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Chapitre 1

Les virus: structure et classification

Jean-Claude NICOLAS

Avant le XXe siècle le mot virus était utilisé pour


désigner n’importe quel agent infectieux. Par la suite,
il a été réservé aux agents infectieux non visibles en
microscopie optique, ne poussant pas sur milieux de
culture bactériens, et n’étant pas retenus par les filtres
bactériens. Ce n’est que plus tard que les virus furent
définis par leurs caractères morphologiques,
physicochimiques et culturaux.
Les virus infectent les mammifères, les poissons, les
insectes, les bactéries et les végétaux. Plus de deux
cents espèces peuvent infecter l'homme avec des
degrés de gravité variés.
De nombreux virus sont responsables d'infections
inapparentes ou bénignes (Adénovirus, Rhinovirus...),
d'autres sont associés à des infections beaucoup plus
graves (virus des hépatites, Herpesviridae, virus de
l'immunodéficience humaine...)

1. Structure

Les virus sont composés de deux éléments constants :


un acide nucléique appelé génome et une structure
protéique entourant et protégeant le génome, appelée
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capside. L'association du génome et de la capside
constitue la nucléocapside. Une troisième structure,
entourant la capside, appelée enveloppe ou péplos est
présente chez certains virus. En raison de leur
structure simplifiée, les virus sont des parasites
intracellulaires obligatoires utilisant la machinerie
cellulaire pour assurer leur propre réplication.

1.1. L'acide nucléique viral


Le génome viral contient la totalité de l'information
génétique de la particule virale. De taille réduite, sa
capacité de codage est faible, allant de quelques gènes
pour les virus les plus petits (Entérovirus, Parvovirus)
à quelques centaines pour les virus les plus gros
(Poxvirus, Herpèsvirus)
Le génome d'un virus est constitué d'un acide
nucléique ARN ou ADN, bicaténaire ou
monocaténaire, linéaire ou circulaire, segmenté ou
non segmenté (tableau 1.1).

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Tableau 1.1 : Différentes structures des génomes
viraux
La nature de l’acide nucléique viral constitue un
premier critère de classification des virus.
1.2. La capside

La capacité de codage des acides nucléiques viraux


étant limitée, les capsides virales sont édifiées à partir
de la polymérisation d’une seule ou d’un petit nombre
de sous-unités protéiques.
Ces assemblages s’associent à l’acide nucléique viral
pour constituer des nucléocapsides virales. Elles sont
organisées suivant 2 types de symétrie:
- la symétrie est cubique : la nucléocapside a la
forme d’un icosaèdre,

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- la symétrie est hélicoïdale : la nucléocapside a la
forme d’une hélice.
La symétrie de la capside constitue un deuxième
critère de classification des virus.

 Nucléocapside à symétrie hélicoïdale (figure


1.1)

Figure 1.1: Structure d'une hélice

Dans une hélice, les points équivalents se déduisent


les uns des autres par rotation d’angle  combinée à
une translation d parallèle à l’axe de rotation. On
pourra donc définir pour un virus à symétrie
hélicoïdale le nombre de sous-unités protéiques, par
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tour d’hélice (ou pas de l’hélice), l’angle , la distance
d et la longueur de l’hélice.

Le virus de la mosaïque du tabac VMT est l’exemple


de virus à symétrie hélicoïdale le mieux étudié. On
sait que ce virus se présente sous la forme d’un
bâtonnet rigide et creux de 300 nm de long sur 17 nm
de diamètre. Ce virus possède un génome à ARN
monocaténaire disposé en hélice et protégé par 2200
unités de structures protéiques toutes identiques
(figure 1.2).

Figure 1.2: Structure du virus de la mosaïque du


tabac

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Chaque unité de structure est constituée d’un
polypeptide de 175 000 daltons ayant une structure
tertiaire telle que la superposition et la juxtaposition
des unités de structure le long de l’hélice engendrent
un canal dans lequel sera disposé l’acide nucléique
(figures 1.2 et 1.3).

Figure 1.3: Structure protéique des sous-unités de la


capside du virus VMT

La symétrie hélicoïdale existe aussi chez de nombreux


virus animaux, en particulier les myxovirus et le virus
de la rage.

 Nucléocapside à symétrie icosaédrique ou


cubique

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Dans le cas de la symétrie cubique, les sous-unités
protéiques sont regroupées pour réaliser un volume
qui présente les propriétés de symétrie d’un icosaédre.
L’icosaédre est une structure géométrique faite de
triangles équilatéraux comportant 12 sommets, 20
faces et 30 arêtes (figure 1.4).

12 sommets
20 faces
30 arêtes

Figure 1.4: Schéma d'un icosaèdre obtenu par le


repliement d'un réseau hexagonal plan

Sur la surface de l’icosaèdre, les sous-unités


protéiques vont se grouper en unités morphologiques
appelées capsomères.

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Figure 1.5: Structure icosaédrique avec disposition
des sous-unités protéiques. Exemple d’un virus ayant
un nombre de triangulation T=4. Total des sous-
unités : 240 ; dont 60 organisées en 12 pentons et
180 en 30 hexons.

Les sous-unités protéiques vont se regrouper par 5 au


sommet de l'icosaèdre (les pentons) et par 6 sur les
faces ou les arêtes (les hexons) (figure 1.5).

 Capside à symétrie complexe

Pour un nombre limité de virus, la symétrie de la


capside ne peut être déterminée. Ce cas se pose en
général pour les virus ayant un nombre de gènes très
important tels les Poxviridae. On parle alors de
symétrie complexe.

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1.3. L’enveloppe virale

Elle dérive des membranes cellulaires et porte des


protéines d’information virale de nature
glycoprotéique. Les virus acquièrent leur enveloppe
par bourgeonnement à travers la membrane nucléaire
(Herpesviridae), à travers la membrane du réticulum
endoplasmique (Bunyaviridae) ou enfin à travers la
membrane cytoplasmique (Orthomyxoviridae)
(figure1.6).

Figure 1.6: Processus d'enveloppement de la capside


virale par bourgeonnement à travers la membrane
cytoplasmique
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On parle de virus nus pour les virus dépourvus
d’enveloppe et de virus enveloppés pour les virus qui
en possèdent une.
La présence ou l’absence d’une enveloppe virale
constitue un troisième critère de classification des
virus.
La nature glucido-lipido-protéique de l’enveloppe
virale modifie les caractéristiques physicochimiques
des particules virales. Elles deviennent sensibles aux
solvants des lipides alors que les virus nus sont
résistants. Cette fragilité supplémentaire aura aussi
des conséquences sur le plan épidémiologique.
Classiquement les virus enveloppés sont moins
résistants dans le milieu extérieur et ne sont
transmissibles que par contamination directe (HSV,
VIH, toutefois certains virus tels ceux des hépatites B
et C bien qu’enveloppés sont très résistants.). A
l’opposé, les virus nus sont plus résistants et seront
impliqués dans des contaminations indirectes par le
relais d’aliments souillés (hépatite A, poliovirus).
Enfin, cette fragilité aura des conséquences sur le
transport des prélèvements. Ceux suspects de contenir
des virus à enveloppe devront être effectués à très
basse température (-80°C) si on veut maintenir leur
infectiosité.

2. Classification et nomenclature des virus


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Le système de classification universel des virus est
fondé sur la nature et la structure du génome viral, la
symétrie de la capside, la présence ou non d’une
enveloppe glycoprotéique. Il a été proposé en 1966
par Lwoff, Horne et Tournier et est utilisé par le
Comité International de Taxonomie des virus.
Dès 1975, ce comité a adopté la taxonomie suivante :

Pour définir la famille, on rajoute le suffixe viridae :


exemple Herpes viridae. Le suffixe virinae est utilisé
pour définir les sous-familles : exemple
Bétaherpesvirinae. le suffixe virus est réservé aux
genres : exemple cytomégalovirus.

Les tableaux 1.2 et 1.3 montrent la classification des


principaux virus pathogènes pour l'homme.

ADN ADN ADN


monoca bicaténaire bicaténa
ténaire ire
partielle
ment
monoca
11
ténaire
Symé cubique cubique cubique complexe cubique
trie
Enve nu nu env+ env+ env+
loppe
Fami Parvovi Adenoviri Herpesvir Poxvirida Hepadn
lle ridae dae idae e aviridae
Papovavi
ridae
Sous- Alphaher Chordop
famil pesvirina oxvirinae
le e
Betaherp
esvirinae
Gammah
erpesviri
nae
Genr Parvovi Adenovir Herpès OrthopoxVirus de
e rus B19 us simplex virus l’hépatit
ou Papillom Varicelle  Vari e B
espèc avirus Zona ole
e  BK Cytomég  Vacc
virus alovirus ine
 JC Epstein-  Mon
virus Barr keyp
ox
12
 Cow
pox
Parapoxv
irus
 Orf
Pseudoco
wpox
Molluscu
m
contagios
ium

Tableau 1.2: Principaux virus à ADN ayant un


pouvoir pathogène chez l'homme

ARN ARN ARN ADN


monoc monoca monocaté bicatén
aténair ténaire naires aire
e segmen nécessita segment
té nt une é
transcrip
tase
réverse
Symé cubiqu cubiqu hélicoï hélicoïd complexe cubique
trie e e dale ale
Envel nu env+ env+ env+ env+ nu
13
oppe
Fami Picorn Togavi Coron Orthom Retroviri Reoviri
lle avirida ridae avirida yxovirid dae dae
e e ae
Caliciv Filovir Arenavi
iridae idae ridae
Param Bunyav
yxoviri iridae
dae
Rhabd
ovirida
e
Sous- Oncoviri
famill nae
e Spumavir
inae
Lentiviri
nae
Entéro Alphav Coron Influen Human T Réoviru
Genr
virus irus avirus zavirus Lymphot s 1-2-3
e
Rhino Favivir Marbu Arénavi ropic Rotavir
ou
virus us rg- rus virus us
espèc
e Caliciv Pestivi Ebola Bunyav Virus de humain
irus rus Param irus l’Immun Colorad
Rubivi yxovir odéficien otick
rus us ce fever
14
Morbil Humaine virus
livirus
Pneum
ovirus
Virus
de la
rage

Tableau 1.3: Principaux virus à ARN ayant un


pouvoir pathogène chez l'homme

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3. Quelques exemples d'interaction virus-récepteur
cellulaire

3.1. Les picornavirus

Les rhinovirus comprennent 102 sérotypes différents


et sont classés en trois groupes en fonction du
récepteur cellulaire sur lequel ils se fixent : le groupe
majeur comporte 91 sérotypes, le groupe mineur est
constitué de 10 sérotypes, et le troisième groupe est
représenté par le sérotype 87. Le récepteur du groupe
majeur, identifié récemment, est la molécule
d'adhérence ICAM1. Les virions se fixent sur leur
récepteur par l'intermédiaire du domaine 1 Nh
terminal extra-cellulaire d'ICAM1. L'utilisation de
protéines recombinantes a permis de montrer qu'une
molécule d'ICAM1 peut se fixer sur chacune des 60
faces de la capside icosaédrique. La formation de ce
complexe entraîne des modifications
conformationnelles aboutissant à la décapsidation du
virion et à la libération de l'ARN viral (figure 1.7). La
stabilité du complexe virus-récepteur et le processus
de décapsidation semblent varier selon les sérotypes.
La molécule ICAM1 est donc responsable de la
fixation des rhinovirus du groupe majeur sur la
membrane cellulaire et joue également un rôle dans le
décapsidation in vivo en conjonction avec d'autres
facteurs.
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Les poliovirus utilisent le récepteur cellulaire PVR
(Polio Virus Récepteur) appartenant à la superfamille
des immunoglobulines et le mécanisme de pénétration
est comparable à celui des rhinovirus.

Déstabilisation

Figure 1.7: Les molécules ICAM-1, récepteurs


cellulaires des rhinovirus, fixent et déstabilisent les
particules virales, provoquant ainsi le phénomène de
décapsidation.

3.2. Le virus de la grippe (figure 1.8)

Il existe trois protéines différentes ancrées dans


l'enveloppe virale du virus de la grippe ;
l'hémagglutinine, la neuraminidase, la protéine M2.
L'hémagglutinine participe à la fixation du virion sur
la membrane cellulaire en se fixant sur des récepteurs
glycoprotéiques retrouvés sur la membrane cellulaire.
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L'hémagglutinine a trois rôle majeurs :
- elle se fixe sur les récepteurs cellulaires contenant
de l'acide sialique,
- elle est responsable de la pénétration du virus dans
le cytoplasme cellulaire intervenant dans la fusion de
la
membrane de la vésicule d'endocytose avec la
membrane endosomiale. Ceci a pour conséquence
une libération de
la nucléocapside virale dans le cytoplasme,
- l'hémagglutinine représente l'antigène le plus
important dans l'induction d'anticorps neutralisants.
Le génome du virus de la grippe comprend 10
segments d'ARN monocaténaire. L'hémagglutinine est
codée par le segment 4.
Le rôle précis de la neuraminidase n'est pas encore
bien établi.
Son activité biologique consiste à libérer l'acide
sialique des glycoprotéines. La neuraminidase
interviendrait dans le transport de la particule virale au
travers de la barrière de mucine tapissant l'épithélium
respiratoire, permettant au virus d'atteindre les cellules
cibles. La neuraminidase interviendrait aussi dans la
libération de la particule virale au moment du
bourgeonnement. La neuraminidase est codée par le
segment 6.

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Figue 1.8: Structure schématique du virus de la
grippe.

3.3. Le virus de l'immunodéficience humaine

Figure 1.9: Représentation schématique de la gp 120


codée par le produit du gène env.

L'attachement du VIH sur le récepteur CD4 du


lymphocyte T se fait par l'intermédiaire de la molécule
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gp120. Cette protéine dérive d'un précurseur gp160
glycolysé et clivé en glycoprotéine externe (gp120) et
glycoprotéine transmembranaire (gp41).
L’analyse des séquences du génome du VIH a permis
de caractériser des sites stables, variables ou
hypervariables. Le gène de la gp120 a été
particulièrement étudié et est constitué de régions
hypervariables (V1-V5) entrecoupées de zones stables
(C1-C5) (figure 1.9).

La boucle V3 porte des épitopes de neutralisation


ainsi que des épitopes impliqués dans la réponse T
cytotoxique. Elle est aussi associée à plusieurs
propriétés biologiques du virus VIH.
Le domaine C3 participe à la conformation du site de
fixation à la molécule CD4 du lymphocyte T.
L'interaction gp120-CD4 entraîne un changement de
conformation permettant l'exposition d'autres
domaines jouant un rôle dans le phénomène de
pénétration.

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