièrement vrai pour les radicaux des formes fléchies : des formes
comme buv ou conn n’existent pas comme mots non plus, mais seulement comme radicaux, cf. buv-ons,
conn-ais.

1.1 La préfixation
préfixe  +  base    mot dérivé
 

re- + prendre   reprendre


il- + légal   illégal
pré + histoire   préhistoire
Le dérivé appartient toujours à la même classe morphologique que la base :
pré- + nom  nom (préhistoire)
pré- + adjectif  adjectif (prénatal)
pré- + verbe  verbe (prédire)
Le préfixe n'a donc pas de fonction grammaticale ; sa fonction est purement sémantique.
Le préfixe n'entraîne jamais la présence d'un allomorphe de la base.

1.2 La suffixation
base  +  suffixe    mot dérivé
 

blanch(e) +-âtre   blanchâtre


blanch(e) + -eur  blancheur
timide + -ment   timidement
timid(e) + -ité   timidité
cannibal(e) + -isme   cannibalisme
Selon le suffixe ajouté, le dérivé peut ou non appartenir à une classe morphologique différente de celle de la
base :
Adj + -âtre  Adj (blanchâtre)
Adj + -eur  Nom (blancheur)
Adj + -ment  Adv (timidement)
Le suffixe a donc une valeur grammaticale : il indique la classe morphologique du dérivé. — En plus, le suffixe a
une fonction «catégorisatrice», indiquant la sous-classe morphologique du dérivé :
base + -isme  (nom) masculin (cannibalisme)
base + -ité  (nom) féminin (timidité)
Le suffixe peut entraîner des allomorphes de base :
blanche + -eur   blancheur
[plõ] (plomb) + [-je]  [plõbje] (plombier)

1.3 La dérivation « inverse »


Dans la perspective diachronique, vu les dates de leur première apparition [5], le nom galop (v. 1135) doit être
dérivé du verbe galoper (1808) par suppression du suffixe -er.
galoper   galop
Mais dans la perspective synchronique, rien n'empêche de procéder par suffixation :
galop + -er    galoper
Autre exemple : déprimer v.tr. (1355), déprime n.f. (1973)

1.4 La dérivation parasynthétique


La dérivation d'un mot comme dégeler peut être décrite comme adjonction successive d'un suffixe et d'un
préfixe :
1. suffixation : gel + -er  geler
2. préfixation : dé- + geler  dégeler
— ou bien :
1. préfixation : dé- + gel   dégel
2. suffixation : dégel + -er   dégeler
Autre exemple : (s’)envoler
Par contre, pour la dérivation d'un mot comme décourager, les bases intermédiaires, dont une au moins serait
nécessaire pour une dérivation par étapes, sont inexistantes : *courager, *décourage.[6]
Dans ce cas, suffixation et préfixation doivent opérer simultanément, et l'on parle de formation parasynthétique.
dé- + courag(e) + -er   décourager
Autre exemple : empoisonner
5

2. La composition
Nous distinguons la composition « populaire », à partir de mots français, de la composition savante, à partir
d‘éléments grecs ou latins, et nous y ajoutons les mots-valises, qui sont des composés à partir de mots tronqués.

2.1 La composition « populaire »


La composition à partir de mots français se fait par juxtaposition de deux mots (ou plus), autrement dit « de
deux éléments qui peuvent exister à l'état libre » ; ces composés ne sont pas toujours écrits « en un mot » :
porte + feuille   portefeuille
chou + fleur   chou-fleur
bateau + mouche   bateau mouche
Autres exemples : autoroute ; wagon-lit, chou-rave, eau-de-vie ; pomme de terre

2.2 La composition savante


Par contre, la composition savante, c’est-à-dire la composition à partir d’éléments latins ou grecs, ne se fait pas
à partir de mots. En effet, pour un composé comme anthropologue, les deux éléments (anthropo-, -logue)
n’existent pas à l’état libre, mais seulement dans des composés ou bien dans des dérivés cf.
anthrop-ien (cf. saur-ien, autrich-ien)
log-ique (cf. iron-ique, volcan-ique)
Cette observation entraîne une redéfinition de la composition comme juxtaposition de deux éléments (ou
plus) qui peuvent servir de base à des dérivés. La dérivation peut donc se formuler :
anthrop(o)- + -log(ue)   anthropologue[7]
À remarquer qu’à la différence des affixes, les éléments qui entrent dans la composition peuvent être utilisés
indifféremment comme premier ou comme deuxième terme d'un composé :
chou-fleur / fleur de lys
anthropologue / misanthrope
chou-fleur / chou rouge
anthropologue / logarithme
Autres exemples : thermomètre  (:  thermique, métrique) ; isotherme, baromètre
REMARQUE. — La formule « base + base  mot composé » fonctionne aussi dans bien des cas de la
composition « française », cf.
wagon-lit :                    wagonn-et, a-lit-er
bateau mouche :          batel-ier, mouch-eron
pomme de terre :         pomm-ier, terr-eux
– mais elle rencontre des problèmes dans d’autres cas, cf.
eau-de vie :                   aqua(?)-tique, vi-able
autoroute :                     auto-?, rout-ier
chou-rave :                   chou-?, rave-?
La solution est peut être de définir la composition comme « juxtaposition d’éléments qui peuvent exister à l’état
libre et/ou servir de base à des dérivés ».

2.3 Les mots-valises


Le mot-valise se définit comme un mot composé d’éléments obtenus par troncation de deux mots :
pro[duit] et [lo]giciel   progiciel[8]
culti[vé] var[iété]  cultivar
Dans les créations ludiques, le mot-valise doit conserver un segment commun aux deux bases, comme dans
cette exemple tiré du Petit Fictionnaire illustré d’A. Finkielkraut[9]
misanthropophage « cannibale qui boude son plat »  misanthrope
+ anthropophage
Autres exemples :
mot[or (car)] « automobile » + [h]otel  motel
photocopie + pillage   photocopillage
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3. La dérivation impropre
Malgré son nom, la dérivation impropre n’est pas une dérivation (adjonction d’un suffixe á une base), mais
un changement de classe lexicale :
sourire (v.)  sourire (n.)
vrai (adj.)  vrai (n.)
Autres exemplee : faire-part, pourboire
5

4. La troncation
La troncation  est un procédé qui consiste à abréger un mot par suppression d'une ou plusieurs syllabes.
Généralement, c’est la finale du mot qui est tronquée :
auto[mobile], radio[phonie]
et radio[graphie], fac[ulté], catho[lique], cinéma[tographe],  cine[ma]
– rarement l’initiale :
[auto]bus
Dans ce cas, c’est le premier élément d'un composé qui est isolé (auto  autobus), ou bien un préfixe :
hyper[marché]
Le mot tronqué peut correspondre à un morphème, c’est-à-dire à un élément significatif (comme auto,
radio,, hyper, télé  télévision) ; mais le plus souvent, l’élément qui constitue le mot tronqué est une séquence
dépourvu de signification (comme fac, catho, cinéma, cine).
Parfois, le mot tronqué se voit ajouter un suffixe (comme -ot) ou un pseudo-suffixe :
bach[elier]  bachot (cf. cheminot, cuistot)
val[ise]  valdoche[10]
Dans beaucoup de cas, c’est une finale en -o qui est ajoutée à la troncation :
dict[ionnaire]  dico
mécan[icien]  mécano
prol[étaire]  prolo
apér[itif] apéro
5

5. La siglaison
La siglaison consiste dans la réduction d'un terme composé à la succession des initiales des termes qui le
composent. Selon la prononciation, on distingue sigles et acronymes.

5.1 Les sigles


Les sigles sont des suites d’initiales prononcées avec les noms des lettres :
V. T. T.  [vetete] n. m. « vélo tout-terrain »
S. D. F. [DsdeDf] n. « sans domicile fixe »
C. A. P. [seApe] n. m. inv. « certificat d'aptitude professionnelle » ou « certificat
d'aptitude pédagogique »

5.2 Les acronymes


Les acronymes sont des suites d’initiales prononcées comme un mot ordinaire :
T. I. R. [tiY]) « transit international routier »
CES [sDs] n. m. « contrat emploi solidarité »[11]
D.O.M.-T.O.M. (les)  [dCmtCm] « les départements [d’outre-mer] et territoires
d'outre-mer »

5.3 Sigles et acronymes comme bases de dérivés


Les sigles peuvent souvent servir de base à des dérivés :
P. D. G. [pedeFe] n. « président-directeur général »
 pédégère  [pedepFDY] n. f. « femme qui exerce les fonctions de P. D. G. »
O. N. U.[12] « Organisation des Nations Unies »
 onusien, onusienne adj. ou n.
pacs [paks] n. m.  « Pacte Civil de Solidarité »
 pacser v. itr.,
 pacsé p. p. adj. ou n. [« les mariés, les «  pacsés » et les vrais
concubins » (Le Monde, 1998), cit. PR v2]
5

3                                                                   B. Schwischay, Introduction à la lexicologie  (hiver 2001/02)


Dernière mise à jour : 18-11-01
 

[1]
 D’après GARDES-TAMINE, Joëlle. « La grammaire. T. 1: Phonologie, morphologie, lexicologie. Paris, A. Colin, 1988. (= Coll. «
Cursus »). Chap. 2. « Qu'est-ce que la morphologie ? »
[2]
 MITTERAND, Henri. Les mots français. Presses Universitaires de France, 9e éd. corr. 1996. (= Coll. « Que sais-je ? », n° 270.), p. 24
et suivv.
[3]
 Cf. LE ROBERT MÉTHODIQUE, s.v. boire. À remarquer que pourboire n’est pas un mot dérivé, mais un mot composé.
[4]
 Le verbe boire a trois radicaux au présent (je bois, ils boivent, nous buvons), un autre radical pour le passé simple (il but) et un autre
pour le futur et le conditionnel (il boira) ; cf. LE ROBERT ORAL-ÉCRIT, s.v. [bwaR].
[5]
 Reprises du Petit Robert.
[6] En vue de leur décomposition, cela revient à dire que la commutation avec l'affixe zéro () n'est pas possible pour les
formations parasynthétiques.

  dé-courager   décourage-er
*-courager *décourage-

— ce qui n'empêche d’ailleurs pas de décomposer en morphèmes une formation parasynthétique comme décourager,
puisqu'il y a d'autres commutations possibles :

dé-courager décourag(e)-er
en-courager décourage        men
t

 
[7]
 Décomposition en morphèmes :
anthropo/logue anthropo/logue
anthropo/phage égypto/logue
 
[8]
 Les exemples progiciel, motel et cultivar sont tirés du PRv2, s.v. mot-valise.
[9]
 D’après MORTUREUX, Marie-Françoise. La lexicologie entre langue et discours. Paris, SEDES, 1997, p. 52/53.
[10]
 À comparer : bidoche ( bidet « cheval »), caldoche ( Calédonien)
[11]
 À ne pas confondre avec C. E. S. [seVDs] n. m. « collège d'enseignement secondaire ».
[12]
 Prononcé comme un sigle [oDny] ou comme un acronyme [ony].

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