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Dico Argot
Dico Argot
E F G H EUGÈNE-FRANÇOIS VIDOCQ
I J K L
Dictionnaire
argot-français
M N O P
Q R S T ÉDITIONS DU BOUCHER
U V W X
CONTRAT DE LICENCE — ÉDITIONS DU BOUCHER
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Abréviations
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ABADIS
4
ABOYEUR
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ARGANEAU
attendu qu’il est observé ou en danger entre eux; langage animé, pittoresque,
d’être saisi. énergique comme tout ce qui est
ARGANEAU ou ORGANEAU s. m.
l’œuvre des masses, auquel très souvent
Anneau de fer placé au milieu de la la langue nationale a fait des emprunts
chaîne qui joint entre eux les forçats sus- importants. Que sont les mots propres à
pects. chaque science, à chaque métier, à
chaque profession, qui n’ont point de
ARGOTIER s. m. Celui qui parle argot, racines grecques ou latines, si ce ne sont
sujet du grand Coësré. (Voir ce mot, des mots d’argot? Ce qu’on est convenu
p. 28.) d’appeler la langue du palais, n’est vrai-
ARGUEMINES s. f. Mains. Terme des ment pas autre chose qu’un langage
voleurs flamands. argotique.
ARGUCHE s. m. Argot. Plus que tous les autres, les voleurs, les
escrocs, les filous, continuellement en
Jargon des voleurs et des filous, qui
guerre avec la société, devaient
n’est compris que par eux seuls; telle est
éprouver le besoin d’un langage qui leur
du moins la définition du Dictionnaire
donnât la faculté de converser librement
de l’Académie. Cette définition ne me
sans être compris; aussi, dès qu’il y eut
paraît pas exacte; argot, maintenant, est
des corporations de voleurs, elles eurent
plutôt un terme générique destiné à
un langage à elles, langage perdu
exprimer tout jargon enté sur la langue
comme tant d’autres choses.
nationale, qui est propre à une corpora-
tion, à une profession quelconque, à Il n’existe peut-être pas une langue qui
une certaine classe d’individus; quel ait un point de départ connu; le propre
autre mot, en effet, employer pour des langues est d’être imparfaites
exprimer sa pensée, si l’on veut désigner d’abord, de se modifier, de s’améliorer
le langage exceptionnel de tels ou tels avec le temps et la civilisation; on peut
hommes : on dira bien, il est vrai, le bien dire telle langue est composée,
jargon des petits-maîtres, des coquettes, dérive de telles ou telles autres; telle
etc., etc., parce que leur manière de langue est plus ancienne que telle autre,
parler n’a rien de fixe, d’arrêté, parce mais je crois qu’il serait difficile de
qu’elle est soumise aux caprices de la remonter à la langue primitive, à la mère
mode; mais on dira l’argot des soldats, de toutes; il serait difficile aussi de faire
des marins, des voleurs, parce que, dans pour un jargon ce qu’on ne peut faire
le langage de ces derniers, les choses pour une langue; je ne puis donc assi-
sont exprimées par des mots et non par gner une date précise à la naissance du
une inflexion de voix, par une manière langage argotique, mais je puis du moins
différente de les dire; parce qu’il faut constater ces diverses époques, c’est
des mots nouveaux pour exprimer des l’objet des quelques lignes qui suivent.
choses nouvelles. Le langage argotique n’est pas de créa-
Toutes les corporations, toutes les pro- tion nouvelle; il était aux quatorzième,
fessions ont un jargon (je me sers de ce quinzième et seizième siècles celui des
mot pour me conformer à l’usage mendiants et gens de mauvaise vie, qui,
général), qui sert aux hommes qui com- à ces diverses époques, infestaient la
posent chacune d’elles à s’entendre bonne ville de Paris, et trouvaient dans
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ARGUCHE
les ruelles sombres et étroites, alors Mans, à Rouen, chez Martin Lemesgis-
nommées cour des Miracles, un asile sier, près l’église Saint-Lô, 1589, exem-
assuré. Il n’est cependant pas possible plaire de la Bibliothèque royale,
d’en rien découvrir avant l’année 1427, n° 1208.)
époque de la première apparition des La version du Dr Fourette est, il me
Bohémiens à Paris, ainsi l’on pourrait semble, la plus vraisemblable; quoi qu’il
conclure de là que les premiers éléments en soit, je n’ai pu, malgré beaucoup de
de ce jargon ont été apportés en France recherches, me procurer sur le langage
par ces enfants de la basse Égypte, si des argotique des renseignements plus posi-
assertions d’une certaine valeur ne tifs que ceux qui précèdent. Quoique
venaient pas détruire cette conclusion. son origine ne soit pas parfaitement
Sauval (Antiquités de Paris, t. I) assure constatée, il est cependant prouvé que
que des écoliers et des prêtres débau- primitivement ce jargon était plutôt
chés ont jeté les premiers germes du lan- celui des mendiants que celui des
gage argotique. (Voir CAGOUX ou voleurs. Ces derniers, selon toute appa-
ARCHI-SUPPÔT DE L’ARGOT, p. 16.) rence, ne s’en emparèrent que vers le
milieu du dix-septième siècle, lors-
L’auteur inconnu du Dictionnaire argo-
qu’une police mieux faite et une civilisa-
tique dont il est parlé ci-dessus (voir
tion plus avancée eurent chassé de Paris
ABBAYE RUFFANTE, p. 4), et celui de la
les derniers sujets du dernier roi des
lettre adressée à M. D***, insérée dans
argotiers.
l’édition des poésies de Villon, 1722,
exemplaire de la Bibliothèque royale, La langue gagna beaucoup entre les
pensent tous deux que le langage argo- mains de ces nouveaux grammairiens;
tique est le même que celui dont con- ils avaient d’autres besoins à exprimer;
vinrent entre eux les premiers merciers il fallut qu’ils créassent des mots nou-
et marchands porte-balles qui se rendi- veaux, suivant toujours une échelle
rent aux foires de Niort, de Fontenay et ascendante; elle semble aujourd’hui
des autres villes du Poitou. Le Dr Fou- être arrivée à son apogée; elle n’est plus
rette (Livre de la vie des gueux) est du seulement celle des tavernes et des mau-
même avis; mais il ajoute que le langage vais lieux, elle est aussi celle des théâ-
argotique a été enrichi et perfectionné tres; encore quelques pas et l’entrée des
par les cagoux ou archi-suppôts de salons lui sera permise.
l’argot, et qu’il tient son nom du premier Les synonymes ne manquent pas dans
Coësré qui le mit en usage; Coësré, qui se le langage argotique, aussi on trouvera
nommait Ragot, dont, par corruption, souvent dans ce Dictionnaire plusieurs
on aurait fait argot. L’opinion du Dr mots pour exprimer le même objet (et
Fourette est en quelque sorte confirmée cela ne doit pas étonner, les voleurs
par Jacques Tahureau, gentilhomme du étant dispersés sur toute l’étendue de la
Mans, qui écrivait sous les règnes de France, les mots, peuvent avoir été créés
François Ier et de Henri II, qui assure simultanément). J’ai indiqué, toutes les
que de son temps le roi ou le chef d’une fois que je l’ai pu, à quelle classe appar-
association de gueux qu’il nomme Belis- tenait l’individu qui nommait un objet
tres, s’appelait Ragot. (Voir Dialogues de de telle ou telle manière, et quelle était
Jacques Tahureau, gentilhomme du la contrée qu’il habitait ordinairement;
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ARICOTAGE
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BABEL (TOUR DE)
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BARBEROT
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BESOUILLE
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BONJOURIER
Gazette des tribunaux a souvent entre- lement, puisent leurs éléments dans
tenu ses lecteurs des bonjouriers ou che- l’Almanach du commerce; ils peuvent
valiers grimpants; les vols au bonjour, à la donc au besoin citer un nom connu, et,
tire, à la détourne, qui peuvent être autant que possible, ils ne s’introduisent
classés dans la catégorie des délits sim- dans la maison où ils veulent voler, que
ples, justiciables seulement de lorsque le portier est absent; quelque-
l’article 401 du Code pénal, sont ordi- fois ils procèdent avec une audace vrai-
nairement les premiers exploits de ceux ment remarquable; à ce propos on me
qui débutent dans la carrière; aussi la permettra de rapporter un fait qui s’est
physionomie des bonjouriers, des passé il y a quelques années. Un bonjou-
tireurs, des détourneurs n’a-t-elle rien rier était entré dans un appartement
de bien caractéristique. Le costume du après avoir frappé plusieurs fois; et,
bonjourier est propre, élégant même; il contre son attente, le propriétaire était
est toujours chaussé comme s’il était présent, mais il était à la fenêtre, et
prêt à partir pour le bal, et un sourire qui paraissait contempler avec beaucoup
ressemble plus à une grimace qu’à toute d’attention un régiment qui passait dans
autre chose, est continuellement stéréo- la rue, enseignes déployées et musique
typé sur son visage. en tête, il venait probablement de se
Rien n’est plus simple que sa manière faire la barbe, car un plat d’argent
de procéder. Il s’introduit dans une encore plein d’eau était sur le lavabo
maison à l’insu du portier, ou en lui placé près de lui; les obstacles ne décou-
demandant une personne qu’il sait ragent pas le bonjourier, il s’approche,
devoir y demeurer; cela fait, il monte prend le plat, le vide et sort : le domicile
jusqu’à ce qu’il trouve une porte à du receleur n’était pas éloigné, et il est à
laquelle il y ait une clé, il ne cherche pas présumer que le plat à barbe était déjà
longtemps, car beaucoup de personnes vendu lorsque son propriétaire vit qu’il
ont la détestable habitude de ne jamais avait été volé. L’auteur de ce vol, qui
retirer leur clé de la serrure; le bonjou- s’est illustré depuis dans une autre car-
rier frappe d’abord doucement, puis rière, rira bien sans doute si ce livre
plus fort, puis encore plus fort; si tombe entre ses mains.
personne n’a répondu, bien certain alors Rien ne serait plus facile que de mettre
que sa victime est absente ou profondé- les bonjouriers dans l’impossibilité de
ment endormie, il tourne la clé, entre et nuire; qu’il y ait dans la loge de chaque
s’empare de tous les objets à sa concierge un cordon correspondant à
convenance; si la personne qu’il vole se une sonnette placée dans chaque appar-
réveille pendant qu’il est encore dans tement, et qu’ils devront tirer lorsqu’un
l’appartement, le bonjourier lui inconnu viendra leur demander un des
demande le premier nom venu, et se habitants de la maison. Qu’on ne per-
retire après avoir prié d’agréer ses mette plus aux domestiques de cacher la
excuses; le vol est quelquefois déjà clé du buffet qui renferme l’argenterie,
consommé lorsque cela arrive. quelque bien choisie que soit la
Il se commet tous les jours à Paris un cachette, les voleurs sauront facilement
grand nombre de vols au bonjour; les la découvrir, cette mesure est donc une
bonjouriers, pour procéder plus faci- précaution pour ainsi dire inutile : il faut
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BONNE (ÊTRE DE LA)
autant que possible garder ses clés sur silence d’un témoin, l’indulgence d’un
soi. juge.
Lorsqu’un bonjourier a volé une BOUCARD s. f. Boutique.
assiette d’argent ou toute autre pièce BOUCARDIER s. m. Voleur de nuit dans
plate, il la cache sous son gilet; si ce sont les boutiques.
des couverts, des timbales, un huilier,
son chapeau couvert d’un mouchoir lui * BOUCHON s. f. Bourse.
sert à céler le larcin. Ainsi, si l’on ren- * BOUCLE DE ZOZE s. m. Pain bis.
contre dans un escalier un homme à la BOUCLER v. a. Enfermer les détenus
tournure embarrassée, tournant le dos à dans leur cabanon.
la rampe, et portant sous le bras un cha-
* BOUDIN s. m. Verrou.
peau couvert d’un mouchoir, il est
permis de présumer que cet homme est BOULÉE ou BOUYS s. Le fouet. Peine
un voleur. Il serait donc prudent de le qui autrefois était infligée aux petits
suivre jusque chez le portier, et de ne le voleurs et aux filles de mauvaise vie.
laisser aller que lorsqu’on aurait acquis BOUFFARDE s. f. Pipe.
la certitude qu’il n’est point ce qu’il
BOUFFARDIÈRE s. f. Cheminée, esta-
paraît être.
minet, tabagie.
Les grinchisseurs à la desserte sont une
BOUGIE s. f. Canne.
variété de bonjouriers, dont il sera parlé
ci-après. (Voir GRINCHIR À LA DES- * BOUIS s. m. Bordel.
SERTE, p. 73.) BOULANGER s. m. Le diable.
BONNE (ÊTRE DE LA) v. p. Être heureux. BOULE s. f. Foire ou fête.
Terme générique et qui est employé BOULE s. f. Tête.
pour exprimer toutes les situations heu-
BOULE JAUNE s. m. Potiron.
reuses de la vie d’un voleur.
BOULER v. a. Aller.
BONNE (ÊTRE À LA) v. p. Être aimé.
BOULET À QUEUE s. m. Melon.
BONNE (AVOIR À LA) v. p. Aimer.
BOULIN s. m. Trou fait dans une
BONNETEUR s. m. Celui qui tient dans muraille.
les campagnes des jeux de cartes aux-
BOULINE s. f. Bourse.
quels on ne gagne jamais.
BOULINER v. a. Trouer la muraille.
BOSMAR ou BOULE EN DOS s. m.
BOULINOIRE s. m. Vilebrequin.
Bossu.
BOULOTAGE s. f. Assistance.
BOUBANE s. f. Perruque.
BOULOTER v. a. Assister.
BOUC s. m. Cocu.
BOUSCAILLE s. f. Boue.
BOUCANADE s. f. Corruption. L’action
BOUSCAILLEUR s. m. Celui qui est
de corrompre avec de l’argent une per-
chargé d’enlever la boue des rues.
sonne qui connaît un fait que l’on ne
veut pas laisser divulguer; ainsi l’on BOUSSOLE s. m. Tête.
pourra dire : « J’ai coqué la bouca- BOUSSOLE DE SINGE, DE REFROIDI
nade », lorsque l’on aura acheté le s. m. Fromage de Hollande.
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BOUTERNE
BOUTERNE s. f. La bouterne est une boîte Comme on le pense bien, ce n’est pas
carrée, d’assez grande dimension, garnie dans les grandes villes que s’exerce ce
de bijoux d’or et d’argent numérotés, et truc, il s’y trouve trop d’yeux clair-
parmi lesquels les badauds ne manquent voyants; mais on rencontre à toutes les
pas de remarquer la pièce à choisir, qui foires ou fêtes de village des proprié-
est ordinairement une superbe montre taires de bouterne. Ils procèdent sous
d’or accompagnée de la chaîne, des les yeux de MM. les gendarmes, et quel-
cachets, qui peut bien valoir 500 à quefois ils ont en poche une permission
600 francs, et que la bouternière reprend parfaitement en règle du maire ou de
pour cette somme si on la gagne. l’adjoint; cela ne doit pas étonner, s’il
Les chances du jeu de la bouterne, qui est avec le ciel des accommodements, il
est composé de huit dés, sont si bien doit nécessairement en exister avec les
distribuées, qu’il est presque impossible fonctionnaires publics.
d’y gagner autre chose que des baga- BOUTON s. f. Pièce de 20 francs. Terme
telles. Pour avoir le droit de choisir d’argot usité parmi les marchands de
parmi toutes les pièces celle qui con- chevaux.
vient le mieux, il faut amener une rafle
BOTTES DE NEUF JOURS s. f. Bottes
des huit dés, ce qui est fort rare; mais
percées.
ceux qui tiennent le jeu ont toujours à
leur disposition des dés pipés, et ils BOYE s. m. Bourreau d’un bagne, forçat
savent, lorsque cela leur convient, les chargé d’administrer la bastonnade à ses
substituer adroitement aux autres. compagnons d’infortune. Il est déferré.
Ils peuvent donc, lorsqu’ils croient le Le forçat qui doit recevoir la baston-
moment opportun, faire ce qu’ils nom- nade, est étendu sur le ventre et placé
ment un vanage, c’est-à-dire, permettre sur un lit de camp, nu jusqu’à la cein-
à celui qu’ils ont jugé devoir se laisser ture; le boye, armé d’une corde
facilement exploiter, de gagner un objet goudronnée, de quinze à vingt lignes de
d’une certaine importance; si on se diamètre, lui en applique quinze, vingt-
laisse prendre au piège, on peut perdre à cinq ou cinquante coups sur le dos,
ce jeu des sommes considérables. Le chaque coup enlève la peau et quelque-
truc de la bouterne est presque exclusi- fois la chair.
vement exercé par des femmes étroite- Cet horrible châtiment emprunté aux
ment liées avec des voleurs; elles ne mœurs orientales, est administré seule-
manquent jamais d’examiner les lieux ment sur l’ordre du commissaire du
dans lesquels elles se trouvent, et s’il y a bagne, qui est présent à l’exécution, qui
gras (s’il y a du butin à faire), elles ren- souvent encourage le boye de la voix et
seignent le mari ou l’amant, qui a du geste, et le menace même, si, cédant
bientôt dévalisé la maison. C’est une à un mouvement de commisération, il
femme de cette classe qui a indiqué au ne se sert pas de toute la vigueur de son
célèbre voleur Fiancette, dit les Bas- bras.
Bleus, le vol qui fut commis au Mans, Le boye reçoit une carte de vin, environ
chez le notaire Fouret. Je tiens les trois demi-setiers pour chaque exé-
détails de cet article de Fiancette lui- cution; quelquefois il compose avec le
même. patient qui veut être ménagé, et qui a les
14
BRAIZE
BUTER v. a. Tuer.
BREMMIER s. m. Fabricant de cartes à
jouer. BUTEUR s. m. Bourreau.
15
CABASSER
16
CAILLÉ
la corde et couper la bourse, sans que les roulotier; l’amant de la seconde est fai-
clochettes tintassent; s’il réussissait, il seur ou escroc. Il ne faut pas juger sur
était admis à faire le second chef- l’étiquette du sac.
d’œuvre; dans le cas contraire, il était
* CALLOTS s. m. Sujets du grand
roué de coups et remis aux cagoux
Coësré, qui allaient mendiant par les
jusqu’à ce qu’il fût devenu plus adroit.
rues de l’ancien Paris; ils feignaient
Le lendemain les cagoux accompa-
d’être récemment guéris de la teigne, et
gnaient dans un lieu de réunion
de venir de Sainte-Reine. « Sainte-Cha-
publique celui qui était sorti victorieux
pelle où toutes les années il s’opérait, dit
de la première épreuve, et lorsqu’ils
Félibien, un grand nombre de guérisons
avaient avisé un bourgeois portant, sui-
vraiment miraculeuses. »
vant la coutume du temps, sa bourse
suspendue à sa ceinture, ils lui ordon- CALOQUÉ s. m. Chapeau.
naient d’aller la couper; puis, s’adres-
CALOTS s. m. Coquilles de noix; au
sant à ceux qui se trouvaient là : « Voilà,
singulier, dé à coudre.
disaient-ils, un homme qui va voler la
bourse de ce bourgeois », ce qui avait CALVIGNE s. f. Vigne.
lieu en effet. Le pauvre novice alors était
CALVIN s. m. Raisin.
encore battu, non seulement par les
spectateurs désintéressés, mais encore CAMBRIOLLE s. f. Chambre.
par ses compagnons, qui, cependant,
trouvaient le moyen de protéger sa fuite CAMBRIOLEUR-EUSE s. On reconnaît un
lorsqu’à la faveur du tumulte qu’ils soldat, même lorsque qu’il a quitté
avaient fait naître, ils avaient fait une l’uniforme pour endosser l’habit bour-
ample moisson dans les poches des bons geois, on peut se mettre à sa fenêtre,
habitants de Paris. (Voir le premier regarder ceux qui passent dans la rue et
volume de l’excellent roman de Victor dire, sans craindre de se tromper, celui-
Hugo, Notre-Dame de Paris.) ci est un tailleur, cet autre est un
cordonnier; il y a dans les habitudes du
CAILLÉ s. m. Poisson. corps de chaque homme un certain je-
CALÈGE s. f. Quoiqu’on ne rencontre ne-sais-quoi qui décèle la profession
pas la calège sur la voie publique, elle qu’il exerce, et que seulement ceux qui
n’est pas cependant une femme hon- ne savent pas voir ce qui frappe les yeux
nête; ses appas sont la marchandise de tout le monde ne peuvent pas saisir;
qu’elle débite, mais elle vend très cher eh bien, si l’on voulait s’en donner la
ce que la PONANTE et la DOSSIÈRE (voir peine, il ne serait guère plus difficile de
ces mots, p. 108, p. 37), livrent à un prix reconnaître un voleur qu’un soldat, un
modéré, sa toilette est plus fraîche, ses tailleur ou un cordonnier. Comme il faut
manières plus polies, mais ses mœurs que ce livre soit pour les honnêtes gens
sont les mêmes; la ponante danse le le fil d’Ariane destiné à les conduire à
chahut à la Courtille; la calège danse le travers les sinuosités du labyrinthe,
cancan au bal Musard; l’une boit du vin j’indique les diagnostics propres à faire
à quinze et se grise; l’autre boit du reconnaître chaque genre; si après cela
champagne et s’enivre; la première a ceux auxquels il est destiné ne savent
pour amant un cambrioleur ou un pas se conduire, tant pis pour eux.
17
CAMBRIOLEUR-EUSE
Les cambrioleurs sont les voleurs de (suivre) la personne qui doit être volée,
chambre soit à l’aide de fausses clés soit dans la crainte qu’un oubli ne la force à
à l’aide d’effraction. Ce sont pour la plu- revenir au logis; s’il en est ainsi, celui
part des hommes jeunes encore, qui est chargé de cette mission la
presque toujours ils sont proprement devance, et vient prévenir ses cama-
vêtus, mais quel que soit le costume rades, qui peuvent alors s’évader avant
qu’ils aient adopté, que ce soit celui le retour du mézière.
d’un ouvrier ou celui d’un dandy, le bout Si, tandis que les cambrioleurs tra-
de l’oreille perce toujours. Les couleurs vaillent, quelqu’un monte ou descend,
voyantes, rouge, bleu ou jaune, sont et qu’il désire savoir ce que font dans
celles qu’ils affectionnent le plus; ils l’escalier ces individus qu’il ne connaît
auront de petits anneaux d’or aux pas, on lui demande un nom en l’air :
oreilles; des colliers en cheveux, tro- une blanchisseuse, une sage-femme,
phées d’amour dont ils aimeront à se une garde-malade; dans ce cas, le voleur
parer; s’ils portent des gants ils seront interrogé balbutie plutôt qu’il ne parle,
d’une qualité inférieure; si d’aventure il ne regarde pas l’interrogateur, et
l’un d’eux ne se fait pas remarquer par empressé de lui livrer le passage, il se
l’étrangeté de son costume il y aura dans range contre la muraille, et tourne le dos
ses manières quelque chose de contraint à la rampe.
qui ne se remarque pas dans l’honnête Si les voleurs savent que le portier est
homme; ce ne sera point de la timidité, vigilant, et s’ils présument que le vol
ce sera une gêne, résultat de l’appréhen- consommé ils auront de gros paquets à
sion de se trahir. Ces diverses observa- sortir, l’un d’eux entre tenant un paquet
tions ne sont pas propres seulement aux sous le bras; ce paquet, comme on le
cambrioleurs, elles peuvent s’appliquer pense bien, ne contient que du foin, qui
à tous les membres de la grande famille est remplacé, lorsqu’il s’agit de sortir,
des trompeurs. Les escrocs, les faiseurs, par les objets volés.
les chevaliers d’industrie, sont les seuls
Quelques cambrioleurs se font accom-
qui se soient fait un front qui ne rougit
pagner, dans leurs expéditions, par des
jamais.
femmes portant une hotte ou un panier
Les cambrioleurs travaillent rarement de blanchisseuse, dans lesquels les
seuls; lorsqu’ils préméditent un coup, ils objets volés peuvent être facilement
s’introduisent trois ou quatre dans une déposés; la présence d’une femme sor-
maison, et montent successivement; tant d’une maison, et surtout d’une
l’un d’eux frappe aux portes, si per- maison sans portier, avec un semblable
sonne ne répond, c’est bon signe, et l’on attirail, est donc une circonstance qu’il
se dispose à opérer; aussitôt, pour se est important de remarquer, si, surtout,
mettre en garde contre toute surprise, l’on croit voir cette femme pour la pre-
pendant que l’un des associés fait sauter mière fois.
la gâche ou jouer le rossignol, un autre Il y a aussi les cambrioleurs à la flan
va se poster à l’étage supérieur, et un (voleurs de chambre au hasard) qui
troisième à l’étage au-dessous. s’introduisent dans une maison sans
Lorsque l’affaire est donnée ou nourrie, auparavant avoir jeté leur dévolu; ces
l’un des voleurs se charge de filer improvisateurs ne sont sûrs de rien, ils
18
CAMBRIOLEUR-EUSE
vont de porte en porte, où il y a ils pren- ces messieurs, avant de tenter une
nent, où il n’y a rien, le voleur, comme le entreprise, savent prendre toutes les
roi, perd ses droits. Le métier de cam- précautions propres à en assurer le
brioleur à la flan, qui n’est exercé que succès; ils connaissent les habitudes de
par ceux qui débutent dans la carrière, la personne qui habite l’appartement
est très périlleux et très peu lucratif. qu’ils veulent dévaliser; ils savent quand
Les voleurs ont des habitudes qu’ils elle sera absente, et si chez elle il y a du
conservent durant tout le temps de leur butin à faire.
exercice; à une époque déjà éloignée, ils Le meilleur moyen à employer pour
se faisaient tous chausser chez une cor- mettre les cambrioleurs dans l’impossi-
donnière que l’on nommait la mère bilité de nuire, est de toujours tenir la
Rousselle, et qui demeurait rue de la clé de son appartement dans un lieu sûr;
Vannerie; à la même époque, Gravès, ne la laissez jamais à votre porte, ne
rue de la Verrerie, et Tormel, rue Cul- l’accrochez nulle part, ne la prêtez à per-
ture-Sainte-Catherine, étaient les seuls sonne, même pour arrêter un saigne-
tailleurs qui eussent le privilège ment de nez; si vous sortez, et que vous
d’habiller ces messieurs. Le contact a ne vouliez pas la porter sur vous,
corrompu les deux tailleurs, pères et fils cachez-la le mieux qu’il vous sera pos-
sont à la fin devenus voleurs, et ont été sible. Cachez aussi vos objets les plus
condamnés; la cordonnière, du moins je précieux; cela fait, laissez à vos meubles
le pense, a été plus ferme; mais, quoi toutes vos autres clés : vous épargnerez
qu’il en soit, sa réputation était si bien aux voleurs la peine d’une effraction qui
faite et ses chaussures si remarquables, ne les arrêterait pas, et à vous le soin de
que lorsqu’un individu était arrêté et faire réparer le dégât que sans cela ils ne
conduit à M. Limodin, interrogateur, il manqueraient pas de commettre.
était sans miséricorde envoyé à Bicêtre
Les plus dangereux cambrioleurs sont,
si pour son malheur il portait des sou-
sans contredit, les nourrisseurs; on les
liers sortis des magasins de la mère
nomme ainsi parce qu’ils nourrissent des
Rousselle. Une semblable mesure était
affaires. Nourrir une affaire, c’est l’avoir
arbitraire sans doute, mais cependant
toujours en perspective, en attendant le
l’expérience avait prouvé son utilité.
moment le plus propice pour l’exé-
Les voleuses, de leur côté, avaient cution; les nourrisseurs, qui n’agissent
pour couturière une certaine femme que lorsqu’ils ont la certitude de ne
nommée Mulot; elle seule, disaient- point faire coup fourré, sont ordinaire-
elles, savait avantager la taille, et faire ment de vieux routiers qui connaissent
sur les coutures ce qu’elles nommaient plus d’un tour; ils savent se ménager des
des nervures. intelligences où ils veulent voler; au
Les nuances, aujourd’hui, ne sont besoin même, l’un d’eux vient s’y loger,
peut-être pas aussi tranchées; mais et attend, pour commettre le vol, qu’il
cependant, si un voleur en renom ait acquis dans le quartier qu’il habite
adopte un costume, tous les autres cher- une considération qui ne permette pas
chent à l’imiter. aux soupçons de s’arrêter sur lui. Ce
Je me suis un peu éloigné des cambrio- dernier n’exécute presque jamais, il se
leurs, auxquels je me hâte de revenir; borne seulement à fournir aux exécu-
19
CAMBROU-OUZE
tants tous les indices qui peuvent leur exprimer telle action répréhensible, ou
être nécessaires. Souvent même il a la tel vice honteux; on n’en trouve pas un
précaution de se mettre en évidence lors seul pour remplacer ceux de la langue
de l’exécution, afin que sa présence usuelle, qui expriment des idées d’ordre
puisse, en temps opportun, servir à éta- ou de vertu; aussi doit-on s’attendre à
blir un alibi incontestable. trouver, dans un livre destiné à faire
Ce sont ordinairement de vieux connaître leurs mœurs et leur langage,
voleurs qui travaillent de cette manière; des récits peu édifiants. J’ai réfléchi
parmi eux on cite le nommé Godé, dit longtemps avant de me déterminer à
Marquis, dit Capdeville; après s’être leur donner place dans cet ouvrage; je
évadé du bagne, il y a plus de quarante craignais que quelques censeurs sévères
ans, il vint s’établir aux environs de ne m’accusassent d’avoir outragé la
Paris, où il commit deux vols très consi- pudeur, mais après j’ai pensé que le vice
dérables, l’un à Saint-Germain-en-Laye, n’était dangereux que lorsqu’on le pei-
l’autre à Belleville; cet individu est gnait revêtu d’un élégant habit, mais
aujourd’hui au bagne de Brest, où il que, nu, sa laideur devait faire reculer
subit une condamnation à perpétuité. les moins délicats; voilà pourquoi cet
Les vols de chambre sont ordinaire- article et quelques autres semblables se
ment commis les dimanches et jours de trouveront sous les yeux du lecteur;
fête. voilà pourquoi je n’ai pas employé des
CAMBROU-OUZE s. Domestique, périphrases pour exprimer ma pensée;
servante. voilà pourquoi le mot propre est tou-
jours celui qui se trouve sous ma plume.
CAMBROUZE s. f. Province.
Je laisse au lecteur le soin de
CAMBROUZIER s. m. Voleur de m’apprendre si la méthode que j’ai
campagne. adoptée est la meilleure.
CAMÉLÉON s. m. Courtisan. Le canapé est le rendez-vous ordinaire
CAMELOT s. m. Marchand. des pédérastes; les TANTES (voir ce mot,
CAMELOTE s. m. Sperme. p. 153) s’y réunissent pour procurer à
ces libertins blasés, qui appartiennent
CAMELOTE s. f. Toute espèce de presque tous aux classes éminentes de la
marchandises. société, les objets qu’ils convoitent; les
CAMISOLE s. m. Gilet. quais, depuis le Louvre jusqu’au Pont-
CAMOUFLE s. f. Chandelle. Royal, la rue Saint-Fiacre, le boulevard
entre les rues Neuve-du-Luxembourg et
CAMOUFLET s. m. Chandelier.
Duphot, sont des canapés très dange-
CAMOUFLEMENT s. m. Déguisement. reux. On conçoit, jusques à un certain
CAMOUFLER v. a. Déguiser. point, que la surveillance de la police ne
s’exerce sur ces lieux que d’une manière
* CAMUSE s. f. Carpe.
imparfaite; mais ce que l’on ne com-
CANAGE s. f. Agonie, dernière lutte prend pas, c’est que l’existence de cer-
contre la mort. taines maisons, entièrement dévolues
CANAPÉ s. m. On trouve dans le langage aux descendants des Gomorrhéens,
des voleurs, dix, vingt mots même, pour soient tolérées; parmi ces maisons, je
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CANARD SANS PLUMES
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CARIBÉNER
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CHANTEUR
CHANTEUR s. m. Celui qui fait contri- du roi donne la main, et qui sont salués
buer un individu en le menaçant de par le commissaire de police, il faudra
mettre le public ou l’autorité dans la que je me résolve à écrire un ouvrage
confidence de sa turpitude. Ce serait plus volumineux que la Biographie des
une entreprise pour ainsi dire inexécu- frères Michaud.
table que dévoiler tous les chantages, et
Si quelquefois de très braves gens
seulement esquisser la physiologie de
n’étaient pas les victimes des chanteurs,
tous les chanteurs. Après avoir parlé des
on pourrait, sans qu’il en résultât un
journalistes qui exploitent les artistes
grand mal, laisser ces derniers exercer
dramatiques, auxquels ils accordent ou
paisiblement leur industrie; car ceux
refusent des talents suivant que le
qu’ils exploitent ne valent guère plus
chiffre de leurs abonnements est plus ou
qu’eux; ce sont de ces hommes que les
moins élevé; ceux qui vous menacent, si
lois du Moyen Âge, lois impitoyables il
vous ne leur donnez pas une certaine
est vrai, condamnaient au dernier
somme, d’imprimer dans leur feuille
supplice; de ces hommes dont toutes les
une notice biographique sur vous, votre
père, votre mère ou votre sœur, qui vous actions, toutes les pensées, sont un
offrent à un prix raisonnable l’oraison outrage aux lois imprescriptibles de la
funèbre de celui de vos grands-parents nature; de ces hommes que l’on est
qui vient de rendre l’âme; du vaudevil- forcé de regarder comme des anomalies,
liste qui a des flons-flons pour tous les si l’on ne veut pas concevoir une bien
anniversaires; du poète qui a des dithy- triste idée de la pauvre humanité.
rambes pour toutes les naissances et des Les chanteurs ont à leur disposition de
élégies pour tous les morts, il en reste- jeunes garçons doués d’une jolie physio-
rait encore beaucoup d’autres, chan- nomie, qui s’en vont tourner autour de
teurs par occasion sinon par métier; et tel financier, de tel noble personnage, et
parmi ces derniers il faudrait ranger même de tel magistrat qui ne se rappelle
ceux qui vendent leur silence ou leur de ses études classiques que les odes
témoignage, l’honneur de la femme d’Anacréon à Bathylle, et les passages
qu’ils ont séduite, une lettre tombée par des Bucoliques de Virgile adressés à
hasard entre leurs mains et mille autres Alexis; si le pantre mord à l’hameçon, le
encore; mais comme il n’y a pas de loi Jésus le mène dans un lieu propice, et
qui punisse le fourbe adroit, le calom- lorsque le délit est bien constaté, quel-
niateur, le violateur de la foi jurée; quefois même lorsqu’il a déjà reçu un
comme tous ceux dont je viens de parler commencement d’exécution, arrive un
sont de très « honnêtes gens », je ne agent de police d’une taille et d’une cor-
veux pas m’occuper d’eux. pulence respectables : « Ah! je vous y
Les bornes de cet ouvrage ne me per- prends, dit-il; suivez-moi chez le com-
mettent de parler que des individus que missaire de police. » Le Jésus pleure, le
les articles du Code pénal atteignent; si pécheur supplie; larmes et prières sont
jamais, ce qu’à Dieu ne plaise, je me inutiles. Le pécheur offre de l’argent, le
détermine à écrire le recueil des ruses de faux sergent de ville est incorruptible,
tous les fripons qui pullulent dans le mais le commissaire de police supposé
monde, fripons auxquels le procureur n’est pas inexorable : tout s’arrange,
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CHARLOT
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CHARRIEUR À LA MÉCANIQUE
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CHEVALIER D’INDUSTRIE
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CHEVRONNÉ (ÊTRE)
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COCASSE
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COGNAC
vers l’année 1350, dans la rue des archers de sa garde et ses gentilshom-
Francs-Bourgeois, au Marais. Ce n’est mes : c’était là tout; seulement, lorsque
que lorsque la population des gueux eut la guerre était déclarée, les vassaux de la
pris un certain accroissement, qu’ils se Couronne conduisaient leur contingent
répandirent dans les cours : du roi Fran- au secours du roi, et la campagne ter-
çois, près la rue du Ponceau; Sainte- minée, chacun s’en retournait dans ses
Catherine, rue de la Mortellerie; foyers; mais les serfs, ou gens de main-
Brisset, Gentien, Saint-Guillaume, puis morte, qui avaient acquis dans les
enfin, cour des Miracles. Sauval rap- camps une certaine expérience, ne se
porte que de son temps, les rues Mont- souciaient pas toujours de retourner sur
martre, de la Jussienne, et circon- les terres de leurs seigneurs, où ils
voisines, étaient encore habitées par des étaient taillables et corvéables; ils se
individus mal famés et de mauvaises débandaient, abandonnaient la ban-
mœurs. « La cour des Miracles, dit-il nière, et ceux qui n’allaient pas se
ailleurs, était encore habitée par plus de joindre aux compagnies franches, qui, à
cinq cents misérables familles; on tout prendre, n’étaient en temps de paix
voulut, ajoute-t-il, détruire ce cloaque, que des compagnies de brigands orga-
mais les maçons qui commençaient nisés, venaient chercher un asile dans les
leurs travaux furent battus et chassés grandes villes, et principalement dans
par les gueux, et l’on ne put rien y Paris, où ils se réunissaient aux Bohé-
faire. » miens qui y étaient venus en 1427, aux
mauvais sujets des universités, aux vaga-
On est étonné, sans doute, de voir
bonds, aux filous, qu’ils ne tardaient pas
dans une ville comme Paris, une aussi
à imiter. La corporation, par la suite,
formidable assemblée de fripons,
devint si formidable, qu’elle eut pen-
cependant rien n’est plus concevable.
dant un laps de temps assez long, ses
La police, à cette époque, n’était pas ce
franchises et ses privilèges; on pouvait
qu’elle est aujourd’hui, et s’il faut croire
bien, lorsqu’on l’avait attrapé, pendre
ce que rapporte Louis Vervin, avocat à
un truand ou un mauvais garçon, mais un
Paris, dans son ouvrage publié en 1622,
archer du guet, à pied ou à cheval, ne se
intitulé : L’Enfer des chicaneurs, elle se
serait pas avisé d’aller le chercher dans
faisait d’une singulière manière : « Les
une cour des Miracles, ces lieux étaient
sergents, dit-il, courent partout pour
des asiles interdits aux profanes, et dont
trouver des coupables, mais s’ils pren- les habitants avaient une organisation
nent des voleurs, ils les relâchent aus- pour ainsi dire sanctionnée par la police
sitôt que ceux-ci leur donnent de du temps. Le roi des argotiers ou de
l’argent. » Ce n’était pas seulement l’argot, le chef suprême des courtauds de
l’incurie de l’administration qui avait boutanche, Malingreux, Capons, Nar-
donné naissance à la formidable corpo- quois, etc., avait une part d’autorité pour
ration dont le grand Coësré était le chef, le moins aussi belle que celle du prévôt
le mal avait pris naissance dans l’organi- de Paris, part d’autorité que ce dernier
sation même de l’État, et dans les évé- avait été, pour ainsi dire, obligé de céder
nements du temps. Jusqu’au règne de à la force.
Louis XI, il n’y eut pas en France
d’armée nationale; le roi avait les COGNAC s. m. Gendarme.
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COGNADE
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COMPLE
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CONI
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CRIE
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DABE-ESSE
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DÉSENTIFLAGE
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DÉTOURNEUR-EUSE
servez (prenez). Quelquefois aussi, si demment celles qui ont été surnommées
l’une d’elles remarque de l’attention de enquilleuses, elles savent placer à nu
la part du commis qui la sert ou de entre leurs cuisses une pièce d’étoffe de
quelque autre, elle prononce celui-ci : vingt à vingt-cinq aunes, et marcher sans
rengraciez (ne faites rien, on regarde); la laisser tomber et sans paraître embar-
ou bien elle affecte une sorte de crache- rassées, si ce n’est pour monter ou des-
ment, cherchant à imiter celle qui aurait cendre un escalier.
de la peine à expectorer. Il faut être bien convaincu que les
D’autres voleuses de dentelles, voiles, voleurs que je viens de faire connaître
foulards, etc., procèdent de la manière ont continuellement les yeux attachés
suivante. L’une d’elles arrive seule, et sur la proie qu’ils convoitent, et qu’ils ne
tandis qu’elle marchande, une femme laissent pas échapper l’occasion lors-
d’une mise propre, mais quelque peu qu’elle se présente ou qu’ils l’ont fait
commune, arrive, tenant un enfant naître; on ne saurait donc exercer sur
entre ses bras; au même instant la pre- tous ceux qui se présentent dans un
mière arrivée laisse tomber devant elle magasin, une trop grande surveillance. Il
l’objet destiné à l’arrivante, celle-ci se ne faut pas non plus se laisser éblouir
baisse pour poser son enfant à terre, par une mise recherchée, voire même
ramasse l’objet et le cache sous les jupes par un équipage : les voleurs savent se
de l’enfant, qu’elle pince instanta- procurer tous les moyens d’exécution
nément; il crie, elle le relève avec une qui leur paraissent nécessaires; un
phrase ad hoc, et sort après avoir montré excellent ton n’indique pas toujours un
un échantillon qu’on ne peut lui assortir. homme comme il faut, donc examinez
Ainsi, si, contre toute attente, on venait comme les autres, et peut-être plus que
à s’apercevoir du vol qui vient d’être les autres, celui qui se ferait remarquer
commis, celle qui reste n’a rien à par l’excellence de ses manières.
craindre. Lorsqu’ils auront conçu quelques
D’autres détourneuses se servent d’un soupçons sur un acheteur, le maître de
carton à double fond, qu’elles posent la maison et l’inspecteur devront dire
sur l’objet qu’elles convoitent, quoique assez haut pour être entendus :
ce carton paraisse toujours très bien « Donnez-la sur les largues », ou bien :
fermé, il peut néanmoins s’ouvrir très « Allumez la daronne et le momacque »,
facilement. si ce sont des femmes du genre de celles
qui ont été signalées.
Les hommes qui exercent le métier de
détourneurs sont beaucoup plus faciles « Remouchez le rupin et la rupine », si
à reconnaître que les femmes, quoiqu’ils ce sont des hommes ou des femmes
agissent d’une manière à peu près sem- vêtus avec élégance.
blable. Beaucoup disent qu’ils viennent « Débridez les châsses sur les cam-
acheter pour une dame très difficile, brouziers », si ceux que l’on soupçonne
mais très souvent ils travaillent de com- ressemblent à des marchands forains ou
plicité avec une femme. Bon nombre de gens de la campagne.
voleurs sont vêtus à la mode des gens de On peut même, lorsque l’on soup-
province, ou en marchands forains. Les çonne les personnes qui sont à un comp-
détourneuses les plus adroites sont évi- toir, venir dire au commis chargé de les
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DÉVIDAGE
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DRING-GELT
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EAU-D’AFFE
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EMPORTEUR
principal, descend un instant, et, pen- de le supposer, celui auquel il s’est inté-
dant ce temps, les deux individus qui ressé perd, malgré la beauté de son jeu.
sont restés à la table où il était placé Il ne faut donc pas jouer avec les per-
conversent entre eux. sonnes que l’on ne connaît pas, ni même
« Il est riche, le gaillard; dit l’un, en avec celles que l’on connaît, ou que l’on
parlant de celui qui vient de s’absenter. croit connaître, à moins que ce ne soient
— Je le crois bien, répond l’autre; de très petites sommes, car des gens très
mais au train dont il va, il sera bientôt bien placés dans le monde emploient
ruiné. sans scrupules toutes les ruses possibles
— Peut-être, mais il a plus de bonheur pour corriger la fortune, et la forcer à se
que de science; il m’a dernièrement tenir de leur côté.
gagné 200 francs, mais il faut que je me On ne saurait trop se méfier de ces
rattrape aujourd’hui. hommes toujours prêts à payer un suc-
— Prends bien garde de n’en pas culent déjeuner à des individus qu’ils
perdre encore autant, car c’est un connaissent à peine; une invitation de
gaillard heureux. » leur part est presque toujours un piège
La conversation en est là lorsque celui caché dans un pâté de Lesage ou dans
dont on parle revient prendre sa place. une tête de veau du Puits certain.
« Eh bien! dit-il, continuons-nous notre EMPORTEUR s. m. L’emporteur, propre-
partie? ment dit, est le héros de la partie de
— Certes, répond son adversaire; et si billard dont nous avons ci-dessus promis
vous voulez me donner ma revanche, je les détails (voir BÊTE, p. 11); pour le
vous joue les 200 francs que vous truc dont nous allons parler, il faut de
m’avez gagnés l’autre jour. toute nécessité être trois : l’emporteur,
— Non, non; je ne veux plus jouer la bête et le bachotteur; nous avons dit
d’argent; mais je vous joue du cham- plus haut (voir BACHOTTEUR, p. 9)
pagne pour toute la société; ça va-t-il? quelle était la tâche de ces deux
— Ça va, répond l’adversaire, qui derniers; celle de l’emporteur est beau-
paraît piqué au jeu; du champagne pour coup plus difficile, c’est lui qui doit
tout le monde. » chercher et trouver une dupe, et
Pendant tous ces pourparlers, on a l’amener au lieu où elle doit être
mêlé les cartes. dépouillée.
« Vous paierez le champagne, dit celui Après avoir examiné si rien ne manque
qui doit perdre, en montrant au mar- à son costume, qui doit être très propre,
chand son jeu, qui est composé du roi, l’emporteur sort suivi de loin par ses
de la dame, du neuf d’atout et de deux deux acolytes, qui ne le perdent pas de
rois. vue, il se promène jusqu’à ce qu’il avise
— Peut-être, répond l’adversaire, qui un individu tel qu’il le désire, c’est-
en achevant de donner les cartes, en a à-dire qui annonce, soit par ses
tourné deux à la fois. manières, soit par son costume, un
— Je parie que si, dit l’un. étranger ou un provincial, et c’est ici le
— Je parie que non », répond l’autre. lieu de faire remarquer la merveilleuse
La discussion s’échauffe, le marchand perspicacité que possèdent ces hommes,
s’intéresse au jeu; et, comme il est facile et plusieurs autres espèces de fripons
40
EMPORTEUR
dont il sera parlé plus tard, qui savent C’est un café estaminet d’assez belle
tirer de la foule le seul individu propre à apparence, dont le propriétaire est
être dupé, ces hommes, presque tou- presque toujours affranchi. L’emporteur
jours dépourvus d’éducation, savent y arrive bientôt, suivi de son
cependant saisir le plus léger diagnostic; compagnon; en entrant il a demandé à
ils jugent un homme à la coupe de ses la dame de comptoir si un monsieur à
habits, à la couleur de son teint, à celle moustaches, et décoré, n’était pas venu
de ses gants, et ils le jugent bien. le demander; on lui a répondu que ce
Lorsque l’emporteur a rencontré ce monsieur était venu, mais qu’il était
qu’il cherche, il s’approche, et une con- sorti après toutefois avoir prié de faire
versation à peu près semblable à celle-ci attendre. « Eh bien, nous attendrons »,
ne tarde pas à s’engager : « Monsieur a-t-il répondu; et il est monté au billard
pourrait-il m’indiquer la rue…? après avoir demandé quelques rafraî-
— Cela m’est impossible, monsieur; je chissements qu’il partage avec son com-
suis étranger. pagnon.
— Eh! parbleu, nous sommes logés à Le monsieur à moustaches n’arrive
la même enseigne; je ne suis à Paris que pas; pour tuer le temps on regarde jouer
d’hier matin. » les deux personnes qui tiennent le
billard, et qui ne sont autres que la bête
L’emporteur n’a pas cessé de marcher
et le bachotteur. La bête joue mal, et à
près du provincial. « Vous êtes étranger,
chaque partie qu’elle perd elle veut aug-
ajoute-t-il après quelques instants de
menter son jeu, le bachotteur ne veut
silence, vous devez désirer voir tout ce
plus jouer, et offre de céder sa place au
que la capitale renferme de curieux. »
premier venu, la bête sort pour satisfaire
Signe affirmatif. « Si vous le voulez,
un besoin, alors le bachotteur s’exprime
nous irons ensemble voir les apparte-
à peu près en ces termes, en s’adressant
ments du roi. J’allais, lorsque je vous ai
à l’emporteur :
rencontré, chercher ici près des billets
que doit me donner un des aides de « C’est une excellente occasion de
camp du duc d’Orléans; c’est une occa- gagner un bon dîner, le spectacle, et le
sion dont je vous engage à profiter. » reste; il est riche, il est entêté comme
Le provincial hésite, il ne sait ce qu’il une mule; rendez-lui quelques points, et
doit penser de cet inconnu si serviable; son affaire est faite.
mais, que risque-t-il? Il n’est pas encore — Si je savais seulement tenir une
midi, et les rues de Paris ne sont pas queue, répond l’emporteur, j’accepte-
dangereuses à cette heure; et puis les rais la proposition. »
appartements du roi Louis-Philippe doi- Le provincial, qui a entendu cette con-
vent être bien beaux; et puis ce n’est pas versation, et qui a vu jouer la bête,
lui, le plus madré des habitants de Lan- trouve charmant de se faire régaler par
dernau ou de Quimper-Corentin, qui se un Parisien; il pourra parler de cela dans
laisserait attraper : il accepte; l’empor- son endroit. Il joue, il perd; son adver-
teur fait le saint Jean à ses deux compa- saire raccroche toujours; il s’échauffe, il
gnons (voir ce mot, p. 80), qui prennent joue de l’argent; les enjeux sont mis
les devants et vont s’installer au lieu entre les mains du bachotteur; le pro-
convenu. vincial envoie au diable l’emporteur, qui
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EMPOUSTEUR
l’engage à modérer son jeu. Somme attend vainement le chaland sur lequel il
totale, il sort du café les poches vides, comptait.
mais cependant bien persuadé qu’il est EMPROSEUR s. m. Pédéraste.
beaucoup plus fort que son adversaire,
qui n’est, suivant lui, qu’un heureux rac- ENCARADE s. f. Entrée.
crocheur. (Voir FLOUEUR, p. 58.) ENCARRER v. a. Entrer.
EMPOUSTEUR s. m. Les empousteurs sont ENCASQUER v. a. Entrer dans une
presque tous des Juifs, et le moyen qu’ils maison avec le dessein d’y voler.
emploient pour tromper ceux qui veu- * ENDROGUER v. a. Chercher à faire
lent bien leur accorder une certaine con- fortune.
fiance est très ingénieux.
ENFILER LA VENELLE v. a. Prendre la
Un individu qui se donne la qualité de
fuite, faire fausse route. Ce terme, qui
commis, ou de commissionnaire, se pré-
est celui des voleurs normands, est
sente chez un marchand épicier ou
devenu populaire à Rouen et dans toute
papetier, et lui offre des crayons qu’il
la Normandie.
laissera, dit-il, à un prix très modéré; le
marchand, dont les provisions sont ENFANT DE CHŒUR s. m. Pain de
faites, refuse presque toujours cette pro- sucre.
position, mais cela est fort indifférent à ENFLACQUÉ ( Ê T R E ) v. p . Ê t r e
l’empousteur. « Vous ne voulez pas condamné.
m’acheter ces crayons, dit-il au mar-
ENFLÉE s. f. Vessie.
chand, vous avez tort; mais permettez-
moi de vous en laisser quelques dou- ENFONCÉ (ÊTRE) v. p. Être condamné.
zaines en dépôt. » Le marchand ne peut ENFONCEUR s. m. Agent d’affaires,
refuser cette proposition, il accepte, et payeur de rentes, etc. On peut fort bien
l’empousteur sort après lui avoir promis ne pas être partisan des privilèges, et
de revenir. Quelques jours après, un cependant s’élever contre les abus qui
individu vient demander au marchand résultent presque toujours d’une trop
des crayons absolument semblables à grande liberté. Il serait injuste sans
ceux que l’empousteur a laissés en doute de mettre des entraves au libre
dépôt, il achète tout et paie sans mar- exercice de telle ou telle industrie; mais,
chander, en témoignant le regret qu’on je crois que dans l’intérêt de la sécurité
ne puisse pas lui en fournir davantage; publique, on pourrait sans inconvénient
le marchand qui attend la visite de en soumettre la pratique à certaines
l’empousteur l’engage à repasser dans conditions.
quelques jours. Le lendemain, Chacun, aujourd’hui, peut, sans con-
l’empousteur vient chez le marchand, et trôle, s’établir agent d’affaires ou rece-
lui demande des nouvelles du dépôt. veur de rentes, aussi une foule
« Tout est vendu, dit le marchand. d’individus, qui ne sont ni capables, ni
— Je vous l’avais bien dit, répond moraux, ni solvables, puisqu’un grand
l’empousteur, que vous en tireriez un nombre d’entre eux sont logés en garni,
bon parti. En voulez-vous d’autres? » ont ouvert boutique, et se sont mis à
Le marchand achète et paie tout ce faire les affaires de leurs concitoyens.
que veut lui vendre l’empousteur, et L’incapacité notoire de ces individus
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ENFRIMER
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ES
44
ES
bien le croire, le doge de Venise avec la revient, achète encore, paie une partie
mer Adriatique, mais ses successeurs, comptant, et, pour le surplus, laisse un
quoique disent les pompeuses annonces petit billet à trois ou quatre mois de
qui couvrent la quatrième page des date. Mais quinze ou vingt jours sont à
grands et petits journaux, ne font luire peine écoulés, qu’on le voit revenir, il
nulle part le flambeau de l’hyménée, ce demande si l’on a encore le billet, le
qui ne les empêche pas de faire payer reprend et ne demande qu’un léger
très cher à ceux qui viennent les trouver escompte qu’on s’empresse de lui
alléchés par l’espoir d’épouser une accorder.
jeune fille ou une jeune veuve dotée de
Ce manège dure quelques mois, et si
quelques centaines de mille francs, le
les briseurs jugent le marchand bon, ils
stérile honneur de figurer sur leurs car-
ne se lassent pas de le nourrir, ils lui
tons.
amènent des parents, des amis, les cré-
Ceux des individus dont je viens de dits se montent, et, tout à coup vient la
parler, qui ne dépensent pas follement débâcle, et l’on apprend alors, mais trop
ou ne jouent pas l’argent qu’ils escro- tard, que l’on a été trompé.
quent ainsi, acquièrent en peu de temps
une brillante fortune, achètent des pro- Tous les membres d’une famille de
priétés, deviennent capitaines de la l’Auvergne sont quelquefois briseurs. Je
milice citoyenne, chevaliers de la Légion puis, pour ma part, en citer sept ou huit
d’honneur, électeurs, jurés, et condam- qui portent le même nom.
nent impitoyablement tous ceux qui Il faut remarquer que la brisure est
comparaissent devant eux. (Voir SUCE héréditaire dans plusieurs familles de
LARBIN, p. 134.) l’Auvergne. La bonne opinion que l’on a
Les escrocs auvergnats se sont à eux- de ces enfants des montagnes facilite
mêmes donné le nom de briseurs. Les leurs escroqueries. Ces hommes parais-
briseurs donc, puisqu’il faut les appeler sent doués d’une épaisseur et d’une
par leur nom, se donnent tous la qualité bonhomie qui commande la confiance,
de marchands ambulants. Ils n’ont point aussi ils trouvent toujours des négo-
de domicile fixe. Ils font passer à leur ciants qui se laissent prendre dans leurs
femme, qui réside en Auvergne, le fruit filets; cela prouve, si je ne me trompe,
de leurs rapines, et celle-ci achète des que personne n’est plus propre qu’une
biens que, dans tous les cas, les briseurs bête à tromper un homme d’esprit : ce
conservent; car, il faut remarquer qu’ils dernier se laisse prendre plus facilement
sont presque tous mariés sous le régime que tout autre; car il compte sur sa
dotal, ou séparés de biens. supériorité et ne peut croire qu’un
homme auquel il n’accorde que peu ou
Lorsque les briseurs ont jeté leur
point de considération ait l’intention et
dévolu sur un marchand, le plus intelli-
le pouvoir de mettre sa perspicacité en
gent, ou plutôt le plus hardi d’entre eux,
défaut.
s’y présente, choisit les marchandises
qui lui conviennent, achète et paie. Les marchandises escroquées par les
Quelques jours après, il adresse au mar- briseurs sont, pour la plupart, achetées
chand son frère ou son cousin, qui se par des receleurs ad hoc, à 40 ou 50 %
conduit de même. Cela fait, le premier de perte. Au moment où j’écris, il existe
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ESBALANCER
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ÉTOUFFE
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ÉTOURDISSEUR-EUSE
48
FADAGE
1. Déjà, depuis plusieurs années, j’ai déclaré aux faiseurs une guerre vigoureuse, et je crois
avoir acquis le droit de parler de moi dans un article destiné à les faire connaître ; que le lecteur
ne soit donc pas étonné de trouver ici quelques détails sur l’établissement que je dirige, et sur
les moyens d’augmenter encore son influence salutaire.
49
FAISEUR
être permis à tous ceux dont le métier parfaitement sont venus me raconter
est d’écrire, et qui peuvent à ce métier mon histoire, dans laquelle presque tou-
Gâter impunément de l’encre et du papier, jours le plus beau rôle n’était pas le
mien. Mon infortune, si infortune il y a,
de glaner dans la vie réelle; mais ces ne me cause pas un bien vif chagrin : je
messieurs se sont traînés à la remorque ne suis pas le premier homme qu’un
de mes calomniateurs, voilà ce que je caprice populaire ait flétri ou ridiculisé.
blâme et ce qui assurément est blâ-
mable. Plus d’une fois cependant, durant le
cours de ma carrière, les préjugés sont
La calomnie ne ménage personne, et,
venus me barrer le chemin; mais c’est
plus que tout autre, j’ai servi de but à ses
surtout depuis que j’ai fondé l’établisse-
atteintes. Par la nature de l’emploi que
ment que je dirige aujourd’hui que j’ai
j’ai occupé de 1809 à 1827, et en raison
été à même d’apprécier leur funeste
de mes relations antérieures, il y avait
influence. Combien d’individus ont
entre moi et ceux que j’étais chargé de
perdu des sommes plus ou moins fortes
poursuivre, une lutte opiniâtre et conti-
parce que préalablement ils ne sont pas
nuelle; beaucoup d’hommes avaient
venus me demander quelques conseils!
donc un intérêt direct à me nuire, et
Et pourquoi ne sont-ils pas venus?
comme mes adversaires n’étaient pas de
Parce qu’il y a écrit sur la porte de mes
ceux qui ne combattent qu’avec des
bureaux : « VIDOCQ »! Beaucoup
armes courtoises, ils se dirent :
cependant ont franchi le rocher de Leu-
« Calomnions, calomnions, il en restera
cade, et maintenant ils passent tête
toujours quelque chose. Traînons dans
levée devant l’huis du pâtissier, aussi
la boue celui qui nous fait la guerre,
n’est-ce pas à ceux-là que je m’adresse.
lorsque cela sera fait nous paraîtrons
peut-être moins méprisables. » Je dois Deux faits résultent de ce qui vient
le reconnaître, mes adversaires ne réus- d’être dit : je suis calomnié par les fri-
sirent pas complètement. L’on n’estime, pons, eh bien! je les invite à citer,
au moment où nous sommes arrivés, ni appuyé de preuves convenables, un acte
les voleurs, ni les escrocs, mais grâce à d’improbité, d’indélicatesse, commis
l’esprit moutonnier des habitants de la par moi; qu’ils interrogent leurs souve-
capitale, le cercle de mes calomniateurs nirs, qu’ils fouillent dans ma vie privée,
s’est agrandi, les gens désintéressés se et qu’ils viennent me dire : « Vous avez
sont mis de la partie; ce qui d’abord fait cela. » Et ce n’est pas une vaine bra-
n’était qu’un bruit sourd est devenu un vade, c’est un défi fait publiquement, à
crescendo général, et, à l’heure qu’il est, haute et intelligible voix, auquel, s’ils ne
je suis (s’il faut croire ceux qui ne me veulent pas que leurs paroles perdent
connaissent pas) un être exceptionnel, toute leur valeur, ils ne peuvent se dis-
une anomalie, un croquemitaine, tout ce penser de répondre.
qu’il est possible d’imaginer; je possède Les ignorants échos ordinaires de ce
le don des langues et l’anneau de qu’ils entendent dire ne me ménagent
Gygès; je puis, nouveau Prothée, guère. Eh bien! que ces derniers inter-
prendre la forme qui me convient; je rogent ceux qui, depuis plusieurs
suis le héros de mille contes ridicules. années, se sont trouvés en relation avec
De braves gens qui me connaissaient moi, avec lesquels j’ai eu des intérêts à
50
FAISEUR
débattre, et que jusqu’à ce qu’ils aient un langage plus fleuri, un costume plus
fait cela ils suspendent leur jugement. Je élégant que le commun des martyrs, que
crois ne leur demander que ce que j’ai le l’on agit ainsi; c’est sans doute aussi
droit d’exiger. parce que, braves gens que nous
Et qu’ai-je fait qui puisse me valoir la sommes, nous avons contracté la
haine ou seulement le blâme de mes louable habitude de ne jamais regarder
concitoyens? Je n’ai jamais été l’homme que la surface de ce que nous voyons.
du pouvoir; je ne me suis jamais mêlé Les chevaliers d’industrie, les faiseurs,
que de police de sûreté; chargé de les escrocs, sont cependant plus dange-
veiller à la conservation des intérêts reux et plus coupables que tous les
sociaux et à la sécurité publique, on m’a autres : plus dangereux, parce qu’ils se
toujours trouvé éveillé à l’heure du cachent pour blesser, et échappent
danger; payé par la société, j’ai plus presque toujours aux lois répressives du
d’une fois risqué ma vie à son service. pays; plus coupables, parce que la plu-
Après avoir quitté l’administration, j’ai part d’entre eux, hommes instruits et
fondé et constamment dirigé un établis- doués d’une certaine capacité, pour-
sement qui a rendu au commerce et à raient certainement ne devoir qu’au tra-
l’industrie d’éminents services. Voilà ce vail ce qu’ils demandent à la fraude et à
que j’ai fait! Maintenant, que les l’indélicatesse.
hommes honnêtes et éclairés me jugent;
C’est presque toujours la nécessité qui
ceux-là seuls, je ne crains pas de le dire,
sont mes pairs. conduit la main du voleur qui débute
dans la carrière; et, souvent, lorsque
Il me reste maintenant à parler des fai- cette nécessité n’est plus flagrante, il se
seurs, du Bureau de renseignements, et
corrige et revient à la vertu. Les faiseurs,
du projet que je viens soumettre à
au contraire, sont presque tous des
l’appréciation de messieurs les commer-
jeunes gens de famille qui ont dissipé
çants et industriels.
follement une fortune péniblement
Je ne sais pour quelles raisons les che- acquise, et qui n’ont pas voulu renoncer
valiers d’industrie, les faiseurs, les aux aisances de la vie fashionable et aux
escrocs, comme on voudra les nommer, habitudes de luxe qu’ils avaient contrac-
sont moins mal vus dans le monde que tées. Ils ne se corrigent jamais, par la
ceux qui se bornent à être franchement raison toute simple qu’ils peuvent facile-
et ouvertement voleurs. On reçoit dans ment et presque impunément exercer
son salon, on admet à sa table, on salue leur pitoyable industrie.
dans la rue tel individu dont la profes-
sion n’est un secret pour personne, et Ils savent si bien cela, que lorsque
qui ne doit ni à son travail ni à sa fortune j’étais encore chef de la police de la
l’or qui brille à travers les réseaux de sa sûreté, les grands hommes de la corpo-
bourse, et l’on honnit, l’on conspue, l’on ration me défiaient souvent de déjouer
vilipende celui qui a dérobé un objet de leurs ruses. Aussi, jointe à celle d’être
peu de valeur à l’étalage d’une bouti- utile à mes concitoyens, l’envie
que; c’est sans doute parce que les che- d’essayer mes forces contre eux a-t-elle
valiers d’industrie, les faiseurs, les été une des raisons qui m’ont déterminé
escrocs ont des manières plus douces, à fonder le Bureau de renseignements.
51
FAISEUR
« C’est une nécessité vivement et sions qui sont allouées aux entremet-
depuis longtemps sentie par le com- teurs d’affaires, de la différence entre le
merce que celle d’un établissement spé- prix d’achat et celui de vente). L’œuvre
cial, ayant pour but de lui procurer des de celui qui a diminué d’un tiers au
renseignements sur les prétendus négo- moins ce chiffre énorme est-elle une
ciants, c’est-à-dire sur les escrocs qui, à œuvre sans valeur? Je laisse aux
l’aide des qualifications de banquiers, hommes impartiaux et désintéressés le
négociants et commissionnaires, usur- soin de répondre à cette question.
pent la confiance publique, et font jour-
Je ne dois pas le cacher, mes premiers
nellement des dupes parmi les véritables
commerçants. pas dans cette nouvelle carrière furent
Les écrivains qui se sont spécialement bien incertains; tant de fripons avaient
occupés de recherches statistiques en ouvert leur sac devant moi, que je
ces matières, élèvent à vingt mille le croyais tout savoir : Errare humanum est!
chiffre des industriels de ce genre. Je Pauvre homme que j’étais! J’ai plus
veux bien admettre qu’il y ait quelque appris depuis trois ans que mon établis-
exagération dans ce calcul… » sement existe, que pendant tout le
Les quelques lignes qui précèdent temps que j’ai dirigé la police de sûreté.
commençaient le prospectus que je S’il voulait s’en donner la peine, le
publiais lors de l’ouverture de mon éta- Vidocq d’aujourd’hui pourrait ajouter
blissement, et, comme on le voit, j’étais de nombreux chapitres au livre des
disposé à taxer d’exagération les écri- Ruses des escrocs et filous, et jouer par-
vains qui élevaient à vingt mille le chiffre dessous la jambe celui d’autrefois.
des industriels; mais, maintenant, je suis Les succès éclatants qui ont couronné
forcé d’en convenir, ce chiffre, bien loin mon entreprise, et m’ont engagé à mar-
d’être exagéré, n’est que rigoureuse- cher sans cesse vers le but que je voulais
ment exact. Oui, vingt mille individus atteindre, malgré les clameurs des
vivent, et vivent bien, aux dépens du envieux et des sots, ont donné naissance
commerce et de l’industrie. (Que ceux à je ne sais combien d’agences, copies
qui ne pourront ou ne voudront pas me informes de ce que j’avais fait : Phare,
croire, viennent me visiter, il ne me sera
Tocsin, Éclaireur, Gazette de renseigne-
pas difficile de les convaincre.) Que l’on
ments, etc., etc. Il ne m’appartient pas de
me permette donc de recommencer sur
juger les intentions des personnes qui
cette base nouvelle les calculs de mon
ont dirigé, ou qui dirigent encore ces
prospectus. Nous fixons à 10 francs par
divers établissements, mais je puis cons-
jour la dépense de chaque individu, ce
tater ce qui n’est ignoré de personne; le
qui produit pour vingt mille :
Phare est allé s’éteindre à Sainte-
Par jour...................................200 000 Pélagie, ses directeurs viennent d’être
Par mois ..............................6 000 000 condamnés à une année d’emprisonne-
Par an ...............................70 200 000 ment, comme coupables d’escroquerie.
C’est donc un impôt annuel de Les affiches qui ont été placées à
70 200 000 francs que le commerce chaque coin de rue, ont permis à tout le
paie à ces messieurs (et cette fois, je monde d’apprécier à sa juste valeur le
veux bien ne point parler des commis- personnel des autres établissements.
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FAISEUR
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FAISEUR
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FAISEUR
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FAISEUR
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FANANDE
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FAUCHEUX
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FLOUER
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FOUR CHAUD
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FOURLINEUR
avoué tout ce qu’on avait voulu pour fourgats choisissent ordinairement leur
échapper aux tourments, avaient subi, domicile dans une rue où il est difficile
quoique très innocentes du crime dont d’établir une surveillance. Ils sont bons
elles étaient accusées, cet horrible sup- voisins, complaisants, serviables, afin de
plice. se concilier la bienveillance de tout le
Après la promulgation du Code de monde.
1791, et vingt-quatre années de séjour La destinée de l’homme qui travaille
au bagne, le Rifodé recouvra sa liberté, sans capitaux, quel que soit d’ailleurs le
et quitta Brest très bien portant. métier qu’il exerce, est d’être continuel-
lement exploité par ceux qui possèdent.
FOURLINEUR s. m. Meurtrier, voleur.
Les voleurs subissent la loi commune, ils
FOURGAT s. m. Marchand, receleur en
volent tout le monde, mais, à leur tour,
boutique, en magasin, ou seulement en ils sont volés par les fourgats, qui ne
chambre, chez lequel les voleurs dépo- craignent pas de leur payer 100 francs
sent et vendent les objets volés. Ils ce qui vaut quatre fois autant. Aussi les
entrent par une porte, reçoivent le prix fourgats habiles font-ils en peu de temps
des objets qu’ils ont apportés, et sortent une très grande fortune; et si, durant le
par une autre. Plusieurs négociants de cours de leur carrière, il ne leur est pas
Paris, en apparence très recommanda- arrivé quelques mésaventures, leur fille
bles, sont connus pour acheter habituel- épouse un notaire ou un avoué qui a
lement aux voleurs; mais, comme il n’a besoin d’argent pour payer sa charge; et
pas encore été possible de les prendre, tandis que ceux aux dépens desquels ils
personne ne s’est avisé de leur dire que se sont enrichis pourrissent dans les pri-
le métier qu’ils faisaient n’était pas des sons et dans les bagnes, les fourgats,
plus honnêtes. Comme on le pense pour la plupart, vieillissent et meurent
bien, les marchandises achetées par les au milieu des aisances de la vie, et une
fourgats ne conservent pas longtemps pompeuse épitaphe apprend à ceux qui
leur physionomie primitive; les bijoux passent devant leur tombe, qu’ils fouil-
d’or ou d’argent sont immédiatement lent la cendre d’un honnête et excellent
fondus, le chef d’une pièce de drap est homme.
enlevé ou détruit; certains fourgats
Il faut établir une distinction entre les
savent, en moins de vingt-quatre heures,
fourgats et les marchands qui achètent
dénaturer assez un équipage entier, voi-
aux faiseurs. Ces derniers, quelle que
ture, harnais, chevaux même, pour qu’il
soit la profession qu’ils exercent,
soit impossible à celui auquel il apparte-
s’arrangent de tout ce qu’on leur pré-
nait primitivement de le reconnaître. Un
sente. Ainsi, un apothicaire achète des
bruit populaire, dont je ne garantis pas
sabots, un savetier des lunettes et des
l’exactitude, accusait autrefois certain
longues-vues, etc., etc.
joaillier, maintenant retiré du com-
merce, d’avoir en permanence dans ses FOURGUER v. a. Vendre à un fourgat des
ateliers, des creusets dans lesquels il y objets volés.
avait toujours des matières en fusion, où * FOURLOURD s. m. Malade.
toutes les pièces de métal dont l’origine
pouvait paraître suspecte, étaient mises * FOURLOURER v. a. Assassiner.
aussitôt qu’elles étaient achetées. Les FOURMILLER v. a. Marcher.
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FOURMILLON
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FRANCS-BOURGEOIS
ment introduit près de la personne qu’il prier de vouloir bien me prêter seule-
désire voir; c’est ici que la comédie ment la somme nécessaire pour payer
commence. Je vais prendre pour type ma place à la diligence, plus quelques
certain personnage très connu dans sous pour manger du pain durant la
Paris, qui se dit le dernier rejeton d’une route, cela me suffira; je dois supporter
ancienne famille de la basse Nor- les conséquences de ma conduite, et
mandie, famille si ancienne en effet qu’il sitôt mon arrivée, mon premier soin sera
serait vraiment impossible à tous les de m’acquitter envers vous. J’aurais pu,
d’Hozier de l’époque de découvrir son pour obtenir ce que je sollicite de votre
écusson. obligeance, m’adresser à monsieur le
comte, à monsieur le marquis un tel,
Monsieur le baron, monsieur le comte,
intime ami de ma famille; mais j’ai
monsieur le duc (le drogueur de la haute
craint qu’il ne jugeât convenable de
ressemble beaucoup au tailleur du Bour-
l’instruire de mes erreurs. »
geois gentilhomme, il n’oublie jamais les
titres de celui auquel il s’adresse, et, s’il Il est peu d’hommes riches qui osent
savait que cela dût lui faire plaisir, il lui refuser une somme modique à un gentil-
dirait très volontiers votre majesté), je homme qui s’exprime avec autant d’élé-
n’ai point l’honneur d’être connu de gance. Au reste, si sur dix tentatives
vous, et cependant je viens vous prier de deux seulement réussissent, ce qu’elles
me rendre un important service; mais produisent est plus que suffisant pour
tout le monde sait que vous êtes bon, vivre au large pendant plusieurs jours.
généreux, c’est pour cela que je me suis Quelquefois, et ici le cas est beaucoup
adressé à vous, ici il parle de ses aïeux : plus grave, ce n’est point pour leur
s’il s’adresse à un des partisans de la compte que les drogueurs de la haute
famille déchue, ce sont de vieux Bre- mendient, c’est pour une famille ruinée
tons, son père qui était un des compa- par un incendie, pour un patriote con-
gnons de Sombreuil, est mort à Qui- damné à une forte amende. Sous la Res-
beron; s’il s’adresse à un des coryphées tauration, ils quêtaient pour les braves
du juste-milieu, il se donne pour le du Texas, pour les Grecs; ils ont, à cette
neveu ou le cousin de l’un des 221; s’il époque, reçu d’assez fortes sommes, et
veut captiver les bonnes grâces d’un les compagnons du général Lefebvre
républicain, son père, conventionnel Desnouettes ou d’Ypsilanti n’en virent
pur, est mort sur la terre étrangère, son jamais la plus petite parcelle.
frère a été tué le 6 juin 1832 à la barri- Il vaut mieux, sans doute, lorsque l’on
cade Saint-Merry. Après avoir fait l’his- est riche, donner quelques pièces de
toire de sa famille, le drogueur de la vingt francs à un fripon que de refuser
haute passe à la sienne, « venu à Paris un solliciteur dont la misère peut-être
pour la première fois, dit-il, j’ai donné n’est que trop réelle, aussi je n’ai point
tête baissée dans tous les pièges qui se écrit cet article pour engager mes lec-
sont trouvés sur mes pas : j’ai été teurs à repousser impitoyablement tous
dépouillé par d’adroits fripons, il ne me ceux qui viendront les implorer, mais
reste rien, absolument rien, je ne veux seulement pour leur faire sentir la néces-
pas demeurer plus longtemps dans la sité de ne point donner à l’aveuglette, et
capitale, et je viens, Monsieur, vous sans avoir préalablement pris quelques
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FRANCS MITOUX
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GAFE À GAYÉ
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GERBEMENT
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GOUÈPEUR-EUSE
échelons. Ils conçoivent sans peine que vous punissez par anticipation? Oh!
ceux qui n’ont pas un toit pour abriter alors, soyez plus sévères pour être plus
leur tête, un vêtement pour les garantir justes, condamnez le vagabond à
du froid, du pain pour apaiser la faim mourir, mais craignez que, las de souf-
qui les tourmente, doivent laisser frir, il ne quitte un jour son humble pos-
tomber des regards envieux sur leurs ture et ne vienne, les armes à la main,
hôtels magnifiques, leurs brillants équi- déchirer le recueil de vos lois. Souvenez-
pages et leur table somptueuse. Ce sont vous des luttes sanglantes de la Jac-
des ennemis qu’il faut absolument querie et des Gueux de Belgique. Qui
vaincre, et le Code pénal, que les heu- succomba alors? Le riche : il le méritait
reux du siècle ont fabriqué pour leur bien.
usage particulier, est un arsenal dans On objectera peut-être que presque
lequel ils trouvent toujours des armes tous les voleurs de profession sortent
toutes prêtes; et le vagabond, celui de des rangs du peuple, pour prouver la
tous les parias sociaux qui souffre le nécessité des lois qui régissent les
plus, est aussi celui qu’ils frappent le classes infimes de la société. Cette
plus rudement. objection, suivant moi, ne peut servir
« Le peuple n’a pas de pain », disait- qu’à prouver la vérité de ce vieux dicton
on à une dame de l’ancienne cour; populaire, qui dit que le besoin n’a point
« qu’il mange de la brioche », répondit- d’oreilles.
elle. Les magistrats qui condamnent Mais, il faut le dire, s’il est vrai que la
indistinctement tous les vagabonds que plupart des voleurs sortent des rangs du
l’on amène devant eux, ne sont guère peuple, les grands criminels, à quelques
meilleurs logiciens que cette dame. exceptions près, appartiennent aux
Qu’est-ce, en effet, qu’un vagabond? classes élevées. C’est plus souvent des
Un pauvre diable qui n’a pu trouver de salons que des mansardes que sortent
travail, et qui a été mis dehors par son les assassins et les faussaires.
hôtelier, parce qu’il n’a pu payer son Et, cependant, quelquefois on sauvera
modeste logement. Il n’a pas dîné et l’homme bien élevé, tandis qu’on sacri-
s’est endormi sous le porche d’une fiera à l’exemple le fils d’un ouvrier.
église ou dans un four à plâtre. C’est Pourquoi cela? L’honneur d’une famille
vainement que je cherche dans tout cela favorisée par la fortune est-il plus pré-
un crime ou un délit. Si cet homme vous cieux que celui de la famille d’un
avait arraché un peu de votre superflu, ouvrier? Je ne le pense pas.
sa physionomie ne serait pas livide et Suivant moi, l’homme qui comparaît
terreuse, ses vêtements ne tomberaient devant un tribunal, après avoir reçu une
pas en lambeaux. Qui vous a dit qu’il éducation libérale, est, à délit égal, évi-
n’avait pas, sans pouvoir y parvenir, demment plus coupable que celui qui a
cherché à utiliser ses facultés? Pourquoi toujours vécu dans l’ignorance. Il n’est
donc, au lieu de le punir, ne lui donnez- pas nécessaire, je crois, de déduire les
vous pas ce que tous les hommes doi- raisons qui me font penser ainsi. Pour-
vent obtenir, du travail et du pain? quoi donc est-il presque toujours traité
Sont-ce les crimes que, grâce à votre avec une extrême indulgence, lorsque
législation, il commettra plus tard, que l’on se montre si sévère envers celui qui
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GOULU
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GRAISSE
Arrivés au gîte qu’ils avaient choisi, ils « La probité, monsieur, est une qualité
se faisaient donner le plus bel apparte- bien rare à l’époque où nous vivons,
ment de la maison, et tandis qu’ils se aussi doit-on s’estimer très heureux
reposaient des fatigues de leur voyage, lorsque par hasard on rencontre des
le domestique, cheville ouvrière du honnêtes gens. Les renseignements que
complot ourdi contre la bourse de nous avons fait prendre, et la réputation
l’hôtelier, faisait, en présence du per- dont vous jouissez, nous donnent la
sonnel de l’hôtellerie, remiser la chaise conviction que vous êtes du nombre de
de poste, et décharger les effets de ses ces derniers, et que nous ne risquons
maîtres. Au moment de terminer son rien en vous confiant un secret d’une
opération, le domestique retirait de haute importance; pour nous soustraire
l’impériale de la voiture une petite cas- aux poursuites dirigées contre presque
sette qu’il ne soulevait qu’avec peine, ce tous les nobles, nous avons été forcés de
qui ne manquait pas d’étonner ceux qui prendre subitement la fuite. Nous pos-
étaient spectateurs de ses efforts. sédions, au moment de notre fuite, à
C’est le magot, disait confidentielle- peu près, 60 000 francs en pièces d’or,
ment le domestique au maître de la mais pour soustraire plus facilement
maison; et comme, à cette époque, le cette somme aux recherches, nous
numéraire était plus rare et plus l’avons fondue nous-mêmes et réduite
recherché que les assignats, celui-ci ne en lingots; nous nous apercevons
manquait pas de concevoir la plus haute aujourd’hui que nous avons commis une
opinion de ces étrangers qui en possé- imprudence; nous ne pouvons payer
daient une aussi grande quantité. notre dépense avec des lingots, nous
Ces préliminaires étaient la première vous prions donc de nous prêter
botte portée à la bourse de l’hôtelier; 5 000 francs (la somme, comme on le
lorsqu’ils avaient produit ce qu’en atten- pense bien, était toujours proportionnée
daient les fripons, la caisse était portée à la fortune présumée de l’individu
chez eux, et durant quelques jours il auquel les fripons s’adressaient); il est
n’en était plus parlé. bien entendu que nous vous laisserons
Durant ces quelques jours, les étran- en nantissement de cette somme un ou
gers restaient dans leurs appartements; plusieurs de nos lingots, et qu’en vous
s’ils sortaient, ce n’était que le soir; ils remboursant le capital nous vous tien-
paraissaient désirer ne pas être remar- drons compte des intérêts. »
qués; au reste, ils dépensaient beau- Cette dernière botte portée, les fri-
coup, et payaient généreusement. pons attendaient la réponse de l’hôte-
Lorsqu’ils croyaient avoir acquis la lier, qui, presque toujours, était celle
confiance de l’hôtelier, ils envoyaient un qu’ils désiraient; dans le cas contraire,
soir leur domestique le prier de monter comme ils ne doutaient, disaient-ils, ni
chez eux, celui-ci s’empressait de se de sa bonne volonté, ni de son obli-
rendre à cette invitation; laissez-nous geance, ils le priaient de leur trouver, à
seuls, disait alors un des étrangers au quelque prix que ce fût, un richard dis-
domestique; et, dès qu’il était sorti, posé à traiter avec eux, et sur lequel on
l’autre prenait la parole, et s’exprimait à pût compter. C’était une manière
peu près en ces termes : adroite de lui faire entendre qu’ils
69
GRAISSE
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GRAND CONDÉ
qui est apposée sur la boîte; pour chose qui rappelle le baron de
couper court, le prêteur ouvre la boîte. Vormspire; souvent quelques liaisons
« C’est bien votre parure, s’écrie-t-il. dangereuses se glissent dans leurs dis-
— Vous plaisantez, répond l’emprun- cours, et quelquefois, quoiqu’ils se tien-
teur, ces diamants sont faux et n’ont nent sur la défensive, ils emploient des
jamais été à moi. » expressions qui ne sont pas empruntées
La conclusion de cette affaire n’est pas au vocabulaire de la bonne compagnie.
difficile à deviner : le fripon justifia par Au reste, si les diagnostics propres à les
une facture de la possession de la parure faire reconnaître ne sont pas aussi
qu’il réclamait, ses relations antérieures faciles à saisir que ceux qui sont propres
avec le prêteur établissaient sa bonne à diverses corporations de voleurs, ils
foi. Le prêteur fut obligé de transiger n’en sont pas moins visibles, et il devient
avec lui, pour éviter un procès scanda- très facile de les apercevoir si l’on veut
leux. bien suivre les grecs dans le salon où
sont placées les tables d’écarté.
GRAND CONDÉ s. m. Préfet.
Lorsqu’ils se disposent à jouer, ils choi-
GRAND MEUDON s. m. Ancienne sissent d’abord la chaise la plus haute
prison du Grand Châtelet. afin de dominer leur adversaire, pour,
GRAND TRIMAR s. m. Grand chemin. de cette manière, pouvoir travailler les
Terme des voleurs parisiens. cartes à leur aise; lorsqu’ils donnent à
GRANDE TIRE s. f. Grande route. Terme couper, ils approchent toujours les
des voleurs de campagne. cartes le plus près possible de la per-
sonne contre laquelle ils jouent, afin
GRAS-DOUBLE s. m. Plomb.
qu’elle ne remarque pas le pont qui a été
GRAS-DOUBLIER s. m. Plombier. fait.
GRATTE s. f. Gale. Les grecs qui travaillent avec des
* GRATTER v. a. Arrêter. cartes biseautées, qu’ils savent adroite-
ment substituer aux autres, les étendent
GRATOU s. m. Rasoir.
devant eux sans affectation lorsqu’ils les
GRATTOUSE s. f. Dentelle. relèvent; ceux qui filent les cartes les
GREC s. m. Les grecs n’ont pas d’âge, il y prennent trois par trois, ou quatre par
a parmi eux de très jeunes gens, des quatre, de manière cependant à ce que
hommes mûrs, et des vieillards à che- celles qu’ils connaissent et ne veulent
veux blancs; beaucoup d’entre eux ont pas donner à leur adversaire restent sous
été dupes avant de devenir fripons, et leur pouce jusqu’à ce qu’ils puissent ou
ceux-là sont les plus dangereux, ceux les tourner, ou se les donner, suivant la
qu’il est moins facile de reconnaître, car manière dont le jeu se trouve préparé.
ils ont conservé les manières et le lan- Ce n’est pas seulement dans les tripots
gage des hommes du monde; quant aux que l’on rencontre des grecs; ces mes-
autres, quels que soient les titres qu’ils sieurs, qui ne gagneraient pas grand-
se donnent, et malgré le costume, et chose s’ils étaient forcés d’exercer leur
quelquefois les décorations dont ils se industrie dans un cercle restreint, savent
parent, il y a toujours dans leurs s’introduire dans toutes les réunions
manières, dans leurs habitudes, quelque publiques ou particulières. Ils sont de
71
GRELU
toutes les fêtes, de tous les bals, de pects, et ainsi que les condamnations
toutes les noces; plusieurs ont été saisis prononcées contre eux.
in flagrante delicto dans des réunions très
GRINCHIR v. a. Voler. J’ai réuni dans cet
comme il faut, et cependant ils n’étaient
article quelques détails sur divers genres
connus ni du maître du salon dans
de vols. Quelques-uns se commettent
lequel ils se trouvaient, ni d’aucun des
encore tous les jours; d’autres n’ont été
invités.
commis que par ceux qui les ont
Les grecs voyagent beaucoup, surtout
inventés.
durant la saison des eaux; on en ren-
contre à Bade, à Bagnères, à Saint-Sau- — Grinchir au boulon. Le grinchis-
veur, au Mont-d’Or, ils ont, comme les sage au boulon a été inventé, dit-on, par
francs-maçons, des signaux pour se un individu dont les antécédents sont
reconnaître, et quand ils sont réunis plu- bien connus, et qui a pour la pêche une
sieurs dans le même lieu, ils ne tardent passion pour le moins aussi grande que
pas à former une sainte alliance et à celle de certain député juste-milieu. Au
s’entendre pour dévaliser tous ceux qui reste, si l’individu dont je parle n’est pas
ne font pas partie de la ligue; ils l’inventeur du grinchissage au boulon, il
emploient alors toute l’industrie qu’ils a du moins excellé dans sa pratique,
possèdent, et ceux qui combattent comme il excella par la suite dans la pra-
contre eux ne tardent pas à succomber. tique des vols à la tire et au bonjour.
Comment, en effet, résister à une telle Pour grinchir au boulon, il ne s’agit
réunion de capacités? Lorsque les grecs que de passer par l’un des trous prati-
vous donnent des cartes, ils savent avant qués dans la devanture des boutiques,
vous ce que vous avez dans la main; pour donner passage aux boulons qui
dans le cas contraire, leur compère, qui servent à les fermer, un fil de fer ou de
a parié pour vous une très petite somme, laiton, terminé par un crochet qui sert à
leur apprend au moyen des SERTS (voir saisir l’extrémité d’une pièce de dentelle
ce mot, p. 132) tout ce qu’ils désirent qu’on amène ainsi à l’extérieur avec une
savoir. grande facilité.
GRELU s. m. Blé. Il ne s’agirait, pour se mettre à l’abri de
* GRENASSE s. f. Grange. ce genre de vol, que de boucher à l’inté-
* GRENU s. m. Blé. rieur l’entrée des boulons par de petites
plaques de fer.
* GRENUCHE s. f. Avoine.
— Grinchir à la cire. Un ou plusieurs
* GRENUSE s. f. Farine. individus se rendent chez un restaura-
GRÈS s. m. Cheval. Terme des voleurs de teur, déjeunent ou dînent, et s’emparent
campagne de la Normandie. d’une ou de plusieurs pièces d’argen-
GRIFFER v. a. Saisir, prendre. terie qu’ils collent sous la table au
moyen d’un emplâtre de cire ou de poix.
GRIFFON s. m. Chat.
Si le maître de l’établissement s’aperçoit
GRIFFONNER v. a. Écrire. du vol qui vient d’être commis à son
GRIMOIRE, GRIMOIRE MOUCHIQUE préjudice, les coupables n’ont rien à
s. m. Code pénal. Livre de police dans craindre, quand bien même ils seraient
lequel sont inscrits tous les gens sus- fouillés. Il est inutile de dire qu’un com-
72
GRINCHIR
père vient quelques instants après leur Cette dernière précaution surtout ne
départ, enlever les pièces d’argenterie. devrait jamais être négligée. Souvent
Le grinchissage à la cire fut inventé, il y des intrigants louent un appartement, le
a vingt années environ, par une jeune et font garnir de meubles appartenant à un
jolie personne, qui le pratiquait de con- tapissier. Ils se font ensuite apporter une
cert avec sa mère, qui était chargée de ou deux fois à dîner par le restaurateur
venir prendre l’argenterie. Ces deux voisin, puis enfin une troisième. Mais
femmes exercèrent paisiblement pen- alors le nombre des convives est plus
dant deux ans; mais enfin elles subirent considérable, et, pour ne point donner
le sort de tous les voleurs : elles furent naissance aux soupçons, celui des grin-
arrêtées et condamnées. Elles confessè- chisseurs qui joue le rôle de l’amphitryon
rent, durant l’instruction de leur procès. a soin de demander un garçon pour
deux cent trente-six vols de cette aider son domestique à servir les
nature. convives. Le dîner fini, le domestique,
— Grinchir à la limonade. Un indi- qui est une des principales chevilles du
vidu dont la tournure est celle d’un complot, prépare l’argenterie et dispa-
domestique, se présente chez un limo- raît avec elle au moment convenu.
nadier, auquel il commande dix, douze, Pendant ce temps les maîtres passent au
ou même quinze demi-tasses pour salon pour prendre le café, et y amusent
M. Untel, qui demeure toujours dans la le garçon jusqu’à ce qu’ils aient, les uns
même rue que le limonadier auquel il après les autres, trouvé le moyen de
s’adresse, mais à l’extrémité opposée. s’évader.
Cela fait, il prend les devants et va se — Grinchir à la desserte. Le grinchis-
poster sur la porte de la maison dont il a
sage à la desserte n’est guère pratiqué
indiqué le numéro, et, lorsqu’il voit
qu’à Paris. Un individu, vêtu d’un cos-
venir le garçon, il va au-devant de lui,
tume de cuisinier, le casque à mèche en
prend la corbeille qu’il porte, et le prie
tête et le tranche-lard au côté, qui con-
d’aller chercher de l’eau-de-vie qu’il a
naît parfaitement la situation de la cui-
oublié de commander. Le garçon, sans
sine et celle de la salle à manger de la
défiance, abandonne sa corbeille, et
maison dans laquelle il veut voler, s’y
s’empresse d’aller chercher ce qu’on lui
introduit à l’heure du dîner, et s’il peut
demande. Ce n’est que lorsqu’il arrive
avec le flacon d’eau-de-vie qu’il arriver dans la salle à manger avant
apprend, du portier de la maison indi- d’avoir été remarqué, il enlève avec dex-
quée, qu’il vient d’être la victime d’un térité toute l’argenterie que les domesti-
audacieux voleur. ques ont laissée en évidence, et trouve le
moyen de disparaître sans laisser
Les traiteurs qui envoient de l’argen-
d’autres traces de son passage que le vol
terie en ville sont aussi très souvent vic-
qu’il a commis.
times des grinchisseurs à la limonade. Il
ne faudrait cependant, pour éviter leurs Qu’on se figure, s’il est possible, la sur-
pièges, que monter toujours dans les prise extrême du maître de logis; il veut
lieux indiqués les objets demandés, et servir le potage et ne trouve point la
de prendre, auprès du concierge de la cuillère, c’est un oubli de la servante; il
maison, des renseignements minutieux. la sonne, elle vient, et après bien des
73
GRINCHIR
74
GRINCHIR
prendre les pièces étrangères qu’il doit son salon. Après avoir attentivement
recevoir; durant le trajet de la chambre examiné les diverses parures, il les
à coucher au cabinet, l’or du changeur dépose dans un des tiroirs d’un magni-
est enlevé par le valet de chambre; fique secrétaire à cylindre, qu’il ferme
arrivé au cabinet avec le changeur, le avec beaucoup de soin, mais sur lequel
noble personnage a oublié la clé de son cependant il laisse la clé; cela fait, il
secrétaire, il s’absente pour aller la cher- sonne son valet de chambre pour lui
cher, mais au lieu de revenir, il sort par demander la clé d’un coffre-fort qui se
une seconde porte et va rejoindre son trouve là. Le domestique ne répond pas,
valet de chambre. le noble personnage s’impatiente, sonne
Ce n’est point toujours à des chan- encore; le domestique ne donne pas
geurs que s’adressent les grinchisseurs signe de vie; il sort furieux pour aller
aux deux lourdes. C’est ce que prouvera chercher lui-même la clé dont il a
l’anecdote suivante. besoin.
Un individu arrive, en 1812 ou 1813, à Un quart d’heure s’est écoulé, et il
Hambourg, son domestique ne parle, n’est pas encore revenu.
dans l’hôtel où son maître est descendu, « Il ne revient pas, dit le joaillier au
que des millions qu’il possède et du commis dont il est accompagné, cela
mariage qu’il est sur le point de m’inquiète.
contracter, mariage qui doit, dit-il, — Cette inquiétude se comprendrait,
augmenter encore les richesses de cet répond le commis, s’il avait emporté les
opulent personnage. La conduite du bijoux avec lui, mais ils sont dans ce
maître ne dément pas les discours du secrétaire, nous n’avons donc rien à
domestique, il paie exactement, et plus craindre; patience, il peut avoir été sur-
que généreusement; l’or paraît ne rien pris par un besoin, en allant chercher
lui coûter. Lorsque cet individu crut son domestique.
avoir inspiré une certaine confiance, il — Ce que vous dites est vrai, mon
fit demander son hôte, et lorsque celui- cher Bracmann, c’est à tort que je
ci se fut rendu à ses ordres, il lui dit qu’il m’alarme, répond Abraham Levy; mais,
désirait acheter plusieurs bijoux qu’il cependant, ajoute-t-il en tirant sa
destinait à sa future; mais, que, comme montre, voilà trente-cinq minutes qu’il
il ne connaissait personne à Hambourg, est parti, une aussi longue absence est
il le priait de vouloir bien lui indiquer le incompréhensible; si nous l’appe-
mieux assorti, le plus honnête des lions? »
joailliers de la ville. Charmé de cette Le commis se range à l’avis de son
preuve de confiance, l’hôtelier patron, et tous deux appellent mon-
s’empressa de faire ce que désirait son seigneur; point de réponse. « Mais la clé
pensionnaire, et lui indiqua le sieur est restée au secrétaire, dit encore le
Abraham Levy. Le fripon alla trouver ce joaillier, si nous ouvrions? — Vous n’y
joaillier, et lui commanda pour une pensez pas, monsieur Abraham, et s’il
valeur de 150 000 francs de bijoux. rentrait et qu’il nous trouvât fouillant
Le jour de la livraison arrivé, le fripon, dans son secrétaire, cela ferait le plus
quoique indisposé, se lève cependant, et mauvais effet. » Le joaillier se résigne
vient en négligé recevoir le joaillier dans encore; mais enfin, n’y pouvant plus
75
GRINCHIR
tenir, il sonne après trois quarts d’heure 40 000 francs de dentelles. Le lende-
d’attente; les domestiques de l’hôtel main, un commis lui apporte ses
arrivent, on cherche le seigneur qu’on emplettes, qu’elle examine avec le plus
ne trouve plus; enfin, on ouvre le secré- grand soin; cela fait, elle prend le carton
taire. Que le lecteur se représente, si qui les contient et le place derrière les
cela est possible, la stupéfaction du siens. Un compère, aposté pour cela,
pauvre Abraham Levy lorsqu’il vit que le l’enlève et s’esquive. Pendant ce temps,
fond du secrétaire et le mur contre la comtesse assise devant un secrétaire
lequel il était placé étaient percés, et que compte des écus. Mais, tout à coup elle
ces trous correspondaient derrière la se ravise et dit au commis : « Il est inu-
tête d’un lit placé dans une pièce voi- tile de vous charger, je vais vous payer
sine, ce qui avait facilité l’enlèvement en billets de banque. » Elle remet les
des diamants. On courut en vain après écus dans le sac qui les contenait, et
les voleurs qui s’étaient esquivés par la passe derrière les cartons. Le commis
seconde porte de l’appartement qu’ils entend le bruit que fait une clé en tour-
occupaient, et qui étaient déjà loin de nant dans une serrure; il croit que c’est
Hambourg lorsque le joaillier Abraham la caisse que l’on ouvre. À ce bruit suc-
Levy s’aperçut qu’il avait été volé. L’un cède un silence de quelques minutes. Le
des deux adroits grinchisseurs aux deux commis suppose que la comtesse
lourdes dont je viens de parler est compte les billets de banque qu’il va
actuellement à Paris, où il vit assez paisi- recevoir. Mais enfin, ne la voyant pas
blement. Je crois qu’il s’est corrigé. revenir, il passe à son tour derrière les
Quand on échange des pièces d’or, cartons, et découvre le pot aux roses.
quand on vend des diamants à une per- Les recherches de la police, pour décou-
sonne que l’on ne connaît pas parfaite- vrir la fausse comtesse de Saint-Amont,
ment, il ne faut pas perdre de vue sa furent toutes inutiles; on n’a jamais pu
propriété, ni surtout la laisser enfermer. savoir ce que cette femme était
devenue.
Les grinchisseurs aux deux lourdes
escroquent aussi des dentelles de prix. — Grinchir à location. On ne saurait
Une adroite voleuse, la nommée Louise prendre, contre les grinchisseurs à loca-
Limé, dite la Liégeoise, plus connue tion, de trop minutieuses précautions,
sous le nom de la comtesse de Saint- car on peut citer un grand nombre
Amont, loua en 1813 ou 1814, l’entresol d’assassinats commis par eux. Lacenaire
de la maison sise au coin des rues de a commencé par grinchir à location. Les
Lille et des Saints-Pères. Cet entresol grinchisseurs à location marchent rare-
avait deux sorties, l’une sur l’escalier ment seuls, et, quelquefois, ils se font
commun, l’autre donnait entrée dans accompagner par une femme. Ils con-
une boutique qui, alors, n’était pas naissent toujours le nombre, l’heure de
louée. La comtesse de Saint-Amont fit la sortie, des habitants de l’appartement
apporter chez elle un nombre de cartons qu’ils veulent visiter. Ils examinent tout
assez grand pour masquer cette seconde avec la plus scrupuleuse attention, et ne
entrée. Tout étant ainsi disposé, elle se paraissent jamais fixés lors d’une pre-
rendit chez un marchand, auquel elle mière visite, car ils se réservent de voler
acheta au comptant pour 36 000 à à une seconde.
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GRINCHIR
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GRINCHISSEUR-EUSE
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HABIN
H-I-J
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JARNAFFES
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LABAGO
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LETTRES DE JÉRUSALEM
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LETTRES DE JÉRUSALEM
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LETTRES DE JÉRUSALEM
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LÈVE-PIEDS
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LIÈGE
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MAC
MAC s. m. Amant et souteneur d’une entre elles et leurs amants une certaine
fille publique. Il s’est opéré une telle conformité de périls et d’infortunes qui
fusion dans nos mœurs, que plusieurs rendait la communauté plus douce,
types se sont effacés sans laisser la communauté qui n’existe plus mainte-
moindre trace de leur existence. Bientôt nant. Cependant celui qui s’est fait le
le mac sera un de ceux-là; il est déjà fos- despote d’une courtisane, à la charge
sile, bientôt il sera antédiluvien. Mais par lui de la défendre envers et contre
cela ne prouve rien en faveur de nos tous, s’il n’est ni voleur ni mouchard, est
mœurs; notre belle jeunesse d’aujour- bien prêt de devenir tout cela.
d’hui ne vaut guère mieux que celle Le monde des macs était autrefois un
d’autrefois; les dehors sont sans doute monde à part. On voyait ces messieurs,
moins repoussants, mais l’intérieur est le réunis dans les bouges de la Grève et
même, et la seule conclusion qu’il soit des environs, prêts, au premier signal, à
possible de tirer de ce qui se passe, c’est aller jeter par la fenêtre le malheureux
que le nombre des êtres vicieux est plus qui, pour son malheur, était entré dans
grand. Le métier de mac, autrefois, un des mauvais lieux qui, à cette
n’était guère exercé que par des voleurs époque, infestaient les rues de la Tan-
ou des mouchards. Ces messieurs nerie, de la Vieille-Lanterne, de la
étaient jadis les seuls sultans des harems Vieille-Place-aux-Veaux, de la Mortel-
publics; maintenant les prêtresses de lerie.
Vénus callipyge ont pour amants des Les macs de l’Ancien Régime étaient
jeunes gens de famille, ils ne volent per- tous costumés de la même manière;
sonne, ils ne rendent aucun service à la grand chapeau à cornes, cravate d’une
préfecture de police, ils ont même de ampleur démesurée, veste très courte,
l’honneur! Ce qui ne les empêche pas pantalon large, bas à coins de couleur, et
d’envoyer leur femme au vague, et chaussures des magasins de la mère
d’avoir conservé toutes les traditions du Rousselle. Une chique énorme et un
métier, hormis celles qui pouvaient les bâton long et noueux leur servaient de
compromettre. Que l’on ne croie pas signes de reconnaissance.
cependant que les filles de joie ont Les filles étaient chargées de pourvoir
gagné à cet échange; il y avait autrefois aux besoins et aux plaisirs de MM. les
87
MACARON
macs, et, à cet effet, chacune d’elles nous apprennent que tel individu qui,
avait un compte ouvert chez Dupuis, la jusques à l’heure de sa mort, avait passé
mère Bariol, la mère Sans-Refus, taver- pour un misérable, vient de laisser à ses
niers en grande renommée à cette ascendants ou descendants un héritage
époque. Chaque mac inscrivait sur une plus ou moins considérable. La mendi-
ardoise sa dépense, que sa femme était cité est un métier comme un autre, et
chargée de payer. L’éponge passée sur ceux qui l’exercent habilement font for-
une ardoise servait de quittance géné- tune en peu de temps. Mais quelle que
rale. (Voir RUTIÈRE, p. 123.) soit l’habileté des mendiants parisiens,
MACARON s. m. Traître, dénonciateur elle n’approche pas de celle de leurs
par nature. confrères de la Flandre et de la Hol-
lande. Il y a, dans ces contrées, des maî-
MACARONNER v. a. Trahir ses cama-
tres mendiants qui exploitent à leur
rades.
profit l’industrie de mendiants subal-
* MACCHOUX s. m. Souteneur de filles. ternes. J’ai connu à Gand un individu
MADRICE s. f. Malice. nommé Baptiste Spilmann; cet indi-
MADRIN-NE s. Malin, maligne. vidu, qui jouissait d’une très belle for-
tune, avait sous ses ordres au moins
MAKI s. m. Fard.
cinquante mendiants de tout âge et des
MALADE s. Prisonnier, prisonnière. deux sexes. Ces malheureux étaient
MALADIE s. m. Emprisonnement. dressés à tout, ils étaient alternative-
* MALINGER v. a. Souffrir. ment aveugles, boiteux ou culs-de-jatte.
Baptiste Spilmann faisait déshabiller les
MALINGREUX s. Ancien sujet du grand
individus qui obéissaient à ses ordres, et
Coësré. Il y en avait de deux espèces.
les envoyait le long des côtes solliciter,
Les premiers avaient le ventre dur et
de la charité des habitants des villages
gonflé comme des hydropiques; les
voisins, des chemises, des pantalons et
seconds montraient aux passants un
d’autres pièces d’habillement. Les men-
membre rongé d’ulcères. Les uns et les
diants de Baptiste Spilmann n’opéraient
autres demandaient l’aumône dans les
guère que l’hiver, et les bons Flamands,
églises; ils allaient, disaient-ils, en pèle-
touchés de les voir grelottants et
rinage à Saint-Merry.
presque nus, donnaient tous les vête-
MALTAISE s. m. Louis d’or. ments dont ils pouvaient disposer.
MALTOUZE s. f. Contrebande.
La femme Spilmann attendait à la
MALTOUZIER-ÈRE s. Contrebandier, sortie du village les sujets de son mari, et
contrebandière. les vêtements qu’ils avaient recueillis
MANCHE (FAIRE LA) v. a. Les individus étaient déposés dans un fourgon attelé
qui implorent, au coin des rues, la com- de trois ou quatre chevaux. Cette
misération publique, sont quelquefois manœuvre était opérée le lendemain
plus riches que ceux auxquels ils dans un autre village, et ainsi de suite
demandent l’aumône. Quoique ce que jusqu’à ce que le fourgon fût plein.
j’avance ici puisse, au premier abord Chaque expédition valait à Baptiste
paraître incroyable, rien n’est cependant Spilmann d’assez fortes sommes;
plus vrai, et tous les jours les journaux cependant il ne bornait pas à cela son
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MANGER LE MORCEAU
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MATHURINS
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MIKEL
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MILLARD
mikel, et tout en buvant une chopine busé que lorsqu’il est complètement
avec lui, il lui tire adroitement les vers ruiné.
du nez, et bientôt il sait ce qu’il est, d’où On mit un jour sous les yeux de
il vient, où il va et ce qu’il espère; il rap- M. Anglès, alors préfet de police, une
porte à son maître ce qu’il vient pétition qui relatait toutes les ruses
d’apprendre, et celui-ci est pris pour un mises en œuvre par le sorcier que j’ai
grand homme par le mikel, qui ne se nommé plus haut, le sieur Fortuné, pour
doute jamais qu’il ne fait que lui répéter dépouiller un mikel; M. Anglès indigné
ce que lui-même disait il n’y a qu’un ins- écrivit en marge de cette pétition : « Si
tant, et il ne regrette pas ce qu’il a payé cet escamoteur ne rend pas ce qu’il a
pour se faire expliquer une ou deux escroqué, je l’escamote à Bicêtre. »
cartes du jeu du tarot. Après le jeu du L’escamoteur rendit, pour ne pas être
tarot il se fait faire le jeu égyptien, puis escamoté; ce qui pourtant ne l’empêcha
encore d’autres jeux qu’il trouve plus pas de faire de nouvelles dupes.
merveilleux les uns que les autres; si * MILLARD s. m. Mendiant de l’ancien
bien, qu’il quitte le devin plus pauvre de Paris, qui ne reconnaissait pas l’autorité
quelques pièces de cinq francs, mais du grand Coësré.
bien convaincu que dans peu de temps il MINCE s. m. Papier à lettres.
n’aura plus de souhaits à former.
** MINOYE s. m. Nez.
Si les tireurs de cartes bornaient à cela MINUIT s. m. Nègre.
leur industrie, cette industrie, il est vrai,
* MION s. m. Garçon.
ne serait rien moins que délicate, mais
au moins elle ne serait pas dangereuse, * MION DE BOULE s. m. Nom des
et si l’on voulait bien être très indulgent anciens tireurs, ou coupeurs de bourse.
elle serait même bonne à quelque chose, MIRADOU s. m. Miroir.
ne fût-ce qu’à donner à de pauvres dia- MIRETTE s. m. Œil.
bles ce qui ne saurait être payé trop
cher : l’espérance; mais il n’en est pas MIRZALE s. f. Boucle d’oreille.
ainsi, les devins ne se contentent pas MISELOQUE s. m. Théâtre.
toujours de faire naître, moyennant MISELOQUIER-ÈRE s. Comédien, comé-
finances, l’espérance dans le cœur du dienne.
mikel, ils veulent bien se charger de la
MITRE s. m. Cachot.
réaliser. Lorsqu’ils ont trouvé un niais
de force à croire qu’ils peuvent le faire MOLANCHE s. f. Laine.
aimer d’une femme, gagner à la loterie, MOMACQUE s. m. Enfant.
ou découvrir un trésor caché, ils puisent MÔME ou MÔME D’ALTÈQUE s. m.
à poignées dans sa bourse; ce sont tous Adolescent, joli garçon.
les jours des consultations, qui alors ne
MOMIGNARD-ARDE s. Petit garçon,
se donnent plus pour deux sous, mais
petite fille.
qui sont payés fort cher, ce sont des pré-
sents qu’il faut faire au génie familier du MONANT-ANTE s. Ami, amie.
sorcier, etc., etc. Il arrive souvent, très MONSEIGNEUR s. f. Pince qui sert aux
souvent même, que le mikel n’est désa- voleurs pour enfoncer les portes.
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MONTANT
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NAGEOIR
94
NEP
langage est presque inintelligible; mais 100 000 francs au moins; cent mille
grâce à l’attention avec laquelle il francs! ces trois mots éveillent la cupi-
l’écoute, son auditeur finit par parfaite- dité de celui, ou de celle, auquel il parle;
ment comprendre tout ce qu’il dit. le bijou est examiné avec soin; c’est, le
L’étranger est le dernier rejeton d’une plus souvent, une étoile de Rose-Croix
illustre famille polonaise. Tous ses semblable à celles dont se parent les
parents ont été tués au siège de Varsovie francs-maçons, et qui peut bien valoir
ou à celui de Praga, ad libitum. Pour lui, 60 à 80 francs. On en est là lorsque le
il fut blessé dangereusement, fait joaillier retiré entre; on lui présente la
prisonnier et envoyé en Sibérie. Grâce à croix, il la prend et à peine l’a-t-il entre
la force de sa constitution, il fut bientôt les mains qu’il jette un cri d’admiration :
guéri. Mais, dans l’espoir de mettre en « Voilà, dit-il, un bijou magnifique; que
défaut la vigilance de ses gardes, il ces diamants sont beaux! ces rubis sont
feignit d’être toujours malade et souf- d’une bien belle eau; ces émeraudes
freteux. Cette ruse eut un plein succès; sont parfaites. » La dupe émerveillée lui
ses gardes, croyant qu’il était incapable raconte à l’oreille ce qui vient de se
de faire seulement deux lieues, ne le passer entre elle et l’étranger; alors un
surveillèrent plus. Cette négligence lui nouvel examen a lieu, et il est accom-
facilita les moyens de s’évader, ce qu’il pagné de nouvelles exclamations.
ne manqua pas de faire à la première Pendant que tout cela se passe, le
occasion. Après avoir supporté toutes Polonais n’a pas cessé de pleurer; il
les peines et toutes les fatigues possi- prévoit, le malheureux, qu’il est sur le
bles, il atteignit enfin la frontière de point de se séparer de son bijou chéri; il
France; mais la route longue et pénible baise encore une fois la croix, et enfin
qu’il vient de faire l’a beaucoup fatigué, il offre de la donner pour 5 000 ou
et il se sent incapable d’aller plus loin. 6 000 francs; nouvel examen du joail-
Arrivé à cet endroit de son récit, le lier, qui soutient à la dupe que cet objet
Polonais dit qu’il aurait pu se procurer vaut au moins 30 000 francs; il regrette
quelques soulagements en vendant un de n’avoir sur lui que 400 ou 500 francs,
bijou précieux qu’il a sauvé du pillage, et de n’avoir pas le temps d’aller chez lui
au moment où son infortuné père est chercher de l’argent, car il ne manque-
tombé sous les baïonnettes russes; mais rait pas une aussi bonne affaire; il
pour vendre ce bijou il aurait fallu qu’il engage alors la dupe à faire cette affaire
se découvrît, ce qu’il ne pouvait faire; de compte à demi avec lui, il lui donne à
« mais, ajoute-t-il pour terminer son cet effet les 400 ou 500 francs qu’il a dit
discours, aujourd’hui que je suis à l’abri avoir sur lui. On s’empresse de remettre
de toutes craintes, je suis décidé à me au Polonais la somme demandée par lui;
séparer de ce bijou; mais je n’ose cepen- le joaillier laisse la croix entre les mains
dant le vendre moi-même, car je ne de la dupe et ne revient plus.
crains rien tant que d’être forcé de me Des fermiers, des vignerons, chez les-
réunir aux autres réfugiés polonais ». quels celui des deux fripons qui est
Après avoir achevé son discours, le chargé de préparer les voies se présente
malheureux proscrit baise mille fois le pour acheter de l’avoine ou du vin, sont
précieux bijou qui vaut, dit-il, quelquefois les victimes des neps; c’est
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NEZ (AVOIR DANS LE)
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OGRE
97
OGRE
du remplaçant de celui qui aurait été retirer les fonds déposés par eux chez
moins heureux. L’agent qui procède un notaire.
ainsi a bientôt réuni trente ou quarante
Le sieur D***, officier de l’ancienne
souscripteurs; il n’en désire pas davan-
armée, exerce de cette manière, depuis
tage.
plusieurs années, le métier d’agent de
Arrive l’époque du tirage. La moitié remplacement; il se dit cependant le
des jeunes gens assurés tombent au sort. plus honnête homme du monde, et il n’y
Mais que leur importe, n’y a-t-il pas a pas longtemps qu’il a traduit à la barre
chez l’agent de remplacement un héros du tribunal de police correctionnelle, et
tout prêt à faire pour eux le coup de fait condamner à trois mois d’emprison-
fusil, ou à brosser le poulet d’Inde, aussi nement, certain individu qui avait pris la
ils dorment tranquilles jusqu’au jour où liberté grande de l’appeler fripon.
ils reçoivent la visite d’un monsieur bien
obséquieux, qui s’exprime avec élé- Je l’ai dit et je le répète, quelques
gance, et qui se charge de leur montrer agents de remplacement exercent hono-
le revers de la médaille dont jusqu’alors rablement leur métier; c’est à ceux-là
ils n’avaient vu que le beau côté. seuls qu’il faut s’adresser. Les condi-
tions de leurs traités ne sont peut-être
« Monsieur, leur dit cet officieux
pas aussi avantageuses que celles des
entremetteur, qui n’est autre que le
individus dont nous venons de parler,
compère de l’agent de remplacement,
mais ils ne trompent personne.
M. Untel, agent de remplacement,
auquel vous avez accordé votre Tout le monde a lu dans l’un des deux
confiance, a fait cette année de très premiers volumes des Scènes de la vie
mauvaises affaires, et, pour la première privée, de Balzac, le portrait de l’usurier
fois de sa vie, il lui est impossible de Gobsec; ce portrait n’a d’autres défauts,
remplir ses engagements; mais rassurez- suivant moi, que celui de n’être pas
vous, monsieur, ses clients ne perdront exact; le père Gobsec est un type effacé
rien, et je suis chargé de vous remettre la depuis longtemps. Les usuriers de notre
somme que vous avez versée entre ses époque ne logent pas tous rue des Grés;
mains. » ils ne sont ni vieux, ni ridés; leur cos-
Bien heureux de ne pas tout perdre, tume n’a pas été acheté au Temple : ce
les infortunés reprennent leur argent et sont au contraire des hommes encore
ne disent mot; si, contre toute attente, jeunes, toujours vêtus avec élégance, et
quelques-uns d’entre eux veulent abso- qui ne se refusent aucune des jouis-
lument que le contrat qu’ils ont consenti sances de la vie. L’usurier pur-sang n’a
soit rigoureusement exécuté, on jamais d’argent comptant lorsqu’on lui
s’empresse de les satisfaire, dans la propose d’escompter la lettre de change
crainte que leurs clameurs n’éveillent acceptée en blanc par un fils de famille,
l’attention des magistrats. Il est inutile mais il a toujours en magasin un riche
d’ajouter que, quelques jours après le assortiment de marchandises de facile
tirage, l’agent a envoyé son intermé- défaite, telles que singes et chameaux,
diaire à ceux de ses clients que le sort a pains à cacheter, bouchons, souricières,
favorablement traités, et, qu’en leur fai- voire même des places à l’année au
sant une remise, il s’est fait autoriser à théâtre de M. Comte.
98
OGRESSE
OGRESSE s. f. Les filles publiques nom- raine, une seconde providence; elle lui
ment ainsi les revendeuses qui leur loue, moyennant 3 ou 4 francs par jour,
louent la pièce qui manque à leur toi- une toilette qui peut bien valoir, estimée
lette, au besoin même la toilette tout au plus haut prix, de 30 à 40 francs, et
entière; elles ne pouvaient vraiment que la pauvre fille garde quelquefois des
choisir un nom plus caractéristique, et mois entiers de sorte qu’elle se trouve
qui exprimât mieux l’idée qu’elles vou- avoir payé le double de ce qu’ils valent,
laient rendre; rien, en effet, ne peut être des objets qui, en définitive, ne lui
comparé aux ogresses; elles sont plus appartiennent pas.
voraces que le boa constrictor, plus Le métier des ogresses est bien
inhumaines que la hyène, plus âpres à la ignoble, sans doute, et les ogresses sont
curée qu’un chien de basse-cour; aussi des femmes bien méprisables, mais
ce n’est que forcées par la nécessité que cependant sans elles les pauvres créa-
les tristes filles de joie s’adressent à tures dont je viens de parler seraient
elles; mais comme la nécessité est quelquefois très embarrassées, et plus
presque toujours assise à leur porte, les d’une bien certainement s’est dit, en
ogresses reçoivent tous les jours de remettant à l’ogresse sa rétribution quo-
nombreuses visites, et tous les jours leur tidienne, tout est pour le mieux dans le
bourse s’arrondit. meilleur des mondes possibles.
Plus de 15 000 filles de joie sont ins- * OIGNON s. f. Montre.
crites sur les registres de la préfecture de OISEAU FATAL s. m. Corbeau.
police, et parmi elles l’on compte à
peine quelques centaines de Pari- OMNIBUS DE CONI s. m. Corbillard.
siennes, encore sont-elles en carte, c’est- ONCLE s. m. Concierge de prison.
à-dire qu’elles exercent pour leur propre ORANGE s. f. Pomme de terre.
compte; les autres se prostituent au
OREILLARD s. m. Âne.
bénéfice des maîtresses de maison; ce
sont celles-là que l’on nomme filles ORLÉANS s. m. Vinaigre.
d’amour ou en numéro; elles ne possè- * ORNICHON s. m. Poulet.
dent rien en propre, ni robes, ni che- * ORNIE DE BALLE s. f. Poule d’Inde.
mises, ni bas; aussi madame, qui connaît
* ORNIE ou ESTABLE s. f. Poule.
leur misère, madame, que la police pro-
tège, et qui souvent n’a qu’un mot à dire * ORNION s. m. Chapon.
pour envoyer ses pensionnaires passer ORPHELIN s. m. Orfèvre, bijoutier.
quelques mois à Saint-Lazare, les mène ORPHELINS s. m. Sujets du grand
tambour battant et règne despotique- Coësré qui mendiaient trois ou quatre
ment sur son petit royaume; mais il lui de compagnie en tremblotant par les
arrive quelquefois ce qui arrive aux sou- rues de l’ancien Paris.
verains absolus : son peuple, las de souf-
OUVRAGE s. m. Vol.
frir, lève enfin la tête et se soustrait à sa
domination; l’ogresse alors est, pour la OUVRIER-ÈRE s. Voleur, voleuse.
fille qui a quitté l’empire de sa souve- ŒIL s. m. Crédit.
99
PACCINS
100
PARRAIN-FARGUEUR
101
PEAU D’ÂNE
permission d’aller en ville, accompagné met en scène, parle, dans une de ses
d’un garde chiourme; il peut entrer dans dernières publications (Le Père Goriot),
tous les lieux publics, cafés, restaurants, d’une association de malfaiteurs qu’il
et personne ne le remarque d’une nomme la Société des Dix Mille, parce
manière désagréable, mais le mépris que que tous ses membres se sont imposé la
les habitants des villes où des bagnes loi de ne jamais voler moins de
sont établis est si grand, que l’entrée des 10 000 francs. La Société des Dix Mille
lieux où les forçats sont admis sans diffi- n’abandonne jamais celui de ses affiliés
culté leur est rigoureusement interdite. qui est toujours resté fidèle au pacte
Les gardes chiourmes reçoivent du d’association. Tout en donnant carrière
forçat qu’ils sont chargés d’accompa- à son imagination, le spirituel romancier
gner en ville, 3 francs par jour à titre semble n’avoir voulu parler que de la
d’indemnité. haute pègre.
Les forçats sont ordinairement bien La haute pègre, en effet, est l’associa-
reçus des habitants de la ville dont ils tion des voleurs qui ont donné à la cor-
habitent le bagne, pendant tout le temps poration des preuves de dévouement et
de leur captivité. Cela vient peut-être de de capacité, qui exercent depuis déjà
ce qu’il est très rare que l’un d’eux longtemps, qui ont inventé ou pratiqué
abuse de la confiance que l’on veut bien avec succès un genre quelconque de vol.
lui accorder. Un des plus insignes Le pègre de la haute ne volera pas un
voleurs de son époque, condamné à une objet de peu de valeur, il croirait com-
très longue peine qu’il subissait au promettre sa dignité d’homme capable;
bagne de Brest, allait en ville pour il ne fait que des affaires importantes, et
donner des leçons de harpe à plusieurs méprise les voleurs de bagatelles aux-
personnes recommandables; cela dura quels ils donnent les noms de pégriot, de
quinze ans au moins, et jamais on ne se pègre à marteau, de chiffonnier, de blavi-
plaignit de lui. La bonne conduite sou- niste.
tenue des forçats auxquels on accorde L’association des pègres de la haute a ses
quelques faveurs, devrait engager lois, lois qui ne sont écrites nulle part,
l’administration à traiter un peu plus mais que cependant tous les membres
doucement les hommes placés sous sa de l’association connaissent, et qui sont
dépendance, car il est à présumer qu’il plus exactement observées que celles
vaudrait mieux les traiter avec douceur qui régissent l’état social. Aussi le pègre
que de les soumettre à un régime auquel de la haute qui n’a pas trahi ses cama-
du reste ils s’habituent bientôt, et que rades au moment du danger n’est jamais
par conséquent ils ne redoutent plus. abandonné par eux, il reçoit des secours
PEAU D’ÂNE s. m. Tambour. en prison, au bagne, et quelquefois
même jusqu’au pied de l’échafaud.
* PÉCOREUR s. m. Voleur de grande
route. On rencontre partout le pègre de la
haute, chez Kusner et au café de Paris,
PÉDÉ s. m. Pédéraste.
au bal d’Idalie et au balcon du théâtre
PÈGRE (HAUTE). Le plus fécond de nos Italien; il adopte et il porte convenable-
romanciers, celui qui sait le mieux inté- ment le costume qui convient aux lieux
resser ses lecteurs au sort des héros qu’il dans lesquels il se trouve, ainsi il sera
102
PÈGRE (HAUTE)
vêtu, tantôt d’un habit élégant sorti des l’opinion et pervertir la morale
ateliers de Staub ou de Quatesous, publique. »
tantôt d’une veste ou seulement d’une Aussi, dit l’auteur de La Pourmenade
blouse. Le pègre de la haute s’est quel- du Pré-aux-Clercs, ouvrage publié en
quefois paré des épaulettes de l’officier 1622, « des vols et assassinats très mul-
général et du rochet du prince de tipliés se commettent, non seulement la
l’Église; il sait prendre toutes les formes nuit, mais encore en plein jour, à la vue
et parler tous les langages : celui de la de la foule qui ne s’en étonne pas. »
bonne compagnie comme celui des Bussy-Rabutin (Mémoires secrets,
bagnes et des prisons. tome I, page 22) raconte qu’étant à
Quoique le caractère des hommes soit, Paris, deux filous de qualité, le baron de
à très peu de chose près, toujours le Veillac de la maison de Benac, et le che-
même, les associations de voleurs ne valier d’Andrieux, ayant appris qu’il
sont plus aujourd’hui ce qu’elles étaient avait reçu 12 000 livres pour faire les
autrefois. La haute pègre, maintenant, recrues de son régiment, vinrent en
n’est guère composée que d’hommes armes, pendant la nuit, entrèrent dans
sortis des dernières classes de la société, sa chambre par la fenêtre et lui en volè-
mais jadis elle comptait dans ses rangs rent une partie; ces messieurs auraient,
des gens très bien en cour. La plupart dit-il, volé le tout si la peur ne les avait
d’entre eux, placés par leur position au- fait fuir.
dessus des lois, se faisaient une sorte de L’époque à laquelle Bussy-Rabutin
gloire de la braver. « L’administration de écrivait ses Mémoires, fut, sans
la justice, dit Dulaure dans ses Essais sur contredit, l’âge d’or de la haute pègre :
Paris, faible et mal constituée, accessible les temps sont bien changés; les derniers
à la corruption et à tous les abus, tentait membres renommés de la haute pègre,
de réparer d’une main les abus qu’elle les Cognard, les Collet, les Gasparini,
faisait naître de l’autre; une législation les Beaumont, sont morts depuis déjà
vague et incertaine laissait un champ longtemps, et n’ont pas laissé de dignes
vaste à l’arbitraire, et, à la faveur des successeurs.
formes compliquées de la procédure, la Il serait à peu près inutile de chercher
chicane et la mauvaise foi pouvaient à moraliser les membres de la haute
manœuvrer sans péril. pègre; ils volent plutôt par habitude que
par besoin; ils aiment leur métier et les
« Le hasard de la naissance tenait lieu émotions qu’il procure; captifs, leur
de génie, de talents et de vertus; pensée unique est de recouvrer la liberté
dépourvu de ces qualités, le noble n’en pour commettre de nouveaux vols, et
était pas moins honoré; doué de ces leur seule occupation est de se moquer
qualités, le roturier n’en était pas moins de ceux de leurs compagnons d’infor-
avili. tune qui témoignent du repentir, et
« Tant de germes de corruption, des manifestent l’intention de s’amender.
institutions vicieuses et sans force pour Plusieurs nuances distinguent entre
lutter avec avantage contre les passions eux les membres de la haute; la plus
humaines, encouragées par l’intérêt du facile à saisir est, sans contredit, celle
gouvernement, ne pouvaient qu’égarer qui sépare les voleurs parisiens des
103
PÈGRE À MARTEAU
voleurs provinciaux; les premiers voulaient voler n’était pas heureuse, ils
n’adoptent guère que les genres qui avaient l’habitude de laisser, sur le coin
demandent seulement de l’adresse et de de la cheminée, tout l’or qu’ils avaient
la subtilité : la tire, la détourne, par en poche, comme réparation du dom-
exemple; les seconds, au contraire, mage qu’ils avaient causé; plusieurs
moins adroits, mais plus audacieux, tireurs donnaient au premier venu la
seront cambrioleurs, roulottiers ou ven- montre qu’ils venaient de voler si elle
terniers; les Parisiens fournissent généra- n’était pas d’or.
lement la masse de la population des
PÈGRE À MARTEAU. Voleur, volereau.
maisons centrales, les provinciaux four-
nissent celle des bagnes. Quoi qu’il en (Voir ci-après PÉGRIOT.)
soit, les uns et les autres ne pèchent pas PÈGRENNÉ s. m. Affamé.
par ignorance : les pègres de la haute
sont tous d’excellents jurisconsultes, ils PÈGRENNE (CANER LA) v. Mourir de
ne procèdent, pour ainsi dire, que le faim.
Code à la main.
PÉGRIOT s. m. Le pégriot occupe les der-
Celui d’entre eux qui a adopté un niers degrés de l’échelle au sommet de
genre de vol, renonce plus difficilement laquelle le pègre de la haute est placé; le
au métier que celui qui les exerce tous besoin conduisait la main du pégriot
indifféremment, et cela peut facilement lorsqu’il commit son premier vol, et
s’expliquer : celui qui ne pratique qu’un peut-être que si quelqu’un voulait bien
genre acquiert bientôt une telle habileté lui donner du pain en échange de son
qu’il peut, en quelque sorte, procéder travail, il abandonnerait le métier qu’il
impunément; cela est si vrai, que l’on exerce; aussi le pégriot est timide; et ce
n’a dû qu’à des circonstances imprévues n’est que lorsqu’il est poussé dans ses
l’arrestation de la plupart des pègres de derniers retranchements qu’il se hasarde
la haute qui ont comparu devant les à tirer, de la poche de celui qui se trouve
tribunaux. à sa portée, un foulard que l’ogresse lui
J’ai dit plus haut que maintenant la paiera le quart de sa valeur. Le pégriot
plupart des pègres de la haute sortaient est toujours sale et mal vêtu; il ne
des dernières classes de la société, cela déjeune jamais et ne dîne pas tous les
n’empêche pas qu’ils ne se piquent jours; lorsqu’il a quelques sous il va
d’être doués d’une certaine grandeur prendre gîte dans un des hôtels à la nuit
d’âme et de beaucoup d’amour-propre; de la Cité; lorsque son gousset est vide il
lorsque les Jambe d’argent, les Capde- se promène toute la nuit, si la première
ville, qui à une certaine époque étaient patrouille qu’il rencontre ne le mène pas
les premiers de la corporation, après au corps de garde, qu’il ne quittera que
s’être introduits à l’aide de fausses clés pour aller chez un commissaire de
ou d’effraction dans un appartement police, qui l’enverra à la préfecture.
qu’on leur avait indiqué, trouvaient Il est rare que le pégriot soit admis
dans les meubles qu’ils avaient brisés parmi les membres de la haute pègre; ces
des reconnaissances du mont-de-piété messieurs n’admettent pas parmi eux
ou quelques autres papiers qui indi- tous ceux qui se présentent, ils semblent
quaient que la position de celui qu’ils avoir adopté ces deux vers pour devise :
104
PEIGNE
Nos pareils à deux fois ne se font point Compagnie, l’autre la maison Jacques et
[connaître, Compagnie, et ainsi de suite, de sorte
Et pour des coups d’essai veulent qu’il existe bientôt sur la place quatre ou
[des coups de maître. cinq maisons qui agissent de concert et
Le pégriot finit comme il a vécu, misé- se renseignent l’une et l’autre.
rablement. Lorsqu’ils ont ainsi préparé les voies,
PEIGNE s. f. Clé. les philiberts achètent le plus de mar-
chandises qu’ils peuvent; ils paient un
PELAGO s. f. Sainte-Pélagie. Prison du
tiers ou un quart comptant, et donnent
département de la Seine.
au vendeur des bons sur le banquier
* PELLARD s. m. Foin. chez lequel ils ont déposé des fonds.
** PELLE s. m. Chemin. Celui-ci solde sans observations, ce qui
PELURE s. f. Redingote. ne manque pas d’inspirer une grande
confiance au vendeur. Ils renouvellent
PENDANTES s. f. Boucles d’oreilles.
deux ou trois fois le même manège; ils
PENDU-GLACÉ s. m. Réverbère. acquièrent de la confiance, et bientôt ils
PENNE s. f. Clé. se trouvent devoir des sommes
énormes. Les plus adroits déposent leur
PÈRE FRAPPART s. m. Marteau.
bilan et s’arrangent avec leurs créan-
PERPÈTE. Perpétuité. ciers, qui s’estiment très heureux de
PESCILLER v. a. Prendre. recevoir 10 ou 15 %. Les autres dispa-
PESCILLER D’ESBROUFFE v. a. Arracher, raissent en laissant la clé sur la porte
prendre avec violence. d’un appartement vide.
PÉTARD s. m. Haricot. PHILIPPE (PETIT ET GROS) s. m. Écu de
trois et de six livres.
PÉTAGE s. f. Déclaration faite à la justice.
PHILOSOPHES s. m. Mauvais souliers
PÉTER v. p. Se plaindre à la justice.
que les voleurs achètent quinze ou vingt
PÉTEUR-EUSE s. Plaignant, plaignante. sols lorsqu’ils sortent de prison.
PETIT-MONDE s. f. Lentille. PHILOSOPHE s. m. Misérable.
PÈZE s. m. Argent monnayé. PHILOSOPHIE s. f. Misère, pauvreté.
* PHAROS s. m. Gouverneur de ville ou PIAF s. m. Orgueil, amour-propre.
de province.
PICORAGE s. m. Butin provenant d’un
PHILANTROPE s. m. Filou. Terme des
vol de grand chemin. Terme des voleurs
marchands forains.
du midi de la France.
PHILIBERT s. m. Faiseur. Terme des
PICTER v. a. Boire.
escrocs parisiens. Les faiseurs dont le
métier est d’acheter des marchandises * PICTER ou PITANCHER v. a. Boire.
qu’ils ne paieront jamais, procèdent à PICTON s. m. Vin.
peu près de cette manière. Ils s’asso- PIÈCE ENTIÈRE s. f. Lentille.
cient trois ou quatre, placent quelques
fonds chez un banquier, et fondent plu- PIED DE COCHON s. m. Pistolet. Terme
sieurs maisons sous diverses raisons employé par Cartouche et Mandrin.
sociales. L’une sera la maison Pierre et PIEDS-PLATS s. m. Juifs.
105
PIED
PIED. Les tireurs adroits avaient autre- L’autorité ne devrait-elle pas veiller à ce
fois l’habitude, en partageant avec les que des abus aussi scandaleux ne se
nonnes et les coqueurs, de retenir, sur la renouvellent pas?
totalité du chopin, 3 ou 4 francs par louis * PIGET s. m. Château.
d’or. Plusieurs tireurs qui existent
encore à Paris, et qui sont devenus PIGNARD s. m. Postérieur.
sages, avaient l’habitude de prélever PILIER DU CREUX s. m. Maître du logis.
cette dîme.
PILIER DE BOUTANCHE s. m. Commis
PIERREUSE s. f. Fille publique du dernier de magasin. Il faut le dire, puisque
étage. Ces malheureuses exercent leur l’expérience l’a prouvé, beaucoup de
triste métier dans les bâtiments en cons- commis volent leur patron, et de mille
truction. On les nomme aussi filles de manières différentes. Indiquer leurs
terrain (voir l’ouvrage de Parent Ducha- ruses et les moyens de les combattre, ce
telet, De la prostitution dans Paris). Elles sera, du moins je le pense, rendre aux
sont toutes voleuses. commerçants et aux commis eux-
PIÈTRES s. m. Anciens sujets du grand mêmes un important service.
Coësré. Ils ne marchaient qu’avec des Beaucoup de commis placés aux
potences. rayons des grosses marchandises, volent
PIEU s. m. Lit. celles des rayons de leurs camarades, et
les sortent du magasin soit dans leur
PIF s. m. Nez.
chapeau, soit sous leurs vêtements.
PIGE s. f. Année. D’autres s’entendent avec des com-
PIGEONS (FAIRE DES). La passion du pères auxquels il donnent dix aunes de
jeu domine presque tous les voleurs, et marchandises lorsqu’ils n’en déclarent
c’est en prison, plus que partout ailleurs, que huit à la caisse; d’autres cachent des
qu’ils éprouvent le besoin de jouer. Pour foulards, de la dentelle ou d’autres
acquérir les moyens de satisfaire cette petits articles dans un rouleau
fatale passion, ils ne reculent devant d’indienne. S’il est difficile d’acquérir la
aucun sacrifice; aussi, ceux qui n’ont certitude de la culpabilité des premiers
pas d’argent vendent leur pain, et si la sans s’exposer à blesser la susceptibilité
fortune ne les favorise pas, ils se trou- des acheteurs, on peut facilement
vent bientôt réduits à ne vivre que d’un éclaircir les doutes que les seconds
potage à la Rumfort. Plusieurs jeunes pourraient avoir inspirés. Il ne faudrait,
gens qui avaient vendu leur pain sont pour cela, que prendre la partie de mar-
morts de faim au dépôt de Saint-Denis. chandise qu’ils viendraient de vendre,
Lorsqu’un malheureux a vendu la comme pour la mieux envelopper, et la
moitié de sa portion pour la rendre dérouler sans affectation. Si la personne
entière le lendemain; il est aux trois que l’on croit de connivence avec le
quarts perdu. commis est une femme, et qu’elle porte
Les prisonniers qui font des pigeons, un cabas ou un panier, il faut être
c’est-à-dire qui achètent à l’avance la empressé, complaisant, placer soi-même
ration de leurs camarades, exercent cet les paquets dans le cabas ou panier, et
infâme trafic sous les yeux des laisser à ses yeux le soin d’en inventorier
employés, qui ne s’y opposent pas. le contenu.
106
PILIER DE PACQUELIN
107
PILON
108
PONTES POUR L’AF
PONTES POUR L’AF s. f. Galerie des pourvoir aux plus pressants besoins des
étouffoirs, fripons réunis. seconds; leur soin unique, si de préfé-
PONTONNIÈRE s. f. Fille publique de la rence à tous les autres on leur donnait
Cité, qui exerce sur les ponts; les pon- les places de concierge, serait d’appro-
tonnières sont presque toutes voleuses. prier la maison; ils pourraient aussi
suivre dans l’escalier les personnes qui
PORTANCHE s. m. Portier. Le nombre
viendraient demander un locataire, et
de vols commis à l’aide d’effraction
qui ne seraient pas connues. J’ai, à
diminuerait de beaucoup si les proprié-
l’article BONJOURIERS, p. 11, indiqué
taires étaient un peu moins parcimo-
quelques précautions à prendre pour se
nieux, et si surtout ils tenaient plus la
mettre à l’abri de l’atteinte des voleurs,
main à ce que leurs portiers ou
et je ne crains pas de le répéter : si l’on
concierges fissent plus exactement leur
joignait un portier vigilant et spéciale-
service.
ment occupé des devoirs de sa place, à
La plupart des logis ou logements
l’emploi de ces moyens, le nombre de
occupés par les concierges, sont placés
vols diminuerait sensiblement, et
sous des renfoncements d’escaliers, ou
bientôt il serait réduit à zéro.
dans des endroits obscurs, ce qui
permet aux voleurs de s’introduire dans Les faiseurs-industriels, les chevaliers
la maison sans être vus. d’industrie, les escrocs, louent ordinai-
Les portiers, en général, ne sont pas rement dans une maison de belle appa-
payés assez généreusement; les proprié- rence, un appartement meublé seule-
taires choisissent ordinairement pour ment de quelques ballots de foin et
gardiens de leurs maisons des individus d’une caisse à jeun; cet appartement,
qui exercent un état quelconque : c’est qui n’est composé que de deux ou trois
un tort. Le bottier ou le tailleur s’occupe pièces, est seulement destiné à leur
de son travail, et tire le cordon sans servir de bureau, ils n’y logent jamais;
regarder les gens qui entrent ou qui lorsqu’ils viennent louer, ils donnent au
sortent; aussi l’on a volé mille fois dans concierge 10 ou 20 francs, ce qui ne
l’intérieur d’une maison de laquelle on a manque pas de le bien disposer en
sorti des paquets énormes, sans que le faveur des nouveaux locataires; le
portier se soit aperçu de rien. concierge est chargé de recevoir les
Les propriétaires, par mesure de lettres adressées aux faiseurs, et ceux-ci
sûreté d’abord, et ensuite par humanité, ont soin de ne payer leur note que
ne devraient jamais prendre pour lorsqu’elle se monte à 4 francs 25 ou
concierge des individus exerçant un 8 francs 75, et d’abandonner au
métier ou une profession quelconque, concierge l’appoint d’une ou deux
mais bien ceux que des événements pièces de 5 francs; enfin, ils emploient
imprévus auraient mis dans l’impossibi- tous les moyens propres à les faire
lité de travailler, ou bien qui ne le gagner. Le portier qui gagne peu et qui
sauraient pas; les premiers peuvent n’est pas généralement estimé, est très
devoir leur existence à leur travail, et sensible au don de quelques pièces de
n’ont besoin, pour exister, du secours de 5 francs et aux bons procédés; aussi
personne; l’humanité, au contraire, donne-t-il d’excellents renseignements
impose, à tout le monde le devoir de aux négociants qui viennent lui en
109
PORTE-LUCQUES
110
POT
« Moi fouloir aller rire avec cholies fripon a enlevé son argent et les faux
demoiselles françaises, dit-il, fous fou- rouleaux déposés par l’américain.
loir pien contuire moi; moi bayer pour Les charrieurs s’adressent souvent à
fous. » Le pantre, qui a bu plus de vin des garçons de recette ou de magasin.
que sa capacité n’en comporte, accepte Que les négociants intiment à ceux
la proposition avec empressement. L’iti- qu’ils emploient l’ordre formel de ne
néraire est changé : ce n’est plus vers le jamais lier conversation sur la voie
Jardin du roi que les trois compagnons publique avec un inconnu, et surtout de
se dirigent, mais bien vers quelque ne jamais se laisser séduire par l’espoir
maison dans laquelle, moyennant de faire une opération de change avan-
finance, il soit permis de mener bonne tageuse, opération qui, du reste, ne
et joyeuse vie. (Il faut remarquer que ce serait autre chose qu’une insigne fripon-
n’est que dans un lieu écarté que l’amé- nerie si elle se réalisait.
ricain risque sa proposition.) « Moi bas POT s. m. Cabriolet.
fouloir aller chez les matemoiselles avec
POULAINTE s. Vol par échange. (Voir
tout mon archent, moi fouloir cacher
GRAISSE, p. 68, SOULASSE, p. 133,
lui », dit-il. Et il dépose sous un tas de
CHARRIEURS, p. 24.)
pierres tout l’or qu’il a sur lui. « Cachez
tout ce que vous voudrez », dit le jardi- POUPÉE s. m. Soldat.
nier en haussant les épaules. Lorsque * POUPINER v. a. Travailler.
l’américain a terminé son opération, il POUR adv. Peut-être, le contraire de ce
est prêt à partir, et l’on se dispose à se qu’on avance.
remettre en marche, mais il se ravise, et
il invite ses deux compagnons à suivre P O U S S E A U V I C E s . f. M o u c h e
son exemple. Le jardinier dépose quel- cantharide.
ques pièces de cinq francs à côté de l’or POUSSIER s. m. Argent monnayé.
de l’américain, et le pantre suit son PRÉ s. m. Bagne.
exemple; mais, comme ses poches sont
PRÉVÔT s. m. La place de prévôt appar-
bien garnies, la somme qu’il dépose est
tient de droit au plus ancien détenu. Il y
beaucoup plus considérable.
en a ordinairement un par chambrée ou
Le pantre, le jardinier et l’américain, par corridor. Il est chargé par l’adminis-
partent enfin, mais lorsqu’ils sont à une tration de veiller à la propreté de son
distance assez considérable du lieu où quartier, et de remettre à chaque prison-
l’argent a été déposé, l’américain nier la ration de pain qui lui est allouée,
s’arrête tout à coup, se frappe les poches et les prisonniers lui accordent le droit
et s’écrie : « Moi bas afoir gardé de quoi d’exiger des arrivants une certaine rétri-
bayer les matemoiselles, vous aller cher- bution nommée bienvenue, dont il
cher cinq pièces d’or, nous attendre fous dispose à son gré.
ici, fous vous débécher. » Le pantre, qui Les voleurs émérites, les évadés du
très souvent a conçu le projet de bagne ou des prisons étaient autrefois si
s’approprier le magot de l’étranger, vénérés de leurs compagnons de
s’empresse d’accepter la proposition, et, moindre importance que, lorsqu’ils arri-
comme on le pense bien, il ne trouve vaient en prison, et que le prévôt en
rien dans la cachette; un troisième exercice leur demandait la bienvenue, ils
111
PRIANTE
112
QUART DE MARQUÉ
Q-R
113
RAPIAT
paquet; de manière cependant à ce que trouvaille par un joaillier qui lui apprend
l’étranger ne puisse faire autrement que que le bijou qu’il possède vaut tout au
de remarquer l’objet, quel qu’il soit, plus 15 ou 20 francs.
c’est ce qui arrive en effet; et au Les ramastiques sont presque tous des
moment où il se baisse pour ramasser la Juifs. Chacun d’eux est vêtu d’un cos-
boîte ou le petit paquet, sa nouvelle tume propre au rôle qu’il doit jouer.
connaissance s’écrie : « Part à deux. » Celui qui accoste est presque toujours
On s’empresse d’ouvrir le paquet ou la vêtu comme un ouvrier; le perdant se
boîte; à la grande joie du sinve, on y distingue par la largeur de son pantalon,
trouve ou une bague, ou une épingle dont une des jambes sert de conducteur
magnifique; un écrit accompagne à l’objet pour le faire arriver jusqu’à
l’objet, et cet écrit est la facture d’un terre. Quelques femmes exercent ce
marchand joaillier qui reconnaît avoir genre d’industrie, mais comme il est
reçu d’un domestique une somme assez facile de le présumer, elles ne s’adres-
forte pour le prix de l’objet qu’il envoie sent qu’à des personnes de leur sexe.
à M. le marquis ou à M. le comte Untel. Sur vingt individus trompés par les
« Nous ne rendrons pas cela, dit le ramastiques, dix-huit au moins donnent
fripon; un marquis, un comte, a bien le un faux nom et une fausse adresse. S’il
moyen de perdre quelque chose, et nous est vrai que l’intention doive être punie
serions de bien grands niais si nous ne comme le fait, je demande s’il ne serait
profitions pas de la bonne aubaine que pas juste d’infliger aux sinves une puni-
le ciel nous envoie. » Le sinve ne pense tion capable de leur servir de leçon.
pas autrement; il ne reste donc plus qu’à Ne soyez jamais assez sot pour vouloir
vendre l’objet, voilà le difficile. Le partager avec un homme qui trouve un
ramastique fait observer que cela ne objet quelconque, surtout si pour cela il
serait peut-être pas prudent; que faut dénouer les cordons de votre
l’objet, sans doute, est déjà signalé aux bourse.
marchands joailliers. Comment faire?
RAPIAT s. m. Auvergnat, Savoyard.
« Écoutez, dit enfin le fripon, vous me
paraissez un honnête garçon, et je vais RAPIOT (LE GRAND) s. Première visite
vous donner une marque de confiance faite sur les condamnés après leur sortie
dont vous vous montrerez digne, je de Bicêtre, pour aller au bagne.
l’espère. Je vais laisser l’objet entre vos RAPIOTER v. a. Visiter les condamnés en
mains; mais comme j’ai absolument route pour le bagne.
besoin d’argent, vous me ferez l’avance
RAPPLIQUER v. a. Revenir.
de quelques centaines de francs, mais
j’exige que vous me donniez votre RAT (COURIR LE) v. a. Voler la nuit dans
adresse. » Le sinve, qui déjà est déter- l’intérieur d’une auberge ou maison
miné à garder pour lui seul toute la garnie.
valeur de l’objet trouvé, s’empresse Ce genre de vol se commet ordinaire-
d’accepter la proposition, et dans son ment dans les auberges où logent les
for intérieur il se moque de la simplicité marchands forains et les rouliers, et de
de son compagnon; il ne cesse de rire à préférence les jours de marché et de
ses dépens que lorsqu’il a fait estimer la foire.
114
RATON
Les rats sont habituellement deux et ment l’objet volé. Il est très rare que ces
quelquefois trois. Ils exercent ostensi- voleurs soient pris sur le fait. Aussi, les
blement la profession de marchand marchands forains et les rouliers qui
forain; leurs papiers sont toujours par- boivent sec, et qui, par conséquent,
faitement en règle, ils peuvent donc n’ont pas le sommeil léger, devraient
exhiber, à la première réquisition, passe- placer ce qu’ils possèdent sous leurs
port, factures, patente, etc. Ils sont matelas, et non pas sous leur traversin.
sobres, et leur politesse est extrême. Ce serait le seul moyen de ne pas
Les rats logent plusieurs fois dans une craindre la visite des rats.
auberge avant d’y commettre un vol. Ils J’étais, le 5 novembre dernier, occupé
arrivent toujours séparément et d’un à rédiger cet article, lorsque je reçus la
lieu opposé, et s’arrangent de manière à visite d’un propriétaire de Charonne
ne point coucher dans la même près Paris, qui venait d’être la victime
chambre. d’un rat.
On sait qu’il y a toujours cinq ou six Le voleur s’était introduit furtivement
lits dans chacune des chambres dans la maison où logeait le propriétaire,
d’auberges où logent habituellement les et s’était caché sous un lit placé dans la
rouliers et marchands forains. Les rats chambre voisine de celle qu’il occupait.
se couchent toujours les premiers, et Lorsque le voleur eut acquis la certitude
lorsque ceux qui doivent partager avec que le propriétaire était profondément
eux la chambre qu’ils occupent arrivent, endormi, il s’introduisit dans sa
ils paraissent profondément endormis; chambre, enleva sa ceinture, qui conte-
mais, comme les chats, ils ne dorment nait 24 000 francs en billets de banque,
que d’un œil, et ils ont soin d’allumer et se sauva en escaladant les murs de la
celui qui place sous son traversin, ou sa maison. Je mis de suite en campagne
ceinture ou sa culotte. une partie des agents attachés à mon
À l’heure convenue entre eux, ils se établissement, et, à six heures du soir, le
lèvent chacun de leur côté, ils se retrou- rat fut saisi encore nanti de la somme
vent et se rendent mutuellement volée, qui fut de suite restituée à son
compte de leurs observations. La posi- propriétaire.
tion des lits occupés par ceux qu’ils veu- RATON s. m. Petit voleur de dix à douze
lent dévaliser est exactement indiquée, ans que les grands voleurs font entrer le
et chacun d’eux alors opère dans la soir dans les boutiques pour voler
chambre de son camarade, les ceintures l’argent du comptoir, ou pour leur ouvrir
et les culottes sont enlevées, et, après la porte.
avoir placé le chopin en lieu de sûreté, Les marchands devront, lorsque leurs
chaque rat retourne à son lit. boutiques ou magasins seront définiti-
Les rats n’emportent jamais avec eux vement fermés, ordonner une visite
ce qu’ils ont volé, ce n’est que quelques scrupuleuse, afin d’acquérir la certitude
jours après la consommation du vol, et que personne n’est caché chez eux. Ces
en revenant prendre gîte, qu’ils enlèvent visites devront être faites avec le plus
leur butin. grand soin, car les ratons savent se blottir
Quelques rats ont un complice au- dans le lieu le moins apparent, et de
dehors auquel ils remettent instantané- manière à n’être vus que difficilement.
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RATA
116
RÉCHAUFFANTE
naires qui lui sont dévoués. L’un prend des peines temporaires, c’est que sans
le lit, l’autre le secrétaire, le troisième la doute il avait la conviction intime que
commode, et ainsi chargés, ils descen- les plus grands coupables pouvaient être
dent l’escalier à reculons, et dans le plus ramenés au bien; il a donc voulu que la
profond silence. Arrivés à proximité de grâce fût une prime d’encouragement
la loge du portier, le plus éloigné crie à offerte à la bonne conduite et au
ses camarades : repentir, et que chaque condamné,
« Eh! chacrebleu, che n’ai pas ici que quels que fussent d’ailleurs sa position
nous avons affaire. sociale et ses antécédents, pût acquérir
— Je te dis que c’est ici, lui répond un le droit d’y prétendre.
autre, che reconnais bien l’escalier. Je crois que je m’explique assez claire-
— Et non. ment, ce n’est qu’à la bonne conduite et
— Et si. » au repentir que des grâces doivent être
Grande dispute. Le portier met la tête accordées; car si l’égalité doit exister
à son carreau et demande aux commis- quelque part, c’est évidemment en
sionnaires ce qu’ils désirent. prison. Il ne doit donc y avoir, parmi des
« N’est-ce pas ici le n° 32? lui hommes tous coupables, ou présumés
demande l’un d’eux. tels, d’autre aristocratie que celle du
— C’est ici le n° 30, répond le portier. repentir; et je ne crois pas que l’on
— Mille pardons, monsieur, nous doive accorder au fils d’un pair de
nous étions trompés de numéro, voilà France ce que l’on refuserait au fils d’un
tout. » ouvrier ou d’un cultivateur, si le fils du
RÉCHAUFFANTE s. m. Perruque. pair de France s’en montrait moins
digne que ces derniers; cependant ce ne
* RÉCHAUFFER v. a. Ennuyer.
sont pas toujours les plus dignes qui
RECONOBRER v. a. Reconnaître. obtiennent leur grâce, et cela s’expli-
RECORDER v. a. Prévenir quelqu’un de que : la désignation des condamnés gra-
ce qui doit lui arriver. ciables est, en quelque sorte, laissée à
REDAM s. f. Grâce. La plus belle préro- l’arbitraire des inspecteurs et directeurs
gative du chef de l’État est, certes, celle de prisons; je ne prétends pas accuser
de pouvoir faire grâce à celui que la loi a les intentions de ces hommes, dont les
frappé; il doit éprouver une émotion à la fonctions sont aussi délicates que péni-
fois bien vive et bien douce, celui qui bles; mais comme tous, ils sont faillibles
peut, d’un mot, briser les fers du mal- et susceptibles de se laisser séduire par
heureux qui languit dans une prison, ou l’astuce et par de faux dehors; et le pri-
arracher une victime au bourreau; aussi, sonnier dont la conversion n’est pas
n’est-ce point le droit de faire grâce que réelle, qui ne veut recouvrer la liberté
je veux attaquer, mais seulement la que pour commettre de nouveaux
manière dont on use de ce droit. crimes, sait mieux que tout autre se plier
Si le législateur n’a pas conservé le à toutes les exigences, et caresser les
code de Dracon, code qui condamnait à manies et les passions, de ceux qui peu-
la mort celui qui avait commis la plus vent le servir.
légère faute; s’il a proportionné les Sous la Restauration, lorsque les
peines aux crimes et aux délits, et admis membres du clergé étaient les seuls
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REDAM
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REDIN
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RENGRACIER
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ROTI ET SALADE
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ROULOTTE
concierge vigilant, dont l’unique occu- ont remarqué sur une voiture un objet
pation serait d’examiner avec attention qui paraît valoir la peine d’être volé, l’un
les entrants et sortants. d’eux aborde le conducteur et le retient
Il faudrait aussi qu’une marque très à la tête de ses chevaux, tandis que les
apparente fût apposée sur chaque autres débâchent la voiture et font
ballot, malle ou paquet, au moment de tomber les ballots.
la sortie, et que la consigne du concierge En général, les roulottiers procèdent
fût de ne laisser sortir que les objets avec une audace vraiment extraordi-
ainsi marqués. naire. Il est arrivé plusieurs fois à un
Les petits ballots qui ne seraient pas roulottier fameux, le nommé Goupi, de
enfermés devraient au moins être monter en plein jour, et dans le quartier
enchaînés. des halles, sur l’impériale d’une dili-
Toutes les maisons de roulage d’une gence, et d’en descendre une malle
certaine importance devraient s’attacher comme si elle lui appartenait.
un inspecteur de cour, et cette place ne Pour se mettre à l’abri des entreprises
devrait être accordée qu’à un homme des roulottiers, il ne faut attacher les
intelligent, sobre, sédentaire, et d’une ballots derrière les voitures en poste ou
moralité éprouvée. à petites journées, ni avec des cordes, ni
avec des courroies, mais avec des chaî-
Souvent on vole les négociants qui
nettes de fer qui ne pourraient être tou-
sont forcés de déposer sous leurs portes
chées sans qu’une sonnette placée dans
cochères et dans leurs allées; il est très
l’intérieur de la voiture donnât l’éveil
facile d’empêcher que ces vols ne soient
aux voyageurs.
commis.
Que les rouliers aient un chien sur leur
Il ne faut pour cela que réunir les bal-
camion, le plus méchant qu’ils pourront
lots ou paquets d’un petit volume, en les
trouver sera le meilleur; qu’ils renon-
attachant avec une chaîne de fer dont je
cent surtout à la détestable habitude
donnerai le modèle en indiquant la
d’aller boire un canon avec le premier
manière de s’en servir.
individu qu’ils rencontrent.
ROULOTTE s. Charrette, camion. Que les gardiens de voitures de blan-
ROULOTTE EN SALADE (GRINCHIR chisseuses ne dorment plus sur leurs
UNE). Voler tout ou partie des marchan- paquets de linge sale, et l’industrie des
dises que contiennent les ballots placés roulottiers sera bientôt mise aux abois.
sur une voiture, en coupant l’enveloppe, Les plus fameux roulottiers étaient
et sans même défaire les bâches. jadis les France, les Mouchottes, les
Dorés, les Cadet Hervier, les César
ROULOTTIER s. Les roulottiers sont ceux
Vioque. Ces individus, et surtout le der-
qui volent les malles, bâches, valises, ou
nier nommé, étaient capables de suivre
tous autres objets placés ou attachés sur
une chaise de poste pendant plusieurs
les voitures. Les roulottiers appartien-
lieues. Ces individus ont presque tous
nent presque tous aux dernières classes
achevé leur existence dans les bagnes et
du peuple, et leur costume est presque
dans les prisons.
toujours semblable à celui des commis-
sionnaires ou des rouliers. Ils travaillent ROULOTTIN s. m. Charretier, roulier.
toujours plusieurs ensemble. Lorsqu’ils ROUPIE s. f. Punaise.
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ROUPILLER
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RUTIÈRE
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SABLE
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SANS-CAMELOTE
nouveau produit d’une fabrique hollan- — Non, mon ami, c’est du zif.
daise destiné à remplacer très avanta- — Du zif, ajoute le mari, et à quoi cela
geusement le sucre, et qui peut être livré sert-il? »
à un prix excessivement modéré. Les Ici le solliceur recommence son boni-
fondateurs de la fabrique hollandaise ment, que le mari écoute les yeux fixes et
dont j’ai l’honneur de vous parler ont la bouche béante.
trouvé les moyens d’épurer, par la
« Que de choses l’on fait avec la
vapeur, les résidus de sucre de canne et
vapeur! dit-il; et combien vendez-vous
de betterave qui, jusqu’à ce jour,
ce zif?
n’avaient pas été utilement employés, et
d’en extraire une composition aussi — Quatorze sous la livre.
blanche, aussi dure que le plus beau — Mais il faut en prendre une certaine
sucre royal, et qui possède toutes ses quantité, Poupoule, peut-être que plus
propriétés. Voici, du reste, un échan- tard nous ne pourrons pas nous en
tillon de ce nouveau produit, auquel on procurer au même prix.
a donné le nom de zif, mot grec qui — Un instant, monsieur, dit la dame,
signifie parfait. Cet échantillon, je qui est douée d’une grande perspicacité,
l’espère, vous prouvera mieux que tous et qui veut connaître par l’expérience les
les discours possibles la vérité de ce que propriétés de ce que son mari est déjà
j’ai eu l’honneur de vous dire. » déterminé à acheter; vous êtes bien
Le fripon, en achevant cette première pressé de terminer, le zif de monsieur est
partie de son discours, tire un petit très blanc et très dur, mais sucre-t-il?
paquet de sa poche, et remet à la dame voilà le point capital. »
qui, depuis un quart d’heure, l’écoute Cette observation lumineuse impose
avec la plus sérieuse attention, un mor- silence au mari, qui se contente de
ceau de sucre royal. répéter les dernières paroles de sa
« Mais c’est du sucre, monsieur, dit la chaste moitié, le zif sucre-t-il?
dame. « J’ai déjà eu l’honneur de vous le dire,
répond le solliceur, le zif est destiné à
— Du tout, madame, c’est du zif, com-
remplacer avantageusement le sucre
position extraite des résidus de sucre de
royal première qualité; et, si je ne me
canne et de betterave épurés par la
trompe, la première qualité de ce sucre
vapeur, destinée à remplacer avantageu-
est de sucrer; si madame veut bien avoir
sement le sucre royal première qualité,
l’extrême complaisance de faire venir un
et qui peut être livré à un prix excessive-
verre d’eau nous y mettrons un morceau
ment modéré. »
de zif, et si madame n’est pas satisfaite
La dame ne peut se lasser d’examiner de l’expérience, je consens à perdre tout
le zif; elle admire son éclat, sa blan- ce que madame voudra. »
cheur. Enfin, elle se détermine à appeler
Une proposition aussi raisonnable ne
son mari, qui arrive le menton savonné
peut être refusée, la servante apporte un
et le rasoir à la main.
verre d’eau dans lequel la dame met un
« Qu’est-ce que cela? dit-elle. morceau de zif.
— Eh! parbleu, c’est du sucre, répond « Le zif sucre, dit-elle après avoir bu,
le mari. mais cependant pas autant que le sucre.
126
SANS-CAMELOTE
127
SANS-CŒUR
toutes celles qui me restaient entre les sortit du bagne, après y avoir fait un
mains d’une personne qui a bien voulu séjour de vingt-quatre ans, avec un
me prêter quelques billets de mille capital de 40 000 francs.
francs, et maintenant je suis obligé de
Pantaraga, il est vrai, avait plus d’une
remettre à cette personne une somme
corde à son arc. Les forçats, quelles que
égale à la valeur des marchandises que
soient les sommes qu’ils reçoivent de
je lui demande. Ainsi, madame, ayez
leur famille, ne peuvent, dans aucun cas,
donc la bonté de me payer d’avance la
toucher plus de dix francs par mois,
commande que vous avez eu la bonté de
Pantaraga, restaurateur breveté du
me faire, cette obligeance me procurera
bagne, se chargeait volontiers d’aller
les moyens de vous servir plus tôt. Il est
toucher une plus forte somme au
bien entendu que je vous laisserai en
bureau du commissaire du bagne; le
garantie ce paquet de marchandises que
forçat lui faisait, par exemple, un bon de
vous ne me rendrez que si le zif et le café
20 francs pour nourriture fournie, Pan-
qui vous seront livrés sont conformes
taraga lui en remettait dix et en gardait
aux échantillons que voici. »
dix pour lui. De cette manière le forçat
La dame, qui est impatiente de mon- pouvait jouer ou s’enivrer à loisir.
trer à ses voisines le zif et le café en
question, satisfait presque toujours le Il n’y a pas de petits métiers en prison,
solliceur qui part les poches pleines et et l’on peut dire avec raison des sans-
ne revient plus. On vend de cette cœur, qu’ils savent mieux que personne
manière toutes sortes de marchandises. ce que peut rapporter par minute un écu
bien placé. Dans toutes les prisons, et
SANS-CŒUR s. m. Usurier des bagnes
notamment dans les prisons de la Seine,
et des prisons. les sans-cœur exercent paisiblement leur
Il y a dans toutes les corporations infâme métier sous les yeux des agents
d’hommes, quelque misérables qu’elles de l’autorité; ils prêtèrent par exemple
soient, des individus qui savent toujours 6 francs à celui qui aura dissipé en un
tirer leur épingle du jeu, et mener bonne seul jour ce que ses parents ou ses amis
et joyeuse vie lorsque leurs compagnons lui auront remis pour une semaine, à la
meurent de faim. Les sans-cœur sont de charge par ce dernier de rendre 6 francs
ceux-là. Soit au bagne, soit dans une à l’époque convenue, et de laisser pour
maison centrale, leurs poches sont tou- servir de nantissement sa redingote ou
jours très bien garnies; tous sortent du son habit entre leurs mains.
bagne ou de la prison plus riches qu’ils
n’y sont entrés; quelques-uns même y Dans les maisons centrales, les sans-
acquièrent une jolie fortune, et parmi cœur avancent aux travailleurs, le
ceux-là je dois citer un individu nommé dimanche, moitié du prix du travail de la
Pantaraga, qui habitait au bagne de semaine suivante, et touchent le prix
Toulon la salle n° 3. total à leur lieu et place.
Cet homme joignait au métier d’usu- L’industrie des sans-cœur ne sert qu’à
rier celui de restaurateur des forçats, et favoriser toutes les passions mauvaises,
quoiqu’il fût obligé, pour conserver son l’intempérance, le jeu, etc., etc.; elle ne
privilège, de traiter gratis et bien rend aucun service aux malheureux
MM. les comes, sous-comes et argousins, il détenus, aussi l’autorité ne saurait
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SANS-BEURRE
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SANS-CHAGRIN
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SANS-CHÂSSES
été averti par un signe de ses camarades, SAPIN s. m. Soldat. Terme des voleurs
et qui malgré les soins qui lui ont été provençaux.
prodigués ne va pas mieux, dit qu’il a
SATOU s. m. Bois.
besoin pour se remettre d’aller faire un
tour et qu’il reviendra; puis il disparaît SATOUSIER s. Menuisier.
accompagné de ses compagnons, et,
SAUTER v. a. Cacher à ses camarades
comme on le pense bien, il ne revient
plus. une partie du vol qui vient d’être
commis. Lorsque les voleurs se dispo-
Tandis que les voleurs dont je viens de
sent à commettre un vol d’une certaine
parler opèrent, celui qui est venu la pre-
importance, ceux d’entre eux qui doi-
mière fois marchander des objets qu’il
vent rester en gafe, c’est-à-dire veiller,
n’a pas achetés, file le malheureux qu’on
afin que ceux qui opèrent ne soient pas
doit voler, et s’il le voyait revenir du côté
inquiétés, doivent craindre que ceux qui
de son domicile, il ferait en sorte de
entolent (qui entrent), ne gardent pour
l’accoster pour le retenir quelques ins-
eux la plus grande partie des objets pré-
tants, ou bien, il prendrait les devants
cieux; aussi ils se fouillent mutuelle-
afin de prévenir ses compagnons par un
ment après la consommation du vol,
grand coup de sonnette.
quelquefois cependant des billets de
Dans le courant du mois de novembre banque, des pierres précieuses, cachés
dernier, M. Keffer, marchand horloger, dans le collet d’un habit ou dans
rue Jean-Jacques-Rousseau, n° 18, vint quelque autre lieu secret, échappent aux
me trouver après avoir été victime d’un plus minutieuses recherches; c’est ce
vol commis par des batteurs de dig dig, que les voleurs appellent faire le saut.
et accompagné de toutes les circons-
tances détaillées plus haut. Deux jours Un vol, indiqué par la femme de
après la visite du sieur Keffer, j’étais par- chambre, devait être commis dans une
venu à découvrir les coupables, qui maison sise place des Italiens; les
furent mis immédiatement entre les voleurs convinrent entre eux que pour
mains de la justice. que l’esgard ne fût pas fait, les vêtements
de tous les opérateurs seraient brûlés
Il est malheureux d’être forcé de
aussitôt après la consommation du vol,
recommander de ne se montrer humain
ce qui fut exécuté; cependant un indi-
qu’à bon escient. Mais les batteurs de
vidu nommé Dubois, ancien marinier,
dig dig sont en même temps si adroits et
esgara vingt billets de 1 000 francs, en
si audacieux, qu’on ne saurait prendre
les cachant dans sa queue.
de trop minutieuses précautions pour se
mettre à l’abri de leurs atteintes. On a vu souvent des tireurs voler une
montre d’or et ne passer au coqueur
SANS-CHÂSSES s. Aveugle.
qu’une montre de crisocal.
SANS-CONDÉ adv. Clandestinement.
SAUTER À LA CAPAHUT. Assassiner son
SANS-DOS s. m. Tabouret. complice pour lui enlever sa part de
SANS FADE adv. Sans partage. butin. L’origine de ce terme est assez
curieuse. Un voleur, nommé Capahut,
SANS-LOCHES s. m. Sourd.
qui a désolé fort longtemps Paris et les
SANS RIGOLE adv. Sérieusement. environs, et qui a terminé sa carrière sur
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SAUTERELLE
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SOLLICEUR À LA POGNE
133
SUCE LARBIN
pour attaquer les châteaux et les fermes très ordinaire; il appelait cela travailler
où ils croyaient trouver de l’argent. en lime sourde. Il expia ses forfaits sur la
Souvent le château sur lequel les sua- place de l’Hôtel-de-Ville.
geurs avaient jeté leur dévolu était cerné, SUCE LARBIN s. m. Bureau de place-
escaladé, et avant que ses habitants eus- ment de domestiques. Les bureaux de
sent eu le temps de se reconnaître, ils placement, tels qu’ils existent mainte-
étaient saisis et garrottés; le maître de la nant, nuisent à ceux qui se font servir, et
maison était alors amené devant une à ceux qui servent, aussi le mal qui
cheminée dans laquelle on avait fait un résulte de leur existence est-il visible à
grand feu, et le chef de la bande lui tous les yeux. Les quelques notes qui
demandait son argent, s’il ne faisait pas suivent, sont extraites du prospectus
connaître de suite le lieu dans lequel il que je publiais lorsque je me détermi-
était caché, on le menaçait de lui brûler nais à fonder, sous le titre de l’Intermé-
les pieds, et cette menace n’était que diaire, une agence qui, j’ose le croire,
trop souvent exécutée. aurait rendu d’éminents services à la
Beaucoup de personnes ont été cruel- société si elle avait été mieux comprise.
lement mutilées par les suageurs, qui « Un décret impérial du 10 octobre
très souvent ne se contentaient pas de 1810 fixa la position des individus qui
brûler les pieds de ceux qui se mon- étaient ou qui voulaient se mettre en
traient récalcitrants, et qui quelquefois service en qualité de domestiques; ce
se servaient du soufflet, supplice inventé décret, à la fois juste et sévère, prévoyait
par le nommé Chopine, dit le Nantais, tous les abus.
l’un des plus intrépides et des plus « Les bons domestiques l’accueillirent
cruels suageurs de la bande de Sallam- avec plaisir; l’homme probe ne redoute
bier. pas les investigations, il sait fort bien
Un autre individu de la même bande, qu’il ne peut que gagner à être connu;
nommé Calandrin, dit le Parisien, avait mais ceux dont la conscience n’était pas
proposé d’arracher les ongles à tous nette, employèrent tous les moyens que
ceux qui n’avoueraient pas de suite tout leur suggéra leur imagination pour
ce qu’on exigerait d’eux, et cette propo- éluder et paralyser les effets qu’il devait
sition avait été acceptée. produire : celui qu’ils adoptèrent devait
Capahut, dont j’ai parlé ci-dessus, nécessairement réussir, à une époque où
avait aussi fait partie d’une bande de la police était ombrageuse et la popula-
chauffeurs dans les environs de Paris. tion inquiète.
Comme on a pu le voir, assassiner ses « Si vous parlez de la police à la plu-
camarades pour s’approprier leur part part des habitants de Paris, ils croiront
de butin, n’était pour lui qu’une action tout ce que vous voudrez bien leur dire,
1. Le père Cornu, dont j’ai parlé dans mes Mémoires, avait trois garçons et deux filles : les
garçons sont morts tous les trois sur l’échafaud, et les deux filles en prison. Le caractère de
l’une d’elles, nommée Marguerite, était si cruel, qu’un jour, après avoir de complicité avec
toute sa famille commis un triple assassinat, elle porta la tête de l’une des victimes dans son
tablier pendant tout le temps qu’elle mit à faire plusieurs lieues.
134
SUCE LARBIN
ils flétriront du nom de mouchard tous voir, les rend au domestique et tout est
les individus dont ils ne connaissent pas dit; souvent aussi, pour ne point se
les moyens d’existence. donner la peine de s’habituer à un nom
« Les domestiques, presque tous nouveau, il donne à celui qu’il vient de
doués d’une certaine finesse et d’une prendre à son service le nom de son pré-
grande perspicacité, avaient remarqué décesseur, il se nommait Pierre, le nou-
cette tendance des esprits, ils l’exploitè- veau se nommera Pierre; le domestique
rent à leur profit. dont les intentions sont mauvaises, loin
« Lorsqu’ils se présentaient pour de s’opposer à cette manie, la fait naître;
obtenir une place et qu’on leur deman- qu’arrive-t-il ensuite? Pierre vole et se
dait l’exhibition de leur livret, ils répon- sauve; où chercher Pierre?
daient : “Monsieur ignore sans doute « L’impunité enhardit les fripons :
que tous les porteurs de livret sont lorsqu’un domestique a commis un vol
vendus à la police; nous n’avons pas de peu d’importance, un couvert, une
voulu en prendre afin de ne pas être montre, etc., le maître qui ne veut pas
contraints à exercer l’ignoble métier de sacrifier au juge d’instruction et aux
mouchard.” Si cette réponse eût été audiences de la cour d’assises un temps
seulement celle de quelques individus, qu’il peut employer plus agréablement,
ce grossier subterfuge n’aurait trompé le chasse et lui dit d’aller se faire pendre
personne; les domestiques sentirent ailleurs. Qu’arrive-t-il encore? Le
cela, aussi lorsqu’ils se trouvaient avec domestique ne va pas se faire pendre, il
ceux de leurs camarades possesseurs du va voler ailleurs; encouragé par l’indul-
livret qu’ils n’avaient pu obtenir, ils gence de son maître, il ne s’arrête plus à
disaient : “J’obtenais aujourd’hui une des bagatelles, il tente un coup hardi, et
excellente place, si je n’avais pas eu la s’il réussit il peut aisément se soustraire
maladresse de montrer mon livret; les aux recherches puisque l’on ignore
maîtres pensent que l’on n’en délivre jusqu’à son véritable nom.
qu’à des agents secrets de la police.”
Crédules comme tous les honnêtes « Ainsi sapé dans ses fondements, par
gens, les bons domestiques croyaient la ruse des domestiques et l’insouciance
cela, et lorsqu’à leur tour ils se présen- des maîtres, le décret de 1810 ne vécut
taient dans une maison nouvelle, ils pas longtemps : c’est souvent le sort des
cachaient avec soin leur livret. meilleures institutions.
« Les mauvais domestiques furent et « Aujourd’hui rien ne régit la classe si
sont encore favorisés dans leurs desseins nombreuse des domestiques (dans Paris
par l’indifférence coupable des maîtres, seulement on en compte plus de quatre-
qui ne cherchent pas assez à connaître vingt-dix mille), les effets déplorables de
l’homme qu’ils admettent dans leur cet état de choses sont visibles à tous les
intérieur, auquel ils confient leur for- yeux; les crimes nombreux commis par
tune et leur vie; ces derniers n’exigent des individus de cette profession épou-
de cet homme que des certificats sans vantent non seulement les gens obligés
authenticité; et qui, s’ils ne sont faux, de se faire servir, mais encore le phi-
sont très souvent arrachés à la complai- lanthrope qui désire l’amélioration des
sance; le maître les examine sans les classes infimes.
135
SUCE LARBIN
« Une cause qui contribue puissam- avec le domestique ayant de bons répon-
ment à démoraliser les domestiques, est dants. Un autre inconvénient des
la multitude de bureaux de placement bureaux de placement, moins grave il
qui infestent la capitale (on en compte est vrai, mais cependant très désa-
plus de trois cents); la Gazette des tribu- gréable, est celui-ci : vous demandez un
naux a plus d’une fois donné la mesure cocher, on vous envoie un pâtissier, vous
de la moralité des individus qui dirigent voulez un cuisinier, c’est un palefrenier
ces sortes d’établissements (nous appre- que l’on vous adresse.
nons au moment de mettre sous presse, « Si les bureaux de placement nuisent
que les tribunaux viennent de faire jus- aux maîtres, ils nuisent aussi aux bons
tice de deux de ces forbans. La Gazette serviteurs; alléchés par des annonces
des tribunaux rapporte, que les sieurs mensongères, ces hommes laborieux
Prévost et Turquin, directeurs du grimpent bravement les quelques étages
bureau de placement rue Saint-Denis, qui conduisent au cabinet du distribu-
n° 357, viennent d’être condamnés à un teur de places, paient une somme plus
an de prison, cent francs d’amende, et à ou moins forte, et sortent bercés par
la restitution des sommes nombreuses l’espérance d’obtenir un emploi qui
extorquées par eux). Tout le monde sait n’existe que sur le carton qui leur a servi
que leur but unique est de gagner de d’appeau. Les directeurs de bureaux de
l’argent; pour arriver à ce but ils doivent placement ont aussi des compères chez
désirer des mutations, car plus il y a de lesquels ils envoient des sujets qui arri-
mutations, plus il y a d’inscriptions à vent toujours trop tard.
recevoir.
« Lorsque l’on a toujours vécu dans
« Dans toutes les professions centrali- une certaine sphère, on ne trouve sou-
sées, lorsqu’un individu commet une vent dans son cœur que du mépris pour
faute, si elle est légère il se corrige, si elle ces individus que la société repousse de
est grave ou s’il y a récidive, il doit dispa- son sein, et tout le monde sait que le
raître de la corporation; les bureaux de mépris éloigne la compassion : dans la
placement qui admettent sans examen carrière pénible que j’ai parcourue, j’ai
préalable tous ceux qui se présentent, pu étudier des mœurs qui échappent
donnent aux mauvais domestiques la aux yeux des gens du monde; j’ai eu le
faculté de se produire comme des courage de fouiller les sentines de la
hommes nouveaux autant de fois qu’il y prostitution, et à quelques variantes
a d’établissement de ce genre; les près, j’ai toujours entendu la même his-
maîtres qui choisissent là leurs servi- toire. Une jeune fille arrive à Paris;
teurs sont donc continuellement lorsqu’à sa descente de voiture elle ne
exposés, et, sans qu’ils s’en doutent, trouve pas certaine courtière, elle porte
leurs domestiques (que l’on me ses pas vers le premier bureau de place-
pardonne cette comparaison) jouent ment, paye et attend patiemment la
chez eux le rôle de l’épée de Damoclès : place qui lui a été promise; le dénue-
au premier jour ils s’éveil-lent et ment, la misère arrivent avant la place,
sonnent leur domestique, il ne vient pas, et bientôt, ne sachant plus que faire, il
ils se frottent les yeux et cherchent leur faut qu’elle se prostitue à un de ces
montre; plus de montre, elle a disparu vieux libertins qui n’oseraient s’adresser
136
SUCE LARBIN
137
SUCE LARBIN
de sa vie tout entière. Une correspon- mais qui peuvent être brisés sans
dance sera établie avec MM. les maires remords; cette funeste tendance des
de toutes les communes de France qui esprits a fait plus de coupables peut-être
voudront bien, sans doute, encourager que les vices naturels à l’homme, dont
mes efforts et m’adresser ceux de leurs l’éducation n’a pas corrigé les mœurs :
administrés qui viendraient à Paris pour le domestique qui ne reçoit en échange
servir. Aucun domestique ne sera admis de son travail, de ses soins, de son
à l’agence qu’il n’ait préalablement dévouement même, que de l’argent seu-
établi son individualité d’une manière lement, se dégoûte bientôt d’une chaîne
positive, et justifié de l’emploi de son dont l’espoir d’un meilleur avenir ne
temps depuis sa sortie de son pays. vient pas alléger le poids; il se sert, pour
« Une carte dont le domestique sera quitter cette position devenue insuppor-
porteur pour être envoyé en place, fera table, de tous les moyens qui se présen-
connaître ses nom, prénoms, ses antécé- tent à son esprit : aussi tel individu a
dents, etc., etc.; les maîtres sauront manqué à sa destinée qui devait être
donc enfin quelles sont les mœurs, les celle d’un honnête homme, parce que
habitudes et le caractère de leurs servi- ses protecteurs naturels n’ont pas su
teurs. deviner le fruit caché sous une rude
« Comme on l’a déjà dit, les mauvais écorce. Il existe malheureusement des
seront impitoyablement repoussés, les hommes essentiellement vicieux et
bons, au contraire, seront protégés, contre lesquels tous les correctifs doi-
aidés et secourus en cas de besoin. vent échouer; mais il en est, et le
« Je ne prétends pas avancer que ces nombre de ceux-là est plus considérable
mesures détruiront de suite le mal, le qu’on ne le pense, dont les fautes sont
temps seul peut opérer des prodiges; excusables, si l’on veut bien avoir égard
mais si les maîtres veulent bien, en aux circonstances qui les ont fait com-
s’adressant exclusivement à moi, mettre.
seconder mes efforts, le bien ne tardera « Autrefois il n’était pas rare de ren-
pas à se faire sentir. contrer des domestiques qui honoraient
« Les domestiques sortis de l’adminis- leur profession par des sentiments
tration devront donc jusqu’à un certain élevés et une probité à toute épreuve,
point inspirer de la confiance, car enfin cela se conçoit; autrefois le domestique
ils seront connus, et leur vie passée sera était un des membres de la famille; le
la garantie morale de leur vie à venir. maître savait lui pardonner les fautes
« On appréciera, j’ose l’espérer, ce que légères, les défauts de caractère, il
je viens de dire, et pour être bien com- s’occupait de son bien-être, il cherchait
prises, mes raisons n’ont pas besoin de à lui rendre sa position supportable, et
plus longues explications : que l’on me lorsque les années avaient blanchi sa
permette seulement les quelques lignes tête, il assurait son avenir. Aujourd’hui
qui suivent et qui doivent nécessaire- s’ils ne vont pas mourir à l’hôpital, les
ment terminer ce discours. domestiques périssent d’inanition sur la
« Ceux qui se font servir considèrent voie publique.
aujourd’hui leurs domestiques comme « On doit à tous les hommes, quelle
des instruments nécessaires sans doute, que soit d’ailleurs leur position sociale,
138
SUER UN CHÊNE SUR LE TRIMARD (FAIRE)
139
SURBINE
conditions qui ont été énumérées par de insignifiant, l’expérience m’a démontré
plus habiles que moi. Ces conditions, la vérité de ce que j’avance ici. La plu-
dans l’état actuel de notre société sont- part des enfants que j’avais vus errer
elles observées? Je ne le crois pas. sans but sur la voie publique sont
La famille des voleurs, je dois en devenus après avoir commencé par des
convenir, est beaucoup plus nombreuse riens, d’éhontés voleurs, et sont enfin
qu’on ne se l’imagine, et je ne parle ici tombés entre mes mains.
que de ceux qui violent ouvertement les Mais, me répondra-t-on, tous les
lois pénales du pays. Il en est de même enfants du peuple ne sont pas élevés
des causes qui leur donnent naissance. ainsi : il y a des salles d’asile. D’accord,
Elles sont nombreuses aussi, et leur
mais les salles d’asile, institutions émi-
énumération formerait sans peine la
nemment utiles, ne sont pas assez nom-
matière de deux volumes semblables à
breuses pour que tous les enfants
ceux-ci. Je ne parlerai donc que des
puissent en obtenir l’accès. Il y a aussi
principales : le manque d’éducation, la
des écoles spécialement destinées aux
misère, les passions.
enfants du peuple. Apprend-on dans ces
Le manque d’éducation. Presque tous écoles, et même dans celles d’un ordre
les voleurs sortent des rangs du peuple. plus élevé, à respecter les lois du pays?
Pourquoi? Il n’est pas difficile de
Non. On peut donc, jusqu’à un certain
trouver une réponse à cette question.
point, croire que celui qui commet un
Les gens du peuple, sauf quelques premier crime, et qui est jeune encore,
rares exceptions, quittent leur domicile ne pèche que par ignorance. Puisque
le matin pour aller à leurs travaux, et n’y tous les Français doivent connaître la
rentrent que le soir pour souper et se loi, apprenez la loi à tous les Français.
livrer au sommeil. Ceux d’entre eux qui Mais tous les parents ne voudraient
ont des enfants les laissent courir toute peut-être pas envoyer leurs enfants aux
la journée dans la rue, et ne cherchent à
salles d’asile? Cela n’est pas probable;
savoir ni ce qu’ils ont fait, ni ce qu’ils ont
mais on pourrait les y contraindre, car le
appris. Et c’est parce qu’ils croient qu’il
droit de faire le bien est un droit incon-
vaut bien mieux les laisser courir que de
testable.
les enfermer, qu’ils agissent ainsi, ce
n’est point par indifférence. Oh! non, La misère. Il y a, dit-on, du travail pour
les gens du peuple aiment leurs enfants. tout le monde, cependant ceux qui
Ces enfants, livrés ainsi à eux-mêmes, avaient écrit sur leur drapeau vivre en
sans autre guide que leur libre arbitre, travaillant ou mourir en combattant,
envient le sort de ceux de leurs cama- n’avaient pas de travail. Cependant,
rades qui peuvent jouer au bouchon et tous les jours les tribunaux condamnent
acheter quelques friandises, et ils ne des individus qui n’ont ni domicile, ni
manquent pas de faire comme eux. Ils moyens d’existence, et qui cependant
dérobent quelques objets de mince ne sont pas encore devenus voleurs. Si
valeur à l’étalage d’une boutique, puis ces individus avaient trouvé l’occasion
ils s’aguerrissent et deviennent d’auda- d’utiliser leurs facultés, ils n’auraient
cieux voleurs. Que l’on ne croie pas que probablement pas manqué de la saisir,
je tire une conséquence grave d’un fait car je l’ai déjà dit, et je le répète, leur
140
SURBINE
misère est une présomption en leur plus précieux et le dernier de ses biens,
faveur. la liberté, aller trouver le commissaire de
Les passions. Les gens qui ont toujours police de son quartier, et lui demander
vécu dans l’abondance, qui n’ont jamais ce qu’alors il obtiendra, du pain en
eu le temps de former un désir, conçoi- échange de son travail; lorsque enfin,
vent difficilement que l’on commette un quelques lois préventives seront écrites
crime, une mauvaise action, même pour à côté des lois répressives de notre
satisfaire une passion. Il est très facile Code, alors seulement il sera permis de
d’être vertueux lorsque l’on possède. se montrer sévère sans cesser d’être
S’ils devenaient malheureux, ils auraient juste; car personne ne pourra jeter au
probablement un peu plus d’indulgence visage du magistrat qui, lorsqu’il est
pour celui qui ne s’est jamais couché assis sur son siège, représente la société
dans un bon lit, qui passe les trois quarts tout entière : « J’ai volé pour manger, je
de sa vie exposé à toutes les injures du veux bien m’acquitter de la tâche qui
temps, qui mange du pain sec à la fumée m’est imposée, mais je suis homme, j’ai
de leurs cuisines, et qui vole pour se le droit de vivre, et la société dont vous
procurer quelques jouissances. êtes le représentant n’a pas celui de me
Lorsqu’il existera des écoles dans les- laisser mourir de faim. » Maintenant il
quelles les enfants du peuple recevront faut admirer ceux qui restent vertueux,
une éducation proportionnée à leurs plaindre ceux qui succombent, leur
capacités; lorsque des professeurs tendre la main lorsqu’ils ont expié leurs
seront chargés de leur faire connaître et fautes, et chercher avec soin les moyens
respecter les lois du pays et de leur de les empêcher de succomber de
apprendre par leurs paroles, et surtout nouveau 1.
par leur exemple, à chérir la vertu;
lorsqu’en sortant de ces écoles, ils pour-
ront entrer dans un établissement pour y II
apprendre un état, et y contracter des
habitudes d’ordre et de sobriété. On peut conclure de ce qui précède
Lorsque l’homme dénué de ressources qu’il y a, parmi les hommes qui languis-
pourra, sans craindre de se voir ravir le sent dans les bagnes et dans les maisons
141
SURBINE
centrales, des individus qui, quoique Ce n’est pas tout encore, les individus
bien coupables sans doute, doivent dont je parle reçoivent souvent des
cependant inspirer quelque intérêt. secours de leurs camarades libres; ils
rient, chantent et boivent; les autres, au
Mais il y a aussi, dans les bagnes et
contraire, sont abandonnés de tous,
dans les maisons centrales, des hommes
aussi l’envie de jouir des mêmes avan-
qui exercent depuis si longtemps, qui se
tages les engage à profiter des leçons
sont si bien familiarisés avec tous les
qu’on veut bien leur donner; le mépris,
crimes, et dont la nature est si cor-
que les grands coupables et quelquefois
rompue, que tous les correctifs possibles
même les employés subalternes de la
doivent échouer contre eux; de ces prison dans laquelle ils sont détenus leur
hommes, en un mot, dont on doit déses- témoignent, les humilie, et rien ne leur
pérer, et qui doivent être regardés coûte pour conquérir l’estime de ceux
comme des membres gangrenés du auxquels d’abord ils ne pouvaient
corps social; membres qu’il faut retran- penser sans éprouver un sentiment
cher si l’on ne veut pas que le corps tout d’horreur; cela est si vrai, que j’ai vu
entier périsse; l’unique occupation de plus d’une fois des hommes s’accuser de
ces hommes est de chercher à cor- crimes qu’ils n’avaient pas commis, pour
rompre ceux qui ne pensent pas comme acquérir le droit de dire qu’ils apparte-
eux. naient à la haute pègre.
Les grands coupables, les voleurs qui L’argot est à peu près la seule langue
ont donné des preuves de hardiesse et qui soit parlée dans les prisons et dans
de capacité, sont beaucoup mieux les bagnes, même par les employés
traités dans les bagnes et dans les mai- supérieurs et inférieurs. Ce jargon dont
sons centrales, que ceux qui expient une tous les mots expriment les choses du
faute légère au bagne; les places de bar- métier familiarise avec elles.
berot, de payot, dans les maisons cen- L’autorité ne tient pas le moindre
trales, celles de conducteur de travaux, compte des efforts que fait le prisonnier
leur appartiennent de droit, et cela se pour reconquérir l’estime qu’il a per-
comprend : ils sont ordinairement plus due; les condamnés savent cela, et bien
actifs, plus industrieux que les autres, ils certains que l’on ne croira même pas à
ne se laissent pas abattre par la mauvaise leur repentir, ils se livrent à leurs pen-
fortune, et l’administration à laquelle ils chants au lieu de les combattre.
rendent souvent d’importants services, Le mépris que l’on témoigne aux
et qui craint sans cesse qu’ils ne parvien- condamnés, la rudesse avec laquelle on
nent à tromper sa vigilance, leur accorde les traite, les humiliations qu’on leur fait
tout ce qu’elle peut leur accorder. éprouver, finissent par leur persuader
Daumas-Dupin, exécuté à Paris il y a qu’ils n’appartiennent plus à la société,
quelques années, était payot au bagne et cela ne doit pas étonner, on prend
de Toulon, et au moment où j’écris pour ainsi dire le soin de leur apprendre
l’assassin Fort occupe la même place au qu’ils seront repoussés de tous lorsqu’ils
bagne de Brest, et peut se promener par seront rendus à la liberté, et que des
la ville accompagné d’un garde- remords véritables, une bonne conduite
chiourme. soutenue, n’effaceront pas la tache qui
142
SURBINE
est imprimée sur leur front. Est-il donc J’ai vu des exemples de correction bien
étonnant qu’ils se découragent et finis- frappants. J’ai employé des hommes qui
sent par croire qu’ils doivent accepter la n’avaient jamais exercé qu’une seule
guerre que la société leur propose? profession, celle de voleur, qui avaient
J’ai dit à la fin du premier paragraphe subi plusieurs condamnations, que l’on
que l’homme qui restait toujours ver- devait en un mot croire incorrigibles,
tueux devait être admiré, je dois dire, en cependant, je n’eus jamais l’occasion de
terminant celui-ci, que l’on ne saurait me plaindre d’eux. Je puis le dire à
témoigner trop de reconnaissance à haute voix, pas un seul des libérés que
celui qui, lorsque tant d’éléments de j’ai employés n’a commis une infidélité
corruption ont été, pour ainsi dire, pendant qu’il était sous mes ordres.
ligués contre lui, ne sort pas du bagne Quelques-uns furent renvoyés soit pour
ou de la prison plus mauvais qu’il n’y est ivrognerie, soit pour incapacité, et
entré. replacés en surveillance dans les
départements; c’est alors seulement
III qu’ils se firent condamner de nouveau.
Je le répète, parce que j’en ai l’intime
Personne encore ne s’est occupé sérieu- conviction, la plupart des libérés
sement du sort des libérés; on a cru pro- peuvent être amenés à résipiscence.
bablement qu’ils n’étaient point Beaucoup de condamnés pourraient
susceptibles de se corriger, ou bien que donc reprendre dans la société la place
l’entreprise n’était pas assez importante qu’ils occupaient précédemment, si la
pour être tentée. Cependant, si l’on surveillance ne venait pas les saisir à leur
voulait bien essayer de ramener insensi- sortie de prison.
blement les libérés sur la bonne voie, je
crois que la morale et l’humanité gagne-
raient quelque chose à cet essai. IV
Si le législateur n’avait pas pensé que
les hommes qui ont failli pouvaient se Beaucoup de personnes très estimables
corriger, et redevenir meilleurs, il aurait du reste, et dont la bonne foi ne saurait
sans doute conservé le code de Dracon. être mise en doute, considèrent la sur-
Mais s’il a voulu proportionner les veillance comme une mesure éminem-
peines aux crimes et aux délits; s’il a ment utile. Il leur paraît juste et naturel
laissé aux magistrats chargés de les à la fois, que la société ait les yeux tou-
appliquer la faculté de les modérer jours fixés sur ceux de ses membres qui
encore, suivant que le coupable leur
ont violé ses lois, et qui, par le fait seul
paraîtrait mériter, soit par ses antécé-
de cette violation, se sont volontaire-
dents, soit par son repentir, plus ou
ment mis en état de suspicion légitime.
moins d’indulgence, c’est qu’il avait au
contraire la conviction que l’homme Il est malheureusement plus facile de
condamné à une peine temporaire pou- rétorquer par des faits que par des
vait s’amender, se corriger et reprendre raisonnements les arguments que ces
dans la société la place qu’il n’avait que personnes avancent pour soutenir leur
momentanément perdue. opinion.
143
SURBINE
La surveillance serait une mesure utile, condamnation elle-même pour ceux qui
si nous étions tous exempts de préjugés. sont soumis, à l’expiration de leur peine,
Malheureusement il n’en est pas ainsi. à la surveillance de la haute police. Et, je
Quoique nous soyons, dit-on, le ne crains pas de le dire, les libérés qui
peuple le plus éclairé de la terre, les pré- n’ont point de fortune doivent opter
jugés nous dominent encore. Lorsqu’un entre deux partis, mourir ou redevenir
débiteur a payé ce qu’il devait, personne ce qu’ils étaient. Mourir! tous les
ne vient lui reprocher les retards qu’il a hommes n’ont pas assez de courage
mis à acquitter sa dette. La position du pour cela. Le libéré repoussé durement
libéré est, suivant moi, tout à fait sem- par cette société que jadis il a offensée,
blable à celle du débiteur retardataire. Il mais à laquelle cependant il ne doit que
devait à la société une réparation quel- ce que tous les hommes doivent,
conque, et s’il s’est acquitté en subissant reprend ses anciennes habitudes, il va
la peine qui lui a été infligée, pourquoi retrouver ses camarades du temps
donc lui reprocher sans cesse la faute ou passé, qui lui donnent ce qui lui
le crime qu’il a commis; pourquoi le manque, un asile et du pain, et bientôt il
repousser impitoyablement? Lorsque redevient malgré lui ce qu’il était jadis.
les Pharisiens voulurent lapider la Qui donc a tort? C’est la société; ce
femme adultère : « Que celui qui est sont les préjugés. Pourquoi ne pas
sans péché lui jette la première pierre », écouter l’homme qui vient à résipis-
dit le Rédempteur, et la femme adultère cence, l’homme auquel une circons-
vécut pour se repentir. Vous êtes donc tance souvent indépendante de sa
plus purs que le Rédempteur, vous tous volonté, une mauvaise éducation, une
qui êtes sans pitié. passion qui n’a pas été combattue ont
Je connais des gens qui occupent dans fait commettre une faute quelquefois
le monde de très belles positions, et qui involontaire, et souvent excusable?
méritent sous tous les rapports l’estime Pourquoi se montrer inhumain pour le
qu’ils inspirent. Ces hommes cependant seul plaisir de l’être? À quoi sert un
ont tous subi des condamnations plus Code qui proportionne les peines aux
ou moins fortes. Eh bien! je le répète, ils délits, si le coupable est marqué pour
méritent l’estime qu’ils inspirent, et, toujours du sceau de la réprobation?
cependant, si leur position était connue, L’injuste préjugé créa la récidive.
ceux qui maintenant leur touchent la Que l’on ne croie pas que le libéré suc-
main, qui les admettent à leur table, s’en combe toujours sans avoir combattu.
éloigneraient comme on s’éloigne d’un Lorsque j’étais chef de la police de
lépreux ou d’un pestiféré. sûreté, des libérés qui avaient obtenu la
J’ai vu souvent des libérés parvenir, en permission de résider à Paris, et qui ne
cachant leur position, à se faire pouvaient trouver du travail, venaient
admettre dans un atelier, s’y très bien souvent me voir et me demander des
conduire durant plusieurs années, et secours. Je les secourus longtemps, mais
cependant en être ignominieusement enfin je fus forcé de cesser, alors ils volè-
chassés lorsqu’elle était connue. rent pour vivre.
Les conséquences de la condamnation Le séjour des grandes villes est interdit
sont donc cent fois plus terribles que la aux libérés, et cependant ce n’est que
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SURBINE
dans les grandes villes que ceux d’entre Belle garantie pour la société qu’une
eux qui exercent quelques-unes des somme de 100 francs!
professions qui se rattachent au luxe, En thèse générale, on doit mieux
peuvent trouver des moyens d’exis- penser de celui qui ne peut payer son
tence. cautionnement que de celui qui, le jour
Ils sont souvent envoyés en résidence même de sa sortie de prison, s’empresse
là où ils n’ont ni parents ni amis! Que de porter au bureau de police de sa
peuvent-ils faire? commune la somme exigée par l’admi-
nistration.
Si la surveillance était efficace, si elle
C’est cependant pour lui que sont
prévenait toutes les récidives, je com-
réservées toutes les rigueurs de la police,
prendrais qu’elle fût conservée, dût la
on ne s’occupe pas plus des autres que
mort de tous les libérés bons ou mauvais
s’ils n’existaient pas.
s’en suivre. Les intérêts particuliers doi-
vent toujours céder le pas aux intérêts Je connais à Paris un libéré du bagne
généraux; mais, je ne crains pas de le de Lorient qui porte à sa boutonnière
dire, la surveillance ne sert absolument à trois décorations : la Légion d’honneur,
rien. Saint-Louis et la croix de Juillet. J’ai vai-
nement signalé cet homme à la police,
On peut s’y soustraire moyennant on ne lui a jamais demandé, du moins je
100 francs. dois le croire, seulement d’où ni de qui il
En bonne morale, si on laisse subsister tenait ces décorations. Si cet homme
la surveillance, il ne devrait jamais être s’était amendé, je n’en parlerais pas;
permis au libéré de s’en affranchir, car mais il est encore ce qu’il était jadis, un
dans l’état actuel de notre législation, si insigne fripon, et son unique métier est
les magistrats chargés d’appliquer les d’exploiter le commerce de Paris et des
lois ont infligé à un homme la peine de départements, il est devenu l’un des
la surveillance, c’est que probablement plus habiles faiseurs de la capitale; aussi
il la mérite. Eh bien, je le demande, je crois rendre à mes lecteurs un impor-
n’est-il pas ridicule que la possession tant service en leur esquissant le portrait
d’une somme de 100 francs puisse de cet individu. Il peut être âgé
rendre nuls les effets de la loi? Est-ce d’environ cinquante-cinq ans, sa taille
que cette fatale tendance de notre est élevée, ses manières sont celles de la
siècle, qui n’accorde des vertus qu’à bonne compagnie, ses cheveux sont gris,
celui qui possède, serait devenue une et sa physionomie assez agréable; il est
règle assez générale pour ne point souf- toujours paré du ruban de ses décora-
frir d’exceptions? Croit-on par hasard tions.
que le libéré qui peut acheter sa sur- Je ne signale cet individu que pour
veillance est plus vertueux qu’un autre? prémunir les commerçants qu’il pourrait
S’il en est ainsi, on se trompe bien gros- attaquer, et qui, s’ils n’étaient pas pré-
sièrement, le libéré qui veut mal faire a venus, succomberaient infailliblement,
bientôt trouvé dans la poche de ses car le sieur P. A… ne manque ni d’esprit
camarades ou dans celle du premier ni d’instruction; il peut sans peine
receleur venu, ce qui lui manque pour prendre toutes les formes, même celle
être tout à fait libre. d’un honnête homme.
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SURBINE
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SURBINE
N° D’ENREGISTREMENT
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SURBINE
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SURBINE
ainsi; il possédait quelques biens qu’il ensuite colportée chez les autres mem-
fit valoir. Enfin, il parvint à oublier près bres du conseil dont, il faut bien le
de sa femme et de ses enfants, les souf- croire, la religion fut surprise, car Cros-
frances qu’il avait éprouvées. nier possède des certificats signés d’eux,
Grâce à une conduite régulière et à et qui ôtent toute valeur à la délibéra-
une sage administration de ses biens, tion du conseil municipal de Maure-
Crosnier est aujourd’hui un des plus court. Cependant cette délibération
aisés habitants de la commune qu’il ainsi faite fut envoyée au préfet du
habite, et il possède l’estime de tous département. Il y était dit que le conseil
ceux qui le connaissent. ne pouvait délivrer le certificat
Persuadé que l’on ne pouvait lui qu’autant que Crosnier sortirait de la
refuser sa réhabilitation, et pour obtenir commune.
le certificat de bonne conduite exigé par La loi, article 620 du Code d’instruc-
l’article 620 du Code d’instruction cri- tion criminelle, ayant été mal inter-
minelle, Crosnier se présenta devant le prétée par le conseil municipal de
sieur Memacle, maire de sa commune, Maurecourt, ou plutôt par le maire de
assisté d’un conseil pourvu de procura- cette commune, M. le préfet renvoya à
tion. ce dernier la décision en question, avec
Fort du témoignage de sa conscience, l’ordre de convoquer le conseil de nou-
et ne craignant pas que le maire pût lui veau, afin de savoir par une nouvelle
dire qu’il n’avait pas de droits à recou- décision s’il avait lieu d’accorder le cer-
vrer sa qualité de citoyen, Crosnier le tificat, et, dans le cas contraire, énoncer
pria de vouloir bien convoquer le conseil les motifs de l’empêchement.
municipal de la commune. Le sieur Peu de temps après, le fondé de pou-
Memacle lui répondit qu’il ne le pouvait voir de Crosnier, après avoir acquis la
sans y être autorisé par M. le préfet du certitude que M. le préfet avait envoyé
département de Seine-et-Oise; et il un nouvel ordre à M. Memacle, se
ajouta que Crosnier ne devait pas rendit à Maurecourt et le pria de vouloir
espérer une décision favorable. « Qu’ai- bien convoquer le conseil. « Je n’ai pas
je donc fait depuis que je suis dans la reçu d’ordre », répondit le maire, sans
commune ? dit alors Crosnier. — Je ne s’écarter du respect qu’il devait au
suis pas ici à confesse, répondit le maire. caractère que la loi accorde aux magis-
Je n’ai rien à vous dire; seulement soyez trats. Le fondé de pouvoir lui soutint
bien persuadé que vous n’aurez pas ma qu’il avait reçu quelques jours aupara-
protection. » vant cet ordre qu’il prétendait ne point
Crosnier, n’ayant absolument rien à connaître. Alors le sieur Memacle
craindre, se pourvut auprès de M. le s’emporta, et dit au fondé de pouvoir
préfet, et il en obtint, pour M. le maire, que, tant qu’il serait maire, Crosnier ne
l’autorisation de convoquer le conseil. serait pas réhabilité; qu’il recevait tous
Le conseil fut en effet convoqué; il les jours des voleurs et des forçats
était seulement composé de trois mem- libérés, et que journellement il lui parve-
bres. Une décision, rédigée à l’avance nait des plaintes contre lui.
par le maire, fut signée séance tenante C’est ici le lieu de faire remarquer que
par les trois membres présents, et fut c’est chez le sieur Memacle que fut
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SURBINE
commis le crime qui conduisit Crosnier majorité de sept voix contre cinq; ainsi
au bagne. donc, sur les douze hommes qui avaient
Quelques jours après, le fondé de pou- mission de prononcer sur le sort de
voir de Crosnier se trouva avec le sieur Crosnier, cinq ont cru à son innocence;
Memacle et un sieur Moret, membre du mais ce n’est point cela, un arrêt a
conseil municipal de la commune de condamné Crosnier, mon intention
Maurecourt, à la préfecture du départe- n’est point d’en contester la justice, mais
ment de Seine-et-Oise. Le sieur Crosnier a subi la peine à laquelle il a été
Memacle, qui n’avait point encore condamné; pendant tout le temps de sa
aperçu le fondé de pouvoir, dit au secré- captivité, il s’est fait remarquer par sa
taire général que Crosnier était craint de douceur, sa soumission, sa bonne
tous les habitants du pays, et que ce conduite. Crosnier, depuis dix ans qu’il
n’était que grâce à la terreur qu’il inspi- habite la commune de Maurecourt, n’a
rait qu’il trouvait à qui parler. Le fondé point, quoi qu’en dise le sieur Memacle,
de pouvoir crut que son devoir était donné le moindre sujet de plainte, c’est
d’intervenir, et il soutint au sieur ce que prouvent du reste les certificats
Memacle que ce qu’il avançait contre dont il est porteur, certificats émanés
Crosnier ne pouvait pas être, puisque ce des plus honorables propriétaires et
dernier était porteur de certificats qui cultivateurs de sa commune, parmi
émanaient de personnes trop recom- lesquels on en distingue trois qui ont
mandables pour qu’il fût permis de rempli la place occupée aujourd’hui par
croire qu’elles eussent, en les signant, le sieur Memacle, et sous l’administra-
cédé à un sentiment de crainte. Enfin, tion desquels Crosnier a vécu durant
après quelques autres explications de ce plusieurs années, et qui sont actuelle-
genre, il fut convenu que le sieur ment membres du conseil municipal
Memacle convoquerait le conseil, et que existant.
l’on verrait alors si la demande de Cros-
Le curé de la paroisse de Maurecourt,
nier devait lui être accordée.
homme éclairé, et qui comprend bien
En effet, une réunion du conseil muni- tous les devoirs de son saint ministère,
cipal eut lieu, et sa décision rejeta la estime Crosnier. Un des anciens maires
demande du pauvre Crosnier. dont je viens de parler est tout prêt de
Ce qui précède n’est rien autre chose répondre corps pour corps du pauvre
que le récit exact des faits qui se sont forçat, auquel cependant on refuse ce
passés dans une circonstance particu- que peut-être il paierait de sa vie même.
lière, mais ce récit suffira, du moins je
Il faut nécessairement qu’il y ait dans
l’espère, pour faire connaître les divers
cette affaire un dessous de cartes qu’il
obstacles que le libéré doit surmonter
est impossible d’apercevoir.
avant de pouvoir reprendre la place qu’il
occupait dans la société. Le vol commis Je veux bien croire que le sieur
par Crosnier était de très peu d’impor- Memacle comprend trop bien les
tance. De trois questions soumises au devoirs de sa charge pour vouloir faire
jury, la première fut résolue négative- servir le pouvoir que ses concitoyens lui
ment, et les deux autres ne furent réso- ont confié à la satisfaction de ses inimi-
lues dans un sens contraire qu’à la faible tiés personnelles.
150
SURFINE
Je veux bien croire même qu’il a tout à Cependant lorsque l’on condamne un
fait oublié le léger dommage que lui a homme, ce n’est qu’après l’avoir
fait éprouver Crosnier, mais si l’on exa- entendu lui ou son avocat.
mine avec soin sa conduite, elle peut J’ai cru devoir, dans l’intérêt du pauvre
paraître au moins extraordinaire. Crosnier, livrer à la publicité le récit des
M. Memacle, refusant à Crosnier ce faits qui précèdent, et je souhaite bien
que celui-ci lui demande, est tout à la vivement que l’autorité supérieure lui
fois juge et partie, ce qui n’est guère accorde enfin ce qu’il désire, et dont il
convenable. Un homme délicat, à la est si digne 1.
place de M. Memacle, s’il ne s’était pas SURFINE ou SŒUR DE CHARITÉ. Les
senti la force de pardonner, se serait voleurs donnent ce nom à des voleuses
récusé, et aurait laissé les choses suivre qui procèdent à peu près de cette
leur cours. Il est étonnant que manière :
M. Memacle, qui a été directeur du
L’âge de la sœur de charité est raison-
pouvoir exécutif en 1793, n’ait pas senti
nable, sa mise décente, même quelque
que son devoir était d’agir ainsi.
peu monastique, elle fréquente les
Il ne formule pas ses accusations, mais églises, assiste à toutes les messes, fait
cependant il accuse Crosnier. l’aumône, fait allumer des cierges, se
M. Memacle ne me paraît guère consé- confesse et communie au besoin; après
quent; ou ses accusations sont fausses, avoir quelque temps fréquenté une
ou il a manqué à ses devoirs en ne signa- église et s’y être fait remarquer par sa
lant pas à l’autorité judiciaire celui qu’il piété et son exactitude, la sœur de cha-
était chargé de surveiller. rité cause avec les employés de l’église et
M. Memacle a accusé Crosnier devant les prie de lui indiquer quelques nécessi-
le conseil municipal, et il n’a pas voulu teux dignes d’intérêt, car elle est, dit-
permettre au fondé de pouvoir de ce elle, chargée de distribuer les aumônes
dernier de venir y présenter sa défense. d’une riche veuve ; l’un des employés,
1. Les faits parlent plus haut que tous les discours possibles; aussi je ne puis me lasser de citer
des faits. Un individu, nommé Carré, à peine âgé de treize ans, fut néanmoins condamné à
seize années de travaux forcés pour un vol de deux lapins, commis de complicité à l’aide
d’effraction; mais, à raison de son âge, la peine qu’il avait encourue fut commuée en seize
années de prison. Carré se conduisit bien tant que dura sa captivité, et apprit l’état de polisseur
de boutons. Il fut assez heureux, lors de sa libération, pour trouver de l’occupation; et, durant
plusieurs années, il ne donna pas le moindre sujet de plainte; mais le métier qu’il exerçait étant
venu à tomber, il se trouva tout à coup dans la plus affreuse misère. Pendant longtemps il vint
tous les deux ou trois jours me voir, et à chaque visite je lui remettais trois ou quatre francs;
mais, craignant sans doute que je me lassasse de le secourir, il ne revint plus, et vola, dans une
cuisine, deux casseroles qui pouvaient valoir dix francs au plus; il fut arrêté pour ce fait, et con-
damné aux travaux forcés à perpétuité et à la marque.
Lors du départ de la chaîne, j’allai voir Carré, et, ne connaissant pas les circonstances qui
l’avaient porté à commettre un nouveau crime, je crus devoir lui adresser quelques reproches.
« Eh! Monsieur, me répondit-il, je ne pouvais trouver de l’ouvrage nulle part : j’étais repoussé
de tout le monde, je n’ai volé que pour être condamné de nouveau au bagne; du moins je
mangerai tous les jours. »
151
SURGEBÉ (ÊTRE)
soit la loueuse de chaises ou tout autre, dant qu’elle fouille dans les tiroirs, la
lui indique aussitôt quelques pauvres sœur de charité sait s’emparer adroite-
auxquels elle donne immédiatement ment de ces objets; cela fait, elle fait
deux ou trois francs, et elle se retire sortir le pauvre diable pour le mener de
après avoir pris leur adresse et leur avoir suite chez la noble dame qui veut bien
promis des secours plus considérables. s’intéresser à lui, mais avant d’être
Quelques jours après la sœur de cha- arrivée à la destination indiquée elle a
rité se rend chez un des pauvres qu’elle trouvé le moyen de s’en débarrasser.
a assisté, et lui dit qu’elle est heureuse Dans le courant de l’année 1814, deux
de pouvoir lui annoncer que Mme la mar- Romamichelles, la mère Caron et la
quise ou Mme la comtesse veut bien Duchêne, dévalisèrent, en procédant
prendre sa position en considération, et ainsi, un grand nombre de malheureux;
lui accorder quelques secours; « mais, elles avaient, à la même époque,
ajoute-t-elle, madame, qui ne veut point commis un vol très considérable au pré-
que ses bienfaits servent à satisfaire des judice du brave curé de Saint-Gervais;
passions mauvaises, ne donne jamais ces deux femmes, découvertes et arrê-
d’argent. Vous allez me dire ce qui vous tées par moi, furent condamnées deux
manque, et vous l’obtiendrez en mois après la consommation de ce der-
nature »; elle examine alors les effets de nier vol.
son protégé, fouille partout, car elle veut SURGEBÉ (ÊTRE) v. p. Être condamné en
acquérir la certitude qu’on ne simule dernier ressort.
pas des besoins que l’on n’éprouve
SURGEBEMENT s. m. Arrêt définitif en
point.
cassation.
Les pauvres honteux possèdent,
presque toujours, quelques débris de SUR LE GRIL (ÊTRE) v. p. Attendre le
leur fortune passée, qui servent à leur prononcé de son jugement.
rappeler des temps plus heureux; pen- STROC s. m. Septier.
152
TABAR
153
TANTE
1. Les prisonniers qui contractaient de semblables mariages ne faisaient, au reste, que ce que
fit Henri III qui passa avec Maugiron, celui de ses mignons qu’il aimait le plus, un contrat de
mariage que tous ses favoris signèrent, et qui donna naissance à un pamphlet intitulé : La Péta-
rade Maugiron. J’ai extrait de cet ouvrage le quatrain suivant, destiné à servir d’épitaphe à un
des seigneurs de la cour de ce monarque, ainsi qu’à sa famille.
Ci gist Tircis, son fils, sa femme, Tircis prit son fils pour sa femme,
Juge passant qui fis le pis, Sa femme eut pour mari son fils.
154
TAP BLANC
jamais s’être arrêté aux surfaces pour ne TAPETTE s. m. Faux poinçon servant à
pas dire ruca à ses frères, lorsque l’on marquer les objets d’or ou d’argent.
s’est couché sur le banc d’un bagne ou TAPIS s. m. Auberge, hôtel garni,
dans la galiote d’une maison centrale; cabaret.
car n’est-ce pas un spectacle à dégoûter
TAPIS DE REFAITE s. f. Table d’hôte.
l’humanité tout entière, que de voir des
hommes renoncer aux attributs, aux pri- TAPIS DE MALADES s. f. Cantine de
vilèges de leur sexe, pour prendre le ton prison.
et les manières de ces malheureuses TAPIS DE GRIVES s. f. Cantine de
créatures qui se vendent au premier caserne.
venu, de les voir lécher la main de celui
TAPIS FRANC s. Cabaret, hôtel garni ou
qui les frappe, et sourire à celui qui leur
auberge où se réunissent les voleurs.
dit des injures? et cela cependant se
passe tous les jours, et dans toutes les TAPIS VERT s. f. Plaine, prairie.
prisons, sous les yeux de l’autorité qui, TAPISSIER-ÈRE s. Aubergiste, maître ou
disent ses agents, ne peut rien y faire. maîtresse d’hôtel garni.
Vous ne pouvez rien y faire? dites-vous. TAROQUE s. f. Marque.
Pourquoi donc le peuple paie-t-il grasse-
TAROQUER v. a. Marquer.
ment des philanthropes et des inspec-
teurs généraux? Vous ne pouvez rien, TARTE adj. Qualité d’une chose fausse
mais il faut pouvoir; le prisonnier est ou mauvaise.
toujours un membre de la famille : la TARTELETTE adj. Qualité d’une chose
société qui vous a chargés de le punir, fausse ou mauvaise.
vous a en même temps donné la mission
* TARTOUFFE s. f. Corde.
de le rendre meilleur, car s’il n’en était
pas ainsi, le recueil de vos lois ne serait TAS DE PIERRES s. f. Prison.
qu’un recueil d’absurdités; la peine qui TAULE s. m. Bourreau.
ne répare rien est une peine inutile. TAULE s. f. Maison.
Rendez meilleurs les hommes vicieux,
TAUPAGE s. m. Égoïsme.
voilà la réparation que la société vous
demande. TAUPER v. a. Travailler.
Les pédérastes, à la ville, ont un signe TAUPIER-ÈRE s. Égoïste.
pour se reconnaître; il consiste à * TEMPLE s. m. Manteau.
prendre le revers de l’habit ou de la
redingote avec la main droite, le hausser * TENANTE. Chopine.
à la hauteur du menton, et à faire une TÉSIGUE ou TÉSIGO p. p. Toi.
révérence imperceptible. TÊTARD s. Entêté, celui qui ne change
TAP BLANC s. f. Dent. pas de résolution.
TAP ou TAPIN (FAIRE LE) v. a. Être TÊTUE s. f. Épingle.
attaché au poteau. * TÉZIÈRE ou TÉZINGARD p. p. Toi.
* TAPE s. f. Fleur de lys qui était autre- THOMAS s. m. Pot de nuit.
fois appliquée sur l’épaule des voleurs. * THOUTIMES p. p. Tous.
TAPE DUR s. m. Serrurier. * THUNE s. f. Aumône.
155
TIGNER
156
TIROU
157
TOMBER MALADE
fession de son père; le bourreau même acheté qu’un tonneau fabriqué par un
peut, lorsque cela lui convient, donner tourne au tour, ou plein seulement de
sa démission. La profession d’exécuteur vessies. S’ils avaient eu la précaution
des hautes œuvres n’est donc exercée d’introduire et de promener un bâton
que par des gens auxquels elle convient, dans l’intérieur du tonneau qu’ils
ce qui n’empêche pas que de nom- avaient acheté, cela ne leur serait pas
breuses demandes ne soient adressées à arrivé.
l’autorité chaque fois qu’il y a une Mais ils auraient dû avant tout se
vacance. Un individu qui avait obtenu, à défier de ces hommes qui vendent des
titre de récompense nationale, une place huiles ou des spiritueux au-dessous du
d’exécuteur, et qui ne croyait probable- cours, il y a presque toujours un piège
ment pas posséder les qualités néces- de caché sous leurs offres séduisantes.
saires pour l’exercer avec honneur, TOURNIQUET s. m. Moulin.
chercha un acquéreur et en trouva un.
* TOURTOUZE s. f. Corde.
TOMBER MALADE v. p. Être arrêté.
TOUTOUZER v. a. Lier.
** TORNIQUET s. m. Moulin.
TOURTOUZERIE s. f. Corderie.
TORTILLARD s. Boiteux, bancal.
TOURTOUZIER s. m. Cordier.
TORTUE s. m. Vin.
TOUSER v. a. Aller à la selle au comman-
TOULABRE s. Toulon. dement des argousins pendant le voyage
TOURMENTE s. f. Colique. de la chaîne.
TOURNANTE s. f. Clé. TOUT DE CÉ adv. Très bien.
158
TRIMBALLEUR DE PILIER DE BOUTANCHE
159
TRIMARD
160
TUNE
ou de plumes ont dû être singulièrement Dis que joyeux nous quittons nos foyers.
compromis par la poussière. Consolons-nous si Paris nous rejette,
« Il en était de même des hommes, Et que l’écho répète
devenus méconnaissables par les flots Le chant des prisonniers.
poudreux qui souillaient leurs vête-
Regardez-nous et contemplez nos rangs :
ments. La descente de la Courtille, au En est-il un qui répande des larmes?
mardi gras, ne présente peut-être pas un Non, de Paris nous sommes tous enfants;
spectacle aussi ignoble que celui Notre douleur pour vous aurait des
qu’offraient aujourd’hui nos fashiona- [charmes.
bles. » Adieu, car nous bravons et vos fers et vos
Un poète, qui faisait partie de cette [lois;
chaîne, a composé une sorte d’hymne Nous saurons endurer le sort qu’on nous
dont je crois devoir citer ici les deux [prépare,
couplets les plus saillants. Et, moins que vous barbare,
Le temps saura nous rendre et nos noms et
[nos lois.
Entendez notre voix, et que nos fiers
[accents
Renommée, etc., etc.
À notre suite enchaînent la folie.
Adieu Paris! adieu, nos derniers chants Les condamnés qui doivent faire
Vont saluer notre patrie. partie de la bride (chaîne) sont amenés
Des fers que nous portons nous bravons le dès le matin dans la grande cour de la
[fardeau.
prison de Bicêtre; ils ont ordinairement
Un jour la liberté reviendra nous sourire,
Et dans notre délire
passé une partie de la nuit à boire et à
Nous redirons encore ce chant toujours chanter 1, aussi leur teint est pâle, et ils
[nouveau. paraissent ne point devoir supporter les
Renommée, à nous tes trompettes, fatigues de la route. Ceux qui ont
1. Il y a toujours, parmi les forçats qui doivent faire partie de la chaîne, quelques forçats qui
se chargent de faire quelques chansons de circonstance qui sont destinées à charmer les ennuis
de la route. Outre ces poésies nouvelles, les condamnés n’oublient pas de chanter quelques-
unes de ces vieilles chansons argotiques chantées déjà par plusieurs générations de voleurs, La
Marcandière, Le Tapis de Montron par exemple; mais celles qui obtiennent le plus de succès,
celles dont les refrains sont répétés avec une sorte de frénésie, sont celles qui sont destinées à
tourner en ridicule la police ou ses agents. La chanson en vogue maintenant dans les bagnes et
dans les prisons, est dirigée contre M. Allard, chef de la police de sûreté, et les agents qu’il
emploie. Il est inutile de dire que cette chanson ne prouve absolument rien. Aussi je ne donne
place ici à quelques-uns de ces couplets que pour donner un échantillon du style épigramma-
tique des voleurs.
Ce fameux Allard entra, Allard dit à un voleur, Les agents vont dès l’matin
Sa brigade l’entoura; « Je suis un homme d’honneur », Chez un tailleur peu malin,
Tous scélérats, C’est un menteur. Louer un frusquin.
Voyez ces agents, On lui a prouvé Voyez ces friquets
Ils livreraient leur père Que l’un de ses deux frères, En habit du dimanche,
Pour un peu d’argent. Depuis peu d’années Ce gueux d’Hutinet,
La chaîne tout entière Est sorti des galères, Et ce gouèpeur de Lange
Ne fait qu’un cri : Il en rougit. En vieil habit.
Ah ! ah ! à la chianlit, Ah ! ah ! à la chianlit, Ah ! ah ! à la chianlit,
À la chianlit. À la chianlit. À la chianlit, etc., etc.
161
TUNE
obtenu soit à prix d’argent, soit parce met en marche, accompagné de quel-
qu’ils ont la protection de quelques-uns ques dandys à cheval qui veulent être
des employés de la prison, une place aux spectateurs du dernier acte du triste
premières loges, peuvent voir des drame qui se joue devant eux, et assister
hommes vêtus d’un habit militaire et au grand rapiot.
l’épée au côté, occupés à choisir et à Le grand rapiot, ou fouille générale, a
examiner les colliers qui doivent servir lieu ordinairement à la fin de la pre-
aux forçats. Lorsqu’ils ont achevé leur mière journée de marche. On fait alors
tâche, ils placent par rangs de taille et descendre les forçats des voitures sur
font asseoir vingt-six individus auxquels lesquelles ils sont juchés, on les fait dés-
ils lâchent les plus dégoûtantes habiller, les vêtements et les fers sont
épithètes. visités avec la plus scrupuleuse atten-
C’est alors que commence le ferrage. tion; les condamnés sont ensuite
Cette opération fait quelquefois frémir fouillés dans les endroits les plus secrets.
ceux qui en sont spectateurs, car elle est Cette opération se fait très vite et au
vraiment terrible, et si le marteau ne commandement des argousins. Ceux
tombait pas d’aplomb sur le rivet du des forçats qui n’exécutent pas la
collier, il est évident que le crâne du manœuvre avec assez de promptitude,
condamné serait infailliblement ou qui se montrent maladroits lorsqu’il
fracassé. Au reste, plusieurs fois des faut passer par-dessus le cordon, reçoi-
forçats ont été blessés très grièvement. vent des coups de bâton.
Lorsque l’opération du ferrage est « Tousez, Fagots. » À ce commande-
terminée, et quelle que soit la rigueur de ment d’un argousin, les forçats doivent
la saison, on fait déshabiller complète- faire leurs nécessités.
ment chaque forçat, et les plaisanteries, Lorsque le cordon est arrivé au lieu où
assaisonnées de quelques coups de la première nuit doit être passée, on fait
bâton, ne leur sont pas épargnées, ce qui entrer deux cent cinquante à trois cents
paraît réjouir infiniment les grandes forçats dans une écurie ou dans tout
dames qui ne quittent pas les fenêtres autre lieu semblable, d’une capacité
auxquelles elles sont placées. On propre à en contenir seulement cin-
distribue alors à tous ceux qui doivent quante ou soixante. Ils trouvent dans
faire le voyage une paire de sabots, des cette écurie quinze ou vingt bottes de
vêtements de grosse toile grise qui les paille. Des argousins sont placés à
couvrent à peine; ensuite vient le perru- toutes les extrémités de cette écurie, et
quier qui taille en échelle les cheveux de ceux qui sont chargés d’aller relever les
chaque forçat, tandis que les argousins factionnaires sont obligés de marcher
coupent le bord des chapeaux et la sur les forçats qui sont étendus sur le
visière des casquettes. sol, et ils les accueillent par des coups de
Quelle que soit la saison, les forçats bâton. Le bâton est la logique des
sont ensuite placés sur les voitures argousins.
découvertes, attelées chacune de quatre Si, l’été, un forçat a soif, et qu’il ose
chevaux, qui doivent les conduire au demander à boire, un argousin dit
lieu de leur destination. Au signal du aussitôt : « Que celui qui veut boire lève
capitaine de la chaîne, le triste convoi se la main. » Le forçat qui n’est pas encore
162
TUNECON
163
TUNEUR-EUSE
chose que des prisons, et l’on veut sont assistés à la fois dans cinq ou six
qu’un malheureux donne sa liberté, le arrondissements.
plus précieux de tous les biens, en Celui qui est enfin parvenu à se faire
échange d’un morceau de pain bis et inscrire dans un bureau de charité est
d’une soupe à la Rumfort. Cela n’est ni toujours assisté, quels que soient les
juste, ni raisonnable. changements opérés dans sa position.
Je ne vois pas pourquoi on ne laisse
Les secours destinés aux pauvres sont
pas aux malheureux détenus dans un
insuffisants; il serait juste, je crois,
dépôt de mendicité, la faculté de sortir
d’imposer les gens qui possèdent, pro-
au moins une fois par semaine.
portionnellement à leur fortune. Des
Leur travail pourrait aussi être plus
gens qui possèdent 50 000 et même
convenablement rétribué; un homme
100 000 livres de rente, donnent seule-
qui ne gagne que deux ou trois sous par
ment quelque 100 francs par année
jour se dégoûte bientôt du travail.
pour les pauvres, et cependant ils
Presque tous les pauvres peuvent être croient faire beaucoup; ils méprisent, ils
employés utilement. Cela est si vrai, que dédaignent les pauvres. C’est cependant
la plupart de ceux qui sont aux bons dans leurs rangs qu’ils trouvent tout ce
pauvres, à Bicêtre, travaillent encore. dont ils ont besoin : des ouvriers, des
Ceux qui ne mendient que parce que domestiques, des remplaçants aux
des infirmités réelles les empêchent de armées pour leurs fils, et quelquefois
travailler souffrent aussi, pourtant c’est même de jeunes et jolies filles pour
pour eux que sont les rigueurs, et la satisfaire leurs passions.
police laisse les mendiants privilégiés
Les ouvriers sont presque tous ivro-
vaquer tranquillement à leurs occupa-
gnes et brutaux, les domestiques volent;
tions.
ce n’est peut-être que trop vrai, mais à
Lorsque l’on arrête, pour les conduire
qui la faute? si ce n’est à vous MM. les
dans un dépôt de mendicité, tous les
richards. Si vos dons étaient propor-
mendiants que l’on rencontre dans la
tionnés à votre fortune et aux besoins
rue, pourquoi accorde-t-on à quelques-
des classes pauvres, les enfants du
uns le privilège de mendier à la porte
peuple recevraient une meilleure éduca-
des églises? Est-ce que par hasard la
tion, ils connaîtraient les lois et l’histoire
mendicité est moins repoussante à la
de leur pays, et bientôt il ne resterait pas
porte d’une église qu’au coin d’une rue?
la plus légère trace des défauts, des vices
Je ne le crois pas.
mêmes, que vous reprochez à ceux qui
Les fruits de la charité publique, des- occupent les derniers degrés de l’échelle
tinés à secourir la misère des pauvres, sociale.
sont on ne peut pas plus mal distribués.
On inscrit sur les registres des bureaux Tant que pour secourir les pauvres on
de bienfaisance tous ceux qui se présen- se bornera à leur envoyer une dame
tent avec quelques recommandations, et richement parée et étincelante de dia-
l’on repousse impitoyablement celui qui mants leur porter le bon d’un pain de
n’a que sa misère pour parler pour lui et quatre livres et d’une tasse de bouillon.
qui ne peut s’étayer du nom de per- Tant qu’on se bornera à emprisonner
sonne, aussi il y a dans Paris des gens qui ceux qui imploreront la commisération
164
TULLE
du public, la question ne sera pas rager les amis de l’humanité, mais l’ins-
résolue. titution de M. de Belleyme fut malheu-
L’honorable M. de Belleyme, qui ne reusement accueillie avec cette indiffé-
put faire durant sa courte administra- rence qui n’accompagne que trop sou-
tion tout le bien qu’il méditait, eut vent les œuvres du véritable
cependant le temps de fonder un éta- philanthrope.
blissement qui devait servir de refuge à * TULLE s. f. Détention, réclusion.
tous les individus appartenant aux
TURBINER v. a. Travailler honnêtement.
classes pauvres, et dans lequel ils
devaient trouver les moyens d’employer TURBINEUR-EUSE s. Travailleur, travail-
utilement leurs facultés. leuse; ouvrier, ouvrière.
Les heureux effets que cet essai ne
tarda pas à produire auraient dû encou-
165
VADE
V-Z
166
VERBE (SALIR SUR LE)
nuit plus de trente vols commis à l’aide et qui entendait, sans en comprendre le
d’escalade vinrent effrayer les habitants sens, les paroles que prononçaient les
du faubourg Saint-Germain, mais peu voleurs, eut assez de prudence et de
de temps après cette nuit mémorable, je courage pour feindre de toujours dormir
mis entre les mains de l’autorité judi- profondément; aussi il ne lui arriva rien.
ciaire trois bandes de venterniers Le receleur de la bande dont Del-
fameux; la première, composée de zaives, dit l’Écrevisse, était le chef, se
trente-deux hommes, la seconde de nommait Métral, et était frotteur de
vingt-huit, et la troisième de seize; sur l’impératrice Joséphine. On trouva chez
ce nombre total de soixante-seize, lui des sommes considérables.
soixante-sept furent condamnés à des J’ai fait aux voleurs de la bande de
peines plus ou moins fortes. Delzaives une guerre longue et inces-
Il serait facile de mettre les venterniers sante, et je suis enfin parvenu à les faire
dans l’impossibilité de nuire; il suffirait tous condamner.
pour cela de fermer à la tombée de la
VERBE (SALIR SUR LE) v. a. Vendre à
nuit, et même durant les plus grandes
crédit.
chaleurs, toutes les fenêtres, pour ne les
ouvrir que le lendemain matin. VERDOUZE s. f. Pomme.
Les Savoyards de la bande des fameux VERDOUZIER-ÈRE s. Fruitier, fruitière.
Delzaives frères étaient pour la plupart
VERGNE s. f. Ville.
d’adroits et audacieux venterniers.
VERGNE MEC s. f. Ville capitale.
Un vol à la venterne n’est quelquefois
que les préliminaires d’un assassinat. VERSIGOT s. Versailles.
Des ventemiers voulaient dévaliser un VERT EN FLEURS. Voir EMPORTEUR,
appartement situé à l’entresol d’une p. 40, EMPORTAGE À LA CÔTELETTE,
maison du faubourg Saint-Honoré; l’un p. 39.
d’eux entre par la fenêtre, visite le lit, ne
voit personne, bientôt il est suivi par un * VERVER v. a. Pleurer.
de ses camarades, et tous deux se met- * VEUVE s. f. Potence.
tent à chercher ce qu’ils espéraient
VICELOT s. m. Petit vice, défaut de peu
trouver, mais bientôt ils aperçurent une
jeune dame endormie sur un canapé; d’importance.
elle avait au col une chaîne et une VIGIE. Les conducteurs de diligences ou
montre d’or; « elle roupille », dit à son de voitures publiques ne sauraient
compagnon, l’un des venterniers Del- exercer une trop grande surveillance
zaives, surnommé l’Écrevisse, « il faut lorsqu’ils auront sur l’impériale de leur
pesciller le bogue et la bride de jonc » (il voiture des sacs d’argent et en même
faut prendre la chaîne et la montre temps des voyageurs; car les individus
d’or); « mais si elle crible » (crie), qui, par goût ou par raison d’économie,
répond le second venternier, le nommé veulent toujours y être placés, sont très
Mabou, dit l’Apothicaire; « si elle souvent des voleurs à la vigie, qui ne lais-
crible », dit encore l’Écrevisse, « on lui sent pas échapper, si elle se présente,
fauchera le colas » (on lui coupera le col). l’occasion de s’emparer des objets ou du
La jeune dame qui paraissait endormie, numéraire placés près d’eux.
167
VILLOIS
168
VRIMALION
— J’aurais dû faire comme vous, qui connaît parfaitement Paris, fait faire
répond le voyageur à cette observation, à son compagnon mille tours et détours,
en donnant un léger coup d’épaule. de sorte que celui-ci croit être à une
— Vous paraissez fatigué, permettez- lieue au moins de l’hôtellerie lorsqu’il
moi de porter votre sac un bout de n’en est qu’à cent ou cent cinquante
chemin. pas. « Je viens enfin de trouver mon
— Vous êtes trop bon. oncle, lui dit enfin le voleur, ayez la
— Donnez donc. » bonté de m’attendre dans ce cabaret, je
Le voyageur, charmé de pouvoir ne fais que monter et descendre. »
alléger un peu ses épaules, quitte son Lorsque le voyageur est installé devant
sac, qui passe sur celles du voleur, qui une bouteille à quinze, le voleur, au lieu
paraît ne pas s’apercevoir du poids qui de monter chez son oncle, court bien
les surcharge. Enfin, on arrive à Paris; vite à l’auberge, s’excuse auprès de
on ne sait où descendre, mais avec une l’aubergiste de ce qu’il ne loge pas chez
langue on arriverait à Rome. Aussi les lui, et demande le sac, qu’on lui remet
deux nouveaux habitants de la capitale sans difficulté, puisque c’est lui qui l’a
ont bientôt trouvé une hôtellerie. Le apporté.
voleur y dépose le sac qu’il n’a pas VRIMALION s. f. Ville.
quitté, et, comme il faut, dit-il, qu’il aille
ZIG s. m. Camarade.
chercher de l’argent chez un parent ou
un ami de sa famille, il sort et prie le ZIF s. m. Voir S A N S - C A M E L O T E ou
voyageur de l’accompagner. Le voleur, SOLLICEUR DE ZIF, p. 125.
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