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Cours du Droit des Sociétés Commerciales et création des entreprises dans l’espace OHADA

Dr Raymond MBADIFFO

INTRODUCTION

Aujourd’hui, les nécessités de l’économie moderne dépassent les capacités ou les moyens dont
dispose un individu isolé. Pour faire des affaires, il est devenu indispensable de se regrouper afin
d’avoir non seulement les capitaux nécessaires, mais également la confiance des prêteurs, d’où la
création des sociétés. Mais la création de la société ne se justifie pas uniquement par le besoin de
réunir des capitaux. Cela est certainement vrai pour les entreprises de grande taille. Pour les
entreprises de petites ou moyennes tailles, la recherche de capitaux seule ne peut justifier leur
création. D’autres raisons expliquent ce regroupement. Les plus importantes sont certainement
d’ordre juridique. On peut citer par exemple la séparation du patrimoine de l’entreprise avec
celui des associés ou de façon beaucoup plus générale, les opportunités d’organisation juridique
ou fiscale qu’offre la société.

Le droit distingue deux types de sociétés : les sociétés civiles et les sociétés commerciales.

Le principal critère de distinction entre les différentes sociétés consiste à se référer à l'objet de la
société. Autrement dit, il faut se pencher sur l'activité de la société pour savoir si elle est civile
ou si elle est commerciale.

Ainsi, lorsque l'activité de la société est commerciale, on a affaire à une société commerciale. Par
contre, si l'activité n'est pas commerciale, on considérera que la société est civile.

La société civile : Elle est réglementée par le code civil. Elle ne peut être constituée que pour
exercer une activité civile (exemple : activité libérale, immobilière, agricole). C’est une société à
risque car les associés répondent, indépendamment de la société, personnellement des dettes.

Les sociétés commerciales : Elles sont très diversifiées alors qu’il n’existe qu’une société civile
type. Le recours à une société commerciale permet d’exercer aussi bien une activité civile qu’une
activité commerciale. Quelle que soit l’activité (civile ou commerciale) exercée par ces sociétés
commerciales, elles ont le statut de commerçants à part entière. Elles bénéficient de tous les
droits accordés aux commerçants mais sont également soumises à toutes les obligations des
commerçants.

Selon les dispositions des articles 2 à 12 de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général
OHADA, le commerçant est celui qui « exerce des actes de commerce et qui en fait sa profession
habituelle. »

Un acte juridique, c'est d'abord une manifestation de volonté. Il est juridique au sens où il produit
des effets de droit. L'acte de commerce se place parmi une diversité d'actes juridiques :
administratifs, judiciaires, civils et commerciaux.

Les intérêts pratiques qu'il a à distinguer l'acte de commerce de l'acte civil

Le droit civil prédomine le droit privé. Le droit commercial emprunte donc au droit civil. L'acte
de commerce s'inspire fortement du modèle de l'acte civil. Il faut donc les distinguer. De plus, le
droit commercial est beaucoup plus simple au niveau des situations pratiques.

Premier intérêt : celui lié à la compétence du tribunal. Avec un acte civil, on doit saisir une
jurisprudence civile, alors avec un acte de commerce, on doit saisir un tribunal de commerce.
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Deuxième intérêt : celui lié au régime de la preuve. La preuve est beaucoup plus souple en droit
commercial : c'est le principe de la liberté de la preuve. En droit civil, on ne peut prouver que par
un écrit.

Troisième intérêt : celui qui est relatif à la règle de la solidarité. En présence de plusieurs
débiteurs, si la dette n'est pas payée, le créancier peut exercer son action contre l'un quelconque
des débiteurs, et ce pour le montant total. En droit civil, la solidarité des codébiteurs ne se
présume pas, et ne s'applique donc pas automatiquement. En droit commercial, par contre, la
solidarité est présumée.

Quatrième intérêt : celui relatif à la mise en demeure (la sommation de payer adressée à un
débiteur négligent). En droit civil, cette sommation ne peut se faire que par exploit d'huissier ou
par citation en justice. En droit commercial, elle peut se faire par tout moyen (lettre ordinaire,
lettre avec accusé de réception, etc).

Cinquième intérêt : celui relatif à la sanction de l'inexécution du contrat. La sanction est plus
rigoureuse en droit civil, puisqu'on s'expose à la résolution judiciaire du contrat. En droit
commercial, chaque contrat constitue un maillon dans une chaîne d'opérations successives qu'il
s'agit de ne pas rompre. Il y a donc simple réfaction du contrat : le juge peut décider d'aménager
les conditions du contrat.

Sixième intérêt : celui lié à la prescription. En droit civil, elle est de 30 ans, tandis qu'en droit
commercial elle n'est que de 10 ans.

En ce qui concerne le régime des actes mixtes (actes de commerce conclus entre un commerçant
et un particulier), la compétence matérielle du tribunal (juridiction commerciale ou civile) est
déterminée par la qualité du défendeur à l'action. Si le défendeur est celui pour qui l'acte est
commercial, le demandeur non-commerçant dispose alors d'une option : il peut assigner le litige
soit devant le tribunal de commerce, soit devant une juridiction civile. Par contre, si le défendeur
est celui pour qui l'acte est civil (c'est donc un particulier), alors le demandeur (qui est du coup
commerçant) ne peut assigner le litige que devant une juridiction civile.

Les critères de commercialité d'un acte.

Il y a 3 critères :

1. Les actes de commerce par la forme : Ce sont tous les actes qui sont désignés comme
commerciaux par la loi. Un acte est commercial par la forme à partir du moment où il est
désigné comme tel par la loi. Ce sont certains titres de paiement (les lettres de change, par
exemple) et tous les contrats de sociétés relatifs aux différentes formes de sociétés
commerciales. Pour tous ces contrats, même d'objet civil, libéral, etc., l'acte est commercial
par la forme car voulu ainsi par la législation.

2. Les actes de commerce par nature : Un acte est commercial par nature si son objet est
commercial (et consiste donc en un achat suivi d'une revente, donc s'il y a distribution). Cela
peut aussi correspondre à des activités de distribution ou de services.
a) Les actes de commerce relatifs aux activités de distribution

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À partir du moment où un acte correspond à une activité de distribution, il est considéré


commercial par nature. Ainsi, quand il y a achat puis revente dans une intention
spéculative et donc dans un but de profit.
Ne sont pas commerciales les activités qui n'ont pas les 3 éléments :
- les activités qui ne font que de la vente sans achat mais font un profit : les
activités agricoles (civiles, donc à l'exception de ceux qui font de l'élevage
industriel et qui achètent donc en externe de la nourriture).
- les activités qui achètent et vendent sans profit (les coopératives de
consommation, qui ont pour but de donner accès à des biens pour des prix
modérés).
b) Les actes de commerce relatifs aux activités de production
Tous les actes relatifs à des activités de production sont commerciaux par nature.
Ainsi les activités industrielles (qui achètent des biens pour les revendre mais
après les avoir transformés) et d'édition (livres, mais aussi disques, peintures,
films, gravures, etc).
c) Les actes de commerce relatifs aux activités de services
Toutes les activités de services ne sont pas des activités commerciales. Ne sont
pas commerciales toutes les activités de services libérales (à caractère
intellectuel), puisque le profit manque. Ainsi les médecins, avocats, notaires,
architectes, enseignants...
En revanche sont commerciales les activités de services suivantes : transports,
location, spectacles publics, activités financières et intermédiaires.
Pour les transports, il y a déplacement (terrestre, maritime ou aérien) de
voyageurs ou de marchandises. L'activité de transport par taxis est civile, car elle
traite uniquement de faibles quantités.
La location d'un immeuble est civile. L'activité de location est commerciale
lorsqu'elle porte sur un meuble.
L'organisateur de spectacles publics qui loue les services d'un comédien, de
compositeurs, dès lors qu'il possède une intention de profit, exerce une activité
commerciale. Mais les spectacles montés par les artistes eux-mêmes, les
associations qui produisent des spectacles sans but spéculatif, ne sont pas
commerçants.
Les activités financières bancaires font du commerce de l'argent et les activités
d'assurances obtiennent des primes et les versent aux victimes des indemnités.
Dans les deux cas, il y a commerce. Mais les mutuelles exercent une activité
civile, car elles ne recherchent pas de bénéfice.
Les activités intermédiaires sont exercées par des intermédiaires et des médiateurs
qui favorisent la rencontre entre une offre et une demande. Ce sont par exemple
les courtiers (qui rapprochent deux personnes en vue de la conclusion d'un contrat
et touchent une commission), les commissionnaires (idem, mais qui interviennent
aussi en sus dans la rédaction du contrat. Ils agissent pour le compte d'une des
parties, le commettant) et les agents d'affaires (qui prennent en charge les intérêts
financiers d'une personne et en assure la gestion. En cas de recouvrement des
créances, ils lancent et mènent à terme les procès, par exemple).

3- Les actes de commerce par accessoire


Ce sont des actes de commerce qui sont par leur nature des actes civils mais on les
qualifie quand même d'actes commerciaux car ils sont accomplis par un commerçant
dans l'exercice de sa profession.
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On juge de la commercialité d'un acte par accessoire. Il y a deux conditions :


- l'acte civil doit être accompli par un commerçant. Peu importe que l'autre partie à
l'acte soit un particulier.

- Il faut que l'acte soit par nature civil ou se rattache à l'activité principale du
commerçant, que ce soit un complément nécessaire et normal. En bref, que ce soit
utile.
Exemples : les contrats d'assurances, de location d'immeubles passés par un
commerçant ou de transport pour la location de marchandises.

L'exercice du commerce à titre professionnel et habituel

Pour avoir la qualité de commerçant, il faut d'abord exercer le commerce à titre habituel et
s’immatriculer au Registre du Commerce. Quelques actes isolés ne donnent pas à celui qui les
accomplit la qualité de commerçant. Il y a un besoin de répétition, de continuité. Et il faut que ce
soit fait à titre professionnel. Donc soit dans une entreprise, soit au moins dans un fonds de
commerce avec une clientèle.

L’accomplissement des obligations fiscales ne prouve pas la qualité de commerçant, elle montre
juste une présomption.

Au Cameroun, l'accès à la profession de commerçant n'est par contre absolument pas libre.
N'importe qui ne peut pas avoir la qualité de commerçant, il faut remplir certaines conditions et
respecter certaines obligations.

Les conditions d'exercice du commerce


Qui peut être commerçant ? toute personne peut faire du commerce. C'est le principe de la loi
universelle du 2 mars 1791. « Il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle
profession qu'elle trouvera bon. »
Mais il y a un risque d'abus, d'où la nécessité d'aménager ce principe et donc de poser des limites
à la liberté d'entreprendre et des conditions de capacité.

1. Les règles de capacité pour exercer le commerce


La capacité juridique, c'est l'aptitude légale à avoir des droits et des obligations et le pouvoir de
les exercer.
Il y a dans l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général OHADA deux séries d'incapables
:
- les mineurs,
- certaines majeures qui ont des troubles psychologiques, soit sont prodigues (font des
dettes à répétition), soit sont aliénés. Il y a tout de même des systèmes où la
personne est représentée par un tuteur (la tutelle). Il y a aussi la curatelle, dans le
cas d'un majeur assisté d'un curateur, et le placement temporaire sous sauvegarde
judiciaire, un régime où l'on est placé dans l'attente d'être mis sous tutelle ou
curatelle.

L’épouse d’un chef d'une entreprise commerciale ne peut avoir la qualité de commerçant que si
elle exerce des activités commerciales séparément de celles de son conjoint.

2. Les limitations à la liberté d'entreprendre


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a) Les incompatibilités
Le législateur déclare que l'exercice du commerce est incompatible avec l'exercice
d'autres professions. Par exemple, les avocats, architectes, fonctionnaires, officiers divers
n'ont pas le droit de faire du commerce.

b) Les prohibitions
Il y a deux sortes de prohibitions : la loi et les clauses contractuelles.
- Il y a deux types de clauses contractuelles qui empêchent d'exercer le commerce :
o Les clauses de non-rétablissement, insérées dans un contrat de vente d'un fonds de
commerce. Cela interdit au vendeur de s'établir (ou de se rétablir) à proximité du
fonds de commerce qu'il vend, afin d'éviter qu'il attire toute la clientèle qu'il vend
avec le fonds de commerce.
o Les clauses d'exclusivité, insérées dans un contrat et qui obligent un commerçant à
ne vendre exclusivement qu'un certain type de produit.
- les limites causées par la loi :
o La loi interdit de faire le commerce de biens ou de marchandises qui constituent le
monopole de l'État.
o La loi interdit l'exercice du commerce à des personnes qui ne possèdent pas certains
diplômes : on ne peut pas être pharmacien sans le diplôme idoine. Idem pour les
agents de change et les courtiers (qui ont besoin d'acquérir un office ministériel).
o La loi interdit l'exercice du commerce à toute personne condamnée pour crime et
même pour certains délits tels que le vol, l'abus de confiance et l'escroquerie, dès
lors que la peine a été d'au moins 3 mois de prison sans sursis.

Ce cours sera essentiellement focalisé sur la création des sociétés commerciales.

Tout au long de ce cours nous nous attellerons à apporter des éléments de réponses aux questions
suivantes :

- Quelles sont les différentes formes de sociétés commerciales qui peuvent être créé au
dans l’espace OHADA ?
- Quel est la procédure de constitution de chacune des formes de sociétés commerciales au
dans l’espace OHADA ?
- Quel est le mode de fonctionnement de chacune des formes de sociétés commerciales au
dans l’espace OHADA ?
- Quel est la procédure de fermeture de chacune des formes de sociétés commerciales au
dans l’espace OHADA ?
- Comment élaborer un business plan en vue de la création d’une société commerciale dans
l’espace OHADA ?

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