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com
Esprit Bonsaï nº95

 Le spécialiste du bonsaï et de sa culture  Août/Septembre 2018 nº95

NOUVELLE
FORMULE
LES BONSAÏS
SOUFFRENT-ILS ?
UN DÉCOR DE
MOUSSE
Cahier du
débutant
LA TAILLE

RESTRUCTURER
UN ÉPICÉA
MAÎTRISER
L/S :

L’ARROSAGE
LES POTS DE
ME AND RAIMONDI
France METRO : 9,80 € - BEL/LUX : 10,60 € - DOM : 10,60 € - ESP : 10

L 12674 - 95 H - F: 9,80 € - RD

Faites votre marché

à TOKYO
Nº 95 Sommaire

p. 8 p.27 p. 60

p. 68
4 Actualités, magazine À voir en détail
L’Esprit du bonsaï 42 De la transpiration de Édito
la plante à l’arrosage
7 Faisons-nous souffrir nos bonsaïs ?
Dans les expos 45 Pour bien nourrir
les bonsaïs
Sortirdes
8 Bonsai Matsuri :
LE grand marché
Du côté des feuillus sentiersbattus
du bonsaï au Japon 48 La bougainvillée : un En cette période estivale, nous sommes
nombreux à rêver d’autres horizons. Certains
bonsaï méditerranéen
14 Expo Bonsai UK : partiront, plus ou moins loin, d’autres pas, qui
Une nouvelle exposition Du côté des conifères pourront aussi faire de leur quotidien un voyage
britannique hors clubs 54 Quand un pin invite à tout aussi passionnant. Le Japon attire, bien
17 Sakufuten : réservé enfreindre les règles sûr, les amoureux du bonsaï et de la culture
japonaise en général. Ceux qui vont au Japon
aux professionnels 60 Restructurer un pour en visiter les lieux emblématiques du
épicéa mature
Des hommes et des arbres bonsaï suivent le plus souvent le circuit classique
20 Budi Sulistyo Imaginer un arbre différent des grandes expositions telles que la Kokufu-
« J’ai développé mon propre bonsaï ten à Tokyo, ou encore la Taikan-ten à Kyoto.
66 Un pin sylvestre atypique
Puis direction les jardins de Masahiko Kimura
avec les arbres de mon pays »
Des pots et des potiers et de Kunio Kobayashi, les pépinières d’Omiya
À faire ce mois (près de Tokyo), voire de Takamatsu (sur l’île de
68 Me and Raimondi
24 Prenez un peu « Nous travaillons ensemble Shikoku). Le bonsaï ayant un attrait touristique
d’avance pour indéniable, les professionnels japonais du
sur chaque pot »
le printemps domaine s’organisent pour communiquer, se faire
À côté des bonsaïs connaître et attirer les amateurs. En marge des
Le cahier du débutant circuits des Occidentaux, le Bonsai Matsuri et la
72 Un kokedama pas à pas
Sakufu-ten sont peu connus de ces amateurs de
27 La taille
Ikebana bonsaï et cependant deux événements majeurs.
Pour bien débuter Et pourtant… Le premier, établi à Saitama, près
32 Pour un décor de mousse 74 Senshin-Ikenobo : le rikka
s’ancre dans l’histoire de Tokyo, est axé principalement sur des stands
Les yeux dans les arbres de vente. Amateurs et professionnels viennent
76 Ohara : bonsaï et ikebana à Douai
là pour montrer leur production, et c’est au
34 L’arbre et les lieux sacrés au Japon
Clubs et passionnés cœur du monde des artisans du bonsaï qu’il
Shohin : les petits bonsaïs 78 Bonsaï club de Provence nous est permis alors d’entrer. Le deuxième, à
Un club qui traverse le temps Tokyo, est une exposition réservée aux exposants
36 Créez le tronc d’un professionnels, mais ouverte à tous visiteurs. Des
shohin à mi-parcours arbres de haut niveau, des enjeux économiques :
on est là dans un autre univers qui illustre aussi
le monde du bonsaï japonais d’aujourd’hui.
Directeur de la publication : Christian Fournereau – Rédactrice en chef : Michèle Corbihan – Direction artistique : Antoine Simon –
Graphistes : Stéphanie Grevet, Benjamin Madelainne. Stagiaires : Yuna Patinec, Victor Nivinou. Ont collaboré à ce numéro : Cinthya
Voyagez au cœur de votre passion
Arenas, BonsaiTranslations, Louis-Victor Bourdeau, Jean-François Busquet, Xavier Dreux, Udo Fischer, Steve Hale, Jérôme Hay, François Jeker, le temps de ces lectures, et de bien
Marette Renaudin, Isabel Ribeiro, Antonio Ricchiari, Anne Royer, Marcel Vrignaud, Peter Warren. – Publicité : Manon Foustoul (02 97 24 81 52) –
Revendeurs et professionnels : Magalie Rous (02 97 59 37 66) – Comptabilité : Anne Le Crom (02 97 59 37 61) - Gestion des ventes au
d’autres dans cette édition !
numéro : Pagure Presse (01 44 69 82 82) – Photogravure : Antoine Simon – Flashage/Impression : Rectiligne - ISSN : 1761-662X CPPAP : Bonne lecture !
0623K83283 – “Printed in France/Imprimé en France”. ESPRIT BONSAI est une publication LR Presse SARL : BP 30104, F-56401 AURAY CEDEX
- Siège social : 2, rue de Suède, Auray – SARL au capital de 84 500 euros – RCS Lorient B.381289719 – Tél. (33) 02 97 24 01 65 – Michèle Corbihan
Fax (33) 02 97 24 28 30 – E-mail : info@esprit-bonsai.com – Internet : http://www.esprit-bonsai.com – Abonnement : 6 numéros
par an – Dépôt légal à la date de parution – Couverture : Bonsai Matsuri. Photo Louis-Victor Bourdeau. Conception Antoine Simon.

EspritBonsaï 95 - 3
Actualités,
magazine
AGENDA
• En région PACA
Le Bonsaï Club de Mougins,
dans les Alpes-Maritimes,
organise à nouveau son
exposition « Bonsaï en
Automne », le week-end des
22 et 23 septembre pour cette
année, dont le thème sera
forêts et bosquets. Le club
présentera des arbres de ses
membres ainsi que de plusieurs
clubs de la région PACA.
Marché de professionnels.
Démonstrations et conseils.
¡ Salle Georges Courteline
Boulevard Georges Courteline
06250 Mougins
• En Normandie
L’arbre en pot, l’association de
bonsaï de Rouen, se lancera
dans un nouveau challenge
les 13 et 14 octobre 2018, car il
s’agira de présenter au public
une collection de bonsaïs qui,
en automne, se parent de
jolies couleurs. Les érables
auront la part belle, mais aussi
les mélèzes, les pommiers et
d’autres essences locales. Une
cinquantaine d’arbres issus
principalement des membres
du club, mais aussi de ceux de
clubs de la région constitueront
une belle exposition
régionale thématique.
Cette exposition pourrait être
reconduite tous les deux ans si
elle rencontre un réel succès.
¡ Salle Ostermeyer
76160 Saint Léger du Bourg
Denis (près de Rouen)
Entrée gratuite
• Kimura à Omiya
À l’automne 2018, Le Omiya
Bonsai Art Museum, à Saitama,
près de Tokyo, présentera
une exposition particulière
sur Masahiko Kimura dans
4 - EspritBonsaï ‘95’
le cadre d’une série sur les
maîtres contemporains du
bonsaï, une installation très
spéciale qui mettra en scène
la collection privée du grand
artiste japonais du bonsaï du
26 octobre au 21 novembre.
Un événement à ne pas
manquer pour tous ceux
qui planifient un voyage
au Japon cet automne.
¡ The Omiya Bonsai Art
Museum, Saitama
2-24-3, Torocho, Kita-ku
Saitama-shi, Saitama,
331-0804, Japon
Courriel : bonsai-art-
museum@city.saitama.lg.jp
http://www.bonsai-
art-museum.jp
• BCI à Mulhouse
Mulhouse vivra à l’heure
japonaise en octobre et
accueillera quatre événements
sur et autour du bonsaï :
- Bonsai Euro Top 30, du 4 au
14 octobre. La plus importante
exposition d’Europe, devenue
au fil des ans les jeux olympiques
du bonsaï. Tous les quatre
ans sont réunis les 30 plus
beaux bonsaïs d’Europe.
Une mise en scène et des
éclairages extraordinaires ont
fait la réputation internationale
de cet événement ;
- Le congrès mondial du BCI
(Bonsai Clubs International)
du 12 au 14 octobre. Ce
congrès présentera sept
expositions thématiques et,
pour la première fois montrée
au public, la collection
de suiseki des Allemands
Gudrun et Willy Benz ;
- Le congrès de la FFB
(Fédération Française de
Bonsaï), du 12 au 14 octobre ;
- Le symposium du suiseki, du
12 au 14 octobre.
Au total, 240 arbres, 100 suiseki,
des kusamono, de l’ikebana,
20 démonstrateurs, 50 stands
de professionnels, des
événements sur la culture
japonaise dans toute la ville.
Quelques éléments
déterminants : une rareté,
quatre arbres créés par John
Naka en Europe au siècle
dernier, des arbres japonais
sélectionnés pour la Kokufu-
ten, une sélection de vrais
yamadori européens faisant
la part belle à la créativité, des
arbres de collections privées
jamais exposés, des arbres
de célébrités européennes
du bonsaï – Pius Notter, Luis
Vallejo, Werner Busch, Jean-
Paul Polmans, Tony Tickle,
Enzo Ferrari, Manfred Roth,
les plus beaux arbres du
jardin Albert Kahn à Paris, les
plus beaux oliviers bonsaï
d’Espagne, des buis de plus
de 600 ans, une exposition
spéciale pour mal-entendants
et mal-voyants, un dîner de
Cet arbre de Christophe Hager
illustrera, avec d’autres, la
créativité des artistes européens
du bonsaï à Mulhouse.
gala dans le plus beau musée
de l’automobile du monde.
¡ http://world-bonsai-
mulhouse.fr
• L’European
Bonsai-San Show
L’European Bonsai-San Show
accueillera une belle pléiade
d’artistes internationaux du
bonsaï les 6 et 7 octobre
au Parc des expositions
de Saulieu, en Côte-d’Or.
Outre les nombreux prix qui
seront remis aux plus beaux
arbres de l’exposition, les
organisateurs annoncent
une grande tombola avec de
nombreux lots à gagner par
les visiteurs. Qu’on se le dise !
¡ http://european-
bonsai-san-show.com
Facebook : european
bonsai san show 2018
• Trois nations
à Mertzviller
Les trois nations de la Sarre –
l’Allemagne, le Luxembourg
et la Lorraine française – se
sont associées pour un nouvel
événement : Trois Nations
Bonsaï dont la première édition
a vu le jour en Allemagne,
à Saarwellingen les 12 et 13
mai 2018. Organisé par six
associations – Bonsai Frënn
 www.esprit-bonsai.com
Retrouvez les infos en temps réel sur notre blog
et sur notre page Facebook. Rejoignez le forum

Minett – Differdange a.s.b.l.

(Luxembourg), le Matsugawa
Bonsai-Club et le Bonsaï Club
de Lorraine (France), le Bonsai
RENDEZ-VOUS
Team Koblenz-Mittelrhein
e.V. et le Bonsai-Freunde
Salon National du bonsaï, Maulévrier
Ostsaar e. V. (Allemagne) – Le Salon national du bonsaï est une grande exposition française
formant Les Amis du Bonsai accueillant amateurs et professionnels du bonsaï au Parc
de la Sarre – cet événement oriental de Maulévrier, dans le Maine-et-Loire. L’édition 2018
a pour objectifs de montrer se tiendra les 8 et 9 septembre. L’exposition est réservée aux
que le bonsaï ne connaît amateurs indépendants, adhérents ou non à un club, avec
aucune frontière, qu’il relie les l’objectif de proposer aux visiteurs du Salon les meilleurs arbres
peuples et que c’est aussi une d’un niveau national. Ainsi, une cinquantaine d’arbres de haut
idée européenne. Pari réussi, niveau seront exposés dans la salle des fêtes de Maulévrier,
puisque cette première édition face à l’entrée du Parc oriental, représentant différentes
a rencontré un vif succès. régions du pays. Des prix « Coup de Cœur », attribués par
Plus de 70 arbres de haut un jury, récompenseront les plus arbres suivant des thèmes
niveau étaient présentés, ainsi définis : élégance, harmonie, naturel, force et puissance,
que des démonstrations. vénérable. Les visiteurs voteront aussi pour le prix du public.
La France accueillera la Les invités d’honneur de cette édition seront Alain Arnaud
deuxième édition de Trois et Francisco Ferreira, co-fondateurs, avec Patrice Bongrand
Nations Bonsaï les 8 et 9 juin et le regretté Thierry Font, de l’atelier L’Arbre et le Geste de
2019, à la salle Stéphane l’association Parlons Bonsai. Ils exposeront des arbres de leur
Grapelli de Mertzwiller, collection privée. Des élèves de leurs ateliers travailleront en
dans le Bas-Rhin. démonstrations sous les yeux vigilants de leurs maîtres. Alain
et Francisco feront des visitées guidées de l’exposition.
Au nombre des animations : démonstration de taille de pierre, Alain Arnaud et…
nettoyage de pierre et création d’un daiza, entre autres.
À proximité de la salle d’exposition, le village des
professionnels regroupera plus d’une douzaine
d’exposants professionnels du bonsaï : pépiniéristes
spécialisés, potiers, professionnels du bonsaï.
Le public pourra visiter le parc oriental librement ou avec un
guide, profiter du salon de thé et de la boutique où végétaux,
bonsaï, céramiques et accessoires sont proposés.
¡ Parc oriental - Route de Mauléon 49360 Maulevrier Francisco Ferreira seront
Courriel : contact@parc-oriental.com les invités du Salon national
https://www.parc-oriental.com du bonsaï de Maulévrier.

À lire
I Have a Dream
© HERBERT OBERMAYER

Mauro Stemberger, Éditions Italian Bonsai Dream

I Have a Dream (J’ai
un Rêve) est le titre
du livre que Mauro
Premier prix du feuillu pour Stemberger, artiste italien du bonsaï vient de
le Pseudocydonia sinensis sortir pour présenter son travail. Depuis plus
de Manuel Flammann, lors
de la première édition de d’une décennie, l’Italien sillonne le monde
Trois Nations Bonsaïs à pour faire des démonstrations et a réuni dans
Saarwellingen, Allemagne. ce très beau livre des arbres de sa collection
privée. Ce livre est bien plus qu’un portfolio,
car le professionnel nous conte l’histoire de
ses arbres et nous offre à voir sa démarche et
les travaux effectués, du prélèvement parfois,
jusqu’à la photo finale. Un livre passionnant
pour qui veut découvrir l’esthétique de ce
grand artiste international du bonsaï.
¡ Couverture cartonnée avec jaquette.
21 x 31 cm. 208 pages. 80 €.
Contact : Stemberger@libero.it

EspritBonsaï ‘95’ - 5
 Actualités,
magazine

Sur le Net Expositions et congrès

2018
VBV Dender
DENDER, 8-9 Expositions, démonstrations et ateliers
BELGIQUE septembre www.vlaamsebonsai.be/kalender/377/
dender-najaarsvergadering-vbv

Bonsai Bash 2018

NOTTINGHAM, 12-14 Le Nord-Américain Sean Smith sera invité
GRANDE-BRETAGNE septembre pour fêter les 40 ans de Greenwood.
www.bonsai.co.uk

Festival del Bonsai

Parc Delle Farfalle
15-16 via Fontana,
Cours en ligne
ANDORA, ITALIE
septembre 17051 Andora, Savone
Courriel : giancarlo136@alice.it
L’artiste nord-américain Bjorn Bjorholm et Facebook : drynemetum bonsai
Bonsai Empire viennent de mettre en ligne
en mai dernier leur dernier tutoriel destiné DECIN, RÉPUBLIQUE 21-23 Bonsai Trienalle et congrès annuel du CBA
aux amateurs de bonsaï éclairé “Advanced TCHÈQUE septembre Courriel : info@cba-bonsai.cz
Bonsai Course”. Le cours se décompose en
quatre sections : philosophie, esthétique et
Automn Shohin Exhibition
conception, techniques et présentation. DONCASTER, 23 Markham Grange Nursery
La partie philosophique nous plonge dans GRANDE-BRETAGNE septembre Brodsworth
les nuances de la signification du mot bonsaï, Courriel : shohinexhibition@gmx.co.uk
autant dans son étymologie que dans son
implication philosophique la plus profonde. European Bonsai-San Show
SAULIEU 6-7 octobre
La partie esthétique et conception part de www.european-bonsai-san-show.com
la philosophie pour aller vers les influences
environnementales, culturelles et historiques 12-14 Bonsai Clubs International 2018
MULHOUSE
de l’art du bonsaï et de sa conception. octobre www.world-bonsai-mulhouse.fra
Savoir pourquoi et d’où sont venus et
viennent les différentes facettes de Heathrow Bonsai Show
HEATHROW, Harlington Sports Centre, Pinkwell Lane,
la conception et l’épistémologie des 21 octobre
GRANDE-BRETAGNE Harlington, Middlesex. UB3 1PB
croyances sur l’esthétique et la conception www.heathrowbonsai.weebly.com
est important pour avoir une entière
compréhension du bonsaï en tant qu’art. Sakka ten 2018, Autumn trees
Dans la partie technique, Bjorn s’attache ALCALÀ DE 2-4
Congrès international de l’art du
aux techniques avancées applicables bonsaï et de sa culture
XIVERT, ESPAGNE novembre
Invité : Minoru Akiyama.
à une grande variété d’espèces, tout
Facebook : Sakka ten 2018
aussi bien japonaises que nord-
américaines ou européennes.
Congrès de l’UBE (Unión del bonsai español)
C’est donc un cursus très complet hors Centre culturel Isabel de Farnesio Aranjuez
normes, s’articulant en 26 cours, que 26-27 Capitán, 39
MADRID, ESPAGNE
nous proposent Bjorn Bjorholm et Bonsai janvier 2019 28300, Aranjuez, Madrid
Empire, dans la continuité des précédents Courriel : ube@ubebonsai.es
Facebook : Unión del Bonsai Español
cours en ligne destinés aux débutants
et aux amateurs intermédiaires.
$69.99 pour un accès à vie aux 26
cours. Durée totale : 6 heures de
vidéo, avec sous-titres anglais.
¡ http://www.bonsaiempire.com/
courses/advanced-course

6 - EspritBonsaï ‘95’

FAISONS-NOUS SOUFFRIR
NOS BONSAÏS ?
Végétaux et animaux sont des formes de
vie très différentes. Les mêmes causes
n’auront donc pas les mêmes effets…
Auteur : Louis-Victor Bourdeau
T
ous les amateurs de bonsaï
ont eu un jour à expliquer à
des profanes que leur loisir
favori ne consiste pas à faire
souffrir des arbres. L’image d’arbres for-
cés à pousser dans de petits pots, taillés
en permanence et tordus par des liga-
tures, s’apparente à une véritable tor-
ture pour beaucoup de personnes qui
ne connaissent pas cette activité.
La parade classique consiste à compa-
rer notre passion à la taille d’une haie ou à
latontedugazond’unjardin.Quisongerait,
en effet, à comparer le jardinier du week-
end à un tortionnaire de plantes ? Pour-
tant, ces activités banales et largement
acceptées sont à l’évidence des formes
de contraintes sévères de l’homme sur le
végétal, d’ailleurs pas forcément pour le
plus grand bonheur du végétal !
Si cette comparaison est justifiée et
peut aider à faire accepter le bonsaï en
tant qu’art, elle ne suffit évidemment tou-
jours pas à lever le doute du contradicteur.
Il me semble que le sentiment de
souffrance dans cet art vient d’abord
du fait que le bonsaï, tel qu’il est conçu
par le grand public, est une représenta-
tion d’arbres âgés, tourmentés et dure-
ment éprouvés par leur environnement.
L’image de la lutte de la vie contre la
mort, comme on peut le voir chez ces
pins ou genévriers aux troncs tordus et
aux nombreux bois morts, qui existent
dans la nature sans que l’homme ne soit
intervenu.
Alors finalement, essayer de répondre
à cette question de la souffrance des
bonsaïs revient à répondre à la question
de la souffrance des arbres eux-mêmes.
Le stress pour
l’immortalité
Les arbres souffrent-ils ?
Si cette question n’est pas
réglée chez les scientifiques, quelques
faits nous permettent d’envisager et de
comprendre le problème sous un angle
différent et assez surprenant.
Il a été prouvé que les arbres sont
capables d’émettre des signaux chimiques
lorsqu’ils sont soumis à un stress, même
s’ils ne possèdent pas de système nerveux
à proprement parler comme les animaux.
En s’intéressant aux arbres d’une
même espèce, la science a découvert
que les arbres les plus vieux sont ceux
qui poussent dans les conditions les plus
défavorables.
En Europe, l’exemple le plus connu et
le plus étonnant est celui des trognes, ou
arbres têtards, ces arbres perpétuelle-
ment taillés par les hommes afin de leur
faire produire des rejets pour différents
usages. Certaines trognes de chênes, en
France ou en Angleterre, ont dépassé
1 000 ans alors qu’un individu poussant
librement dépasse très rarement 500 ans.
Autre cas encore plus troublant : un
épicéa de 8 000 ans a été découvert en
Suède. Écrasé par la neige et le vent, il
mesure 2 mètres de haut et a réussi à
survivre par marcottage successif de ses
branches basses. Sans contrainte, un épi-
céa peut mesurer 40 mètres de haut et
vivre au maximum 500 ans.
Les exemples sont très nombreux et
ont tous en commun que, soumis à des
stress et contraintes divers, beaucoup
d’espèces deviennent presque immor-
telles.
L'Esprit
du bonsaï
La question de la soufrance des
arbres résulte bien souvent de
l’anthropomorphisme. Au-delà de cette
énigme, sous la contrainte, les arbres
développent des mécanismes de
multiplication les rendant immortels.
L’explication est connue : sous la con-
trainte (environnementale, humaine) les
arbres se multiplient en formant des sup-
pléments ou réitérations et se transfor-
ment alors en une colonie. C’est cette
colonie qui devient immortelle.
Une forme de vie
diférente
Ces phénomènes déconcertants nous
montrent à quel point les arbres sont une
forme de vie bien différente des animaux
que nous sommes. Des contraintes exté-
rieures défavorables provoquent la perte
de l’animal sur le long terme. Alors que
chez les arbres, elles déclenchent des
mécanismes qui, au contraire, les rendent
éternels.
Si la notion de souffrance est applicable
aux arbres, ce qui reste à démontrer, elle
ne produit sur eux assurément pas les
mêmes effets que sur les animaux.
Alors, nos bonsaïs souffrent-ils lorsque
nous les travaillons ? Personne ne pou-
vant encore répondre vraiment à cette
question, je préfère voir dans les bon-
saïs, les plus beaux et les plus expressifs,
l’image de l’immortalité. 
EspritBonsaï ‘95’ - 7
Dans
les expos
BONSAI MATSURI 2018
LE grand marché
du bonsaï au Japon
Le Bonsai Matsuri d’Omiya, près
de Tokyo, est un rendez-vous
incontournable du bonsaï japonais,
au printemps : un grand marché de
professionnels et d’amateurs. Pour
découvrir l’aspect artisanal du bonsaï.
Auteur : Louis-Victor Bourdeau
8 - EspritBonsaï ‘95’
Des vendeurs avenants, des fleurs et
la lumière du printemps : c’est l’esprit
du Bonsai Matsuri, un grand marché
du bonsaï qui se tient chaque année
à Omiya, Saitama, près de Tokyo.
Pour beaucoup d’Occidentaux
passionnés de bonsaï, le premier voyage au Japon
a souvent lieu à l’occasion d’une des deux grandes
expositions japonaises : la Kokufu bonsai ten, l’expo-
sition nationale de Tokyo, ou la Taikan ten à Kyoto. À
l’instar des expositions européennes, ces évènements
combinent l’exposition proprement dite et un marché
où l’amateur de bonsaï peut trouver tout ce qui lui per-
met d’assouvir sa passion. Le Bonsai Matsuri d’Omiya
est un autre événement important du calendrier du
bonsaï japonais, qui se tient début mai chaque année
au Bonsaicho de Saitama, près de Tokyo. Organisé sur
un modèle inversé par rapport aux grandes expositions
japonaises, il s’agit d’un grand marché aux bonsaïs en
plein air doublé d’une exposition locale intéressante,
loin des standards du haut niveau japonais.
 Le village d’Omiya
La ville de Saitama est une immense conurbation située à une ving-
taine de kilomètres au nord de Tokyo. Elle est formée du regroupe-
ment de plusieurs villes dont les plus importantes sont Urawa, Yono et
Omiya. C’est dans cette dernière, au nom bien connu des amateurs de
bonsaï, que se trouve le célèbre village du bonsaï. Enserré entre deux
stations de train (Toro et Omiya koen), ce petit quartier résidentiel et
huppé regroupe un musée du bonsaï ouvert en 2010 et certaines des
pépinières les plus célèbres du Japon.
Ce village a été créé en 1925 après le grand séisme du Kanto (la région
de Tokyo) de 1923. Plusieurs professionnels du bonsaï décidèrent de
s’établir à cet endroit pour la qualité de son eau et de son sol et pour
la disponibilité des terrains. Les temps ont bien changé depuis cette
époque puisque les lieux sont maintenant devenus extrêmement
urbanisés et le quartier cossu.

Grâce à un printemps chaud cette année, le

festival avait lieu en pleine floraison des azalées.

L’exposition du Bonsai Matsuri : une belle manière Un stand d’amateur typique.

de promouvoir le bonsaï auprès d’un large public. La valeur des bonsaïs
augmente avec la hauteur de
leur position sur l’étagère !

Le Bonsai Matsuri, même s’il n’est pas forcé- L’essentiel des stands est
ment le lieu de l’excellence japonaise, reste une tenu par des professionnels,
occasion unique de rencontrer des producteurs mais aussi parfois par des
et des amateurs venant de presque tout le pays. amateurs venant de tout le Ja-
Dans une ambiance printanière et bon enfant, il pon. On trouve beaucoup de
permet de prendre le pouls de ce marché si par- professionnels du Kanto (la
ticulier et d’admirer la variété ininie de ce que région de Tokyo), mais aussi
les professionnels, et même certains amateurs, des montagnes de Nagano ou
sont capables de créer. du Kansaï (région de Kyoto et
Osaka).
Professionnels et amateurs Tout ce qui se rapporte de
Le festival accueille une cinquantaine d’expo- près ou de loin au bonsaï, voire
Un stand à part, tenu par
sants le long de rues formant un grand U jalonné à la culture des végétaux en général est vendu au
un jeune professionnel :
par les grandes pépinières d’Omiya : Mansei-en, Bonsaï Matsuri : arbres, plantes de toutes sortes beaucoup d’originalité
Seiko-en, Kyuka-en et Toju-en, pour citer les plus (du cactus à la plante aquatique), tablettes, pots, et de délicatesse
célèbres. Elles participent d’ailleurs très active- outils, engrais, substrat, suiseki et même de petits dans sa production.
ment au festival en ouvrant largement leurs portes poissons assez en vogue appelés killis. En géné-
et en proposant, pour certaines, un important ral, de quoi ramener chez soi un petit morceau
déstockage. de nature. 

EspritBonsaï ‘95’ - 9
 Dans
les expos

Le climat japonais aide à la culture des mousses et Quand la qualité augmente, le prix augmente aussi :
ce stand qui leur est consacré en est la preuve. l'arbre de droite s'approche du millier d'euros.

Des plantes alpines au bonsaï

Un des aspects remarquables de ce marché
est l’extraordinaire variété de l’offre. Quelques
stands sont généralistes et proposent un peu de
tout ce qui touche au bonsaï, alors que d’autres
sont extrêmement spécialisés, y compris dans des
domaines qui peuvent surprendre un Occidental.
Ainsi un stand uniquement consacré aux plantes
alpines, ou à la vente de mousses de différentes
espèces, remportait ce printemps un certain suc-
cès. Évidemment, de nombreux vendeurs sont
aussi spécialisés dans la vente de pots, avec toute
la gamme représentée : antique chinois, Toko-
name divers, pots chinois modernes, et pots mo-
dernes d’auteurs.
Très didactique et
Comme toujours, ce qui est très rare et très
tenu par un passionné,
beau est très cher, mais la gamme de prix est un stand presque
immense, et reste extrêmement alléchante pour Loin du formalisme entièrement consacré
un Occidental. Tous les Japonais fréquentant chaque année au Zelkova serrata
La variété existe dans la marchandise propo- cet événement s’accordent à dire que l’ambiance (keyaki en japonais)
sée, mais aussi dans la tenue des étalages. Cer- y est tout à fait spéciale.
tains stands sont parfaitement rangés et présentés En premier lieu, la date y est pour beaucoup :
alors que d’autres ressemblent plus à une sorte le Bonsai Matsuri se déroule pendant la Golden
de vide-grenier du bonsaï. Week, une suite continue de jours fériés qui
Cette diversité n’est inalement que le relet de constituent une des rares semaines de congé
la pratique du bonsaï, qui peut n’être qu’un simple au Japon. De plus, le printemps est une des sai-
loisir pour beaucoup ou une véritable ascèse pour sons les plus plaisantes au Japon. Précédant les
les plus passionnés. Avant toute chose, le bonsaï chaleurs humides et étouffantes de la saison des
reste une porte en ouvrant beaucoup d’autres, pluies en juin, la température est très agréable et
et qui amène à s’intéresser à bien d’autres do- le soleil souvent éclatant.
maines. Le Bonsaï Matsuri en apporte la preuve Mais c’est, à mon avis, autre chose qui rend
par la diversité des artisanats qu’il propose. ce marché si spécial. On est, ici, très loin du for-

10 - EspritBonsaï ‘95’
 Une petite expo
La petite exposition située
au centre du marché m'a
semblé assez représentative
de ce qu'est l'esprit du Bon-
sai Matsuri : une trentaine
de bonsaïs sont exposés
sans tablettes ni plantes
d'accompagnement, posés à
même les tables. Ces arbres
appartiennent essentielle-
ment à des amateurs locaux.
L'accent est mis sur la
variété des espèces, en par-
ticulier beaucoup d'arbres
à fleurs, et l'écart dans la
qualité des sujets est grand.
On y admire de l'exemplaire
digne de la Kokufu ten à
des arbres beaucoup plus
simples tels que l'on peut en
trouver sur la plupart des
stands. Aucune hiérarchie et
aucun jugement de valeur,
car il s'agit juste de présenter
au plus large public cet art
dans toute sa variété, sans
règles compliquées. C'est
un spectacle très rafraîchis-
sant qui a pour mérite de
présenter un bonsaï acces-
sible, sans jamais niveler par
le bas.

Ce pin Un des plus beaux arbres de l'exposition : un pin

densiflora sait pentaphylla de près de 80 cm de hauteur, qui a sa
s'afranchir place dans les grandes expositions japonaises.
malisme parfois un peu écrasant des grandes ex- des codes,
positions japonaises fréquentées par un public à l'image du
bonsaï japonais.
en majorité connaisseur et passionné. Au Bonsai
Matsuri, tous les amateurs, même occasionnels,
de nature et surtout de plantes sont les bienvenus.
Évidemment, de nombreux passionnés, souvent
âgés, sont présents et, chaque année, le célèbre
Masahiko Kimura vient ici avec ses apprentis du
moment. Mais on rencontre aussi beaucoup de
jeunes et des familles, un public beaucoup plus
rare à la Kokufu ten ou à la Taikan ten.
Si l’on considère que le bonsaï est tout autant
un art qu’un artisanat, au Bonsai Matsuri, c’est
la face artisanat qu’il nous est donné d’admirer,
et ce n’est pas forcément la moins intéressante.

À moins de 10 €
Les stands les plus populaires sont assurément
ceux qui proposent des arbres ou du matériel plu-
tôt simple. Les bacs de pots à 1000 yens (envi- Les tout petits arbres remportent un grand succès,
ron 7,70 €) sont pris d’assaut et les bonsaïs  y compris auprès des jeunes Japonais.

EspritBonsaï ‘95’ - 11
 Les nombreux
bacs de petits pots
d'occasion attirent
beaucoup d’acheteurs.

 de petite taille à moins de 10 000 yens sont

ceux qui se vendent le mieux. Les vendeurs ne
sont pas avares de conseils et passent une grande
partie de leur journée à discuter avec les simples
visiteurs ou des acheteurs potentiels.
Il y a fort à parier que c’est au Bonsai Matsuri
que de nombreux Japonais ont découvert le bon-
saï et se sont laissé tenter par un petit arbre pour
la première fois de leur vie.
J’ai vu assez peu d’Occidentaux pendant cette
édition de 2018. Seulement quelques visiteurs in-
dividuels, en général Anglo-saxons, parfois arri-
vés là par hasard, mais aussi quelques passionnés
qui combinent le festival avec l’incontournable
visite du musée du bonsaï d’Omiya et des grandes
pépinières.

Les Chinois achètent

Par contre, un grand nombre de Chinois étaient En général posés
présents, essentiellement pour acheter. Depuis à même le sol, les
quelques années, avec l’augmentation du pouvoir jeunes plants pré
d’achat en Chine, leur inluence sur le marché du Une créativité inégalée bonsaï illustrent
l'excellence de la
bonsaï japonais est devenue incontournable. Ce C’est d’ailleurs ce qui reste le plus marquant
production japonaise.
qui n’est évidemment pas sans créer quelques quand on visite le Bonsaï Matsuri. Que ce soit
réticences chez certains vendeurs, les relations pour la production de futurs bonsaïs ou pour des
entre la Chine et le Japon restant encore et tou- sujets déjà plus matures, se promener le long des
jours assez tendues. allées du festival fait prendre conscience que la
Au-delà des tensions nationalistes, le bonsaï créativité des producteurs japonais reste encore
doit-il être traité au même titre que n’importe inégalée, tant par la qualité que par la quantité.
quelle forme d’art ou d’artisanat ? Au Japon, ces Même si de nos jours, rares sont les jeunes Japo-
tensions jouent un rôle évident et les règles d’im- nais à se lancer dans la production de bonsaï,
portation semblent plus que jamais nécessaires. les quelques-uns qui le font forcent le respect et 
Mais la pression évidente des acheteurs chinois l’admiration, car malgré un métier et un marché Pin pentaphylla
rend cette question plus que jamais aiguë tant ce extrêmement dificiles, ils passeront leur vie à de taille shohin,
pays reste le leader incontesté du bonsaï, et tant créer de la beauté sous une forme perpétuelle- preuve de
l'immense
dans la production que dans les connaissances ment changeante. Créer de la beauté à partir de créativité des
qui aboutissent aux arbres les plus impression- presque rien, c’est assurément une des déinitions professionnels
nants. de l’essence de l’Art.  japonais.

12 - EspritBonsaï ‘95’
EspritBonsaï ‘95’ - 13
 Dans
les expos

© SIMRAN RAHI
John Pitt, bonsaika et
ancien potier talentueux,
emporte deux récompenses
pour sa présentation.

Expo Bonsai UK, une nouvelle

exposition au Royaume Uni,
permet aux Britanniques
de présenter leurs arbres
individuellement. La présentation
de John Pitt emporte le prix du
plus bel arbre de l’exposition
pour son prunellier et celui de
la meilleure plante d’accent.
© MARK COOPER

EXPO BONSAI UK 2018

Une nouvelle exposition
britannique hors clubs
Au Royaume Uni, les expositions hors clubs ne
sont pas légion. Pour pallier ce manque dans le
sud du pays, quelques amateurs se sont motivés
et Expo Bonsai UK, la première du nom, s’est
installé près d’Heathrow, en avril 2018.
Texte : Steve Hale
Les visiteurs sont venus en nombre pour
admirer la centaine d’arbres exposés.

Expo Bonsai UK, la pre-
mière exposition de bonsaï du sud du Royaume
Uni dédiée aux particuliers, investissait le Harling-
ton Sports Centre, à Hayes (Middlesex) à l'ouest
de Londres, pour sa première édition le 8 avril
2018. L’époustoulant prunellier de John Pitt, qui
ne cesse d’embellir, a remporté le prix de la meil-
leure présentation de l’exposition.
Depuis quelques années, le Royaume Uni orga-
nise de nombreuses expositions de bonsaïs pour
les membres de clubs et un petit nombre d’ama-
teurs isolés, mais ce qui manquait ces derniers
temps était une exposition dédiée exclusivement à
l’amateur individuel. Le succès de Bonsai Europa
dans le Nord du pays prouve que cela peut mar-
cher. Mais il manquait quelque chose dans le Sud.

14 - EspritBonsaï ‘95’
© MARK COOPER

© SIMRAN RAHI
Meilleur grand feuillu : érable Mark et Ritta Cooper, des habitués
trident, Mark et Ritta Cooper. des podiums pour leurs arbres.

Les prix
- Meilleur arbre de l’exposition,
sponsorisée par Saruyama Bonsai :
prunellier, John Pitt.
- Meilleur grand feuillu, sponsorisé
par Greenwood Bonsai Studio :
érable trident, Mark et Ritta Cooper.
Second prix : aubépine, Steve McKee.
- Meilleur grand conifère, sponsorisé
par Kaizen Bonsai : Chamaecyparis,
Mo Fagan.
shohin, sponsorisée par Windybank
Bonsai : John Armitage.
Second prix : Mark & Ritta Cooper
- Meilleure plante d’accent, sponso-
risée par Lee Verhorevoort Bonsai :
John Pitt.
Second prix : Andy Jordan.
- Meilleure combinaison arbre/pot,
sponsorisée par l’European Bonsai
Potters Collective (collectif européen

© MARK COOPER
Second prix : Pinus parviflora ‘Koko- de potiers bonsaï) : Simon Temblett.
noe’, Dean Morgan. Second prix : érable trident, Ian
- Meilleure composition mame/ Cuppleditch.
Meilleur grand conifère :
Chamaecyparis,
Un petit groupe d’amateurs décide donc de don- à tous niveaux, du style traditionnel japonais à Mo Fagan.
ner à ces particuliers ce qu’ils souhaitent. Expo l’abstrait, et les tables d’exposition s’en tiennent
Bonsai UK est né : un grand succès, assurément ! à leur rôle. Ain d’encourager les exposants à faire
de leur mieux, les présentations sont jugées selon
Plus de 100 arbres six catégories, dont les trophées sont fournis par
L’équipe du Heathrow Bonsai Show, déjà cou- six professionnels. Le jury est toutefois constitué
ronnée de succès, et moi-même, du groupe The d’une équipe de sept amateurs. Outre les plaques
Splinter, passons une année à organiser ce que annuelles, des trophées faits main sont également
nous espérons être la solution. Je prends en main présentés par Esther Grifiths et Graham Jenkins.
la sélection des arbres de toutes les régions du
pays. L’équipe de Heathrow, dirigée par Mark et Du petit au grand
Ming Moreland et Brian Wallin, fournit un lieu Les arbres ont été sélectionnés en tenant Meilleure
qui peut fonctionner, mais surtout une capacité à compte de leur diversité et de leur qualité, et l’ex- composition
organiser les aspects matériels et à assurer la lui- position est un grand succès. Le printemps  shohin : John
dité nécessaire dans un projet d’une telle enver- Armitage.
gure. Des réunions régulières et de nombreuses
heures passées à traquer les arbres et les commer-
çants nous mènent inalement à l’événement, le
8 avril, dans un complexe de salles de sport près
de l’aéroport d’Heathrow.
© ESTHER GRIFFITHS ET HARRY HARRINGTON

Le jour J, plus de 100 arbres ainsi que 35 com-

merçants sont réunis dans le complexe sportif et la
matinée commence par un petit-déjeuner fourni
par l’équipe. Lors de la sélection des arbres, l’ac-
cent est mis sur la présentation, car il ne s’agit pas
de disposer simplement les arbres sur les tables,
et les exposants sont à la hauteur de cette exi-
gence. Les présentations sont très bien accueillies

EspritBonsaï ‘95’ - 15
 Dans
les expos
© © ESTHER GRIFFITHS ET HARRY HARRINGTON

© ESTHER GRIFFITHS ET HARRY HARRINGTON

Meilleure combinaison arbre-pot : Acer palmatum shohin, Andy Jordan.

aubépine, Simon Temblett.

 britannique tardif est source de problèmes

pour certains arbres, mais quelques volontaires
ont pu prendre le train en marche et exposer à la
dernière minute. Les leurs ont été particulière-
ment tardives cette année, mais, avouons-le, au
Japon, l’apparition d’un bourgeon sur le point de
leurir a la même valeur qu’une pleine loraison
pour nous. Toutefois trois glycines sont en leurs :
une énorme surprise et une preuve du talent du
propriétaire dans ce domaine. Les arbres exposés
sont magniiques et leurs variétés couvrent toutes
les dimensions de bonsaï. Le hall d’exposition
offre absolument de tout et pour tous les goûts,
du prunellier collecté dans la nature jusqu’aux
vieux érables japonais importés. Le marché se composait de 35 professionnels
Dans les zones marchandes, toute la gamme proposant céramiques, arbres, et toutes
choses utiles dans l’art du bonsaï.
des bonsaïs est couverte. Des arbres de tout ni-
veau et de toute qualité, des pièces de potiers
britanniques et tout autre produit ont fait que
beaucoup ont quitté les halls d’exposition avec
des sacs bien remplis.

Rendez-vous en 2019
© ESTHER GRIFFITHS ET HARRY HARRINGTON

Alors, est-ce un succès ? Les retours sur l’évé-

nement sont très bons dans l’ensemble, de nom- Exposer en 2019
breuses personnes ayant déjà manifesté l’envie La deuxième édition de Expo Bonsai UK
de soumettre une présentation pour la prochaine aura lieu le 7 avril 2019, Harlington Sports
édition, le 7 avril 2019. Certains détails seront Centre, à Hayes (Middlesex).
revus, mais dans l’ensemble, la formule a bien Si vous souhaitez présenter un arbre,
fonctionné et le public comme les exposants sont vous pouvez adresser votre demande à :
heureux. Espérons que cela continue ! ebuk18@gmail.com.
Un grand merci aux sponsors pour leur sou- Acer palmatum, Peter Warren. https://expobonsaiuk.weebly.com
tien. 

16 - EspritBonsaï ‘95’
 Dans
les expos
Chaque année, la Sakufuten
ne présente que des arbres de
professionnel. La 43e édition se
tenait au Green Club du parc
Ueno, à Tokyo, en décembre
2017. Ce superbe Picea
jezoensis de Masayuki Fujikawa
a remporté le prestigieux
prix du premier Ministre.

Des arbres en cours de travail sont

exposés dans l’annexe du Green Club.

SAKUFUTEN
Réservé aux professionnels
La Sakufuten est l’opportunité pour les
professionnels japonais du bonsaï de montrer
leur savoir-faire et de le faire savoir, car cette
exposition leur est réservée. Reportage à Tokyo. Auteure : Isabel Ribeiro

En marge des grandes tion de la Nippon Bonsai Sakufuten se Kimura, Hiramatsu…

expositions japonaises connues par les
Occidentaux, la Sakufuten, à Tokyo,
n’en est pas moins importante, car ré-
servée aux seuls professionnels du bon-
saï. Ceux-là même dont les arbres qu’ils
travaillent sont exposés sous le nom de
leur propriétaire-client dans toutes les
autres expositions. Les professionnels
exposent donc ici les bonsaïs qu’ils tra-
vaillent en leur nom propre. La 43e édi-
tenait au Green Club de Ueno du 14 au
17 décembre 2017.
Pour ces professionnels qui vivent de
leurs arbres, la Sakufuten est ainsi une
vitrine importante, destinée aussi à attirer
de nouveaux clients.
Pour la touche glamour, discrète bien
entendu, les organisateurs ont invité Ma-
riko Takahashi, célèbre actrice et manne-
quin japonaise.
À l’entrée du Green Club, au rez-de-
chaussée, le vainqueur du prestigieux
prix du Premier Ministre, un grand épi-
céa du Japon (Picea jezoensis) de Ma-
sayuki Fujikawa, sur fond de paravent
doré, accueille le visiteur.
L’exposition se déploie au rez-de-
chaussée et au premier étage du bâtiment,
réunissant des compositions de feuil-
lus et de conifères de toute taille. 

EspritBonsaï ‘95’ - 17
 Dans
les expos

Très apprécié pour son humour, Mizukoshi Présenté en tokonoma, un des célèbres ishizuki de Masahiko Kimura
Katsuhisa, professionnel du bonsaï, est venu répond à un érable au nebari impressionnant. Hauteur ishizuki : 144 cm.
spécialement de Nagoya pour tenir un stand.

 Le deuxième étage est consacré à

la vente d’arbres de grandes dimensions,
alors que dans la cour sont proposés les
arbres de tailles plus modestes, de même
que les pots, les tablettes et les tempai.
Enfin, dans une annexe, les arbres en
cours de travail laissent entrevoir une li-
gature ou un bois mort récemment créé.
Des professionnels illustres, comme
Masahiko Kimura ou Koji Hiramatsu, et
bien d’autres moins connus des amateurs
étrangers exposent leurs arbres ici.
Les présentations sont majoritaire-
ment classiques, dans le respect des
codes japonais du bonsaï. À noter,
une composition pour le moins surpre-
nante : un pin semi-cascade… posé sur
une sphère à facettes de couleur argent
tranche avec les délicats bois travaillés
des autres tablettes.
Prix du Comité pour le développement du bonsaï japonais de la meilleure
« Je suis encore novice » composition shohin : Koji Hiramatsu. Pinus pentaphylla, Pinus thunbergii,
Ici, l’attribution des prix se fait bien en Acer buergerianum, Juniperus chinensis, Gardenia, Zelkova serrata.
amont de l’exposition. En effet, le comité
de sélection, composé de onze membres,
s’est réuni le 11 octobre 2017 au Green pouvoir rendre à ce vieil arbre sa
Club pour retenir trois arbres par catégo- L’épicéaprimé force et sa vitalité, Masayuki Fujikawa
rie. Des bonsaïs « qui concilient la vitalité L’épicéa pour lequel Masayuki décide de revoir la composition
et le talent » du professionnel, jugé sur Fujikawa a reçu le prix du Premier du substrat afin de raviver les
sa technique et ses compétences, dans Ministre de la Sakufuten 2017 lui a racines afaiblies. Sa patience et son
cette exposition considérée comme la été confié il y a 15 ans, juste avant le dévouement sont couronnés de
plus prestigieuse pour ces artistes. Les décès de son père, alors qu’il vient succès ! Il décide de revoir également
organisateurs espèrent que « cet art de- de finir son apprentissage. Malgré l’esthétique de ce bonsaï : il le
meurera vivant en continuant à accueillir un premier rempotage trois ans rehausse, dégage le nebari, rabaisse
des personnes de tous horizons. » plus tard, l’arbre ne reprend pas de également la tête, pour souligner ainsi
Dans la mesure où les délibérations se vigueur. Au contraire, il cesse de ses belles courbes. Avec patience
sont tenues deux mois plus tôt, les visi- produire de nouveaux bourgeons toujours, s’inscrivant dans la culture
teurs peuvent acheter sur place le cata- et perd quelques branches. à long terme, respectant ce que cet
logue de l’exposition faisant apparaître Inexpérimenté alors, frustré de ne arbre représente : un héritage.

18 - EspritBonsaï ‘95’

Prix de l’Association du bonsaï
japonais : Juniperus chinensis,
Seiya Kiyama. Hauteur : 110 cm.
aussi les arbres primés. À cette différence
que les feuillus portaient leur végétation
au moment des prises de vue. Double
plaisir donc : observer de visu ces arbres
aux ramures dénudées, et les apprécier
avec leur feuillage sur le livre.
De nombreux prix ont été attribués, et
le plus convoité, celui du Premier Ministre,
revient à Masayuki Fujikawa pour son Pi-
cea jezoensis. Cet ancien apprenti de M.
Kimura, devenu indépendant il y a 15 ans
(Fujikawa Hosei-en), s’estime encore « no-
vice ». Il déclare, avec beaucoup de modes-
tie, accepter volontiers les conseils et les
encouragements de tout amateur ou pro-
fessionnel du bonsaï. Ce qui ne l’empêche
pas d’avoir été un des démonstrateurs invi-
tés au congrès mondial du bonsaï à Sai-
tama en 2017, et de voyager en tant que
conférencier et démonstrateur.
Des pots d’auteur
Le public est majoritairement japonais
à la Sakufuten, et la présence de notre
groupe d’Européens – participant au Ja-
pan Tour organisé par le club italien Bon-
sai Time – en interpelle donc plus d’un.
Alors que nous sommes dans les stands
Prix du Ministre de l’Agriculture, des
forêts et de la pêche : Pseudocydonia,
Kyoichi Matsuda. Hauteur : 75 cm.
Genévrier de Takatoshi Asako primé
par le Comité pour le développement
du bonsaï japonais. Hauteur : 105 cm.
Prix du bonsaï créatif du Comité pour
le développement du bonsaï japonais :
ishizuki, Hiroki Ishii. Hauteur : 55 cm.
de la cour à admirer des pots d’auteur
– Echizen Hosui, Ito Gekko, Yamaaki…
une Japonaise m’interpelle ! Yukiko Ka-
sai, une des rares femmes apprenties
dans le monde du bonsaï, que j’ai eu
l’opportunité de rencontrer en Europe.
Elle me présente son maître, Koji Na-
gasawa, dont un superbe Prunus est ex-
posé ici. Je l’ai remarqué… Le maître en
est fier.
En somme, la Sakufuten est une expo-
sition de haut vol méritant que les Occi-
dentaux s’y intéressent davantage pour
y découvrir les discrets professionnels
japonais du bonsaï...  Prunus de Koji Nagasawa, qui souligne la
dificulté de garder un tel tronc creux sans
que le bois mort ne se dégrade. Le pot de
Hidemi Kataoka, l’un des derniers potiers
bonsaï de Tokoname. Hauteur : 60 cm.
Koji Nagasawa
et Yukiko Kasai,
son apprentie.
EspritBonsaï ‘95’ - 19
 et des arbres
Des hommes

Ficus microcarpa ‘Green Island’,

couvert de baies. Hauteur : 40 cm.

Ingénieur en génie civil,

l’Indonésien Budi Sulistyo
a passé sa vie à apprendre
et enseigner le bonsaï
dans le monde entier.
À 66 ans, il est vice-
président de la Société
indonésienne de bonsaï.
Il pose ici avec un Pemphis
acidula, une espèce
locale. Hauteur : 105 cm.

Budi Sulistyo Interview : Anne Royer

Photos : Budi Sulistyo

« J’ai développé mon Esprit Bonsaï : Comment est née votre

passion pour le bonsaï ?
Budi Sulistyo : Depuis l’enfance, j’ai tou-

propre bonsaï avec les jours aimé le jardinage. J’avais l’habitude

de m’occuper des plantes de mes parents.

arbres de mon pays »

Vice-président de la Société indonésienne
de bonsaï, Budi Sulistyo, 66 ans, a largement
contribué à développer le bonsaï en
Indonésie, notamment en travaillant des
essences locales. Il sera démonstrateur au
congrès du Bonsai Clubs International à
Mulhouse en octobre 2018.
Mais comme l’agriculture n’était pas le
meilleur secteur pour bien gagner sa vie,
j’ai choisi d’étudier le génie civil. En 1976,
en même temps, j’ai terminé un cursus en
anglais. Un jour, un ami – qui est devenu
plus tard mon partenaire de bonsaï – est
venu chez moi et m’a dit, en regardant un
petit banian en pot : « Est-ce que c’est du
bonsaï ? » Le mot a soudainement sau-
té dans ma tête et est resté dans mon
cœur. Quand j’ai déménagé et fondé une
famille en 1982, j’ai commencé à sérieuse-
ment prendre soin de mes bonsaïs. Je n’ai
jamais quitté mon travail dans l’ingénierie,
puis dans le commerce, l’industrie et plus
tard le développement immobilier… Mais
le bonsaï est resté ma passion et occupe
une grande partie de ma vie.

20 - EspritBonsaï ‘95’

Ce tamarinier, Tamarindus indica, centenaire, et couvert de fruits, a permis à Budi de
remporter le deuxième prix du concours international de bonsaï JAL. Hauteur : 110 cm.
E. B. : Où avez-vous étudié l'art du bonsaï ?
B. S. : Au début, j’ai appris grâce à des livres
de bonsaï d’auteurs japonais, aux images
de bonsaï publiées dans des magazines
chinois de Taïwan et en discutant avec des
amis indonésiens. J’ai été très influencé
par les livres de John Yosio Naka, que j’ai
même considéré comme mon profes-
Tamarindus indica forme lettré, planté
en 1983, et plié vers le bas : « ce qu’il est
impossible de faire sur un tamarinier dans
la nature », précise Budi. Hauteur : 110 cm.
E. B. : À vos débuts en 1976, le bonsaï
était encore très peu développé en
Indonésie. Vous êtes aujourd’hui vice-
président de la Société indonésienne
de bonsaï : comment la discipline a-t-
elle évolué dans votre pays ?
seur à distance. Puis j’ai été de ceux qui B. S. : Lorsque j’ai rejoint la Société indo-
ont accueilli Shinichi Nakajima lorsqu’il nésienne de bonsaï en 1982, l’organisa-
est venu visiter l’Indonésie à plusieurs tion était en dormance, sans activité, et ne
reprises : il m’a beaucoup appris, surtout comptait que sept membres – dont trois
sur les différentes disciplines du bon- d’entre nous qui venions d’arriver. J’étais
saï japonais. Plus tard, j’ai développé ma alors le sang neuf qui incitait l’association
propre pratique du bonsaï en utilisant les à grandir. C’est formidable de voir que la
arbres tropicaux de mon pays. Société indonésienne de bonsaï compte
aujourd’hui plus de 150 antennes dissémi-
nées dans tout le pays. Les espèces locales
utilisées pour le bonsaï sont passées de
trois ou quatre à plus de 150 espèces.
Alors que l’art du bonsaï était compris par
cinq personnes lorsque j’ai commencé,
il s’est aujourd’hui propagé dans tout le
pays. Nous avons fait la promotion des
congrès internationaux de bonsaï et de
Sur la vaste
terrasse de son
suiseki, qui n’étaient organisés que par
appartement les Japonais à cette époque. Beaucoup
jakartanais, Budi d’Indonésiens ont remporté des concours
Sulistyo amasse internationaux, certains artistes ont com-
des espèces mencé à être invités un peu partout dans
rapportées du
monde entier,
le monde… Cela m’a convaincu de ce que
aux côtés j’ai accompli jusqu’ici pour le bonsaï indo-
d’espèces locales. nésien. 
EspritBonsaï ‘95’ - 21
 Des hommes
et des arbres
Ce Pithecellobium tortum a été travaillé à partir d’une
bouture rapportée d’Inde en 1995. Hauteur : 54 cm.
E. B. : Vous avez enseigné le bonsaï dans
le monde entier, et avez même pilo-
té une émission spécialisée à la télé-
vision nationale pendant près de dix
ans… Considérez-vous la transmission
comme une part importante de votre
activité de bonsaïka ?
B. S. : Au tout début du développement
du bonsaï en Indonésie, je me suis deman-
dé si je voulais devenir un artiste profes-
sionnel, et faire du bonsaï la source de
mes revenus, ou plutôt un enseignant qui
transmettrait ses connaissances à tous.
Après avoir voyagé au Japon, à Taïwan, et
après avoir rencontré de nombreux pro-
fessionnels du bonsaï, j’ai opté pour l’en-
seignement, en gardant une autre source
de revenus. Je voulais garder le plaisir du
voyage pour m’aider à casser la routine,
et que le bonsaï me permette d’exprimer
mes émotions et ma créativité sans pen-
ser aux pertes ou aux profits.
E. B. : Quelles sont selon vous les qua-
lités essentielles du bonsaïka ?
B. S. : Le bonsaï est la rencontre de l’art
avec la botanique. Pour être un artiste
de talent, il faut donc bien connaître les
deux. Aujourd’hui, le bonsaï est bien plus
riche qu’il y a dix ou vingt ans, quand le
Japon dominait la discipline. Le penjing
moderne en Chine ou l’influence tropi-
cale du bonsaï de Taïwan ou de l’Asie du
Sud-Est enrichissent l’art du bonsaï. Sa
diffusion dans le monde entier implique
d’énormes transformations, qui n’exis-
taient pas auparavant. Le bonsaïka est
censé comprendre tout cela, en plus de
connaître les arbres à l’état sauvage.
22 - EspritBonsaï ‘95’
Casuarina equisetifolia, ou filao à feuilles de prêle, que udi travaille depuis 1985. Hauteur : 85 cm.
E. B. : Quelles essences d’arbres préfé- C’est un peu comme d’enseigner la dis-
rez-vous travailler ? cipline à nos enfants, pour qu’ils aillent à
B. S. : J’aime travailler de nombreuses l’école au lieu de jouer.
espèces, locales et importées. Quand je Pour mettre mes arbres en forme, je prends
voyage, je rapporte des arbres d’Inde, de généralement la nature comme exemple.
Taïwan, d’Australie, de Porto Rico, des Phi- J’aime beaucoup mon gros tamarinier. Sa
lippines, de Thaïlande, de Chine, du Japon, forme est simple, sans courbure excessive.
d’Afrique du Sud, des Pays-Bas ou du Il a la grandeur d’un vieil arbre, comme on
Vietnam… J’emporte habituellement une pourrait en trouver dans la nature. Et il a
petite bouture ou un yamadori. J’aime aus- produit tous ses fruits. Selon moi, j’ai réussi
si travailler des essences locales comme à atteindre à la fois la forme et la beauté
le tamarinier, Pemphis acidula, les Casua- optimale de l’arbre. Un bonsaï fructifère
rina, les Ficus et les Diospyros. Pemphis est qui ne donne pas de fruits n’a pas encore
agréable pour travailler le bois mort, tandis atteint la perfection. Le résultat d’une mise
que Casuarina est un bon matériau pour en forme dépend tellement de la qualité
développer notre créativité. de l’arbre… Maintenir cette qualité lorsque
Quand j’ai commencé le bonsaï, j’étais l’arbre est « terminé » est très important,
émerveillé par la beauté des pins à cinq
aiguilles et des pins japonais. Sous les
tropiques, ce n’est pas facile de prendre
soin des pins. Et nous n’avons pas de pins
à aiguilles courtes. Heureusement, nous
avons trouvé Casuarina equisetifolia et les
pins australiens – qui ne sont pas des pins
du tout, d’ailleurs. Mais on s’inspire de la
mise en forme des pins pour les travailler.
Il faut user de créativité pour faire naître la
beauté du bonsaï, que l’on pense parfois
impossible pour certains arbres quand ils
sont dans la nature.
E. B. : Comment percevez-vous le tra-
vail sur un arbre ?
B. S. : Prendre soin d’un arbre avec amour
et attention implique de l’autodiscipline et Neea buxifolia, rapporté de Porto Rico par
un engagement sur le long terme. Assez Budi, en 2004. « J’ai opté pour une mise
en forme diférente de celle faite à Porto
souvent, nous devons ligaturer ou plier Rico. Au lieu de créer diférents niveaux,
une branche ou un tronc – ce qui peut comme sur un pin, je l’ai travaillé comme
paraître cruel aux personnes ordinaires. un vieil arbre tropical. » Hauteur : 50 cm.
 Budi a reçu ce petit Dombeya rotundifolia d’un ami
Pemphis acidula, originaire d'une île près de Sulawesi, en Indonésie. Hauteur : 65 cm. qui l’a rapporté d'Afrique du Sud. Hauteur : 36 cm.

Ce vieux
tamarinier,
Tamarindus indica,
a grandi sur une
colline rocheuse
d’Indonésie.
Hauteur : 90 cm.
Haematoxylum campechianum, ou campêche,
originaire de Porto Rico. Hauteur : 92 cm.

notamment pour préserver la forme et la
santé du bonsaï.
E. B. : Vous pensez donc qu’un arbre
peut être abouti ?
B. S. : On dit que le bonsaï est un art sans
fin. Parce que l’arbre vit, sa forme conti-
nuera toujours d’évoluer. L’art de cet arbre
n’est pas terminé. Mais si l’artiste pense
que l’arbre a atteint le meilleur résultat et
qu’il ne peut rien faire de plus pour l’amé-
liorer, on peut estimer que ce bonsaï-là, à
ce moment précis, est terminé. Bien sûr, il
ne le restera que pour un certain temps.
E. B. : En octobre 2018, au congrès
du BCI (Bonsai Clubs International)
de Mulhouse, vous participerez à une
démonstration d’ishitsuki à six mains,
avec Mitsuo Matsuda et John Wang.
Comment vous préparez-vous pour
cet événement ?
B. S : C’est un défi très intéressant. Il y a
quelques années, lors du congrès du BCI à
Gold Coast (Australie), j’ai participé à une
compétition opposant trois groupes de
trois artistes. Chaque groupe s’occupait
d’un arbre : la première personne com-
mençait la mise en forme, en l’absence
des deux autres. Son travail était repris
par la deuxième personne, puis par la troi-
sième. Le premier continuait ensuite ce
travail, et ainsi de suite. J’ai travaillé avec
un Indien et un Australien, et notre groupe
a gagné le concours. La clé de notre réus-
site est d’avoir oublié notre ego : nous
Pour le contacter
Budi Sulistyo
Kembang Harum Utama C2 No12,
Puri Indah, Jakarta 11610, Indonésie
Tél. : +62811861046
E-mail : budisulistyo22@gmail.com
nous sommes adaptés à l’ego des autres
dans la mise en forme, pour ne pas nous
détruire mutuellement.
Je ne sais pas comment se déroulera la
démonstration d’ishitsuki. Nous obtien-
drons le meilleur résultat si nous sommes
autorisés à échanger avant le show. Cela
nous permettra de décider des grandes
lignes. Les variations, les détails, viendront
ensuite l’enrichir. 

EspritBonsaï ‘95’ - 23
À faire
ce mois
Prenez un peu d’avance
pour le printemps
S’il peut sembler hors saison
de parler de rempotages
en été, il est justement
important de comprendre
que ces rempotages se
préparent l’été qui précède
leur mise en œuvre pour
une plus grande eicacité.
Texte : Xavier Dreux
Photos : Xavier Dreux, sauf mentions contraires
A u printemps, le temps est compté, surtout
lorsque l’on commence à avoir une
collection importante de bonsaïs et qu’il s’agit
de les rempoter. Préparer tout le nécessaire
pour les rempotages et faire l’inventaire des
pots disponibles durant l’été permet de prendre
de l’avance, à un moment où les travaux sont
peu nombreux en dehors de l’arrosage.
Lors du rempotage, les substrats doivent être
exempts de poussière, et ce afin de maintenir
leur pouvoir drainant au fil des ans. Pour les
substrats comme l’akadama et la kanuma, un
tamisage suffit pour supprimer la poussière.
Il ne faut d’ailleurs surtout pas laver l’akadama
qui pourrait alors se déliter complètement.
Akadama et kanuma
Si vous en avez la possibilité, faites sécher
l’akadama et la kanuma au soleil pour les
durcir un peu plus. Mieux encore, préparez les
substrats pour une utilisation dans deux ans.
De l’akadama bien sèche ne se délite pas la
première année d’utilisation et de nombreux
grains seront toujours durs et visibles lors du
rempotage, ce qui veut dire que le substrat
de votre bonsaï est toujours drainant.
À noter qu’à l’achat les substrats nécessitent
souvent encore de sécher. Il est donc
préférable de mettre des sacs de substrats
24 - EspritBonsaï ‘95’
L’été est le bon
moment pour anticiper
les rempotages
de printemps en
préparant les substrats.
Et pensez-y : après le
en réserve pour une utilisation ultérieure. rempotage, déposez
Vient ensuite le tamisage des substrats. une couche de sphaigne
En général, pour effectuer cette opération, tout autour du nebari
on utilise trois tailles différentes de maille pour maintenir une
de tamis, 7 mm, 5 mm et 2 mm :
situation humide.
- maille de 7 mm : pour enlever les gros
grains qui seront utilisés pour le drainage
ou dans le substrat de gros arbres,
- maille de 4 ou 5 mm : les grains qui restent
dans ce tamis (4 à 6 mm) sont à utiliser
pour les arbres de tailles moyennes,
- maille de 2 mm : pour garder les grains de
2 à 4 mm qui serviront aux shohin et kifu.
Le reste, en dessous du tamis, se compose
de poussières et de fines particules
non utilisables pour les bonsaïs.
Pouzzolane et
autres substrats durs
Pumice, zéolithe, pouzzolane, kiryu (roche
volcanique d’origine japonaise) ou encore
graviers sont tamisés et lavés à l’eau pour
bien les débarrasser des fines poussières.
Les substrats sont tout d’abord passés au
tamis de 2 mm avant un lavage à grande eau.
Nettoyez dans une grande bassine, changez l’eau
plusieurs fois si nécessaire jusqu’à ce que l’eau
soit claire. Passez à l’étape suivante : le séchage.
Faire sécher les substrats Tamisez l’akadama
Le séchage des substrats est primordial. Pour selon diférentes
granulométries.
bien faire pénétrer les grains entre les racines
lors du rempotage, le substrat doit être sec.
Étalez le substrat propre sur une bâche
au soleil. Un séchage en profondeur peut
nécessiter plusieurs jours, il ne faut alors
pas hésiter à remuer régulièrement le tas de
substrat, car l’humidité a tendance à rester Tamisez les substrats
en bas et au centre du tas. l’utilisation d’une pour les débarrasser de
serre accélère le processus de séchage. la poussière et obtenir
des granulométries
Après séchage complet, tamisez
diverses. Les tamis
dans les différentes granulométries japonais en inox
nécessaires aux rempotages. avec des grilles
Ensuite, stockez à l’abri de l’humidité et de la interchangeables
poussière les différentes granulométries de aux tailles de mailles
diférentes sont
chaque substrat dans des contenants fermés,
bien adaptés aux
mais non hermétique : ils sont ainsi prêts à tamisages de substrats
l’emploi pour être utilisés purs ou en mélange.  pour bonsaï.
 Pour de grande quantité
de substrat, les tamis
de maçon peuvent
convenir, à condition
de trouver la bonne
taille de maille.

On profite de la chaleur
sous la serre tunnel
© MAILLOT BONSAÏ

pour faire sécher les

substrats. Ici de la
pumice avant tamisage.

De grandes poubelles
de 80 litres sont des
contenants bon marché
(quelques euros) et bien
utiles pour stocker de
grandes quantités de
© MAILLOT BONSAÏ

substrat tamisé prêt

pour les rempotages.

Si vous avez encore un peu de temps ?

• Préparez de la sphaigne hachée, bien utile au moment du rem-
potage pour la déposer en fine couche autour du nebari afin de
maintenir un peu d’humidité à l’endroit des racines.
• Préparez les grilles de drainage à l’avance. Dans du grillage en
plastique, découpez des carrés : trois tailles sufiront pour la grande
majorité des pots, pour les autres il sufit de couper une grille sur
mesure au moment venu.
• Préparez les attaches. Avec du fil de ligature ou de fer, formez des
attaches pour les grilles.
• Préparez les pots. Mettez en place grilles et attaches sur les pots
déjà en stock.
© MAILLOT BONSAÏ

• Commandez les pots dont vous aurez besoin au printemps, il faut

en efet quelques mois aux potiers pour produire un pot, le cas
échéant.

EspritBonsaï ‘95’ - 25
  Le magazine spécialisé du bonsaï et de sa culture

2003 - 2018
15 ans d’expérience
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Contact : Manon Foustoul

+33(0)2 97 24 81 52
mafoustoul@lrpresse.fr

26 - EspritBonsaï ‘95’
Les cahiers
du débutant

La taille
Auteur : Antonio Ricchiari

L
e terme de « taille », com-
prend diverses techniques
qui sont nécessaires pour
former un bonsaï. Les principales
sont : taille de formation, taille de
maintenance et le pincement.
La taille de formation se fait
lorsque l’arbre en est au stade
de prébonsaï. C’est une opéra-
tion délicate, car c’est d’elle que
dépendent l’esthétique et le déve-
loppement du futur bonsaï. La taille
de maintenance et le pincement
s’effectuent en général sur des
bonsaïs en phase de formation
avancée pour maintenir une forme
quasi définitive.

La taille de La belle ramification d’un Prunus

formation
La taille de formation se fait à
partir du début du repos végéta-
tif jusqu’aux derniers jours avant
le réveil de l’arbre au printemps.
Après avoir déterminé un projet
par rapport au style et la hauteur
du futur bonsaï, on peut éliminer
toutes les branches inutiles. Il faut
cependant tenir compte de cer-
tains points : chaque branche qui
est conservée doit recevoir de la
lumière, de ce fait les branches du
haut seront plus courtes que celles
du bas, pour éviter de leur faire de
l’ombre.
Dans la majeure partie des
styles, la première branche (tou-
jours en partant du bas) doit être
se construit uniquement par la
taille. Collection Giorgio Raniero.
la plus large en diamètre et la plus
longue. Si le tronc montre des
mouvements, cette branche doit
naître à l’extérieur d’une courbe et
non à l’intérieur.
La taille de
maintenance
La taille de maintenance a pour Sur un feuillu, on commence par
objectif de contrôler les branches construire la ramification primaire, celle
qui part directement du tronc. Un charme,
qui ont poussé au cours de la 
Carpinus. Collection Giorgio Raneiro.

Phase Intervention But de l’intervention Période d’intervention

Première Taille de mise en forme
et de formation.
Deuxième Mise en forme, pincement.
Troisième Ligature, tord tronc,
etc. Taille hivernale.
Processus de culture
permettant la formation de
la structure du futur bonsaï.
Former la silhouette de l’arbre.
Corriger la ramification
et sa forme.
Généralement du début du
repos végétatif jusqu’au réveil
de la végétation, au printemps.
Automne, début du printemps.
De préférence au début
du printemps.

EspritBonsaï ‘95’ - 27
 Les cahiers
du débutant

Structure idéale de la ramification

primaire d’une branche.

Structure de la ramification
de la branche d’un feuillu.

Le charme est en pleine végétation, Structure de la ramification

ce qui cache la structure des branches. de la branche d’un pin.
Collection Giorgio Raneiro.

A une fonction fondamentale pour la structure de l’arbre
Pour procéder à une taille
simple sur un feuillu.
 saison végétative (avril à
octobre) et s’effectue en période
hivernale. Au cours de cette opé-
ration, on raccourcit les branches
principales et on élimine les
rameaux mal placés. Les règles sont
les mêmes que celles mentionnées
pour la taille de formation.
Ramification primaire
et secondaire
La ramification primaire comprend les branches
B principales qui partent du tronc. Ces branches ont
et le style du bonsaï. La taille et la forme imprimée
par les ligatures des branches détermineront la
structure du futur bonsaï. Cette opération se réalise
généralement au printemps ou à l’automne.
De la ramification secondaire, découleront les
plateaux, et petit à petit la ramification tertiaire, en
formant un véritable « tissage ». Ces interventions
répétées ont pour but d’obtenir une pousse forte
C et vigoureuse. Ces méthodes sont à efectuer de
manière diférente selon la partie de l’arbre : par
exemple sur la partie supérieure de l’arbre, qui est plus
vigoureuse, il faut des interventions plus rapprochées.

28 - EspritBonsaï ‘95’
Les cahiers
du débutant
Couper
1-2 mm
[
Pincement du pin
Le pincement
Le pincement n’a rien à voir avec
la taille proprement dite. Cette opé-
ration s’effectue sur les nouveaux
bourgeons qui se développent au
printemps. Si on laisse pousser
librement les nouveaux bourgeons
au printemps, on provoque un gros-
sissement des rameaux qui feront
perdre à la longue la fine ramifica-
tion et donc ce fameux « tissage
dense ». Cette intervention a donc
pour objectif de conserver cette
ramification fine et structurée et
de la faire croître dans les zones
périphériques des branches prin-
cipales.
On intervient lorsque les bour-
geons sont tendres, cela veut dire
que le moment de l’intervention
Nouvelles
Laisser
aiguilles
la gaine
Pincement des
bourgeons des
branches fortes
sur les feuillus
déjà formés.
sera variable d’un arbre à l’autre.
Cette opération ne se fait pas de
manière uniforme, mais plutôt
en tenant compte de la santé de
l’arbre, du niveau de formation et de
sa vigueur. Évidemment, la vigueur
de l’arbre doit être optimale et le
bourgeonnement doit être fort.
• Jeunes sujets : laisser pous-
ser les bourgeons en évitant de les
pincer pour permettre un plus fort
développement et un grossisse-
ment du diamètre des branches.
Pincement du
• Sujets déjà formés : le pince-
sapin : pour
ment permet de garder la forme éliminer les
esthétique de l’arbre. Il faut inter- nouvelles
venir en premier sur les branches pousses.
fortes, puis de manière plus légère
sur les branches faibles pour équi-
librer la vigueur. 
EspritBonsaï ‘95’ - 29
 Les cahiers
du débutant

La défoliation
Cette opération consiste à
l’élimination partielle ou totale
des feuilles des arbres à feuillage
caduc : on crée ainsi un automne
artificiel. Le but est de réduire la
dimension de la feuille. Pour les
sujets adultes, cette technique pro-
voque la naissance de bourgeons Pour stimuler une croissance plus
en arrière. De plus, on peut avoir équilibrée du feuillage des feuillus,
recours à cette technique de défo- on élimine les grandes feuilles.
liation pour équilibrer la vigueur de
l’arbre en intervenant sur les parties
les plus fortes. Cette action permet
de délimiter de manière plus pré-
cise les contours de la silhouette de
l’arbre et d’éliminer, donc de rem-
placer, les feuilles qui ont subi des
dommages de diverses natures. 

B C

En coupant les
feuilles à la moitié
de leur surface,
on les stimule à
réduire leur surface
de croissance.

30 - EspritBonsaï ‘95’
 M I É E !
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Pour bien
débuteer

Pour un décor
de mousse
Un tapis de mousse au pied La mousse est une jolie finition à la surface d’un
nebari, comme pour cet érable dont les racines, bien
d’un bonsaï, c’est une couche réparties autour du tronc, s’enfoncent dans une belle
mousse. N’y aurait-il pas un petit air de plaine ?
de inition très jolie et facile à
mettre en place. Encore faut-il
savoir quelle mousse utiliser
et où la trouver.

Auteur : Xavier Dreux

On observe parfois un beau tapis

vert bien frais constitué de mousses fines agrémenter
le pied des bonsaïs. Le besoin d’ajouter une couche
de belle mousse bien verte à la surface des pots des
bonsaïs vient la plupart du temps quand on prépare un
bonsaï pour sa première exposition. En effet, pour une Au Japon, il existe plusieurs milliers de variétés
exposition, le bonsaika se doit de peaufiner les détails de mousses. Ici, au Palais d’Argent de Kyoto,
et de présenter un arbre propre dans un pot propre une présentation des diférentes variétés
et dont le substrat est recouvert d’une couche de de mousses utilisées dans le jardin.
finition. La plupart du temps, cette couche de finition
se constitue de mousse au sens large.
La mousse est ainsi la touche finale de tout bonsaï
prêt à être exposé.

1 Sur les trottoirs

On distingue plusieurs types de mousse. Celles
que nous pouvons utiliser pour les bonsaïs doivent
être fines et peu épaisses. Les mousses des bois ne
conviennent pas pour cette utilisation.
Pour agrémenter cette « pelouse » quelque peu
monotone, certains utilisent différents lichens qui
varient les couleurs et les textures. À vous d’essayer
différents rendus en utilisant un seul type de mousse
ou bien en multipliant les couleurs de mousses et de
lichens. De toutes petites adventices peuvent égale-
ment ponctuer la mousse de leurs petites feuilles et Les mousses et les lichens forment un véritable tableau
ajouter un peu plus de vie à la surface des pots. de textures et de couleurs au pied de ce bonsaï.

32 - EspritBonsaï ‘95’
 Aux bords des trottoirs
et des plaques d’égout,
les plus belles mousses
poussent tranquillement.
Le prélèvement se fait avec
un couteau ou une spatule.

Se pose alors la question d’un lieu où récolter
des mousses adaptées à notre besoin. Les meilleurs
mousses se trouvent sans nul doute en ville. En effet,
les trottoirs offrent de multiples interstices où elles
peuvent se développer.
La récolte est facilitée après une grosse pluie : les
mousses gorgées d’eau sont bien vertes et fraîches,
faciles à repérer et prêtes à s’implanter dans un nouvel
environnement.
Mousse oupasmousse?
Deux écoles s’opposent quant à la
disposition d’un tapis de mousse
au pied des arbres lors des phases
de culture.
La première préconise d’utiliser
la mousse uniquement lors des
expositions. Les arguments princi-
paux sont de faciliter l’arrosage en
pouvant visualiser le substrat et
de permettre à celui-ci de sécher
entre chaque cycle d’arrosage.
La seconde école s’autorise à
garder une finition sur les bonsaïs,
abouti ou non, afin de profiter
d’un joli spectacle toute l’année.
Le substrat granuleux de type
akadama, pumice ou autre
n’étant pas des plus esthétiques.
Il convient alors d’adapter
l’arrosage en conséquence.

2 Créer un tapis
Après la récolte, il faut impérativement nettoyer la
mousse des déchets, terres, voire parasites, dessus et
dessous afin que la couche soit nette et plate. Ensuite,
l’implantation du végétal au pied du bonsaï peut se faire
principalement selon deux méthodes :
• Déposez un peu de sphaignes hachées à la surface
du substrat. Puis ajoutez la mousse en plaque, motte
après motte pour recouvrir la totalité de la surface.
Pressez bien sur le sol afin que mousse, sphaigne et
substrat restent collés. Arrosez délicatement pendant
deux semaines et pulvérisez de l’eau régulièrement.
Peu à peu, les différentes mottes s’imbriquent entre
elles.
• Faites sécher la mousse, puis broyez-la en passant
rapidement les morceaux au mixeur ou en les frottant Déposer la mousse nettoyée par plaque
sur un tamis à maille fine. Déposez la poudre obtenue sur de la sphaigne, ou après l’avoir broyée.
à la surface du substrat. Arrosez délicatement à l’aide
d’un vaporisateur. Au bout de quelques semaines,
vous obtiendrez un tapis vert bien uniforme et régulier.

3 Entretenir la mousse
Une fois implantée, la mousse ne demande pas
d’entretien. Elle n’a besoin que d’eau pour vivre et
Après quelques
pousser. mois, on ne
L’engrais organique qui se décompose à la surface distingue plus
du substrat des bonsaïs peut étouffer la mousse ou les diférents
la “brûler”. L’utilisation de petits paniers pour les bou- morceaux de
mousse qui ont
lettes d’engrais permet de limiter les dégâts. Il peut
servi à constituer
s’avérer utile de prévoir une protection contre les ce tapis
merles qui adorent chercher de petits insectes dans verdoyant au
la mousse.  pied du bonsaï.

EspritBonsaï ‘95’ - 33
Les yeux
dans les arbres

Le célèbre temple du pavillon d'or de

Kyoto, le Kinkaku-ji, siège au milieu d'un

L’arbre et les lieux

archétype du jardin japonais classique.

sacrés au Japon
Les arbres sont omniprésents
dans les lieux sacrés au Japon et
peuvent aussi en être à l’origine.

L
Auteur : e Japon est un pays dont la culture donne
Louis-Victor Bourdeau aux arbres une importance toute particu-
lière, en tant qu’environnement, mais aussi
en tant qu’individus.
Les arbres ont toujours inspiré un sentiment de
transcendance aux hommes, à toutes les époques
et dans la plupart des cultures du monde. Considé-
rés comme un trait d’union entre le ciel et la terre
au même titre que les montagnes, ils montrent
une grande longévité, dépassant largement celle
des humains, qui a toujours fasciné. Beaucoup
d’arbres ont d’ailleurs un âge supérieur à celui de
la culture qui les sacralise. On peut prendre pour
Un des nombreux torii (portail traditionnel) de
Nikko qui marquent l’entrée des lieux sacrés, ici
très densément peuplée de cryptomerias.
exemple les ifs poussant à côté des églises et qui
sont souvent bien plus anciens que l’arrivée du
christianisme en Europe.
L’objet n’est pas, ici, de faire un exposé sur la spi-
ritualité japonaise ni sur le shinto et le bouddhisme
(les deux religions “officielles” du Japon), ni même
sur le complexe rapport à la nature qui existe au
Japon, mais simplement de décrire les impressions

34 - EspritBonsaï ‘95’

Ce grand
cryptomeria
pousse entre
plusieurs
édifices du
kamijinko
du Nikko-
Toshogu. Loin
de présenter
un danger ou
une gêne, il est
une partie de
l'ensemble, dans
un pays où
arbres et lieux
sacrés sont
intimement liés.
qui peuvent saisir l’Occidental non expert des sub-
tilités de la culture japonaise que je suis.
Visiter les sanctuaires (lieux sacrés shintos) ou
les temples (lieux sacrés bouddhistes) au Japon
est une expérience à la fois déconcertante et
envoûtante, qui nous permet de jeter un nouveau
regard sur les hommes, la nature et le monde.
Autour d’un lieu sacré
Au cours de mes différents voyages au Japon,
j’ai eu l’occasion de visiter plusieurs temples et
sanctuaires à Kyoto, Nikko et dans le nord du Japon.
Dans tous les cas, et quel que soit leur localisation
géographique, la végétation et les arbres jouent un
rôle aussi bien par leur présence plus ou moins
spontanée que comme élément du décor.
Pourrait-on imaginer une cathédrale gothique
européenne recouverte de mousse et dominée
par des arbres immenses ? Difficilement.
Pourtant, que ce soit au Nikko Tosho-gu, à Nikko,
ou au Yama-dera (Littéralement « le temple de la
montagne ») à Yamagata, beaucoup d’édifices reli-
gieux sont intégrés au sein d’une forêt luxuriante.
On y trouve entre autres des pins dans les endroits
les plus dégagés, des érables palmatum en sous-
bois et surtout d’imposants cryptomerias : espèce
unique en son genre, elle est l’arbre national du
Japon. Cette superbe essence se trouve presque
partout dans le pays et a été massivement plantée
autour de nombreux lieux sacrés. Ses troncs impo-
sants d’une rectitude parfaite semblent filer direc-
tement vers le ciel comme de véritables piliers.
Ces arbres donnent réellement l’impression d’être
des éléments architecturaux de l’édifice religieux.
Dans un registre différent, le Kinkaku-ji, le très
célèbre temple d’or de Kyoto, fait partie d’un jar-
din paysager dans lequel chaque élément (arbres,
rochers et plan d’eau) est disposé afin que l’en-
semble représente un paysage en miniature. On
est là en présence d’une représentation de la
nature travaillée par l’homme, mais dont l’idée
reste de traduire la nature sauvage.
Lecryptomeria
Indigène, Cryptomeria japonica (Sugi en japonais) est l’unique espèce
de son genre, endémique et indigène du Japon. Cet arbre magnifique
a besoin d’humidité et atteint fréquemment les 60 mètres de haut. Un
de ses aspects les plus remarquables est sa grande longévité. “Jomon
Sugi”, un des plus vieux cryptomerias au monde, se trouve sur l’île de
Yakushima : son nom fait référence à la période Jomon qui correspond
à la préhistoire japonaise. Cet arbre fait l’objet de controverse sur son
âge, et les datations les plus sérieuses lui donnent environ 2000 ans.
À Nikko, une route de 37 km de long est bordée de plusieurs milliers de
cryptomerias. Dans un pays où la nature et la culture sont liées, il n’est
pas surprenant que cet alignement d’arbres unique au monde soit classé
à la fois comme un site historique et un monument naturel exceptionnels.
Le cryptomeria a une particularité relativement rare pour un conifère :
il rejette de souche. Peut-être que l’image d’une renaissance perpétuelle
associée à une grande longévité a inspiré les hommes qui espèrent
depuis toujours la vie éternelle.
Partie intégrante du lieu
Cette impression que les arbres font partie
intégrante des lieux sacrés est renforcée par la
présence fréquente de sujets désignés comme
étant habités par les kami, les divinités shintos.
Très souvent situés à l’entrée d’un temple ou d’un
sanctuaire, ces arbres âgés marqués par le temps
et les éléments sont entourés d’un shimanawa,
grosse corde tressée toujours dans le même sens.
La plupart des essences peuvent être entourées
d’un shimenawa, mais aussi certains rochers. Ils
marquent aussi l’entrée de lieux sacrés.
Ainsi, l’arbre lui-même, en tant que sujet indi- Ce shimenawa (la corde)
viduel, devient un lieu sacré et doit être préservé entoure un très vieux gingko à
de toute pollution. l'entrée de Yama-dera (temple
de Yamagata). Les bandes
On trouve peu de pays ultramodernes et urba- de papier sont des “gohei”
nisés, comme le Japon, dont la culture et la nature indiquant la présence des kami
sont interconnectées d’une manière aussi forte, et bloquant les mauvais esprits.
mais en même temps aussi complexe. La culture
japonaise peut façonner la nature comme une
œuvre d’art, mais sait aussi la laisser faire partie
intégrante de la religion, dans son aspect sauvage
et brut.
Le Japon m’a donné l’impression de composer
avec la nature en proposant un modèle différent
du modèle occidental, où la nature est souvent
opposée à la culture, et où la culture se doit de
soumettre la nature.
Une nature habitée
La géographie et l’histoire de ce pays y sont cer-
tainement pour beaucoup. Les catastrophes natu-
relles ont jalonné l’histoire japonaise et la nature
sauvage occupe une très grande partie du terri-
toire. Cette nature, à la fois fascinante et inquié-
tante, apaisante et dangereuse, reste avant tout
Le long des nombreux
indomptable et puissante. Mais plus encore que escaliers de Yama-
cette sensation de force, elle donne véritablement dera, des cryptomerias
l’impression d’être habitée.  s'élancent vers le ciel.
EspritBonsaï ‘95’ - 35
shohin
les petits bonsaïs

Créez le tronc d’un

shohin à mi-parcours
Le tronc est le premier élément
à travailler sur un shohin à feuilles
caduques, car il doit être bien épais.
Viendront ensuite les branches.
Exemple sur un érable japonais
d’une maturité moyenne.

Auteur : BonsaiTranslations

Un arbre shohin se définit par un tronc

robuste portant des branches très délicates. Mais
comment créer cet effet ? La plupart des gens ne
réalisent pas à quel point il faut se concentrer sur la
croissance du tronc avant de commencer à créer
les branches, car ils pensent que les créations des
branches et du tronc se font progressivement en
parallèle. Malheureusement, il n’en est rien. Il s’agit
d’abord de créer un tronc intéressant sur lequel
ensuite il vaudra la peine de créer des branches.
C’est seulement lorsque le tronc sera presque par-
fait qu’on commencera à créer le “squelette” des Sous sa généreuse
branches. végétation, cet érable
Au Japon, il est souvent recommandé aux débu- japonais présente
une structure à travailler,
tants de commencer par un érable, car ces arbres car le tronc est trop
vigoureux pardonnent les erreurs facilement. Cet mince pour un shohin.
érable japonais, Acer palmatum, nécessite un tra-
vail pour faire grossir le tronc et créer la structure
des branches. En pot depuis une quinzaine d’an-
nées, il provient d’un marcottage aérien.

Déterminer la face avant

Le travail se fait normalement en début d’été
sans défoliation. Réduire le nombre de feuilles est
Impossible de déterminer
une bonne pratique pour laisser entrer la lumière. la face. À des fins pédagogiques,
Le feuillage est trop volumineux ici pour pouvoir il faut ôter la végétation, même
déterminer la face avant. Nous effectuons donc si ce n’est pas le moment
une défoliation complète afin de pouvoir expliquer pour ce faire normalement.
le travail et déterminer la face avant.

36 - EspritBonsaï ‘95’
 1 Les feuilles des érables japonais sont opposées. Pour défolier, 2 Comme il est dificile de bien voir la structure, on enlève
il sufit d’enlever une feuille sur deux et de couper les bouts de toutes les feuilles.
branches.

3 Il y a une cicatrice sur cette face, et comme les cicatrices 4 On peut analyser l’arbre à présent. Cette face sera l’avant.
doivent être cachées, ce sera l’arrière.

Attention à la
défoliation totale
La défoliation complète sert à multiplier
les branches lorsqu’on crée leur struc-
ture. Cette technique s’opère deux à trois
semaines après la sortie des feuilles
au printemps. L’arbre doit absolument être
en bonne santé et l’entretien impeccable.
À éviter chez les débutants. Ici, nous efec-
tuons une défoliation complète à des fins
pédagogiques pour montrer la structure
5 Nous allons d’abord couper les pousses excédentaires de l’année. des branches.

EspritBonsaï ‘95’ - 37
 shohin
les petits bonsaïs

Clarifier la cime
En travaillant sur un arbre à mi-parcours, il est 1 Les branches
important d’avoir une image très claire de l’arbre du sommet posent
final. Il faut tenir compte de l’épaisseur souhaitée problème et celles
du futur tronc, de la position des branches ainsi du bas sont à créer
que de la forme de l’arbre en triangle isocèle. pour que la
Il est très fréquent de trouver plusieurs som- silhouette
de l’arbre entre dans
mets sur un bonsaï. Les débutants hésitent souvent un triangle isocèle.
à couper les cimes, ce qui devient problématique Le mouvement se
à long terme. dirigera vers la
droite.

2 Il est nécessaire de couper les grosses branches 3 Les deux sommets de gauche sont coupés…
de la cime poussant sur la gauche.

Makikomu:
engloutir
Cet érable était bien plus haut il y a sept ans.
La partie haute a été enlevée par un marcot-
tage aérien, qui a laissé une cicatrice.
Le terme japonais “Makikomu” se traduit
par “engloutir” une cicatrice. La technique
4 … dans le but de renforcer la cime de droite. Makikomu consiste
à laisser pousser autant de branches que
possible autour d’une cicatrice, en utilisant un
cicatrisant contenant
des hormones de croissance. Ainsi, après
quelques années, la plaie peut se régénérer
presque complètement. De nos jours,
les arbres sans cicatrices sont de plus en
plus rares. Les cultivateurs favorisent des
techniques de croissance plus rapides, mais
qui génèrent la coupe de grosses branches.
Il est crucial de couper les branches avant
qu’elles ne deviennent trop épaisses.

Cette cicatrice résulte

d’un marcottage aérien sur le haut
de l’arbre pour le raccourcir.

38 - EspritBonsaï ‘95’
Couper les nouvelles pousses
Les branches en excès non désirées doivent
être coupées, de même les pousses épaisses,
droites et fortes sont à ôter chaque année. Une
nouvelle pousse apparaît sur le sommet et pourrait
être conservée pour renforcer la cime droite, mais
elle est trop laide. On voit très souvent des érables
sur lesquels on a gardé de vilaines branches et cou-
pé les pousses faibles. Attention : gardez les faibles
et enlevez les vigoureuses !
Les érables japonais, lorsqu’ils sont taillés,
ont tendance à créer beaucoup de branches en
1 Il faut couper les pousses fortes.
Cette pousse est trop forte et trop droite.
un même point, ce qui peut créer des boursou-
flures problématiques. On peut en tirer avantage.
Quand on crée une branche, il est important que
celle-ci soit plus grosse à la base pour diminuer
progressivement vers la pointe. Donc, si une telle
boursouflure se produit là où nous voulons créer
une branche, c’est parfait ! Sinon, il faut enlever
les pousses au fur et à mesure qu’elles sortent,
ou couper et appliquer du mastic sur la plaie.
3
Trois cimes, c’est beaucoup !
Celle à l’extrême gauche est coupée.
EspritBonsaï ‘95’ - 39
 shohin
les petits bonsaïs

Des coupes propres

Bien couper une branche demande de bonnes
habitudes. Il s’agit de couper de façon à ce que
la cicatrice fusionne avec l’écorce sans laisser
de bosse.
Puis, on applique un cicatrisant. Il en existe trois
types environ : les cicatrisants liquides, avec ou
sans hormones de croissance (généralement pour
les grandes plaies) et les mastics.

Pour couper une branche, on utilise

un couteau très aiguisé,
à marcottage par exemple… … et on coupe au ras du tronc.

Puis un cicatrisant, liquide ici.

Une vue du futur

Il peut être difficile à ce stade de voir l’arbre
autrement qu’un simple tronc. C’est l’imagination
qui sépare ceux qui auront du succès de ceux qui
abandonneront leurs projets.
Il s’agit de visionner le devenir de l’arbre.
Tous les ans, on modifiera l’arbre progressivement
par la taille.

Une vision du futur de l’arbre. La cime de gauche sera à tailler, mais aussi
longtemps qu’une branche est présente, on peut changer d’idée et créer, par
exemple, un double sommet. Par contre, ce sommet présent une cicatrice
de ligature et sera probablement enlevé dans le futur. Pour l’instant, il faut
attendre que toutes les cicatrices se soient fermées avant d’agir.

L’érable se présente en un tronc pour l’instant. Patience versus impatience

Au Japon, les maîtres de bonsaï disent souvent que les personnes
ayant le plus de succès en bonsaï sont les impatients.
Ceux qui hésitent à couper des branches se retrouvent avec
de grosses branches sur un petit tronc. Plus la branche
est épaisse, plus la cicatrice sera grande lorsqu’on coupera.
Cela ne signifie pas qu’il faille couper toutes les branches
immédiatement ! Il faut bien réfléchir au projet final,
prendre une décision et l’exécuter. Ce traitement peut sembler
extrême pour certains, mais pour le bonsaï shohin,
garder toute la force sur le centre est absolument crucial.
Mais il évoluera, avec de la patience.

40 - EspritBonsaï ‘95’
Le temps passant…
Deux semaines plus tard, les feuilles sont de retour,
l’arbre continue sa croissance. Les coupes cicatrise-
ront rapidement, car les branches étaient fines.
La croissance se concentre près du tronc.
On a stimulé la naissance de nouvelles pousses
beaucoup plus bas sur le tronc et à la base des
branches que l’on souhaite construire, ce qui
est très important. Pour un bonsaï shohin, il faut
avoir en tête que les branches doivent à tout prix
rester fines.
Face avant. La longue branche laissée à gauche sera première branche.
On la laisse pousser pour stimuler la croissance de la base. Elle sera
coupée à l’automne, avec toutes les autres branches fortes.

Deux semaines après le travail, les feuilles repoussent.

Face
arrière.

Des cicatrices
Les cicatrices sont un élément très important de la valeur d’un arbre, et
une marque peut faire la diférence entre un arbre d’un millier d’euros et un
autre d’une dizaine d’euros. Au Japon, les arbres impeccables, sans cicatrices,
deviennent de plus en plus rares, car la population du bonsaï vieillit et les
jeunes ne considèrent pas le bonsaï intéressant.

Face
D’abord, le tronc arrière.
Nous vous encourageons donc à couper vos bon-
saïs shohin de façon plus drastique. Lors de démons-
trations de shohin à l’extérieur du Japon, certains Trois semaines après
maîtres japonais m’ont fait la remarque du manque de le travail, face avant.
préparation du matériau pour leur performance. Pour
une démonstration, un shohin devrait se constituer
d’un bon tronc épais et de beaucoup de belles jeunes
branches délicates de l’année. L’épaississement des
branches vient après la démonstration, lorsque le pro-
fessionnel a choisi les branches à garder. Les arbres à
feuilles caduques ne devraient pas avoir de bois mort.
Pour les genévriers, de longues branches utili-
sées pour les bois morts sont une exception.
Et pensez que, finalement, les branches seront
coupées pour être alternes au fur et à mesure
qu’elles épaississent : c’est une des différences
majeures entre le bonsaï shohin et les sujets
plus grands.

EspritBonsaï ‘95’ - 41
À voir
en détail

H2O H2O + chaleur

H2O + chaleur
H2O + chaleur

H2O H2O

H2O

Vent

H2O
+ chaleur

La transpiration. L’eau
30°C disponible dans le sol
H2O H2O
s’évapore sous l’efet
de l’augmentation
H2O de la température de
H2O
H2O H2O l’air et/ou du vent qui
assèche les feuilles.

DE LA TRANSPIRATION
DE LA PLANTE À L’ARROSAGE
Arroser un bonsaï peut sembler facile,
mais c’est sans doute la tâche la Bien que ce soit intimidant, en assimilant la
théorie et les techniques de base, en étant réfléchi
plus complexe dans l’art du bonsaï. et consciencieux pour arroser, vous progresserez
vite et constaterez un impact positif sur la santé
Comprendre le cycle de l’eau dans la des arbres.
plante, sa disponibilité aidera à savoir
L’arbre transpire
quand et comment arroser. Pourquoi les arbres ont-ils besoin d’eau ? Envi-
ron 90 % de l’eau est utilisée pour la transpiration,
l’évaporation de l’eau par les feuilles ; les 10 % res-
Texte : Peter Warren

L
Illustrations :
Yuna Patinec
a compétence la plus difficile
à maîtriser au plus haut niveau
est sans aucun doute l’arrosage
des arbres afin de maximiser leur potentiel. S’il est
assez facile d’arroser un seul bonsaï pour le main-
tenir en vie, assurer l’arrosage d’un jardin rempli
d’espèces variées à différents stades de dévelop-
pement est extrêmement difficile, et peu de gens
le maîtrisent : ceux qui ont une empathie naturelle
pour les plantes, le souci du détail, un œil sur les
conditions météorologiques et de l’expérience.
tant servent aux processus essentiels tels que la
photosynthèse. Durant la transpiration, les molé-
cules d’eau dans le sol sont absorbées par les
racines, transportées à travers l’arbre dans lequel
elles absorbent l’excès de chaleur, puis libérées
dans l’atmosphère, emportant avec elles la chaleur.
Un processus équivalent au nôtre pour maintenir
la température de notre corps. La transpiration
agit également pour le transport des nutriments
et de l’énergie à travers l’arbre et maintient la tur-
gescence des cellules, solidifiant les parties non
ligneuses et permettant aux stomates de s’ouvrir
et se fermer.

42 - EspritBonsaï ‘95’
 H2O

H2O

18°C A contrario, la
H2O H2O
transpiration est
moindre quand la
H2O température est
H2O H2O plus basse et qu’il
n’y a pas de vent.

Les facteurs influant sur le taux de transpiration
sont la température et l’humidité de l’air, le vent et
l’humidité disponible dans le substrat. Les jours de
grande chaleur, les stomates des feuilles s’ouvrent
pour que la transpiration augmente afin de main-
tenir une température du végétale plus basse, une
quantité plus importante de l’humidité du sol est
donc perdue. Si l’humidité de l’air est faible, l’air est
sec et une plus grande quantité d’humidité du sol
se perd. De même, la transpiration augmente en
raison du vent, qui assèche la surface des feuilles.
Quand l’arbre détecte un manque d’humidité dans
le sol, il réduit alors sa transpiration : c’est le début
des dégâts dus à la surchauffe et au manque de
turgescence des cellules, et les tiges se flétrissent.
La notion fondamentale est que l’humidité est
fournie par les racines et perdue via les feuilles. Le
taux d’évaporation augmente quand il fait chaud
et/ou qu’il vente, et si ce taux est supérieur à la
quantité d’eau pouvant être fournie, l’arbre en pâtit.
L’eau disponible
Examinons les facteurs dont dépend l’appro-
visionnement en eau de l’arbre. Cultiver un bon-
saï dans un pot signifie un apport d’eau limité, et
maximiser la rétention d’eau dans le sol devient
essentiel. Le type, le volume et la consistance du
sol sont autant de facteurs qui interviennent ici.
Quand nous arrosons nos arbres, trois forces
agissent sur les molécules d’eau :
- la gravité les tire vers le bas,
- l’adhésion les attire vers les particules du sol,
- la cohésion ou l’attraction des molécules d’eau
entre elles.
Un sol constitué d’un mélange de petites parti-
cules offre une plus grande surface d’adhésion et
donc de cohésion, maintenant l’eau à l’intérieur du
sol, soit absorbée dans la structure poreuse des
particules, soit stagnant dans les espaces entre
les particules.
Un exemple facile à comprendre : le sable de
rivière utilisé par les cultivateurs à Takamatsu,
au Japon. De petites particules dures de gravier,
totalement hydrophobes, créent des dizaines de
milliers d’interstices où l’eau adhère par la pres-
sion hydrostatique, tenant ainsi l’eau prête à être
absorbée par les racines de l’arbre.
Créer un mélange cohérent et stratifié, dont
chaque couche est constituée de particules de la
même taille (grandes, moyennes et petites) aug-
mente la rétention d’eau. Quand l’eau traverse le
sol et atteint un changement dans la taille des
particules, la couche supérieure doit être
saturée avant que l’eau commence à per- H2O
coler dans le niveau inférieur. 
H2O
H2O
H2O
L’eau disponible
dans le substrat
La couche
supérieure doit
être saturée
d’eau quand
l’eau commence
à perler vers la
couche inférieure.
 À voir
en détail
Cette couche ne draine pas
On désigne souvent par « couche de drainage » les
plus grosses particules du fond du pot. Ce terme
est mal approprié, car l’augmentation de la taille des
particules entrave le drainage, augmentant la rétention
d’eau et l’aération du sol.
Trop d’eau
Réfléchissons à la quantité d’eau requise par
un arbre et à la fréquence d’arrosage. Là, cela se
complique, puisqu’il faut essayer d’équilibrer plu-
sieurs facteurs à la fois.
Concernant l’eau pour la transpiration, elle doit
être facilement disponible dans le sol afin de pou-
voir être absorbée en cas de besoin. La logique
voudrait donc que si le sol est continuellement
saturé, il n’y ait pas lieu de s’inquiéter d’un manque
d’eau. C’est une erreur classique de débutants,
car les espaces entre les particules de substrat
remplis d’eau ne laissent alors pas de place aux
molécules d’oxygène. Si cette situation dure trop
longtemps, la souffrance de l’arbre commence à
se voir. Les racines ont besoin d’absorber de l’oxy-
gène et de l’eau, et rejettent du dioxyde de carbone
On essaie comme les feuilles. Sans espace entre les parti-
cules de substrat, les gaz résiduels s’accumulent,
toujours l’air devient vicié et les racines étouffent. Une part
essentielle de la santé des plantes dépend des
d’arroser de micro-organismes du sol. Les micro-organismes
sorte que toute aérobies bénéfiques, tels que les bactéries et les
champignons, sont la clé de nombreux processus,
la surface et ont besoin d’oxygène pour survivre. Un sol anaé-
reçoive la même robie constamment saturé d’eau les détruira et
endommagera les racines, permettant aux agents
quantité d’eau. pathogènes de générer des conditions potentiel-
lement mortelles.
Évaluer l’humidité
La quantité d’eau et la fréquence d’arrosage
dépendent des conditions météorologiques, de
la masse des racines et du feuillage, de la taille du
pot, de la composition du sol, de la percolation de
l’eau, de l’espèce et de la santé des racines. Tous
ces éléments sont à considérer au jour le jour pour
l’arrosage. Un bon test pour savoir si le substrat est
saturé ou sec consiste à sentir le niveau d’humidité
avec votre doigt, en le plaçant juste sous la couche
supérieure du sol. La couche superficielle du pot
sèche très rapidement via l’évaporation générée
par le vent ou le soleil, mais la majorité du sol à
l’intérieur du pot peut encore être humide. Dans ce
cas de figure, un arrosage très léger peut s’avérer
nécessaire pour les arbres shohin, mais pas pour
44 - EspritBonsaï ‘95’
les plus gros pots. Si le sol sous la surface est sen-
siblement sec, il faut alors arroser jusqu’à ce que
vous sentiez qu’une quantité d’eau suffisante est
retenue dans le pot.
Un arrosage uniforme
L’arrosage doit être fait de manière judicieuse
en utilisant soit un tuyau flexible, soit une pomme
d’arrosoir ou une buse, à un débit et à une pression
appropriés, pour ne pas perturber les particules du
sol. En effet, si celles-ci bougent pendant le proces-
sus d’arrosage, elles se décomposent rapidement
et se compactent, entraînant la formation d’une
croûte impénétrable qui limite la pénétration de
l’eau et de l’oxygène.
Pour le développement sain des racines, il
convient d’assurer un arrosage uniforme sur toute
la surface du sol : l’avant, l’arrière et les côtés. Si l’on
arrose uniquement le devant de l’arbre, certaines
zones manqueront d’eau, où les racines mourront.
On essaie toujours d’arroser de sorte que toute la
surface reçoive la même quantité d’eau.
Lorsque la surface du sol commence à se com-
pacter, l’eau peut s’écouler. Plusieurs arrosages
peuvent s’avérer nécessaires pour qu’une quantité
d’eau suffisante pénètre dans le sol. Pour certains
arbres, tels que le pin blanc du Japon, un sol com-
pacté par les racines est souhaitable car ils pré-
fèrent un sol plus sec, ce qui leur assure à la fois
une bonne santé et des aiguilles de petite taille.
Pour d’autres variétés, telles que les azalées ou les
érables, cette situation est potentiellement mor-
telle et le rempotage est conseillé dès que possible.
Lors de l’arrosage, essayez d’imaginer la quan-
tité d’eau et d’oxygène retenue à l’intérieur du pot,
et pensez : « Est-ce le bon équilibre pour cet arbre
à cette période de l’année et dans ces conditions
météorologiques ? » 
Un équilibre
à atteindre
Un excès d’eau dans le sol est tout
aussi fatal aux arbres qu’un manque
d’eau. Par conséquent, atteindre un
équilibre sain entre oxygène et eau
autour des racines est l’objectif de
tout cultivateur de bonsaï. Pour cela,
il faut choisir ou accepter de ne pas
arroser l’arbre tous les jours. L’objectif
est un sol humide et aéré, ni saturé ni
trop sec.
À voir
en détails
POUR BIEN NOURRIR
LES BONSAÏS
L’apport d’engrais est fonction de la saison, de l’essence,
mais aussi de la maturité du bonsaï. Pour bien cultiver sa plante,
mieux vaut s’y intéresser de près.
Auteur : Jérôme Hay
É
tudier l’alimentation des bonsaïs est
primordial, car les résultats de leur
culture en dépendent. Pourvoir aux
besoins en eau des bonsaïs est la base que l’on
enseigne au débutant, mais la nutrition est tout
aussi importante. Si une plante ne peut survivre
à quelques jours sans eau, une malnutrition peut
conduire à l’échec de sa culture.
Estimer les besoins de la
plante en engrais : ils sont en
fonction du volume du pot et
la valeur NPK de l’engrais. Plus
cette valeur est faible, plus on
aura une marge d’action dans
la concentration de l’engrais.
Poser les boulettes nécessite de
calculer le volume du pot afin
de répondre à son objectif.
L’appauvrissement en nutriments de la plante
peut s’étaler sur plusieurs années. En effet, sans
apport, elle vit sur des réserves qui ne vont qu’en
s’amoindrissant. Finalement, elle n’aura plus le
minimum requis pour son bon fonctionnement et
ne pourra plus réagir aux différents stress qui la sol-
licitent. Faute de quoi, elle finira par être emportée.
Un apport à réguler
L’eau ne doit pas être restreinte lors de l’engrais-
sement, car elle permet la circulation des éléments
et leur distribution. L’engrais, quant à lui, fournit 
EspritBonsaï ‘95’ - 45
 À voir
en détail

L’association d’un engrais solide et d’un liquide permet de

repositionner et de gagner en précision, par exemple en cas
d’aléas de températures ou en début et/ou fin de cycle végétatif.
L’application des engrais
liquides est assez simple.
Pendant la saison
végétative, elle peut se
faire tous les 15 jours,
mais on a de meilleurs
résultats en l’appliquant
à chaque arrosage.
Dans ce cas, diminuer la
dose prescrite, car sur
les emballages, elle est
exprimée pour une semaine.

Dès fin août, on peut complémenter

les apports avec un engrais d’automne,
pour que la plante fasse ses réserves.
Fruitiers et plantes à fleurs, mais aussi tout
particulièrement les pins sont en demande.
 une alimentation qui permettra à la plante de
se construire, d’emmagasiner des réserves, main-
tenir ses fonctions vitales, optimiser ses défenses.
Pour nous bonsaikas, l’engrais est un carburant
essentiel qui est facteur de temps. Réguler ce
temps est un enjeu de taille, car lorsqu’on est ama-
teur, nous voulons faire grossir plus rapidement les
arbres. Par contre, lorsque les arbres prennent de
la maturité, on cherche plutôt à modérer la pousse
pour travailler dans la finesse et la précision, sans
pour autant tomber dans la faiblesse et le déclin.
L’apport d’engrais peut être comparé à un robinet,
qui ne se ferme jamais complètement. Utiliser des
engrais adaptés à la plante, mais aussi adaptés aux
modes de culture et aux saisons est le secret de
la réussite.
Faire un programme
Programmer son engraissement a son impor-
tance. La période végétative commence au mois
d’avril, dès le débourrement, et se termine en
novembre, à la chute des feuilles.
Cette période d’activité marque l’essentiel de l’as-
similation de la plante et se décompose en plusieurs
étapes. La première est celle du déploiement foliaire,
vient ensuite la période de pousse de construc-
tion, puis un ralentissement de l’activité pendant la
période estivale fait face au manque d’hygrométrie

46 - EspritBonsaï ‘95’
Antistress, régénérant, revitalisant et fortifiant
peuvent être appliqués en alternance toutes
les semaines en pulvérisation, c’est un plus qui
permet de pallier toute forme de carence.
et aux fortes chaleurs. L’activité végétative repart
avec l’humidité de l’automne, mais pour constituer
des réserves essentielles pendant le repos hivernal
et la relance de l’activité en tout début de printemps.
La période de l’activité reproductrice étant
propre à chaque espèce, elle vient s’ajouter au
moment opportun. Aussi les demandes liées à la
floraison et à la fructification, la stimulation des
défenses, la résistance, la coloration du feuillage…
sont des points à intégrer dans l’organisation de
l’engraissement d’un bonsaï.
CALENDRIER
Les apports d’engrais de la période estivale à
la fin de l’hiver.
Juillet-août
En cette période de repos, l’activité est au mini-
mum, mais n’est pas pour autant arrêtée comme
en hiver. La plante consomme essentiellement
de l’eau, mais en a moins besoin qu’au printemps.
On retire les engrais solides. En cas de besoin, on
utilisera seulement les engrais liquides, mais on
peut continuer les pulvérisations foliaires une fois
par semaine en alternant les produits (régénérant,
antistress, stimulant, revitalisant, purin d’orties,
prêles ou autres…).
Septembre
Suivant le climat de la région, on peut interve-
nir de fin août à mi-septembre pour l’apport des
engrais solides. Au nord de la Loire, on commence
dès la mi-août, et au sud plutôt mi-septembre.
Pour les espèces comme les pins, on double les
doses des boulettes, car le départ de végéta-
Les pulvérisations sur
le feuillage sont plus
tion au printemps suivant n’est émis que par les eficaces le soir et ne
réserves. D’ailleurs, pour cette espèce, on limitera présentent aucun risque
les apports de printemps, qui ne servent qu’à faire de brûlures. Le feuillage
doit rester le plus
pousser les chandelles à pincer. longtemps possible
On peut utiliser aussi, toujours en complément, humide si on veut que
un engrais liquide spécial automne pour toutes les principes actifs
les espèces, permettant au bonsaï de stocker des pénètrent dans la feuille.
réserves pour lui assurer un bon hiver et un bon
départ printanier, mais aussi, pour les fruitiers et
les satsuki, à construire les bourgeons à fleurs et
à nourrir les fruits.
Octobre-novembre
On suivra les mêmes dosages d’engrais jusqu’à
la coloration automnale. Lorsque la baisse des
températures se fait davantage ressentir, on enlève
les boulettes dès la chute des feuilles. On arrête
de même les apports liquides, mettant fin à tout
Calendrier
engraissement. On nettoie la surface des pots et à suivre
on rince bien le substrat à l’eau claire pour éva- La suite du
cuer, par lessivage, les concentrations d’engrais calendrier, pour le
qui auraient pu s’agglutiner. Pendant la période début de la période
hivernale, les pulvérisations peuvent être main- végétative, d’avril à
tenues en utilisant uniquement des produits tels juin, à paraître dans
qu’antistress, fortifiants lorsqu’ils ne contiennent Esprit Bonsaï 98.
pas d’azote.
Décembre à mars
C’est la période de repos. Il n’y a pas d’assimila-
tion de substances, outre celle de l’eau pour main-
tenir un taux d’humidité dans le végétal. Pour les
plantes de climat tempéré, il est donc inutile, voire
dangereux d’engraisser, car il y aurait un risque de
concentration. Par contre, on peut continuer les
pulvérisations d’oligo-éléments et autres produits
type régénérant et stimulant après travail, un trai-
tement de désinfection, car beaucoup ont une
fonction protectrice en cutanée et améliorent la
réaction de la plante. 
EspritBonsaï ‘95’ - 47
Du côté
des feuillus
© SALVATORE LIPORACE
La bougainvillée :
un bonsaï méditerranéen
Espèce de régions chaudes, la
bougainvillée fait rêver par ses leurs
généreuses aux couleurs éclatantes.
Elle se conduit facilement en bonsaï et
est à conseiller aux débutants, comme
aux amateurs plus éclairés.
Auteur : Antonio Ricchiari
Traducteur : Olivier Barreau
48 - EspritBonsaï ‘95’
Facile à conduire
en bonsaï, la
bougainvillée
se couvre de
fleurs éclatantes
et délicates lors
de sa floraison.
Collection
Salvatore
Liporace.
Même si je suis habitué au fabuleux
spectacle des buissons de bougainvillée recou-
verts de fleurs, comme des taches dans le paysage,
c’est toujours une émotion d’admirer leur généreux
fleurissement aussi abondant que varié.
La bougainvillée (aussi dit le bougainvillier) fait
partie du patrimoine des variétés permettant de
créer un style de bonsaï plus “européen”. Il ne s’agit
pas d’une nouvelle esthétique, mais de la culture
et de la façon de travailler ces essences comme
l’olivier, le romarin, le chêne-liège, le pin d’Alep, le
chêne vert…
Un hommage
Le nom de la bougainvillée rend hommage
au Français Louis Antoine de Bougainville,
commandant de navire pour un tour du
monde de 1766 à 1769. Il embarqua avec
lui le botaniste Philippe Commerson qui
découvrit la bougainvillée au Brésil en 1767 et
lui dédia cette découverte. Aujourd’hui, elle
se rencontre sur tous les continents où elle
est cultivée pour ses qualités ornementales.

Dans les régions chaudes, cette belle plante

montre une floraison spectaculaire, due à la tem-
pérature élevée et à une certaine humidité. Dans
les autres régions, quelques problèmes peuvent
apparaître : un fleurissement faible et irrégulier
dû au froid de l’hiver, lors duquel il devient néces-
© I_AM_JIM, CC BY-SA 4.0.

saire de la protéger. Hormis cela, la bougainvillée

peut être cultivée sans problème dans toutes les
régions d’Europe.
Cette plante est typique des climats doux et
tropicaux. Dans les régions où le froid hivernal per-
siste, il est préférable de la cultiver en pot. Elle Bougainvillea
s’adapte facilement à la culture en bonsaï et ne glabra, une
présente pas de difficulté majeure : elle est donc
© 2010 JEE & RANI NATURE PHOTOGRAPHY, CC BY-SA 4.0.

espèce
conseillée aux débutants. courante en
pépinière.
Les espèces
En pépinière, les espèces proposées couram-
ment sont Bougainvillea spectabilis, B. glabra et B.
x buttiana qui est un hybride naturel dérivant du
croisement de B. glabra avec B. peruviana.
Bougainvillea spectabilis est une espèce vigou-
reuse, aux grandes feuilles duveteuses. Les brac-
tées lilas sont plus étendues que celles de B. glabra,
les fleurs se regroupent à l’extrémité des branches.
À noter la présence de grosses épines courbées.
L’espèce ne supporte pas une taille excessive et Bougainvillea glabra peut prendre diférentes couleurs,
comme cette variété dorée à Kadavoor, Inde.
est sensible au gel.
Bougainvillea glabra est plus rustique, avec des
feuilles plus petites et glabres, et des bractées
violettes. Bougainvillea glabra ‘Sanderiana’ est
le cultivar se prêtant le mieux à la culture en pot.
Sa floraison est ininterrompue pendant toute la
saison de pousse.
B. x buttiana est connue pour la couleur cré-
© © TEMPAKUL, FOTOLIA.

meuse de ses fleurs ; ses bractées sont ondulées

et rouge crémeux quand elles s’ouvrent, devenant
plus violacées lorsqu’elles sont exposées au soleil.
B. x buttiana ‘Jamaica White’ » est aussi un cultivar
adapté à la culture en pot, à pousse lente, à fort fleu-
rissement et à exposer en plein soleil. B. x buttiana Bougainvillea spectabilis se distingue par ses grandes
‘California Gold’, aux bractées jaune orangé  bractées, ses épines et les fleurs en bout de branches.

EspritBonsaï ‘95’ - 49
 Du côté
des feuillus

©HECTONICHUS
B. x buttiana est un hybride naturel
de B. glabra avec B. peruviana.

 et aux feuilles vert sombre, ne supporte pas

les basses températures et pousse avec modé-
ration. B. x buttiana ‘After Glow’ se cultive aussi
très bien en pot et montre des couleurs orangées.

Un peu d’anatomies
La bougainvillée (ou le bougainviller) est une

© HECTONICHUS, CC BY-SA 3.0.

essence arbustive grimpante qui peut atteindre 2
à 8 mètres de hauteur, suivant qu’elle est cultivée
en pleine terre ou en pot. Les tiges sont sarmen-
teuses, très ramifiées et couverte d’une écorce
rouge brun aux nuances grises s’intensifiant avec
le temps. Les branches, vert à vert brun, sont épi-
neuses, mouvementées, voire tordues.
B. x buttiana. Les
Les feuilles de la bougainvillée sont persistantes,
branches sont
laminées et ovoïdes ou ovales lancéolées, étroites sarmenteuses
et finies par un bord ondulé, et alternes. La feuille, ralement violette). Ces bractées sont de forme et très ramifiées.
sur un pétiole, mesure 5 à 12 centimètres de long ovale finissant en pointe, mesurent de 4 à 8 cen-
et est de couleur verte plus ou moins intense selon timètres de long et ont une consistance de papier.
la variété. De manière erronée, ces bractées sont appelées
Hermaphrodites, les fleurs sont de forme tubu- fleurs à cause de leur coloration servant à attirer
laire, assez petites, de couleur blanche ou jaune les insectes pour la pollinisation. La floraison dure
vert. Elles sont réunies par groupe de trois, entou- toute la période estivale.
rées de trois bractées foliaires colorées (géné- Le fruit est un petit akène.

50 - EspritBonsaï ‘95’
 Engrais organiques
Les engrais organiques sont largement utilisés, donnant
des résultats appréciables, faciles d’utilisation et largement
difusés dans les commerces spécialisés dans le bonsaï.
Mon expérience personnelle sur les bougainvillées m’a fait
utiliser des produits contenant N et NP avec de la farine
de viande et d’os, de la fiente séchée, du fumier séché

© MAURO STEMBERGER
et des micro-éléments. La présence d’azote de forme
organique et la matrice organique riche en acide humique
et fulvique favorisent la disponibilité des autres éléments
nutritifs. L’engraissage se fait à deux périodes : l’un entre
mars et juin et l’autre entre septembre et octobre.
Arbustive, la bougainvillée peut montrer
des formes surprenantes…

© LUMBAR, CC BY-SA 3.0.

Bougainvillea glabra. Les bractées, violettes, se

distinguent des feuilles par leur couleur et attirent les
pollinisateurs. Au centre, la fleur couleur crème.
© MAURO STEMBERGER

La multiplier
Multiplier une bougainvillée est très facile, autant
par division d’une grosse racine que par marcot-
tage, à condition qu’elle soit faite en plein été.
Au printemps, on peut procéder à des bou-
Les plants de bougainvillée s’obtiennent
tures semi-ligneuses. Pour ce faire, prélever un facilement par marcottage ou bouturage.
bois d’une longueur d’une dizaine de centimètres,
comportant quelques entre-nœuds. Planter ces
boutures dans un mélange de tourbe et de sable et dans une serre par exemple qui protégera aussi la
laisser en place durant un mois à une température partie aérienne. La température ne doit pas rester
d’au moins 20 °C. Une fois les racines apparues, au au-dessous de 5 °C : pour les bonsaikas des régions
bout de trois semaines environ, changer le conte- du nord de l’Europe, la bougainvillée entrera dans
nant pour plus grand en vue d’un futur rempotage la catégorie des bonsaïs dits “d’intérieur” avec les
au bout d’un an. Il est aussi possible de faire des protections ad hoc.
boutures en hiver, elles seront à placer dans un C’est une plante qui a besoin de beaucoup de
lieu où la température ne descend pas au-des- lumière et de soleil.
sous de 18 °C.
La cultiver
L’exposer La bougainvillée pousse bien dans des substrats
Dans les régions septentrionales, penser à expo- de texture moyenne, bien drainants et pas trop cal-
ser ces plantes en plein soleil. Quand la tempéra- caires. Le substrat sera riche, fertile et aéré, avec
ture s’abaisse, les protéger en les isolant du froid, une grande part de sable ou de pierre ponce 

EspritBonsaï ‘95’ - 51
 Du côté
des feuillus

 ou tout autre matériau aux propriétés simi-

laires, dans une proportion de 3 à 4 parts pour 10.
Au fond du pot, une couche de drainage permettra
à l’eau de s’écouler.

© LUIGI NUZZO
La fertilisation en automne consiste à donner
un produit liquide complet, et pendant la floraison
un produit à diffusion lente.

© LUIGI NUZZO
La bougainvillée doit être arrosée de manière
1 Cette bougainvillée, acquise par Luigi
généreuse tout au long de sa période végétative.
Nuzzo, un amateur italien, provient de
La culture en bonsaï de la bougainvillée ne pré- Chine. Après un premier rempotage et
sente pas plus de problèmes que les autres varié- une première taille drastique, la mise en 2 La bougainvillée avec sa première
tés à fleurs. L’obtention d’une floraison abondante forme peut commencer. et deuxième ramification.
est fascinante, mais attention à la demande d’éner-
3 Le substrat se compose de
gie qu’elle nécessite.
50 % de terreau, 10 %
Par rapport aux autres essences, les plantes à d’akadama, 20 % de pierre
fleurs présentent des bourgeons et des branches ponce et 20 % de kanuma.
différentes nécessitant une taille différente. La Ce mélange est particulièrement
dimension des fleurs doit être proportionnée aux adapté, car l’akadama est un
substrat neutre (pH compris
branches et aux plateaux. Sur les jeunes sujets,
entre 7,0 et 7,3) d’une faible
il faut limiter et espacer les interventions de taille. capacité de rétention en eau
comparé aux autres substrats.
La tailler Pour cette raison, les arrosages
La taille doit être inversement proportionnelle sont fréquents. L’emploi de la
kanuma (pH acide) renforce
à la vigueur de la bougainvillée au moment de
l’efet drainant du mélange, de
l’intervention. Il s’agit, dans le même temps, de même la pierre ponce. Après la
contrôler la vigueur des branches, qui n’est jamais fertilisation, l’arbre pousse
uniforme : les branches les plus faibles fleurissent vigoureusement.
en premier, les plus fortes fleuriront plus tard, mais
avec abondance.
© LUIGI NUZZO

4 La ramification
La plante fleurit sur les pousses matures de
l’année précédente, qui sont taillées juste après très importante
fait penser à
la floraison pour que les nouvelles soient matures de la dentelle.
avant l’hiver. Attention, si la taille est réalisée trop
tôt certains sujets peuvent refaire une floraison à la
fin de la saison. Si l’on veut faire grossir les branches
tout en préservant la vigueur de la plante, il faut
enlever toutes les fleurs.
Au cours du mois de février, les branches prin-
cipales sont raccourcies, puis un éclaircissement
est nécessaire pour laisser entrer la lumière. Les
branches les plus faibles sont éliminées, dans
l’objectif de renforcer la vigueur de la plante. Au
printemps, les rameaux secs, causés par le gel, sont
éliminés eux aussi. Lors de la taille, il est nécessaire
d’éliminer toutes les branches mortes, abîmées et
excédentaires.
On procède au pincement au printemps, avec
des ciseaux adaptés.
© LUIGI NUZZO

Les pousses d’un ou deux ans sont faciles à dis-

tinguer : les pousses d’un an sont encore souples et
généralement vertes, celles de deux ans sont plus
grises ou brunes. Les pousses de plus de deux ans
sont lignifiées dures et recouvertes d’écorce. 

52 - EspritBonsaï ‘95’
 © LUIGI NUZZO
5 L’arbre a participé à de nombreuses expositions, et a
remporté notamment un prix UBI (Union du bonsai italien).
EspritBonsaï ‘95’ - 53
des conifères
Du côté
Quand un arbre
invite à enfreindre
les règles
Ce pin sylvestre invite à expoiter son
défaut principal et même à le souligner :
deux troncs se croisant choqueront sans
doute certains, mais la beauté de l’arbre
est là, dans cette incohérence.
Auteur : Jean-François Busquet
54 - EspritBonsaï ‘95’
Suivant ce que lui
inspire ce beau
pin sylvestre,
Jean-François
Busquet en vient
à opter pour une
mise en forme en
dehors des règles
établies, avec,
notamment, deux
troncs se croisant.
Parmi les satisfactions
que m’apporte mon métier, j’apprécie
particulièrement les moments de
réflexion passés autour d’un arbre
sauvage, visant à le transformer
par un projet esthétique. Cette
approche, bien que nourrie des
règles habituelles de construction,
doit rester libre face à un yamadori,
en considérant celles-ci comme des
références importantes, mais sans
s’y enfermer. La beauté standardisée
manque souvent un peu d’âme.
Ce pin sylvestre à deux troncs est
arrivé dans mon atelier pour étude.
Apporté, avec d’autres, par un ami
pour un week-end de travail. Comme
la plupart des pins prélevés sur des
pentes chaotiques, l’impression de
grand âge est immédiate. Avec cet
aspect, des mouvements continus
dans les troncs et des conicités
régulières, il réunit les qualités
essentielles pour éveiller mon intérêt.
 Sur ces profils,
la forme
en lyre qui
se dessine
manque
totalement
d’intérêt.

Sans supprimer de troncs

Mais une première analyse plus précise
du potentiel de ce pin sylvestre nous
laisse plutôt interrogatifs, en nous révélant
surtout les difficultés, elle ne nous
dévoile pas le bonsaï caché dans l’arbre.
Il semble impossible de trouver un
accord intéressant entre les deux
Un des rares
troncs. Le plus gros court sur le sol avant
angles de
de se redresser, ce qui restreint les l’arbre qui
choix pour la face avant mais donne une aurait pu être
orientation pour la face arrière. Sur deux exploité sans
profils opposés, la même silhouette en que les troncs
se croisent.
lyre symétrique qui se détache est bien
Pas très
fade, éliminant encore des options. inspirant...
Mettre en valeur un yamadori permet, en
exerçant sa créativité et en respectant
ce que la nature propose, d’obtenir
un bonsaï au caractère unique. En
l’occurrence, il est exclu de supprimer
un des troncs pour aller ensuite vers
la facilité d’un formatage convenu.
Après avoir fait pivoter l’arbre dans tous
les sens et sur tous les axes, il s’avère
que le seul angle de vue exploitable,
permettant la mise en valeur de
l’ensemble, implique que les troncs se
croisent. Malgré ce « défaut majeur »,
c’est sous cet angle que les mouvements
des deux arbres sont les plus expressifs.
Se complétant, ces deux arbres ouvrent
des possibilités vers une harmonie
générale. L’idée étant de construire un
arbre d’un côté et le second de l’autre.
La face choisie, au détriment de l'académisme. L'exception qui confirme la règle...
Réduire les longueurs
Séduit par la particularité du projet,
attiré par le challenge de chercher La face a été définie sans vraiment Pour approcher la végétation des troncs,
l’équilibre sur de l’incohérence, je prendre en compte la position des pliages, s’inspirant des mouvements
demande à mon ami de me céder du reste de la structure, la grande écrasés que l’on observe souvent sur
l’arbre. Celui-ci, ne semblant pas souplesse de l’essence permettra les cimes des pins sylvestres soumis au
partager mon enthousiasme, et toujours de l’ajuster au projet. poids de la neige, seront nécessaires.
certainement aussi pour me faire plaisir, Le réel défaut de l’arbre réside dans Sans grande difficulté technique,
accepte facilement, préférant travailler l’éloignement du feuillage porté ces pliages seront facilités par les
sur un exemplaire plus imposant. par des branches trop longues. faibles diamètres en cause. 

EspritBonsaï ‘95’ - 55
 Du côté
des conifères

 En réduisant les longueurs des

branches avec des mouvements
successifs, je limite l’aspect artificiel que
pourraient avoir certaines boucles en
jouant sur les trois dimensions, sachant
que le temps et la patine augmenteront
encore cette crédibilité. En les créant,
j’anticipe le sens des courbes afin
que les différents embranchements
se distribuent correctement,
préparant la construction finale.

Deux arbres distincts

Je commence par une mise en forme
grossière du plus petit arbre pour
visualiser l’espace qu’il occupera.
Étant sur l’avant, il ne doit pas être trop
volumineux. Cette ébauche me permet
d’affiner le projet : les deux arbres
seront construits bien distinctement,
mais leurs volumes, en se superposant, 1 La mise en forme
formeront une unité cohérente. commence par celle de
Avec ce croisement de troncs, le l'arbre au premier plan.
reste des lignes doit être fluide et les
espaces vides bien définis. Pour cela, je
raccourcis ou élimine la plupart des jin le plus d’espace possible pour le
existants et je transforme les moignons, second, je positionne ce second
résultant des tailles effectuées lors du arbre au-dessus et à gauche, assez
prélèvement, en shari discrets. J’en facilement, mais sans atteindre pour
conserve cependant deux, solides, l’instant l’équilibre recherché.
un sur chaque tronc, utilisés comme
point d’ancrage pour la ligature. Retourner la branche
Après avoir repris quelques pliages Il reste la branche de gauche à mettre
intérieurs sur le premier arbre en place avant de revenir sur cette
pour réduire sa hauteur et libérer quête d’harmonie. Cette branche
2 Une
première
ébauche
permet de
préciser la
suite du travail.

4 Des
colliers en
plastique et du
raphia pour
renforcer, et une
barre pour
immobiliser, qui
3 Avant de commencer la mise en forme du plus grand servira aussi
arbre, il faut renforcer ce point de fragilité dû à la cicatrice pour la pose
d'un déchirement antérieur. des haubans.

56 - EspritBonsaï ‘95’
 5 Les premiers pliages sur le second arbre
pour amener la végétation au-dessus du tronc
6 Le premier jet de la mise en forme, avant les finitions. L'arbre ayant été
cultivé avec de l'engrais chimique, les aiguilles sont très longues. Je les ai
cependant toutes gardées pour avoir le plus de photosynthèse possible afin
de relancer l’arbre rapidement après le travail. J'éclaircirai ensuite au fur et à
mesure que le nouveau feuillage s'installera.

basse est plus délicate à former. Sa

longueur excessive complique le
positionnement du feuillage, modifiant
quelque peu ma vision du modèle
final. Néanmoins, après différentes
versions insatisfaisantes et quelque
temps de réflexion, je réussis à l’intégrer
dans les volumes déjà en place en
préservant un aspect naturel.
J’ai, pour cela, utilisé une technique de
formation enseignée par Abe Kurakichi
lors d’un atelier en Italie. Le Senseï,
référence mondiale dans la formation
des pins, avait alors inversé le processus
habituel de construction en retournant
la branche sur elle-même avant de faire
les plateaux, englobant ensuite certains
pliages dans une végétation habilement
distribuée. Une configuration qui, sans
être courante, s’observe dans la nature.
Après avoir longtemps estimé que
l’espace vide entre les deux troncs
devait être bien marqué, je décide
finalement d’y installer une petite
masse de végétation, qui en le
réduisant, augmente la liaison de
l’ensemble, soulignant au passage
une courbe du premier arbre. 
Cultiverlesylvestre
Le pin sylvestre (Pinus sylvestris)
se développe du nord jusqu’au
sud de l’Europe. On le trouve
en plaine comme en montagne,
et la structure des sols lui
importe peu. En France, il
pousse aussi bien dans l’argile
lourde de la Drôme que dans la
dolomite calcaire des Causses.
J’en ai croisé dans le schiste
acide des contreforts des
Pyrénées à presque 2000 m
et le sable des Landes lui
convient tout autant. Une telle
adaptabilité rend sa culture
particulièrement facile. Seul un
paramètre est immuable : du
soleil direct, le plus possible.
Quand il y passe toute la
journée, le bourgeonnement
arrière devient important.
En bonsaï, dans un sol drainant,
en modérant l’arrosage pendant
les deux mois de pousse, on
évite aux aiguilles de trop
s’allonger. De même, pour un
arbre installé, on utilise peu
d’engrais au printemps, juste
pour soutenir la croissance.
On fera, en revanche, une
bonne charge à la fin de l’été,
dont l’arbre stockera une
partie pour passer l’hiver et
se relancer au printemps.
Le pin sylvestre est le roi des
pins pour créer des bonsaïs.
Il en réunit absolument
toutes les qualités et peut se
travailler dans tous les styles.
La souplesse de son bois, bien
supérieure à celle de ses cousins
asiatiques, ouvre de larges
horizons pour la créativité.
Ce n’est sûrement pas un
hasard si les maîtres japonais
qui y ont goûté en réclament
systématiquement pour leurs
démonstrations en Europe.

EspritBonsaï ‘95’ - 57
 Du côté
des conifères

La dificulté de l’atypique
La silhouette générale est maintenant
en place, mais elle manque toujours
d’unité. Je reprends mes croquis
préparatoires pour comprendre que je
dois légèrement modifier l’axe des cimes
pour obtenir le résultat souhaité. Après
ces réglages, qui en entraînent d’autres
par effet domino, le travail est terminé.
Certains jin sont encore à reprendre,
ils sont utiles pour les haubans.
Je dois dire que cette mise en forme
est celle qui m’a opposé le plus de
difficultés dans sa réalisation depuis
que je travaille des arbres, comprenant
que vouloir faire de l’atypique n’est pas
si facile. Avec ses singularités plutôt
que des défauts, ce bonsaï aura une
Peaufiné et désaiguillé. Vue de droite avec un shari en cours.

Vue de gauche. Sur cette face, des

courbes ne sont pas belles, quelques
ramifications ont besoin de s'allonger
ou de se densifier pour les recouvrir.

belle présence. Celle-ci était bien

cachée, il fallait chercher plus loin...
Certainement déjà perturbé par
la structure croisée, le moral des 
Un mois après
défenseurs de l’académisme risque le début de
d’être définitivement en berne devant la mise en
le profil de la branche de gauche. forme, l'arbre
Le bonsaï, c’est tenter de créer de est débarrassé
la beauté et de l’émotion. Y a-t-il d'une partie
des fils et du
vraiment des règles pour cela ?  raphia. L’arbre
mesure 75 cm
de haut.
La face arrière, dans le soleil.

58 - EspritBonsaï ‘95’
des conifères
Du côté

En 1990, l’épicéa avant sa

première mise en forme, trois
ans après son prélèvement.

En 2016, cet épicéa est

travaillé depuis trente ans par
Udo Fischer. Pendant deux
ans, l’épicéa a pu pousser
librement. Le désordre
apparent nécessite une
nouvelle mise en forme.

Picea abies
Restructurer Texte : Udo Fischer
Photos : Udo Fischer et Josef Wiegand,
sauf mention contraire

un épicéa mature Cet épicéa, je l’ai

Après avoir été laissé libre de pousser pendant
quelques années pour reprendre de la
vigueur, cet épicéa est à présent prêt pour une
restructuration. Il est travaillé depuis près de
trente ans en bonsaï.
prélevé il y a presque 30 ans dans
les Alpes, à environ 1600 mètres
d’altitude. À l’époque, j’ai estimé l’âge
de ma trouvaille entre 30 et 50 ans.
Le temps est venu de procéder à une
restructuration complète de cet arbre.
La première mise en forme a été faite en
1990, environ trois ans après la collecte
de l’arbre. Le temps nécessaire au
maintien des branches dans la position

60 - EspritBonsaï ‘95’
 Pourlecultiver
Famille : Pinacées
Genre : Picea
Espèce : abies
Nom commun : épicéa commun
Substrat : akadama mélangé à
environ 40 % de pierre ponce
de même granulométrie.
Nettoyage : les vieilles aiguilles
sont généralement supprimées
lors de la mise en forme à
la pose des ligatures.
Exposition : l’épicéa apprécie les
climats frais et une forte humidité
de l’air. Si l’arbre est situé en plein
soleil, il est préférable de le vaporiser
régulièrement. Mais il supporte
également très bien la mi-ombre.
Arrosage : durant les mois d’été
surtout, arroser sufisamment et
même vaporiser, au moins deux
fois par jour si l’arbre est en plein
soleil. De manière générale, la
terre doit toutefois être à peu
près sèche avant d’être arrosée
à nouveau. Les intervalles entre
chaque arrosage dépendent toujours
de l’endroit où est placé l’arbre.
Fertilisation : Bio-Gold, avec adition
d’un engrais liquide, Wuxal, tous les
dix jours. Wuxal est l’un des rares
engrais que l’on peut également
utiliser en application foliaire.

L’épicéa en 2010.

souhaitée étant très long sur les épicéas,

il m’a fallu procéder à une nouvelle
ligature tous les deux ou trois ans. Ceci
explique sans doute que ces arbres
ne soient pas forcément populaires
chez tous les amateurs de bonsaï.
Au cours des 30 dernières années,
cet épicéa a assez souvent changé
de pot, celui-ci ayant toujours été
adapté à la qualité de l’arbre. Durant
les dernières années, l’épicéa a pu jouir
d’une croissance un peu plus libre, afin
de retrouver son ancienne vitalité.

Pour les débutants

Personnellement, j’aime beaucoup
les épicéas, car il s’agit d’une variété
d’arbre très gratifiante, que je
recommande surtout aux débutants.
Les arbres prélevés dans les montagnes,
entre 1200 et 1800 mètres d’altitude,
possèdent qui plus est des aiguilles
courtes, ce qui est très joli. J’ai pu
observer que durant la seconde année
suivant le prélèvement, les aiguilles
poussent encore un peu. Cependant,
1 La branche inférieure cache une trop grande partie du tronc. Dans la
après quelques années de mise en
partie basse d’un arbre, ce sont les branches arrière les plus importantes.
forme de l’épicéa, la longueur des La ramification ressort mieux et la vue sur les branches arrière augmente
aiguilles se stabilise à la taille qu’elles l’impression de profondeur et la perspective. Transformée en jin, la
avaient lors de la collecte.  branche supprimée ofrira un joli point de mire.

EspritBonsaï ‘95’ - 61
 Du côté
des conifères

 Cette essence permet de s’exercer

à la pose de ligatures, car non seulement
les branches sont très flexibles et
se laissent donc plier sans risque de
casser, et de plus une bonne fertilisation
permet d’obtenir une croissance
vigoureuse, et donc de très bons
résultats en peu de temps. Si toutefois
le fil est retiré au cours des premières
années de mise en forme – celui-ci
pénètre facilement dans le bois –
l’épicéa prend régulièrement des allures
de “jungle”. Il faut donc bien compter dix
3 Après le positionnement
ans avant que l’arbre soit présentable.
d’autres branches, il devient
2 Deux autres branches sont supprimées afin de créer évident que les diférents écarts
Libérer l’espace un espace vide pour des branches mieux placées. Grâce à entre les plateaux destructurent
En 2016, le moment est venu pour l’ouverture de la végétation, les pousses intérieures un peu la végétation et la rendent
l’arbre de faire à nouveau l’objet reçoivent sufisamment de soleil. plus intéressante.
d’une restructuration complète.
Afin d’attirer l’attention plutôt sur les
branches arrière, qui donnent une
belle impression de profondeur, je
supprime une branche basse qui pointe
trop vers l’observateur. Une partie de
cette branche est travaillée comme
jin. D’autres branches opposées,
ou déjà trop épaisses, sont elles
aussi supprimées afin d’offrir à des
branches plus importantes davantage
d’espace vide et les faire ainsi mieux
ressortir. Au début du travail sur un
arbre, on laisse volontiers un peu plus
de branches pour garnir la première
mise en forme. Quand le travail est un
peu plus avancé, il devient nécessaire
de libérer plus d’espace pour les
branches les plus attractives.
Progressivement, toutes les branches
sont ligaturées et repositionnées. Au
cours de ces 30 années, le tronc a
énormément grossi et aujourd’hui, les
branches sont elles aussi plus robustes, 4 Dans la
contribuant ainsi à l’impression partie supérieure
de maturité que dégage l’arbre. La de l’arbre, on
hauteur, elle, a peu évolué durant privilégie de plus
toutes ces années. La façon dont le en plus les
branches les plus
nebari mûrit dans le pot au fil des ans
fines pour la
et, grâce à de petites interventions, forme de la cime,
devient toujours plus puissant, et on supprime
me fascine toujours autant.  les plus grosses.

62 - EspritBonsaï ‘95’
 5 Les dernières branches sont ligaturées 6 Les trois ou quatre plateaux supérieurs du côté gauche sont à
et positionnées. Dans l’ensemble, l’arbre fait nouveau corrigés et l’espace libre entre eux est mieux exploité. Dans les
encore un peu désordre. plateaux inférieurs, certaines petites branches latérales sont encore trop
basses par rapport à la ligne de contour et gênent l'impression d'ensemble.

Le pincement de l’épicéa
Au début de la mise en forme, on peut
pincer régulièrement les nouvelles pousses,
mais il n’y a alors généralement plus
de bourgeons latéraux sur la nouvelle
pousse. Au début, le pincement permet
d’obtenir beaucoup de nouvelles pousses,
l’inconvénient étant que la nouvelle pousse
ne vient généralement pas directement à
l’endroit où l’on a pincé, mais fréquemment
là où la pousse précédente est sortie. En
résultent donc des nids entiers remplis de
pousses qui engendrent un épaississement
irrémédiable. L’avantage de cette technique :
un bon renouvellement des bourgeons.
Dès que la ramification est sufisamment
fine et que les aiguilles sont moins longues,
mieux vaut laisser grandir les nouvelles
pousses avant de les tailler à hauteur des
bourgeons. Cette taille se fait en juin.
En général, au bout d’un an, sur
toute la longueur de la pousse se
trouvent au moins deux, voire trois
bourgeons qui autorisent une taille.

7 Les dernières
corrections apportent
un peu d’apaisement
et d’équilibre à la
structure de l’épicéa.
EspritBonsaï ‘95’ - 63
 © Studio Siebold
8 Un an plus tard, l’arbre est transplanté dans un pot un peu plus grand.
Hauteur de l’arbre : 65 cm. Âge : entre 70 et 80 ans. Pot : Tokoname, Japon.
 ‘Best of’
www.bonsaiassociation.be

20 years Trophy
A
by Bonsai Association Belgium
international BONSAI show
8 – 9 – 10 Feb 2019
Top international demonstrators
Masayuki Fujikawa (JP)
Ryan Neil (USA)
Vaclav Novak (CZ)
Gabriel Romero (ES)

Special Korean guest demonstrators

Cho Won Dong Kang Sook Hoon
Choi Song Ho Kim Seok Ju
Her Youn Hang Lee Kwang Jong

• Major European
bonsai exhibition
BONSAI ASSOCIATION BELGIUM
• Exhibition of suiseki and
exclusive bonsai pots
• More than 90 international
bonsai traders

Venue :
Limburghal c.v.
Jaarbeurslaan 6
B-3600 Genk
Belgium
www.limburghal.be
Imaginer
un arbre diférent

Un pin sylvestre atypique

Le congrès mondial du Bonsai Clubs International en octobre à Mulhouse, fera la part belle à des
bonsaïs originaux et créatifs. Ce pin sylvestre de Jean-Paul Polmans fera partie de cette sélection.

66 - EspritBonsaï ‘95’
Imaginer un arbre différent
L’objet de cette rubrique est d’analyser les choix faits par l’artiste
en essayant d’autres options. De démontrer la pertinence de ces
choix faits et d’apprendre à admirer…
Pour construire ce pin sylvestre, Jean-Paul
Polmans a choisi de suivre l’œuvre de
la nature. Il en résulte un arbre hors des
règles, et d’une belle élégance.
Auteur : François Jeker
C e pin complètement atypique
viole allègrement toutes les
“règles” communément admises.
Cependant, Jean-Paul Polmans
(artiste belge du bonsaï) a suivi
le seul maître qui vaille, la nature,
pour mettre en valeur l’extrême
singularité de ce yamadori qu’il a
prélevé lui-même, il y a douze ans.
Couper la première
branche ?
Un aphorisme zen dit : « Ne
suivez pas les traces des anciens,
cherchez la même chose qu’eux. »
Essayons de comprendre ce que
cherchaient les premiers maîtres
de bonsaï et ensuite... ne prenons
pas à la lettre leurs préceptes,
trouvons notre propre voie en nous
laissant guider par la nature !
Si nous nous conformions aux
“règles”, il faudrait couper la première
branche : nous obtiendrions un arbre
certes beau, mais commun. Jean-
Paul s’est mis humblement au service
de cet arbre et a mis en valeur sa
beauté et son caractère unique.
La nature est toujours infiniment
plus créative que nous. Un homme
n’aurait jamais pu imaginer ni
“fabriquer” ce tronc tortueux et cette
première branche retombante.
1 Sans la première branche, un arbre
comme beaucoup d’autres ?
Option 1 :
sans la première
branche
Bien sûr, avec son tronc extraordinaire,
l’arbre reste beau sans la première
branche, mais perd son caractère
unique en devenant plus classique.
« Si vous avez le choix entre suivre
les règles ou suivre la nature,
choisissez toujours la nature », disait
John Naka, qui expliquait aussi :
« Je ne parle jamais à mes arbres,
je me contente de les écouter… »
Option 2 :
avec une branche
d’équilibre
Sur l’arbre initial, il n’y a pas de vraie
branche d’équilibre à droite, c’est 2 Le bonsaï perd de son dynamisme
la cime qui joue ce rôle. En ajoutant avec une branche d’équilibre.
une branche basse à droite, le
décalage entre la végétation de droite
et celle de gauche est fortement
réduit. Son aspect cascade très
retombante est amenuisé.
Option 3 :
une silhouette
plus régulière
Sur l’arbre initial, la silhouette est
en dents de scie, branches longues
et courtes s’alternent. En alignant
la végétation à gauche, l’arbre
perd en naturel et ses rythmes
deviennent apathiques. Comprendre
les règles et les oublier… 
3 Une silhouette plus régulière, et l’arbre
est sans rythmes et moins naturel.
EspritBonsaï ‘95’ - 67
 et des potiers
Des pots
Me and Raimondi
« NOUS TRAVAILLONS
ENSEMBLE SUR CHAQUE POT »
Installés à Izola, petite station balnéaire slovène,
les trentenaires Nastja Legvart et Matjaž
Raimondi se sont associés sous le nom de Me
and Raimondi pour créer des pots à bonsaï
épurés et élégants, dans le respect des traditions.
Propos recueillis par Anne Royer
Photos : Branko Furlanič et Me and Raimondi
68 - EspritBonsaï ‘95’
Les céramistes Nastja Legvart et
Matjaž Raimondi, respectivement
âgés de 30 et 32 ans, ont
installé leur atelier dans le
vieux centre de la petite station
balnéaire d’Izola, en Slovénie.
Ils produisent leurs pots sous
le nom de Me and Raimondi.
Esprit Bonsaï : Comment vous êtes-vous
lancés dans la céramique pour bonsaï ?
Nastja Legvart : On dit qu’il faut suivre ses
rêves et se laisser guider par sa passion.
Parce qu’on y réfléchissait depuis très long-
temps, on a eu besoin de sortir de notre
zone de confort et de se lancer… On n’avait
jamais travaillé l’argile, mais on avait l’ex-
périence du travail manuel avec d’autres
matériaux et de solides connaissances en
design. Surtout, on pouvait s’appuyer sur la
passion de Matjaž pour le bonsaï.
 Les oxydes de fer apportent une belle finition
à ce pot non émaillé. Dimensions : 22 x 10 cm.
Pot à shohin tourné et émaillé
de noir. Dimensions : 16 x 4 cm.
Matjaž Raimondi : Cette passion est née
lorsque j’étais enfant. J’aimais regarder
les grands arbres majestueux en pleine
nature et quand j’ai découvert qu’on pou-
vait obtenir quelque chose de similaire
en version miniature, je suis tout de suite
tombé amoureux de cet art. Nastja a éga-
lement découvert le bonsaï ces dernières
années, et désormais nous travaillons
ensemble sur nos arbres.
N. L. : Il y a deux ans, nous avons suivi
quelques cours auprès d’un céramiste
local. Ensuite, nous avons commencé à
découvrir la poterie et les glaçures par
nous-mêmes, en passant bien sûr par de
nombreux essais et échecs. C’était loin
d’être facile au début : on n’avait pas d’en-
droit où travailler, on ne savait rien de la
cuisson au four, ou comment empêcher
Le logo de Me
and Raimondi,
conçu par Kaja
Kopitar, est
surmonté d’une
couronne en
référence au nom
de Matjaž, qui
signifierait le roi
ou le protecteur,
selon des textes
anciens.
Les pots des deux Slovènes arborent des couleurs
douces et naturelles (sable, rouille, sel de mer…),
inspirées du décor marin de la côte Adriatique.
l’argile de sécher trop vite… On avait un
tour de potier, mais pas la moindre idée de
comment l’utiliser. Mais on s’est accroché.
Et être ensemble a rendu ces moments
de doutes plus faciles. Deux ans plus tard,
nous savons comment allumer un four,
sécher l’argile lentement, utiliser un tour
de potier… Depuis cette année, je travaille
comme artiste à plein temps, et Matjaž
me rejoint au studio après son travail de
policier. Bien sûr, nous avons encore beau-
coup à apprendre. Chaque jour, nous nous
efforçons de réaliser un pot d’une meil-
leure qualité que le précédent.
E. B. : Comment s’organise le travail à
quatre mains ?
M. R. : Nous travaillons ensemble sur
chaque pot, depuis le stade de la concep-
Une argile grise
et des oxydes de
fer ont été utilisés
pour réaliser ce
pot non émaillé.
Dimensions :
26 x 18 x 5 cm.
tion. Je finis parfois ce qu’elle a commen-
cé, et inversement. On dessine souvent
nos idées dans un livre de croquis, et
beaucoup d’autres sont dans notre tête.
Avant de commencer un nouveau pot,
on passe en revue ces croquis, et l’on
mélange parfois quelques idées. Tous les
pots tournés sont réalisés par Nastja, et je
m’occupe davantage des pots montés à la
plaque. Pour les pots à kusamono ou à shi-
takusa, on utilise également la technique
du pot pincé. La plupart de nos pots sont
fabriqués à quatre mains : l’un de nous
s’occupe du corps et l’autre des pieds,
par exemple.
N. L. : Nous sommes aussi en couple dans
la vie privée. J’ai un bagage artistique et
dans l’architecture, et Matjaž comprend le
bonsaï et les règles d’un pot à bonsaï. 
Ce pot arbore
un beau
craquelé
vert d’eau.
Dimensions :
26 x 15 cm.
EspritBonsaï ‘95’ - 69
 Des pots
et des potiers
Chaque pot, ou presque, est imaginé et fabriqué à quatre mains…
Pot évasé aux teintes mordorées.
Dimensions : 37 x 8 cm.
Pot ovale, aux lignes sobres et
précises. Dimensions : 32 x 28 x 6 cm.
 Il nous a semblé que c’était une
bonne base pour créer quelque chose
de nouveau, mais dans le respect des
traditions… regarder vers le passé pour
redéfinir l’avenir.
On s’encourage mutuellement à aller
plus loin… et littéralement plus gros. Tour-
ner de grosses pièces reste pour moi une
lutte permanente. Matjaž vient aussitôt
mesurer chaque gros pot que je fabrique.
Je déteste ça, donc j’essaie de faire des
pots toujours plus gros pour qu’il arrête
avec ses mesures ! (rires) Mais s’il n’était
70 - EspritBonsaï ‘95’
Design « Azteca » pour ce pot d’une élégante sobriété. Dimensions : 28 x 20 x 4 cm.
pas si obstiné, je ne m’embêterais sans
doute même pas avec les gros pots…
E. B. : En quoi est-ce différent lorsque
vous travaillez sur commande ?
M. R. : D’un côté, c’est mieux d’avoir le
champ libre sur le design et la fabrication :
on n’a pas à obtenir les bonnes mesures
ou la bonne teinte si le pot est émaillé.
On peut faire appel à toute sa créativité.
Mais d’un autre côté, on court le risque de
ne pas réussir à vendre le pot. Lorsqu’on
travaille sur commande, on a moins de
liberté – et encore, cela dépend du client
– car on doit respecter les dimensions
et l’émail demandés. Cela peut devenir
un challenge aussi, de fabriquer un pot
qui impressionnera le client... surtout
si celui-ci est exigeant. Et parfois, on
tombe amoureux du bonsaï dont on nous
demande de créer le pot, ce qui nous rend
encore plus motivés. Comme ce bonsaï
qui m’a fait rêver pendant des semaines
sur les réseaux sociaux… Un jour, on m’a
demandé de lui fabriquer un pot. Je n’ai
pas de mots pour décrire mon excitation.
E. B. : Où trouvez-vous l’inspiration ?
N. L. et M. R. : Partout, dans un million de
détails. Par exemple, on peut trouver l’inspi-
ration dans le détail très spécial d’une vieille
maison, ou dans des anciens pots à bonsaï
japonais ou chinois… et dans la nature, sur-
tout : dans les roches, les pierres, les arbres.
On recherche la perfection dans l’imper-
fection. Les pots a priori « parfaits » ont
… même si seule Nastja utilise le tour de potier,
Matjaž lui préférant le montage à la plaque.
l’air d’avoir été fabriqués dans une usine.
On devrait toujours garder visible la trace
de la main de l’homme qui a créé le pot. On
consacre de nombreuses heures à travail-
ler les détails de nos pièces… un pied prend
parfois plus de temps que la partie cen-
trale. Nous essayons également d’intégrer
des formes organiques dans ces détails.
E. B. : Comment travaillez-vous sur les
formes et les couleurs ?
N. L. et M. R. : En général, nous suivons
les règles communément admises dans
Pot doucement ventru à la glaçure
verte et brune. Dimensions : 18 x 7 cm.
le monde du bonsaï, en ajoutant une
touche de créativité. Sur nos pots, on peut
identifier des lignes traditionnelles… avec
quelques nuances artistiques.
E. B. : Quelles autres passions viennent
nourrir votre inspiration ?
N. L. et M. R. : Entre le bonsaï et la céra-
mique, il nous reste peu de temps pour
d’autres occupations. En été, il nous faut
environ une heure chaque jour pour arro-
ser nos bonsaïs. Et la production de pots
ne s’arrête pas au travail de l’argile, il y a
beaucoup à faire : prendre des
photos de la fabrication et
des pièces terminées pour les
poster en ligne, programmer la
cuisson, gérer l’administratif…
Et nous avons aussi une petite
boutique pour les touristes, où
nous vendons d’autres céra-
miques – des tasses, des assiettes
ou des bols. Quand nous trouvons
un peu de temps, on aime surtout voya-
ger et se promener dans la nature, où l’on
garde toujours un œil sur les yamadoris.
Enpratique
Me and Raimondi
Ljubljanska ulica 14, 6310
Izola, Slovénie
Tel. : +38 631 538 612 (Matjaž),
+38 640 839 293 (Nastja)
E-mail : info@meandraimondi.com
Site web : www.meandraimondi.com
Instagram : @meandraimondi
Pot pour plante d’accent, émaillé d’un joli
vert craquelé. Dimensions : 14 x 2 cm.
E. B. : Quel rêve aimeriez-vous accom-
plir dans les prochaines années ?
N. L. et M. R. : Nous aimerions construire
notre four à bois, pour remplacer un jour
notre four électrique – que nous appe-
lons « la grosse Bertha ». Et nous avons
beaucoup d’autres projets, que nous révé-
lerons le moment venu, quand ils seront
près d’être réalisés… 
EspritBonsaï ‘95’ - 71
À côté
des bonsaïs
Sanslaterredeketoh
On peut aussi n’utiliser que le substrat de la plante.
Pour ce faire, vous avez besoin d’un tissu fin de type voile
d’hivernage dans lequel vous découpez un rond d’envi-
ron 30 cm de diamètre.
Formez votre boule de terre en utilisant uniquement le
substrat d’origine de la plante. Après avoir démêlé les
racines, formez une boule bien ronde. Déposez la boule
sur le tissu et remontez les bords. Ficelez en prenant soin
de garder le tissu à plus de 2 cm du pied de la plante.
Finissez avec une couche de belle mousse verte sur
toute la surface.

P
roche du bonsaï et de l’ike-
bana, mais sans règle stricte,
le kokedama, une petite boule
recouverte de mousse et plan-
tée, est un moyen facile de se faire plai-
sir en réalisant une décoration florale.
Les kokedama sont très populaires au
Japon : la simplicité de réalisation et la
facilité pour trouver le matériel en font un
passe-temps idéal.
La traduction littérale du mot japo-
nais “kokedama” est boule (dama) de
mousse (koke). Le kokedama est donc
une boule de terre recouverte de mousse
dans laquelle poussent une ou plusieurs
Amusez-vous à faire
plantes. Plante herbacée, bulbes, jeune
une petite boule
plantée, appelée plant d’arbre, plantes vivaces ou annuelles,
kokedama pour d’intérieur ou d’extérieur : tout est pos-
décorer le jardin sible dans cet art japonais.
ou le balcon ! Et Après réalisation, le kokedama peut
pourquoi pas avec
être suspendu ou placé sur un support.
une prêle japonaise,
Equisetum
japonicum ? Des boules de substrat
Céramique de Il existe beaucoup de types de sup-
Sabine Besnard. ports différents pour présenter un koke-
dama. Certains sont à portée de main

Un kokedama
(soucoupe, ardoise) d’autres peuvent se
trouver chez les potiers bonsaï ou dans
des magasins spécialisés. Il s’agit surtout
d’inspiration et de goût personnel.

pas à pas
Auteur : Xavier Dreux
Quelques plantes présentées dans une boule
de mousse, c’est frais pour l’été, très déco, facile
et amusant à faire, aussi avec des enfants !
Le matériel nécessaire est simple :
mousse des bois, outils, une ou plusieurs
plantes, du fil de coton, de la sphaigne, du
ketoh et de l’akadama fin. Le fil est le plus
souvent en coton, noir ou vert, mais du fil
de pêche convient aussi.
Pour fixer le fil, formez un cavalier en
U avec du fil de ligature de 0,5 à 1 mm.
Attachez le fil de coton au U et enfoncez-
le au pied de la plante avant d’entourer le
fil tout autour de la boule de mousse. 

72 - EspritBonsaï ‘95’
 1 2 Préparez des boules de substrat à 3 Démêlez les racines des plantes à l’aide
Rassemblez le matériel nécessaire :
plantes (une prêle japonaise ici, Equisetum partir d’un mélange de 50 % de ketoh, 30 % d’une baguette. Taillez les racines trop longues
japonicum), outils, substrats, sphaigne, d’akadama fin, 20 % de sphaigne hachée si besoin en fonction de la taille de la boule
mousse et plateau tournant et des boules et de l’eau. La consistance des boules doit envisagée.
de mélange de ketoh. se rapprocher de celle d’un lobe d’oreille.

4 Le ketoh tachant fortement les mains, l’utilisation de 5 La boule est prête : recouvrez toute la surface d’une couche de sphaigne humide
gant en latex ou vinyle est recommandée pour le aux fibres longues. Un tissu peut être utile pour maintenir temporairement la sphaigne.
manipuler. Entourez les racines du mélange de ketho
préparé précédemment. Puis ajoutez de ce mélange tout
autour de la motte afin de former une boule bien ronde.

6 Utilisez du fil de
coton pour fixer la 7 Ajoutez la mousse de finition.
sphaigne en faisant Choisissez une mousse des bois
de nombreux tours assez fine, aux fibres longues. Si
autour de la boule. possible utilisez une seule grande
Pour fixer le fil, insérez plaque de mousse. Découpez une
une de ses extrémités fente sur un des côtés, avant de
dans la boule. venir poser la plaque de mousse
Terminez par un sur la boule. Pressez la mousse sur
nœud et cachez la boule et découpez les morceaux
l'autre extrémité du fil. en surplus.

8 Terminez en ficelant la mousse avec le fil de

coton. Pour ancrer le fil, attachez-le sur un petit U
en fil de ligature. Insérez le U discrètement au pied
de la plante. 9 Votre kokedama est terminé !

EspritBonsaï ‘95’ - 73
Ikebana
Senshin Ikenobo

 Le moderne n’existerait pas si l’histoire

n’avait pas été. Ainsi, le rikka s’ancre, comme
toutes les formes d’ikebana, dans le bouddhisme.

Le rikka s’ancre
dans l’histoire
Texte et compositions : Marette Renaudin
Photos : Chantal Pantaloni

Si le modernisme de l’ikebana ex-

prime tout à fait l’actualité de notre société, il ne
reste pas moins l’idée que tout développement d’art
contemporain ne peut exister sans les bases d’une
tradition ancestrale. Pratiquer l’ikebana de nos jours
ne perd-il pas sa valeur si l’on reste dans l’ignorance
d’un patrimoine millénaire ?
Loin du minimalisme, les premières œuvres dé-
veloppées à partir du VIIe siècle montrent une image
des plus foisonnantes, due à la richesse et la variété
des végétaux utilisés dans de multiples directions et
reliées aux points cardinaux de notre univers.

Centre de l’univers
L’origine de tout “ikebana” vient de l’idée du mont
Shumisen (Sumeru) imaginé dans le bouddhisme :
montagne sacrée s’élevant au centre de l’univers tel
qu’onleconçoitdans l’Indeancienne. Shumisenestla
transcription phonétique du mot sanscrit « sumeru ».
Sous cette inluence, le bouddhisme, en Chine, ima-
gine l’univers comme trois couches circulaires qui
lottent sur l’Éther : le Vent, l’Eau et la terre (ou le
métal).
Le mont Shumisen s’élève au centre de cette der-
nière couche supérieure appelée Konrin. À mi-hau-
teur, commence la demeure des dieux. À ce niveau,
le soleil et la lune se trouvent en orbite. Autour du
Mont, sept montagnes sont disposées en carré, entre
lesquelles apparaissent sept mers. À l’extérieur, la
grande mer laisse pointer quatre îles situées sur les
points cardinaux, l’île du Sud étant peuplée par les
humains.
Ainsi au VIIe siècle au Japon, les moines adoptent  Une des dix-neuf formes du rikka. La branche de myrtillier
l’idée du mont Shumisen en créant de véritables de droite donne élan et élégance à la composition, image
de quelques collines surélevées dans la plaine.
paysages de la « Grande nature » pour les offrir au Branches de myrtillier japonais, feuilles d’Iris ochroleuca, sceaux-
Bouddha : les tatebana (leurs érigées). Les direc- De-Salomon panachés, solidage, glaïeul, Liatris, fougère.

74 - EspritBonsaï ‘95’
  Expression moderne des compositions traditionnelles réalisées
dans un bac à sable en cryptomère. L’utilisation d’un suiban en
verre donne de la fraîcheur pour l’été. Arum violets, Asplenium,
feuilles d’Iris ochroleuca, sceaux-De-Salomon, lys orange, Liatris,
feuilles d’hosta, solidage, petits chrysanthèmes et œillet.

 Image d’un paysage d’été où le lac de haute montagne

déploie ses floraisons herbacées. La branche de myrtillier
arbustive suggère les bois rafraîchissants des collines du bas.
Branches de myrtillier japonais, Anthurium, feuilles d’Iris
ochroleuca (I. orientalis), Asplenium, sceaux-De-Salomon,
lysianthus, Liatris, solidage, fougère et mini-œillet.  Réduction d’une
œuvre de base
pour l’été, donnant
tions sont chacune en interférence avec les points un sentiment de
tendresse et de
cardinaux et sont établies ainsi selon une véritable légèreté. L’utilisation
cosmogonie. du vase en verre
opalescent soutient
Sept directions toute la fraîcheur
Les premières œuvres comportent sept directions de l’œuvre.
Patrinia, feuilles
principales, dont les noms se réfèrent au sens reli- d’iris, sceaux-De-
gieux du bouddhisme : Salomon, statice,
1– Shin = tenchojiku : toutes les choses sont im- chardons.
muables à l’instar du ciel et de la terre.
2 – Soe = shobutsu rairin : tous les bouddhas
daignent manifester leur présence. jusqu’à nos jours. L’idée de dévotion sacrée reste
3 – Uke = shobutsu ressa : tous les bouddhas sont néanmoins présente dans notre pratique contempo-
présents à l’assemblée. raine. Ce petit poème suggère bien l’idée du rikka
4 – Choshin = shukun anzen : que la sécurité soit moderne encore élaboré de nos jours :
au seigneur.
5 – Mikoshi = jumyo choon : longue est l’existence. « Majestueux, sa présence enchante
6 – Nagashi = shujin aikyo : respect affectueux Bien droit, d’où s’échappent mille directions, il est
pour le peuple. un hommage à une nature généreuse
7 – Maeoki = fukizai : richesse et noblesse, ab- Le faire toucher au-dedans, irradie et donne le jour
sence de contraintes.
Au XVIe siècle, les tatebana empruntés par la no- Noble, sa présence honore
blesse deviennent les rikka. Il s’agit ici d’honorer la Nature du tout, globalité d’où naît l’inini des
beauté et l’essence même de la nature. Dans les de- formes et des couleurs
meures aristocratiques, on ampliie inalement toutes Il nous invite à toucher l’ensemble
les valeurs esthétiques et pittoresques du style en lui
ajoutant une idée profane. C’est un premier pas pour Abondant, sa présence remplit
imaginer effectivement l’ikebana dans son évolution Exubérance pudique, il est posé là » 

EspritBonsaï ‘95’ - 75
Ikebana
Ohara
 Ikebana et bonsaï se côtoient parfois, comme pour
cette exposition à Douai, en octobre 2017, au cours de
laquelle Marcel Vrignaud, grand maître de l’école Ohara,
a créé un “maxi-ikebana” sur deux grands troncs d’olivier.
Bonsaï et ikebana à Douai
Auteur : Marcel Vrignaud
 Le point de départ du montage du grand ikebana : deux grands
troncs d’olivier provenant d’une pépinière de la région de Douai.
 Cet immense ikebana, composé à partir de deux
troncs d’olivier, est l’œuvre de Marcel Vrignaud, lors
d’une exposition à Douai réunissant ikebana et bonsaï.
Faire une démonstration en
public peut s’avérer un véritable déi, surtout quand
il s’agit de composer avec une salle d’un grand vo-
lume. J’ai eu le plaisir de relever ce déi lors de la dé-
monstration de clôture de l’exposition qu’organisait
l’association Ikebana Douaisis, les 21 et 22 octobre
2017 à Douai.
L’exposition “Une parenthèse ensoleillée” réunis-
sait ikebana et divers arts japonais, dont le bonsaï.
Pour la deuxième fois, les magniiques salles d’An-
chin, haut lieu renommé à Douai pour ses expositions,
débats, concerts et autres manifestations culturelles,
abritaient l’événement.
Marido Tartar, présidente de l’association d’ike-
bana, avait convié ses élèves à confectionner les com-
positions, assistés par des maîtres invités, venus par-
tager leur expérience.
Les bonsaïs étaient présentés par Alain Hector,
président du Zen Bonsai Club et instructeur à la Fédé-
ration française de bonsaï.
76 - EspritBonsaï ‘95’
L’exposition a connu un grand succès et les visi-
teurs, venus de toute la région dont la Belgique toute
proche, ont pu proiter des animations proposées :
- cérémonie traditionnelle de thé (cha no yu),
- atelier découverte et démonstrations indivi-
duelles de shiatsu,
- exposition de poupées japonaises,
- calligraphies et origami,
- stand de céramiques pour ikebana.
Deux immenses troncs
Compte tenu du grand volume de la salle, il m’était
donc nécessaire d’envisager des compositions de
grande taille pour la démonstration, comme cela se
pratique au Japon lors d’expositions publiques.
On m’avait conié ce challenge sous la forme de
deux immenses troncs d’olivier pesant plusieurs cen-
taines de kilos, posés à l’horizontale, qu’il fallait ani-
mer et décorer pour former un ensemble paysager.
J’ai choisi de grands ifs pyramidaux pour assurer
la hauteur de l’ensemble et des lianes de glycine pour
la liaison entre les deux troncs. La touche automnale
était apportée par de grosses leurs d’hortensia et du
Viburnum opulus au rouge éclatant, le tout associé
à des branches de sureau, de catalpa et de pommier
portant ses fruits. Quelques bromélias en pot com-
plétaient l’ensemble.
 Plusieurs heures ont été nécessaires à Marcel Vrignaud pour la création de ce “maxi-ikebana” !...

 Démesure
Dans ce vase XXL en grès signé Dalmagro, une
composition monumentale combinant lianes de glycine,
branches de cotonéaster et de néflier avec ses fruits,
chrysanthèmes, delphiniums et miscanthus. Suzy Vallée,
compagne de Marcel Vrignaud, prend la pose.
 Coexistence
Le Japon est représenté ici par des branches de Nandina domestica
et de sureau avec leurs baies. Le Choisya ternata et les fleurs
blanches de lys symbolisent la France. Création Marido Tartar.

C’était la troisième fois que je participais à une

exposition associant ikebana et bonsaï. Cette expé-
rience est particulièrement enrichissante, d’autant  Yin et yang
Sculpture florale
plus que l’école d’ikebana Ohara s’est spécialisée
autour du tronc
dans un type de bouquet dans lequel arbres et ar- d’un arbre
bustes sont miniaturisés et présentés en accord avec creux. Lianes de
leur croissance naturelle. houblon, Choisya
Il me semble souhaitable que les associations et ternata (oranger
du Mexique),
clubs régionaux des deux disciplines puissent se ren-
bromélia et
contrer, échanger et ainsi permettre davantage d’ac- pommier
tions communes.  d’ornement.

EspritBonsaï ‘95’ - 77
Club et
passionnés
Fort de ses 37 ans
d’activité, on peut
dire que ce club de
Marseille sait réunir
ses membres autour
de la passion du
bonsaï. Le Bonsaï club
de Provence valorise
les arbres de sa région.
Texte : Cinthya Arenas
Photos : Bonsaï club de Provence
« Le bonsaï est une
ode à la vie, s’enthousiasme Richard
Babikian, président du Bonsaï club
de Provence. Au gré des saisons, il
nous accompagne, nous montre la
simplicité complexe de la nature. Les
moments forts où l’on taille, ligature,
rempote nous font fusionner avec
elle et nous forcent à plus de res-
pect de manière générale envers
elle. Et si le résultat est au bout, alors
là, c’est jouissif. » Par ces quelques
mots, le président du Bonsaï club
de Provence donne tout de suite le
ton et une orientation à l’association,
établie à Marseille, dont les valeurs
s’articulent autour de « Convivialité,
échange, partage ». « Travail » pour-
rait être le quatrième. Un travail des
arbres et d'essences diverses : orme
78 - EspritBonsaï ‘95’
 Les membres du Bonsaï club de Provence, de Marseille, cultivent depuis 37 ans leur
amour des bonsaïs et de la nature tout autant que la bonne humeur et le partage.
BONSAÏ CLUB DE PROVENCE
Un club qui
traverse le temps
de Chine, pin sylvestre, pin noir, gené-
vriers variés, olivier, figuier, pommier,
érable, charme, hêtre, if. Travailler
ensemble semble indispensable à
Richard Babikian qui a démarré le
bonsaï il y a 12 ans « tout seul dans
mon coin, avant de connaître le club
par pur hasard. »
 Richard Les anciens
Babikian, le parrainent les jeunes
président, est
Lors de sa création en mai 1981, à
aussi un des
formateurs Aubagne (près de Marseille), le Bon-
(N1) du club. saï Club de Provence, l’une des asso-
ciations de bonsaï de Marseille, choi-
sit d’ailleurs pour nom celui de sa
région « pour rassembler une région
et se démarquer de clubs existants
nationaux », explique Richard Babi-
kian. Il ajoute que « beaucoup de
passionnés construiront ce club, qui
survivra à leurs départs. » En 1983,
le club est transféré à Marseille. Et
en 1988, Marc Stefanut, un jeune
membre à l’époque et vice-pré-
sident aujourd’hui, fait son appari-
tion dans le bureau et continue
jusqu’à ce jour, à faire vivre l’asso-
ciation.
Aujourd’hui,leclubcompte8fem-
mes et 20 hommes de 23 à 71 ans.
Certains sont de jeunes recrues,
d’autres sont adhérents depuis de
nombreuses années.
Une aide précieuse est apportée
aux débutants. Dans le choix des
arbres tout d’abord : « on les aiguille
danslechoixdesessencesadaptées
à notre région. » Puis, dans l’appren-
tissage : « Par un système de par-
rainage, les plus anciens et les plus
aguerris étant parrains d’un groupe
de trois ou quatre membres qui le
sont moins, nous mettons en appli-
cation les cours théoriques. » Un
bénéfice utile et mutuel en réalité :
« À chaque saison, cela permet de
remettreenquestionlesplusanciens
et de moins se disperser dans le par-
tage des connaissances. En dernier
recours, face à un sujet délicat, Marc
ou moi-même tranchons. »
 Marc Stefanut est le plus ancien
membre de l’association. Formateur
(N2), il partage son expérience
avec les autres membres.
Des formations
La formation est importante pour
les membres du club. D’ailleurs,
les réunions se déroulent, en
général, les premier et troisième
samedis du mois, de septembre à
juin, toute la journée. Le matin est
destiné à la théorie et l’après-midi
à la pratique.
Au sein du club, deux personnes
sont formateurs : Marc Stefanut, N2
à la Fédération française de bonsaï
(FFB), et le président qui, lui, est N1.
En parallèle de la formation FFB, le
président explique qu’il est aussi en
formation chez Bonsai Time, une
association italienne, avec Carmelo
Bonnano. « Des professionnels sont
aussi un bon complément à la for-
mation des membres, développe le
président. Parmi eux : Fred Dagon-
neau, Jean-Pierre Cardinal, Jean-
Luc Roussin, Robert Boulard, et le
regretté Laurent Breysse [NDLR :
professionnel et artiste français du
bonsaï décédé en avril 2018]. Cela,
suivant un thème défini, à raison de
deux fois par an. »
 Exposition 2016 dans les locaux du
Bonsaï club de Provence. à Marseille.
 Ce genévrier du club était destiné
à faire l’objet d’un travail collectif.
Dans les expositions
Le Bonsaï club de Provence
accueillait en juin dernier l’exposi-
tion régionale PACA. Les membres
de l’association iront également
soutenir les trois d’entre eux sélec-
tionnés pour exposer un de leurs
arbres au congrès de la FFB à Mul-
house en 2018, ainsi qu’à Albi au
congrès de l’EBA (European Bonsai
Association) en 2019. Nous espé-
rons que la prochaine exposition
régionale à Sainte-Tulle accueillera
également plusieurs membres :
« plus de trois ! » nous dit malicieu-
sement son président.
Aller à la rencontre du Bonsaï
club de Provence, c’est aussi aller à
la rencontre du soleil du Sud. « Vous
entendrez parler de moyôgi, shari,
jin… avec un fort accent qui ravi-
rait Marcel Pagnol. La légendaire
convivialité provençale est, bien
sûr, de mise. Autour d’un pastaga
 En juin 2018,
l’association
organisait
l’exposition
régionale de
la région PACA
à Marseille.
 Des animateurs
extérieurs, comme
Jean-Luc Roussin
(N3), interviennent
de temps à autre.
et avec quelques envolées lyriques
dont nous seuls avons le secret,
vous serez accompagnés, guidés
et conseillés par les membres »,
conclut Richard Babikian.
N’est-ce pas finalement cela, un  Le logo du club
est une création de
des secrets du bonheur ? 
l’actuel président
Richard Babikian.
En pratique
Bonsaï club de Provence
45 Avenue de Luminy bât H,
chez Richard Babikian 13009 Marseille
Réunion : premier et troisième
samedis du mois de septembre à juin
Courriel : richard.babikian@numericable.fr
et facebook@bonsaiclubdeprovence
www.bonsaiclubdeprovence.fr
Facebook : amis qui aiment bonsaï club
de provence, et Bonsai club de Provence.
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