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Arrêt numéro 658

Du 30 Décembre 2004
Dossier numéro
556/2003
Filiation - Désaveu de paternité - Serment d'anathème - Expertise - Analyse du sang - Production d'un
jugement rendu à l'étranger - Litige engagé dans le cadre de l'ancien code du statut personnel -
Convention bilatérale écartée - Ordre public.
Est suffisamment motivé l'arrêt, rendu dans le cadre des dispositions de l'ancien code du statut
personnel, fondé sur la règle selon laquelle si la femme accouche après la séparation, la filiation de
l'enfant né dans l'année à compter de la date du divorce est attribuée au père conformément à
l'article 76 de l'ancien code du statut personnel; le défendeur est alors tenu de l'obligation
d'entretien envers son enfant.
L'arrêt est, également, suffisamment motivé lorsqu'il a écarté le jugement produit rendu à l'étranger
qui a décidé que le défendeur n'est pas le père de l'enfant sur la base de l'analyse du sang en ce qu'il
est contraire aux dispositions de l'article 76 précité, étant donné que l'époux pouvait demander le
désaveu de paternité par le serment d'anathème; la demande d'application de la Convention franco-
marocaine est irrecevable en ce que son article 4 exclut l'application de ses dispositions aux causes
qui sont manifestement contraire à l'ordre public.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
Après délibération conformément à la loi,
Il ressort des pièces du dossier et de l'arrêt attaqué rendu par la Cour d'appel d'El Jadida le 24 juin
2003 que la demanderesse Ijourk Leila Bent Lahcen a présenté une demande introductive d'instance
au tribunal d'El Jadida par laquelle elle expose que son ex-mari Belakhdim Mohammed Ben El Hoceïn
l'a répudiée le 02/02/1996 selon l'acte enregistré sous numéro 352 à Ouled Frej; que suivant cet acte
de divorce le cadi a rendu une ordonnance lui allouant différentes indemnités, et étant donné qu'elle
était enceinte, le cadi a prorogé sa Idda jusqu'au 13/09/1996, date présumée de l'accouchement ;
que la demanderesse sollicite du tribunal qu'il ordonne une augmentation des indemnités qui lui ont
été précédemment allouées et qu'il condamne le défendeur à lui verser une pension alimentaire
pour sa fille et pour elle même de 3000 dirhams par mois jusqu'à la date de la majorité de l'enfant et
différentes autres indemnités, justifiant sa demande par une copie de l'acte, de l'ordonnance,
précités, et de l'acte de naissance de l'enfant Anissa Dounia Oumaïna ; que le défendeur a répliqué
que la demanderesse avait déjà présenté le 27/3/1997 une action devant le tribunal français de
Mulhouse; que les deux actions ont pour objet la pension de l'enfant qu'il nie être le sien; en
conséquence, il demande au tribunal d'appliquer la Convention franco-marocaine et spécialement
l'article11; sollicitant que le tribunal suspende l'instruction de l'action, produisant copie d'une
requête en français; qu'après échange de conclusions et après que le défendeur ait produit un
jugement rendu par la justice française, traduit en arabe, qui a renié sa paternité de l'enfant Anissa
Dounia Oumaina; que la demanderesse ait introduit une demande additionnelle le 19/12/2001
sollicitant que le défendeur soit astreint à inscrire l'enfant Dounia Oumaina sur les registres d'Etat
civil; que le 20/3/2003 le tribunal a condamné, dans le dossier n° 496/1996, le défendeur à régler à la
demanderesse la pension de leur fille Dounia Oumaina qui s'élève à 400 dirhams et la somme de 100
dirhams par mois pour la mère en tant que gardienne, 50 dirhams pour l'allaitement, jusqu'à la
majorité légale de l'enfant, et une indemnité de 1000 dirhams pour les frais d'accouchement, à
inscrire l'enfant sur les registres d'Etat civil; jugement assorti de l'exécution provisoire; rejetant les
autres demandes; que le défendeur a interjeté appel de cette décision, appel fondé sur les moyens
évoqués en première instance, sollicitant principalement de déclarer l'irrecevabilité de la demande,
et subsidiairement son rejet, tout en la confirmant sur le rejet des demandes formulées; que la
demanderesse a également interjeté appel du jugement entrepris, demandant la confirmation de
l'arrêt dans le principe en sollicitant l'augmentation des sommes allouées conformément au montant
demandé en première instance et de répondre favorablement à ses demandes qui ont été rejetées;
le jugement entrepris a été confirmé en appel; l'arrêt rendu a été attaqué en cassation;
Sur les trois branches du premier moyen :
Fondé sur l'absence du rapport du juge, la non émission de l'ordonnance de dessaisissement et la
non communication du dossier au parquet général;
Mais attendu que les pièces du dossier attestent que l'affaire n'a fait l'objet d'aucun acte
d'instruction, et que l'arrêt a été rendu conformément à l'article 342 du C.P.C; que les jugements ont
valeur de force probante jusqu'à preuve du contraire;
Qu'il ressort de l'arrêt attaqué que l'affaire était enrôlée à l'audience du 3/6/2003 et mise en délibéré
conformément au dernier alinéa de l'article 333 du C.P.C, que le ministère public a produit ses
conclusions écrites le 14/10/2002; qu'ainsi l'arrêt n'a violé aucune des dispositions évoquées, que le
moyen pris dans ses première et troisième branches est contraire à la réalité et non fondé dans sa
seconde branche;
Sur la quatrième branche du premier moyen et sur le deuxième moyen:
fondés sur le défaut de motifs, le défaut de base, la violation de l'article 345 du C.P.C et la violation
des droits de la défense, en ce que le demandeur a produit l'arrêt rendu le 10/7/2000 par la Cour de
Mulhouse en France, qui, après expertise médicale, a conclu que l'enfant pour lequel une pension a
été demandée par la mère n'est pas de lui, que cet arrêt en désaveu de paternité a acquis force de
chose jugée et l'enfant a été radiée du livret d'Etat civil de son père et porte désormais le nom de sa
mère; que l'arrêt attaqué n'a pas pris en considération le jugement rendu en France, bien que le
Maroc soit lié à la France par la Convention du 10/8/1981, qui évite les décisions contradictoires
comme c'est le cas étant donné que le juge français a rendu un jugement excluant la paternité du
demandeur, alors que le juge marocain a estimé le contraire; que l'arrêt ayant ordonné la pension
n'est pas fondé quand il s'est basé sur l'article 76 de la Moudawana de 1957; que, si le législateur
marocain a mentionné les moyens de preuve de paternité à l'article 89 de la même loi, l'article 76
précité a donné au juge la possibilité de recourir aux experts, ce qui veut dire la possibilité de recourir
à la science conformément à la position de la loi islamique; l'arrêt attaqué en cassation ne répondant
pas aux moyens du défendeur pour manque de motifs ou est au moins est insuffisamment motivé.
Mais, attendu que la Cour qui a rendu l'arrêt attaqué sur la base de la règle suivante: si la femme
divorcée accouche après la séparation, la paternité de l'enfant est fondée si l'accouchement a lieu
dans l'année de séparation, compte tenu des dispositions de l'article 76 de la Moudawana appliquées
à cette affaire:« la durée maxima de la grossesse est d'une année à compter de la date de la
répudiation ou du décès.».Qu'il est établi que le demandeur a divorcé de sa femme le 12 ramadan
1416 (02-022- 1996). Qu'il est, également, prouvé de l'acte de naissance n° 4080/96 du 17/9/1996
émanant du bureau d'Etat Civil de la ville de Mulhouse en France, que l'enfant Anissa Dounia Oumina
est née de ses parents Mohammed Belakhdim et Leila Jjork; par conséquent, elle est née dans
l'année de la séparation de ses parents; que sa filiation à son père est établie conformément à
l'article 76 précité, confirmant ainsi le jugement entrepris aux motifs que le jugement produit, rendu
par la Cour de Mulhouse en France le 10/7/2000, qui a jugé que le défendeur n'est pas le père de
l'enfant Anissa Dounia Omaina Belakhdim née le 13/9/1996 à Mulhouse, se basant sur l'analyse du
sang qui écarte la filiation de l'enfant au défendeur, est contraire aux dispositions de l'article 76
précité; le mari, défendeur au pourvoi, pouvait demander le désaveu de paternité par la procédure
du serment d'anathème.
Attendu qu'il a été établi aux juges du fond que l'enfant est née dans l'année du divorce de la
défenderesse, aussi ont-ils estimé qu'elle est la fille du demandeur ; qu'il est tenu à l'obligation de
son entretien.
Et attendu que la Convention relative à l'état des personnes, de la famille et de la coopération
judiciaire entre le Royaume du Maroc et la République française signé à Rabat le 10/8/1981 publiée
au Bulletin Officiel en vertu du dahir n° 1-83-197 du 11 Rebia I 1407 (14/11/1986), stipule dans son
article 4 relatif aux dispositions générales que «la loi de l'un des deux Etats désignée par la présente
convention ne peut être écartée par les juridictions de l'autre Etat que si elle est manifestement
incompatible avec l'ordre public». Et l'arrêt attaqué, qui a considéré que la Convention susvisée n'a
pas été évoquée dans son contexte, l'a tacitement écartée, en ce que la cause relève des dispositions
du livre III, chapitre I du code du statut personnel publié au Bulletin Officiel n° 2358 du 11 Joumada II
1377 (3/1/1958 (articles 83 à 89), a ainsi répondu aux moyens évoqués; de plus il convient de noter
que l'arrêt a été
rendu conformément au code du statut personnel de 1958; en conséquence l'arrêt attaqué est
suffisamment motivé, que le moyen n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS
La Cour Suprême, toutes chambres réunies, rejette le pourvoi et met les dépens à la charge du
demandeur.
Présidents: Abdelaali ABOUDI président de la première chambre civile, Abdelouab ABABOU président
de la chambre sociale, Mohammed DERDABI président de la chambre du statut personnel , Batoul
NACIRI présidente de la chambre commerciale, Mustapha MEDARAA président de chambre
administrative, Tayeb ANJAR président de la chambre pénale.
Conseillers: Allal ABOUDI, rapporteur, Mohamed ALLAMI, Abdenabi KADIM, Hammadi AALAM,
Mohamed AIYADI, Habib BELKSIR, Youssef IDRISSI, Malika BENZAHIR, Bouchra ALAOUI, Ibrahim
BAHMANI, Hassan OUMJOUD, Mohamed SGHIR AMJAD, Abderrahmane MEZZOUR, Abderrahmane
MESBAHI, Tahra SALIM,
Jamila MEDOUAR, Ahmed DINYA, Abdeslam SABILA, Hassan MARCHANE, Fatima HAJAJI, Hassan
ZAYRAT, Abderrahmane AKEL, Abdesselam BOUKRAA , Abdesselam BARI.
Avocat Général : Fatima HALAK.
Secrétaire Greffier en chef: Ahmed IBOURK.

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