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Maître Affoussy BAMBA

Docteur en Droit
Avocat au barreau de Paris

Maître Robin BINSARD


Avocat au barreau de Paris

Maître Charles CONSIGNY


Avocat au barreau de Paris
Secrétaire de la Conférence

Maître Emmanuel DAOUD


Avocat au barreau de Paris
Conseil auprès de la Cour pénale Internationale

Monsieur le Président, Mesdames et


Messieurs les Juges du Tribunal Criminel
d’Abidjan
Palais de Justice d’Abidjan-Plateau
Côte d’Ivoire

Paris, le 17 mai 2021

Correspondance officielle : M. Guillaume SORO et ses conseils ne prêteront pas leurs concours
au simulacre de procès du 19 mai 2021

Madame, Monsieur le Président et les Juges du Tribunal criminel,

Nous sommes les conseils de M. Guillaume SORO, ancien Premier Ministre et Président de
l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire,

Nous avons été informés qu’une audience se tiendrait le 19 mai 2021 dans l’enceinte du Tribunal
criminel d’Abidjan.

La saisine de votre tribunal se fonde sur l’ordonnance de renvoi rendue par M. Victor COULIBALY,
doyen des juges d’instruction, dont le contenu démontre un incontestable mépris pour la règle de droit.

Chacune des quarante-neuf pages de cette ordonnance recèle d’incohérences, d’inexactitude,


d’approximation, et de méconnaissance des textes de loi.

Ces éléments nous conduisent à émettre les plus fermes réserves quant à la licéité et, partant, la validité
de la procédure en cours. Une telle ordonnance n’a pu être rendue que par des magistrats inféodés au
Gouvernement, au mépris des principes de séparation des pouvoirs, d’indépendance et d’impartialité
des juges, tant son illégalité est flagrante.

…/…
Ainsi, parmi les plus grossières violations du droit, nous constatons notamment que :

(i) Cette ordonnance de renvoi a été rendue au mépris de deux décisions de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme des 22 avril et 15 septembre 2020, de valeur supérieure
dans la hiérarchie des normes.

En effet, aux termes des deux décisions précitées, les juges d’Arusha ont ordonné le gel des
procédures contre M. Guillaume SORO et ses proches, faute pour celles-ci d’avoir respecté les
droits fondamentaux des intéressés.

La méconnaissance des deux décisions de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples apparaît d’autant plus insoutenable que le préambule de la Constitution mais également
son article 123 prévoient la primauté des normes internationales sur les décisions de droit
interne.

Il est à noter que le retrait par la gouvernement ivoirien, en date du 29 avril, de sa déclaration
faite le 19 juin 2013 reconnaissant la supériorité des décisions de la Cour Africaine des Droits
de l’Homme n’est d’aucun effet sur la procédure en cours, puisque d’une part, un délai d’un an
intervient entre la déclaration de retrait et l’effet de celle-ci et, d’autre part, le retrait n’affecte
pas les litiges en cours (V. notamment : CADHP, 5 décembre 2016, Victoire Umuhoza c/ République
du Rwanda, n°003/2014).

(ii) Le renvoi de M. Guillaume SORO du chef de complot relève d’une violation pure et
simple de l’article 163 du code pénal.

En effet, ce texte exige la démonstration d’un commencement d’exécution, ainsi que la réunion
d’actes matériels précis en vue d’un projet déterminé. A la lecture de l’ordonnance, il n’est
nullement établi que notre mandant ait commis ou tenté de commettre cette prétendue
infraction, faute pour le magistrat instructeur d’avoir identifié l’un ou l’autre des éléments
constitutifs de celle-ci.

L’accusation tente vainement d’établir l’existence d’un complot par la superposition de


l’enregistrement sonore et de la prétendue détention d’armes par le GPS. Or, d’une part,
l’enregistrement en cause est tronqué, truqué et est issu d’une captation illicite réalisée par des
mercenaires, faisant l’objet d’une enquête en cours auprès du Procureur de la République de
Paris. D’autre part, les armes identifiées n’ont aucun lien avec GPS, et à fortiori avec M.
Guillaume SORO, elles ont été découvertes dans l’eau, hors d’état de marche, et sont donc à la
fois anciennes, inoffensives, et surtout, sans lien avec le prétendu complot imputé de manière
mensongère à notre mandant.

(iii) Le renvoi de notre confrère Maître Affoussy BAMBA devant le Tribunal criminel
parachève d’établir le caractère contra-legem et politique de cette procédure.

Sur la forme, son nom ne figure pas dans le réquisitoire introductif, et elle n’a jamais été
inculpée, de sorte que son renvoi méconnait l’ensemble des règles de procédure. Il résulte
pourtant des articles 209 et suivants du code de procédure pénale que seule une personne
inculpée et nommément visée dans un réquisitoire peut faire l’objet d’un renvoi en
correctionnel ou devant le tribunal criminel.

Sur le fond, Maître Affoussy BAMBA est accusée d’avoir relayé de fausses informations, ce qui
est non seulement inexact, mais surtout attentatoire au principe selon lequel la parole de l’avocat
de la défense est libre, conformément aux droits de la défense protégés aux articles 7 de la
Charte Africaine des Droits de l’Homme et 67 de la Constitution de Côte d’Ivoire.

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(iv) En réalité, le seul objectif de cette procédure est d’écarter M. Guillaume SORO, le GPS,
ses hauts cadres et ses membres de toute responsabilité politique.

L’ordonnance prend également soin de renvoyer les plus hauts cadres de ce mouvement en
tant que complices, sans jamais indiquer de quelle manière ces derniers seraient impliqués dans
quelque délit que ce soit. Il s’agit en réalité d’une violation pure et simple du principe de
responsabilité pénale du fait personnel, de la présomption d’innocence et, surtout, d’une
mascarade judiciaire à des fins politiques.

De l’ensemble de ces éléments, il résulte un constat : la justice ivoirienne s’est rendue complice d’un
règlement de compte politique, visant à écarter M. Guillaume SORO et les cadres de son mouvement
des affaires publiques du Pays.

Cette manœuvre d’éviction s’est faite au prix de l’Etat de droit, puisque le Doyen des juges d’instruction
n’a eu d’autres choix que de violer un à un l’ensemble des textes de loi régissant la procédure pénale
pour accomplir une telle forfaiture.

La condamnation de M. Guillaume SORO ayant déjà été prononcée avant même que votre tribunal ne
soit saisi, sur ordre du pouvoir exécutif, vous comprendrez aisément que ni nous, ni notre mandant, ne
souhaitons nous porter complice en participant au simulacre de procès qui se tiendra le 19 mai dans
votre enceinte.

Copie de la présente correspondance est adressée au Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, ainsi
qu’à la direction des contentieux de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, en vue
d’étendre leurs saisines aux faits ci-avant dénoncés.

Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur le Président et les Juges du Tribunal criminel, en
l’expression de nos sincères salutations.

Affoussy BAMBA Robin BINSARD Charles CONSIGNY Emmanuel DAOUD


Avocat à la Cour Avocat à la Cour Avocat à la Cour Avocat à la Cour

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