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/ Marie Rocher

Photo de couverture : Mademoiselle B (Sarah Bertin) © Christiane Blanchard


© / Marie Rocher, Paris, 2017
Préface
par Marie Rocher

L’idée de Tronches de pain m’est venue à la suite de Tronches


de vin, coédité avec les Éditions de l’Épure, en hommage à mon
père – Jean-Paul Rocher – éditeur. Elle tient avant tout de ma
passion pour la cuisine – véritable culture familiale –, de ma
sensibilité pour le travail artisanal, et d’une prise de conscience,
pas si lointaine, qui a déterminé ma volonté de manger un pain
simplement digeste et bon, comme tout autre aliment.
Au début des années 2000, je me souviens m’être délectée, au
Verre Volé1, d’un pain à l’état brut, ayant du goût, qui se mariait
à merveille avec les tapas maison et la sélection de vins nature.
Peu après, les pains de Véronique Mauclerc2 furent une décou-
verte pour leur durée de conservation, leurs croûtes parfumées
aux couleurs appétissantes et leurs mies savoureuses. Des pains
à base de levain naturel, composés pour certains de farines rares,
cuits dans un four à bois datant du début du xxe siècle, au cœur
de Paris ! Tous avaient pour point commun de ne plus être qu’un
accompagnement, une annexe de mon assiette. Ils représen-
taient un plaisir gustatif en soi.
Les questions suivantes commençaient à me turlupiner. Pour-
quoi une telle différence entre ces pains et ceux qu’on trouve
partout – ou presque ? Et pourquoi, alors qu’en France le pain
fait souvent figure de symbole et d’aliment de base, on se pose
si peu de questions, on en connaît si peu sur les ingrédients qui
le composent et sur ses procédés de fabrication ?
Pour en savoir plus, je suis partie en quête d’autres de ces pains
révélateurs de goût, notamment dans le cadre du blog que je
tenais à l’époque (Fabriques Locales). Je me suis progressivement
intéressée de plus près aux boulangers travaillant au levain, à leur
savoir-faire, leurs convictions… Constatant qu’un mouvement se
dessinait parallèlement à la filière prédominante de la boulange-
rie, mon envie d’approfondir mes connaissances à ce sujet s’est
accrue. À tel point que je me suis moi-même formée à la panifi-
cation au levain naturel à l’École internationale de boulangerie,
obtenant mon diplôme d’artisan boulanger en mars 2015.

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Cette formation ayant affûté mon regard et mes connaissances Avec Tronches de pain, vous percevrez mieux qu’un peu par-
techniques sur le pain, publier Tronches de pain ne fut plus tout, en France et au-delà, en ville comme à la campagne, une
uniquement une idée mais une évidence. En outre, les stages nouvelle dynamique autour du pain est en marche. Les boulan-
que j’ai effectués m’ont permis de comprendre le lien entre les gers, paysans et même meuniers – hommes et femmes –, dont
différents modes de production et leur influence sur les pains vous trouverez le portrait, en sont des acteurs qui méritent le
après cuisson. détour, tant pour leur pain, leur fournil, leur histoire, que leur
J’ai appris à différencier ceux résultant d’une panification plus démarche correspondant à leur mode de vie. Tout en éveillant nos
rapide, communément à base de levure boulangère et de farines papilles, ces tronches participent à changer notre vision du pain
dites “facilement panifiables”, de ceux résultant d’une panifica- – mais pas seulement. Chacun à sa manière met de l’humain
tion plus tranquille, généralement au levain (parfois à la levure et de la diversité dans le paysage, pour une alimentation non
avec un dosage infime), pour lesquels l’usage d’un arsenal de standardisée. Merci à eux !
boulangerie est réduit au minimum et les matières premières
sélectionnées auprès de fournisseurs soigneusement choisis.
Et, quelle heureuse coïncidence – pas si surprenante – de
m’apercevoir que je pouvais relier les pains au levain naturel à
un autre de mes amours : le vin nature. Non seulement parce
que, dans ces pains, il est question de fermentation grâce à des
levures naturelles. Mais il est aussi question de digestibilité et
de richesses arômatiques dues notamment au levain (qui pré-
digère le gluten), ainsi qu’aux qualités organoleptiques de
farines issues d’une agriculture non interventionniste et de mode
de transformation doux.
J’ai donc proposé à deux auteurs, indépendants et non profes-
sionnels du secteur de la boulangerie, de m’accompagner dans
l’aventure Tronches de pain, chacun ayant une plume et l’appétit
de plonger dans ce monde : Guillaume Nicolas-Brion et Cécile
Cau. Comme dans Tronches de vin, les textes ne sont pas
signés. Les photos sont prises autant que possible sur le vif par les
auteurs eux-mêmes. Ainsi, chaque portrait retranscrit en texte et
en image le regard d’un auteur sur une tronche. Ce n’est pas un
livre technique (ni de critique) mais un ouvrage initiatique, pour
faire connaître aux amateurs (ou non), des pains qui ont de la
gueule comme ceux qui les font.

1. Fameux bar à vin parisien du 10e arr. de Paris.


2. Boulangère du 19e arr. de Paris.
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Les auteurs

Avant d’être journaliste, blogueur ou artisan-boulanger, les Cécile Cau


auteurs de Tronches de pain sont surtout des passionnés. Pas-
sionnés par le pain, cet aliment qu’en se tortillant au milieu d’une Journaliste passionnée par la cuisine et le
file tire-bouchonnée, ils se plaisent d’abord à scruter, à déguster pain, qu’elle se plaît à croquer dans son
ensuite, pour finalement manger mie et croûte (seules, sans rien, blog culinaire So Food So Good.
ou bien saucées, trempées, accompagnées d’un filet d’huile, de
beurre, d’une tranche de fromage, d’un verre de vin…).
C’est animés par cette passion pour un pain qui n’est pas sim-
plement goûteux, mais aussi fait de convictions, naturel, digeste,
que Cécile, Guillaume et Marie ont parcouru la France ainsi que
quelques bouts d’Europe pour repérer ces tronches, et partager,
à travers leurs portraits, des techniques, des lieux et un engage-
Guillaume Nicolas-Brion
ment pour une boulange dont les richesses et facettes restent
largement insoupçonnées.
Journaliste, blogueur spécialiste du vin na-
ture (dumorgondanslesveines.20minutes-
blogs.fr), amateur et dégustateur de tout
ce qui se mange, dont le pain.

Marie Rocher

Récemment diplômée “artisan-boulanger”,


coéditrice de Tronches de vin, ex-blo-
gueuse de Fabriques Locales, et éternelle
inconditionnelle de tout aliment liquide ou
solide, notamment fermenté naturellement.

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Des céréales à la farine

Une céréale est une plante, issue de la famille des Poacées (ou gra- Les principales céréales que vous trouverez
minées – ancienne dénomination), cultivée principalement pour dans Tronches de pain
ses graines, autrement dit ses fruits (caryopses). On y associe La liste ci-dessous n’est pas exhaustive. Elle présente simplement
aussi des plantes d’autres familles botaniques, comme le sarrasin. les principales céréales, qui, transformées en farines, sont utili-
Les céréales constituent la base de l’alimentation humaine depuis sées par les boulangers du présent ouvrage pour faire leurs pains.
plusieurs millénaires avant notre ère. Il en existe une grande variété
à travers le monde avec historiquement une dominante selon STRUCTURE
les continents : riz en Extrême-Orient, maïs en Amérique, mil en CÉRÉALE DESCRIPTIF SCHÉMATIQUE
Afrique, blé au Moyen-Orient et en Europe. D’UN ÉPI

Blé Du genre Triticum. Céréale an-


MORPHOLOGIE D’UNE CÉRÉALE TYPE BLÉ
nuelle de la famille des Poacées.
Les céréales du même genre que le blé (triticum, sécale, hor- Il existe plusieurs espèces : la plus
deum…) sont composées suivant la structure schématisée répandue, et la principale utilisée
ci-dessous. Pour le riz et le millet, par exemple, la structure de pour faire du pain, est le froment
l’inflorescence est différente. ou blé tendre (triticum aestivum). Il
existe aussi des blés durs qui sont
une autre espèce (triticum durum).
TIGE1 ÉPILLET2 Les blés d’hiver se distinguent des
blés de printemps.
GRAINE
Blé Du genre Triticum. Plante de la fa-
PAILLE de Khorasan mille des Poacées. Il tient son nom
de la région de Khorasan, en Iran.
Chaque épi est formé de gros grains
plus longs que ceux du blé tendre.
CHAUME Les pains à base de farine de blé
de Khorasan sont nommés “kho-
rasan” et parfois “Kamut©” du nom
MORPHOLOGIE DE SA GRAINE de la société qui en commercialise
un cultivar depuis les années 90.
BROSSE Dans Tronches de pain, vous trou-
verez principalement des pains dits
ENVELOPPE “khorasan” .
(GLUMELLE)3
Grand Du genre Triticum (triticum spelta).
épeautre Plante de la famille des Poacées.
AMANDE Espèce ancienne de céréale. Elle
est à grain “vêtu” : son enveloppe,
GERME appelée “balle”, reste adhérente
(EMBRYON) à l’amande après récolte. Il faut
donc la décortiquer pour pouvoir
utiliser la graine. Le rendement de
1. La tige est aussi appelée “rachis”.
l’épeautre est donc plus faible que
2. L’épillet contient 2 à 3 grains pour le froment, 2 pour l’amidonnier et un pour les variétés de blés sélectionnées
l’engrain. L’ensemble des épillets forme un épi. depuis le xixe siècle.
3. L’enveloppe est aussi appelée “son”.
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Engrain Du genre Triticum (triticum mono- Petite précision sur la différence entre les variétés modernes
(ou petit coccum). Plante de la famille des et les variétés anciennes de céréales :
épeautre) Poacées. Elle est, comme le grand Les variétés modernes sont constituées d’un ensemble d’indivi-
épeautre, à grain “vêtu”. dus identiques du point de vue génétique, ce qui s’observe bien
C’est une des premières cultures au regard de leur phénotype.
domestiquées par l’homme. Les blés modernes résultent d’une sélection de type clonal. Tous
Il existe une IGP (Indication géogra- les individus sont identiques du point de vue génétique.
phique protégée) “Petit épeautre
de Haute-Provence” depuis 2010 Les variétés anciennes, de part leur mode de sélection,
pour le grain et 2011 pour la farine. sont constituées d’individus différents au sein de la variété.
Outre l’épeautre et le petit épeautre cités ci-dessus, d’autres
Sarrasin Plante annuelle de la famille des
(ou blé noir) variétés anciennes de céréales – en particulier de blé tendre –
Polygonacées.
seront évoquées dans Tronches de pain : Barbu du Roussillon,
Malgré son appellation courante
de blé noir, ce n’est pas une espèce Touselle…
du genre Triticum ni une Poacée. Il
est dépourvu de gluten. Sa plante
peut atteindre environ 1 mètre de
hauteur. Les fruits foncés ont une
forme triangulaire de la taille d’un
gros grain de blé.
En France, en particulier en Bre-
tagne, il est connu pour les galettes
au blé noir. Mais vous verrez chez
les tronches de pain – pas seule-
ment en Bretagne – nombre de
pains 100 % sarrasin.

Seigle Plante annuelle (seigle d’hiver et


seigle d’été) du genre Sécale, ap-
partenant à la famille des Poacées.
Son épi est très proche de celui
du blé, plus long, toujours barbu
(chaque grain s’accompagnant
d’un long poil).

Riz Plante semi-aquatique qui pousse


dans divers environnements. Ses
tiges peuvent mesurer jusqu’à
1,80 mètre et se terminent par des
panicules (non des épis). Chacune
de ses panicules est formée de
fleurs qui donnent les grains.
La farine de riz est souvent utilisée
pour les pains sans gluten.

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La transformation des céréales en farine Pour le seigle, la classification française est la suivante :
La farine est obtenue en écrasant des graines dans un moulin. TYPE TENEUR EN MINÉRAUX
L’activité de fabrication de la farine s’appelle la meunerie ou
minoterie. Le meunier est celui qui l’exerce. T70 (farine blanche) De 0,60 % à 1 %
T85 (farine bise
Les moulins De 0,75 % à 1,25 %
ou semi-complète)
Les principaux moulins utilisés pour transformer les graines de
T130 (farine complète) De 1,20 % à 1,50 %
céréales en farine sont :
• Moulin à cylindres. Ce sont des cylindres métalliques qui T170 (farine intégrale) Plus 1,50 %
tournent en sens inverse, entre lesquels passe le grain pour être
moulu. Le gluten
• Moulin à meule de pierre. La meule est constituée de deux
Le gluten est présent naturellement dans le blé. Cette partie
pierres entre lesquelles le grain est écrasé. Le type Astrié, du nom
protéique de la farine de blé, au contact de l’eau, s’agrège à
de son fabriquant, est souvent cité dans Tronches de pain notam-
d’autres constituants (amidon) pour former une matrice collante,
ment pour les paysans-boulangers qui en possèdent un.
une sorte de glue, d’où son nom “gluten”. Il a son importance
• Moulin à eau. Il en existe encore en fonctionnement en France
dans le processus de panification : ses molécules forment un
notamment le moulin à eau de la Ribère, cité dans le portrait de
réseau élastique et extensible, qui va retenir les bulles de dioxyde
Marjolaine Matet.
de carbone, issues de la dégradation des sucres, par les levures
et bactéries. C’est ce phénomène qui provoque en partie la levée
Les types (T) de farine
de la pâte et l’aération de la mie.
Dans un moulin, les graines peuvent être moulues plus ou moins Dans la principale filière de la boulangerie, on appelle “farines
finement. Les farines sont classées selon leur teneur en matières panifiables” les farines qui, comme celle de blé, contiennent suf-
minérales (le son), exprimée en pourcentage, après cuisson à plus fisamment de gluten pour que la pâte lève. Cela se mesure par
de 600 oC, par rapport à la masse de départ. On calcule ainsi le la valeur boulangère correspondant à la caractéristique visco-
“taux de cendre”. Plus la proportion de son est importante dans la élastique (suivant la rhéologie) du gluten qui se forme lors du
farine, plus le numéro caractéristique du type de farine est élevé, pétrissage. En particulier, elle est exprimée par le “W”, la force
et moins la farine est blanche. Plus la farine est complète, plus boulangère de la farine. Cette valeur est à relativiser : les variétés
elle est riche en minéraux, et intéressante au niveau nutritionnel, anciennes de froment sont souvent classées “impanifiables” (“W”
surtout si elle contient le germe. faible) ; pourtant, les paysans concernés dans le présent ouvrage
les panifient avec succès.
Pour le blé, la classification française est la suivante :

TYPE TENEUR EN MINÉRAUX


T45 (farine blanche) Moins de 0,50 %
T55 (farine blanche) De 0,50 % à 0,60 %
T65 (farine bise) De 0,62 % à 0,75 %
T80 (farine bise
De 0,75 % à 0,90 %
ou semi-complète)
T110 (complète) De 1 % à 1,20 %
T150 (farine intégrale) Plus de 1,40 %

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Tronches de pain “mot à mot”

Quelques éclairages sur des termes spécifiques à la panification NOTIONS RELATIVES AU PAIN
au levain naturel que vous retrouverez dans cet ouvrage, Pain : le pain est fabriqué à partir d’un mélange de farine, d’eau,
expliqués le plus simplement possible. d’un peu de sel, et pour les pains dits “levés”, d’un ferment (levure
de panification et/ou levain).
NOTIONS RELATIVES AUX “PAYSANS-BOULANGERS” Panaire : qui a un rapport au pain, à la fabrication du pain.
Paysan-boulanger : terme couramment employé pour désigner Panification : fabrication du pain.
un individu qui cultive des terres, a le statut d’agriculteur, et
fabrique du pain avec des farines issues en partie ou en totalité Fournée : une fournée désigne soit l’ensemble des préparations
des céréales qu’il produit. Ces céréales peuvent être transfor- cuites dans une même chauffe de four, soit une journée de pro-
mées en farine par un meunier ou par lui-même lorsqu’il possède duction boulangère.
un moulin. Par facilité de langage, nous avons choisi d’employer
ce terme dans cet ouvrage. Cependant, certaines tronches pré- NOTIONS RELATIVES AU LEVAIN
fèrent ne pas l’utiliser, car ils sont paysans avant tout, faisant du Levain (panaire) : culture de ferments naturels (bactéries lac-
pain avec leur production céréalière. tiques et levures) se développant dans un mélange de farine et
Variété : ce terme désigne les individus ayant des traits communs d’eau. La composition d’un levain peut différer d’un lieu à l’autre.
à l’intérieur d’une espèce de céréale. Une pratique usuelle chez En Europe, on trouve majoritairement parmi les levures qui le
les paysans-boulangers est de mélanger les variétés au sein d’un constituent celles du genre Saccharomyces Cerevisiae.
même champ pour accroître la diversité culturale ; ceci permet L’acidité plus ou moins prononcée d’un pain au levain est due
d’améliorer la résistance des céréales aux maladies, au stress, notamment à l’acide lactique et à l’acide acétique produits par les
ainsi que d’augmenter leur valeur nutritionnelle et gustative. bactéries lactiques, acétiques.

Population : ce terme désigne des individus variables qui existent Pain au levain : pain élaboré à base de levain (comme ferment).
au sein d’une variété de céréale et la constituent. En France, l’appellation “pain au levain” peut être donnée à un
pain contenant également de la levure (cf. article 4 du décret
Blé (ou céréale) de “population” : blé ou plus généralement no 93-1074 du 13 septembre 1993 concernant certaines catégories
céréale constituée d’une population d’individus différents phéno- de pains : “L’addition de levure de panification est admise dans la
typiquement et génotypiquement. pâte destinée à la dernière phase du pétrissage, à la dose maxi-
Blé de pays : blé qui porte le nom du pays, du terroir où il s’est male de 0,2 % par rapport au poids de farine mise en œuvre à ce
adapté dans la durée. Par exemple : blé des Pyrénées, Petit Rouge stade”[…]). Les termes “pain pur levain” ou “pain au levain natu-
du Morvan, blé du Lot, blé du Jura, blé de Saône… rel” sont couramment utilisés pour désigner plus particulièrement
un pain issu d’une fermentation uniquement au levain (sans ajout
Blé paysan : Population de blé qui a évolué dans le champ d’un
de levure boulangère).
paysan. Plusieurs modes de sélection sont réalisables ; notam-
Les avantages, relevés dans diverses sources, que peut présenter
ment, avec le temps ou parce que le paysan a fait une sélection
le pain au levain par rapport au pain à la levure boulangère : une
en ne gardant qu’une certaine partie de la population, dévelop-
plus longue conservation, une meilleure assimilation des miné-
pant ainsi des caractéristiques qui lui sont propres. Par exemple,
raux, une meilleure digestibilité (le processus de dégradation du
un Petit Rouge du Morvan, travaillé en sélection orientée pendant
gluten ayant démarré au cours de la fermentation et donc en
10 ans par un paysan dans le Sud-Ouest, n’est plus le blé de pays
dehors de l’estomac), une complexité aromatique plus dévelop-
mais devient un blé paysan.
pée, une meilleure valeur nutritionnelle.
Levain liquide : levain fabriqué à base de farine et d’eau (et d’une
souche de levain).

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Levain dur : aussi appelé “levain de pâte”, il est fabriqué à base LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA PANIFICATION (dans l’ordre
d’une petite quantité de pâte à pain ayant fermenté, à laquelle chronologique)
sont ajoutées de la farine et de l’eau.
Le pétrissage : première étape du processus de fabrication d’une
Levain “jeune” : levain utilisé seulement après quelques heures pâte à pain qui consiste à mélanger l’ensemble des ingrédients de
de fermentation, dans sa phase de pleine activité fermentaire. base : farine, eau, sel, ferment (levain et/ou levure boulangère).
Il peut se faire manuellement ou avec un pétrin électrique. En
NOTIONS RELATIVES À LA FERMENTATION général, le pétrissage des pâtes à pain au levain naturel se fait à
des vitesses lentes et dure de 10 à 15 minutes environ.
Fermentation : transformation biochimique de substances orga-
niques (le plus souvent des sucres) sous l’effet de micro-orga- L’hydratation : quantité d’eau incorporée à la farine au
nismes (levures ou ferments) avec le concours d’enzymes. Il en moment du pétrissage pour constituer la pâte à pain. Elle est
existe plusieurs types, en particulier : la fermentation alcoolique, exprimée généralement en pourcentage ou taux d’hydratation.
la fermentation lactique et la fermentation acétique. Le taux d’hydratation des pains des tronches de pain varie
de 65 % à 100 %, suivant les pains recherchés et les farines
Fermentation panaire : la fermentation panaire peut être de type
utilisées (certaines absorbant plus l’eau que d’autres).
alcoolique, qui correspond à la transformation des sucres de la
farine en alcool et CO2 sous l’action des cellules de levure (avec L’eau de coulage : nom donné à l’eau incorporée dans une
le concours d’enzymes). Elle peut aussi être de type lactique, qui pétrissée. La température de l’eau de coulage peut être calcu-
correspond à la transformation des sucres de la farine en acide lée sur la base de la température de la farine au regard de la
lactique et CO2 sous l’action des bactéries lactiques. température de la pâte souhaitée.
Cette fermentation, en dégageant du dioxyde de carbone, parti-
Le frasage : première étape en amont du pétrissage consistant
cipe à la levée de la pâte. Elle commence à partir de l’incorpora-
à mélanger les ingrédients pour former une pâte homogène.
tion du ferment dans la pâte et s’arrête quelques minutes après
l’enfournement lorsque les pâtons atteignent environ 50 oC. Le bassinage : terme désignant le fait d’ajouter à la pâte une
Sa durée varie en fonction notamment de : la dose de ferment proportion de la quantité d’eau d’hydratation peu avant la fin
contenu dans la pâte, le mode et la vitesse de pétrissage, la tem- du pétrissage. La quantité d’eau (de bassinage) versée permet
pérature de la pâte en fermentation, son taux d’hydratation. La alors d’ajuster la température de la pâte en fonction de celle
fermentation d’un pain à base de levain est généralement plus souhaitée à la fin du pétrissage pour démarrer la fermentation
longue que la fermentation à base de levure boulangère. (en général de 23 oC à 25 oC ; mais pour les pâtes à base de
farine de riz par exemple, plutôt 37 oC).
Pré-fermentation : une première pâte pétrie, qui fermente dans
un premier temps plus ou moins long, sert ensuite à la fabrica- Pétrissée : masse de pâte réalisée en une seule fois dans un
tion d’une deuxième pâte ; à laquelle elle est incorporée avant pétrin.
le pétrissage. Les boulangers recourent fréquemment à cette Le pointage : première fermentation, après le pétrissage et avant
méthode pour fabriquer du pain de seigle. le façonnage. Le boulanger laisse reposer la pâte. La production
La pousse : levée d’une pâte à pain en cours de fermentation. La de gaz carbonique commence et fait lever la pâte.
fermentation est appelée familièrement ainsi. Donner un tour à la pâte ou faire un rabat : consiste à faire
Fabrication “en direct” : la pâte à pain est entièrement travaillée, un ou plusieurs plis à la pâte permettant d’y incorporer de
du pétrissage à la cuisson, le jour de sa fabrication sans que sa l’air, d’activer davantage sa fermentation et de lui donner de
fermentation soit ralentie par un passage en chambre froide. la force en “retendant” la pâte. Ce n’est pas une étape obliga-
toire ni systématique. Nous la précisons ici car elle est évoquée
dans plusieurs portraits.

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La division : pour les pains façonnés en cours de fermentation, la L’enfournement : mise au four des préparations à cuire. En fonc-
pâte est divisée préalablement au façonnage, en plusieurs pièces tion du type de four, il peut se faire sur un tapis ou à la pelle en
nommées “pâtons”. bois. Lors de l’enfournement, le boulanger injecte de la vapeur
La pesée : au moment de la division, les pâtons sont souvent d’eau dans le four ; ainsi le pain cuit sans se dessécher et la croûte
pesés en fonction du poids du pain souhaité au final. La pesée se forme, dore. Ce phénomène est nommé “réaction de Maillard”
prend en compte la différence entre le poids de la pâte fraîche du nom du chimiste français Louis-Camille Maillard ayant démon-
et le poids du pain après cuisson : pour un pain cuit d’1 kg, on tré (en 1911) que des protéines, en présence de sucres, et à tem-
prévoit une pesée de pâte de 1,150-1,2 kg approximativement. pérature élevée, brunissent.
Cette étape n’est pas systématique, notamment pour les pains La sole d’un four : surface du four sur laquelle le boulanger
vendus au kilo et non à la pièce ; la pâte peut alors être divisée dépose ses productions pour les cuire.
sans pesée.
La cuisson : sa durée varie en fonction de la forme et du poids
Le boulage : terme désignant le fait de donner une forme des pains, ainsi que du type de four utilisé (électrique ou bois)
de boule à un pâton, après division (le cas échéant après la qui influe sur la température de chauffe (d’environ 250 oC en
pesée) et avant le façonnage. Comme la pésée, cette pratique moyenne). En début de cuisson, les pâtons continuent à gonfler.
est courante mais pas systématique. La mie se crée et cuit pendant que le pain prend sa forme défini-
Le façonnage : mise en forme de la pâte à pain. Elle est le plus tive. La croûte durcit et prend sa couleur.
souvent réalisée en cours de fermentation (entre le pointage et Le défournement : sortie des préparations du four après cuisson.
l’apprêt). Principaux types de façonnage : “en banneton” (panier Comme l’enfournement, il peut s’effectuer à la pelle ou sur le ta-
en osier recouvert d’une toile de lin), “en bâtard” (pâton posé sur pis du four.
une couche recouverte de toile de lin), “en moule”.
Le ressuage : consiste à laisser refroidir le pain, le temps
Pour les pains façonnés en fin de fermentation, les pâtes fer-
que la vapeur d’eau et le gaz carbonique qu’il contient s’en
mentent sur couche ou en bac (récipient utilisé pour la fer-
échappent.
mentation des pâtes), et sont coupées sur planche ou sur tapis
juste avant l’enfournement. Ces derniers sont nommés “pains en
masse” (notamment chez les boulangers formés à l’École inter-
nationale de boulangerie) : la pâte est posée en masse et cou- MORPHOLOGIE D’UN PAIN 
pée sur le tapis d’enfournement juste avant l’enfournement. Ils La forme d’un pain se caractérise par les parties présentées
découlent d’une technique ancienne qui portait le nom de “pain dans le schéma suivant :
paillasse”, lorsque la pâte fermentée était retournée sur la pail-
lasse avant d’être découpée et enfournée. LA CROÛTE
L’apprêt : deuxième fermentation, “après” le façonnage et “ap- LA GRIGNE (visible au-dessus du pain)
prêtée” pour la cuisson. Le gaz carbonique, prisonnier du gluten, LA MIE
continue de faire gonfler la pâte qui le retient. Chaque pâton prend LES ALVÉOLES
du volume. Le temps de l’apprêt dépend du contexte de fermen- (leurs taille et densité varient
notamment en fonction du type
tation (cf. “fermentation”). Sa durée moyenne est de 3 à 4 h.
de panification, du façonnage
La grigne : coup de lame effectué par le boulanger à la surface et de la grigne)
du pain avant l’enfournement. Elle permet au gaz carbonique de LA CLÉ (visible en dessous du pain).
sortir de la pâte qui continue à lever au four. La grigne désigne Marque l’endroit où la pâte a été soudée,
également : soit l’outil utilisé pour donner ce coup de lame ; soit fermée au façonnage.
le dessin qu’on retrouve sur les pains cuits, qualifié parfois de
“marque de fabrique” ou de “signature” du boulanger.

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Infos pratiques et légendes

Pour chaque tronche, vous trouverez dans cet ouvrage : un por-


trait, des photos, et une partie d’informations pratiques. Voici
quelques points de repère et éléments de légende pour mieux
appréhender cette dernière.

PAINS DE RÉFÉRENCE Aussi elle renseigne sur le type de four utilisé par les tronches de
pain :
Parmi les pains de référence vous trouverez :
• Le pain de campagne ou campagne : pain à base de farine de • Four électrique
blé T80, principalement, et de seigle (dans les proportions de • Four à bois :
farine de la pâte à pain ou seulement dans le levain de seigle).  Four à chauffe directe : four chauffé en brûlant du bois

• Le méteil : pain à base de farines de seigle et de blé, au mini- directement sur la sole.
mum à proportion égale.  Four à chauffe directe dit “à gueulard” (pièce métallique uti-
lisée pour orienter la flamme dans la chambre de cuisson) :
• Le pain bis ou semi-complet ou demi-complet : pain à base de four chauffé en brûlant du bois dans un foyer qui se trouve
farine de blé bise de type 80. sous la sole. Il est parfois qualifié de “Voisin” du nom d’un des
• Le pain complet : pain à base de farine complète de type 110 fabriquants de ce type de four.
pour le blé.  Four à chauffe indirecte : four où la flamme n’entre pas en
contact avec la pièce dans laquelle on cuit le pain. C’est fré-
• Le pain intégral : pain à base de farine intégrale (contenant l’in-
quemment le cas des fours à sole tournante.
tégralité du grain) de type 150 pour le froment, 170 pour le seigle.
• Four à granulés de bois : four alimenté en énergie par des
• Les pains spéciaux : pains composés outre les ingrédients de
granulés de bois. Éric Guillaume est la seule tronche à en
base du pain, de matières grasses, produits laitiers, mélanges de
possèder un.
céréales, graines…

POINTS DE VENTE
MODE DE PANIFICATION
Tronches de pain sous le bras, vous trouverez six types de points
Cette partie comprend les informations suivantes :
de vente que nous avons symbolisés par les pictogrammes
Levain naturel suivants :
Précise le ou les types de levain que la tronche utilise pour pani-
 Fournil  Magasin
fier ; en particulier la farine qui le constitue. Lorsqu’il utilise éga-
 Boulangerie  Autres : Amap, vente ambulante…
lement de la levure boulangère comme ferment, la précision est
 Marché  Bar à vin ou à pain
apportée ici.
Provenance de la farine
AUTRES PRODUCTIONS 
Précise le nom et le département du moulin d’où proviennent les
farines utilisées par la tronche. Sont indiquées dans cette partie les productions salées ou
sucrées, autres que le pain, que l’auteur a particulièrement
Matériel
appréciées chez la tronche concernée.
Cette sous-partie indique le type de pétrin (récipient dans lequel
la pâte est pétrie). Il peut être électrique ou, pour le pétrissage
manuel, sous la forme d’une maie (pétrin manuel en bois).

24 25
Carte des tronches de pain

CERTIFICATION ET LABEL Nous avons choisi de découper la France en huit grandes


Voici les différents logos que vous retrouverez sous le portrait de régions. C’est un parti pris radical, mais cela reste un choix, et
ceux, qui selon leurs convictions, ont ou non opté pour ces labels vous verrez que ce livre en est pétri. Vous trouverez la liste des
et démarches. tronches par région dans la table des matières page 146.

Agriculture Biologique
Agriculture Biologique
(certification bio –
(logo européen)
France)

Soil Association
Nature et Progrès (certification bio – NORD
Royaume-Uni)

ICEA (certification bio –


Demeter
Italie) PARIS
ÎLE-DE-FRANCE
OUEST EST
Restaurants & Producteurs
Artisans de Qualité

La mention “sans certification” n’indique pas un non-engagement


CENTRE
mais un choix de ne pas être certifié.

SUD-OUEST SUD SUD-EST

Et quelques tronches de pain hors les murs : Angleterre,


Pays-Bas, Italie et Turquie.

26 27
Marie-Christine Aractingi MARSEILLE

Femme tartine

Il y a peu de femmes dans ce métier et celle-ci a le gabarit d’une pérament. Des goûts marqués pour
flûte. Mais le pain l’a musclée et ses cours de gym, pour lesquels les amateurs connaisseurs et des
elle est capable de planter là un client, aussi. Marie-Christine farines plus douces pour les néo-bio.
Aractingi ne déroge pas à ses rendez-vous de décompression Un semainier de pains est proposé
hebdomadaires obligatoires. D’ailleurs, ses clients se sont habi- de sorte que ça ne ronronne ni pour
tués à cet accueil original. Certains sont mis à contribution sur les clients ni pour la boulangerie. La
les additions pour le rendu de monnaie, d’autres sont soumis à semaine s’étale entre “Soleil Levain”
l’écoute du croustillant de la baguette. de blé complet, “Méteil”, “Petit Pou-
“Dame Fafou” a stoppé la prépa khâgne et les cours de lettres cet” (pâte de baguette en miche)
modernes pour mettre les mains dans la farine, un jour comme et “Cléopâtre” au blé de Khorasan.
ça sur le campus, en faisant des naan, man’ouché, chapati pour Dans cette maison qui n’hésite pas
accompagner le houmous. Avec 80 g de levure au kilo de farine, à imposer ses idées, pas de sans
la Libanaise d’origine se fascine alors pour cette pâte qui explose gluten, mais du “sans blé”, seigle
en soixante minutes. Plutôt que de s’inscrire à l’agrégation de ou petit épeautre. Pour les pains figue-noix ou abricot-noisette,
lettres, elle pousse la porte d’un boulanger et obtient un BEP. l’eau de trempage des fruits secs sert à la détrempe. La boulan-
Quelques années plus tard, naît sa boutique marseillaise cou- gère fabrique également de la brioche tressée – “c’est bon aussi”,
leur layette. Entre-temps, Marie-Christine a eu un gros coup de répond Marie-Christine quand on lui demande des croissants –,
foudre pour le Farinoman Fou d’Aix-en-Provence qui l’a formée des fougasses aux olives, et un choix de différents pains à la mie
aux fougasses, au seigle intégral, “mais surtout au levain”. assez serrée que l’on achète au poids. Les cuissons sont dorées
Après moult essais, elle élabore à partir des recettes de son men- et les bien cuites planquées sous le comptoir, “sinon, les gens ça
tor, de sa formation, et de son expérience chez Frédéric Lalos, sa les freine”. Petit satisfecit personnel, la dame s’enorgueillit d’avoir
propre méthode à base de farines bio, levain liquide et fermenta- réussi à faire manger à Marseille du seigle intégral aux puristes de
tion au froid pour s’éviter le travail de nuit. À l’image du rythme baguette blanche. Le pain a été baptisé “Seigle Espiègle” !
derrière la caisse, les pâtes ne sont pas brusquées, “lentement
pétries, elles prennent le temps de lever”. Comme celles qui les
façonnent – ici, il n’y a que des filles –, chacune a son propre tem-

PAINS DE RÉFÉRENCE POINTS DE VENTE


Petit Poucet, Méteil, Soleil Levain de  du mardi au samedi de 8 h à 13 h 15
blé complet, Pain du coin au petit et de 16 h à 19 h
épeautre de Haute-Provence, Cléo-  Be Organic – Les Docks, Épicerie
pâtre au blé de Khorasan, Seigle L’Idéal, L’Épicerie Maison Gourmande
Espiègle (Marseille)
PRIX À PARTIR DE 5,50 euros le kg
AUTRES PRODUCTIONS 
MODE DE PANIFICATION
Brioche tressée au beurre, fougasse
LEVAIN NATUREL blé, seigle aux olives
PROVENANCE FARINE Moulin Saint-
Joseph (13) CERTIFICATION & LABEL
MATÉRIEL pétrin et four électriques

DAME FARINE
77 avenue de la Corse – 13007 Marseille
www.damefarine.fr • mariechristine@damefarine.com • 
28 29
Emmanuel Arnoux MARSEILLE

Premier bar à pain marseillais, pour la convivialité

Belle histoire que celle d’Emmanuel Arnoux, dit “Manu”, et de son L’enthousiasme monte en
Bar à Pain, ouvert à Marseille au printemps 2014. percevant puis en goûtant
Manu a grandi dans les Alpes-de-Haute-Provence, entre mon- les pains composés de
tagne et champs de lavande. Après plus de dix ans au poste de farines de la région. Ceux
projectionniste du cinéma de Forcalquier, il se forme à la bou- façonnés “en masse”,
langerie auprès de son beau-frère Thomas Teffri-Chambelland. trace du passage de Manu
Marseille s’impose ensuite à lui car “il n’y avait pas encore de à l’école Chambelland,
boulangerie bio, c’était un beau défi !” Manu ne veut pas juste constituent une grande
vendre son pain. Il lui faut aussi un lieu de sociabilité. L’idée partie de la gamme. Le pain moulé au petit épeautre du 04,
devient le “Bar à Pain”. bien sûr, se caractérise par une mie serrée mais tendre. “La barre
sportive”, dont la recette est née d’un loupé dans la fabrication
Au Bar à Pain, premier dans son genre, des planches en bois
d’un pain de riz, est à tomber ! Quant à la baguette, son goût
et portes-fenêtres recyclées font office de vitrine-comptoir.
très agréable résulte d’un subtil mélange de farines de blé et de
La partie vente est ouverte sur le fournil. Une grande trou-
lupin. Tous à base de levain, les pains fermentent à température
vaille, le piano placé entre ces deux espaces, en est une pièce
ambiante. Pas évident en plein Marseille. Mais Manu a su s’adap-
maîtresse. Les clients jouent de la musique et les boulangers
ter, comme pour le reste ! Et ici pas de certification, mais tout est
en profitent. Ce trait d’union joyeusement musical participe à l’ori-
bio ! Ce qui est naturel. “On n’a pas d’étiquette, cela marche à
ginalité et à la convivialité du lieu, cassant l’image de l’ambiance
la confiance ; les gens voient qu’on ne se moque pas d’eux et que
dure d’un fournil. Donnant envie de sourire, de danser même
ce n’est pas du marketing.”
parfois, l’équipe de choc a été constituée au fur et à mesure
des rencontres de Manu, sans CV nécessaire. “C’est l’histoire de Côté café, des tables et chaises sont disposées à l’extérieur,
ma vie ; des signes, des avancées, se sont présentés, de belles comme sur une place de village provençal. Malgré le mistral, de
histoires en ont découlé.” D’ailleurs, le Bar à Pain est né lorsque nombreux habitués s’y posent pour savourer pizzas, cookies…
Manu, à la recherche d’un local, a vu une annonce. Il est tombé sur À l’intérieur, des expos temporaires. Manu est discret, pas du
Jésus, le propriétaire, qui lui a confié avoir eu de la chance à un genre à se vanter de ce qu’il fait. Mais il a réussi à créer un bar à
moment, et lui a donné la sienne en lui laissant les clés. Aidé de pain tel qu’il en rêvait ; d’où se dégage une réelle humanité.
ses amis, Manu a aménagé les lieux en cinq mois.

PAINS DE RÉFÉRENCE POINTS DE VENTE


Campagne nature ou aux graines,    du mardi au vendredi de 8 h à
petite baguette, sans gluten, petit 20 h, samedi de 8 h à 18 h
épeautre, pain aux olives
PRIX À PARTIR DE 4,40 euros le kg AUTRES PRODUCTIONS 

MODE DE PANIFICATION Barre sportive, Les ti’ 10 cocos, cookies,


pizzas et quiches maison en formule
LEVAIN NATUREL blé, riz déjeuner
PROVENANCE FARINE Moulin Pichard
(04), Moulin Chambelland (04) CERTIFICATION & LABEL
MATÉRIEL pétrin et four électriques
Sans certification

LE BAR À PAIN
18 cours Joseph-Thierry – 13001 Marseille • 06 45 17 37 33
lebarapain@gmail.com • 
30 31
Riccardo Astolfi ITALIE

L’homme qui convertit l’Italie aux pains au levain

Il dit être tombé dans la bonne bouffe un peu par hasard. Après L’idée de ce pain un peu
des études d’ingénieur, Riccardo Astolfi travaille au département particulier est relative-
achats d’une chaîne de restaurants. Et c’est là qu’il a commencé ment neuve en Italie. “Il
à se poser beaucoup de questions, puis s’est intéressé au mou- y a une dizaine d’années,
vement slow food en 2006. Mais aussi aux questions paysannes aucun consommateur ne
en Inde, via la communauté indienne de Turin. À ce moment-là, connaissait le levain et le
il se cherche encore. marché du pain était en
En 2009, sa belle-mère fait du pain au levain, selon la recette déclin. Depuis par contre,
des sœurs Simili, icônes de la cuisine ménagère de Bologne. c’est devenu à la mode. Les clients aiment ce type de pain, parce
Elle lui en donne cadeau, et même s’il ne sait pas exactement ce qu’ils le reconnaissent comme meilleur et plus sain.”
qu’il y a derrière, cela le motive : il commence à faire son propre L’Italie, dont l’histoire est faite de dissensions entre ses régions,
pain. “La passion pour la nourriture a pris le dessus et mainte- se serait-elle convertie au levain comme un seul homme ? “C’est
nant, elle occupe chaque miette de mon temps, pour le travail vrai que l’utilisation du levain est plus répandue aujourd’hui dans
ou par passion.” le centre et le nord de l’Italie. Cependant, c’est au sud que la tradi-
En 2009 aussi, Ricardo lance un blog, aujourd’hui mis en som- tion du levain est la plus forte, notamment avec les pains siciliens,
meil, sur le pain au levain : il rencontre un vif succès et donne ceux des Pouilles ou du bas Latium.” Disons donc qu’il y a un
lieu à un livre richement illustré, Pasta madre (levain en français). équilibre entre tradition et modernité…
Il y explique toutes les recettes pour devenir un as du levain et de Le projet de Riccardo concernant une banque d’échange de
la cuisson du pain. levain y est pour beaucoup, grâce à la force de frappe d’Internet.
À présent, Riccardo arbore toujours un air de jeune ado, avec de “Lorsque j’ai ouvert mon blog en 2009, beaucoup de gens me
petites lunettes et une chemise ouverte, mais son véritable projet demandaient de vendre mon levain. Mais le levain est vie, il est
s’est concrétisé : ouvrir une boulangerie, à Reggio Emilia. “Depuis culture, il est histoire, il est tradition : il ne se vend pas, il s’offre !
des années, je rêvais de créer une boulangerie bonne, durable et Alors j’ai pensé qu’il fallait s’unir et grâce aux réseaux sociaux, la
juste. C’est l’unique boulangerie en Italie à être certifiée 100 % bio, carte des ‘dealers de levain’ est née.”
à utiliser seulement du levain et des céréales intégrales broyées
sur meule de pierre.”

PAINS DE RÉFÉRENCE POINTS DE VENTE


Intégral, curcuma, spiruline, légumes  du mardi au samedi de 7 
h 30 à
PRIX À PARTIR DE 5 euros le kg 14 h 30

MODE DE PANIFICATION AUTRES PRODUCTIONS 


LEVAIN NATUREL blé de variétés an- Biscuits, tartes, crackers, gressins
ciennes
PROVENANCE FARINE Molino Pransani CERTIFICATION & LABEL
à Bivio Montegelli (FC), Il Mulino So-
brino à La Morra (CN), Molini del Ponte
à Castelvetrano (TP), Severi Azienda
Agricola à Maranello (MO)
MATÉRIEL pétrin et four électriques

STRIA
Viale Isonzo 48 – Reggio Emilia – Italie • +39 (0)5 22 27 12 50
www.fornostria.it • pane@fornostria.it • 
32 33
Jean-François, Cécile & Gabriel Berthellot SUD-OUEST

Hauts représentants du blé et de leurs arômes naturels !

“Le pain rapproche le blé de l’homme”, introduit Jean-François, matique”. L’intérêt dans
connu pour son rôle dans le réseau Semences paysannes. Fils, le mélange de variétés
petit-fils et arrière-petit-fils de paysans, il connaît ses blés mieux porte également sur la
que ses ancêtres car il a voyagé à travers eux avec le pain. Bour- digestibilité et le maintien
guignon d’origine, il s’est installé avec sa femme Cécile à Port- de la biodiversité. “Dans
Sainte-Marie, en 1988. Ils ont commencé par l’arboriculture. Mais une période de morosité
après trois années de grêle, il fallait trouver une alternative : de l’agriculture, le plaisir
cultiver un produit pouvant être transformé et vendu en direct. de voir dans nos champs
“Ça a été douloureux quand le ciel nous est tombé sur la tête, des épis noirs, jaunes et roux, représente une contrepartie aussi
et une bénédiction.” Grâce à un ami boulanger, la décision fut le forte que celle du revenu !”
blé et le pain. Les Berthellot panifient exclusivement au levain, qu’ils consi-
Dès le départ, ils ont travaillé en agriculture bio. Jean-François et dèrent comme “la voie royale pour manger du blé”. Ils veulent
Cécile n’ont jamais utilisé de produits chimiques de leur vie ! De un pain doux avec des arômes subtils, sans trop de notes acides.
ce fait, ils ont dû développer leurs variétés, en semant d’abord Pour cela, les pâtes sont élaborées à partir de levain jeune. Elles
des blés classiques puis uniquement des anciens ; pour parvenir sont travaillées avec un minimum de pétrissage et un façon-
depuis 2005, à sélectionner leurs propres populations constituées nage en boule respectant leur état colloïdal, qui contribuent à
de croisements de variétés paysannes. En résultent des froments les rendre plus digestes. La gamme des pains, tous cuits au four
à haute paille résistants aux averses, qui maturent différemment à bois, valorise cette philosophie. Le “Pain des Rêves” a une mie
des blés à paille courte utilisés par l’industrie meunière pour leur souple aux notes céréalières, lactées. Celui à la fleur de sureau
forte valeur boulangère. “Il y a tout dans le grain de blé mais on est une plongée dans des arômes floraux. Quant au pain au lin,
a supprimé plein de choses. Cela s’est répercuté du blé au pain.” il décline à merveille cette graine de la ferme !
Aujourd’hui, le couple et Gabriel, un de leurs quatre enfants, se Chez les Berthellot, l’échange de savoir-faire va de soi. Des ren-
partagent le travail entre champs et deux fournées hebdoma- contres de paysans du monde entier y ont été organisées. Gabriel
daires. Ils cultivent et transforment 40 ha de cultures servant à la s’est ainsi formé à la fabrication de pâtes italiennes. “On a de la
rotation, et 10 ha de céréales avec pour chacune différentes varié- chance de travailler avec la nature, elle donne un sens à notre
tés. Car, “plus on fait d’assemblages, plus on élargit la palette arô- travail et à notre vie”, concluent-ils.

PAINS DE RÉFÉRENCE POINTS DE VENTE


Campagne, complet, Pain des Amis  lundi et vendredi de 17 h 30 à 19 h
aux multicéréales, Pain des Rêves aux  Agen “place des Laitiers” – samedi
farines de Khorasan et engrain, seigle, matin. Pessac “place de la Mairie” –
lin, maïs, amande-sésame, olive mardi matin
PRIX À PARTIR DE 4,60 euros le kg  Biocoop (Agen, Port-Sainte-Marie),
Épis Bio (Tonneins)
MODE DE PANIFICATION
AUTRES PRODUCTIONS 
LEVAIN NATUREL blé
PROVENANCE FARINE maison Brioche au levain, petit pain à la fleur
MATÉRIEL pétrin électrique, four à bois de sureau, pâtes italiennes “de Gabriel”,
à gueulard huiles végétales de la ferme

CERTIFICATION & LABEL

LA FERME DU ROC
Lieu-dit Le Roc – 47130 Port-Sainte-Marie • 05 53 88 11 84
jean-francois.berthellot@wanadoo.fr
34 35

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