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FORMULATION DES DÉTERGENTS _________________________________________________________________________________________________________
1. Produits de lavage Ces deux dernières innovations, hélas, n’ont pas connu le suc-
cès espéré sur le marché français. On peut même parler
d’échec ! Pourquoi ? Sans doute parce que le consommateur les
a perçus comme plus « bénéfiques » pour le lessivier que pour
Un peu d’histoire lui et avec un coût au lavage qui lui est apparu plus élevé.
❒ En 1996, à l’initiative de l’AISE (Association Internationale
C’est en 1907 que l’Allemand Fritz Henkel et ses fils lancèrent de la Savonnerie et des produits d’Entretien), un programme
sur le marché le premier détergent dit « autoactif », Persil, qui européen, auquel 180 sociétés de 18 pays ont participé, a été
mit fin à plusieurs siècles de corvée à la planche à laver. Ce pro- mis en place. Les objectifs, fixés par le COGEP (« Code of Good
duit phare, devenu synonyme de détergent en Allemagne, mar- Environmental Practice ») étaient pour les sociétés de poursui-
que le début d’une course à l’innovation comme le montre vre leurs efforts du respect de l’environnement en proposant
l’encadré 1. Ces innovations sont le résultat d’un souci d’amé- une réduction effective sur 5 ans et « per capita » de :
lioration non seulement des performances de lavage des pro- — 10 % de la quantité des rejets chimiques dus aux
duits ou de leur praticité d’utilisation, mais aussi de détergents ;
développement, pour en réduire leur impact sur l’environne- — 10 % de la quantité de matériaux d’emballage rejetés ;
ment. Dans ce domaine, les quatre moments forts qu’ont mar- — 10 % de la proportion des matières peu biodégradables uti-
qué les lessiviers sont : lisés dans les détergents ;
— 5 % de la consommation énergétique utilisée dans le pro-
❒ 1975 : introduction dans les lessives du TAED, un activateur
cessus de lavage
de blanchiment qui a permis de délivrer le même niveau de
et ce, en dépit d’une croissance en valeur du marché non négli-
performance à plus basses températures, donc en consom-
geable.
mant moins d’énergie.
L’objectif a été largement atteint en France puisque les résul-
❒ 1990 : lancement des poudres concentrées proposant une tats obtenus à fin 2001 étaient de − 15,6 %, − 16,2 %, − 14,9 % et
performance analogue à celle des poudres conventionnelles, − 6 % respectivement.
mais avec moins de produits chimiques et moins Le plus grand contributeur de ces succès a été sans nul doute
d’emballage. l’arrivée sur ce marché vieillissant de toutes nouvelles formes
❒ 1992 : lancement des recharges permettant une réduction de produits : les doses unitaires ou produits prédosés en
supplémentaire de 40 % de matériau d’emballage. tablettes (vs poudres) ou en capsules (vs liquides).
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1er activateur de blanchiment du Le lecteur se reportera aux références [4], [K 342] réf. [8], [9], [J 2 140] réf. [10], [11] et
CID [12].
1972 perborate :
(Henkel)
le tétra-acétylglycolurile (TAGU)
1.1.1 Tensioactifs
Introduction d’un nouveau type MUSTANG
1973
d’enzymes : les amylases (Henkel)
Les tensioactifs sont des molécules amphiphiles constituées
d’une partie hydrophobe ou lipophile (chaîne grasse présentant de
Nouvel activateur du perborate de l’affinité pour l’huile) et d’une partie hydrophile (groupement polaire
SKIP
1978 sodium : le tétraacétyléthylène ayant de l’affinité pour l’eau). Cette structure chimique leur confère
(Lever)
diamine (TAED) une grande activité aux interfaces air/eau ou huile/eau où ils ont ten-
dance à s’adsorber. On les nomme aussi agents de surface, agents
Lessives à base de zéolites A pour tensioactifs, surfactants, surfactifs ou simplement actifs, amphiphi-
SASIL
1980 éviter l’eutrophisation des rivières les, détergents... On distingue généralement quatre grandes classes
(Henkel)
provoquée par les phosphates de tensioactifs.
– Les anioniques : le groupe polaire lié de façon covalente à la
Adoucissants textiles à base de
MINIDOU partie hydrophobe du tensioactif porte une charge négative comme
1981 tensioactifs cationiques
(Lesieur Cotelle) dans le cas des carboxylates ou savons ( ⎯ COO – ) , des
biodégradables : les esterquats
alkylbenzène sulfonates ( ⎯ SO 3– ) ou encore des sulfates d’alcool
gras ( ⎯ SO 4– ) .
Lessives liquides isotropes à VIZIR
1982 – Les cationiques : le groupe polaire porte une charge positive
dissolution rapide dans l’eau (Procter&Gamble)
( ⎯ N + ( CH 3 ) 3 ) . En général, ce sont des dérivés d’ammonium qua-
Lessives liquides structurées ternaires tels que le chlorure de diméthyl distéaryl ammonium.
WISK
1983 concentrées à base de liposomes, – Les non ioniques : ils possèdent des groupes polaires non ioni-
(Lever)
pour tous lavages sables en solution aqueuse (alcool, amine, éther, ester...) contenant
des hétéroatomes (N ou O). La solubilité dans l’eau est assurée par
Lessives avec adoucissant DASH 2 en 1 la formation de liaisons hydrogène entre les molécules d’eau et cer-
1983 taines fonctions de la partie hydrophile. Il s’agit du phénomène de
incorporé (argile douce) (Procter&Gamble)
solvatation ou d’hydratation qui permet, par exemple, la solubilité
Lessives en poudre compacte des alcools gras polyoxyéthylénés.
(haute densité) (10 fois plus ATTACK – Les amphotères : ce sont des composés dont la charge dépend
1987
concentrée) contenant des cellu- (Kao) du pH. En milieu acide, ils se comportent comme des tensioactifs
lases cationiques tandis qu’en milieu basique, ils sont chargés néga-
tivement. Pour des pH intermédiaires, notamment le pH isoélectri-
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surface est poreuse (cas des fibres creuses de laine). Les salissures Une surface telle que le polyester (non polaire) possède une forte
grasses ont plutôt tendance à former un film continu sur la surface affinité (γFH faible) pour les matières grasses non polaires qui adhèrent
de la fibre en l’imprégnant plus ou moins selon leur nature. très fortement. En revanche, le coton, polaire, présente une tension
interfaciale γFH plus élevée et se salit donc plus difficilement avec de
l’huile.
Le lecteur se reportera aux références bibliographiques [1] [2] [3] [4] [5] [6] [18] [19] [20]
Les salissures grasses sont en général liquides à des températu-
[21] [22] [23] [24] [25] [26]. res de lavage supérieures à 40 ˚C et mouillent efficacement la plu-
part des textiles. Leur élimination est donc principalement
gouvernée par le phénomène du mouillage [10] du textile par la
La détergence est définie comme « le nettoyage de la surface solution détergente et la salissure, et par la tension interfaciale γ HE
d’un objet solide, au moyen d’un bain où se trouve un agent entre la solution détergente et la salissure. Dans le cas d’une salis-
spécial, le détergent, suivant un processus impliquant une sure grasse (H) fixée sur une fibre textile (F) et plongée dans un bain
action physico-chimique autre que la simple dissolution » [17]. lessiviel (E), l’angle de contact θ ′ s’exprime par la relation (2) :
La détergence consiste donc à enlever les salissures des articles
textiles et à les maintenir en suspension pour éviter leur redépo- cos θ ′ = ( γ FE – γ FH ) ⁄ γ HE (2)
sition sur les articles présents dans le bain.
avec γ FE (mN/m) tension interfaciale fibre/eau,
Sur les articles textiles ménagers, on trouve principalement des γ FH (mN/m) tension interfaciale fibre/goutte d’huile,
salissures grasses (graisse ou huile) et des salissures particulaires γ HE (mN/m) tension superficielle goutte d’huile/eau.
(particules finement divisées). Nous traiterons l’un après l’autre les L’enlèvement des salissures grasses s’explique par la théorie du
mécanismes de la détergence sur ces deux modèles de salissure. « rolling-up », décrite par Stevenson en 1953 [14]. Le rolling-up peut
être défini comme le détachement d’une salissure (gouttelette
d’huile par exemple) d’un substrat sous l’effet conjoint d’une aug-
1.2.1 Enlèvement des salissures grasses mentation de l’angle de contact θ et d’une force mécanique (pous-
sée d’Archimède ou agitation).
1.2.1.1 Théorie thermodynamique Dès lors qu’un composé tensioactif est additionné à l’eau, celui-ci
s’adsorbe aux interfaces et en modifie les propriétés. En effet, les
L’ensalissement d’une surface solide F (fibre) par une matière tensions interfaciales entre l’eau et la fibre textile γ FE d’une part, et
grasse H (huile) peut être représenté par le schéma de la figure 2. entre l’eau et la salissure grasse (gouttelette d’huile) γ HE d’autre
Les salissures grasses mouillent la plupart des textiles très efficace- part, deviennent extrêmement faibles. En revanche, la tension inter-
ment et ont tendance à s’étaler sur la surface. faciale entre la salissure et la fibre γ FH ne change quasiment pas. Par
conséquent, sous l’influence de ces forces, l’angle de contact θ aug-
L’étalement se poursuit jusqu’à atteindre un état d’équilibre défini mente pour atteindre une nouvelle valeur θ ′ (figure 3). Dans le cas
par un angle de contact θ, formé par la surface de la fibre et la tan- où θ ′ < 90° (figure 3 a), sous l’influence des forces hydrodynami-
gente de l’interface huile/air. À ce moment, l’ensemble des forces ques (agitation, poussée d’Archimède), la salissure grasse a ten-
s’exerçant au niveau du cercle de contact s’annule et conduit à dance à s’étirer d’autant plus facilement que γ HE est faible.
l’équation (1) obtenue en projetant les forces sur le plan de la fibre. Cependant, θ ′ doit rester constant au cours du processus et le haut
La composante verticale est équilibrée par la force élastique liée à la de la gouttelette d’huile doit adopter une forme hémisphérique. Il y
déformation du solide dont l’amplitude est microscopique. a donc un conflit entre ces deux tendances ce qui a pour consé-
quence la formation d’un goulot d’étranglement. Celui-ci s’ame-
γ FA = γ FH + γ HA cosθ (1) nuise au fur et à mesure, ce qui conduit au détachement partiel de la
salissure grasse dans le bain lessiviel et à un résidu sur la fibre
avec γ FA (mN/m) tension de surface de la fibre, encore plus difficile à éliminer. Dans le cas où θ ′ > 90° (figure 3 b),
γ FH (mN/m) tension interfaciale fibre/goutte d’huile, les mêmes forces hydrodynamiques entraînent l’allongement de la
salissure grasse qui peu à peu réduit la surface de contact jusqu’au
γ HA (mN/m) tension superficielle de la goutte d’huile. détachement de la totalité de la gouttelette d’huile tout en mainte-
nant θ ′ > 90° .
Il s’agit de la relation d’Young qui permet de décrire grossière-
ment le mouillage d’une fibre textile (F) par une salissure grasse (H).
Cette équation montre que l’ensalissement est d’autant plus facile 1.2.1.3 Solubilisation
(θ faible) que la tension superficielle de la goutte d’huile γ HA et la Le mécanisme du « rolling-up » ne concerne que les salissures
tension interfaciale entre la fibre et l’huile γ FH sont faibles. grasses liquides et repose essentiellement sur l’abaissement des
tensions interfaciales par les tensioactifs. Cependant, au-delà de la
concentration critique micellaire, il n’y a plus d’abaissement signifi-
catif de la tension interfaciale et donc « l’effet » du rolling-up n’est
plus augmenté à partir de cette concentration. Or, au-delà de la
Air État CMC, on observe toujours une augmentation du pouvoir détergent.
Huile d'équilibre Il faut alors faire intervenir un autre mécanisme : la solubilisation.
(H) γHA Cette théorie a d’abord été proposée par Mc Bain [15] en 1942, puis
(H)
(H) θ (H) a été reprise par Ginn, Brown et Harris en 1961 [16].
Fibre textile (F) γFA γFH
Au-delà de la CMC, les molécules de tensioactifs s’associent en
solutions aqueuses pour former des micelles à l’intérieur desquelles
vont pouvoir se solubiliser une grande variété de composés insolu-
Figure 2 – Représentation schématique du mouillage d’une fibre bles dans l’eau tels que les acides gras, les alcools gras, les triglycé-
textile (F) par une goutte d’huile (H) rides et les hydrocarbures. Si les molécules solubilisées possèdent
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Solution
détergente
Agitation
θ' θ' θ' θ'
Air (a)
θ (H)
Fibre textile (F)
Agitation
θ' θ'
des groupements polaires (par exemple hydroxyles ou carboxyles), répulsion, de nature électrostatique. Si l’on reporte l’énergie poten-
celles-ci sont en général localisées dans la partie hydrophile de la tielle du système en fonction de la distance, on constate qu’il y a un
micelle. maximum correspondant à la barrière de potentiel à franchir pour
La solubilisation peut impliquer l’absorption directe de la salis- séparer la particule de la fibre textile et un minimum correspondant
sure dans les micelles mais aussi à l’intérieur de structures plus à la distance minimale d’approche entre la particule et la fibre tex-
complexes telles que des microémulsions ou des cristaux liquides tile. Ainsi, les salissures particulaires seront plus facilement élimi-
lyotropes, notamment des phases lamellaires. nées si la barrière de potentiel est faible et à l’inverse, une particule
dispersée dans le bain lessiviel sera moins susceptible de se redé-
poser sur la fibre si la barrière de potentiel est élevée.
En résumé, pour obtenir une bonne détergence, il est néces-
saire non seulement d’abaisser les tensions interfaciales
1.2.2.2 Mécanisme
(mécanisme du « rolling-up »), mais il faut aussi augmenter la
concentration des tensioactifs pour former des micelles en nom-
Dans le bain lessiviel, la surface des textiles est chargée néga-
bre suffisant pour solubiliser les salissures grasses présentes
tivement en raison de l’adsorption des ions OH− et des tensioactifs
dans le bain de lavage.
anioniques. On peut considérer qu’il en est de même pour les salis-
sures particulaires. La présence de ces charges engendre une
répulsion électrostatique (figure 4). C’est une des raisons pour
1.2.2 Enlèvement des salissures particulaires laquelle notamment la simple introduction d’agent alcalin permet
d’augmenter les performances de lavage. Cependant, les seules for-
1.2.2.1 Théories thermodynamique et électrique ces répulsives entre la salissure et la fibre ne suffisent pas pour
obtenir une détergence efficace à pH élevé. L’effet de la charge élec-
Les phénomènes d’adhésion et de décollement des salissures trique est donc essentiellement dû à la présence des tensioactifs
particulaires sont basés non seulement sur la théorie d’adsorption, anioniques.
comme pour les salissures grasses, mais aussi sur la théorie électri-
que de Derjaguin – Landau – Verwey et Overbeek (DLVO) [11] [12]. À À cet effet électrostatique, s’ajoute une pression de disjonction
faible distance, une surface plane (F) et une particule (P) sont soumi- dans la couche adsorbée qui supporte le processus de décollement
ses à des forces d’attraction de type Van der Waals et des forces de de la particule.
(P) (P)
δ (P)
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(CH2)x CH3
NaO3S H3C (CH2)x O (CH2 CH2 O)y H
(CH2)y CH3
x + y = 6 à 10 x = 9 à 15, y = 5 à 9
O CH2OH
O
CH3 (CH2)x CH C OCH3 OH
O O R
SO3Na
OH n
méthyl ester sulfonates de sodium (MES) alkyl polyglycosides (APG) Figure 5 – Principaux tensioactifs utilisés
en détergence
tandis que la « co-précipitation » des sels de calcium et des salissu- lessive à base de zéolites en remplacement des phosphates a été
res provoque le grisaillement. Il est donc nécessaire d’introduire commercialisée en 1989 par la société Henkel (lessive « Le Chat »).
dans les formulations des agents anticalcaires qui vont adoucir l’eau
soit en complexant ces ions, c’est le rôle des phosphates, soit en Les zéolites sont précisément des échangeurs de cations, princi-
échangeant ces ions avec les ions Na+, c’est le rôle des zéolites. palement des ions Ca2+ présents dans l’eau de lavage. Contraire-
Dans les formulations de lessives pour le linge, leur taux peut varier ment aux phosphates, les zéolites sont insolubles, quel que soit le
entre 10 à 30 %. pH. De plus, seules, elles n’atteignent pas la même efficacité que les
phosphates et doivent être associées à des agents dispersants et
alcalins. La capacité d’échange des ions Na+ contenus dans la zéo-
1.3.2.1 Polyphosphates lite est fonction de la dimension des ions à échanger et de leur état
Certaines formules détergentes contiennent des polyphosphates d’hydratation, de leur concentration, de la température, du pH et de
de sodium, principalement du tripolyphosphate P 3 O 10 5– (TPP), la durée de contact. Les ions Ca2+, par exemple, sont échangés très
depuis la commercialisation, en 1952, de la lessive OMO (Lever). Ce rapidement tandis que les ions Mg2+ le sont un peu moins vite. Mais
sont des agents complexants ou séquestrants qui adoucissent les ce qui conditionne surtout la vitesse d’échange, ce sont la dimen-
eaux dures en formant avec les ions Ca2+ et Mg2+, des complexes sion des cavités et la morphologie des cristaux. Aujourd’hui,
stables et solubles dans le bain lessiviel, évitant ainsi les dépôts de l’Europe se divise entre pays « TPP » et pays « zéolite ». En Espagne,
calcaire sur le linge et dans les machines. Ils constituent également par exemple, les formules de détergents contiennent exclusivement
une réserve d’alcalinité en permettant de maintenir le pH vers 9,5-10, des polyphosphates tandis qu’en Hollande ou en Allemagne, ceux-ci
valeur optimale pour une détergence efficace évitant la détérioration sont interdits et remplacés par les zéolites. Dans certains pays
des fibres et permettant la salification des acides gras libres. Enfin, comme la France, les deux coexistent. L’inconvénient majeur des
grâce à leur structure polyanionique, ils jouent le rôle d’agent anti- zéolites est que, étant insolubles, elles s’accumulent dans les
redéposition en maintenant en dispersion les salissures dans le bain rivières et les lacs et accroissent le volume des boues à traiter dans
lessiviel par un processus de répulsion électrostatique. Ainsi, les les stations d’épuration. Dans les détergents modernes, les zéolites
polyphosphates cumulent plusieurs fonctions importantes dans le sont combinées à des agents complexants hydrosolubles ou à des
mécanisme de détergence en intervenant en synergie avec les ten- polycarboxylates qui permettent la dispersion des particules
sioactifs. insolubles.
Cependant, en dépit de nombreux avantages, les polyphosphates
sont l’objet, depuis plusieurs années, de controverses entre les La figure 6 montre qu’à partir des années 1970, la proportion
industriels et les autorités, notamment en Europe, aux États-Unis et de brevets relative aux phosphates dans les détergents a com-
au Japon. Ils contribueraient en effet au phénomène d’eutrophisa- mencé à diminuer régulièrement tandis que le nombre de bre-
tion des eaux de rivière conduisant à une prolifération d’algues qui vets concernant les zéolites a augmenté brutalement jusqu’aux
conduit à une « asphyxie » des eaux (diminution de la concentration années 1985, subissant ensuite eux-mêmes une légère baisse.
en oxygène) et affecte les organismes marins. Dans certains pays Un autre substitut plus acceptable sur le plan écologique, le
comme l’Allemagne, ils ont été interdits et des produits de substitu- citrate de Na, continue à voir sa part progresser régulièrement,
tion ont dû leur être trouvés. Aujourd’hui, le citrate de sodium, par ainsi que, dans une moindre mesure, le nitrilotriacétate de
exemple, qui est un « builder » biodégradable, est utilisé dans cer- sodium (NTA).
taines formules détergentes.
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Certaines taches colorées ou salissures maigres ne peuvent être Le perborate de sodium, précurseur d’eau oxygénée, est un bon
enlevées du tissu par des mécanismes physiques (rolling-up, solubi-
agent de blanchiment mais il n’est efficace qu’à des températures
lisation micellaire...). Il faut alors recourir à un processus chimique
faisant intervenir des agents de blanchiment capables de décolorer supérieures à 60 ˚C. Or, la tendance actuelle est à la réduction de
irréversiblement les systèmes colorés par une réaction chimique, le la consommation d’énergie, ce qui se traduit par des lavages à
plus souvent une oxydation. Ce processus implique donc la destruc- plus basse température. Pour contourner ce problème, le perbo-
tion ou la modification des groupements chromophores responsa- rate de sodium est utilisé en combinaison avec un activateur
bles de l’absorption dans le visible. c’est-à-dire un composé capable de réagir avec les ions perhy-
Aujourd’hui, les agents de blanchiment les plus utilisés sont des droxyles HOO− conduisant, in situ, par perhydrolyse, à la forma-
composés capables de libérer in situ des formes activées de l’oxy- tion d’un peracide, agent de blanchiment plus efficace à basse
gène, notamment l’eau oxygénée, H2O2. Cette molécule est un acide température.
faible dont le pKa est égal à 11,6. Non dissociée, l’eau oxygénée est
relativement stable. Par contre, la réaction de dissociation conduit à L’activateur le plus connu et le plus utilisé (dans plus de 50 % des
la formation de l’anion perhydroxyle, HOO−, espèce reconnue détergents d’Europe de l’Ouest) est le tétraacétyléthylènediamine
comme étant l’oxydant efficace responsable du blanchiment. ou TAED, introduit pour la première fois par Lever France en 1978
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O O O CH2COONa
COONa
OH
x Na2O.Al2O3.y SiO2.zH2O
citrate de sodium alumino silicate de sodium (zéolite A)
5− 3−
O O O O O O
Ca2+
O P O P O P O 5 Na+ O P O P O P O 3 Na + + 2Na +
O O O O O O
O O O O
O Si O Al− O O Si O Al − O
Ca2+
O 2 Na+ O O Ca2+ O + 2Na +
O Al− O Si O O Al− O Si O
O O O O
dans la lessive Skip. La réaction de perhydrolyse du TAED conduit à s’adsorbent plus facilement aux interfaces améliorant ainsi les per-
la formation d’acide peracétique [équation (5)] : formances de lavage sur les taches plus lipophiles. Le nonanoyloxy-
benzène sulfonate de sodium (SNOBS) est un activateur de
O O perborate de sodium conduisant à la formation d’acide pernonanoï-
H3C C C CH3 que par réaction de perhydrolyse avec les ions HOO−. Son inconvé-
N CH2 CH2 N (5) nient majeur est la réaction secondaire entre l’anion peracide formé
+ 2 H 2 O2
et l’activateur qui produit un peroxyde de diacyle pouvant provo-
H3C C C CH3 quer des dommages sur le textile via des réactions radicalaires
O O incontrôlées. Le SNOBS est néanmoins utilisé par Procter&Gamble
aux États-Unis et au Japon où les concentrations de détergents et
TAED les températures de lavage sont plus basses qu’en Europe.
O O
C8H17 C O SO3Na
H3C C C CH3 O
N CH2 CH2 N + 2H3C C O
H H O OH p-nonanoyl-oxybenzène sulfonate de sodium SNOBS
1.3.3.3 Tendances
DAED acide peracétique
Les pressions écologiques visant à réduire les quantités de borate
Certains activateurs réagissent avec les ions perhydroxyles pour rejetées dans les eaux usées se font de plus en plus fortes et tendent
donner des peracides plus hydrophobes que l’acide peracétique qui à réduire l’utilisation du système perborate de sodium/TAED. En con-
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séquence, le système de substitution, percarbonate de sodium/TAED, Aujourd’hui, les lessives pour le linge peuvent contenir plusieurs
devrait encore être utilisé pendant plusieurs années. types d’enzymes. On rencontre également les lipases (enzymes lipo-
lytiques), introduites en 1988, qui agissent sur les graisses ou les
La tendance à opérer à basse température va s’accentuer dans les
lipides en catalysant l’hydrolyse des triglycérides insolubles
décennies à venir, nécessitant l’utilisation d’actifs (peracides, activa-
(sébum, produits cosmétiques...), les amylases (enzymes amylolyti-
teurs...) encore plus efficaces. Les recherches actuelles s’orientent
ques), utilisées depuis 1973, qui scindent les liaisons α-1,4 des molé-
notamment vers le développement de nouveaux catalyseurs capa-
cules d’amidon rencontrées dans les pâtes ou les pommes de terre
bles d’exalter les performances des agents de blanchiment à basse
et enfin, les cellulases (enzymes celullolytiques) (1986) qui dégra-
température (10 à 30 ˚C au lieu de 40 à 60 ˚C).
dent, par hydrolyse des liaisons glycosidiques, la cellulose des
À titre d’exemple, les complexes du manganèse dérivés du microfibrilles du coton apparaissant au fur et à mesure des lavages
1,4,7-triméthyl-1,4,7-triazacyclonanone sont d’excellents catalyseurs et provoquant la formation de « bouloches » qui emprisonnent les
de blanchiment fonctionnant dès la température ambiante. Malheureu- salissures particulaires et provoquent la rêcheur du linge.
sement, dans certaines conditions, ces composés endommagent les Pour être utilisables dans un détergent, les enzymes doivent :
colorants et les fibres textiles et ont donc été retirés du marché euro-
péen en 1994. — avoir une efficacité optimale en milieu alcalin ;
— être efficaces à basses températures ;
— être stables à des températures de lavage pouvant atteindre
2+ 60 ˚C ;
N N
— être stables en présence des autres ingrédients de la formule
O (tensioactifs, « builders », agents de blanchiment...) pendant le stoc-
kage et l’utilisation ;
N Mn O Mn N (PF6−)2,H2O
— avoir un spectre d’activité suffisamment large pour permettre
O la dégradation d’un grand nombre de salissures (protéines, triglycé-
rides...).
N N
1.3.4.2 Tendances
hexafluorophosphate de 1,4,7-triméthyl-1,4,7-triazacyclononane (MeTACN)
Les enzymes représentent certainement les véritables ingrédients
de l’avenir. Elles sont manipulables sans risque lorsque toutes les
précautions sont prises. Elles sont efficaces à des taux extrêmement
1.3.4 Enzymes faibles, ce qui est particulièrement intéressant pour les produits
concentrés. Elles sont attractives d’un point de vue environnemen-
Le lecteur se reportera aux références bibliographiques [36] [37] [38] et [39]. tal puisqu’elles dérivent de sources renouvelables.
Certaines taches d’origine biologique ne peuvent être éliminées ni Les recherches sur les biotechnologies (génie génétique) ont con-
par l’action des tensioactifs ni par l’action des agents de blanchi- tribué à améliorer leur stabilité et leur spécificité et devraient per-
ment. Pour les enlever, il faut recourir à un processus biochimique mettre de « fabriquer » des enzymes « sur mesure » présentant les
obtenu en introduisant dans les détergents des enzymes. Ce sont caractéristiques désirées, par exemple :
des biocatalyseurs puissants, d’origines animale ou végétale, pro- — des enzymes efficaces dans des conditions difficiles : tempéra-
duits par des cellules d’organismes vivants et capables de dégrader tures plus basses, niveau de pH plus ou moins élevé selon le cas,
rapidement et à basse température les salissures de nature biologi- durée d’action réduite, taux de tensioactifs réduits ;
que. Aujourd’hui, l’utilisation des enzymes dans les produits lessi- — des enzymes efficaces sur des taches bien précises (comme
viels ménagers s’est généralisée. Elles contribuent à diminuer le des taches oxydables qui sont éliminées aujourd’hui par des agents
temps de lavage, l’énergie et la consommation d’eau en abaissant de blanchiment) : les hydrolases, les oxydases, les peroxydases, les
les températures de lavage et fournissent des effluents « verts ». pectases...
La mise au point d’enzymes capables de remplacer les agents de
1.3.4.1 Protéases, lipases, amylases et cellulases blanchiment constitue un défi scientifique redoutable qui, s’il était
relevé, conduirait à une véritable révolution dans le domaine de la
Les protéases sont les enzymes les plus largement utilisées et
formulation des détergents.
sont considérées comme « l’ancêtre » des enzymes dans les formu-
lations de lessive. Les premières lessives « biologiques » en poudre
à base de protéases ont été commercialisées en Suisse en 1959 par
la société Gebr. Schnyder. Aujourd’hui, quasiment tous les déte- 1.3.5 Polymères
rgents produits en Europe, en Amérique du Nord, au Japon contien-
nent des enzymes. Le lecteur se reportera aux références [40] et [41].
Les protéases (enzymes protéolytiques), qui sont très résistantes Les tensioactifs décollent les salissures des articles textiles et les
aux milieux alcalins et qui présentent une bonne stabilité en tempé- maintiennent en suspension dans le bain lessiviel. Néanmoins, ils
rature, attaquent les taches protéiniques telles que le sang, l’œuf, le ne permettent pas d’éviter complètement le phénomène de redépo-
lait, l’herbe... Elles peuvent être obtenues à partir de différentes sition de la salissure sur le linge. Les surfaces des fibres synthé-
sources (animale, végétale...) mais le plus souvent, elles sont d’ori- tiques, par exemple, sont neutres. Il faut donc que la surface de cette
gine microbienne. Les protéases catalysent le clivage hydrolytique fibre possède une charge, empêchant, par un phénomène de
des chaînes peptidiques [équation (6)] : répulsion électrostatique, la redéposition des salissures, qui ont en
général, dans le bain de lavage, une charge négative. C’est pourquoi
les formulations de détergents contiennent des additifs appelés
R1 R2 R1 « inhibiteurs de redéposition » qui sont des polymères hydrophiles
protéase chargés présentant des propriétés « antiredéposition ».
NH CH C NH CH + H2O NH CH COO−
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FORMULATION DES DÉTERGENTS _________________________________________________________________________________________________________
Na+–OOC
OH OH
O O O
HO
O O
O O
HO O O HO O
OH
Na+– OOC COO– Na+
Ce polymère, dérivé de la cellulose et de masse moléculaire de salissures plus importante. La solution apportée pour éviter ce pro-
20 000 à 500 000, s’adsorbe à la surface des fibres de coton et leur blème a été l’introduction dans les formules de composés capables
confère une charge négative. Il est efficace vis-à-vis des fibres à base de réduire cette énergie interfaciale en s’adsorbant sur la fibre de
de cellulose tels que le coton ou les mélanges coton/fibres synthé- polyester. À titre d’exemple, citons les éthers cellulosiques tels que
tiques. Il améliore les propriétés « antiredéposition » par deux la méthylhydroxypropylcellulose ou l’éthylhydroxyéthylcellulose.
processus :
— en modifiant la charge électrique des particules en suspension Grâce à l’adsorption de ces dérivés éthers cellulosiques sur les
par adsorption à l’interface solide/liquide ; fibres polyester, d’autres propriétés intéressantes sont obtenues :
— en modifiant les propriétés électriques et stériques de la sur- — une élimination plus facile des salissures au lavage suivant
face de la fibre par adsorption sur le tissu. En effet, en raison de la (effet « soil release ») ;
présence des charges négatives de la CMC (groupement carboxy-
late), la valeur absolue du potentiel Zêta est augmentée, la barrière — une mouillabilité plus grande des fibres ;
de potentiel empêchant le rapprochement de la salissure et de la — un effet antistatique.
fibre chargées devient plus élevée et évite ainsi la redéposition. De
plus, les groupements ioniques augmentent le degré d’hydratation L’incorporation de ces polymères polyacryliques ou des copoly-
de la fibre qui renforce encore l’énergie de répulsion par l’apparition mères acrylique/maléique dans les formules de détergents permet
d’une barrière stérique. donc d’obtenir de meilleures performances.
1.3.5.2 Homo- et copolymères d’acides acrylique/maléique D’autres polymères introduits dans les formules jouent le rôle
d’agent antitransfert de couleurs. La poly(N-vinylpyrrolidone) (PVP)
D’autres polymères, tels que les homo- et copolymères d’acide et la poly(vinylpyridine N-oxyde) (PVPNO), par exemple, sont fré-
acrylique/maléique, peuvent également jouer le rôle d’agents anti- quemment utilisées dans les produits de lavage des articles en cou-
redéposition ou d’agents complexants. Les « builders » macromolé- leur. Ces inhibiteurs du transfert de couleur forment des complexes
culaires dérivés de l’acide acrylique représentent plus de 90 % de avec les molécules de colorants qui se détachent des articles textiles
l’ensemble des polymères utilisés dans les détergents. Dans les for- colorés ; ces complexes sont maintenus en suspension dans l’eau
mules à base de zéolites, on utilise en général des homopolymères de lavage.
d’acide acrylique. En revanche, il semblerait que l’utilisation de
copolymères acide acrylique/acide maléique donne de meilleurs Ainsi, ils empêchent leur réadsorption ou leur redéposition sur
résultats avec les formules à base de phosphate. d’autres articles, notamment les articles blancs.
O− O− n n
polyvinylpyrrolidone PVP n = 300 à 360
acide polyacrylique acide polyéthylène/maléique
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triglycérides se convertissent, en milieu basique (pH > 10), en l’interface air/eau, la goutte d’huile s’étale, entraînant ainsi avec elle
savons de sodium solubles dans le bain lessiviel [équation (7)] : le liquide sous-jacent, ce qui a pour conséquence une diminution de
la viscosité interfaciale, un écoulement du liquide plus important, un
(7) amincissement du film et enfin la rupture du film liquide. Le phéno-
O O mène d’étalement résulte des flux créés par des gradients de ten-
sions superficielles (flux induits par effet Marongoni). Ainsi, une
O C R1 OH R1 C O− valeur positive du coefficient d’étalement S [équation (8)] est la con-
O O dition nécessaire pour provoquer ce flux et avoir un agent anti-
pH > 10
O C R2 + 3 OH− OH + R2 C O− mousse efficace qui puisse diffuser sur la solution moussante. C’est
O θ > 40°C O aussi la raison pour laquelle les huiles à faible tension superficielle
sont en général plus efficaces.
O C R3 OH R3 C O−
S = γ E/A − (γ H/A + γ H/E) (8)
Ainsi, des agents alcalins tels que le carbonate de sodium,
Na2CO3, sont généralement introduits dans les formulations de avec γ E/A tension superficielle de la solution moussante,
détergents. On rencontre également des silicates de sodium qui ont γ H/A tension superficielle de l’antimousse,
en plus un rôle d’inhibiteur de corrosion. Enfin, les polyphosphates,
le perborate ou le percarbonate de sodium décrits précédemment γ H/E tension interfaciale antimousse/solution
jouent également le rôle d’agents alcalins. moussante.
Les silicones ont en général une faible tension superficielle (de
l’ordre de 18 à 26 mN/m).
1.3.7 Agents antimousses
À titre d’exemple, considérons une silicone dans une solution
Le lecteur se reportera aux références [J 2 205] réf. [42] et [43]. d’alkylbenzène sulfonate de sodium. Les tensions superficielles et interfa-
Alors que la mousse, due en particulier à la présence de tensioac- ciales de la solution moussante, de l’antimousse et de la solution mous-
tifs anioniques dans la formule, est synonyme d’efficacité pour les sante/antimousse sont respectivement égales à γ E/A = 35 mN/m, γ H/A =
détergents à base de savons, encore largement utilisés dans les 21 mN/m et γ H/E = 6 mN/m. On calcule alors un coefficient d’étalement S
pays en voie de développement, elle est gênante dans les déte- pour ce système qui est égal à γ E/A − (γ H/A + γ H/E) = 35 − 21 − 6 = 8. Cette
rgents pour machines à laver à tambour utilisées notamment en valeur est positive, c’est pourquoi la silicone est un agent antimousse effi-
Europe. cace pour une solution d’alkylbenzène sulfonate de sodium.
Il a été montré que l’addition de composés non ioniques à des
composés anioniques diminue considérablement la mousse.
Cependant, ce système binaire a un pouvoir moussant encore trop Mécanisme (a) Mécanisme (b)
élevé pour être utilisé dans les machines à laver. Pour obtenir un
produit non moussant, on ajoute alors à la formule quelques pour-
cents de savons. Ces derniers, en présence du calcaire de l’eau de
lavage, forment des particules de savons de calcium insolubles, plus
ou moins hydrophobes. Ces particules vont se loger dans le film de
la mousse qui devient hétérogène. La partie du film en contact avec Particule solide sphérique Globule huileux
la particule hydrophobe s’amincit, il se crée un trou à cet endroit et hydrophobe
la bulle est détruite par éclatement.
Les systèmes ternaires anionique/non ionique/savon ont été utili-
Démouillage
sés par la plupart des fabricants de détergents pendant plusieurs
années pour des produits non moussants destinés aux machines à
laver à tambour (en Europe). Les savons les plus efficaces sont ceux
ayant une longue chaîne carbonée saturée C18 à C22. Leur efficacité
est classée dans l’ordre décroissant suivant : savon de baleine
(C22) > savon de colza (C18) > stéarate (C18) > savon de suif
(C18) > savon de coprah (C12).
À l’heure actuelle, certaines formules contiennent encore du
savon. Ces formules présentent quelques inconvénients :
— manque d’efficacité en eau douce (il n’y a pas de formation de
savon de calcaire) ;
— nécessité d’utiliser des agents complexants de faible constante
de stabilité de manière à maintenir une concentration en ions cal-
cium suffisamment élevée ;
— problème de prise en masse (gélification) dans les distribu-
teurs de poudre des machines, surtout lorsque l’eau est froide ou Étirement
quand sa pression est faible.
Par ailleurs, il a été montré que des mélanges spécifiques silice/
silicone ou des systèmes à base d’huile de paraffine peuvent rem-
placer avantageusement les savons, indépendamment de la dureté
de l’eau ou de la nature du système tensioactif/builder utilisé. Ainsi,
de nombreux détergents en Europe contiennent aujourd’hui des
huiles de silicone (notamment des polydiméthylsiloxanes) et/ou des Rupture du film
paraffines comme agents antimousses. Rupture du film
Ces composés organiques agissent selon un mécanisme de
« diffusion » (figure 8). La gouttelette hydrophobe d’antimousse Figure 8 – Mécanismes de rupture de film de mousse par un
migre vers la surface du film de la mousse. Après avoir pénétré dans antimousse
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Les résultats obtenus avec les silicones combinées avec des sili- perception, qui fait que la molécule considérée peut continuer à
ces hydrophobées sont très satisfaisants. Ils présentent plusieurs générer suffisamment de molécules pour être perçue par olfaction.
avantages : Si la tension de vapeur est trop faible en regard du seuil de percep-
— efficacité quelles que soient la dureté de l’eau et la tempéra- tion, la molécule se déposera bien sur le linge mais ne sera pas relâ-
ture de lavage ; chée en quantité suffisante pour être odorante.
— amélioration du comportement de la poudre dans les Depuis les années 1980, de nombreux travaux ont été entrepris
distributeurs des machines à laver (bonne dispersion de la pour améliorer la performance des parfums dans les produits déte-
poudre) ; rgents. Des techniques variées ont été brevetées soit pour éviter la
— coût compétitif (avec un moindre risque de rupture de stock ou perte de parfum lors du stockage des produits, soit pour favoriser sa
de fluctuation de prix), en comparaison avec les savons. déposition. Plus récemment, sont apparus dans certains assouplis-
seurs des précurseurs de molécules odorantes qui favorisent la
déposition de matières premières du parfum. Ces technologies nou-
1.3.8 Azurants optiques velles essaient de corriger les imperfections du comportement des
parfums (stabilité, perte des matières lors de l’application). La
Après de nombreux lavages, un tissu blanc se charge en salissu- grande difficulté de la mise au point de telles techniques vient du fait
res qui absorbent préférentiellement la partie bleue du spectre. Cela qu’un parfum n’est pas une simple matière première mais un
se traduit par un excès de lumière jaune dans le spectre de mélange complexe « optimisé » qui ne doit pas être modifié.
réflectance, conférant au tissu un aspect jaunâtre. Cette nuance jau-
nâtre peut être corrigée en traitant le tissu à l’aide d’azurants opti- ■ Adsorption sur des particules poreuses
ques. Ces composés sont des substances fluorescentes, incolores, Certains brevets revendiquent une amélioration de la perfor-
possédant la propriété d’absorber la lumière située dans le mance des parfums par adsorption sur des minéraux tels les
proche UV émise par le soleil ou par certaines sources lumineuses zéolites, la silice ou l’argile. D’autres préconisent l’utilisation de
artificielles. L’état excité ainsi obtenu perd une partie de son énergie polymères organiques (généralement des polyméthacrylates pon-
sous forme de chaleur et le reste par émission d’un rayonnement tés) qui sont insolubles dans l’eau. De tels adsorbants existent dans
lumineux bleu. Par ce processus physique, on remplace donc la le commerce et l’incorporation se fait par mélange du parfum avec
lumière bleue absorbée par le tissu jaunâtre par une fluorescence l’adsorbant.
bleue prélevée dans l’UV. Les azurants optiques confèrent donc au
tissu un « blanc plus blanc que blanc ». Bien qu’il y ait dans la nature ■ Les cyclodextrines
de nombreux composés fluorescents, les caractéristiques requises
pour un azurant optique (coût, quantité, stabilité, nuance de teinte...) Les cyclodextrines sont des polyglucoses cycliques formées de
n’ont pas permis de trouver de composés naturels satisfaisants. Les 6(α), 7(β), 8(γ) unités de glucose. Elles ont une structure en forme de
azurants optiques rencontrés dans les formules de détergents sont cage susceptible de former des complexes avec les molécules de
donc des molécules de synthèse, en général, dérivés du stilbène. parfum. La partie interne de la cage est hydrophobe alors que la par-
Les composés les plus utilisés dans les poudres détergentes sont tie externe est hydrophile en raison des nombreux groupements
des dérivés de l’acide 4, 4′-diaminostilbène-2, 2′-disulfonique . La hydroxyles de la structure. Ces complexes sont déplacés en solution
nature des substituants R est très variée et permet d’obtenir des aqueuse en présence de tensioactifs et en particulier de tensioactifs
propriétés particulières telles que la solubilité ou la substantivité anioniques. La β-cyclodextrine est de loin celle qui est la plus utili-
(adsorption de l’azurant sur le tissu). sée. Elle a notamment été brevetée pour limiter la perte des parfums
dans les détergents.
NH NH
N N ■ La microencapsulation
N NH CH CH NH N
N N La microencapsulation est une technique qui consiste à emprison-
N SO3Na NaSO3 N ner le parfum dans une microcapsule constituée d’une membrane
polymérique dans le but d’augmenter sa stabilité en milieu agressif.
O O
Le parfum est alors libéré soit par diffusion contrôlée à travers la
4,4'-bis-(4-anilino-6-morpholino-5-triazin-2-ylamino)-stilbène-2,2'-disulfonate de disodium matrice dans laquelle il est incorporé soit par destruction de la cap-
(Tinopal DMS de Ciba-Geigy, Blankophor MBBH de Bayer ou Optiblanc 2M de Sigma)
sule. Le type de protection obtenu par cette technique est extrême-
ment efficace. De plus, ces microsphères peuvent contenir jusqu’à
85 % de parfum. La technique de l’encapsulation est couramment
1.3.9 Parfums utilisée dans les poudres détergentes. Toutefois, son application
dans les liquides aqueux et, en particulier dans les détergents, reste
Les parfums ont été ajoutés aux détergents pour la première fois limitée, du fait de problèmes de rétention des parfums dans les
dans les années 1950. Dans un détergent, la fonction première des microcapsules au cours du stockage de ces produits.
parfums est de masquer l’odeur de certains ingrédients pouvant
générer des mauvaises odeurs (les LAS, les alcools gras éthoxylés, ■ Les précurseurs de parfum
les tensioactifs cationiques, les acides gras, certaines enzymes Les précurseurs de molécules parfumées ou « pro-parfums » sont
comme les lipases, le TAED, la PVP...). Ces mauvaises odeurs peu- des composés capables de libérer, lors de l’application, une molé-
vent se manifester dans le produit lui-même ou sur les substrats sur cule active par clivage d’une liaison covalente. Les conditions d’uti-
lesquels le produit détergent est appliqué. Depuis les années 1990, lisation telles que la présence d’oxygène, de lumière, d’enzymes, de
un autre rôle des parfums est d’apporter une odeur agréable au microorganismes, le changement de pH, l’hydrolyse ou la tempéra-
linge, une odeur de frais. ture peuvent déclencher la libération d’une ou plusieurs molécules
La performance des parfums est étroitement liée à leur aptitude à de parfum. C’est en 1995 que la société Firmenich développa et en
se déposer sur le linge et à lui conférer une odeur agréable, c’est ce breveta un nouveau composé capable de se cliver sous l’action des
qui définit la substantivité. Elle est également liée à la persistance lipases en libérant une molécule parfumée, le géraniol
de cette odeur, c’est ce qui définit la ténacité. Pour être substantive, [équation (9)]. Ce composé, le succinate de digéranyle (DGS), fut le
une molécule odorante doit se déposer sur le linge et avoir un seuil premier précurseur de parfum commercialisé et introduit dans une
de détection faible. Pour être tenace, elle doit être substantive et formule d’adoucissant pour textiles, Lénor, par la société Procter &
avoir une tension de vapeur faible de manière à être relâchée lente- Gamble. Le DGS possède une meilleure substantivité pour les texti-
ment. Il existe un compromis optimum tension de vapeur/seuil de les que le géraniol lui-même et se clive lentement par action des
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1.4.1 Poudres
■ Les formules traditionnelles non moussantes
1.4.1.1 Poudres traditionnelles Les lessives non moussantes sont destinées à être utilisées en
machine à tambour (Europe). On retrouve tous les ingrédients cités
ci-avant, la différenciation se faisant au niveau des quantités
Les poudres « classiques » ou « traditionnelles » ou encore d’ingrédients entre le produit haut de gamme et les formules bon
« conventionnelles » représentent aujourd’hui plus de 60 % de la marché et la présence des agents antimousse.
production mondiale des lessives avec de très gros écarts entre les
pays. Les principales caractéristiques de ces poudres convention- Par exemple, dans une formule « haut de gamme », on peut trouver
nelles résident dans le taux en agents d’appoint (additifs de procé- des « cocktails » d’enzymes (protéase + amylase + lipase + cellulase...),
dés, charges) qui n’ont que peu d’influence sur la performance du des agents blanchissants avec activateur (perborate ou
percarbonate + TAED), un taux d’actifs plus élevé alors que dans une
produit. Les densités des lessives en poudre peuvent varier du sim-
formule « bon marché », il n’y a pas d’activateur et en général, un seul
ple au triple : de 200 g/L (dans certains pays en voie de développe- type d’enzyme (protéase) sera utilisé.
ment) à 700 g/L (en France par exemple).
Pour une formule sans phosphate, les pourcentages en zéolites
On distingue deux grands types de produits destinés à des utilisa- varient de 20 à 30 %, la présence en polymère est renforcée, jusque
tions différentes. 5 % dans une formule « haut de gamme » (pour améliorer la disper-
sion) et les teneurs en silicate et en eau sont plus faibles.
■ Les formules moussantes correspondent à :
1.4.1.2 Poudres concentrées
— des produits utilisés pour le lavage à la main. La mousse est en
Pendant de nombreuses années, les poudres dites traditionnelles
effet importante car elle représente le signal d’efficacité pour l’utili-
ont dominé le marché. La tendance cependant était à une augmen-
sateur. Lorsque le bain de lavage ne mousse plus, le produit n’est
tation régulière de leur densité, mais à un rythme très lent (par
plus actif (trop de salissures ou de calcaire), il faut donc le exemple, en France, passage de 400-450 g/L à 500-550 g/L en une
renouveler ; quinzaine d’années) pour atteindre 650-700 g/L dans les années
— des produits destinés à laver en machines adaptées suppor- 1990, sans toutefois que l’on puisse parler de poudres concentrées.
tant la mousse (Amérique du nord, sud-est asiatique). Les tensioac- Pourtant, de tels produits existaient déjà au Japon, mais éga-
tifs utilisés dans ce type de formulation sont donc surtout des lement en Europe au travers de ventes en porte à porte. Toutefois,
anioniques : le LAS est le plus utilisé, avec certaines exceptions, par leur qualité ne répondaient par réellement aux attentes des consom-
exemple le PAS aux Philippines, parce que les matières premières mateurs (mauvaises propriétés physiques, prise en masse, perfor-
sont disponibles sur place. mances réduites) car le procédé de fabrication (mélange à sec) ne
permettait pas à l’époque d’égaler la qualité des produits conven-
Le tableau 1 présente deux exemples de formulations de produits tionnels. Une étape décisive fut franchie par la société Kao, au
en poudre destinés au lavage à la main (formule A) et en machine à Japon, avec la commercialisation de la première lessive en poudre
laver (formule B). Pour les poudres de lavage à la main, il n’y a pas concentrée, Attack, en 1987.
d’agents de blanchiment type percarbonate/TAED. Dans le cas des À partir de cette date, tous les grands fabricants ont mis sur le
poudres pour machines à laver, on peut distinguer les formules avec marché des lessives concentrées qui connaissent depuis un succès
ou sans phosphate (dans ce cas, les TPP sont remplacés par les grandissant. Leurs parts de marché sont passées de 13 % en 1991 à
zéolites). 22 % en 1996 au niveau mondial. Au Japon, elles représentent près
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de 85 % du marché. En Europe, leur progression est plus lente : il 1.4.1.3 Pastilles ou tablettes
existe une certaine disparité entre les pays. Par exemple, les pays
nordiques et les pays plus écologiquement sensibles (Hollande et L’une des étapes importantes lors du lavage du linge consiste à
surtout Allemagne) utilisent beaucoup plus les poudres concentrées doser la bonne quantité de produit. Les fabricants recommandent
que les pays du sud de l’Europe (Espagne, Portugal). Pour formuler certains dosages (en fonction de la salissure et de la dureté de l’eau)
des produits concentrés, le formulateur doit : mais, dans la plupart des cas, c’est la consommatrice qui décide
d’introduire la quantité adéquate, en fonction de sa propre expé-
— éliminer tout ingrédient réellement inutile pour la performance rience. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle les poudres
(charges ou agents d’aide au procédé tel que le sulfate de sodium) ; concentrées ont certaines difficultés à s’imposer. Sur le marché fran-
— minimiser la quantité d’eau dans le produit ; çais par exemple, il semble que les consommatrices n’aient pas
encore trouvé le bon équilibre entre dosage correct, bonnes perfor-
— utiliser des matières premières les plus denses possibles et mances au lavage et coût du lavage. Pour remédier à cet inconvé-
dont les granulométries respectives permettent de remplir tous les nient, certains fabricants ont eu l’idée, il y a quelques années, de
« vides » et l’intérieur des particules creuses. Certaines matières lancer des doses toutes prêtes, sous forme de sachets à introduire
premières se prêtent davantage que d’autres à la densification. directement dans la machine.
Ainsi, il est plus facile d’utiliser les zéolites que les TPP car elles
absorbent de grandes quantités de tensioactifs liquides ; Les trois grands lessiviers ont eu une approche très différente
dans le développement des tablettes, très largement brevetées. Les
— utiliser des matières premières « bi-fonctionnelles ». Par
tablettes d’Unilever, qui fut le premier sur le marché en 1998, sont
exemple, le percarbonate de sodium qui, utilisé à la place du perbo-
basées sur la compaction d’une poudre détergente riche en ingré-
rate, permet d’éviter l’adjonction supplémentaire de carbonate de
dients très solubles sélectionnés : un grade de phosphate pré-
sodium. À poids égal, le percarbonate présente un meilleur rende-
hydraté pour les formules avec phosphates, de l’acétate de soude
ment en oxygène actif que le perborate ;
pour les formules sans phosphates. Les tablettes de Henkel sont
— utiliser les enzymes car elles permettent, à des doses très fai- obtenues pas compaction modérée de leurs formules concentrées
bles, d’obtenir des performances élevées. Mégaperls auxquelles a été ajoutée une cellulose microcristalline
Dans le tableau 2 sont donnés deux exemples de formules de capable de gonfler considérablement au contact de l’eau ; il en
détergent en poudre concentrée. résulte une désagrégation rapide de la tablette. Enfin, pour les
tablettes de Procter & Gamble, la poudre concentrée est légèrement
compactée puis recouverte d’un fin film soluble à base d’acide hexa-
(0)
nedioïque. Ainsi « encapsulée », la tablette paraît rigide mais se
désagrège rapidement après dissolution du film (et aussi sous la
Tableau 2 – Exemples de formules de détergent en poudre pression des doigts). Ces deux dernières technologies font interve-
concentrée : nir un système adoucissant de l’eau à base de zéolite.
Formule A = avec phosphates, densité = 650 à 750 g/L La difficulté dans la préparation des tablettes est d’obtenir une
Formule B = sans phosphate (remplacés par zéolites/ dose suffisamment résistante pour subir toute la chaîne de condi-
citrate), densité = 720 g/L tionnement, puis du transport, tout en étant apte à se désintégrer au
contact de l’eau. Les premiers brevets, déposés par la société Col-
Composants % (Formule A) % (Formule B) gate, remontent au milieu des années 1960. Un peu plus tard, la
société Lion au Japon déposait d’autres brevets concernant l’utilisa-
Tensioactifs anioniques (PAS) - 2à5 tion de compositions à haute densité, permettant d’obtenir des
Tensioactifs anioniques (LAS) 12 à 15 10 à 20 tablettes utilisables en eau froide (10 ˚C). Quelques années plus tard,
les habitudes ménagères ayant évolué vers davantage de praticité
Tensioactifs non ioniques (alcool 4à8 5à8 et la pression de l’écologie dans la vie quotidienne se faisant de plus
gras éthoxylés avec 7 oxydes en plus forte, on assiste alors à la mise sur le marché, d’abord en
d’éthylène)
Espagne puis en France, et ensuite un peu partout en Europe et aux
Savon 0à2 0à1 USA, de tablettes prédosées pour le lavage du linge.
Tripolyphosphate de Na 20 à 25 - À titre d’exemple, nous donnons dans le tableau 3, les compositions
Zéolites 0à5 15 à 25 des tablettes que l’on peut trouver dans le commerce. Des polymères
spécifiques ont été développés, notamment par la Société Norsohaas
Silicate de Na 3à7 3à6 pour améliorer les performances des tablettes, en particulier leur
Citrate de Na - 8 à 12 dureté mais aussi leur dissolution dans le bain lessiviel.
Carbonate de Na 12 à 20 12 à 16 (0)
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a coton neuf Les sels formés proviennent en premier lieu de l’eau (sels de cal-
cium et de magnésium), mais aussi de la décomposition de certains
ingrédients de la lessive (sels de bore par exemple). Parmi les fac-
teurs responsables de la formation des fibrilles, le plus important
est le lavage en machine à tambour, à cause de l’action mécanique
assez violente exercée sur le linge. La souplesse du linge dépend
également du ratio quantité du linge/volume du tambour. Le fait de
remplir complètement la machine ne permet pas d’obtenir une sou-
plesse idéale.
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