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Exo Lexicologie
Exo Lexicologie
Porte-avions
Ce mot a été formé par le procédé de composition populaire, qui consiste à créer un mot nouveau à
l'aide de deux mots (radicaux susceptibles de donner naissance à des dérivés) existant en français.
Ici, on a fait un nom commun composé grâce au verbe porter et au nom COD avions, pour désigner un
bateau de guerre capable de transporter des avions. Les deux mots sont accolés par un trait d‘union, ce qui
est le procédé le plus classique en français.
Greffe
Ce mot a été formé par dérivation inverse, ce qui consiste à créer un nouveau mot en retranchant un
élément à la fin d'un mot existant. On obtient donc un mot plus court à partir d'un mot plus long.
Ici, c'est au départ le verbe greffer, à partir duquel on forme le nom greffe en ôtant la désinence verbale. Il
s'agit donc d'un déverbal
Le nom obtenu exprime d'abord l'action de greffer, avant de désigner l'élément qui est greffé.
Rudiment
C'est un mot simple, un radical, un morphème lexical de base, qui n'a donc subi aucun procédé de
formation. Seule l'histoire de la langue, en remontant au latin, serait susceptible d'expliquer la formation de
noms comme rudiment, élément, monument, sédiment, mais ce n'est pas l'objet de la linguistique
moderne.
Photomontage
Le premier élément est le nom commun photographie. Il a été constitué par composition savante,
assemblage de deux racines anciennes, d'origine grecque : photo, qui fait référence à la lumière, et graphe,
qui fait référence à l'écrit. S'y ajoute un petit élément dérivationnel, le suffixe -ie, qui permet de constituer
un nom commun féminin et de distinguer la technique de celui qui l'utilise. La photographie est donc la
technique qui consiste à fixer la lumière (celle d'une sujet éclairé) sur un support a priori de type papier ;
c'est aussi le résultat concret de cette opération.
Le deuxième procédé, c'est l'abréviation, la troncation du mot précédent, comme c'est l'usage
concernant les mots savants qui entrent dans le vocabulaire courant. On aboutit donc à photo, c'est
toujours un nom commun.
Le deuxième élément du mot est montage. Il a été constitué par dérivation proprement dite, ajout
d'affixes à un morphème lexical de base. Le radical est ici le verbe monter, auquel on a ajouté le suffixe -
age, qui en fait un nom commun exprimant l'action de monter.
Ce mot a été formé par dérivation proprement dite, soit l'ajout d'affixes sur un radical, mais on peut
compter quand même deux étapes.
Le radical est en effet l'onomatopée glouglou, qui imite le bruit de l'eau. C'est le procédé le plus
basique de la langue, et sans doute le plus ancien de l'humanité. Cette onomatopée est utilisée comme
nom commun : le glouglou de l'eau. Pour être complet, elle existe en bas latin sous la forme glutglut, et
s'applique à la bouteille.
Indécrottablement
Ce mot a été formé par dérivation proprement dite : procédé qui consiste en un ajout d'affixes à un
radical.
Le radical est le nom crotte, à prendre ici au sens ancien de « boue » (rentrer tout crotté d'une promenade
dans les champs).
A été ajoutée d'abord une désinence verbale -er, qui permet de former le verbe crotter.
Ajout ensuite du préfixe d'éloignement dé-, correspondant pour un verbe à l'idée de «défaire ce qui a été
fait», pour former le verbe décrotter.
Enfin, l'ajout d'un suffixe -ment permet de former un adverbe qui exprimera la manière.
Le sens du mot sera : « irrémédiablement, d'une façon telle qu'il n'y a rien à faire pour débarrasser le
personnage par exemple de sa paresse qui lui colle comme de la boue ».
Judas
Il s'agit au départ d'un nom propre (celui d'un apôtre de Jésus, qui l'a trahi, selon la tradition), utilisé
comme nom commun. Ce procédé particulier est une antonomase.
Sens du mot obtenu : un traître, d'abord, mais aussi une ouverture sur une porte, permettant de voir les
visiteurs en étant soi-même à peine démasqué, et que l'on trouve aujourd'hui sous la forme d'un oeilleton.
Eléphantôme
Il s'agit ici d'un mot-valise, formé par le procédé du téléscopage. Ce procédé consiste à juxtaposer,
accoler deux mots qui existent dans le lexique, en retranchant souvent soit la fin du premier mot soit de
début du second ; un élément (une syllabe ou une lettre, un phonème) commun aux deux mots permettant
la soudure.
Il s'agit d'un mot plaisant forgé par un auteur, avec la définition suivante :
« pachyderme serviable qui se revêt d'un grand drap blanc afin de faire peur à ses congénères atteints du
hoquet »...
Démocrature
Le premier élément est le nom démocratie. C'est un mot de composition savante, formé par
l'assemblage de deux radicaux grecs, demos, qui signifie « le peuple » au sens politique du terme,
et crate (kratein), qui fait référence au pouvoir. S'y ajoute le suffixe -ie, qui permet de former un nom
féminin, et de distinguer le pouvoir de celui qui l'exerce, ou qui en est partisan, ce qui constitue un élément
dérivationnel final, fréquent en composition savante. La démocratie, c'est le pouvoir assumé par le peuple.
Le second élément est le nom dictature. C'est un mot directement emprunté au latin dictatura au
XIVème siècle, nous n'étudierons donc pas davantage sa formation. En latin, il exprimait une magistrature
extraordinaire ; en français, il exprime la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'un seul
individu, ou d'un parti.
Le mode de formation finale est le télescopage : il s'agit ici d'un mot-valise. On utilise le début, en fait
la plus grande partie, du mot démocratie (démocrat-), que l'on assemble avec la dernière syllabe
de dictature. La syllabe commune est -at-, dans laquelle la lettre t a la même prononciation [t] que
dans dictature, et non la prononciation [s] de démocratie. On constitue donc un nouveau nom commun à
partir des deux noms précédents.
Une démocrature est un régime officiellement démocratique, mais qui est en fait une dictature déguisée,
par exemple par la manipulation, un scrutin faussé, l'absence de liberté politique. Ce néologisme est bien
sûr un terme ironique.
Téléachat
Le premier élément est le nom commun télévision. Il a été constitué par composition savante,
assemblage de deux racines anciennes : télé, d'origine grecque, qui fait référence à la distance, et vision,
mot français d'origine latine, qui signifie le fait de voir. La télévision est donc la technique qui permet de
voir des choses qui sont à (grande) distance, par la transmission d'ondes électromagnétiques (cet élément
n'est pas exprimé dans la formation du mot).
Le deuxième procédé, c'est l'abréviation, la troncation du mot précédent, comme c'est l'usage
concernant les mots savants qui entrent dans le vocabulaire courant. On aboutit donc à télé, c'est toujours
un nom commun.
Le deuxième élément du mot est achat. Il a été constitué par dérivation inverse, un mot nouveau fait
en retranchant un élément à la fin d'un autre, un mot plus court fait à partir d'un mot plus long. Ce nom
fait à partir du verbe acheter, en retranchant la désinence verbale, est donc un déverbal. En fait, c'est la
forme ancienne achater qui a été utilisée.
Sidaction
Le premier élément est le nom sida. Il s'agit d'un sigle, constitué des initiales S.I.D.A. au départ,
pour Syndrome d'ImmunoDéficience Acquise, et c'est même un acronyme, car l'alternance de voyelles et
de consonnes en rend la prononciation aisée. L'usage en a donc fait un mot normal, un nom commun, écrit
en minuscules ; il a même servi de base à des dérivés comme les adjectifs sidatique et sidéen (et
non sidaïque, qui est une invention de Jean-Marie Le Pen à partir de sida + hébraïque), ou un composé
comme sidologue pour désigner le médecin spécialiste. La siglaison est donc la première étape.
Le deuxième élément est le nom action, qui est un mot simple emprunté au latin actio.
A partir de ces deux mots a été formé par télescopage le mot sidaction, qui est donc un mot-valise.
L'élément commun est la voyelle a, et les mots n'ont même pas besoin d'être tronqués. Ce mot est en fait
un nom propre, puisque c'est une action particulière en faveur des malades du sida, mais l'usage a
tendance à le transformer en nom commun.
3 B. SCHWISCHAY, Introduction à la lexicologie (hiver 2001/02)
La morphologie lexicale
(ou formation des mots)[1]
0. Mots simples et mots construits
1. La dérivation (ou affixation)
1.0. Base, radical et affixes
1.1 La préfixation
1.2 La suffixation
1.3 La dérivation « inverse »
1.4 La dérivation parasynthétique
2. La composition
2.1 La composition « populaire »
2.2 La composition savante
2.3 Les mots-valises
3. La dérivation impropre
4. La troncation
5. La siglaison
5.1 Les sigles
5.2 Les acronymes
5.3 Sigles et acronymes comme bases de dérivés
dégel -er
dé- gel
gel -er
Mais cette fois-ci, la base (gel) n’est plus décomposable en morphèmes plus petits – elle se confond au radical.
Généralement parlant, c’est par suppression de tous les affixes qu’on obtient le radical du mot :
base
=
radical
REMARQUE. – Le radical n’est pas forcément une forme correspondant à un mot, comme gel, dans
l’exemple qui précède. Le radical ann- [an] (cf. ann-ée [ane]) n’existe pas en tant que mot – la forme qui
sert de mot est ans [S]. – Ceci est particulièrement vrai pour les radicaux des formes fléchies : des formes
comme buv ou conn n’existent pas comme mots non plus, mais seulement comme radicaux, cf. buv-ons,
conn-ais.
1.1 La préfixation
préfixe + base mot dérivé
1.2 La suffixation
base + suffixe mot dérivé
2. La composition
Nous distinguons la composition « populaire », à partir de mots français, de la composition savante, à partir
d‘éléments grecs ou latins, et nous y ajoutons les mots-valises, qui sont des composés à partir de mots tronqués.
3. La dérivation impropre
Malgré son nom, la dérivation impropre n’est pas une dérivation (adjonction d’un suffixe á une base), mais
un changement de classe lexicale :
sourire (v.) sourire (n.)
vrai (adj.) vrai (n.)
Autres exemplee : faire-part, pourboire
5
4. La troncation
La troncation est un procédé qui consiste à abréger un mot par suppression d'une ou plusieurs syllabes.
Généralement, c’est la finale du mot qui est tronquée :
auto[mobile], radio[phonie]
et radio[graphie], fac[ulté], catho[lique], cinéma[tographe], cine[ma]
– rarement l’initiale :
[auto]bus
Dans ce cas, c’est le premier élément d'un composé qui est isolé (auto autobus), ou bien un préfixe :
hyper[marché]
Le mot tronqué peut correspondre à un morphème, c’est-à-dire à un élément significatif (comme auto,
radio,, hyper, télé télévision) ; mais le plus souvent, l’élément qui constitue le mot tronqué est une séquence
dépourvu de signification (comme fac, catho, cinéma, cine).
Parfois, le mot tronqué se voit ajouter un suffixe (comme -ot) ou un pseudo-suffixe :
bach[elier] bachot (cf. cheminot, cuistot)
val[ise] valdoche[10]
Dans beaucoup de cas, c’est une finale en -o qui est ajoutée à la troncation :
dict[ionnaire] dico
mécan[icien] mécano
prol[étaire] prolo
apér[itif] apéro
5
5. La siglaison
La siglaison consiste dans la réduction d'un terme composé à la succession des initiales des termes qui le
composent. Selon la prononciation, on distingue sigles et acronymes.
[1]
D’après GARDES-TAMINE, Joëlle. « La grammaire. T. 1: Phonologie, morphologie, lexicologie. Paris, A. Colin, 1988. (= Coll. «
Cursus »). Chap. 2. « Qu'est-ce que la morphologie ? »
[2]
MITTERAND, Henri. Les mots français. Presses Universitaires de France, 9e éd. corr. 1996. (= Coll. « Que sais-je ? », n° 270.), p. 24
et suivv.
[3]
Cf. LE ROBERT MÉTHODIQUE, s.v. boire. À remarquer que pourboire n’est pas un mot dérivé, mais un mot composé.
[4]
Le verbe boire a trois radicaux au présent (je bois, ils boivent, nous buvons), un autre radical pour le passé simple (il but) et un autre
pour le futur et le conditionnel (il boira) ; cf. LE ROBERT ORAL-ÉCRIT, s.v. [bwaR].
[5]
Reprises du Petit Robert.
[6] En vue de leur décomposition, cela revient à dire que la commutation avec l'affixe zéro () n'est pas possible pour les
formations parasynthétiques.
dé-courager décourage-er
*-courager *décourage-
— ce qui n'empêche d’ailleurs pas de décomposer en morphèmes une formation parasynthétique comme décourager,
puisqu'il y a d'autres commutations possibles :
dé-courager décourag(e)-er
en-courager décourage men
t
[7]
Décomposition en morphèmes :
anthropo/logue anthropo/logue
anthropo/phage égypto/logue
[8]
Les exemples progiciel, motel et cultivar sont tirés du PRv2, s.v. mot-valise.
[9]
D’après MORTUREUX, Marie-Françoise. La lexicologie entre langue et discours. Paris, SEDES, 1997, p. 52/53.
[10]
À comparer : bidoche ( bidet « cheval »), caldoche ( Calédonien)
[11]
À ne pas confondre avec C. E. S. [seVDs] n. m. « collège d'enseignement secondaire ».
[12]
Prononcé comme un sigle [oDny] ou comme un acronyme [ony].