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com
Esprit Bonsaï nº94
nº94

 Le magazine spécialisé du bonsaï et de sa culture  Juin/Juillet - 2018

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une azalée
p. 40
France METRO : 9,80 € - BEL/LUX : 10,60 € - DOM : 10,60 € - ESP : 10,60 € - CAN : 17,99 $ cad - NCAL/S : 1300 CFP - POL/S : 1300 CFPCFP - POL/S : 1200 CFP -

Une forêt
de bambous
p. 54

LUMIÈRES & OMBRES

du  BONSAÏ
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Cahier d
débutan Comment créer un bonsaï p.27
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page 82
www.esprit-bonsai.com BONSAI
Nº 94 Sommaire

p.46

p. 40 p. 54
p. 68
4 Actualités, magazine 40 Première mise en
L’Esprit du bonsaï forme d’une satsuki Édito
7 Ce n’est pas vrai ? À voir en détail
Dans les expos 46 Ombre et lumière
dans le bonsaï
Unegrande
8 Arcobonsai :
un rendez-vous d’amis
50 Ce que contiennent
les engrais organiques
famille
Le printemps fut riche en émotions, des
14 Société de bonsaï et de plus tristes aux plus joyeuses. En France,
penjing du Québec : 20 ans, Du côté des feuillus Laurent Breysse disparaissait en avril, laissant
un bel anniversaire ! 54 La poésie d’une en deuil et dans une grande tristesse la
forêt de bambous communauté du bonsaï français. À peine
Des hommes et des arbres revenue de Polignac pour les obsèques de
17 Laurent Breysse Du côté des conifères Laurent, me voici dans les préparatifs du
s’en est allé 60 Un changement reportage d’Arcobonsai qui m’a fait plonger
de dernière minute dans la joyeuse famille du bonsaï italien, et
20 Mitsuo Matsuda plus particulièrement celle d’Arco. En allant
« Comprendre l’arbre pour Imaginer un arbre différent en Italie, je savais que le moment serait
se soumettre à lui » 66 Un Premna obtusifolia très subtile agréable, parce que c’est un pays où je me
sens un peu chez moi et que j’y ai toujours
À faire ce mois Des pots et des potiers été bien accueillie. De retour, je comprends
24 Une période intense 68 Carina Jern : à présent l’enthousiasme de ceux qui sont
avant l’été « Que mes pots soient une fidèles à ce rendez-vous. Même si l’on
source d’inspiration ! » admet à mots couverts, ou plus ouvertement
Le cahier du débutant
parfois, qu’il y a, comme partout des
27 Comment créer un bonsaï À côté des bonsaïs dissensions entre les professionnels
Pour bien débuter 72 Une composition sur artistes du bonsaï, qui sont bien sûr des
30 Pour construire un souche des quatre saisons luttes de pouvoir, il règne une joie réelle
érable de Buerger d’être là, de partager et de faire partie de
Ikebana cette grande famille du bonsaï. Gabriele
Les yeux dans les arbres 74 Senshin-Ikenobo : Sbaraini, le président de l’Arcobonsai club
exposition de printemps
32 Où les hommes vivent Garda Trentino, me confiait : « Pour rester
avec les arbres 76 Sogetsu : de l’art moderne à avec l’esprit juste dans le bonsaï, il faut
l’art floral conceptuel, 2e s’amuser. » Et l’on s’amuse ici, car les
Shohin : les petits bonsaïs organisateurs veillent à ce qu’il n’en soit pas
Clubs et passionnés
34 Un vénérable pin 78 Les amis du bonsaï Plaisir
autrement, et cela fonctionne ! La pérennité
problématique d’Arcobonsai en est une bonne illustration.
« 30 ans d’amitiés » La famille, c’est sacré, elle devrait
Directeur de la publication : Christian Fournereau – Rédactrice en chef : Michèle Corbihan – Direction artistique : Antoine Simon – l’être en tout cas. Elle forme un espace
Graphistes :StéphanieGrevet,BenjaminMadelainne.Ontcollaboréàcenuméro :SamiAmdouni,CinthyaArenas,BonsaiTranslations,Louis-
Victor Bourdeau, Christian Coquelle, Janine Dorste, Xavier Dreux, Jérôme Hay, François Jeker, Gilbert Labrid, Soizic Le Franc,Václav Novák, Marette
rassurant. Autant la joie que la tristesse
Renaudin,AntonioRicchiari,AnneRoyer,SociétédebonsaïetdepenjingduQuébec,PeterWarren. –Publicité :ManonFoustoul(02 97 24 81 52) nous font mesurer l’importance de
– Revendeurs et professionnels : Magalie Rous (02 97 59 37 66) – Comptabilité : Anne Le Crom (02 97 59 37 61) - Gestion des ventes au
numéro : Pagure Presse (01 44 69 82 82) – Photogravure : Antoine Simon – Flashage/Impression : Rectiligne - ISSN : 1761-662X CPPAP :
cette appartenance, de ce lien.
0618K83283 – “Printed in France/Imprimé en France”. ESPRIT BONSAI est une publication LR Presse SARL : BP 30104, F-56401 AURAY CEDEX Bonne lecture !
- Siège social : 2, rue de Suède, Auray – SARL au capital de 84 500 euros – RCS Lorient B.381289719 – Tél. (33) 02 97 24 01 65 –
Fax (33) 02 97 24 28 30 – E-mail : info@esprit-bonsai.com – Internet : http://www.esprit-bonsai.com – Abonnement : 6 numéros Michèle Corbihan
par an – Dépôt légal à la date de parution – Couverture : Juniperus chinensis ‘Kishu’, collection Robert Laws photo Peter Warren, concep-
tion Antoine Simon.

EspritBonsaï ‘94’ - 3
Actualités,
magazine

AGENDA
• Ikebana à
Maulévrier
Japonisme 2018 est une
invitation à découvrir l’ikebana
au Parc oriental de Maulévrier,
dans le Maine-et-Loire, du
20 au 22 juillet 2018. Outre
une exposition d’ikebana
traditionnel, des installations
dans le parc montreront que
l’ikebana est une forme d’art
pouvant investir toutes sortes
de supports. Marette Renaudin,
grand maître de l’école
d’ikebana Senshin-Ikebono,
et ses élèves trouveront là
l’opportunité de montrer
leur talent et leur créativité.
Marette Renaudin fera
des démonstrations
les trois jours à 15 h.
¡ Parc oriental et salle des
fêtes de Maulévrier
49360 Maulévrier
Horaires : 10 h 30-19 h,
samedi à 20 h.
Tarifs : l’entrée du parc.
Tél. 02 41 55 50 14
Courriel :
contact@parc-oriental.com
Site internet :
www.parc-oriental.com
• Congrès espagnol
L’UBE (Unión del bonsai
español), la nouvelle
fédération espagnole de
bonsaï, organise son premier
congrès les 26 et 27 janvier
2019 au centre culturel
Isabel de Farnesio Aranjuez,
à Madrid. Sont annoncés
une exposition d’arbres, des
démonstrations, des concours,
des stands de professionnels
et quelques surprises qui
restent à découvrir.
¡ Centre culturel Isabel
de Farnesio Aranjuez
Capitán, 39,
28300, Aranjuez,
Madrid, Espagne
Courriel : ube@ubebonsai.es
Facebook : Unión del
Bonsai Español
• Andora, Italie
La commune d’Andora,
en Italie près d’Imperia,
et l’association de bonsaï
Drynemetum organisent un
Festival de bonsai au Parc
Delle Farfalle d’Andora les 15
et 16 septembre prochains.
Expositions de shitakusa,
de kusamono et de bonsaï
bunjin (lettré) sont au
programme, de même que
des démonstrations et
des animations en relation
avec l’art du bonsaï.
¡ Parc Delle Farfalle
via Fontana,
17051 Andora, Savone, Italie
Courriel : giancarlo136@alice.it
Facebook : drynemetum
bonsai
• Congrès
EBA 2019 à Albi
La France accueillera une
nouvelle fois le congrès de
l’EBA. En effet, la candidature
de la Fédération française de
bonsaï (FFB) a été acceptée
les 5 et 6 mai derniers à Arco
pour l’organisation du congrès
2019 à Albi, du 10 au 11 mai,
en même temps que celui de
la FFB et de l’ESA (European
suiseki association). Philippe
Massard, président de la FFB, a
donc reçu le passage de relais
des mains de Gabriele Sbaraini,
président de Arcobonsai
club Garda Trentino qui
accueillait le congrès 2018
à l’occasion d’Arcobonsai.

RENDEZ-VOUS
Congrès du BCI à Mulhouse
Le congrès mondial du Bonsai clubs international (BCI) qui se tiendra
à Mulhouse du 12 au 14 octobre prochains, n’en finit pas d’étoffer son
programme. Outre les expositions, sur lesquelles nous reviendrons dans
nos prochaines éditions, on annonce une vingtaine de démonstrateurs.
Dernier scoop : seront présentés des arbres créés par John Naka, un
pionnier du bonsaï occidental, en Europe dans les années 1990…
Rappelons que le congrès de la FFB 2018 se tiendra
dans le même temps à Mulhouse.

4 - EspritBonsaï ‘94’

Un prix au
Noelanders
Dans notre reportage sur le
Noelanders 2018, dans Esprit Bonsaï
93, nous avons omis de citer les
prix reçus par le Suisse Enzo Ferrari
pour son suiseki. Soulignons que
la pierre d’Enzo a reçu deux prix :
celui du Bonsai clubs international,
attribué par Gudrun Benz, et une
mention spéciale donnée par le
maître japonais Kunio Kobayashi.
© ENZO FERRARI
Mention spéciale de Kunio
Kobayashi au Noelanders 2018
pour le suiseki d’Enzo Ferrari.
Pot de culture : un nouveau concept
Le Tie-Pot est un pot de culture breveté ingénieux,
optimisé pour la culture et la formation des bonsaïs.
Ses boutons, autour du bord, permettent un
attachement solide et rapide des fils de ligature.
Le pot est pourvu d’un système pour l’exposition à
l’air des racines (air pruning) de façon à accélérer
la croissance et le développement du bonsaï.
La taille du premier modèle est de 28 x 11 cm,
sans les boutons. D’autres dimensions sont en
préparation. Ce Tie-Pot sera disponible dans
les boutiques spécialisées et sur le site internet
www.tiepot.com au prix de 12,80 € pièce.
Deux innovations : les boutons et l’“air pruning”.
Les boutons : ils permettent des fixations solides
et facilitent l’utilisation rapide et précise des fils
de ligature pour la pose de haubans. Les pots sont
en polypropylène copolymère stabilisé aux UV, un
matériau résistant et durable. Pourvus de raidisseurs
de coque, ils ne plient pas sous l’action mécanique.
Air pruning : l’“exposition à l’air des racines” (aussi
appelée “air root pruning”) évite une mauvaise
www.esprit-bonsai.com
Retrouvez les infos en temps réel sur notre blog
et sur notre page Facebook. Rejoignez le forum
Actualités
Laurent Breysse s’en est allé
Laurent Breysse était bien connu des amateurs de bonsaï français et
des lecteurs de la première heure d’Esprit Bonsaï. Cet amoureux des
pins, des insectes et de la nature en général, tenait une pépinière, L’Arbre
aux Papillons, à Polignac, en Haute-Loire. Ses arbres étaient empreints
de caractère, souvent en dehors
des codifications japonaises.
Il est décédé brusquement le
vendredi 20 avril alors qu’il devait
animer dans la journée un atelier en
Ille-et-Vilaine, avant de rejoindre le
Jardin du Levant, à Saint-Germain-
© MICHÈLE CORBIHAN
du-Pinel où il devait faire des
démonstrations durant le week-end.
Nos pensées les plus amicales vont
à sa famille et à ses proches. Nous lui
Laurent Breysse est décédé rendons hommage dans nos pages.
brusquement le 20 avril 2018.
croissance des racines en cercle dans le pot. Au
lieu de cela, l’arbre développe des racines denses,
efficaces, bien ramifiées. La motte racinaire est
fibreuse, riche en jeunes racines et en chevelu.
Dans un Tie-Pot, la méthode d’exposition à
l’air des racines est adaptée aux besoins des
bonsaïs. Toutes les structures nécessaires sont à
l’intérieur du pot, ne perturbant en rien son aspect Le Tie-Pot : un pot de culture
extérieur. Chaque extrémité de racines atteint qui va révolutionner la culture
les parois du pot, ou le fond, et est dirigée vers du bonsaï, avec ses boutons
et ses trous d’aération.
un trou de drainage en quelques centimètres.
Comme les trous de drainage sont répartis sur la
totalité du pot, tout le pain racinaire est aéré et
aucune stagnation d’eau n’est possible. Quelques
semaines après l’installation d’une plante dans
un Tie-Pot, les effets du système peuvent être
observés : les bouts des racines poussent à
l’extérieur des trous de drainage, indiquant que
la formation de racines circulaires a été évitée. Les trous de drainage stimulent
¡ www.tiepot.com le développement et la
ramification des racines.
EspritBonsaï ‘94’ - 5
 Actualités,
magazine

Expositions et congrès
2018
VBV Dender
DENDER, BELGIQUE 8-9 septembre Expositions, démonstrations et ateliers
www.vlaamsebonsai.be/kalender/377/dender-najaarsvergadering-vbv

Salon national du bonsai

MAULÉVRIER, Contact : 02 41 55 50 14
8-9 septembre
FRANCE Courriel : contact@parc-oriental.com
www.parc-oriental.com

Bonsai Bash 2018

NOTTINGHAM,
12-14 septembre Le Nord-Américain Sean Smith sera invité pour fêter les 40 ans de Greenwood.
GRANDE BRETAGNE
www.bonsai.co.uk

Festival del Bonsai

Parc Delle Farfalle
via Fontana,
ANDORA, ITALIE 15-16 septembre
17051 Andora, Savone
Courriel : giancarlo136@alice.it
Facebook : drynemetum bonsai

Bonsai Trienalle et congrès annuel du CBA

Bonsai Trienalle est un projet commun aux associations
nationales tchèque, polonaise et allemande. Une centaine
d’arbres des membres de ces associations seront exposés.
DECIN, RÉPUBLIQUE TCHÈQUE 21-23 septembre
Cet événement se tiendra en même temps que l’exposition de
l’association nationale tchèque, CBA, et de son congrès annuel.
Ateliers, démonstrations, table ronde, et stands de professionnels.
Courriel : info@cba-bonsai.cz

Automn Shohin Exhibition

DONCASTER, Markham Grange Nursery
23 septembre
GRANDE-BRETAGNE Brodsworth
Courriel : shohinexhibition@gmx.co.uk

European Bonsai-San Show

Une dizaine de démonstrateurs européens et coréens
SAULIEU 6-7 octobre
et un grand marché de professionnels.
www.european-bonsai-san-show.com

Bonsai Clubs International 2018

Congrès de la Fédération française de bonsaï et de l’Association
française de suiseki. Bonsai Euro Top 30. Nombreuses expositions.
MULHOUSE 12-14 octobre
Une vingtaine d’intervenants internationaux et
un grand marché de professionnels.
www.world-bonsai-mulhouse.fra

Sakka ten 2018, Autumn trees

ALCALÀ DE Congrès international de l’art du bonsaï et de sa culture
2-4 novembre
XIVERT, ESPAGNE Invité : Minoru Akiyama.
Facebook : Sakka ten 2018

Congrès de l’UBE (Unión del bonsai español)

Centre culturel Isabel de Farnesio Aranjuez
26-27 Capitán, 39
MADRID, ESPAGNE
janvier 2019 28300, Aranjuez, Madrid
Courriel : ube@ubebonsai.es
Facebook : Unión del Bonsai Español

6 - EspritBonsaï ‘94’

Ce n’est pas vrai ?
L’art rapproche les Hommes et toutes les
formes d’art nous conduisent à chercher
la beauté, et nourrissent l’art du bonsaï.
D’une seule et plusieurs voix…
Auteur : François Jeker
C
laude Roy, dans son livre Le
Voleur de Poèmes, consacré
à la poésie chinoise, écrivait :
« À l’épicentre de l’océan des
paroles humaines, il y a ce lieu où tout est
de tous et où tout est à tous. Ce cœur
du cœur des mots où le tien et le mien
ne se distinguent plus. On dirait parfois
que tous les poèmes du monde ont pour
auteur un seul poète. Et que des millions
de voix, dont pas une n’est jamais pareille
à l’autre, se ressemblent. Ce n’est pas vrai.
C’est pourtant vrai. »
Takeshi Seya, l’un des théoriciens japo-
nais de l’esthétique des bonsaïs, disait,
lui : « Les arts différents sont autant de
chemins qui gravissent la même mon-
tagne. Plus nous montons, plus s’es-
tompent les différences entre les arts. »
Voilà deux personnages qui vivaient à
des milliers de kilomètres l’un de l’autre,
dansdesuniverscomplètementdifférents,
chacun ignorant l’existence de l’autre, mais
qui ont eu des idées très voisines.
Y a-t-il une forte parenté entre toutes
les formes d’art ? Quels que soient le pays
et la culture ?
Y a-t-il une pensée universelle ?
Sans réponses
définitives
La pratique de l’art du bonsaï semble
confirmer ces deux intuitions parallèles.
Nous éprouvons bien de fortes émo-
tions devant un bonsaï japonais, un autre
canadien, un troisième sud-africain.
Pourtant les espèces et leur port naturel
sont différents, les concepts esthétiques
eux aussi.
Qu’est ce qui les rapproche ? Peut-être
un amour et un respect universel pour la
nature ? Peut-être notre interrogation à
propos de la place et de la responsabi-
lité des hommes dans la nature ? Peut-
être aussi notre recherche plus intime
qui nous pousse à vouloir apprivoiser le
temps ?
Il faut sans doute se poser toutes ces
questions, sans forcement chercher de
réponses définitives.
Chercher la beauté
Ce qui est certain cependant, si nous
voulons progresser dans notre pratique
du bonsaï, nous devons nous nourrir de
toutes les autres formes d’art qui vont
aiguiser notre sensibilité, affiner notre œil
et nos gestes, nous aider à comprendre
le sens de notre art, à nous remettre
en cause en éloignant les certitudes et
autres règles artificielles, nous pousser
à chercher, chercher, chercher.
L'Esprit
du bonsaï
Boîte calligraphiée par
Denise Lach sur le double
thème du bonsaï et de la
calligraphie japonaise. Les
transparences sont obtenues
grâce à la superposition
de plusieurs couches de
papiers enduits de cire.
Chercher la beauté dans une calligra-
phie d’Hokusaï, un dessin de Dürer, une
gravure de Goya, un pas de danse de Pina
Bausch, un vers de Prévert ou de Wang
Weï, une envolée lyrique de Gustave Mah-
ler, une scène de Denis Villeneuve.
Chercher la beauté dans un arbre mort
en altitude qui n’a pas réussi, lui, à survivre
dans des conditions difficiles, chercher
la beauté dans la fleur du cerisier toute
fraîche ouverte au petit matin, dans le
cou gracile de la grue, dans le vent qui
couche les blés, dans le vol désordonné
des mésanges cherchant leur pitance.
Apprendre à admirer ce qui nous
dépasse et ce qui nous rassemble. C’est
sans doute là le secret.
Alors, toutes nos voix se ressemblent ?
Ce n’est pas vrai ? 
EspritBonsaï ‘94’ - 7
les expos
Dans

Le centre de congrès du casino municipal d’Arco, petite ville italienne du Trente, abrite depuis 33 ans Les jolies ruines du
Arcobonsai, un rendez-vous on ne peut plus amical du bonsaï européen, le premier week-end de mai. château dominent la
ville, et une salle de
démonstration, sur
son rocher calcaire.

ARCOBONSAI
Un rendez-vous d’amis
“Arco”, c’est un rendez-vous
incontournable en Italie ! La petite
ville du Trente, au bord du lac de « Est-ce que tu vas à Arco ? »
Cette question je l’entends tous les ans depuis
Garde, accueille chaque année bien longtemps sans avoir jamais répondu par
l’affirmative. Et cette année, je suis allée à Arco
Arcobonsai, un rassemblement amical voir par moi-même ce que cache ce nom déclen-
et chaleureux d’amoureux du bonsaï. chant tant d’enthousiasme.
Bravant les grèves des transporteurs aériens
en ce début mai pour rejoindre Venise, je gagne
Auteur : Michèle Corbihan
ensuite Arco par la route. Le vendredi 4 mai, le
33e Arcobonsai s’ouvre dans les locaux du vieux
centre des congrès du casino municipal de la com-
mune, recevant le congrès de l’EBA (European
bonsai association) et de l’ESA (European suiseki
association) et le XXIIe congrès de l’UBI (Unione
bonsaisti italiani).
Gabriele Sbaraini, président
de Arcobonsai club Garda « Des choses cultivées »
Trentino depuis 33 ans (à
Arco, « c’est surtout une grande histoire d’ami-
droite), aux côtés de Fabio
Mantovani, président de l’UBI tié, de famille », m’explique Gabriele Sbaraini,
(Unione bonsaisti italiani), président de Arcobonsai club Garda Trentino de-
lors de la remise des prix. puis 33 ans, quand le club a vu le jour pour créer

8 - EspritBonsaï ‘94’

Le marché des 60 professionnels contribue pour
beaucoup à la réputation de convivialité d’Arcobonsaï.
Arcobonsai, justement. C’est à la suite de l’arri-
vée dans la ville de Carlo Oddone en 1985, une
grande figure du bonsaï italien, que la première
exposition voit le jour, organisée par ce pionnier et
quelques autres grands noms du bonsaï européen
de l’époque, dont l’Allemand Paul Lesniewicz, et le
Français André Montagne. Le bonsaï commençait
tout juste à se développer en Italie. « Je suis devenu
secrétaire de l’association nationale italienne de
bonsaï (l’UBI), et Carlo Oddone est devenu pré-
sident. C’est comme cela que nous avons décidé
de commencer à travailler ensemble » continue
Gabriele. Dès l’année suivante, l’association se
crée pour faire perdurer l’événement et lui don-
ner la forme qu’il a gardée, l’objectif étant « de
présenter des choses cultivées ».
Cette année s’avère être une édition un peu
particulière, car elle héberge les congrès de l’EBA,
de l’ESA, en plus de celui de l’UBI. Les arbres
présentés ont donc été sélectionnés par ces asso-
ciations, et non par Arcobonsai.
EBA, prix du
mérite : Pinus
mugo, Mauro
Stemberger
(Italie).
EBA, prix du mérite
et meilleur bonsai
Un marché très populaire 2018 UBI : Erica
En cette première journée de l’événement, arborea, Angelo
Santoriello (Italie).
l’ambiance amicale et détendue est très vite pal-
pable. Si les soixante stands des commerçants
sont ouverts dès le vendredi matin, malgré le
temps qui joue avec les averses, l’exposition n’est
pas encore en place et n’ouvrira que le samedi
matin. D’ailleurs, les exposants attendent, pa-
tience obligée, au fur et à mesure de leur arrivée
à l’entrée de la salle de pouvoir installer leur pro-
tégé dans les rangs de l’EBA ou de l’UBI, selon.
Le vendredi est donc le jour idéal pour se mettre
dans l’ambiance, aller à la rencontre des 
EspritBonsaï ‘94’ - 9
 Dans
les expos
EBA, prix du mérite : composition shohin,
Cotoneaster, Ulmus, Bruno Wijman (Pays-Bas).
 professionnels, installés à l’extérieur sous
des tentes pour la plupart, pour faire des em-
plettes. Ces commerçants viennent de toute
l’Europe et sont potiers, pépiniéristes, artistes
du bonsaï ou du sumi-e, constituant un marché
dont la réputation participe à la popularité de
l’événement.
La cérémonie d’ouverture d’Arcobonsai, le
vendredi en fin de journée, réunit les person-
nalités des associations organisatrices et de la
ville, dont le président de l’EBA, Marc Noelan-
ders, celui de l’UBI, Fabio Mantovani, ou encore
de l’ESA, Igor Barta, autour de Gabriele Sbaraini
et du démonstrateur invité d’honneur Hotsumi
Terakawa. Suit une conférence de Gudrun Benz
sur les suiseki.
Pour clôturer cette première journée, nous em-
barquons en bateau pour un repas de gala sur le
lac de Garde. Une mini-croisière superbe sous les
nuages qui viennent lécher les montagnes envi-
ronnantes.
Un Marseillais lauréat
Le samedi s’avère très chargé en activité, car il
regroupe la quasi-totalité des conférences, anima-
tions, démonstrations et concours du week-end.
Bienheureusement, les différentes salles accueil-
lant expositions et animations se trouvent dans
un périmètre réduit. Le principal de l’exposition
prend place dans une salle avec les 40 arbres de
10 - EspritBonsaï ‘94’
EBA, prix du mérite : Fagus
crenata, Dario Mader (Suisse).
l’EBA (deux par pays en moyenne), et une par-
tie des 60 arbres de l’UBI, le reste se tenant dans
une autre salle du casino avec les suiseki de l’ESA
et de l’UBI. Une troisième pièce abrite elle aussi
quelques belles pierres.
Le lieu principal de l’exposition peut sembler
un peu petit pour présenter tant d’arbres, offrant
des allées étroites et peu de recul pour les pho-
tographes. Quoi qu’il en soit, les arbres sont de
belles factures : les conifères se faisant la part
belle parmi les feuillus. Les visiteurs, nombreux,
se pressent pour admirer les bonsaïs, à tel point
que les prises de vues sont impossibles. Un joli
succès !
On compte de nombreux arbres et suiseki ré-
compensés par l’EBA, l’UBI, l’ESA et l’AIAS (Asso-
ciation italienne des amateurs de suiseki). À noter
un prix de l’EBA remporté par le Marseillais José
Nunes pour son olivier.
EBA, prix du mérite : Olea
europaea var. sylvestris,
José Nunes (France).
Les prix EBA
Prix du mérite :
Pinus mugo, Mauro Stemberger (Italie)
Erica arborea, Angelo Santoriello (Italie)
Fagus crenata, Dario Mader (Suisse)
Olea europaea var. sylvestris, José Nunes (France)
Composition shohin : Cotoneaster, Ulmus, Bruno Wijman (Pays-Bas)
 Le Néerlandais
Michal Mokry a
pris la première
place au concours
du nouveau talent
européen du bonsaï.
Mauro Stemberger s’est classé premier
pour l’Italie à l’Euro Arcobonsai Contest.

Sonia Stella proposait de porter un Luca Bragazzi donnait une Le maître japonais Hotsumi Terakawa
regard européen sur l’art du bonsaï et conférence sur les engrais pour travaillait un genévrier en démonstration.
animait une initiation aux jeux d’encre. les bonsaïs en rafinement.

Des conférences
et démonstrations
Côté animations, si le concours du nouveau
talent italien a ouvert le bal le vendredi, c’est au
tour des Européens de concourir le samedi pour le
titre du nouveau talent de l’EBA. Le Néerlandais
Michal Mokry décroche la première place, suivi
par le Slovène Aleš Zavodnik, tandis que l’Italien
Filippo Mazzoni se place troisième.
L’Euro Arcobonsai Contest a lieu toute la jour-
née et fait concourir entre eux des artistes de qua-
Prix “de l’œuvre torze pays de l’EBA assisté chacun d’une, voire
artistique qui
représente deux personnes. Mauro Stemberger emporte le
la mieux la prix, pour l’Italie. À noter l’absence de la France,
combinaison de ce qui fera dire à Gabriele Sbaraini « Chaque pays
l’esprit humain a des hauts et des bas en bonsaï, en ce moment,
et de la nature” c’est la France et l’Espagne qui sont en bas, et il
du Ministère du
patrimoine et de y a une émergence des pays de l’Est. »
l’action culturelle Luca Bragazzi, Sonia Stella, Silvia Orsi, Mas-
et du tourisme : simo Bandera, le prof. Marchesini et Carlo Cipol-
Juniperus lini et Adriano Bonini se succèdent pour donner
chinensis des conférences. Sonia Stella anime un atelier de
‘Itoigawa’, design
Marco Tarozzo, découverte du sumi-e et la céramiste française
du Bonsai Sylvie Rigal crée, durant deux heures, un plateau
Gymnasium. pour forêts, puis un pot-lune. 

EspritBonsaï ‘94’ - 11
 Dans
les expos

Bière, bonsaï…
Le soir, exposants, organisateurs, commerçants
et passionnés de bonsaïs de tous horizons se re-
trouvent dans une grande salle de sport pour le
B & B & B – « Birra, Bonsai e Baraonda », com-
prenez : bière, bonsaï et “bazar”. Le principe est
simple : chaque participant apporte une spécialité Prix du président de l’ESA pour le plus beau suiseki : “Tramonto rosso”, Carlo Guardigli.
de sa région et partage avec ses voisins, amis. Un
repas assez frugal est servi aux participants et l’on
voit très vite les charcuteries, les fromages et les
bouteilles de vin sortirent des paniers… Il s’ensuit
une joyeuse fête. Des rires fusent et se mêlent
à la musique que joue un orchestre. Quelques
couples se lancent sur une piste improvisée pour
danser un peu.
L’heure des remises de prix arrive et mon italien
plus qu’approximatif ne me permet pas de goûter
toutes les subtilités des nombreuses annonces.
La soirée se clôture par le tirage d’une tombola,
en même temps que les verres de grappa, aux
arômes très variés, circulent sur les tables et dans
les allées. L’animation à l’italienne, le sens de la
fête, l’amitié entre passionnés : c’est cela aussi,
l’esprit d’Arcobonsai.
Retour le dimanche matin aux aurores sur les Prix de l’Association italienne des amateurs de suiseki du
meilleur suiseki UBI : pierre cascade, Riccardo Sorbino.
lieux de l’exposition avant l’arrivée des visiteurs
pour quelques prises de vues. Cette journée s’an-
nonce plus calme quant aux animations, puisque
seul le Japonais Hotsumi Terakawa fait une dé-
monstration, tandis que les clubs italiens s’af-
frontent dans un travail sur un arbre pour gagner
le Trophée Arcobonsai réservé aux clubs du pays.

Une relève dificile

La journée, et le week-end, s’achève sous le
soleil, dans une chaleur italienne printannière.
“Arco”, c’est effectivement, un événement ! Le
seul sans doute en Europe qui a su être aussi pé-
renne. Malheureusement, la relève est difficile :
les membres de l’association organisatrice vieil-
lissent, et à 78 ans, Gabriele Sbaraini s’interroge
sur l’avenir de l’association qu’il préside, et de
l’événement : « Nous sommes une soixantaine
de personnes dans l’association. On cherche à
renouveler, mais c’est compliqué. Les jeunes s’in-
téressent peu au bonsaï, et ça, ça risque de cau-
ser la mort de l’association. Nous sommes tous
d’un certain âge. Plus la manifestation prend de
l’essor et plus c’est difficile Nous avons dû faire
intervenir des gens pour la moitié des montages
à l’extérieur. »

Mention de
mérite 2018 UBI :
Taxus baccata,
Emilio Capozza.

12 - EspritBonsaï ‘94’

Par ailleurs, le lieu du casino est ancien et me-
nacé d’être rasé en partie pour la construction
d’un parking… « Et réduire la manifestation veut
dire se faire des ennemis. Les manifestations ont
besoin de pouvoir grandir pour fonctionner. »
Quoi qu’il en soit, rendez-vous est pris en 2019
pour le premier week-end de mai. Viendrez-vous
à Arco ?
Mes remerciements à Sonia Stella pour la tra-
duction des propos de Gabriele Sbaraini. 
Meilleur bonsai 2018 UBI : Pinus sylvestris,
Mario Paschetta, du Bonsai club Rivalta.
Le secret d’Arcobonsai
Arcobonsai en est à sa 33e édi-
tion, un fait sufisamment rare
dans les expositions de bonsaïs
européennes que l’on peut se
questionner sur les raisons de
cette pérennité.
« Nous n’avons jamais eu de
sponsor et les personnes qui
font du bonsaï doivent accepter
certaines conditions, explique
Gabriele Sbaraini, président
d’Arcobonsai. Pour sélectionner
les intervenants, nous ne pre-
nons pas parti pour telle ou telle
personne, nous retenons seule-
ment l’idée qu’il est bien pour
nous d’avoir ces personnes-là
présentes.
Pour les arbres, nous prenons
toutes les demandes : 15 à
Mention de mérite
2018 UBI et prix
de “la plante
autochtone,
valorisant la flore
italienne si riche
en biodiversité”
du Ministère de la
politique agricole
alimentaire et
forestière : Ceratonia
siliqua (carroube),
Pietro Sampirisi.
20 instructeurs – l’Italie a cela de
particulier d’avoir une association
d’instructeurs, que l’on appelle
des artistes ou formateurs dans
d’autres pays –, 15 ou 20 clubs,
et vient qui vient.
Pour les concours, ce sont les ins-
tructeurs qui jugent le travail des
autres, et s’ils font des combines,
c’est leur problème. Il n’y a pas
de gros intérêt en jeu finalement.
Mais les exposants pensent que
gagner ici, c’est une belle satisfac-
tion et une grosse récompense.
Au lieu d’être obligés d’aller cher-
cher du monde, nous sommes
contraints de nous excuser, car
nous ne pouvons pas recevoir
tout le monde. C’est peut-être là
notre secret. »
EspritBonsaï ‘94’ - 13
Dans
les expos
SOCIÉTÉ DE BONSAÏ ET
DE PENJING DU QUÉBEC
20 ans : un bel anniversaire !
Vingt ans d’activités : un bel anniversaire
que la Société de bonsaï et de penjing
du Québec fêtait dignement en juillet
2017, à Saint-Alphonse-Rodriguez.
Auteur : le SBPQ
Photos : Brian Greenway
La Société de Bonsaï et de Pen-
jing du Québec (SBPQ) organisait ExpoBonsaï les
8 et 9 juillet 2017, à la pépinière Bonsaï Gros Bec
à Saint-Alphonse-Rodriguez, une exposition qui
marquait ses 20 ans d’existence.
73 œuvres étaient exposées, et ce fut un beau
casse-tête pour nos responsables de l’exposition !
Jusqu’à la dernière minute, les pots changeaient
de place, de serre : ce fut un ballet un peu surréa-
liste. Le nombre, mais surtout la qualité des bon-
14 - EspritBonsaï ‘94’
La Société de bonsaï et de
penjing du Québec célébrait
ses 20 ans dans le superbe
site de la pépinière Bonsaï
Gros Bec à Saint-Alphonse-
Rodriguez en juillet 2017.
saïs se sont accrus de façon signiicative. Nous
avions invité aussi nos amis des autres sociétés
de la province à se joindre à nous : Groupe Bon-
saï Québec, Société des Bois Francs, Société de
Bonsaï et de Penjing de Montréal, et la Société
de Bonsaï d’Ottawa. La présentation des penjing
réalisés avec Daniel Lafortune dans son atelier
était aussi une première, et celui-ci est comblé
de voir une relève pointer le nez.
Une célébration en grand
Pour souligner l’évènement, nous avons cé-
lébré la longue collaboration et l’amitié qui lie
la SBPQ à la pépinière Bonsaï Gros Bec. Robert
Smith et Suzanne Piché ont dû passer à travers
nombre d’épreuves avec les membres de la SBPQ
pour arriver à ce résultat. Une grande révérence
leur est due, pour leur passion, leur résilience,
leur vision, leur générosité et leur amitié.
Nous avons donc célébré en grand : un nouvel
endroit était réservé au banquet du samedi soir.
La table des échanges, de gauche à droite : Léon Leblanc
(ébéniste et yamadoriste), Vianney Leduc (interprétation
auprès des visiteurs), Brian Donnelly (démonstrateur).
Érable trident, Acer buergerianum. Design :
Robert Smith, collection de Michel Demers.
Thuya occidentalis, Vianney Leduc.
Un if, Taxus cuspidata, de Brian Donnelly.
Un Juniperus chinensis ‘Itoigawa’ de Juniperus chinensis
Vianney Leduc, d'une belle élégance. ‘Itoigawa’, Vincent Gagné.
Telles les fameuses infrastructures olympiques, la
salle à dîner était complétée le samedi matin pour
une première utilisation le samedi soir. C’est ce
qu’on appelle chez Toyota du « Just-in-Time » !
Chez l’ensemble des bénévoles, sans lesquels la fête
n’était pas possible, l’ambiance était fébrile pour
la préparation le vendredi. L’inquiétude se lisait
aussi sur certains visages, surtout ceux qui osaient
regarder les prévisions météorologiques. 
EspritBonsaï ‘94’ - 15
 Dans
les expos
Brian Donnelly
faisait une
démonstration
sur un Thuya
occidentalis.
Penjing composé par Maître Quinquan
Zhao lors d’un précédente visite.
Pour les yamadoris
Deux concepts significatifs ont pris
forme durant la préparation de
l’exposition anniversaire de la SBPQ
Démonstration de penjing par Daniel Lafortune. concernant le prélèvement d’arbre
dans la nature :
- L’éthique yamadori : Robert Smith,
Démystifier le bonsaï en portant à notre connaissance
Malgré les ondées du samedi et du dimanche, les travaux du groupe Kabudachi
nous avons accueilli un nombre de visiteurs (SBPM, Société de Bonsaï et de
proche des records. Les visites guidées se sont Penjing de Montréal), nous a
bien enchaînées. Les démonstrateurs ont pu dé- emballé, et il a semblé capital pour
mystiier, auprès du public, certains aspects du la SBPQ de véhiculer auprès de
bonsaï et du penjing. Les efforts de Daniel Lafor- nos membres une éthique impec-
tune ont aussi été récompensés, puisque le pen- cable lors des campagnes de
jing réalisé en démonstration a été acquis par le prélèvement en nature. En efet,
Jardin Botanique de Montréal pour être exposé les « yamadoristes » partagent la
au Jardin de Chine. Nous remercions du fond du nature avec d’autres usagers, et
cœur Brian Donnelly, Daniel Lafortune, Matthiew nous avons décidé de travailler
Quinn pour leur générosité avec les visiteurs. ensemble pour qu’ils laissent der-
Le banquet du samedi a aussi afiché complet, rière eux une image impeccable.
et les discussions entre les présidents de société Des règles de comportement des
ont mis à jour les réalités différentes des sociétés yamadoristes du Québec seront
du Québec. Ces premières rencontres seront sui- ainsi difusées auprès de nos
vies d’autres, chacun l'a afirmé, pour coordon- membres, et cet outil sera utilisé
ner les efforts de tous dans l’objectif commun de auprès du public au besoin.
faire connaître l’art du penjing et du bonsaï dans - Le repeuplement : la SBPQ décide
la province et plus loin.  de faire la promotion du repeuple-
16 - EspritBonsaï ‘94’
ment, et la norme, pour chaque
yamadoriste, serait de replanter
deux arbres pour chaque arbre
prélevé. Dans ce cadre, Robert
Smith et la SBPQ ont décidé de
faire une première expérience de
repeuplement sur la côte Nord.
Des plants élevés pour l’industrie
forestière, exempts de parasites et
de maladies, seront utilisés pour
cette expérience. Notre choix s’est
tourné vers des plants de mélèzes
laricin. Le lieu de peuplement
choisi est la basse côte Nord, car
c’est une belle région, propice à
la cueillette d’arbres. Nous avons
consulté les horticulteurs du
Jardin botanique de Montréal pour
connaître leur avis sur la question,
et éviter les bévues de débutant.
La SBPQ prend l’engagement de
faire un suivi et de publier dès la
troisième année les résultats de
l’étude. L’objectif est de déterminer
la meilleure méthode pour replan-
ter des mélèzes dans la région de
la côte Nord du Québec.

© Cinthya arenas
Laurent
Breysse
Un humaniste du
bonsaï s’en est allé
Il aimait les arbres, la nature et avait fait
du bonsaï son métier, avec sa pépinière
L’Arbre aux Papillons. Laurent Breysse était
généreux, joyeux et racontait ses arbres
en éveillant tous nos sens. Il nous a quittés
subitement, le 20 avril 2018. Nous lui
rendons hommage en publiant le portrait
que nous avions fait de lui en 2005.
Des hommes
et des arbres
Amoureux des pins et créateur
d’émotion, Laurent Breysse,
artiste et professionnel du
bonsaï, travaillait ses arbres
en dehors des codes établis.
Il partageait sa passion avec
joie et humanité. Il s’est
éteint subitement le 20 avril
2018. Il pose devant son
arbre emblématique : un pin
sylvestre. Hauteur : 75 cm.
Texte : Michèle Corbihan
Photos : Michèle Corbihan,
sauf mentions contraires
Amoureux de la nature,
Laurent Breysse a repris la pépinière fami-
liale – en la spécialisant dans le bonsaï –
pour être avec les arbres qui lui sont indis-
pensables. Très sensible aux odeurs, aux
textures, il sait, simplement par des mots,
créer l’atmosphère d’une pinède et vous
donner l’envie de retrouver des sensations
bien éloignées de la vie citadine. Sans fard,
avec générosité et humour, il répond à ma
curiosité, loin des clichés et des conve-
nances. 
EspritBonsaï ‘94’ - 17
 Des hommes
et des arbres
Genévrier de Chine, Juniperus
chinensis ‘Sargentii’. Hauteur : 75 cm.
Transmettre une émotion
L’arbre dans la nature est à l’origine de la
passion de Laurent pour le bonsaï car « le
résumé de la nature est dans un arbre », à
l’image des Chinois qui créent des penjing
dans lesquels est représenté un paysage.
L’arbre est pour lui un calque par lequel il
s’agit de reproduire les traits de la nature,
de les grossir, et le bonsaï devient ainsi une
sculpture vivante.
Le bonsaï est une passion avant tout,
où la plante l’intéresse en premier lieu.
Son objectif est la recherche esthétique
et la transmission d’une émotion à l’ob-
servateur. Il se situe bien loin de toute la
terminologie japonaise, des styles et des
codifications, et si ce qui entoure le bonsaï
ne le laisse pas indifférent, ce n’est pas
pour lui une philosophie de vie : « Je ne
me gargarise pas avec toute cette science
nippone. »
Le pin : un caractère fort
Les essences préférées de Laurent
sont les pins : pin sylvestre et Pinus par-
viflora en premier lieu, et Pinus thunber-
gii. Cependant, un genévrier, le Juniperus
chinensis, obtient aussi ses faveurs.
Le pin l’intéresse par son caractère
fort : « C’est une plante qui s’est adap-
tée, qui s’est accrochée pour devenir ce
qu’elle est », explique-t-il. C’est aussi une
plante malléable. Le caractère sensuel de
18 - EspritBonsaï ‘94’
Pin
sylvestre.
Hauteur :
84 cm.
l’espèce revêt une importance particu-
lière pour notre passionné et le séduit : le
toucher de l’écorce rugueuse, l’odeur très
particulière qui se dégage de l’arbre sont
autant de traits particuliers qui éveillent
les sens. Un des grands plaisirs de Lau-
rent est de s’asseoir le soir dans la pinède,
après une chaude journée d’été, de regar-
der les arbres et de sentir les odeurs qui
montent de la terre.
Chacun est sans doute influencé par la
région qu’il habite dans ses choix d’arbres.
Au cours de formations données dans
des régions éloignées de la sienne, Lau-
Une apparition joyeuse et
malicieuse devant mon objectif…
rent a remarqué qu’il est parfois difficile
d’expliquer une émotion, une sensation
à quelqu’un qui n’a pas la même nature
autour de lui et donc la même culture de
la nature.
Travailler l’arbre sauvage
C’est en observant la nature que Lau-
rent a appris l’esthétique des arbres. Il res-
pecte les plantes et les travaille comme il
les voit dans leur environnement naturel.
Ces arbres présentent peu de shari, de
jin et de bois morts car il préfère travail-
ler le bois vivant. Les yamadori sont des
arbres qui ont déjà vécu, que la nature a
déjà façonné et c’est un bonheur pour lui
de travailler sur de tels arbres sauvages,
d’être au contact du vieux bois et de la
vieille écorce : « Il s’agit alors de faire res-
sortir le caractère de l’arbre sans le déna-
turer. »
Quand il prélève un yamadori, loin des
pillages que font certains, Laurent fait par-
fois un sauvetage : « Des arbres très vieux
arrivent en bout de course et n’ont plus
de ressources pour vivre là où ils sont, les
Auteur d’articles dans Esprit Bonsaï,
Laurent Breysse a fait une démonstration
lors de la célébration des 10 ans du
magazine en 2013, à Saulieu.
© © Laurent Breysse
prélever c’est aussi leur donner une nou-
velle chance de continuer. »
Un arbre n’est jamais fini bien sûr :
« Je me projette toujours dans l’avenir.
Un arbre est amené à vivre longtemps
pour peu qu’on prenne soin de lui et qu’il
y ait toujours quelqu’un pour prendre le
relais. » Un arbre voudra toujours reve-
nir au naturel si on le laisse faire, et dans
ce cas il trouve intéressant de travailler à
nouveau sur la plante.
Aux débutants
Les débutants qui viennent voir Laurent
pour prendre des cours déclarent sou-
vent avoir un peu peur car le monde du
bonsaï leur apparaît impénétrable, difficile
et compliqué. Le formateur leur explique
alors : « L’important est de se faire plaisir,
vous n’êtes pas là pour être jugé. »
Pour débuter dans le bonsaï, il faut
commencer par apprendre à cultiver les
arbres, conseille le professionnel.
Il est aussi très important d’être en
contact avec la nature et de la connaître :
« Il faut chausser ses bottes et aller dans la
nature, regarder pour ressentir les arbres
et pouvoir ensuite les travailler dans le bon
sens », conclut-il.
Les gens de sa génération sont auto-
didactes car il n’y avait pas de magazine,
peu de littérature, peu de profession-
nels installés quand ils ont commencé le
bonsaï. À présent, les débutants peuvent
s’appuyer sur tout un réseau – clubs, pro-
fessionnels – sur des magazines et de
nombreux livres. Tout cela peut leur évi-
ter beaucoup d’erreurs et de voir mourir
des arbres.
Pin sylvestre. Hauteur : 51 cm.
Entomologiste de formation, Laurent
se passionnait aussi pour les insectes.
Une cétoine dorée sur un Viburnum
plicatum ‘Summer Snowflake’.
Entomologie ou bonsaï
Autodidacte,Laurentabeaucoupappris
de son père pépiniériste, en botanique et
en horticulture. Quand il commence à s’in-
téresser au bonsaï, il y a une vingtaine d’an-
nées, l’activité de son père lui permet de
faire beaucoup d’expériences, de planter,
de tailler… Après des études d’entomolo-
giste, formation qui le conduit à beaucoup
voyager, il se destine à travailler au Muséum
d’histoire naturelle à Paris. Mais au bout
de quelques mois, la vie parisienne ne lui
convenant pas du tout, il revient dans sa
montagne natale, auprès des arbres et de
la nature qu’il aime tant. Ainsi, peu à peu,
il reprend la pépinière de son père, y crée
l’activité bonsaï et la développe.
Les amis étaient
importants pour
Laurent Breysse,
ici à un repas
au cours de
l’exposition de
2011 de la Kyookai,
une association
de professionnels,
organisée dans sa
pépinière L’arbre
aux Papillons, à
Polignac (43).
Depuis 2005
Depuis notre rencontre en 2005,
Laurent œuvrait toujours pour
partager sa passion des arbres.
Si les aléas de la vie l’avaient un
peu éloigné du monde du bonsaï
pendant quelque temps, il y revenait
depuis peu avec enthousiasme.
Se ressourcer
« Le bonsaï est une excellente échap-
patoire ! » s’exclame Laurent. D’ailleurs, le
travail effectué sur les arbres est différent
selon les périodes de la vie du créateur :
« Les arbres travaillés au cours d’époques
douloureuses sont plus torturés, plus
agressifs et anguleux. »
Le travail du bonsaï est une soupape
de sécurité qui lui apporte beaucoup de
sérénité, de calme et lui permet de se res-
sourcer. C’est un bienfait en été, après une
lourde journée de travail, que d’arroser
les arbres, de les regarder, de leur parler :
« Au risque de sembler un peu banal, je
parle à mes arbres qui me parlent aussi »,
souligne-t-il.
Avant tout, Laurent veut se faire plai-
sir avec les arbres, les ressentir, et il ne
cherche pas les « bêtes à concours ». Le
bonsaï est très personnel et pour Laurent,
c’est un plaisir solitaire où il ne veut pas
être regardé, pour être en paix quand il
travaille. C’est aussi pour cela qu’il a quitté
la ville.
Bien qu’il s’en défende, le bonsaï est
peut-être pour Laurent plus qu’une pas-
sion, une philosophie de vie où l’arbre tient
une place importante : une source d’oxy-
gène indispensable. 
EspritBonsaï ‘94’ - 19
 et des arbres
Des hommes

Spécialiste du pin noir, Mitsuo Matsuda est le quatrième

propriétaire de la pépinière Matsuda Seisho-en. Il se destinait
à être fonctionnaire, mais a finalement appris son art auprès
de son père pour reprendre l’entreprise familiale.

Mitsuo
Matsuda Interview : Anne Royer
Photos : Mitsuo Matsuda

«Comprendre l’arbre Esprit Bonsaï : Vous êtes le propriétaire

pour se soumettre à lui»
Dans le respect de la tradition japonaise, Mitsuo
Matsuda, 46 ans, a repris la pépinière familiale
implantée dans le village de Kinashi, à l’ouest de
Takamatsu, sur l’île de Shikoku. Rencontre avec
un des démonstrateurs du congrès du Bonsai
Clubs International 2018 à Mulhouse.
d’une pépinière familiale, les jardins
Matsuda Seisho-en. Le bonsaï a-t-il
toujours été une vocation ?
Mitsuo Matsuda : En effet, je représente la
quatrième génération de propriétaires des
jardins Matsuda Seisho-en. J’ai été formé
par mon père, Kenji Matsuda, et d’autres
grands maîtres japonais. La plupart des
apprentissages professionnels auprès
d’un maître bonsaï durent au moins cinq
ans. Moi, j’avais déjà 24  ans quand j’ai
commencé le bonsaï en tant que profes-
sionnel. Mes parents pensaient alors que
j’étais trop âgé pour devenir apprenti. Pour
ma part, je ne pense pas qu’il soit jamais
trop tard pour apprendre de nouvelles
choses ou démarrer un projet.
Selon les anciennes traditions japo-
naises, c’est le frère aîné qui doit reprendre

20 - EspritBonsaï ‘94’
 Le village bonsaï de Kinashi est
reconnu pour sa production
Ce vénérable pin noir du Japon est de pins. Ici, un pin noir du
plus que centenaire. Hauteur : 82 cm. Japon, avant son prélèvement.
Hauteur : 160 cm.
Le même pin noir, après
une première mise en
forme. Hauteur : 88 cm.

l’entreprise familiale. Je suis le troisième
fils de la famille… Mon nom signifie d’ail-
leurs « le troisième fils du champ de pins ».
En japonais, Matsuda Mitsuo s’écrit松田
三 男 : 松 (« matsu ») désigne le pin, 田
(« da ») signifie champ, 三 (« mitsu ») signi-
fie trois, et 男 (« o ») désigne l’homme.
Enfant, je ne pensais pas du tout devenir
un professionnel du bonsaï. J’ai d’ailleurs
fait des études à l’université de Kagawa
et j’ai passé les concours de la fonction
publique. Un passionné de bonsaï m’a dit
un jour « Réfléchis bien… Un jour, tous ces
pins noirs seront à toi. » Et j’ai finalement
décidé de devenir bonsaïka.
ment naturel. C’est cette culture ances-
trale du bonsaï que j’aimerais transmettre
aux générations suivantes.
E. B. : Quels projets aimeriez-vous
mener à bien dans les années à venir ?
M. M. : Mon grand projet, depuis plus de
dix ans, est de prendre soin et de faire
grandir un pin noir que mes parents ont
eux-mêmes obtenu par semis cinquante
ans auparavant, pour le présenter lors de
la Kokufu-ten.
E. B. : Selon vous, quelles sont les qua-
lités essentielles pour devenir un bon-
saïka talentueux ?
M. M. : Il faut absolument prendre le temps
de réfléchir et d’étudier chaque cas avec
soin. On ne peut pas attendre de la nature
qu’elle nous donne une réponse de manière
instantanée. Les expositions sont un bon
moyen de vérifier et d’améliorer ses com-
pétences. Pour présenter un bonsaï, on doit
travailler tout un ensemble de choses, pas
seulement la mise en forme de l’arbre. 

E. B. : Quels sont les enseignements les

plus importants que vos parents vous
ont transmis au cours de votre appren-
tissage ?
M. M. : Toujours réfléchir à ce qui est bon
pour l’arbre. On doit essayer de com-
prendre en profondeur le fonctionnement
de l’arbre, pour obéir à ses besoins et se
soumettre à lui.

E. B. : Vous êtes l’héritier d’une longue

tradition familiale : quelle trace aime-
riez-vous laisser derrière vous ?
M. M. : C’est la beauté de la nature qui
porte et renforce notre passion pour elle.
Je reste donc toujours à la recherche de
cette beauté que les arbres portent en En 2013, Mitsuo Matsuda a remporté le prix du Ministre japonais de l’éducation, de
eux. J’essaie d’imaginer à quoi cet arbre la culture, des sports, de la science et la technologie avec cet if lors de la 39e édition
pourrait ressembler dans son environne- de la Sakufu-ten, exposition à laquelle il participe chaque année. Hauteur : 82 cm.

EspritBonsaï ‘94’ - 21
 Des hommes
et des arbres
En 2014, lors de la 40e Sakufu-ten, prix du Ministre du Japon de
l’agriculture, de la forêt et de la pêche pour cet érable du Japon âgé
de 50 ans à l’écorce de liège caractéristique. Hauteur : 88 cm.
E. B. : Quelle variété d’arbres préférez-
vous travailler ?
M. M. : Les pins noirs japonais. On les
achète à d’autres pépinières, ou bien on
les produit nous-mêmes. Nous sommes
installés tout près de la côte, c’est l’endroit
idéal pour faire pousser cette essence.
Kinashi comptait d’ailleurs plus d’une cen-
taine de pépinières horticoles au siècle
dernier, et reste très connu pour ses bon-
saïs.
E. B. : Comment aimez-vous travailler
un arbre ?
M. M. : D’abord, je choisis l’arbre pour son
charme, son aspect fascinant, pour ses
éléments les plus attrayants. Pour la pre-
mière mise en forme, j’essaie de trouver
un arbre similaire en photo ou dans un
livre. La réponse pourrait être là. Je me
réfère toujours à un photobook de bon-
saïs, quand je cherche une image pour
m’inspirer. Trouvez un arbre au style sem-
blable et essayez de le copier, de vous en
inspirer. Ensuite, l’arbre évoluera tout seul,
d’année en année.
22 - EspritBonsaï ‘94’
E. B. : Pensez-vous qu’un arbre puisse
être terminé ?
M. M. : Je ne pense pas qu’un arbre puisse
un jour être terminé. L’art du bonsaï s’ap-
puie sur l’utilisation d’arbres vivants. La vie
d’un arbre est plus longue que la nôtre. On
ne peut donc s’engager à ses côtés que
pour un temps limité, une courte période
de sa vie. Le bonsaï sera ensuite, ou pourra
être, transmis à la génération suivante.
E. B. : En octobre 2018, lors du congrès
du Bonsai Clubs International (BCI) qui
aura lieu à Mulhouse, vous participerez
à une démonstration à six mains, avec
Budi Sulistyo et John Wang. Comment
vous préparez-vous pour cet événe-
ment ?
M. M. : Je m’occupe toujours du travail
de ligature. Pour travailler avec un autre
artiste, le plus important est de respecter
l’autre, pour créer une harmonie entre les
participants. On doit aussi énormément
échanger sur l’image finale qu’on veut
atteindre. On travaillera à la création d’un
ishitsuki (paysage sur roche, ndlr), qui per-
Pin blanc du Japon âgé de 70 ans. Hauteur : 62 cm.
met au public d’imaginer très facilement
le paysage naturel représenté.
E. B. : Pourquoi est-il important selon
vous de participer à ce genre d’événe-
ments internationaux ?
M. M. : J’espère que le bonsaï deviendra de
plus en plus connu du grand public. Nous
ne pouvons vivre sans le végétal, l’humain
et la nature ne peuvent pas se couper l’un
de l’autre pour toujours. L’art du bonsaï a
le pouvoir de procurer sérénité et bonheur
à l’être humain. Le bonsaï, ce n’est pas
seulement l’art de la ligature. C’est bien
plus profond… Chaque pays possède sa
propre culture du bonsaï, tout comme
son histoire, ses racines. Nous reconnais-
sons et respectons ces différences. C’est
là, il me semble, la vraie signification des
mots de M. Kato Saburo : « La paix par le
bonsaï. » 
Mitsuo Matsuda pose en habit traditionnel
au festival de l’automne de Kinsahi.
Pin noir du Japon, âgé de
45 ans. Hauteur : 52 cm.

En 2012, prix de
la Japan Bonsai
Association de la
38e Sakufu-ten :
forêt de cyprès du
Japon “Tsuyama”,
Chamaecyparis
obtusa “Tsuyama”.
Hauteur : 124 cm.

Le même pin noir, après un travail

de mise en forme. Hauteur : 52 cm.

Pourlecontacter
Mitsuo Matsuda
Matsuda Seisho-en
165-2 Sato, Kinashi-cho, Takamatsu,
Kagawa 761-8023, Japon
Téléphone : +81 87 881 0105 Érable palmé
Courriel : matsudaseishoen@yahoo.co.jp ‘Momiji’, Acer
palmatum ‘Momiji’.
Hauteur : 78 cm.

EspritBonsaï ‘94’ - 23
À faire
ce mois

Une période
intense
avant l’été
La fin du printemps implique
de nombreux travaux :
pincement, engrais, taille,
parasites et maladies,
arrosage… Une période
cruciale pour les arbres. 1 Les feuillus, et les érables en particulier, produisent sans cesse de
nouveaux bourgeons pendant la période de croissance. Supprimer tous ceux
Auteur : Gilbert Labrid mal placés est impératif, surtout au départ des branches, au-dessus ou
au-dessous, mais aussi autour des coupes fraîches ou des cicatrices récentes.

E n fin de printemps/début d’été, l’entretien

des bonsaïs est particulièrement
intense. Les pincements doivent être encore
réguliers, l’engrais est à placer une dernière
fois avant l’été, l’effeuillage est à faire, les
parasites et maladies sont à surveiller et
l’arrosage devient le facteur primordial avec
l’arrivée des grosses chaleurs. L’emplacement
pendant la période estivale devient capital :
les feuillus doivent être placés à l’ombre lors
des grosses chaleurs, et particulièrement les
érables du Japon, dès le mois de juin. 

2 Tailler les départs vigoureux vers le haut. Supprimer une

ramification s’il y a trois rameaux au même point. Vérifier la
présence de parasites dans les creux protégés.

24 - EspritBonsaï ‘94’
3 Supprimer les graines sur les érables, qui pompent de l’énergie au détriment de la croissance.

4 Supprimer les fleurs, qui prennent aussi de l’énergie,

sur les terminaisons des pins. Ne laisser aucun fruit se
développer en dehors d’une espèce fruitière.

5 Les baies de genévrier sont enlevées dès leur

apparition, sans attendre.

6 Les ginkgos rejettent fortement de la base de l’arbre dès que

l’on taille la partie haute, ce qui donne souvent des bonsaïs en
forme de flamme. Si l’on recherche un aspect dense, de ce type,
on peut sélectionner les repousses pour organiser cette forme.

EspritBonsaï ‘94’ - 25
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26 - EspritBonsaï ‘94’
Les cahiers
du débutant
Comment créer
un bonsaï
Auteur : Antonio Ricchiari, Progettobonsai
Traduction : Olivier Barreau
LA STRUCTURE
Dans la nature
L’image d’un bonsaï doit évo-
quer celle d’un arbre réel  : ses
caractéristiques doivent être la
vraisemblance et le naturel. La
structure et la forme spontanée
d’un arbre, au-delà des caractéris-
tiques de l’espèce, sont dues à sa
capacité d’adaptation continuelle
aux situations environnementales.
Voilà pourquoi les branches basses
ondulent de manière horizontale
pour sortir de l’ombre que font les
ramifications sus-jacentes.
Par la loi naturelle, chaque
feuille, branche ou racine est aban-
donnée si elle n’est pas viable. Dans
son processus de vieillissement,
l’arbre ne conserve et ne déve-
loppe que les branches ou les
feuilles qui sont le mieux expo-
sées à la lumière. Aussi, les petites
branches intérieures, à l’ombre de
la cime, se dessèchent au fil des
ans. Il en résulte une structure
simple et “propre”, proche du
tronc. Cet aspect est typique des
vieux arbres avec l’histoire de leur
vécu : c’est ce que l’on doit retrou-
ver dans nos bonsaïs.
Qualités à chercher
L’esthétique bonsaï est basée
sur l’observation : il faut apprendre
à reconnaître les éléments les plus
significatifs qui transmettent la
beauté et rappellent la forme d’un
arbre pour les adapter en minia-
ture :
- les racines de surface sont
robustes, disposées de manière
radiale ;
- le tronc et les branches sont
d’une conicité évidente ;
- le sommet montre la forme
d’un triangle asymétrique ;
- les branches principales ne
se superposent pas, de sorte que
chaque masse foliaire est expo-
sée à la lumière. Pour la même rai-
son, en observant un bonsaï sur
la face avant, toutes les branches
poussent alternées et non oppo-
sées ou parallèles ;
- l’inclinaison des branches est
horizontale ou orientée vers le bas ;
- la distance entre les plateaux
diminue d’un tiers en allant vers la
cime ; Un bonsaï doit répondre à des critères esthétiques,
en corrélation avec l’espèce, notamment pour
- si le tronc est courbé, le mou-
l’implantation des branches. Orme de montagne,
vement des branches est plus Ulmus glabra, collection Giorgio Raneiro.
marqué vers la base de l’arbre et
devient plus doux vers le haut de
l’arbre. Les branches sont tou-
jours implantées à l’extérieur des
courbes ;
- les branches principales du
bas sont les plus anciennes, donc
les plus robustes et de plus gros
diamètres ;
- éviter les branches verticales,
se dirigeant vers le haut ou vers le
bas ;
- éviter les branches succes-
sivement parallèles ou ayant une
implantation l’une sur l’autre, celles
implantées de manière radiale,
opposées, qui croisent le tronc
ou une autre branche, formes non
naturelles ;
- éviter de donner aux branches
basses une forme arquée, comme
une canne à pêche quand elle se Une structure proche du tronc, une belle
plie ; conicité sont des qualités à rechercher.
- éviter de grandes longueurs
cylindriques sur le tronc ou sur la
branche, rechercher la conicité. 
EspritBonsaï ‘94’ - 27
 Les cahiers
du débutant
L’harmonie
Au-delà du style que l’on veut
donner à son arbre, on doit appli-
quer quelques principes esthé-
tiques décrits pour que le bonsaï ait
une certaine harmonie. Les styles
seront analysés par rapport aux
formes des arbres dans la nature,
tout en cherchant à interpréter
leurs caractéristiques.
LA TAILLE
Les branches
La suppression de branches
vivantes sur un arbre destiné à être
un bonsaï demande une certaine
dose de courage. Très souvent,
les amateurs n’osent pas prendre
la décision de tailler des branches
superflues sur un arbre en forma-
tion. Toutefois, on ne peut obtenir
un beau bonsaï sans éliminer ces
branches.
Une fois le futur design de l’arbre
en tête avec les branches primaires
bien identifiées, on peut commen-
cer par la taille de mise en forme.
Les branches
ayant des
défauts sont
les premières à
être corrigées
par la taille.
28 - EspritBonsaï ‘94’
Les branches inutiles ne peuvent
pas apporter d’amélioration à l’arbre,
même avec le temps qui passe.
De la même manière, on élimine
les branches qui se développent à
l’intérieur d’une courbe, celles sans
mouvement ou sans ramification
latérale.
Si nous travaillons trop hâtive-
ment, nous risquons de ne pas utili-
ser le meilleur de ce que l’arbre peut
nous offrir et donc de réduire son
potentiel. Il faut donc étudier atten-
tivement les branches qui pour-
ront faire partie du futur bonsaï.
Il est possible de laisser quelques
alternatives en conservant des
branches pouvant être utiles dans
le futur, même si au départ ces
branches ne sont pas agréables
pour la silhouette de l’arbre.
Une astuce pour contrôler la
santé de l’arbre est de s’assurer
qu’il a été rempoté depuis quelques
années et que les racines ont récu- Les branches
péré de la vigueur, tout en vérifiant en noir sont
celle des nouveaux bourgeons. à éliminer,
de même la
racine pivot.
La structure idéale est à
rechercher pour les branches.
 Les cahiers
du débutant

Le système racinaire
Quand on commence à mettre
les mains dans la structure aérienne
de l’arbre pour construire un bonsaï,
on doit déjà avoir étudié le système
racinaire et connaître les techniques
pour le modifier si besoin est. Le
système racinaire a une fonction de
base : il est directement connecté à
la partie aérienne, et donc au bien-
être de l’arbre. Il convient d’extraire
l’arbre du pot pour examiner avec
attention le pin racinaire, le réduire
et l’arranger pour le prochain rem-
potage. Quand les racines sont sor-
ties du pot, on se trouve face à des
racines occupant tout l’espace dis-
ponible et reproduisant, en formant Partie aérienne et racines sont
un unique bloc avec le substrat, la intimement liées et doivent être
forme du pot. en cohérence. On laisse un tire-
sève lors de la taille des racines,
Le moment de la formation de qui sera coupé plus tard.
l’arbre est opportun pour réduire le
système racinaire. En effet, l’équi-
libre entre la masse aérienne et le
système racinaire est essentiel  :
ils sont directement liés et com-
plémentaires. Une ramification
excessive, donc une grande quan-
tité de feuilles, entraîne une forte
évaporation de l’eau présente dans
les tissus de l’arbre. Si le système fisamment profond, on peut l’éli-
racinaire n’est pas assez vigoureux miner peu à peu. Dans un premier
pour réhydrater l’arbre, il se peut temps, elle peut être seulement
que l’arbre dépérisse, voire meure. raccourcie, juste sous le dessous
Au premier regard, lors de l’ex- de la couronne racinaire, ou bien
traction de l’arbre de son pot, le enserrée avec un fil de ligature. De
dessus du pin racinaire n’a pas les cette façon, ce travail peut être
caractéristiques intéressantes pour moins traumatisant pour l’arbre et
le futur pot à bonsaï. Il faut donc peut contribuer au grossissement
démêler les racines à l’aide d’une de la base. Dans le même temps,
baguette de bambou, tout en les l’arbre disposera d’un système raci-
libérant de leur terre d’origine. naire de surface bien plus dévelop- Sur ce pain racinaire de feuillu, on a coupé
les grosses racines au ras de la motte.
pé et fort.
La racine pivot Le pivot a pour fonction d’ancrer
Il existe quelques astuces pour l’arbre au sol. Il est la continuité du
faire grossir la base de l’arbre. L’une tronc et descend verticalement,
est de serrer fortement la base du plus ou moins en profondeur. Chez
tronc entre ses doigts, avec de certaines espèces d’arbres, cette
légers mouvements pour provo- racine centrale est particulière-
quer la rupture, et donc la réaction ment développée et forte. La pro-
des cellules du cambium. De ce fait, fondeur d’un pot à bonsaï ne per-
d’autres cellules naîtront pour sou- met pas de conserver cette racine,
der les tissus abîmés, causant un il est donc nécessaire de l’éliminer
grossissement de cette partie. le plus rapidement possible tout en
Si la racine pivot n’est pas trop apposant du mastic cicatrisant une
longue et que le contenant est suf- fois la coupe effectuée.  La motte, vue de dessus, a été taillée très court.

EspritBonsaï ‘94’ - 29
Pour bien
débuteer

Pour construire
un érable
de Buerger
Le printemps est propice pour La silhouette de cet érable de Buerger est à
créer. Pour redonner de la vigueur aux nouvelles
la construction de la forme pousses, rempoter dans un contenant plus grand
et traiter les problèmes importants. Deux cicatrices
d’un feuillu. De nombreuses de branches sacrifiées, situées vers la base du
tronc, ne sont pas complètement refermées.
techniques interviennent
pour cela : feuillage,
pincement, ligature. Exemple B
sur un érable de Buerger.
A

Auteur : Gilbert Labrid

C D

Au moment d’entrer dans la saison

estivale, les bonsaïs qui ont débourré très tôt comme
les érables commencent à ralentir leur croissance
avant les grosses chaleurs. C’est un bon moment pour
les interventions visant au maintien de la silhouette ou
pour développer une forme.
Les techniques les plus utiles pour les feuillus à cette
époque sont l’effeuillage, le pincement des pousses et
la pose de ligatures. Mais pour intervenir avec effica-
cité, la santé et la force de l’arbre sont indispensables.
Le véritable travail de construction est une suite d’in-
terventions qui débutent au printemps. Exemple sur 1 La tête de l’arbre, surtout la liaison A avec
un érable trident. le corps du tronc, est à surveiller étroitement.
La réduction brutale du tronc, prolongé par une
repousse dirigée vers le haut, ofre trop de contraste.
Un triangle à construire Laisser pousser la partie haute tout en contrôlant
Cet érable de Buerger (Acer buergerianum), cultivé les branches par la taille, et le pincement améliorera
en pleine terre, est en pot. La forme générale du tronc l’efet. Par contre, laisser croître la branche B située
est acquise et plusieurs branches essentielles sont en à la base, sans l’efeuiller pour ne pas l’afaiblir.
place. Le visuel futur de l’arbre s’inscrit dans un triangle La section C a besoin de s’allonger et de se
ramifier. La branche D, qui dessinera la pointe
irrégulier qui reste à construire.  basse du triangle, demande une croissance
régulière et une ramification fine.

30 - EspritBonsaï ‘94’
 2 Le printemps est là, les bourgeons s’ouvrent.
C’est le moment pour transplanter. Le volume du
nouveau pot permettra aux racines de puiser des
forces dans un substrat drainant : pierre ponce, 6 Après une année de croissance, les branches 10 Inutile d’attendre le prochain rempotage :
akadama et sable. Un apport d’engrais en fin
sont traitées : la tête est pincée régulièrement, après vérification de l’existence de racines
de printemps et à l’automne est programmé.
certaines branches s’allongent et se renforcent situées au-dessous, il faut couper.
avant un efeuillage partiel qui facilitera la
pose de ligatures. Les feuilles sont nettement
plus grandes sur les branches laissées libres.
L’efeuillage s’efectue en mai-juin selon la région,
et ne doit pas être fait sur un arbre faible.

11 Les deux racines supprimées laissent

3 Supprimer les longues racines et tous
paraître des racines parallèles à la surface
les pivots sous la base est essentiel. Pour et en train de se diviser. C’est avec ce type
améliorer l’étalement du nebari, il faut être d’ancrage que l’on peut former un beau
sévère et mesuré, car c’est un point important nebari, caractéristique des érables tridents.
de l’esthétique de l’érable de Buerger.
7 Le pincement répété des bourgeons est
absolument nécessaire pour les feuillus, pour
réduire les entre-nœuds et donner une structure
plus fine aux branches secondaires. Un contrôle
régulier des bourgeons est vital et permet de
supprimer très tôt toutes les sorties mal placées.

8 Cette zone
intermédiaire est
le point faible de
l‘architecture de
4 L’arbre est fixé l’arbre. La vitalité de
dans le pot après le la cime permet une
comblement des espaces fermeture rapide
vides entre les racines. de la coupe de 12 Le bout de racine en surplomb
La position du tronc transition. Le corps
doit rester en cohérence n’apporte rien à l’ensemble, d’autant moins
de la branche de
avec le mouvement des que les divisions plongent à la verticale.
tête doit doubler à
courbes et de la cime. La taille de ce moignon s’impose.
la base pour ofrir
une cohérence
avec le tronc.
5 Le sol est couvert
de sphaigne et l’arbre
placé à l’ombre pour
assurer la reprise. Le
contraste entre le tronc
épais et les branches
légères, surtout
celles de la base, doit
impérativement être
corrigé. La longueur et
la ramification d’une
branche dépendent de 13 Après avoir dégagé
sa position. Une branche 9 La couverture de sphaigne est superficiellement la base de
arrière n’a pas besoin enlevée en automne. L’ancrage apparaît l’ancrage, on constate que les
d’être aussi longue mieux réparti, mais deux racines racines s’orientent vers la surface,
qu’une branche d’appui. flottantes se distinguent à droite. dans la direction recherchée.

EspritBonsaï ‘94’ - 31
Les yeux
dans les arbres
Où les hommes
vivent avec les arbres
Dans les Alpes du Nord, les arbres
magniiques, laissés libres, apportent
chauffage et ombre aux hommes,
qui s’invitent et façonnent le paysage
dans une belle harmonie.
Auteur : Louis-Victor Bourdeau
L
es paysages de montagne évoquent en
général une nature sauvage, indomptée
et soumise à la rudesse d’un climat hostile.
Les arbres qu’on y trouve sont souvent torturés et
éprouvés, aux formes aussi sauvages que le cli-
mat qu’ils endurent. Mais il existe dans nos mon-
tagnes d’autres types de paysages, où l’homme et la
nature collaborent pour nous donner à observer des
décors, certes moins âpres ou spectaculaires, mais
plus apaisants et certainement moins austères.
Un chalet, des arbres
Dans les Alpes du Nord, à l’étage montagnard
(entre 1000 et 1800 mètres d’altitude), l’épicéa
règne en maître. Il pousse en forêts denses et
sombres qui ne laissent que peu de places aux
32 - EspritBonsaï ‘94’
Dans les Alpes, hommes
et arbres vivent en
harmonie. Autour des
chalets d’alpage, le décor
est immuable : ici le taillis,
les arbres d’agrément,
les pâturages, la forêt et
des pentes “inutilisables”.
Ce beau sujet, encore relativement jeune pour un érable,
illustre bien cet élan vers la lumière caractéristique,
avec pour toile de fond le massif du Mont Blanc.
autres espèces, offrant un paysage un peu mono-
tone. Depuis le Moyen Âge, les hommes ont entre-
pris de défricher les terrains les moins raides et
les mieux exposés pour y développer le pastora-
lisme. Ils y ont établi un type d’habitat temporaire et
créent un paysage plus ouvert et varié dans lequel
chaque élément a son utilité et où les arbres jouent
un rôle déterminant.
Ces paysages se décomposent en plusieurs
points :
- le chalet d’alpage est le point central de l’en-
semble, construit à partir de matériaux trouvés sur

Juste au moment de la fonte des neiges, un érable
sycomore bien âgé au port ample et puissant.
place. À sa proximité immédiate, de grands arbres
feuillus en port libre offrent une ombre bienfai-
sante en été et une protection des bâtiments en
cas de coup de vent. C’est là que l’on trouve sou-
vent quelques arbres remarquables ;
- des arbres fruitiers, si le climat le permet ;
- un taillis de frênes ou de bouleaux, pas trop
éloigné, qui fournit du bois de chauffe à profusion
sans avoir à abattre des arbres de grande taille ;
- des pâturages ouverts pour les animaux ;
- la forêt d’épicéas, tenue à distance et can-
tonnée aux pentes trop raides ou mal exposées.
C’est un paysage « fonctionnel », artificiel d’une
certaine manière, mais aussi très harmonieux et
subtilement façonné sur le long terme par des
générations de montagnards soucieuses de
conserver un équilibre entre les activités humaines
et une nature souvent rude.
Des arbres intacts
Pour l’amateur de beaux arbres, ces alpages
sont des lieux propices à la rencontre de magni-
fiques sujets. Prédominants, les feuillus présentent
l’avantage de laisser passer le soleil au printemps
et à l’automne, et d’offrir, en été, une ombre appré-
ciée par les hommes et les animaux. Ils sont pri-
vilégiés comme arbres dits d’agrément et laissés
entièrement libres. Ce sont bien sûr des essences
locales et spontanées, à grand développement,
poussant dans un contexte qui leur permet les
formes les plus spectaculaires.
Dans le nord des Alpes, on trouve très souvent
des frênes, ou encore des érables sycomores qui
sont les plus communs. L’arbre est rustique, puis-
sant, à la floraison assez discrète mais à l’écorce
remarquable. L’espèce est avide de lumière
comme le prouvent certains spécimens d’âge
Lesycomore
L’érable sycomore (Acer en ébénisterie et en menuiserie.
pseudoplatanus) est une espèce Comme la plupart des érables, cet
indigène typique d’Europe centrale arbre répond bien aux tailles, c’est-
et orientale, très rustique, que l’on à-dire qu’il a une bonne capacité
rencontre souvent en montagne à refermer les plaies dues aux
jusqu’à 1 800 m d’altitude. coupes. Cette aptitude, appelée la
Cette espèce de grande taille compartimentation, n’est autre qu’une
(jusqu’à 40 mètres de haut) peut réaction de défense (l’arbre isole les
vivre 500 ans. Ses feuilles, grandes parties vulnérables aux attaques
dimensions, ressemblent à celles de champignons). Ce mécanisme,
du figuier, caractéristique qui lui a observé et décrit par le biologiste
donné son nom (figuier se dit “sykon” américain Alex Shigo, a permis de
en grec). Sans être spectaculaire, mieux comprendre non seulement
sa floraison pendante donne des l’impact des tailles sur la santé des
grappes de fruits ailés, les samares, arbres, mais aussi les diférences
qui tombent par paire en tournoyant de réactions suivant les espèces.
comme les hélices d’un hélicoptère. Comme la plupart des arbres, l’érable
Sa très belle écorce, de couleur sycomore, même s’il possède une
rougeâtre à orange, forme de bonne capacité de compartimentation,
nombreuses écailles parfois assez restera toujours infiniment plus beau
larges. Fin et homogène, son bois et majestueux lorsqu’il sera laissé
libre de toute intervention humaine.
de bonne qualité est recherché
moyen avec leur forme en ogive caractéristique
de cet élan vers le soleil. Les vieux arbres, quant
à eux, adoptent un port plus étalé et imposant.
Une des caractéristiques communes de ces
arbres d’alpage est de n’avoir jamais connu de taille
malgré la proximité immédiate des humains. Je suis
même convaincu que le spectacle magnifique de
ces arbres intacts vaut largement, aux yeux, des
alpagistes leur utilité pratique. Voilà une preuve
qu’hommes et grands arbres peuvent vivre en har-
monie : si les hommes s’abstiennent de les muti-
ler inutilement pour des raisons fallacieuses, les
arbres ainsi traités ne représenteront alors aucun
risque d’aucune sorte, aucune nuisance, bien au
contraire. En récompense, ils nous feront profiter
L'hiver nous permet
d’une beauté tranquille et reposante. Un témoi- d'observer les détails
gnage que leur utilité n’est pas contradictoire avec de la ramification
leur beauté et leur liberté.  des arbres.
Shohin:
les petits bonsaïs

La face sera à déterminer.

Ce Pinus thunbergii
a perdu de sa
superbe. Un gros
travail s’impose,
surtout sur
les branches.
Hauteur : 25 cm.

Un vénérable pin
problématique
Vue de dessus.

Si ce pin de Thunberg, Pinus

Garder la belle forme d’un shohin demande
un travail constant. Ce pin de Thunberg,
délaissé par son ancien propriétaire,
montre des branches trop longues, sans
conicité. Il est grand temps d’intervenir.
Auteur : BonsaiTranslations
thunbergii (kuromatsu en japonais) montre
un tronc aux craquelures magnifiques,
dignes d’un arbre de son âge, 35 ans, il n’est
malheureusement plus le trésor qu’il était.
Certains éléments déterminent la valeur d’un
arbre : l’âge, la maturité de l’écorce, la forme
de l’arbre, sa vigueur, la variété du feuillage. Le
manque de soin peut très vite faire perdre de
la valeur à un arbre ainsi que, le cas échéant,
sa qualité de shohin, qui s’appuie sur un tronc
et une base puissante avec une seule branche

34 - EspritBonsaï ‘ 94’

La belle écorce témoigne de la maturité de ce pin.
Un gros tronc
Chez un shohin, seul le tronc doit
avoir une belle épaisseur, non les
branches. Les proportions de l’arbre
doivent être parfaites pour pouvoir
donner une illusion de grosseur.
principale et une cime. C’est le cas de ce
pin : la face est cachée par le feuillage dont
la répartition semble déséquilibrée. L’arbre a
perdu sa forme triangulaire. Mais le plus gros
problème se trouve au niveau des branches.
En regardant l’arbre par le dessus, on voit
que les branches sont bien trop longues. Le
grand défi pour un shohin est de conserver
des branches courtes et légères, car il est
primordial que seul le tronc soit épais.
Un problème de conicité
L’intervention débute par un nettoyage de
l’arbre. Les ligatures sont très grossières par
endroits. Pour les pins, lorsque le fil entre
dans l’écorce, il convient de le laisser en place
et de couper alentour le plus possible pour
éviter de couper la branche par accident.
Il est très important de bien comprendre
le problème de cet arbre. L’explication
se trouve dans les branches, qui
montrent un manque de conicité.
Lorsqu’on crée un shohin, il faut d’abord épaissir
le tronc le plus possible. Durant cette étape, on
Les fils de ligature sont entrelacés Le fil entre dans la branche par endroits.
de façon désordonnée.
Les pointes jaunes
sont le signe que le
propriétaire précédent
a coupé les aiguilles
trop longues. Pour
éviter ce jaunissement,
il aurait dû arroser ces
aiguilles fréquemment
après le travail
coupe constamment les branches épaisses
pour les remplacer par des branches parallèles
plus fines. Mais au bout d’un certain temps, il ne
sortira plus de nouvelles branches à la base du
tronc. C’est un moment critique dans la création
de l’arbre, et c’est un point de non-retour : la
position des branches est définitive. 
La base de la branche est trop épaisse par Par contre, cette branche n’a pas de
rapport à celle du tronc. Cela signifie que conicité : c’est problématique. La règle
la branche est très vieille et qu’elle a été de couper les branches épaisses et de
positionnée très tôt. La branche montre laisser les fines n’a pas été suivie au
une belle conicité : c’est excellent. cours de la création de cette branche.
EspritBonsaï ‘ 94’ - 35
 Shohin:
les petits bonsaïs
Déterminer la face avant
Tout travail débute par la détermination de la
face avant. Aucune branche ne doit pointer
vers l’observateur. Il faut aussi montrer le
“ventre” de l’arbre. Le charme de cet arbre
réside dans son écorce rugueuse. Il est
important de mettre en valeur les atouts
du bonsaï et d’en cacher les défauts.
B La face avant est sélectionnée. Il s’agit de montrer la base du tronc.
Raccourcir les branches
Les branches sont bien trop longues.
Sans intervention, elles seront
inutilisables dans quelques années.
L’arbre en est presque à ce stade.
On a deux options : couper ou plier. On
peut couper une longue branche lorsqu’elle
porte du feuillage en amont de la coupe.
Sinon, il faut tricher – ce qui n’est pas
souhaitable – et replier la branche sur elle-
même. Si l’on ne rabat pas les branches
1 En commençant par les branches du bas,
on raccourcira progressivement les branches.
36 - EspritBonsaï ‘ 94’
A Cette face
montre une
branche vers
l’avant et sera
donc la face
arrière.
C Quelques branches sont coupées.
régulièrement, on ne pourra pas obtenir de
conicité. Donc les coupes sont à favoriser.
Une des parties les plus intéressantes du bonsaï
est l’analyse avant de couper. Ses branches
peuvent avoir pris des dizaines d’années pour
grossir, il ne faut donc pas les tailler sans réfléchir.
2 Le but étant de raccourcir les branches, on pourrait 3 Bien couper au ras de la
simplement couper sur le trait bleu. branche, ainsi, celle-ci pourra
La branche en vert est trop droite et sans conicité. cicatriser plus facilement.
La branche en rose semble avoir été coupée à la base, et montre Appliquer un cicatrisant afin
une belle conicité. Elle a dû être pliée sur elle-même par le passé. que la branche ne s’assèche
On pourrait couper sur le trait rouge, mais on perdrait des pas. Ces liquides contiennent
dizaines d’années de travail sur la conicité de cette branche. des hormones de croissance
On coupe sur la ligne jaune afin de donner plus qui stimuleront la formation
de lumière et d’énergie aux branches. d’un bourgeon.
A Les aiguilles sont plus vigoureuses B Il faut couper court pour que le C Les branches longues
aux extrémités des branches. bourgeon proche prenne de la vigueur. ont été raccourcies.

E L’arbre
est prêt pour
D Une petite la ligature.
branche morte
présente des
aiguilles brunes :
ces aiguilles
mortes attirant les
puces de pins, il
faut les enlever
rapidement.

Équilibrer la vigueur
Les aiguilles les plus fortes sont aux extrémités
des branches, car les hormones de croissance
se trouvent dans ces terminaisons. En
coupant ces aiguilles fortes, les hormones
de croissance descendront vers le bourgeon
suivant. Il peut être utile de noter la position des
futurs bourgeons lors de ce travail. Sur ce pin,
il n’y avait pas de bourgeons aux extrémités,
ce qui peut être dû à une mauvaise taille des
bourgeons en fin d’été. Les nouvelles pousses
n’avaient probablement pas été coupées
assez courtes. Il faut couper profondément à
l’intérieur des nouvelles aiguilles. Quoi qu’il en
soit, il n’y aurait sûrement pas eu de nouveau
bourgeons à cet endroit de toute façon. 

EspritBonsaï ‘ 94’ - 37
 Shohin:
les petits bonsaïs

Le temps des ligatures

On utilise ici des fils de cuivre non traités pour les
ligatures. On ancre bien le fil aux intersections et
on ligature toujours deux branches ensemble.
Les branches du sommet n’étant pas sorties
du triangle isocèle, il reste à les ligaturer et
les placer. Durant la phase de construction
du tronc d’un shohin, il faut constamment
changer le sommet afin de créer un sommet en
pointe. Lorsque l’arbre vieillit, comme celui-ci,
il devient plus difficile de changer le sommet
afin de garder la forme triangulaire de l’arbre.

Le sommet doit être placé pour qu’il

s’intègre dans le triangle isocèle de l’arbre.

Ce feuillage est faible et le bourgeon à protéger. Afin

d’éviter l’assèchement du bourgeon, on laisse un peu
de bois excédentaire en bout de branche, que l’on
coupera lorsque le bourgeon sera bien vigoureux.
Lefildeligature
Quel fil de ligature utiliser : aluminium ou cuivre ? Une
règle de base est d’utiliser du fil de cuivre pour les pins et
les genévriers et de l’aluminium pour les arbres à feuilles
caduques. L’aluminium est plus facile à utiliser, car plus
malléable : il est donc parfait pour les branches fragiles.
Le cuivre est plus dificile à plier, mais tiendra bien
mieux la forme.
On opte ici pour le cuivre, car le fil restera sur l’arbre pendant
deux ou trois ans. Le fil de cuivre est non traité ici, pour
sa couleur brun pâle, plus facile à voir. En cas de doute
sur le diamètre du fil à utiliser, on opte pour un fil un peu
plus épais. Le fil de cuivre étant plus dur, on peut travailler
avec un fil plus mince que son équivalent d’aluminium.

Il existe beaucoup
de couleurs et
d’épaisseur de
fil de ligature.
À gauche, un fil
d’aluminium noir,
L’écart entre les branches étant trop grand, on utilise à droite un fil de
un gros fil pour rapprocher les deux branches. Nous cuivre non traité.
les fixerons avec un fil de ligature plus tard.

38 - EspritBonsaï ‘ 94’
 Ne pas perdre la tête
Les bonsaïs shohin ont une hauteur
maximale bien définie. Il faut donc
constamment rabaisser le sommet pour
garder la hauteur de l’arbre. Si l’arbre
tombe dans la catégorie ‘Kifu Kazari’, sa
valeur diminuera beaucoup. Le bonsaï
shohin est un constant combat pour
que l’arbre reste petit, très petit.

Face avant.
Ce petit
pin de
Thunberg a
retrouvé un
peu de son
élégance.
Hauteur :
23cm.

Diriger les aiguilles vers le haut. Les nouvelles

chandelles chercheront la verticale, peu
importe la direction des vieilles aiguilles.

La direction des aiguilles

Imprimer une bonne direction au feuillage
peut sembler évident, mais est oublié par
nombre de débutants. Le feuillage d’un pin
poussant verticalement, il est très important
de s’assurer que les aiguilles pointent toutes
vers le haut à la fin de la mise en forme. Si
les aiguilles pointent vers le bas, il est plus
probable qu’elles perdront leur vigueur.
Apprendre de nos erreurs est une bonne
chose. Apprendre des erreurs des
autres, c’est mieux pour nos bonsaïs !
Ne laissez pas les branches s’allonger : le
bonsaï shohin est constitué d’un tronc Face
épais et de branches délicates !  arrière.
Shohin:
les petits bonsaïs
Première mise
en forme d’une satsuki
La mise en forme d’un matériau brut
peut être un peu déroutante avec
toutes les branches qu’une satsuki
comporte. Janine Droste, experte
des azalées japonaises, nous montre,
sur une variété ‘Koharu’, à quel point
l’exercice est facile.
Auteur : Janine Droste
40 - EspritBonsaï ‘94’
Du fait de sa vigueur, cette satsuki ‘Koharu’ brute peut
être taillée et mise en forme juste après sa floraison
pour en faire un bonsaï shohin. Hauteur : 14,5 cm.
Cette satsuki ‘Koharu’ ache-
tée il y a quelques années est un très joli maté-
riau de base pour un shohin. L’arbre est prêt
pour sa première mise en forme. Il provient du
Japon et a poussé un certain nombre d’années
en plein champ. Les fleurs de la satsuki ‘Koharu’
sont blanches avec des rayures roses. Les pétales
sont arrondis et se chevauchent étroitement. Les
marges des fleurs sont lisses.
La satsuki, de son nom scientifique Rhododen-
dron indicum, est l’un des types de bonsaïs les
plus populaires cultivés au Japon. Particulièrement
dans la région de Kanuma, une ville au nord de
Tokyo. La fascination pour les satsuki est direc-
tement liée à l’immense variété de couleurs, de
formes et de tailles des fleurs. Pendant la floraison,
l’arbre est entièrement recouvert de fleurs de sorte
que l’on ne voit plus ni branche ni feuille.

1 Supprimer les fleurs fanées
avec leurs ovaires.
Du champ au pot
Après le prélèvement d’une
satsuki de pleine terre au Japon,
on taille minutieusement le pain
racinaire. Puis on le rince avec un
filet d’eau pour enlever toute la
terre meuble d’entre les racines.
En efet, mélanger de la kanuma
(substrat utilisé pour les satsuki)
avec d’autres substrats peut
2 Tailler derrière la fleur et
entraîner la pourriture des racines.
supprimer toutes les fleurs ainsi.
Par conséquent, l’ancienne terre
doit d’abord être entièrement
enlevée. On coupe les racines
indésirables et on rempote l’arbre
dans un pot de culture dans de
la kanuma tamisée. L’arbre est
alors prêt pour l’exportation.

3 Raccourcir et tailler les branches. 4 Petit à petit, la ramification se précise.

5 On supprime les pousses 6 Même les pousses sur le tronc sont supprimées.
s’orientant vers le haut ou le bas. Le tronc est nettoyé.
Après la floraison
Le travail de taille et de mise en forme se fait
généralement à partir du milieu de l’hiver jusqu’au
début du printemps inclus. La satsuki dispose alors
de suffisamment de temps pour développer de
nouvelles pousses d’une certaine épaisseur et
d’une certaine longueur.
Il peut s’effectuer aussi dès la fin de la floraison,
comme dans le cas présent, mais uniquement sur
des arbres forts et vigoureux comme celui-ci. On
taille immédiatement après la floraison : avec une
taille trop tardive, les bourgeons de fleur ne pour-
ront pas se développer durant les mois de juillet et
août. Et il n’y aura pas de fleurs l’année suivante.
Un matériau de départ comme celui-ci se taille
deux fois par an, pour la croissance et après la
floraison (fin mai ou début juin).
7 La structure des branches apparaît. On définit
la face avant : celle où la position des racines
superficielles et la forme du tronc sont les
meilleures. Le sommet penche légèrement vers
l’avant. L’arbre salue, pour ainsi dire, l’observateur.
Pendant la phase de mise en forme d’une sat-
suki, les fleurs ne sont pas importantes. L’attention
doit se concentrer entièrement sur l’obtention de
la forme souhaitée. Les fleurs demandent à l’arbre
beaucoup d’énergie, qui peut être utilisée pour
« Les fleurs
obtenir une silhouette dense. On profitera plus demandent
tard de l’abondance des fleurs.
à l’arbre
Les branches inutiles énormément
Il est temps de procéder à la mise en forme.
Quand 80 % des fleurs sont ouvertes, on les sup- d’énergie. »
prime toutes, de même les bourgeons de fleurs qui
ne sont pas encore ouverts. On enlève les fleurs
avec leurs ovaires, qui ne doivent pas commencer
à se développer, car cela demanderait trop d’éner-
gie à l’arbre et risquerait de l’affaiblir. 

EspritBonsaï ‘94’ - 41
 Shohin:
les petits bonsaïs

9 Le nebari, face avant.

8 Face arrière.

10 Le nebari, face arrière.

11 Nettoyer autour des racines afin

de faire apparaître les plus épaisses.

12 Ameublir la
terre entre les
racines
superficielles est
vital, car l’eau
doit pouvoir
atteindre le
cœur de la
motte racinaire.

 On commence par tailler les branches

mortes et inutiles et par nettoyer le tronc à l’aide
d’une brosse.
Les satsuki réagissent très bien à la taille et font
très rapidement de nouvelles pousses. On sup-
prime les rameaux et les branches poussant vers le
haut ou vers le bas, tout comme ceux sur le tronc
ou à l’aisselle des branches. Petit à petit, la struc- 12 La satsuki après les premières tailles.
ture des branches devient plus visible.

42 - EspritBonsaï ‘94’
Faire entrer la lumière
Aucune feuille n’est laissée sur l’arbre. Les
extrémités des branches sont supprimées et on
laisse les branches nues. L’arbre étant sain avec
des racines saines, il se rétablira rapidement et
prendra même de la vigueur, car les nouvelles
pousses seront plus jeunes et plus vigoureuses
que les anciennes.
On crée des espaces vides entre les branches, A Les branches plus épaisses sont taillées ou supprimées à l’aide de pinces concaves.
en s’assurant qu’une quantité suffisante de lumière
peut atteindre la partie interne de l’arbre pour évi-
ter la mort de certaines branches par manque de
lumière. 

B Les branches, petites ou pas, se dirigeant C Janine taille toutes les branches D Petit à petit, la ramification se précise.
vers le haut ou le bas sont supprimées. qui gâchent la silhouette.

E Cette branche est trop longue : F La silhouette est bien plus jolie maintenant : mais il reste
inesthétique, elle doit être raccourcie. un bon nombre de branches à supprimer ou à tailler.

EspritBonsaï ‘94’ - 43
 Shohin:
les petits bonsaïs

Travail sur la cime

G La branche inférieure
mourra probablement par
manque de lumière à
cause de la branche située
juste au-dessus.
La face avant de l’arbre est déterminée par la
position des racines superficielles, les branches
principales et la forme du tronc.
On étudie l’arbre minutieusement et on sélec-
tionne les branches principales. On supprime
les branches indésirables, et on raccourcit les
branches importantes pour la forme de l’arbre.
On taille court les petites branches pour permettre
le développement de nouvelles pousses.
La cime est éclaircie en veillant à laisser suffi-
samment de pousses et de petites branches. La
croissance est plus faible au sommet qu’à la base,
partie la plus vigoureuse de l’arbre.

H Supprimer la branche inférieure.

La cime de l’arbre doit à nouveau être éclaircie afin

que les nouvelles pousses puissent se développer.

I Créer des espaces vides entre les branches et

assurez-vous qu'une quantité de lumière sufisante
peut atteindre l’intérieur de l'arbre.

Conserver assez de pousses et de petites branches.

44 - EspritBonsaï ‘94’
Traitez les blessures
On applique un mastic de cicatrisation sur les
plaies d’une taille de 0,5 à 1 cm de large, pour pré-
venir la déshydratation et offrir une protection
contre les insectes et les maladies. Ce mastic
empêche le retrait de la sève. Une fine couche
d’onguent assure le développement du cal de cica-
trisation sur la plaie. Les plaies plus importantes
sont recouvertes d’un onguent souple plus épais.
Les petites plaies sont recouvertes d’un liquide
de cicatrisation pour satsuki (par exemple de la 1 Traiter
marque Yogozai). les plaies.
Vaporisez régulièrement l’arbre après les tra-
vaux.
L’ensemble du processus de sélection, de taille,
d’éclaircissement et de ligature doit être répété
2 Afin d’améliorer
pendant quelques années pour obtenir les meil-
leurs résultats. la cicatrisation, la
surface rugueuse
On savourera l’abondance des fleurs quelques est lissée et
années plus tard.  nettoyée avec
un ciseau.

3 Les plaies sont recouvertes 4 Face arrière

d’un onguent de cicatrisation. après le travail.

Pour ligaturer
La pose de ligature se fait de préférence
en mars, octobre et novembre. Avant de
commencer à ligaturer, on place l’arbre à
l’ombre pendant trois jours et on diminue
l’arrosage pour la flexibilité des branches.

5 La première phase de la mise

en forme initiale est terminée.
Hauteur : 10 cm.

6 Un an plus tard. L’arbre a développé

Pour un meilleur contrôle de la
de nouvelles pousses un peu partout. technique, on utilise la pince du jin pour
On les laisse pousser un peu, puis on saisir une partie du fil, puis on plie.
ligature si nécessaire.

EspritBonsaï ‘94’ - 45
À voir
en détail

Sans l’ombre, la
lumière n’est pas.
Dans la lumière crue
des projecteurs, le
bonsaï apparaît sans
mystère. L’ombre fait
voir l’invisible, suggère,
transforme. Ombre et
lumière donnent au
bonsaï sa dimension
artistique.

Auteur : Peter Warren

Ombre et lumière
dans le bonsaï
Le bonsaï est, sans aucun doute,
une forme d’art, en dépit de ce que peuvent penser
bon nombre de gens qui, ne faisant pas partie de
la communauté bonsaï, ne connaissent pas bien
cette pratique. En laissant de côté l’aspect horti-
cole, les éléments de design, qui apparaissent aussi
dans d’autres formes d’art plus facilement recon-
nues, jouent un rôle essentiel dans la création et la
présentation des bonsaïs. Beaucoup sont faciles à
quantifier : ligne et forme par exemple.
Prenons la ligne du tronc : sur n’importe quel
arbre, on peut tracer la ligne partant des racines,
le long des branches et dans les plateaux de végé-
tation. Ces lignes et plateaux créent la forme tri-
dimensionnelle du bonsaï. La force de ces lignes,
le poids des plateaux et leur façon d’interagir avec
l’espace vide dans la forme influencent le mouve-
ment, l’équilibre et l’harmonie du projet.
Ces concepts sont assez faciles à comprendre,
à mettre en pratique et à apprécier. Toutefois,
certains tendent à devenir plus abstraits pour le
bonsaï.
Dans l’esthétique japonaise
Comme beaucoup d’arts et métiers tradition-
nels japonais, le bonsaï n’est pas fondamentale-
ment à décomposer ou à réfléchir  ; on devrait
plutôt l’appréhender avec nos sens et notre sub-
conscient et non avec notre intellect. En réussis-
sant à désactiver notre esprit conscient, nous nous
ouvrons aux aspects plus subtils tels que la texture,
la couleur et la valeur. Texture et couleur sont évi-
dentes pour tous, mais le concept de valeur se
réfère aux zones d’ombre et de lumière, ce qui
est d’une importance incroyable dans la création
d’une atmosphère à laquelle on peut se connecter
à un niveau allant au-delà de la simple attraction
de la forme.

46 - EspritBonsaï ‘94’
 « Nous sommes si engourdis de nos jours par les lumières
électriques, que nous sommes devenus complètement
insensibles aux maux d’un éclairage excessif. »
Couleurs
subtiles et
textures,
calme et
tranquilité.
L’ombre et la lumière sont partie intégrante de
l’esthétique japonaise dans d’autres domaines, et
pour en comprendre l’importance dans le respect
de la pratique traditionnelle du bonsaï, la connais-
sance de l’architecture, de la cérémonie du thé, de
la céramique et de la peinture aide.
La lecture de l’essai Éloge de l’ombre, écrit en
1933 par Junichiro Tanizaki, est essentielle pour
apprécier l’importance de la lumière et de l’ombre
d’un point de vue japonais. S’il s’agit en partie des
lamentations d’un vieux traditionaliste, inquiet
face à l’invasion de la vie moderne et de la culture
occidentale, c’est aussi un hymne à la beauté de
l’ombre.
Un manque de mystère
Traiter de l’ombre et de la lumière dans le bon-
saï est difficile à saisir au quotidien, car d’un point
de vue horticole, les arbres fuient l’ombre pour la
lumière. Le phototropisme, réponse à une source
de lumière constante, s’observe dans la nature
ainsi que chez nos bonsaïs. Les bonsaikas expéri-
mentés savent que les branches à l’ombre pous-
seront moins vigoureusement que celles à la cime
et sur les bords extérieurs des branches où arrive
la lumière directe du soleil.
« … même si nous savons
parfaitement que c’est
seulement une ombre, nous
sommes submergés par
le sentiment que dans ce
petit coin de l’atmosphère
règne un silence complet
et total ; qu’ici, dans les
ténèbres, règne la tranquillité
immuable. »
Éloge de l’ombre,
Junichiro Tanizaki
Une grande partie du design moderne du bon-
saï au Japon et en Occident – et par moderne,
j’entends celui des années 1970 à nos jours –, se
base sur l’exposition, dans des salles éclairées par
des lampes fluorescentes, d’arbres travaillés lors
d’ateliers également éclairés par des lampes fluo-
rescentes, ce qui au final donne des arbres lisses et
raffinés, superficiellement beaux, mais manquant
cruellement de mystère et d’atmosphère.
Du point de vue de la conception, comment
pouvons-nous considérer les effets de l’ombre et
de la lumière dans notre création ? En observant
des conifères plus puissants et plus grands, nous
voyons des cimes massives arrondies, avec des
plateaux denses parfaitement sculptés, couvrant
de grandes parties du tronc. Dans de nombreux
cas, nous sommes incapables de voir dans ou à
travers l’arbre, ou de détecter des variations de En levant les yeux à travers
le feuillage d’un pin géant
texture au sein des plateaux homogènes.
de la côte adriatique, on est
captivé par les textures et les
Capturer la lumière attraits toujours changeants,
Le mot japonais “komorebi”, difficile à traduire comme le mouvement des
littéralement, décrit comment la lumière du soleil branches dans le vent. Au sol,
nous sommes baignés dans
«fuit», comme l’eau, à travers les arbres. En mar-
le komorebi : la danse des
chant dans une forêt, on observe souvent une taches lumineuses filtrées.
lumière mystérieuse et indescriptible filtrant à tra-
vers la canopée, ou lorsqu’on lève la tête sous un
arbre solitaire, on peut voir la beauté de la lumière
qui danse et sort du feuillage, tandis que les ombres
vont et viennent à travers les feuilles.
Reproduire ce phénomène dans un bonsaï est
difficile, mais il faut essayer de développer de 
Pendant un
instant dans
la journée, le
soleil était à la
bonne hauteur,
illuminant
le fruit et
accentuant la
ligne du tronc.
 À voir
en détail

 petits espaces dans et entre les plateaux du

feuillage, particulièrement à la cime, pour qu’une
petite quantité de lumière puisse pénétrer à l’intérieur,
plus pour des considérations esthétiques qu’horti-
coles. Créer des « nuages dans les nuages », où les
plateaux ne sont pas des parts homogènes, mais
des blocs de feuillage s’unissant pour former une
grande masse créant des contours et des textures
qui captureront la lumière de différentes façons, et
imprimeront grandeur et maturité à l’arbre.
Ce concept est très difficile à appréhender et
encore plus ardu à mettre en pratique. Créer uni-
formité et homogénéité est bien plus simple.
Un manque de connexion
La tendance, sur le genévrier, est aux veines
vivantes bien lissées et au bois mort dur blanchi,
créant une texture uniforme et homogène avec
peu de variations. Le contraste attire vite et facile-
ment le regard dans l’environnement bondé d’une
exposition très fréquentée, sous des lampes élec-
triques ou diffusée sur les réseaux sociaux ; il aura
bien moins d’effet dans un lieu moins animé et
sous un éclairage plus subtil. Une beauté super-
ficielle, très lisse, crée très peu d’atmosphère et
génère donc, à long terme, un manque d’intérêt et
de connexion entre l’objet et l’observateur.
On voit le travail investi pour arriver au résultat,
mais au final, peu de choses retiennent l’intérêt.
« Au début, le kabuki semblera sans aucun doute
le plus érotique et beau visuellement, mais quoi
qu’elles fussent par le passé, les couleurs criardes
kabuki s’approchent, sous l’éclat des lampes occi-
dentales, d’une vulgarité dont on se lasse vite. »
Un espace chez soi
La présentation est-elle la clé pour déverrouiller
la beauté de l’ombre dans le bonsaï en tant que
forme d’art ? Voilà matière à réfléchir pour les orga-
nisateurs d’expositions à travers le monde, mais
avant que les exposants soient disposés à contri-
buer financièrement aux expositions, le modèle
actuel de tables disposées dans une grande salle
de sport à l’éclairage plutôt violent, ou autre, pré-
vaudra, et se diriger vers une forme plus intime
sera impossible.
Cependant, la présentation et l’appréciation du
bonsaï ne doivent pas se limiter à des expositions
d’envergure. J’invite chacun à envisager la création
d’un espace pour apprécier son bonsaï chez lui,
dans le jardin ou à l’intérieur, et dans cet espace, à
réfléchir au besoin d’une lumière naturelle diffuse
variant au fil des jours et des ans.
Au Japon, le bonsaï ne s’expose en intérieur
que depuis une période assez courte, depuis la
moitié de l’ère Meiji, à la fin du XIXe siècle. Une fois
Les ombres
sont ici
une part
intrinsèque de
la présentation,
comme des
objets eux-
mêmes.
l’arbre placé dans un tokonoma baigné de lumière
naturelle tamisée, son caractère change et devient
autre, avec des variations subtiles tout au long du
jour et des saisons. L’espace ombragé autour de
l’arbre prend vie, donnant à voir plus que ce que l’on
peut voir, le tout dans une atmosphère onirique.
Un tel espace nécessite une vision contemplative
prolongée et non un simple passage.
Dans une présentation occidentale moderne,
il n’est pas besoin d’un espace de style japonais,
un mur blanc et une lumière naturelle indirecte
permettant d’obtenir les mêmes effets.
Vers une relation intime
Parmi les expositions de grande envergure au
Japon et en Occident, la seule exposition occi-
dentale à avoir exploité profondément l’ombre
et la lumière est The Artisans Cup, en septembre
2015 à Portland (Oregon), aux États-Unis. Fruit de la
collaboration entre un cabinet d’architectes primé
et Ryan Neil, les résultats ont été exceptionnels,
tirant même les larmes à certains visiteurs décou-
Présentation d’automne
vrant le bonsaï.
typique. La lumière
Placé dans une pièce sombre, chaque arbre filtrée emplit la pièce
bénéficiait d’un éclairage individuel étudié pour que d’une lueur chaude,
lumière et ombre interagissent et modifier l’atmos- avec les fruits pour
point d’orgue.

48 - EspritBonsaï ‘94’

phère de la composition. L’ombre et la lumière ne
peuvent pas changer la forme d’un arbre, mais leur
influence sur l’atmosphère créée est capitale, car
elle modifie notre réponse émotionnelle individuelle
à la pièce en tant qu’œuvre d’art, et non comme
construction technique ou merveille horticole.
En raison de la réflexion artistique sur l’impor-
tance de la lumière, de l’ombre et de l’espace, The
Artisans Cup a reçu le prix AIA Merit de l'American
Institute of Architects, qui a ainsi reconnu les
efforts déployés pour transporter le visiteur dans
un monde unique, et le placer dans une relation
intime avec ces œuvres d’art exceptionnelles.
Une présentation japonaise contemporaine à
la Kokufu-ten, exposition nationale, implique des
projecteurs placés au-dessus des arbres, mais
peu, voire aucune considération n’est accordée à
la position ou l’angle de cet éclairage, et les effets
obtenus sont aléatoires. Parfois, un professionnel
modifie l’éclairage au-dessus de son arbre, lui don-
nant une allure remarquable.
Aucun des résultats obtenus avec un éclairage
artificiel ne peut égaler l’atmosphère créée par
la lumière naturelle tombant sur l’architecture
japonaise traditionnelle. Les expositions de Gen-
koukai organisées par M. Seiji Morimae, au temple
secondaire Hoshu’in du Daitokuji, à Kyoto, sont
sans aucun doute le plus bel exemple moderne de
prise en considération de telles conditions, mais
même là, une journée ensoleillée peut gâcher la
Dans cette présentation
un peu sombre, le tronc
est délibérément gardé
dans l’ombre, pour mettre
en valeur les couleurs du
feuillage, jetant un superbe
motif sur le dessus de
la table. La touche de la
lumière directe filtrant sur
le bord du pot fait de cette
présentation de l’Artisan
Cup un travail artistique
d’une beauté sublime.
Prunus à la floraison
précoce présenté à la
Genkoukai, dans un temple
sensation d’une exposition de de Kyoto. La lumière
novembre tentant de baigner directe éclaire les branches
le visiteur dans une impression basses, soulignant les
de l’hiver imminent. fleurs, tandis que la partie
haute est dans l’ombre.
Une réponse
émotionnelle
Il n’est pas question ici d’une
injonction à copier les Japonais
et leur appréciation des ombres
ou leur approche du bonsaï,
mais plutôt une suggestion à
faire ressortir l’importance du
caractère et de l’atmosphère,
et non juste la forme. De tels
concepts sont intrinsèques au
bonsaï en tant que forme d’art et sont, à bien des
égards, indépendants de sa forme, qu’il s’agisse des
styles naturels postmodernes représentatifs du
paysage américain conçus dans le Pacifique Nord
Ouest, de l’école de pensée promue par Walter Pall
ou des arbres très lisses et stylisés de beaucoup
de célèbres artistes internationaux.
Tous ces styles contrastés ont pour objectif, au
fond, d’obtenir une réponse émotionnelle chez
l’observateur, réponse qui peut facilement être
favorisée/stimulée par une juste appréciation du
pouvoir de l’ombre. 
Un mauvais exemple d’éclairage
Exemple d’un éclairage soigné à la Kokufu-ten. La à la Kokufu-ten. Les ombres de
lumière directe en bas, sur la droite, brille à travers le la structure d’éclairage occupent
feuillage, éclairant la texture du tronc. Les ombres jetées l’espace et l’éclairage sur l’arbre
de l’arbre le font paraître plus grand et puissant. le montre sombre et inquiétant.
EspritBonsaï ‘94’ - 49
À voir
en détail

Un engrais doit être adapté au bonsaï : azote, phosphore ou Substrat de bonsaï d’un an. Débris de végétaux et humus se sont déjà
potassium, mais aussi oligo-éléments, humus ou encore micro- accumulés. Attention, s’ils sont très bons pour la vie microbienne du
organismes sont indispensables à la vie des plantes. Une boulette substrat, ils colmatent et nuisent au drainage. Il est donc impératif
d’engrais sur substrat neuf, deux semaines après un rempotage. de rempoter ses plantes, ni trop souvent, ni trop rarement.

Ce que contiennent
les engrais organiques
Eléments primordiaux pour la croissance
des bonsaïs, les engrais organiques sont
d’une composition à étudier. L’humus en
est un composé majeur.
Auteur : Jérôme Hay
La fabrication d’engrais
demande une connaissance des éléments à uti-
liser. De là on peut créer des recettes qui per-
mettent de répondre aux besoins des végétaux.
C’est en connaissant ces deux paramètres que
l’on peut créer des engrais adaptés.
Les engrais organiques sont composés de
matières de plusieurs provenances. Penser que
ces composés sont produits exclusivement pour la
fabrication d’engrais est se tromper : issus de sous-
produits, ils sont souvent un moyen de recycler
des matières inutiles dans l’alimentation animale
ou humaine. L’analyse de ses différentes matières
révèle des teneurs en éléments distincts ou en
mélange.
Un besoin dans l’un des trois éléments primaires
(azote, phosphore ou potassium) peut être satis-
fait par un mélange de matières premières dont
on connaît les taux, mais aussi les pics de diffusion
et la longévité.
Trois groupes
Les composés des engrais ont deux origines :
animale ou végétale, ces derniers fournissant avant
tout de l’humus, mais également du calcium, des
oligo-éléments et de l’azote, à diffusion plutôt
lente.
Ces composés peuvent être classés dans trois
groupes.
1 LES EXCRÉMENTS D’ANIMAUX
Composés : fumier de bovin ou de mouton,
fiente d’oiseaux ou de chauves-souris (guano), etc.
Avantages : leur rapidité d’action, ils développent
leurs éléments très vite et ameublissent le subs-
trat. Ce sont de bons supports pour les bactéries
nécrophages, responsables de la décomposition
des éléments. Leur faible coût.
Inconvénients  : ils sont sous forme d’azote
(acide urique) pour la plupart, peuvent brûler les
racines comme un engrais chimique, émettent une
forte odeur et sont suspectés de transmettre des
maladies aux plantes et utilisateurs (exemple de la
maladie de Creutzfeldt-Jakob).
Coût : -
Ratio avantages/inconvénients : +

50 - EspritBonsaï ‘94’
À côté des micro-organismes, de nombreuses espèces
animales jouent des rôles très importants. Les vers
de terre se nourrissent de matières organiques,
permettant une première décomposition mécanique.
2 LES DÉCHETS AGROALIMENTAIRES
Composés : sang séché, corne broyée, farine de
plume, soie de porc, os, coques de cacao, vinasse
de betteraves, moût de fruits, et tous autres pro-
duits non utilisés dans l’alimentation animale.
Recycler ces déchets en engrais est une bonne
valorisation. Chaque élément présente des pro-
priétés particulières et les mélanger permet de
créer des engrais plus pertinents.
Avantages : ils se diffusent dans la durée et sont
plus malléables dans leur composition NPK. Excel-
lents supports pour les bactéries nécrophages,
mais aussi ouverts à d’autres flores microbiennes.
Inconvénients : malheureusement, ils diffusent
une odeur désagréable, sont contaminés par des
produits annexes pouvant nuire à la plante (sels,
corps gras, etc.) et sont eux aussi suspectés de
transmettre des maladies.
Coût : +
Ratio avantages/inconvénients : ++
Corne finement broyée. Déchet de l’agroalimentaire,
elle apporte essentiellement de l’azote à
libération très lente, mais pas d’humus.
Le sang desséché apporte principalement
de l’azote à libération rapide, mais comme
toutes matières animales, pas d’humus.
3 LES PRODUITS DE L’ALIMENTATION
Composés  : colza, céréales sous forme de
farine, algues, poissons sous forme de farine,
mélasse sucrière, minerais non transformés, dif-
férentes parties de plantes cultivées à cet effet ;
produits pour l’alimentation animale, végétale, ou
humaine.
Avantages : richesse inégalée dans leur diversité
en minéraux. Tous les produits sont contrôlés à un
niveau alimentaire. Diffusion des engrais à court et
moyen terme. Odeur faible, voire agréable suivant
la composition et si le processus de fermentation
est exempt de bactéries nécrophages. Super-ali-
ments et biostimulants, car ils conservent des
molécules plus complexes ainsi que les sucres,
les acides aminés, les vitamines, et génèrent des
acides fulviques et humiques. D’excellents vec-
teurs pour le développement des bactéries non
nécrophages et les mycorhizes.
Inconvénients : on ne peut tenir le pic NPK que
pendant un mois et demi. Leur innocuité en fait
un engrais appétant. Un peu plus onéreux que des
engrais classiques.
Coût : ++
Ratio avantages/inconvénients : +++
Poudre d’os en
pellets. À forte teneur
en phosphore, elle
contient aussi un
peu d’azote. Pour
des taux NP très
proches, elle provient
soit d’os d’animaux
issus d’abattoirs, soit
d’arêtes de poisson.
EspritBonsaï ‘94’ - 51
 À voir
en détail
Le prix de la qualité
La plupart des engrais organiques sont compo-
sés de plusieurs éléments provenant de ces trois
groupes. S’il est évident que le choix des matières
premières d’un engrais est primordial pour sa qua-
lité alimentaire, celui-ci a un prix. En comparant les
engrais provenant d’excréments d’animaux ou de
déchets agroalimentaires, il apparaît que leur prix
et leur qualité diffèrent. Il faut se rapprocher plutôt
des résultats qu’ils produisent. Un bonsaï mature
mérite une alimentation de qualité. Il va donc de
soi que le prix est en corrélation.
Exemple d’un substrat pour bonsaï. D’origine minérale,
ces substrats sont exempts d’humus. Le taux
d’humus est apporté essentiellement par l’engrais.
Importance de l’humus
Les engrais organiques issus de végétaux sont
très riches en humus. Résultat de la décomposition
de la matière organique végétale, l’humus est la
base de la fertilité des substrats. De couleur brun
noirâtre, il a une composition chimique mal définie.
C’est un support de produits organiques – tels que
substances hormonales, antibiotiques microbiens,
catalyseurs, etc. – qui se libèrent au cours de sa
décomposition par les micro-organismes, et le rôle
l’humus est primordial sur la vie microbienne du
substrat. Les engrais chimiques, quant à eux, ont
été créés pour des substrats détenant au mini-
mum une part d’humus, exemple du terreau ou de
la terre végétale. Il est important de comprendre
que les engrais chimiques sans humus ne peuvent
être performants sur un substrat inerte tel qu’il se
doit être dans la culture du bonsaï.
L’humus contenu dans les engrais organiques à
base végétale augmente les capacités d’échanges
des ions. Avec l’akadama, composé d’argile, il
52 - EspritBonsaï ‘94’
constitue une véritable réserve de micro-orga-
nismes, régulateur de la nutrition de la plante. Sous
l’action de la vie microbienne, l’humus se minéra-
lise peu à peu, libère les éléments fertilisants et les
oligo-éléments. Il maintient le phosphore assimi-
lable, malgré la présence de calcaire et de fer libre.
Il stabilise le potassium, libère du gaz carbonique
qui contribue à solubiliser les éléments minéraux,
facilitant ainsi l’absorption par la plante.
L’humus délivre des acides humiques, stimulant
la croissance des racines, et agit comme stimula-
teur sur le rôle complexe des enzymes, amélio-
rant encore le phénomène de minéralisation. Il
alimente une population microbienne et de petits
organismes vivants qui, à leur tour, transforment
les matières organiques en produits de plus en
plus simplifiés, générant un humus stabilisé, qui,
à son tour, sera décomposé par d’autres micro-
organismes, libérant ainsi des matières minérales
absorbées par la plante.
Des matières incontournables
Dans la composition des engrais pour bonsaï, on
trouve des matières premières incontournables :
le colza de 40  % à 90  % de sa composition, la
farine de poissons de 10 % à 20 %, la farine d’os
de 10 % à 20 %. Ces matières cumulent de nom-
breux avantages tels que le taux des éléments,
les pics et la durée de diffusion. Ces avantages se
calent presque idéalement sur le calendrier de la
consommation en nutriments d’un arbre cultivé
en bonsaï. L’équilibre qu’ils diffusent répond à une
pousse contrôlée sans générer de désordre dans
la santé de la plante. La plupart des engrais japo-
nais contiennent ces matières. Dans ce pays où la Tourteaux de soja, il
ressource en soja est supérieure à celle du colza, n’est plus à démontrer
l’analyse démontre que le soja a une valeur NPK l’immense quantité
supérieure, mais que sa diffusion dans la plante produite en Asie.
Toutefois il entre peu
est moins bien adaptée. dans les compositions
Les oléagineux sont souvent de bons engrais à “spécial bonsaï”. Le
diffusion lente, mais attention à ce que les matières soja ne se difuse pas
conformément à la
demande de la plante.
Le colza est un incontournable dans les engrais pour Par définition, le terreau n’est que de l’humus : 100 % de matières végétales
bonsaï, avec sa valeur NPK équilibrée et sa difusion lente. plus ou moins décomposées. Ce terreau ne peut être utilisé pour la
culture du bonsaï (problème de drainage et de transmission de maladie).

utilisées soient pauvres en lipides qui nuisent à la

solubilité des éléments dans l’eau.
Le colza doit être utilisé sous forme de tourteau,
résidu de l’extraction de l’huile.

Les engrais ensemencés

La composition des engrais organiques voit
apparaître la mention « ferment », « ensemen-
cée » ou « mycorhizée ». Un engrais est dit ense-
mencé quand on lui a ajouté des bactéries. Il faut
faire la distinction entre un ensemencement qui
améliore les taux nutritifs et celui qui prépare la
décomposition de l’engrais en intervenant sur la
vie microbienne du substrat – mycorhizes, azoto-
bacters, etc. – même si ces micro-organismes ont
forcément une incidence l’un sur l’autre. La flore microbienne attaque directement les boulettes
Le substrat contient naturellement un nombre d’engrais. Ici un champignon tisse un réseau mycélien.
considérable de micro-organismes. Il est donc
normal que l’on ait cherché à améliorer l’installation
de micro-organismes dans la rhizosphère, exerçant
directement un effet bénéfique sur la plante. Glossaire
Mais attention, si tous ces éléments paraissent Rhizosphère : zone du sol voisine des racines des plantes et
liés, les résultats peuvent être mitigés et il est donc où se concentrent les micro-organismes. Son épaisseur est
important de préciser l’objectif de l’ensemence- en corrélation avec le biotope considéré.
ment de l’engrais. Mycorhizes : associations symbiotiques contractées par les
Si l’ensemencement doit améliorer la vie micro- racines des végétaux avec certains champignons du sol.
bienne, soit le milieu est favorable au développe- pH : pour potentiel hydrogène. Le pH mesure le degré
ment des bactéries et mycorhizes, et il est par d’acidité (pH < 7) ou de basicité/alcalinité (pH > 7) d’une
conséquent déjà peuplé, inutile donc d’en rajouter, solution aqueuse. Cependant, un sol est dit acide quand
car la place est déjà prise. Soit le milieu est défa- le pH est inférieur à 5,5.
vorable, et alors les micro-organismes apportés
ne pourront pas se développer. Les solutions du
problème sont ailleurs.

Favoriser les micro-organismes Les substrats pour bonsaï sont en général

Il faut créer des conditions favorables au bon
développement de la vie microbienne dans le
substrat :
en limitant les excès d’eau,
- en utilisant un substrat aéré d’un pH de 6,5 à 7,
- avec une bonne teneur en humus,
- avec des apports d’engrais réguliers,
- en remédiant aux carences possibles en oligo-
éléments.
inertes et d’origine minérale : ils ne contiennent pas
d’humus, donc pas d’aliments pour une vie micro-
bienne. Leur apporter un engrais organique végétal
ensemencé remonte le taux d’humus d’une part, et
d’autre part permet d’ensemencer une vie micro-
bienne pour démarrer la vie du substrat.
Un engrais organique pour bonsaï doit nourrir la
vie microbienne pour pouvoir nourrir efficacement
la plante. Sans ce maillon, il sera peu efficace. 

EspritBonsaï ‘94’ - 53
Du côté
des feuillus
© Mario Komsta
La poésie d’une
forêt de bambous
Inhabituelle autant qu’inattendue :
une forêt de bambous présentée dans
une exposition de bonsaïs. Le rêve
commence à prendre forme lors de
l’achat de quelques pieds de bambous.
Et si…, par hasard… La réalité peu à peu
se révèle dans toute sa poésie.
Auteur : Christian Coquelle
54 - EspritBonsaï ‘94’
Cette forêt de bambous a attiré
tous les regards lors de sa première
exposition à l’European Bonsai-
San Show 2017, à Saulieu. Une
superbe composition, résultat des
bons soins et de la patience de son
propriétaire, Christian Coquelle.
Dans les années 1980, est
sorti aux éditions Herscher un livre de Paul Les-
niewicz de très belle qualité : Le Monde des Bon-
sai. Je passai mon temps à le parcourir et, parmi
les merveilles que j’ai pu y découvrir, il m’est resté
un coup de cœur : une forêt de bambous. C’est la
seule et unique fois que j’ai pu en voir une.
Pour qui connaît les bambous, la chose semble
invraisemblable d’en faire une forêt en bonsaï…
Moi qui en ai installé dans mon jardin à la taille de
2 mètres, ils culminent aujourd’hui à 12 mètres !
Comment réduire à une hauteur de moins d’un
mètre un ensemble de cannes qui ne demandent
qu’à monter, monter… Un défi que j’ai réussi à rele-
ver. J’étais loin d’imaginer qu’en moins de dix ans
cette forêt accéderait aux expositions les plus
prestigieuses et enthousiasmerait parmi les plus
grands.
De la croissance
du bambou
La période de croissance des nouvelles
pousses débute en général au printemps
pour s’accélérer en juillet et s’achever en
octobre, dès les premières fraîcheurs.
Une canne ayant atteint sa taille maximale
de croissance poursuit juste son travail par
un renouvellement et le développement de
nouvelles feuilles, sans plus de croissance.

En 2011, je tombe sur des bambous de taille

modérée dans une pépinière traditionnelle. De
jolies cannes. J’en achète cinq pots. Ces jeunes
pousses font 70 cm de hauteur à l’époque. Ces
bambous restent ainsi côte à côte dans un bac
L’aventure commence par l’achat de cinq pots de Fargesia
pendant une bonne année : reproduire cette forêt jiuzhaigou, une espèce de bambou à petites feuilles. Un an
que j’avais vue me trottait dans la tête. après l’achat, ces jeunes plants sont dans un pot rectangulaire.
L’espèce fait partie du genre Fargesia, des bam-
bous de petite taille (1 à 4 mètres), et est dite non
traçante. Bien que… Dans le cas présent, il s’agit de
Fargesia jiuzhaigou, une espèce à petites feuilles.

La mise en pot
Étant en possession d’un pot rectangulaire –
longueur 90 cm, largeur 30 cm – provenant du
Japon et resté sans usage, mes plants y trouvent
place quelques mois plus tard, à l’automne 2011.
Sur un lit d’akadama de moyenne granulomé-
trie, chacun des plants est positionné, sans même
prendre la précaution de les arrimer. L’ensemble
ainsi posé a plutôt belle allure, même si chacune
des mottes reste très lisible et si le feuillage est
un peu léger. L’effet est intéressant et cet assem-
blage plein de promesse prend place ainsi dans
mon jardin.
C’est au bout d’un an que la forêt commence à
montrer son potentiel et sa poésie.
De nouvelles poussent apparaissent au prin-
temps 2012. Je constate l’année suivante, en 2013,
que les rhizomes ont parcouru du chemin. De nou-
velles et fortes cannes pointent entre les plants.
Les espaces libres se comblent.
Il en est ainsi année après année, la forêt tout
doucement prend forme, la masse foliaire se den-
sifie, de nouvelles cannes viennent sur l’extérieur
et cherchent la lumière. Au centre de la forêt, de
grandes cannes viennent remplacer les frêles Les cinq plants ne forment pas encore un
pousses du départ. ensemble. Le feuillage est très brut, désordonné.

EspritBonsaï ‘94’ - 55
 Du côté
des feuillus

Pour des cannes élancées

Sans ouvrage, ni aucune référence sur le
sujet, ce n’est qu’avec le temps et l’observation
que ma connaissance de la culture du bambou
se construit, expérience que je peux maintenant
partager.
Après deux ans de culture, le potentiel de la
composition se révèle, mais l’ensemble est loin
d’avoir ce magnifique effet des forêts de bambous
que j’observe sur des photographies du Japon :
ces longues cannes très élancées et une masse
foliaire considérable en partie haute.
C’est par une sélection des cannes que débute
l’harmonie de la forêt. En supprimant les cannes
trop frêles, les plus belles et les plus fortes restant
ainsi en place.
Pour donner cette belle allure élancée au bam-
bou, on supprime les feuilles et pousses en partie
Des bourgeons se trouvent sous les
basse.
cosses des branches. Ils sont à enlever
À chaque nœud, on constate une feuille for- pour obtenir des cannes élancées.
mant comme une cosse. En la soulevant, la canne
dessous apparaît verte et un à plusieurs petits
bourgeons s’y cachent. La cosse fait ainsi office
de protection des bourgeons à venir.
J’enlève donc ces cosses pour donner à mes
cannes la même allure que ces grands bambous
visibles au Japon. Les cosses s’enlèvent aisément.
Avec l’ongle, je supprime le bourgeon. La teinte
verte sous la cosse disparaît doucement et la
canne prend une couleur uniforme. Ce travail se
fait généralement au printemps. Si l’on laisse ce
bourgeon sous la cosse, une pousse apparaîtra
ultérieurement et la cicatrice sera plus visible.
Les cannes de l’année précédente changent
de couleur pour passer du vert à une teinte cara-
mel clair qui s’assombrira doucement. Avec le
temps vient la patine. C’est le soleil et la lumière
qui confèrent aux cannes leur teinte ambrée.

Densifier Une retouche s’impose pour

Lors de sa première année de pousse, une
canne monte pour atteindre une hauteur qui est
en regard de sa force, donc de son diamètre : plus
le diamètre est gros, plus la canne pousse haut.
La première année de croissance, à partir d’une
certaine hauteur, le long de la canne, à chaque
nœud sort une branche, alternativement à gauche,
à droite. L’extrémité de la canne se termine par une
dernière branche portant quelques feuilles. L’an-
née suivante, la pousse se fait plus lente, la masse
foliaire se développe de manière très ordonnée.
Sur ma forêt, les cannes les plus fortes sont
montées à une hauteur supérieure à 1,20 m. Trop
hautes, elles ont dû être taillées.
Lorsque l’on taille un bambou, par réaction il
produit au-dessous de la coupe une profusion de
supprimer cet efet disgracieux.
Après une taille, le bambou développe
des pousses donnant un efet parapluie.
petites branches, en parapluie, très disgracieuses,
sans ressemblance avec la pousse naturelle. La
même chose se produit si l’extrémité du bambou
vient à geler.
Il faut donc corriger. Aussi, je sélectionne les
branches pour garder celles qui paraîtront natu-
relles et supprimer toutes les autres pour n’en gar-
der qu’une ou deux. Ce travail est à répéter chaque La première année de sa
année, pour garder à chaque canne ainsi travaillée croissance, une canne de bambou
son aspect naturel. montre une pousse vigoureuse.

56 - EspritBonsaï ‘94’
Sélectionner les cannes
Année après année, les rhizomes s’étendent.
C’est par une sélection aléatoire, effaçant petit à
petit les mottes des cinq bouquets, que l’ensemble
devient élégant.
Les plus belles cannes de bambous sont
conservées, de même que certaines plus faibles,
pour garder cet effet naturel de forêt. Tout est dans
un travail d’équilibre sur le plan visuel.
Dans mes choix pour la sélection des cannes,
outre leur aspect aléatoire qu’il faut obtenir, leur
orientation lors de la pousse est importante. Les En 2016, les plants commencent à montrer une certaine unité,
due à la progression des rhizomes et à une sélection des cannes.
cannes poussant dans une direction contrariant
la dynamique générale, ou présentant des chan-
gements de direction aux nœuds, sont éliminées.
On ne garde que les cannes qui participent de la
dynamique de l’ensemble. Pourexposer
Pour la présentation en exposition de cette forêt, je conserve
également de très jeunes et petites pousses pour parfaire
cet aspect vivant et dynamique : elles donnent une échelle.
Pour les expositions, je nettoie les cannes et applique un
peu d’huile d’olive sur les plus anciennes pour leur donner
ainsi un peu de patine. Cela participe du wabi-sabi.

Les cannes sont coupées au-dessus de la mousse.

Une fois qu’elles ont séché, les tiges résiduelles sont
enlevées au-dessous de la surface de la mousse.

Vers une lauze

Printemps 2016. Après cinq ans de culture, la
forêt atteint une première maturité. Le pot ne peut
lui aller plus longtemps et la poser sur une lauze
est évident. Il faut donner à l’ensemble beaucoup
de légèreté.
Plus la lauze sera fine, plus la forêt sera élégante.
J’opte donc pour une pièce en résine, ce qui me
permettra un transport facile, mais, surtout, fera
en sorte que le support n’existe presque pas sur le
plan visuel, pour uniquement magnifier le végétal.
Cette lauze en résine adéquate, je la déniche par
hasard chez un commerçant hollandais lors du
Noelanders 2016 à Genk.
Lorsque je dépote la forêt, la motte vient en
un seul bloc, les rhizomes se sont répandus dans
l’ensemble du pot.
Je nettoie la motte et la remodèle. Je pose une
barrière de keto sur le pourtour de la lauze, une
Après cinq ans de culture
dans son pot, la forêt doit
couche d’akadama dans le fond, sans arrimer les être rempotée. Une lauze
en résine, plus légère
pieds des plants. Puis, la forêt prend place avec
qu’en argile, s’avère être
quelques fougères. Puis à nouveau de l’akadama le contenant adéquat.
pour combler les vides dans la motte.
Pour finir, de la mousse maintiendra la motte
et apportera de la fraîcheur aux plants. La pose
de cette mousse est très délicate, car il s’agit de
contourner chaque canne de bambou : plus d’une
journée de travail est nécessaire pour donner à
l’ensemble un aspect parfait.

EspritBonsaï ‘94’ - 57
 Du côté
des feuillus

À l’abri du vent, l’espèce n’est pas trop sensible au L’espèce craint le vent à température négative, ce qui
gel. Sous la neige, elle ploie, mais ne rompt pas… provoque l’enroulement des feuilles sur elles-mêmes.

L’entretien
L’arrosage de la forêt est quotidien du printemps
à l’automne. Un arrosage abondant du feuillage
évite qu’il ne sèche, et de plus, le poids de l’eau
incite le haut des cannes à ployer davantage.
Je travaille les mousses une fois par an désor-
mais, en renouvelant certaines zones si nécessaire,
mais aussi en effectuant des semis.
Cette forêt a été élevée face au nord, tournée
régulièrement, donc exposée à la lumière sans
soleil direct. Ainsi, les cannes situées en bordure
sont venues chercher la lumière et ont pris cette
inclinaison élégante.
Certaines espèces de Fargesia craignent le gel.
L’espèce que j’ai sélectionnée ne le craint pas trop,
mais nécessite un endroit abrité. Elle n’apprécie
pas les vents très froids : les feuilles se roulent dans
ce cas pour se protéger, et certaines viennent à
tomber ou à jaunir.
Au printemps, de nouvelles feuilles viennent
prolonger les bambous en place, et de nouvelles
cannes apparaissent, ainsi année après année il
faut retravailler l’ensemble. 

L’œil de Mario Komsta,

professionnel du bonsaï
et photographe émérite,
révèle toute la beauté
et la poésie de cette
forêt de bambous.

58 - EspritBonsaï ‘94’
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Du côté
des conifères

De l’un à l’autre de ces

croquis, une nouvelle façon
de regarder un pin mugo,
pour lequel l’artiste tchèque
Václav Novák change de
projet à la dernière minute, ou
presque. À gauche, le projet
initial, à droite le projet final.

Un changement
de dernière minute
Ce pin mugo devait devenir un arbre de forme
cascade. Quelques heures avant de le travailler
en démonstration, Václav Novák, artiste
tchèque, en changeant d’angle de vue, y voit un
arbre plus dramatique, plus compact.
Texte : Václav Novák
Croquis : Jan Culek
Photos : Peter Wechler, sauf mention contraire
Originaire des Alpes
suisses, ce pin mugo était chez moi
depuis un an. Il était dans un excellent
état et avait été très bien préparé.
Juraj Marcinko (un Slovaque résidant
en Suisse) a prélevé cet arbre et en a
pris soin durant environ cinq ans. Il a
fait du bon travail. Durant cette
période, il l’a transplanté une fois et
a régulièrement taillé les branches.
Il supprimait les nouvelles pousses

60 - EspritBonsaï ‘94’
les plus vigoureuses, densifiant ainsi
sensiblement la couronne, sans
toutefois prendre aucune décision
finale quant à la forme future de l’arbre.
Quand j’ai apporté l’arbre chez moi,
j’ai pris le temps de l’observer. La
forme en cascade m’est apparue
comme la meilleure solution. Le tronc
pencherait à gauche, le sommet
serait formé par une forte pliure et
la couronne commencerait un peu
au-dessous. La ligne du tronc pointerait
naturellement vers le bas. Pour cette Ce pin mugo
option, les branches sont toutes déjà prélevé dans
les Alpes
très bien placées. J’ai gardé cette
suisses, juste
solution en tête tout le temps. avant d’être
travaillé.
Une vision claire, mais... Il est ici dans
Au printemps 2011, je reçois une la position
qu’il avait à
invitation pour faire des démonstrations
l‘origine.
lors des journées portes ouvertes
du Bonsai Zentrum Münsterland,
près de Münster, en Allemagne. Je
réfléchis à l’arbre que je vais prendre
et je me décide alors pour ce Pinus
mugo. J’ai une vision claire de la
mise en forme que je veux faire.

Un changement à 90°
Le vendredi matin, je prépare mes
affaires et les charge dans ma voiture.
Quand c’est au tour du pin, je découvre
un mouvement dramatique de la
première branche, qui revient vers
l’arrière. Je revois alors mes plans et
décide de changer entièrement le
concept de l’arbre. Je ferai pencher le pin
de l’autre côté, de sorte que l’extrémité
formée par la courbure initialement
prévue soit abaissée. Cela implique
une modification d’environ 90 degrés.
Ce nouveau projet a pour avantage A Une nouvelle position...
de conférer au bonsaï une allure plus
dramatique et compacte. 

B Il est toujours bon de couvrir la partie

que l’on pense enlever avant de prendre
une décision définitive.

C Le dessin du nouveau
projet : un arbre plus
compact, plus dramatique.
Une forme assumée pour
le futur bonsaï.
EspritBonsaï ‘94’ - 61
 Du côté
des conifères

Première mise en forme

Pour la mise en forme, je décide d’utiliser
uniquement la première branche. Cette
ligne principale se pliera plusieurs fois et
ressemblera à un ressort tendu ou à un
serpent enroulé. Je supprime la partie la
plus longue et transforme le reste en jin.
Autre travail très important:
rapprocher la branche du tronc
en utilisant un serre-joint avant de
fixer la position avec un hauban.
Je ligature ensuite les branches
avec du fil de cuivre.
Le travail effectué permet de former
une couronne compacte. Le jin d’origine
est trop long et allonge visuellement le
tronc : je décide donc de le raccourcir.
1 2 Un hauban maintient
L’utilisation d’un serre-joint permet de
rapprocher la branche principale du tronc.
Pourlecultiver
Famille : Pinacées
Genre : Pinus
Espèce : mugo
Nom commun : pin mugo
Substrat : mélange d’akadama, de
pouzzolane et de pierre ponce
Tailles : pincer les chandelles en avril sur
les vieux arbres. Sur les autres arbres,
tailler les nouveaux bourgeons de
mi-juillet à mi-août, et enlever les vieilles
aiguilles. Tailler en octobre si besoin.
Nettoyage : enlever les aiguilles
la branche près du tronc.
mortes tout au long de l’année.
Exposition : plein soleil. Le pin mugo
aime la chaleur, et ne supporte
pas les expositions ombragées.
Arrosage : arroser régulièrement dans
la mesure où le substrat est bien
drainant. Laisser le substrat sécher
entre deux arrosages. Attention
aux excès d’eau au fond du pot.
Engrais : du printemps à l’automne,
engrais organique deux fois par
mois jusqu’à fin septembre.

4 L’allure
de l’arbre
après la
coupe de
3 La branche dominante est coupée. la branche.

5 Le moignon 6 Václav Novák

de la branche est n’utilise jamais
transformé en jin en d’outils électriques
utilisant seulement pour respecter la
des outils manuels. structure du bois.

62 - EspritBonsaï ‘94’
 7 Toutes les branches sont
ligaturées avec du fil de cuivre.

8 L'artiste tchèque utilise du fil de cuivre qui est plus solide que
du fil d’aluminium et permet aussi d’utiliser un diamètre plus fin.

10 Le jin ne
convient pas
au nouveau
concept de
l’arbre.

9 L’arbre est fixé

dans la position voulue.

11 C’est
pourquoi il
est raccourci
drastiquement.

EspritBonsaï ‘94’ - 63

des conifères
Du côté

12 L’arbre après le travail et la première

mise en forme efectué par Václav Novák.

Une allure dramatique

Peu après, le pin est transplanté en
premier lieu dans un pot provisoire,
mais pour préserver les racines,
il n’est toujours pas placé dans la
position optimale. La couronne a
le temps de se densifier encore
un peu. Quand il a pris assez de
vigueur, il est placé dans son pot
définitif, et dans la position finale.
Je pense que j’ai réussi à créer
une forme plus dramatique et
plus compacte que dans ma
première intention. Je laisse aux
lecteurs le soin d’en juger. 
© Willy Evenopoel, Bonsai Association Belgium

Le pin mugo est rempoté En 2014, le pin a trouvé son pot définitif.
dans un pot provisoire.

64 - EspritBonsaï ‘94’
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EspritBonsaï ‘94’ - 65
Imaginer
un arbre diférent

Un Premna obtusifolia
très subtile

Le Premna obtusifolia de Xiao Chang Xi lors de l’exposition à Taïchung,

Taïwan, du 3 au 5 novembre 2017 : une délicatesse extrême.

66 - EspritBonsaï ‘94’
Imaginer un arbre différent
L’objet de cette rubrique est d’analyser les choix faits par l’artiste
en essayant d’autres options. De démontrer la pertinence des
choix faits et d’apprendre à admirer…
Une rare délicatesse, jusque dans
la moindre ramification, tel est le
Premna obtusifolia de Xiao Chang Xi.
Auteur : François Jeker
C et arbre faisait figure
d’extraterrestre lors du congrès
mondial du BCI (Bonsai Clubs
International) à Taïwan en novembre
2017. Autour de lui, des arbres
massifs, dépassant allègrement les
120 cm, beaucoup de genévriers
gigantesques avec des bois morts
spectaculaires. Ce Premna obtusifolia
de Xiao Chang Xi s’excusait presque
d’être là : à peine une soixantaine de
centimètres de haut, un tronc gracile,
un bois mort discret. Et pourtant…
Faiblesse ?
Certains critiques d’art prétendent
qu’expliquer une œuvre d’art,
c’est décréter sa faiblesse... Nous
serions presque tentés de nous
taire devant cet arbre et leur
donner raison. Pourtant, si nous
voulons progresser dans notre
art, il est primordial de tenter de
comprendre ce qui fait la qualité de
ce bonsaï. Même si ces explications
sont forcément réductrices.
Alors citons pêle-mêle l’équilibre
dynamique avec la première branche
du côté où penche le tronc, le fort
décalage en hauteur entre la première
branche et la branche d’équilibre,
la silhouette irrégulière et naturelle,
les espaces vides rythmés laissant
la place à une superbe branche
de profondeur, la ramification fine
sans être envahissante, le bois
mort discret accompagnant le
1 L’arbre perd en naturel avec un profil régulier.
mouvement du tronc, la première
branche construite comme un arbre
à elle seule, avec une partie venant
cacher pudiquement le tronc et
donner à l’ensemble une forte unité.
Option 1 :
un profil régulier
Sur l’arbre initial, certaines branches
dépassaient de la silhouette, d’autres
étaient en retrait, créant de beaux
espaces vides. L’arbre semble
maintenant être un pur produit de
notre intelligence cartésienne et
non une création de la nature.
Option 2 :
la première branche
à droite 2 Le bonsaï devient statique si la
Bien sûr, l’arbre reste élégant, mais première branche est à droite.
sa dynamique s’est envolée. Le
poids visuel de la première branche
à droite stabilise la composition.
Option 3 :
sans la ramification
cachant le tronc
Le petit détail qui change tout. Il y
a maintenant différents éléments
séparés : le tronc, le bois mort,
la ramification. Avant, tout cela
était imbriqué, avec une forte
unité, pour former UN arbre et
non un collage d’éléments sans
liens les uns avec les autres. 
3 Les éléments sont disparates
sans la ramification cachant le tronc.
EspritBonsaï ‘94’ - 67
 et des potiers
Des pots
Carina Jern
« Que mes pots soient une
source d’inspiration ! »
Dans son atelier de Göteborg, la
céramiste suédoise Carina Jern, 55 ans,
façonne des vases d’ikebana et des pots
pour bonsaïs et plantes d’accent aux
émaux inspirés des saisons.
Interview : Anne Royer
Photos : Carina Jern
68 - EspritBonsaï ‘94’
Cet émail blanc rose, inspiré
des fleurs de cerisier, est une
couleur fétiche de la céramiste.
Dimensions : 8,6 x 6,7 x 8 cm.
Spécialiste des vases d’ikebana
et des pots pour kusamono,
kokedama et plantes d’accent, la
céramiste suédoise Carina Jern
aime jouer avec les motifs et les
formes, notamment des pieds.
Esprit Bonsaï : Comment vous êtes-
vous spécialisée dans la céramique
pour le bonsaï ou l’ikebana ?
Carina Jern : J’ai toujours pratiqué la pein-
ture à l’huile et utilisé différentes tech-
niques textiles. En 2000, j’ai commencé
un cursus de deux ans dans l’art  : j’ai
découvert le travail de l’argile et j’en suis
tombée amoureuse. Après mes études,
j’ai rejoint un groupe de céramistes, 22:ans
Keramik, avec lequel j’ai partagé un atelier
coopératif.
Passionnée d’ikebana, elle travaille exclusivement avec des
fleurs sauvages locales et de saison. En hiver, elle utilise des
herbes et des baies séchées, de la mousse ou des branches.
En 2005, j’ai commencé à travailler en
tant que décoratrice pour l’Aeroseum,
un musée de l’aviation à Göteborg, et on
m’a demandé d’intégrer des plantes aux
décors des expositions. J’ai commencé
par chercher l’inspiration dans un livre
sur l’ikebana. Mais nous avons si peu de
plantes vivantes en Scandinavie pendant
l’hiver que j’ai plutôt utilisé des herbes
sèches, des branches, des baies séchées
et des mousses que je trouvais dans la
nature. C’est comme cela que j’ai décou-
vert et démarré ma pratique de l’ikebana,
en autodidacte. Et en 2013, j’ai commencé
à créer mes propres vases.
Comme je partage à la fois ma vie et
mon atelier avec Thor Holvila (céramiste
En 2017, Carina a suivi un stage auprès du potier
Hidemi « Shuho » Kataoka, à Tokoname, au Japon,
pendant lequel elle a fabriqué ces pots délicats.
spécialisé dans les pots à bonsaï, lire Esprit
Bonsaï n°75, ndlr), j’ai naturellement été
très inspirée par le monde du bonsaï.
Tous les salons, expositions, magazines
et autres ouvrages sur le sujet ont déve-
loppé mon intérêt pour le kusamono, le
kokedama et les plantes d’accent. Cela
s’est accéléré, jusqu’à l’organisation d’un
voyage au Japon en 2017, où j’ai suivi
une formation personnalisée auprès du
maître ikebana et potier Hidemi « Shuho »
Kataoka, qui a trente ans d’expérience et
a écrit des livres sur le thème. Nous nous
sommes surtout concentrés sur le style
et les bases de l’école d’ikebana Shoget-
sudo-Koryo.
Ce pot en porcelaine, orné
d’un motif floral et d’une
glaçure turquoise, accueillera
une composition d’ikebana.
Dimensions : 2,9 x 20 x 1,9 cm.
Vase d’ikebana, habillé d’un
émail signature de Carina Jern.
Dimensions : 5,7 x 11,3 cm.
E. B. : Pourquoi cette préférence pour
les vases d’ikebana et les pots pour
kokedama, kusamono ou plantes d’ac-
cent ?
C. J. : En partie parce que j’aime travailler
avec des fleurs, de l’herbe, des brindilles,
des mousses et d’autres plantes ou maté-
riaux naturels… J’aime donc fabriquer des
contenants pour mes créations. Je ne pra-
tique pas le bonsaï – je laisse cela à Thor
– mais j’ai appris à le comprendre pour
être capable de créer des pots à bonsaï.
Ensuite, je pense que le travail des
plantes peut être plus ludique et offrir
davantage de liberté. Ce n’est pas aussi
conservateur que le bonsaï, même si cet
art observe également ses propres règles.
E. B. : Comment se déroule le processus
de création d’une nouvelle pièce, d’un
nouveau design ?
C. J. : Je crée la plupart de mes pots en les
montant à la plaque. Je dessine un modèle
et je découpe ensuite les différents élé-
ments qui seront assemblés. J’adore
expérimenter et imaginer un nouveau
modèle pour chaque pot. Il suffit d’un
léger changement, un détail, et vos pots
ne sont jamais exactement les mêmes.
Je veux rendre visible cette parenté entre
les pots, comme un fil conducteur, à la
fois dans la structure et dans les pieds.
Des idées de nouveaux pots me viennent
tout le temps. Je commence par 
EspritBonsaï ‘94’ - 69
 Des pots
et des potiers

Le mélange des émaux compose un paysage

abstrait sur ce pot, par ailleurs sobre dans
Carina aime explorer les couleurs et travailler diférents émaux.
sa forme. Dimensions : 18,0 x 13,3 x 17 cm.

 choisir si je veux un récipient de pionnière de cette technique en Suède.
forme plutôt organique ou géométrique,
puis je décide des motifs et des émaux.
J’expérimente beaucoup avec les émaux
pour obtenir à chaque fois des expres-
sions uniques et différentes, même si j’ai
aussi quelques glaçures fétiches. Comme
j’ai une formation d’artiste textile, j’ai l’habi-
tude d’imprimer des motifs sur du tissu.
Aujourd’hui, j’ai le sentiment que les motifs
viennent aussi à moi pour les céramiques.
E. B. : En quoi est-ce différent lorsque
vous répondez à une commande ?
C. J. : Quand je réponds à une commande
d’un client, il s’installe une coopération
entre le client et moi. Je tiens compte de
ses préférences pour lui présenter des
croquis, à partir desquels il pourra choisir
le design qu’il préfère.
Elle m’a énormément appris. Il y a quelque
chose dans le manque de contrôle sur le
résultat final qui me plaît… Il se passe tant
de choses pendant le processus de cuis-
son ! C’est un événement en soi de sortir
les pièces du four chauffé à 900 °C pour
les placer dans la sciure de bois qui s’em-
brase. Le résultat final est aussi impacté
par la météo et les températures exté-
rieures. On peut avoir beaucoup de sur-
prises, ce qui rend tout cela très excitant.
Quand j’ai commencé à fabriquer des
pots et des vases pour le bonsaï et l’ike-
bana, j’ai opté pour le grès, car cuit à une
température plus élevée, il est donc plus
résistant au gel et à l’eau. Mais je reste for-
tement influencée par le raku et je conti-
nue à chercher cette esthétique dans les
émaux de grès.
E. B. : Qu’aimeriez-vous transmettre à
travers vos céramiques ?
C. J. : En plus de transmettre la joie et
l’harmonie que me procurent le proces-
sus de création et le travail de l’argile, j’ai-
merais que mes pots soient une source
d’inspiration pour les gens. Je n’ai fait que
la moitié de l’œuvre. C’est à quelqu’un
d’autre désormais de la terminer. La joie
de fabriquer une pièce n’est pas com-
plète et l’œuvre n’est pas terminée tant
que quelqu’un n’a pas choisi le pot pour
planter. Il y a tellement de possibilités.
E. B. : Où puisez-vous votre inspiration ?
C. J. : Je trouve l’inspiration en moi. Quand
je découpe un modèle ou que je travaille
une pièce d’argile, je commence d’abord
par suivre un plan, mais je continue en
général à créer sans avoir une idée pré-

E. B. : Quelles techniques préférez-vous

utiliser ?
C. J. : Je préfère le montage à la plaque
pour les pots d’une forme géométrique
ou les plats. J’utilise des techniques de
façonnage en creux, de pot pincé, ou au
colombin pour les formes plus organiques,
qui conviennent davantage au shitakusa
et au kusamono.

E. B. : Vous travaillez aussi beaucoup

avec la technique du raku…
C. J. : Quand j’ai commencé la céramique,
j’ai surtout travaillé le raku pour son aspect
et son mode d’expression unique. La fon-
datrice du collectif 22:ans Keramik est une Pot pentagonal en raku. Dimensions : 15 x 4,7 x 3,6 cm.

70 - EspritBonsaï ‘94’

Le céramiste Allemand Martin Englert
excelle dans la création de pots en grès
qu’il cuit au feu de bois, tout autant
que dans ceux en fines porcelaines
blanches qu’il peint de riches décors.
cise du résultat visé. Et quand je prends
le temps de l’analyse, après coup, je peux
voir que la nature et les paysages qui
m’entourent s’expriment dans ces maté-
riaux éternels. J’aime aussi tricoter, faire
du crochet et créer différents motifs et
imprimés pour textile. Cela m’amuse tel-
lement, je ne peux pas m’en empêcher.
Les mathématiques me viennent natu-
rellement et jouent un rôle central dans
toutes mes créations.
E. B. : Comment décririez-vous votre
style ?
C. J. : Comme un jeu avec les motifs et
les formes. Ou une rencontre entre l’ap-
On retrouve dans cette sélection de pots les formes géométriques que la céramiste afectionne tant.
proche logique de la géométrie et le chaos
organique de la nature. Je travaille aussi
beaucoup l’exagération. Certains détails
peuvent sembler grotesques et hors de
proportion, mais ils participent à un cer-
tain équilibre. Un peu comme ce que l’on
peut trouver dans la poterie chinoise
ancienne. Cela s’exprime souvent dans
les pieds et les bords des pots.
E. B. : Beaucoup d‘artistes travaillent
chez eux, ce qui ne facilite pas la sépa-
ration entre vie privée et profession-
nelle. Comment aimez-vous organiser
votre temps ?
C. J. : J’ai eu mon premier atelier en 2008,
mais depuis 2011 je travaille à la maison. Je
partage aussi un atelier d’été avec Thor
(Holvila, ndlr), dans le nord de la Suède.
Il y a des avantages et des inconvénients
Dégradé de jaune et de vert
pour une glaçure printanière.
à travailler à la maison. Évidemment, la
frontière entre le privé et le travail n’est pas
toujours évidente, je peux parfois travail-
ler un peu trop. Mais c’est aussi très pra-
tique de pouvoir suivre les pièces pendant
toutes les étapes du séchage et d’avoir
des horaires de travail flexibles.
E. B. : En tant que céramiste, quel est
votre projet le plus cher ?
C. J. : C‘était très inspirant de séjourner
à Tokoname et de travailler avec Hidemi
Kataoka. Mais c’était aussi très intéres-
sant de rencontrer d’autres potiers et d’en
apprendre plus sur l’actualité de l’art au
Japon. Il se passe beaucoup de choses,
surtout du côté du kusamono et de l’ike-
bana, qui évoluent rapidement vers de
nouvelles écoles. Le style “bonsaï d’inté-
rieur” se développe aussi très vite. Mon
objectif est donc de retourner au Japon
pour rencontrer d’autres potiers et voir
plus d’expositions. Avec de la chance, je
pourrais ramener un peu de ce bouillon-
nement sur la scène européenne. C’est
une vraie mission pour moi de stimuler
ces formes d’art et de les laisser trouver
leur propre voix, dans un style européen. 
Contact
Carina Jern
Göteborg, Suède
Courriel : carinajern@gmail.com
Site web : www.carinajern.com
EspritBonsaï ‘94’ - 71
À côté
des bonsaïs
En voyant cette jolie
souche d’olivier, l’idée
est venue d’en faire
une composition qui
pourrait accompagner
un pin en bonsaï lors
d’une exposition.
Texte : Xavier Dreux
Réalisation : Sami Amdouni
Photos : Marion Amdouni
Une composition sur
souche des quatre saisons
C
réer une plante d’accent avec
une jolie souche d’olivier au
bois tortueux et vieilli par le
temps, c’est avec la compli-
cité de Sami que ce projet a été rendu
possible : il avait la souche et je voulais
proposer une composition de quatre sai-
sons sur une roche ou du bois tortueux.
La souche étant transpercée de part en
part par une large ouverture, le drainage
du substrat ne sera pas un problème. Le
bois est déjà assez creux pour installer
plusieurs plantes sans avoir à l’excaver. Il
faut une plante dominante qui marque la
saison, mais aussi faire une composition
qui reste attrayante toute l’année et dont
le point d’intérêt évoluera au fil des sai-
sons. Le choix s’arrête sur une satsuki et
quelques plantes persistantes.
72 - EspritBonsaï ‘94’
Une jolie souche d’olivier accueille une composition
qui sera attrayante en toutes saisons.
La préparation
La souche est nettoyée et préparée
pour recevoir les plantes. Substrat, boules
de keto et outils sont prêts, car une fois
que les racines des plantes sont à l’air, il
ne faut pas trop tarder à composer ce
petit paysage.
Plante principale, la satsuki donne le
mouvement et indique la fin du prin-
temps. Pour une floraison estivale, nous
avons choisi une petite vivace aux fleurs
jaunes qui s’épanouissent de juin à juillet.
Les feuilles colorées de rouge de l’azalée
et de l’onagre et celles teintées de jaune
orangé de la sélaginelle marqueront l’ar- 1 Substrat, plantes, grille, souche et outils :
rivée de l’automne. Pour l’hiver, un brin
le matériel est prêt pour commencer la
d’herbe (Acorus) et une plante couvre-sol composition. Les plantes : satsuki, Acorus,
peu connue (Lemmaphyllum microphyl- onagres (Oenothera tetraptera), sélaginelles
lum). À chaque saison, son attrait.  et Lemmaphyllum microphyllum.
 2 La souche doit être nettoyée afin de 3 Après le nettoyage à l’eau et à la brosse 4 On prépare les plantes, puis les boules de substrat :
supprimer toutes les parties abîmées ou souple, on utilise une brosse métallique sur un mélange de 50 % de keto et 50 % d’akadama.
trop dégradées, enlever les parasites et faire une Dremel pour faire ressortir le On mouille le mélange si nécessaire pour obtenir une
ressortir les veines du bois. mouvement du bois. consistance proche de celle du lobe de l’oreille.

5 On place une grille de drainage au fond de la

souche creuse pour empêcher le substrat de sortir
par l’ouverture, puis on installe les fils de fixation. 6 Après avoir placé l’Acorus à 7 On attache la satsuki à
On façonne un bord sur le tour de la souche avec droite, on positionne l’azalée sur le la souche à l’aide des fils de 8 On ajoute du substrat,
le mélange keto + akadama pour ainsi retenir le haut : elle indique le mouvement fixation.
ici de la kanuma, un substrat
substrat. général de la composition.
acide parfait pour les azalées.

11 On complète la création
avec un “mametsuta”
(Lemmaphyllum
microphyllum) à gauche,
quelques sélaginelles et de la
mousse sur le keto. En plus
de son atout esthétique, la
mousse maintient une légère
humidité et protège le keto
de l’érosion.

9 On maintient la kanuma 10 Près de l’Acorus, en arrière de

substrat granuleux par une couche la composition, on ajoute de petites
du mélange keto-akadama. onagres. L’onagre fleurit jaune en
été, et son feuillage se colore de
rouge à l’automne.

Astuce
Veillez toujours à donner un mouvement à ce
type de composition, car cela facilite la lecture
et dynamise la présentation.
Ici, le mouvement est marqué par la satsuki
orientée vers la gauche. Les plantes basses, à
droite, ne contrarient pas le mouvement, car 12 Le travail terminé, la composition est arrosée
elles resteront basses et courtes. et déposée sur un suiban créé par Sami Amdouni.

EspritBonsaï ‘94’ - 73
Ikebana
Senshin Ikenobo

 Au printemps, les élèves de l’école d’ikebana

Senshin-Ikenobo exposent avec leur maître Marette
Renaudin à Toulouse. Du traditionnel au plus moderne.

 Entrée de l’exposition : branches printanières dans des styles naturels.

Au fond, seika et rikka traditionnels, compositions de Marette Renaudin.

Exposition de printemps
Texte : Marette Renaudin
Photos : Bénédicte De Saint-Martin

Une exposition d’ikebana reste une

occasion rêvée pour partager avec le public et lui
procurer la joie d’un retour à la nature. C’est aussi
l’opportunité pour les élèves de se surpasser en espé-
rant toujours un niveau plus élevé dans leurs créa-
tions. L’exposition de mars – du 21 au 25 cette année
– de l’école Senshin-Ikenobo de Toulouse a permis
en outre d’exprimer toutes les nouvelles loraisons
et de les réunir dans un espace réduit. Cette année,
l’hiver frileux ne cesse de se prolonger. Les branches
leuries réchauffent les cœurs et redonnent l’espoir  Pièce du thé, grandes compositions. Branches de cerisiers japonais
de la douceur à venir.  en fleurs pour “Hanami” (tradition nationale d’admirer la floraison
des cerisiers), et cyprès. Compositions de Marette Renaudin.

74 - EspritBonsaï ‘94’
  Grande composition pour la vitrine. Forsythias,  Style libre. Feuilles de Pandanus, fleur
lys et mahonia dans des vases de Rizu Takahashi. de Clivia, viorne, feuilles de philodendron
Compositions de Marette Renaudin. xanado. Composition de Josée Vicente.

 Shin seika. Saule tortueux, feuilles

d’aspidistra panaché, tulipe perroquet.
Composition de Dominique Bossoutrot.

 Tokonoma, “hereitsukei”.
Lysianthus, lilas, feuilles d’arums
sauvages pour répondre à la
calligraphie de Koho Kurihara.
Composition de Cylène Bleyer.

 Style naturel. Pommier

d’ornement, Choizya,
chrysanthèmes Shamrock.
 Style libre. Feuilles d’aspidistra panaché, Composition de Bénédicte
orchidées. Composition de Michèle Barbaste. De Saint-Martin.

EspritBonsaï ‘94’ - 75
Ikebana
Sogetsu

 À l’instar de toutes formes d’art, celui des fleurs fait

appel à la même démarche de création. Quand le conceptuel
apparaît, la ligne se fait plus ténue entre Orient et Occident.

De l’art moderne
à l’art floral conceptuel
2e partie
Auteure : Soazic Le Franc

À mi-chemin de l’art des bouquets

modernes et des compositions conceptuelles, il faut
s’essayer aux “très modernes”, style intéressant
jouant sur les oppositions de formes, de textures,
de matière, qui voit souvent disparaître la belle céra-
mique. L’association Asphodelinh emprunte plus faci-
lement ce chemin de leurs que celui de l’art concep-
tuel dont le style échappe à la plupart, d’autant plus
qu’il est dificile de placer une telle composition chez
soi. Entrer dans la quatrième dimension génère de
gros points d’interrogation.

Éviter le superflu
Les compositions très modernes demandent à aller
à l’essentiel pour le choix des végétaux, les lignes de
constructions naturelles ou travaillées et la netteté
de la couleur, ce qui confère une élégance globale.
Ce style très moderne est prisé, mais appelle une
rélexion préalable pour le choix des éléments en
présence, et bien sûr éviter les éléments décoratifs
superlus.
Plutôt que de parler de point focal, on utilisera
la tonique. Cette tonique, souvent une ou plusieurs
leurs pour leur couleur, sera placée à l’endroit le plus
intéressant pour être en accord parfait avec la ligne de
construction : les leurs pourront se situer à l’ancien
point focal (2/3 ≈ 1/3), être alignées, se situer à une
extrémité ou bien encore disparaître !
Le style très moderne reste dans une approche
conventionnelle et esthétique de la composition. Est-  L’arbre
il facile pour autant ? Non, car il peut basculer faci- La sève monte dans les tiges de fragonnettes, les promesses
de vie sont les bébés d’œillets rouges suspendus dans une
lement dans la maladresse et rater son invitation à feuille d’aspidistra. Composition conceptuelle présentée à
l’harmonie. De plus le peu d’éléments utilisés peut Bruxelles, au concours 2003 de la BFAS (Belgium Flower
lui conférer une certaine sécheresse. Arrangement Society). Composition de Soazic Le Franc.

76 - EspritBonsaï ‘94’
  Spacial végétal
Dans cette interprétation conceptuelle,
la forme en pont du contenant
souligne le lien entre la fleur et la
feuille : la fleur donnera naissance
à la feuille dans l’espace-temps,
cette histoire étant véhiculée par le
fil de métal. Composition de Line
Lediouron, atelier Asphodelinh.

Du concept à la composition
Le concept, c’est le mot que nous retiendrons dans
l’expression “art conceptuel” : que sous-tend-il ? La
forme, la matière, l’utilité, l’odeur… Prenons par
exemple le mot “arbre” : il est facile, pour tous, de
se le représenter, et à ce stade il reste dans les trois
dimensions, donc lisible. S’il est beau, grand, leuri,
ou si une tempête le déracine, il provoquera une émo-
tion qui nous dirigera vers la quatrième dimension. En
effet, nous penserons que l’arbre possède des lignes
de vie du sol jusqu’au faîtage, que les leurs donne-
ront des fruits qui tomberont et donneront à leur tour
naissance à un nouvel arbre, ou bien qu’il demeurera
à tout jamais stérile puisque l’orage l’aura abattu. Le
concept d’arbre prend alors une autre direction qui
interpelle notre intellect et trouble notre psychisme,
et accessoirement nos émotions.
Si le raisonnement apparaît simple avec l’exemple
de l’arbre, un mot concret, il en est tout autre avec
un terme abstrait, comme le mot “chance”, choisi
au hasard… Quelle que soit l’origine du concept,
n’oublions pas que nous sommes dans le domaine
de l’art loral et qu’il faudra mettre en œuvre la com-
position… Reprenons le mot “arbre”, lorsque je choi-
sis de le représenter, il ne ressemblera pas extérieu-
rement à un arbre, mais la composition en aura les
lignes de vie, la promesse du fruit. L’art conceptuel
se détourne de toutes les règles usuelles, à l’instar de
la peinture abstraite.
 Calligraphie
Dans cette composition
très moderne, le bois et
le contenant de même
couleur forment une
calligraphie laissant la
place aux anthuriums
verts. Composition
de Michèle Robert,
atelier Asphodelinh.
Une démarche artistique
J’ai commencé par étudier les compositions clas-
siques de l’art loral occidental avant de m’approcher
des non moins classiques ikebana. Les deux disci-
plines m’ont conduite des compositions modernes
au style conceptuel. J’ai dû m’adonner à une sérieuse
introspection pour bien différencier l’art loral occi-
dental de l’art japonais. Arrivée au conceptuel, je
ne fais plus la différence ! Sont-ce des ikebana ? Des
compositions d’art loral occidental ? C’est de l’art,
utilisant le végétal. Parlons-nous ici d’art loral, simple
activité de loisir ? Non, d’une discipline artistique
à la démarche identique à celle des arts majeurs. 

EspritBonsaï ‘94’ - 77
Club et
passionnés
L’un de plus anciens
clubs de bonsaï de
France se trouve
à Plaisir, dans les
Yvelines. Les amis du
bonsaï Plaisir cultivent
l’amitié et la liberté de
ses membres.
Texte : Cinthya Arenas
Photos : Les amis du bonsaï Plaisir
Le club “Les amis du bonsaï
Plaisir”, de Plaisir, dans les Yvelines,
compte parmi les plus anciens de
France, puisqu’il soufflera prochai-
nement ses trente bougies. « L’ami-
tié entre les membres » caractérise
indéniablement ce club, explique
Sébastien Denis, son président. Mais
aussi « La convivialité : chaque réu-
nion, sur un week-end ou une jour-
née, comporte un repas préparé par
les membres et pris en commun ».
Aucun membre n’est plus important
que les autres et chacun est libre de
ses décisions, « même si certains
conseils sont orientés, notamment
pour les débutants. »
78 - EspritBonsaï ‘94’
 Les membres du club de bonsaï de Plaisir, Les amis du bonsaï Plaisir, dans
les Yvelines, pratiquent leur art dans la convivialité depuis trois décennies.
LES AMIS DU BONSAÏ PLAISIR
« 30 ans d’amitiés »
 En juin En 2018, se profile une belle date
2018, le club anniversaire : 30 ans. « À cette occa-
célèbrera son sion, et comme nous l’avions fait
anniversaire
pour nos 25 ans, nous avons prévu
en organisant
l’exposition l’organisation de l’exposition régio-
régionale Nord nale Nord de la fédération française
de la Fédération de bonsaï, le premier week-end de
française de juin. » Une trentaine de membres
bonsaï (FFB).
constituent l’association, «  dont
Ici, une
exposition une quinzaine depuis une dizaine
en 2016. d’années et qui viennent à chaque
réunion », ajoute le président dyna-
mique.
Des formateurs
La légèreté d’un groupe d’amis
et un travail sérieux sur les arbres
ne sont pas indissociables. Sébas-
tien Denis explique en effet que
«  Chaque thème traité (en alter-
nance mode de culture/botanique/
esthétique) fait l’objet d’un support
documentaire. » De quoi aider les
débutants et faire des piqûres de
rappel aux plus anciens.
Deux formateurs sont au sein
du club : « le vice-président, Alain
Tabary, qui s’intéresse plus particu-
lièrement aux pins et à la fertilisation,
et moi-même, titulaire du niveau de
formateur de club (Ex N1 de la Fédé-
ration française de bonsaï), pré-
cise le président, et tout membre
ayant des connaissances dans un
domaine particulier. »
Des professionnels amis et
proches du club invités à des mo-
ments opportuns : « La céramiste
Sabine Besnard nous rend visite le
jour où nous développons le thème
de la céramique en bonsaï et de
l’accord arbre/pot. D’autres profes-
sionnels amis peuvent être conviés,
comme Gilles et Sylvie Rigal, ou Fran-
cis Roux. »
Des essences locales
Respectueux des arbres et de
leur environnement, les membres
du club travaillent des essences
locales ou pouvant facilement
s’acclimater à la région, tout aussi
bien feuillus que conifères. Concer-
nant les débutants : « ils travaillent
essentiellement les feuillus. Plus
ils évoluent, plus ils s’attachent à
des espèces plus exigeantes. Les
débutants profitent, en versant leur
cotisation annuelle, de ce que nous
appelons un arbre de l’année, qu’ils  Étude du
apprennent à conduire en bonsaï mouvement avec
Ruud Halink,
avec les plus anciens membres. » formateur national
Les membres se réunissent une de la FFB, en
matinée et une journée entière les mars 2017.
deuxième et troisième dimanches
du mois, et généralement trois
week-ends par an pour profiter des
formateurs fédéraux. Les sujets trai-
tés sont toujours en rapport avec la
 Mise en
saison. La séance commence par forme d’un
un temps théorique basé sur le sup- pin lors d’une
port préparé par l’intervenant. On exposition
essaie ensuite de réserver un temps locale annuelle
du club.
commun de réflexion sur une dif-
ficulté particulière rencontrée par
l’un ou l’autre des participants.
Puis chacun met les mains dans
son arbre. Nous avons la chance
d’avoir un espace de culture ( jar-
din et pleine terre) mis à disposition
par la commune. »

Deux expositions
par an
En pratique
Maisons des Associations,
Chaque année généralement, rue Jean-Jacques Rousseau,
deux expositions locales sont orga- 78370 Plaisir
nisées : « l’une début septembre, Réunion : 2e et 3e dimanches du mois,
de taille raisonnable lors du forum  Intervention sur la céramique : de septembre à juin.
des associations de la commune. l’accord arbre-pot. Courriels : ladbp78@yahoo.fr
L’autre plus conséquente, lors d’un ou ladp78@gmail.com
évènement local organisé par une Un blog : http://ladbp.blogspot.fr/
association amie où nous présen- Président : Sébastien Denis
tons les plus beaux arbres des
membres. »
Le club participe également à
chaque exposition régionale de la
fédération : « Nous sommes le seul
club des Yvelines affilié à la Fédéra-
tion française de bonsaï. »
Pour Sébastien Denis, le bonsaï
est « sans conteste une véritable
passion, que j’essaie de partager  En début d’année,
chaque débutant
avec d’autres. » Le prochain beau reçoit un arbre
moment de partage se fera les 2 et à travailler : des
3 juin 2018, dans le cadre magni- muriers - Morus
fique du château de Plaisir.  alba, en 2016.

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