Vous êtes sur la page 1sur 65

UNIVERSITE DE TUNIS

Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de


Tunis

Département Finance – Comptabilité

Cours de

THEORIE DE LA COMPTABILITE
FINANCIERE
3e année sciences comptables

Préparé par

Mohamed Faker KLIBI

Année universitaire
2006 - 2007
I

Plan du cours

THEORIE DE LA COMPTABILITE
FINANCIERE
INTRODUCTION GENERALE……………………………………………….. 1
CHAPITRE I : EVOLUTION DE LA PENSEE COMPTABLE……………. 3
Introduction ………………………………………………………………………. 3
Section I : Les premières formes de la comptabilité : la comptabilité préhistorique
4
et antique………………………………………………………………………….
I.1. Le comptage préhistorique ………………………………………………….. 4
I.2. La comptabilité à travers les civilisations de l’Antiquité …………………… 5

I.2.1. La comptabilité sumérienne………………………………………………… 5


I.2.2. La comptabilité pharaonique ………………………………………………. 6
I.2.3. La comptabilité grecque …………………………………………………… 7
1.2.4. La comptabilité romaine………………………………………………….. 8
Section II. La comptabilité au moyen – âge (12e et 13e siècle)……………………
8
Section III : l’ouvrage de Luca Paciolo (1447 - 1517)…………………………... 9
Section IV : L’évolution de la comptabilité et la révolution industrielle (19e
siècle)……………………………………………………………………………… 11
Section V : L’évolution de la comptabilité à l’époque contemporaine…………… 12
CHAPITRE II : HISTOIRE CONTEMPORAINE DE LA COMPTABILITE
TUNISIENNE…………………………………………………………………… 14
Introduction…………………………………………………………………….. 14
Section I. Evoluation du marché financier depuis sa création…………………… 15
I.1- Les années 80 : la relance de la bourse………………………………………
15
I.2 - Les années 90: Une place de choix pour le marché financier……………… 16
Section II. Le paysage comptable tunisien lors de ces 20 dernières années…….
18
II.1- Aperçu historique…………………………………………………………… 18
II.2- Le paysage comptable tunisien durant les années 80………………………. 18
II.3- Le paysage comptable tunisien durant les années 90……………………….. 19
CHAPITRE III : LA THEORIE COMPTABLE…………………………….. 20
Section I. Qu’est ce qu’une théorie comptable ?................................................... 20
I.1. La notion de théorie : Généralités………………………………………….. 20
I.2. Définition d’une théorie comptable…………………………………………
20
I.3. Utilité d’une théorie comptable…………………………………………….. 20
II

Section II. Méthodologie pour la formulation d’une théorie comptable………….. 21


II.1. Approche pragmatique (non théorique)……………………………………..
21
II.2. Approches scientifiques (théoriques)……………………………………….. 22
II.2.1. Approche déductive……………………………………………………… 22

II.2.2. Approche inductive……………………………………………………… 22


Conclusion ………………………………………………………………………. 23
CHAPITRE IV : LA NORMALISATION COMPTABLE…………………. 24
Introduction……………………………………………………………………… 24
Section I : Définition et objectifs de la normalisation comptable……………….
24
I.1. Définition……………………………………………………………………. 24
I.2. Les objectifs…………………………………………………………………
25
I.2- 1. Vis-à-vis des préparateurs des états financiers…………………………..
I.2- 2. Vis-à-vis des contrôleurs des états financiers ………………………….. 25
25
I.2- 3. Vis-à-vis des utilisateurs des états financiers…………………………….
I.2- 4. Vis-à-vis de l’entreprise…………………………………………………. 26
Section II : Développement des principes comptables…………………………….
26
II.1. Phase de contribution des dirigeants des entreprises (1900 – 1933)……….. 26
II.2. Phase de contribution de la profession comptable (1933 – 1973)……………
27
II.3. Phase politique (1973 – jusqu’à nos jours)…………………………………. 28
Section III : Les approches de la normalisation comptable……………………… 28
III.1. La théorie du marché libre…………………………………………………. 29
III.2. La réglementation par le secteur privé……………………………………. 30
III.3. la réglementation par le secteur public…………………………………….. 31
III.4. l’approche mixte…………………………………………………………… 32
CHAPITRE V : LE CADRE CONCEPTUEL DE LA COMPTABILITE
33
FINANCIERE…………………………………………………………………..
Introduction……………………………………………………………………… 33
Section I : Cadre général de l’utilité de l’information financière ……………….. 34

Section II : Cadre conceptuel : utilité et éléments constitutifs……………………. 35


II.1. Utilité du cadre conceptuel………………………………………………….. 35
II. 2. Les éléments constitutifs d’un cadre conceptuel ………………………….. 36
CHAPITRE VI : ETUDE DU CADRE CONCEPTUEL TUNISIEN……… 37
Section I : Objectif du cadre conceptuel, utilisateurs et objectifs des états
financiers ………………………………………………………………………..
37
I. 1. Objectif du cadre …………………………………………………………… 37
III

I.2. Les utilisateurs des états financiers …………………………………………. 37


38
I.3. Objectifs des états financiers…………………………………………………
Sections II. Les caractéristiques qualitatives de l’information financière.............. 38
II.1. Définition ………………………………………………………………….. 38

II. 2. L’intelligibilité …………………………………………………………… 39


II.3. La pertinence ………………………………………………………………. 39
II.4. La fiabilité …………………………………………………………………. 39
II. 5. La comparabilité …………………………………………………………… 40
40
II.6. Les contraintes à prendre en considération ………………………………….
II. 7. Arbitrage entre les caractéristiques qualitatives …………………………… 40
Section III. Les hypothèses sous-jacentes ………………………………………… 40

III. 1. La continuité de l’exploitation …………………………………………….. 40


III.2. La comptabilité d’engagement ……………………………………………… 41
Section IV. Les conventions comptables…………………………………………. 41
IV.1. Convention de l’entité …………………………………………………….. 42
IV.2. Convention de l’unité monétaire ……………………………………………
42
IV.3. Convention de la périodicité ……………………………………………….. 42
IV.4. Convention du coût historique ……………………………………………… 42

IV.5. Convention de réalisation du revenu ……………………………………….. 42


IV.7. Convention de l’objectivité ……………………………………………….. 43
IV.8. Convention de la permanence des méthodes ………………………………. 43
IV.9. Convention l’information complète ………………………………………… 43
IV.10. Convention de prudence …………………………………………………. 43
IV.11. Convention de l’importance relative ……………………………………… 43
IV12. Convention de la prééminence du fond sur la forme ………………………
44
CHAPITRE VII : LA THEORIE POSITIVE DE LA COMPTABILITE…… 45
Introduction ……………………………………………………………………… 45

Section I : Les origines de la théorie positive de la comptabilité …………………. 45


Section II : L’utilité de l’information financière dans le cadre de la théorie.
Positive.................................................................................................................... 46
II.1. Construction de l’utilité de l’information comptable : Approche normative. 47
II.1.1 Pertinence de l’information financière ……………………………………. 48
II.1.2 Fiabilité de l’information financière…………………………………….
48
II.1.3 Fiabilité, pertinence et l’ambivalence de l’utilité de l’information
comptable………………………………………………………………………… 49
II.2. Construction de l’utilité de l’information comptable : Approche empirique
IV

(positive)…………………………………………………………………………… 49
51
II.2.1 La valeur – pertinence de l'information comptable…………………………
II.2.2 Le contenu informationnel………………………………………………… 51
II.3. Utilité ou utilisation de l'information comptable ? Le rôle de l'hypothèse de
l'efficience des marchés financiers………………………………………………. 52

II.4. Conclusion ………………………………………………………………… 54


Section III : La théorie politico – contractuelle…………………………………… 54
III.1. Positionnement de la gestion des résultats comptables……………………. 56
III.1.1.Le lissage comptable…………………………………………………….. 56
56
III.1.2. Le nettoyage des comptes……………………………………………….
III.1.3. La comptabilité créative………………………………………………… 57
III.1.4. Définition de la gestion des résultats comptables ……………………….. 57

III.2 Gestion des résultats et typologie des motivations des dirigeants …………. 58
III.2.1. Les motivations contractuelles …………………………………………… 58
III.2.2. Les motivations liées aux coûts politiques ……………………………….. 58
III.2.3. Les motivations boursières………………………………………………. 59
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………
60
INTRODUCTION GENERALE

La comptabilité financière peut-elle avoir des soubassements théoriques ? Autrement


dit, est – il possible de mettre en place une théorie comptable ? Selon Hendriksen
(1977) et McDonald (1972) le développement d’une théorie comptable pourrait être
possible. McDonald pense qu’une théorie doit être basée sur trois éléments essentiels :
1. Codifier le phénomène (comptable) en une représentation symbolique,
2. le concevoir selon des règles et
3. le considérer comme un modèle régissant la pratique.
Dans ce cours de théorie de la comptabilité financière, nous adoptons la vision de
Cormier, Magnan et Tremblay (1993) qui considère que traditionnellement dans
l’enseignement de la comptabilité, on met l’accent sur les techniques, les procédures et
les méthodes de préparation des états financiers. Dans ce cas, la comptabilité est
considérée comme une technique plutôt que comme une sphère de connaissance. En
restreignant la nature et l’étendu de la comptabilité à un inventaire de technique ou de
procédures comptables, l’on évite de fournir une compréhension appropriée de ces
techniques dans le cadre des problèmes auxquels les comptables font face
quotidiennement. De plus, cette vision nous amène à faire abstraction des changements
économiques et sociaux qui ont un effet direct sur ces problèmes. Enfin, l’on entretien
l’idée répandue que l’enseignement reçu est celui des vérités absolues, une telle vision
constitue alors un frein à l’évolution de la comptabilité.
Ce cours de théorie de la comptabilité financière vise à atteindre les objectifs suivants :

• Connaître les origines des premières formes de la comptabilité et reconstituer


l’évolution de la pensée comptable ;

• Saisir la notion de « théorie comptable » et connaître les différentes approches


qui mènent à sa formulation ;

• Identifier l’utilité de la normalisation comptable ;

• Saisir l’importance du cadre conceptuel dans le processus de normalisation et

• Se familiariser avec les apports de la théorie positive de la comptabilité

Pour atteindre ces objectifs, le cours sera structuré autour des chapitres suivants :

1
Chapitre I : Evolution de la pensée comptable
Chapitre II : Histoire de la comptabilité tunisienne
Chapitre III : Théories comptables
Chapitre IV : La normalisation comptable
Chapitre V : Le cadre conceptuel de la comptabilité financière
Chapitre VI : Structure du cadre conceptuel tunisien
Chapitre VII : Théorie positive de la comptabilité financière

2
CHAPITRE I :

EVOLUTION DE LA PENSEE
COMPTABLE
(Histoire de la comptabilité)

Introduction

L’objectif de ce chapitre est de tracer l’évolution de la pensée comptable à travers les


siècles. Dans ce chapitre nous montrons que la comptabilité a évolué d’un simple
instrument de comptage permettant de rafraîchir la mémoire humaine à un puissant
instrument permettant d’orienter la prise de décision effectuée par les investisseurs
financiers. Dans ce cadre, nous insistons sur le fait que s’il est vrai que l’histoire de la
comptabilité remonte à des époques lointaines, la mise en place d’une théorie comptable
explicitement développée et reconnue par les différents « individus » intéressés de loin
ou de prés par l’entreprise n’a été éprouvé que récemment.

Comme le prévoit Cormier, Magnan et Tremblay (1993), la construction et la


compréhension de l’histoire des sciences comptables ne sauraient se concevoir sans une
constante référence à l’évolution générale des sociétés. Peut – être même le domaine de
la comptabilité est-il, parmi tous les domaines de recherche historique, celui qui a les
rapports les plus étroits avec l’état politique, la situation économique, l’organisation
sociale, ainsi qu’avec le niveau culturel du pays et l’époque. Un élément de continuité
ressort de l’étude des changements apportés à la comptabilité à travers les siècles de son
histoire et une relation constante s’établit entre les développements comptables et les
circonstances et les besoins d’une société en mutation. On est alors en face d’un
développement évolutif, mais lent, de la pratique comptable liée à des besoins ressentis
au cours des siècles. D’une forme rudimentaire, la comptabilité va s’orienter à travers
le temps, grâce à une évolution lente mais constante, vers un type de comptabilité
intégrant la pensée scientifique.

Ce chapitre décrit successivement l’histoire de la comptabilité préhistorique, antique


(sumérienne, pharaonique, grecque, romaine), au moyen âge, à la renaissance (l’ouvrage

3
de Luca Pacioli), à l’ère industrielle. Enfin nous passerons à l’étude de l’histoire de la
comptabilité contemporaine où le besoin a été ressenti pour la première fois de bâtir une
comptabilité basée sur une normalisation efficace et une théorie reconnue et bien
structurée.

Section I : Les premières formes de la comptabilité : la comptabilité préhistorique


et antique

Il est évident que dans ce cadre de développement, nous ne pouvons pas parler d’une
comptabilité telle que nous l’envisageons ces jours-ci (une comptabilité à dimension
informationnelle). Il s’agit plutôt de parler d’une forme de comptabilité ou plus
précisément d’un dénombrement ou d’un comptage préhistorique. En quittant la
préhistoire, l’Homme a ajouté l’écriture aux chiffres. C’est avec l’apparition des
civilisations, en commençant par la civilisation sumérienne et son célèbre roi
Hammourabi que la comptabilité a commencé à évoluer pour mieux refléter l’évolution
des besoins des Sociétés en mutation.

Dans cette section, nous retraçons l’évolution de la comptabilité à travers la période


préhistorique et les civilisations sumérienne, égyptienne, grecque et romaine.

I.1. Le comptage préhistorique

Effectivement, la comptabilité a des origines lointaines ancrées dans la préhistoire. En


effet, l’homme primitif a éprouvé le besoin de compter avant d’en éprouver celui de lire
et d’écrire.

Les découvertes archéologiques montrent que les plus anciens véhicules (supports) de
« l’information comptable » étaient les parois des grottes, les os d’animaux, les
planchettes de bois…etc. A cette époque (des milliers d’années avant notre ère qui
commence avec la naissance du Christ), les nombres n’avaient pas encore une
conception abstraite. C’est avec des traits verticaux que l’homme des grottes voulait
peut être se souvenir de sa gloire lorsqu’il tuait un gibier ; chaque trait vertical renseigne
sur un gibier chassé. Il s’agit donc d’une comptabilité à dimension mémoriale qui avait
pour but de rafraîchir la mémoire humaine ; par définition faillible. L’étude de la
préhistoire nous enseigne en même temps que l’utilisation des trait verticaux a laissé sa

4
place pour l’utilisation des cailloux qui ont donné naissance au terme calcul qui a hérité
son équivalent en latin calculus (petit cailloux).

I.2. La comptabilité à travers les civilisations de l’Antiquité

Dans ce cadre nous présentons quelques éléments décrivant successivement la


comptabilité sumérienne, pharaonique, grecque et romaine.

I.2.1. La comptabilité sumérienne

Les sumériens constituent la première civilisation reconnue par les historiens.


Géographiquement, cette civilisation s’organisait dans la région située entre le Tigre et
l’Euphrate appelée la Mésopotamie (la région où se trouvent actuellement la Syrie et
l’Iraq).

Les Sumériens ont légué à l'humanité les concepts de loi, de gouvernement et de vie
urbaine. On leur doit également un système astronomique et mathématique qui permit
de diviser le temps et l'espace en degrés ce qui allait, plus tard, aboutir à nos heures, nos
minutes et nos unités de mesure linéaire. Sans oublier la poterie et le développement de
la roue à des fins de transport. Leur plus grande invention fut l'écriture. En effet, c’était
avant 4000 ans avant notre ère qu’ils ont inventé la première forme d’écriture reconnue,
appelée l’écriture cunéiforme et c’est par cette invention que l’humanité a passé de la
préhistoire à l’histoire (selon la classification des historiens).

Selon certains historiens ils ont inventé l’écriture pour les besoins de leurs
comptabilités. Ils exerçaient les métiers d’agriculteur, de banquier et de commerçant. Ils
« avaient la manie de l'écriture : les documents comptables, les contrats, les
inventaires, les reçus, les lettres, les textes de lois sont consignés sur des tablettes de
diverses formes et dimensions »1

La tenue de la comptabilité à Sumer était une obligation pour les commissionnaires et


les mandataires. L’écris permettait de se renseigner sur le montant et l’intérêt acquis.
C’est dans les temples que les archéologues ont découvert les documents comptables.
La Société sumérienne à l’instar des autres Sociétés devait faire face aux individus mal
intentionnés. Pour éviter de se faire dépouiller pendant les déplacements « ils avaient

1
Histoire de la comptabilité, Paris PUF 1998.

5
déjà inventé la lettre de crédit, et ils n'hésitaient pas à s'engager dans des contrats de
sociétés où la répartition du capital et la distribution des bénéfices futurs étaient
consignés »2. Ils confectionnaient des tablettes à l’aide d’argile pour pouvoir graver les
écritures. Mais il fallait suivre une formation à « la maison des tablette » pour pouvoir
confectionner les tablettes d’argile. Cette formation était réservée aux enfants de
familles aisées.

Les archéologues ont découvert des tablettes d’argile allant de six à dix colonnes. Les
fouilles ont permis de découvrir des tablettes semblables ce qui signifie qu’ils en
faisaient des exemplaires. Mais il était difficile de faire la différence entre la copie et
l’originale. Les augmentations étaient inscrites en haut et les diminutions en bas. Le
solde de fin de période était visible. L’exercice était annuel. Les tablettes de plusieurs
colonnes indiquaient en plus du solde de clôture celui de début de période. Le solde
pouvait être nul, positif ou négatif. Un solde négatif signifiait qu’il a eu un emprunt qui
sera remboursé à une date ultérieure. Toutes les opérations donnaient lieu à
l’établissement de pièces comptables. Comme le souligne C. Cossu, "Dans un
découpage de temps en exercices annuels, les opérations donnent lieu à la création de
pièces comptables, de récapitulations par comptes et la fin de l'exercice est marquée
par l'établissement de documents de synthèse (bilans physiques) vraisemblablement
contrôlés par un inventaire matériel".

I.2.2. La comptabilité pharaonique

Les chercheurs intéressés par l’histoire de la comptabilité, notent d’emblée que la


comptabilité babylonienne était plus élaborée que la comptabilité égyptienne (Obert,
1998). En revanche, le système de numérotation des égyptiens était plus complexe.

Dans l’Égypte pharaonique, de nombreuses fouilles archéologiques montrent l’existence


des hiéroglyphes transcris sur des papyrus (feuilles pour l’écriture fabriquées par les
anciens égyptiens à partir de la plante papyrus).

Selon Boissier, en Égypte de l’antiquité «les papyrus d'Abousir qui furent trouvés dans
le temple funéraire de Néferirkare sont, à l'heure actuelle, les plus anciens papyrus
connus puisque la grande majorité des fragments remonte au règne d'Izézi (soit vers
2390 avant notre ère) ... Le contenu de ces archives concerne la vie quotidienne du
2
Histoire de la comptabilité, Paris PUF 1998

6
temple et son économie : on y trouve aussi bien des tableaux de service du personnel
que des inventaires mobiliers et immobiliers, des comptabilités ou des lettres. Les
documents de comptabilité occupent une large place dans cet ensemble.... Les
comptabilités d'Abousir se présentent soit à la forme de tableaux, soit à la forme de
comptes plus succincts ou, néanmoins, l'organisation en tableaux est sous-jacente, à tel
point que certains éléments de ces comptes peuvent se trouver brusquement disposés à
l'intérieur d'un quadrillage. On possède ainsi des tableaux de revenus mensuels,
journaliers ou décadaires, des comptes d'étoffes, de viandes ou de grains, des comptes
de virement, d'offrandes, des comptabilités saisonnières, ou des comptes de livraisons
particulières faites au temple funéraire de Néferirkake par des individus »

I.2.3. La comptabilité grecque

Les traces trouvées dans la Grèce antique montrent le développement de la comptabilité


publique. En effet, selon Obert (1998) on découvrit à Athènes, en 1788 une inscription
lapidaire relatant l'emploi des revenus du Trésor de l'extraordinaire pièce conservée
dans le temple de Minerve sous l'archontat de Glaucippe en 410-409 avant Jésus-Christ.
Callistrate de Marathon, trésorier en chef, détaille le coût de l'entretien de la cavalerie,
celui d'une expédition navale et donne le prix des réjouissances publiques. Le total
figure au pied de l'inscription : 180 talents soit 4 500 kilogrammes d'argent. Cette
publicité des comptes justifie d'une bonne administration, mais révèle aussi la
prodigalité des Athéniens.

A cette époque, toute la vie publique et privée se déroulait sous l’égide des temples, ce
sont eux qui constituaient le centre de la comptabilité. Ces temples resteront très
longtemps le lieu privilégié des échanges et deviendront dans la Grèce ancienne les
premières banques de dépôt réunissant pratiquement tous les éléments de la technique
comptable moderne y compris les chèques et les virements directs de compte à compte.
Les premiers banquiers qui étaient généralement des changeurs de monnaie, aient un
livre journal et des éphémérides (calendriers dont ont retire chaque jour une feuille)
détaillant les opérations quotidiennes. C’est ainsi que recettes et dépenses étaient
inscrites les unes au dessous des autres dans un ordre chronologiques donnant lieu à un
jeu d’addition et de soustraction. Il existait également des comptes synthétiques
résumant les opérations au cours d’une période donnée.

7
1.2.4. La comptabilité romaine

Les historiens de la comptabilité sont presque unanimes sur la rareté des documents
comptables laissés par les romains de l’antiquité.

Selon Obert (1998), le temps, les invasions, diverses catastrophes (naturelles ou


provoquées) ont eu raison des fragiles tablettes recouvertes de cire. En effet, les romains
tenaient leurs comptes, comme une grande partie de leurs écrits sur des tablettes de cire.
Celles ci étaient moins coûteuses et moins fragiles que les «volumes» de papyrus. Ces
tabulae étaient assemblées par deux ou trois. Les plus petites avaient un cordon ou une
poignée pour les suspendre ou les transporter. Les plus grandes étaient sanglées. On
écrivait avec un stylet sur les faces intérieures recouvertes de cires teintées en noir. Il
était facile d'égaliser la cire pour un nouvel écrit, ce qui facilitait les falsifications. Dans
ces conditions, l'analyse de la comptabilité romaine est difficile. Un certain nombre
d'informations nous sont néanmoins parvenues grâce aux écrits des auteurs latins qui
nous apportent leur témoignage. La comptabilité a eu à Rome une grande place et peut-
être, pour la première fois dans l'Antiquité, apparaît-elle comme une véritable
institution, généralisée au niveau de l'ensemble de la population, c'est à dire des
particuliers, des entreprises en général, des banques et de l'Etat que les romains ont su
concevoir comme un véritable sujet économique.

La comptabilité romaine est surtout marquée par la comptabilité domestique3 qui nous
est la plus connue, mais d'une manière générale, que ce soit en matière de comptabilité
commerciale et bancaire ou en matière de comptabilité publique, les techniques étaient
très sensiblement identiques, comme semble-t-il dans toute l'Antiquité d'ailleurs.

Section II. La comptabilité au moyen – âge (12e et 13e siècle)

L’élément qui a fourni l’élan nécessaire au développement de la comptabilité fut


l’introduction de la monnaie en tant que moyen d’échange. Il devenait alors possible,
avec la monnaie comme unité de mesure, de représenter différentes sortes de biens et,
ainsi, d’établir des totaux pour l’ensemble de l’actif et des dettes, et de mesurer les
bénéfices. Mais c’est l’expansion commerciale de la fin du Moyen – âge qui amena la
monnaie à jouer un rôle prépondérant dans le développement de la comptabilité. Le

3
Où chaque chef de famille est tenu de tenir une comptabilité retraçant les différentes opérations
ménagères effectuées.

8
moyen – âge a connu un regain de la vie économique et la re – naissance de la technique
comptable. A cette époque, il y eu l’interaction de cinq facteurs fondamentaux qui ont
influencé l’évolution de la technique des comptes (Cormier, Magnan et Temblay,
1993) :

1 – L’influence de l’église et des croisades : En plus de leur mission religieuse, les


croisades développèrent le commerce de façon importante et les commerçants de
l’époque, pour pallier les défaillances éventuelles de leur mémoire, consignaient par
écrit certaines de leurs transactions. Cette technique de comptabilité était alors de type
« mémoriale »

2 – L’expansion commerciale générée par les croisades conduisit à une extension


considérable du crédit.

3 – Si les croisades et l’extension du crédit favorisèrent l’émergence de nouvelles


techniques comptables, l’introduction en Occident des chiffres arabes en 1170 permit la
disposition des chiffres en colonnes et facilita les opérations arithmétiques.

4 – L’apparition des contrats de mandat : Le contrat de mandat se définit comme une


entente confiant à un tiers la gestion de l’argent d’autrui. Une telle délégation amena à
une comptabilité apte à la reddition des comptes.

5 – Au XIIIe siècle de notre ère, on assista à une croissance de diverses sociétés


commerciales qui transigèrent en commandite. Dans ces sociétés en commandite, des
commerçant chargeraient des négociants – voyageurs d’effectuer pour eux diverses
transactions moyennant une participation aux bénéfices. L’objectif de la technique
comptable devenait alors la reddition des comptes et le calcul de la participation dans
les bénéfices pour le gestionnaire.

L’interaction entre ces cinq facteurs avait conduit à l’invention de la comptabilité à


partie double. Cette technique comptable progressa jusqu’en 1494 date à la quelle Luca
Paciolo publia le premier ouvrage comptable.

Section III : l’ouvrage de Luca Paciolo (1447 - 1517)

L’année 1494 constitue une date importante dans l’histoire de la comptabilité, non pas
par ce qu’elle marque le début de la comptabilité à partie double, mais parce que c’est

9
l’année de la publication (grâce à l’invention des techniques de l’impression), en Italie,
de premier ouvrage de comptabilité. Cet ouvrage est intitulé « Summa de Arithmetica,
Geometria, Proportioni é Proportionalita ». Il se divise en deux principales parties à
savoir : l’arithmétique et la géométrie.

La partie arithmétique se subdivise en quatre titres :

• Les nombres et les opérations fondamentales qui comportent également des


éléments d’arithmétique commerciales ;

• Les sociétés commerciales, l’escompte, les changes et la monnaie ;

• La comptabilité ;

• Le tarif, c’est à dire les usages commerciaux, les poids et mesures et les
monnaies des différents pays.

Le troisième titre qui nous concerne énonce les caractéristiques principales de la


comptabilité qui se résument comme suit :

Î Une comptabilité essentiellement analytique. Les comptes reflètent chacun des


éléments du patrimoine.

Î Les livres comptables sont arrêtés soit en fin d’année soit au terme d’une période de
plus d’un an ou encore lorsque le livre est entièrement rempli.

Î Pour chaque compte on détermine soit le bénéfice soit la perte, ce résultat n’étant pas
arrêté pour l’ensemble des comptes. Le compte profits et pertes ne figure pas au journal
mais au grand livre.

Î Seules les opérations de gestion sont enregistrées au journal.

Î Le report des soldes est effectué d’un grand – livre à un autre bien que Pacioli
semble faire allusion à des balances d’entrées et de sorties.

Pacioli a été le premier à décrire le mécanisme de la comptabilité à partie double qui


correspond à ce qui est encore pratiqué actuellement. Les opérations sont enregistrées
successivement au niveau de trois livres à savoir : le brouillard, le journal et le grand
livre. La tenue de chacun de ces livres obéit à des règles bien définies.

10
Section IV : L’évolution de la comptabilité et la révolution industrielle (19e siècle)

C’est à partir du 19e siècle que se trouvent réunies les conditions rendant possible le
développement des règles et de principes comptables. En effet, on a assisté a un essor
industriel considérable, dont les principales caractéristiques sont les suivantes (Cormier,
Magnan et Tremblay, 1993) :

• Croissance généralisée des entreprises telles que les compagnies de chemin de


fer ;

• Construction de nouvelles usines, à la fine pointe des dernières découvertes


industrielles ;

• Intensification des échanges commerciaux entre les Etats - Unis et la Grande


Bretagne ;

• Construction de complexes manufacturiers dotés d’immobilisations


importantes ;

• Besoins de capitaux à long terme, d’où le développement des marchés


financiers ;

• Nécessité de procéder à l’évaluation de la performance à long terme des


gestionnaires.

Ces facteurs accélèrent de façon marquée le développement des techniques comptables,


en particulier :

- Le développement de la comptabilité industrielle,

- La consécration du bilan (l’habitude d’analyser périodiquement le


patrimoine)

- La consécration de l’état de résultat

- Précision de certains concepts : capital, bénéfice et ultérieurement


amortissement.

- Le besoin d’auditer les comptes.

11
Section V : L’évolution de la comptabilité à l’époque contemporaine

Cette époque remonte aux origines de la crise économique de 1929. Elle est marquée
par deux faits qui ont contribué à l’évolution de la comptabilité telle qu’on la connaît
aujourd’hui. Ces deux faits sont : la normalisation (la réglementation) comptable et
l’émergence d’une théorie comptable grâce au développement de la recherche
comptable.

1. La normalisation comptable (voir chapitre IV) : la période de 1930 à nos jours est
caractérisée par le développement des institutions ayant un intérêt dans la progression
des principes et pratiques comptables. Les préoccupations majeurs ont été : la
réglementation des pratiques comptables, la structuration de la comptabilité en tant que
discipline. Dans la plus part des pays la comptabilité des entreprises est aujourd’hui
normalisée, ce qui signifie qu’elle s’appuie sur une terminologie et des règles
communes, et produisent des documents de synthèse dont les présentations sont
identiques d’une entreprise à l’autre.

2. L’émergence d’une théorie comptable : les années 60 marquent un tournant


décisif grâce au développement de la recherche fondamentale en comptabilité. C’est à
dire qu’au lieu de s’orienter seulement vers la codification et l’épuration des pratiques
comptables issues de l’usage, les organismes intéressés à la comptabilité veulent à partir
de l’étude du milieu économique, des besoins des utilisateurs et des objectifs des états
financiers, aboutir à la formulation de principes généraux. Il s’agit de dégager un
support théorique logique sur lequel s’appuiera l’élaboration des pratiques.

De nos jours les principaux débats tournent autour de l’harmonisation internationale des
principes comptables et notamment la nécessité ou non (cas de la France) de définir un
cadre conceptuel qui servirait de cadre de référence à la formulation des nouvelles
normes aux pratiques comptables et à l’évolution des pratiques existantes. Ce débat a
été soldé en 2005 par l’adoption des normes internationales de l’IASB (les IFRS) par les
grandes sociétés européennes cotées sur le marché financier.

Sur le plan technique, le développement de l’application de l’informatique, ouvre de


nouvelles possibilités en même temps qu’il pose le problème de nouvelle adaptation.
L’utilisation des ordinateurs allège les travaux matériels, accélère le traitement des
informations et modifie l’organisation du travail des comptables mais il se pourrait bien

12
que l’adaptation de la comptabilité à l’informatique remette sérieusement en question sa
méthodologie et ses fondements même.

La comptabilité à l’époque contemporaine est influencée par plusieurs événements


(Cormier, Magnan et Tremblay, 1993) :

• la création d’associations professionnelles de comptabilité

• la création des commissions des valeurs mobilières

• la multiplication des firmes multinationales

• la globalisation des marchés financiers

• la prolifération de l’enseignement et de la recherche comptable dans les


universités

• une prise de conscience de l’importance de l’environnement écologique :


l’avènement de la comptabilité verte.

13
CHAPITRE II :
HISTOIRE CONTEMPORAINE DE LA
COMPTABILITE TUNISIENNE
Introduction

Ce deuxième chapitre se propose de décrire l’évolution du contexte économique et son


impact sur la comptabilité tunisienne.

Une lecture attentive de l’histoire de l’économie tunisienne durant ces 20 dernières


années, nous fait révéler qu’elle a connu des hauts et des bas. Dans le cadre de ce
chapitre, ce n'est pas la performance économique qui nous intéresse; mais plutôt son
orientation.

Un système comptable doit traduire le système économique d’un pays. Par ailleurs,
chaque système économique, donne le privilège à un acteur bien particulier ; par
exemple, dans une économie à orientation socialiste le privilège est accordé à l’Etat. En
revanche, dans une économie à orientation capitaliste, le privilège est accordé aux
investisseurs privés. La comptabilité doit orienter l’utilité des informations qu’elle
produit soit pour l’Etat soit pour les investisseurs privés.

L’objectif de ce chapitre est de se placer du coté d’un investisseur tunisien opérant dans
le marché financier tunisien et voulant asseoir ses décisions sur la base de l’information
comptable, et ce en mettant l’accent sur l’évolution des circonstances économiques sur
ces 20 dernières années. La relation qu’on examinera donc, est la suivante :

EconomieÆ marché financier Æ information comptable

14
Section I. Evoluation du marché financier depuis sa création

Comme dans la majorité des pays nouvellement indépendants, l’Etat tunisien avait pris
dés 1957 la charge d’encadrer le peuple surtout en mettant l’accent sur le principe de la
gratuité de l’enseignement. A cette époque, toute politique économique devrait être
envisagée en donnant le rôle principal à l’Etat. Cette conception avait marqué le début
de l’ère socialiste du pays, qui s’est soldée par un échec donnant ainsi le coup d’envoi à
une ère libérale – ou plus précisement proto-libérale – qui a favorisé la création de la
bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT) en 1969. Mais, la prédominance de
l’Etat et des banques a subsisté en ce qui concerne le financement de l’économie. Cette
période a été caractérisée par :

• Une facilité d’accés aux crédits bancaires et aux aides de l’Etat.

• Une rémunération très avantageuse des dépots auprés des banques qui étaient
réglementées, protégées et exonérées d’impôts.

• Une fiscalité assez lourde des placements en bourses

Durant cette période, la bourse était perçue beaucoup plus comme un bureau
d’enregistrement des transactions qu’un miroir de l’économie ayant sa place dans le
financement des entreprises.

Les années 80 ont marqué une nouvelle relance du marché financier tunisien.

I.1- Les années 80 : la relance de la bourse

Riches d’un héritage de succés économique favorisé par la libéralisation des années 70,
les années 80 auraient dû voir une économie plus solide et plus développée. Cependant,
dans la première moitié des années 80 on a assisté à une déterioration de l’économie
tunisienne qui a atteint son paroxisme en 1986 qualifiée “d’année noire” avec une chute
historique de la production réelle (-1.86%) et avec à la cléf une crise de paiement sans
équivalent dans les annales de la Tunisie indépendante1. Pour remédier à cette situation
critique qui a engendré des crises sociales et politiques, un Plan d’Ajustement Structurel
(PAS) a été adopté en 1986 sous l’impulsion du FMI. L’objectif de ce plan est de
“contenir la déterioration de la situation et rétablir les conditions de la relance”.

1
Ayari Ch. (2000)

15
Les réformes adoptées touchent plusieurs aspects dont la dynamisation du marché
financier. En termes plus concrets, la nouvelle reglementation, qui avait pour but de
mettre à jour la loi n° 69-13 du 28 février 1969, attribuait à la bourse le pouvoir de
contrôler toute information publiée concernant les sociétés faisant appel au marché
financier, ainsi l’actionnaire ou l’épargnant pourrait disposer d’informations continues
et fiables. L’année 1988, a connu la promulgation de deux textes de loi concernant les
sociétés d’investissement qui ont favorisé la création des SICAF (Sociétés
d’Investissement à Capital Fixe), des SICAV (Sociétés d’Investissement à Capital
Variable) et des SICAR (Sociétés d’Investissement à Capital Risque). Ceci en ce qui
concerne la loi n°88-92 de 2 août 1988, la loi n° 88-111 a concerné l’émission des
emprunts obligataires dont le but est l’ouverture du marché obligataire, jadis réservé aux
banques.

Matoussi (1991), a étudié la part de la contribution du marché financier au financement


de l’économie sur la période allant de 1970 à 1988. Il démontre que le marché financier
contribue pour une part non négligeable dans le financement des investissements (avec
une moyenne annuelle de 21,37%), il ajoute que le financement de l’économie par la
bourse a connu une stabilié sur la période étudiée. Toutefois, cette part n’est pas à
comparer avec la part de la contribution des banques dans ledit financement (dont la
contribution annuelle moyenne est de 43,27%).

I.2 - Les années 90: Une place de choix pour le marché financier

Si durant les année 1970 et 1980, la Tunisie avait le choix d’opter pour un système
économique “façonné” par des considérations internes du pays, les années 1990 ont
imposé à la Tunisie l’adoption d’un système économique libéral, une situation qui a
rendu obligatoire le passage d’une économie socialiste, parfois capitaliste “hésitée”, à
une économie ouverte basée sur un marché financier développé. Pour s’y faire, un
ensemble de mesures a été adopté pour être à la hauteur du nouveau contexte. De ces
mesures on invoque, le programme de mise à niveau des entreprises, la loi relative aux
entreprises en difficulté, la privatisation de plusieurs sociétés publiques, la libéralisation
des prix et de la concurrence…etc. Par ailleur, la Tunisie a adhéré à l’Organisation
Mondiale de Commerce (OMC) et a signé un accord de partenariat avec l’Union
Européenne le 17 juillet 1995.

16
En ce qui concerne le marché financier, et pour atteindre les meilleurs standards
internationaux, une réforme majeure a été adoptée, avec la promulgation de la loi de
novembre 1994 portant réorganisation du marché financier, qui est venue compléter le
train des réformes démarrées en 1988. Cette loi a créé la nouvelle autorité de régulation
; le Conseil du Marché Financier (CMF), de même, elle a insisté sur l’obligation mise à
la charge des sociétés qui font appel public à l’épargne de fournir “tous renseignements
et documents nécessaires à la négociation ou à l’appréciation de leurs titres dans les
conditions fixées par le règlement général de la bourse”. Shabou (1998), considère cette
loi comme un renforcement de l’efficience du marché financier tunisien.

D’autre part, des mesures fiscales ont été prises pour inciter les épargnants à choisir la
bourse, en effet:

• Les dépôts auprés des banques sont devenus fiscalisés, les taux d’intérêt relatifs
ont baissé comme conséquence de la baisse du taux d’inflation.

• L’épargne en valeur mobilière a bénéficié d’une fiscalité favorable avec la


suppression de la fiscalité sur les plus values et sur les dividendes.

• L’impôt sur les bénéfices des sociétés a baissé de 80% à 35% (plus récemment à
30%).

En fin, et en guise de conclusion, l’économie tunisienne a connu une évolution générale


au cours de ces 20 dérnières années, et même si elle a passé par des années “noires”, ces
dernières avaient incité le pouvoir réglemrntaire à prendre des mesures qu’il a jugé
nécesaires pour pallier aux situations critiques. En parallèle, le marché financier tunisien
a connu une évolution, surtout au cours de cette dérnière décennie. Cette évolution doit
être accompagnée obligatoirement par un changement de la composition des entreprises
cotées à la BVMT, qui sont appelées à être plus compétitives. La compétitivité entre-
entreprises, pousse ces dernières à investir plus dans la technologie, ce qui fait naître un
risque qui va changer la manière avec laquelle les investisseurs approchent le présent et
le futur de l’entreprise et qui va les rendre plus exigeants en matière d’information.

Cette formulaton nous mène à poser la question suivante: le système comptable tunisien
a -t- il suivi l’évolution de l’économie tunisienne et ses conséquences? C’est l’objectif
du paragraphe suivant.

17
Section II. Le paysage comptable tunisien lors de ces 20 dernières années

Si l’économie tunisienne a connu des changements substatiels durant ces 20 dernières


années, le système comptable censé la décrire, n’a pas su suivre de prés ces
changements. En effet, le Plan Comptable Tunisien de 1968 (PCT 68) était très critiqué
jusqu’à 1997. On lui reprochait le fait qu’il soit dépassé par les événements et par le
nouveau paysage économique tunisien. En 1996, la loi promulgant le nouveau système
comptable a été mise en application dés 1997, mais, ce système a été critiqué, on lui
reprochait une porté d’anticipation et on le qualifiait de prospectif du fait qu’il soit en
avance par raport à ce qu’il est supposé décrire.

II.1- Aperçu historique

Historiquement, la comptabilité tunisienne était basée sur le système comptable français


de 1957.

En 1968, le plan comptable général tunisien a été adopté1, il correspondait exactement


aux orientations socialistes de l’époque où l’Etat jouait le rôle de planificateur
économique. Donc, il était logique que les informations produites sur la base de ce plan
visent à satisfaire les besoins de l’Etat. Le PCT, était caractérisé par son formalisme
« poussé » ce qui écartait toute possibilité de mise à jour. Mais, il semble que jusqu’à la
fin de la décennie 1970, ce plan a su justifier sa raison d’être avant qu’il ne soit critiqué
au début des années 1980.

II.2- Le paysage comptable tunisien durant les années 80

Au début des années 80, avec la montée en puissance de l’initiative privée, issue de
l’ère proto – libérale des années 70 et la volonté de l’Etat à se « désincarner » de son
rôle de planificateur économique, un besoin de mise au goût du jour du système
comptable tunisien a été éprouvé. Dans cette période, l’Ordre des Experts Comptables
de Tunisie (OECT) a été créé (en 1982). Il avait pris en charge la tâche d’élaborer des
normes comptables supposées répondre aux difficultés rencontrées par les entreprises.
Ces dernières n’hésitaient pas à appliquer des normes comptables internationales, ce qui
a amené quelques praticiens à parler d’un « shopping comptable ».

1
Sans qu’il fasse l’objet d’une obligation légale

18
II.3- Le paysage comptable tunisien durant les années 90

Au début des années 1990, des réflexions sérieuses ont été engagées pour élaborer un
nouveau système comptable qui répondra aux nouvelles ambitions économiques où le
marché financier est appelé à jouer un rôle du premier ordre dans le financement de
l’économie tunisienne. C’est dans cette logique que le Nouveau Système Comptable
(NSC) a été élaboré.

Le NSC tunisien, est très proche du référentiel comptable international conçu pour les
besoins des investisseurs financiers opérant dans les marchés boursiers développés.
Donc, théoriquement le NSC est en avance par rapport à son contexte : son élaboration
est elle donc hâtive3 ?

Selon Colasse [1997], le nouveau système comptable tunisien, s’il a choisi de s’aligner
sur le référentiel comptable international de l’IASB pour viser les besoins des
investisseurs financiers, il a su, en revanche, impliquer d’autres utilisateurs tel que
l’Etat, les dirigeants…etc, et ce en gardant l’essence du PCT de 1968.

3
Moalla. N. (1997).

19
CHAPITRE III :
LA THEORIE COMPTABLE

Section I. Qu’est ce qu’une théorie comptable ?

I.1. La notion de théorie : Généralités

Une théorie ; c’est l’ensemble d’opinions, d’idées sur un sujet particulier (théorie
sociale, artistique…). C’est une connaissance abstraite et spéculative. Une troisième
définition qui semble plus proche de ce que nous allons appeler théorie comptable,
stipule la formulation suivante : système conceptuel organisé sur lequel est fondé
l’explication d’un ordre de phénomènes.

I.2. Définition d’une théorie comptable

Selon Hendriksen (1977), « une théorie serait un ensemble cohérent de principes


hypothétiques, conceptuels et pragmatiques formant un cadre de référence pour un
champ d’intérêt ».

Ainsi, la théorie comptable peut être définie comme « un raisonnement logique,


exprimé par un ensemble de principes généraux et qui : (1) fournit un cadre de référence
pour l’évaluation des techniques comptables existantes ; (2) sert de guide pour le
développement de nouvelles techniques comptables…l’objectif principal d’une telle
définition est de fournir un ensemble cohérent de principes basés sur la logique et
servant de cadre de référence pour l’explication et la prédiction des techniques
comptables » (Belkaoui, p36-37).

D’autres chercheurs en comptabilité ont proposé d’autres définitions pour la théorie


comptable, on cite notamment McDonnel (1972) qui voit dans la théorie comptable un
ensemble de représentations symboliques assorties de règles de traduction et
d’association permettant de faire des prédictions.

I.3. Utilité d’une théorie comptable

On peut assigner un triple rôle à la théorie comptable. Elle devrait permettre :

20
• D’expliquer, et aussi d’enseigner sans ambiguïté les différents aspects de la
pratique comptable (rôle explicatif).

• D’évaluer et d’améliorer la qualité de cette pratique (rôle normatif)

• Enfin de prédire la solution de nouveaux problèmes qui s’offrent à elle (rôle


prédictif et heuristique).

Ce triple rôle de la théorie comptable fait qu’elle est aussi utile aux comptables, ainsi
qu’aux utilisateurs des documents comptables : elle est le cadre conceptuel de référence.
Le référentiel qui, d’une part, permet aux comptables d’apprendre et d’exercer leur
métier et qui, d’autre part, permet aux utilisateurs de l’information de comprendre et de
se faire une opinion sur les documents qui leur sont présentés.

Section II. Méthodologie pour la formulation d’une théorie comptable

Dans ce cadre on cite deux principales approches pour la formulation d’une théorie
comptable ; à savoir l’approche pragmatique (non théorique) et l’approche scientifique
(théorique).

II.1. Approche pragmatique (non théorique)

Il s’agit d’une approche qui n’a pas d’assises théoriques. Selon Belkaoui (p. 41), « le
pragmatisme philosophique est une doctrine selon laquelle les concepts théoriques sont
évalués sur la base de leur utilité pratique. Appliquée à la comptabilité, l’approche
pragmatique implique le développement de concepts en accord avec la pratique
comptable et utiles dans des situations réelles. Le choix des techniques et concepts
comptables sera sujet à des tests d’utilités et de réalismes. Ces techniques et concepts
sont considérés comme utiles quand ils facilitent la gestion interne de l’entreprise, ou
quand ils facilitent la prise de décision des lecteurs externes. En d’autres termes, une
théorie qui n’a pas de conséquences pratiques est une mauvaise théorie ». En effet,
selon cette approche, lorsque les entreprises font face à un problème, le normalisateur
établit une norme en choisissant la plus généralement admise. L’usage de la seule
approche pragmatique dans un contexte de vide conceptuel privilégie la prolifération
(multiplication) des pratiques comptables et risque de sacrifier la cohérence des normes
produites. Donc, l’absence d’un critère précis d’utilité, d’une identification complète

21
des lecteurs et de leurs besoins, rend l’application de l’approche pragmatique totalement
subjective. Ces inconvénients semblent être dépassés par l’approche scientifique ou
théorique.

II.2. Approches scientifiques (théoriques)

Dans ce cadre on compte deux approches, l’une déductive, l’autre inductive.

II.2.1. Approche déductive

L’approche déductive consiste à identifier certaines prémisses fondamentales ou


objectifs de la comptabilité à partir desquelles seront dérivés logiquement les postulats,
principes et techniques comptables. La formulation d’une théorie comptable par voie de
raisonnement déductif consiste à aller du général au particulier. L’approche déductive
repose principalement sur une définition logique des objectifs des états financiers, ce
qui est fondamental pour les autres étapes du processus de déduction. Cependant, si
l’approche déductive est porteuse d’avenir parce que plus susceptible d’engendrer des
changements dans le développement de la comptabilité, elle présente un inconvénient
de tailles. En effet, lorsqu’on la retient, il devient nécessaire de vérifier empiriquement
les hypothèses développées d’une manière déductive, car même si les hypothèses
présentent de la cohérence et de la logique, il est toujours possible qu’elles ne rejoignent
pas la réalité et que les prémisses sur lesquelles elles reposent soient erronées ou que les
observations qui ont pu les inspirer soient insuffisantes et par conséquents, elles peuvent
entraîner la formation de faux principes comptables.

II.2.2. Approche inductive

L’approche inductive consiste à dériver une structure logique de la comptabilité à partir


d’observations particulières, c’est à dire à développer des généralisations sur la
comptabilité à partir d’un ensemble d’observations prises dans la pratique comptable.
Cette approche va donc du particulier au général. Les généralisations font souvent
l’objet de vérification et d’expérimentation avant d’être acceptées.

Comme l’approche déductive, l’approche inductive présente quelques limites. D’une


part elle peut conduire à fonder le développement de la comptabilité sur l’usage.
D’autre part, il y’a le risque d’aboutir à des fausses généralisations. En effet, étant
donné que cette approche part d’observations qui dépendent beaucoup du jugement de

22
l’observateur, il y’a une forte probabilité que la pensée comptable soit influencée par les
préjugés et les intérêts de ces observateurs.

Conclusion

La pratique comptable contient une grande diversité de techniques appliquées à la


comptabilisation des évènements économiques. Les comptables ont donc besoin d’un
ensemble théorique qui les guides dans l’établissement et le choix de ces théories. La
théorie comptable doit elle emprunter à la fois la méthode déductive et la méthode
inductive. Cela permettrait à la comptabilité de connaître une certaine souplesse
d’adaptation à un monde économique dont la principale caractéristique est d’être sans
cesse en mouvement. Chacune des méthodes présentées présente des avantages et des
inconvénients. Un effort rationnel d’élaboration d’une théorie comptable devrait reposer
sur une approche éclectique, c’est à dire sur un sous ensemble des approches théoriques
et non théoriques.

23
CHAPITRE IV :
LA NORMALISATION COMPTABLE

Introduction

L’établissement et le renforcement des normes comptables constituent des problèmes


importants pour la profession comptable et les utilisateurs de l’information.

La détermination du meilleur mécanisme pour établir et renforcer les normes


comptables peut être essentiel à l’acceptabilité et à l’utilité des normes.

Devra –t- on confier cette tâche à un marché libre, au secteur privé ou au secteur
public ?

Ce chapitre présente une discussion des mérites et des utilités de chacune de ces
approches. Avant cette discussion, le chapitre présente la définition et les objectifs de la
normalisation comptable, trace le développement des principes comptables et détermine
les entités intéressées par les normes comptables.

Section I : Définition et objectifs de la normalisation comptable

I.1. Définition :

La normalisation comptable (standardisation) peut être définie comme l’action


d’élaborer des normes comptables destinées essentiellement à servir de guide aux
entreprises pour l’établissement et la présentation des états financiers. Ainsi, la
normalisation a pour objet d’établir des règles communes dans le but d’uniformiser et
de rationaliser la présentation des informations comptables susceptibles de satisfaire les
besoins présumés de multiples utilisateurs. Les normes comptables sont définies comme
des données de référence résultant d’un choix collectif et raisonné en vue de servir à la
résolution des problèmes répétitifs.

24
Elles peuvent être aussi définies comme la façon précise de comptabiliser ou de
présenter des opérations susceptibles de faire l’objet des différents traitements
comptables.

La normalisation peut donner lieu à des normes opérationnelles et d’autres


conceptuelles : si les premières apportent des solutions aux problèmes comptables
soulevés par le traitement d’opérations répétitives, les secondes constituent un cadre
général à partir duquel des solutions sont recherchées.

I.2. Les objectifs :

I.2- 1. Vis-à-vis des préparateurs des états financiers

A l’égard es préparateurs des états financiers, la normalisation comptable vise à mettre à


leur disposition des solutions raisonnées ayant reçue un consensus officiel et arrêté en
toute objectivité sans considération des intérêts particuliers des parties intéressées
(direction de l’entreprise, bailleurs de fonds, administration fiscale…). Elle leur permet
ainsi de se prémunir contre toute critique, contestation ou attaque pouvant être dirigées
contre eux (c'est-à-dire l’induire en justice).

I.2- 2. Vis-à-vis des contrôleurs des états financiers

Outre la sécurité qu’elle apporte au même titre que les préparateurs des états financiers,
la normalisation comptable fournit aux contrôleurs une référence objective leur
permettant d’apprécier la validité des solutions comptables adoptées par l’entreprise.
Sur un autre plan, en fixant d’avance et de façon précise le traitement comptable à
appliquer aux différentes situations, la normalisation comptable fait obstacle à toute
complaisance contrôleur – contrôlé. Elle préservé l’objectivité émise par les contrôleurs
sur les états financiers de l’entreprise et consolide énormément leur indépendance vis-à-
vis de la direction et de tout autre personne ou organisme intéressé.

I.2- 3. Vis-à-vis des utilisateurs des états financiers

A l’égard des utilisateurs des états financiers, la normalisation comptable vise un triple
objectif :

25
1. permettre les comparaisons des performances et des situations financières inter –
entreprise et inter – exercice en uniformisant les méthodes comptables. Ce besoin est
plus éprouvé par les investisseurs pour les quels le critère de comparaison constitue une
base objective dans l’orientation de leurs placements.

2. améliorer la compréhension des états financiers par les utilisateurs en leur


fournissant des lignes directrices ayant régie l’établissement de ces états.

3. protéger les intérêts des tiers (actionnaires, créanciers…) contre les altérations
comptables : minoration ou majoration des résultats, actifs, dettes…permettant
d’atteindre des objectifs opportunistes.

I.2- 4. Vis-à-vis de l’entreprise

En permettant la comparabilité et la compréhension des états financiers par les


utilisateurs et en conférant plus de crédibilité aux signatures des contrôleurs. La
normalisation vise ainsi un objectif économique : créer un lien de confiance entre
l’entreprise et les investisseurs potentiels et par là, faciliter la mobilisation des
ressources en vue de permettre à l’entreprise de réaliser ses investissements tout en
apportant la sécurité aux bailleurs de fonds.

Section II : Développement des principes comptables

Actuellement, la normalisation comptable à l’échelle internationale est fortement


influencée par l’expérience américaine. Durant son évolution à travers le temps, cette
expérience a passé par trois phases que nous développons dans les paragraphes suivants.

II.1. Phase de contribution des dirigeants des entreprises (1900 – 1933)

Cette période est marquée par l’influence et l’intervention des dirigeants des entreprises
pour la formulation des procédures comptables. Cela consiste en fait dans l’adoption des
solutions comptables ad hoc (appropriées) aux controverses comptables.

Comme résultat de cette pratique, on peut citer les conséquences suivantes :

• étant donnée le caractère pragmatique (fondé sur la pratique) des solutions


adoptées, la plupart des techniques manquaient de supports théoriques,

26
• l’accent était plutôt mis sur la détermination du profit imposable et la
minimisation des impôts,

• les techniques adoptées étaient motivées par le désir de normaliser le profit


comptable et

• tout problème complexe était évité et toute solution pratique était adoptée.

II.2. Phase de contribution de la profession comptable (1933 – 1973)

Cette deuxième phase était marquée par la création des différentes organisations
chargées de réglementer les normes comptables.

C’est durant cette période que l’American Institute of Certified Public Accountants
(AICPA)1 créa le Commitee on Accounting Procedure (CAP) entre 1933 et 1959 : ce
comité publia ses recommandations concernant les principes et les pratiques
comptables. Cependant le CAP n’a pas véritablement répondu aux attentes de la
communauté financière car il n’avait pas le pouvoir d’imposer ses normes et ne
disposait pas de cadre conceptuel. Son approche était fragmentaire et la formulation des
normes manquait de base théorique. En fait, la démarche du CAP a été principalement
orientée vers l’élimination des pratiques comptables critiquables. Cet organisme a
échoué et a été remplacé par l’Accounting Principles Board (APB) entre 1959 et 1973 :
cet organisme avait pour mission de définir les principes comptables fondamentaux
pour l’élaboration des normes. L’APB était similaire au CAP dans sa composition
puisque ses membres étaient des experts comptables membres de l’AICPA. L’APB,
comme le CAP, a été confronté à des critiques importantes de la part des professionnels
comptables et des utilisateurs de la comptabilité. Les premiers estiment que les normes
étaient trop laxistes et manquent de bases théoriques alors que les seconds reprochaient
à l’APB son manque d’indépendance vis-à-vis de la profession comptable et de ses
clients.

Donc, L’influence de la profession sur la formulation des normes comptables a eu les


conséquences suivantes :

1
Cet organisme a été crée en 1887.

27
• les organismes chargés de réglementer les normes comptables n’ont pas eu
recours à une théorie comptable quelconque,

• l’autorité des normes n’était pas bien claire,

• l’existence des différentes alternatives comptables permet une certaines


souplesse dans le choix des techniques comptables.

Naturellement, l’intervention de la profession comptable a aussi entraîné beaucoup


d’insatisfactions.

II.3. Phase politique (1973 – jusqu’à nos jours)

Les limitations des contributions des dirigeants et de la profession à la formulation des


normes comptable ont entraîné non seulement l’adoption d’approches déductives mais
aussi une politisation du processus de la formulation des normes comptables. Cette
situation est la conséquence directe de la notion bien acceptée que les chiffres
comptables ont un impact sur le comportement économique et par conséquent les règles
comptables devraient être établies dans l’arène politique (espace politique où
s’affrontent les partis). En 1973, l’APB a été remplacé par le FASB (Financial
Accounting Standard Board). Contrairement à ces prédécesseurs qui étaient directement
rattachés à l’AICPA, le FASB est théoriquement indépendant de cet organisme. Le
FASB se distingue de ces prédécesseurs par une ouverture plus importante sur les non
professionnels. Il fonctionne en effet selon le principe du « Due Process » en vertu
duquel toutes les parties intéressées par la normalisation doivent exprimer leur point de
vue et prendre part aux débats. Cette approche devant permettre de faciliter
l’acceptation des textes. En conclusion, le FASB a adopté un mélange d’approches
déductive et politique pour la formulation des normes comptables. En fait, le FASB
cherche d’un coté à développer un cadre théorique comptable et d’un autre coté à faire
participer dans le processus plusieurs groupes d’intérêts.

Section III : Les approches de la normalisation comptable

La normalisation comptable constitue un puissant instrument pour la répartition


nationale des richesses entre les différents individus et agents de la collectivité.

28
L’approche de normalisation est différente d’un contexte à l’autre en fonction de son
appartenance au secteur public ou au secteur privé. Dans n’importe quel domaine, tout
organisme mandaté pour énoncer des lois, des règles ou des normes doit être
indépendant vis-à-vis des différents groupes de pression dans la Société. Comme la
normalisation comptable influe directement sur le bien être de tous les individus dans la
société, du fait qu’elle peut faire varier dans une direction ou dans l’autre le bénéfice
des agents économiques, il est tout a fait souhaitable de se doter d’un organisme neutre
pour élaborer les normes comptables.

Dans ce qui suit, nous détaillons les différentes approches de la normalisation


comptables. Ces approches sont, successivement :

• la théorie du marché libre

• la réglementation par le secteur privé

• la réglementation par le secteur privé et

• la réglementation (l’approche) mixte.

III.1. La théorie du marché libre

L’approche du marché libre dans la formulation des normes comptables repose sur
l’hypothèse de base que l’information comptable est un bien économique soumit aux
lois de l’offre et de la demande. Donc selon cette logique, ce qui détermine la qualité de
l’information comptable est l’équilibre entre sa demande (par les usager) et son offre
(par les producteurs). Il en résulte de cette logique un montant optimal d’informations
produit à un prix optimal. A chaque fois que l’information est requise à un bon prix, le
marché produira ladite information si le prix est supérieur au coût de l’information : le
marché constitue donc le meilleur mécanisme pour décider des types d’informations à
divulguer, des usagers de l’information et des normes comptables à utiliser pour
produire ladite information.

Certaines critiques sont cependant soulevées à l’égard de l’approche du marché libre.


De ces critiques ont évoque particulièrement :

29
• l’exercice d’un monopole sur la production de l’information comptable par
les dirigeants,

• les besoins en informations sont loin d’être identifiés,

• la présence d’investisseurs naïfs,

• incapacité d’exprimer les besoins informationnels (par les petits investisseurs


par exemple)

• la flexibilité dans le choix des techniques comptables et

• la manipulation des chiffres comptables.

III.2. La réglementation par le secteur privé

La normalisation par le secteur privé repose sur l’hypothèse postulant que l’intérêt
public en comptabilité est mieux servi par ce secteur.

Ceux qui favorisent cette approche invoquent les points forts suivants :

• les organismes privés semblent être concernés par les intérêts de tous leurs
électeurs,

• les organismes privés semblent attirer comme membres ou comme employés des
gens qui possèdent des connaissances techniques nécessaires pour développer et rendre
effective la procédure de normalisation comptable.

Ceux qui s’opposent à cette approche, invoquent les points faibles suivants :

• le secteur privé n’a pas le pouvoir et l’autorité du secteur public pour rendre
effective la réglementation comptable.

• Les organismes privés souffrent du manque d’indépendance des professionnels


de la comptabilité (cabinets d’experts comptables).

• Les organismes privés sont souvent accusés de réagir trop lentement aux
controverses et d’une manière générale aux crises.

30
III.3. la réglementation par le secteur public

Sans aucun doute, la réglementation par le secteur public a atteint un niveau élevé
d’acceptation et fait part des traditions internationales et des structures légales de
chaque pays.

Pour être efficace, la réglementation doit respecter certains principes :

• La réglementation ne doit pas violer les droits constitutionnels,

• Elle existe pour éliminer ou prévenir tout dommage social,

• Elle doit agir dans l’intérêt public.

Ceux qui favorisent la réglementation des normes comptables par le secteur public
mentionnent les arguments suivants :

• Parce qu’elle vise un objectif d’intérêt général, la réglementation par le


secteur public est motivée par le désir de créer un niveau de divulgation estimé
nécessaire et adéquat pour la prise de décisions,

• A l’encontre du secteur privé, le secteur public jouit de plus de pouvoir et


d’autorités pour faire accepter des normes comptables.

Ceux qui sont à l’encontre de la réglementation par le secteur public mentionnent les
arguments suivants :

• Trop de bureaucratie pouvant entraîner un flot énorme de réglementation,

• Le processus de normalisation risque de devenir politique et donc la


formulation des normes peut être soumise à la pression d’un certain nombre de groupes
d’intérêt,

• Cette approche risque de limiter la recherche et l’expérimentation en matière


comptable

31
III.4. l’approche mixte

Une approche mixte serait la meilleure alternative pour le développement de normes


comptables. Cette approche se base sur l’idée que : « puisque la normalisation
comptable concerne tous les individus dans la collectivité, il serait souhaitable de
mandater un organisme représentatif de tous. L’idéal serait de mandater un comité
mixte qui comprendrait des représentants de la profession comptable du secteur privé,
des syndicats de l’Etat, des commissions des valeurs mobilières, des associations de
consommateurs, etc.…».

32
CHAPITRE V :
LE CADRE CONCEPTUEL DE LA
COMPTABILITE FINANCIERE

Introduction :

La notion de cadre comptable conceptuel (conceptual accounting framework) est


intimement liée à l’histoire de la normalisation américaine. Celle – ci a pris son
véritable essor après la crise de 1929. Si elle fut une crise économique, la crise de 1929
fut également une crise de l’information comptable. Bien évidemment, la profession
libérale, avait quelque responsabilité dans cette situation et il était facile de leur
reprocher de n’avoir pas su créer les conditions d’une pratique comptable saine. Elle
pouvait donc craindre que les pouvoirs publics ne prennent en charge la normalisation.
Leurs craintes devinrent une réalité lorsque fut créée en 1933 la Securities and
Exchange Commission (SEC) à laquelle on donna le pouvoir de réglementer et de
surveiller la production d’informations comptables des sociétés cotées. C’est ce qui
explique sans doute la création par l’AICPA, d’organismes chargés d’expliciter ce qu’il
est convenu d’appeler les principes comptables généralement admis : le CAP puis
l’APB qui disparaîtra avec la création du FASB en 1973. Ces organismes, en particulier
le second, furent l’objet de vives critiques d’ordre techniques et institutionnels. Au plan
technique, on leur reprochera de produire des normes peu élaborées, incomplète et assez
souvent contradictoires ; au plan institutionnel, d’être l’émanation de la seule profession
comptable (libérale) et d’agir en fonction des intérêts de celle- ci, et quelques fois aux
dépens des autres parties concernées par la chose comptable. Face à ces critiques,
l’AICPA pris l’initiative de créer, avec d’autres organisations, représentatives aussi bien
des préparateurs que des utilisateurs de comptes, un organisme de normalisation
indépendant, l’actuel FASB.

Dès sa création, en 1973, le FASB décida de se donner un cadre conceptuel défini


comme « un système cohérent d’objectifs et de principes fondamentaux liés entre eux,

33
susceptible de conduire à des normes solides et d’indiquer la nature, le rôle et les limites
de la comptabilité financière et des états financiers » (FASB 1976).

Le cadre conceptuel américain est fondé sur les travaux du comité trueblood qui avait
pour charge de réfléchir aux objectifs de la comptabilité. Au fait, pendant des siècles,
les comptables ont fait leur métier sans que les objectifs en aient été explicites. Avec les
dits travaux, l’objectif essentiel des états financiers est l’utilité de l’information
comptable (Saada 1995).

Section I : Cadre général de l’utilité de l’information financière

La comptabilité est une invention humaine, elle est naît d’un besoin. L’information
qu’elle produit doit répondre à ce besoin, ainsi elle sera utile et de cette utilité dépend sa
raison d’être.

Plusieurs définitions pourraient être avancées pour présenter la comptabilité. D’une


manière restrictive, la comptabilité est généralement définie en se référant à son aspect
mécaniste « un processus d’identification, de mesure, de classement et de
communication des fais économiques ». Cependant, si on se réfère à une définition
fonctionnelle de la comptabilité, elle sera considérée comme un système d’information
au service d’un certain nombre d’utilisateurs intéressés, de loin ou de près, par l’activité
de l’entreprise. Partant de l’apport de la théorie de l’information, une information est
appelée à donner une représentation de la réalité, est c’est dans ce sens que Bernard
Colasse (1993) définit la comptabilité comme « un Système d’information ayant pour
objet, à des fins multiples et mal connues du comptable lui – même, de représenter
l’entreprise ». Or l’entreprise, pourrait être représentée par d’autres informations
donnant d’autres représentations, différentes de celles données par la comptabilité. Dans
ce cas, la meilleure représentation sera retenue par les utilisateurs et qui, sera par la
même occasion considérée la représentation (l’information) la plus utile. L’utilité sera
donc appréciée par rapport à la part de la fidélité investie, pour décrire la réalité
économique dans la quelle évolue l’entreprise (Klibi 2002).

Cependant, la réalité n’est pas stable et statique, elle évolue d’une période à une autre,
sa représentation doit donc évoluer aussi, faisant ainsi de l’adaptation – s’un système
d’information donné – une des caractéristiques incontournables pour que ce système
soit en harmonie avec la réalité qu’il décrit.

34
Section II : Cadre conceptuel : utilité et éléments constitutifs

II.1. Utilité du cadre conceptuel

Dans la définition même qu’il en donne, le FASB assigne comme fonction principale à
un cadre conceptuel « de conduire à des normes solides et d’indiquer la nature, le rôle et
les limites de la comptabilité financière et des états financiers ». C’est donc l’instrument
intellectuel qui lui sert de guide pour produire, par déduction, des normes : il s’agit donc
d’un générateur de normes ou la constitution de la comptabilité.

Sur cette fonction principale, se greffe des fonctions dérivées : une fonction explicative,
une fonction évaluative et une fonction prédictive. Dans la mesure où il est la matrice
des normes qui régissent la pratique comptable, il permet a posteriori d’interpréter celle
– ci et, aussi de l’évaluer. Par ailleurs, lorsqu’un nouveau problème apparaît, qui n’a pas
fait l’objet d’une norme de traitement, il permet de prédire la solution de ce problème.

Ces différentes fonctions d’un cadre conceptuel en font un outil précieux non seulement
pour le normalisateur mais aussi pour les utilisateurs de l’information comptable pour
lesquels il peut être un instrument d’interprétation des comptes des entreprises, pour les
contrôleurs de ces comptes pour lesquels il peut être un instrument d’évaluation de ceux
– ci et enfin, pour les préparateurs de ces mêmes comptes dans la mesure où il peut les
aider à trouver des solutions aux problèmes non encore résolus par la normalisation.

Ajoutons qu’un cadre conceptuel peut fournir à l’enseignement de la comptabilité, et


c’est là une importante fonction pédagogique, les fondements théoriques qui lui
manquent souvent.

Outre ces fonctions, qui peuvent être celles de n’importe quelle construction théorique
destinée à soutenir une pratique, le cadre conceptuel du FASB en assume d’autres,
implicites et plus spécifiquement liées à l’histoire de la normalisation et au contexte
américains. A la suite des contestations dont avait fait objet les organismes de
normalisation qui l’on précédé, le FASB avait en quelque sorte reçu pour mission de
faire des normes mieux élaborées et plus cohérentes que celles émises antérieurement,
et de les élaborer en toute indépendance, en résistant aux pressions qui,
traditionnellement, se manifestent aux Etats – unis lorsqu’une nouvelle norme est
annoncée. Dans ce contexte, la publication par le FASB d’un cadre conceptuel apparaît

35
à la fois comme une solution technique au problème de la solidité et la cohérence des
normes et comme une solution au problème de l’indépendance de l’instance de
normalisation. Doté d’un cadre conceptuel défini a priori, le FASB dispose d’un
instrument qui lui permet de légitimer ses choix d’un point de vue scientifique et de
résister aux pressions qui auraient pour effet de l’amener à produire des normes
incompatibles avec ce cadre. Dans cette perspective, on doit considérer qu’un cadre
conceptuel n’est pas un instrument purement technique, c’est un instrument ayant
également une dimension institutionnelle et quasi – politique.

II. 2. Les éléments constitutifs d’un cadre conceptuel

Un cadre conceptuel doit se structurer autour des éléments suivants (Leo Paul lauzon,
1994) :

• Déterminer la nature et la fonction de la comptabilité financière ;

• Définir les principaux objectifs de la comptabilité financière ;

• Déterminer les utilisateurs prioritaires de la comptabilité financière ;

• Enumérer les principaux types de décisions que l’information financière


souhaite aider à prendre ;

• Déterminer les principales parties, composantes ou caractéristiques,


inhérentes à la prise de décision ;

• Formuler les principaux critères d’évaluation de l’information financière ;

• Sélectionner les principaux événements à rendre compte ;

• Fournir des méthodes de mesure, de classification et de présentation de


l’information financière ;

• Définir les termes, les postes, les symboles et les états financiers utilisés ;

• Formuler un ensemble cohérent de postulats et de principes comptables et

• Définir les limites et les contraintes de l’information financière.

36
CHAPITRE VI :
ETUDE DU CADRE CONCEPTUEL
TUNISIEN1
Section I : Objectif du cadre conceptuel, utilisateurs et objectifs des états
financiers

I. 1. Objectif du cadre

Le cadre conceptuel a pour objectif de constituer un cadre général pour l’élaboration de


nouvelles normes, d’arbitrer entre deux normes en cas de divergences, d’interpréter les
états financiers, et de résoudre des questions comptables n’ayant pas été traitées par les
normes.

I.2. Les utilisateurs des états financiers

Le cadre distingue entre les utilisateurs internes et les utilisateurs externes :

Les utilisateurs internes sont :

• Les dirigeants.

• Les organes d’administration.

• Les différentes structures interne de l’entreprise.

Les utilisateurs externes sont :

• Les fournisseurs de capitaux qui sont les investisseurs, les prêteurs et les
« subventionneurs ».

• L’administration et autres institutions dotées de pouvoir de réglementations


et de contrôle.

1
Le contenu de cette partie est téléchargé du site www.procomptable.com
Ce cours n’entend pas reprendre les définitions prévues par le cadre conceptuel tunisien. L’étudiant doit
au préalable lire lesdites définitions.

37
• Les autres partenaires de l’entreprise tels que les salariés et leurs syndicats,
les fournisseurs et autres créanciers ainsi que les clients et autres bénéficiaires des biens
et services produits par l’entreprise.

• Les autres groupes d’intérêt tels que les organismes professionnels et de


défense d’intérêts, la presse spécialisée et les médias, les chercheurs, les divers
organes et associations et le public en général.

Selon le système comptable tunisien les utilisateurs privilégiés sont les investisseurs et
les bailleurs de fonds.

I.3. Objectifs des états financiers

Le cadre conceptuel tunisien distingue plusieurs objectifs des états financiers :

1. Fournir des informations utiles à la prise de décision et de crédit.

2. Donner des informations pour estimer la probabilité de réalisation de flux futurs

3. Renseigner sur :

• La situation financière de l’entreprise particulièrement sur ses


ressources et obligations.

• La performance financière de l’entreprise.

• La manière dont l’entreprise a obtenue et dépensé ses liquidités.

• Le degré de réalisation des objectifs pour les dirigeants.

• Le degré de conformité aux lois en vigueur.

Sections II. Les caractéristiques qualitatives de l’information financière

II.1. Définition

Les caractéristiques qualitatives sont les attributs que doit revêtir l’information
financière qui rendent, l’information fournie dans les états financiers, utile.

38
Le cadre distingue quatre caractéristiques qualitatives à savoir l’intellibibilité, la
pertinence, la fiabilité et la comparabilité.

II. 2. L’intelligibilité

L’information fournie par les états financiers doit être compréhensible par les
utilisateurs.

Le cadre suppose que les utilisateurs aient une connaissance raisonnable des affaires et
de la comptabilité.

II.3. La pertinence

Une information est pertinente lorsqu’elle est de nature à favoriser une prise de décision
adéquate pour les utilisateurs.

Une information pertinente doit avoir :

• Une valeur prédictive c’est à dire qui aidera les utilisateurs à prévoir
des résultats et des événements futurs.

• Une valeur rétrospective ou de confirmation dans la mesure ou


l’information financière peut être utilisée pour comprendre ou corriger des résultats, des
événements et des prédictions antérieures.

• Rapidité de divulgation : toute information doit être divulguée au


moment où elle est susceptible d’être utile à la prise de décision.

II.4. La fiabilité

Une information fiable est une information fidèle, neutre et vérifiable et n’inclut pas
d’erreurs ou de biais.

La fiabilité englobe trois critères :

• La représentation fidèle : c’est la correspondance entre la mesure ou


la description et les faits et transactions qu’elles sont censées traduire.

• La neutralité : l’information comptable est neutre quand elle ne fait


pas l’objet de partie pris.

39
• La vérifiabilité : elle est matérialisée par des pièces justificatives qui
peuvent être contrôlées à tout moment.

II. 5. La comparabilité

L’information comptable doit être comparable d’un exercice à un autre à fin de suivre
l’évolution de la situation financière de l’entreprise à travers le temps et l’espace.

II.6. Les contraintes à prendre en considération

Les caractéristiques qualitatives de l’information doivent être appliquées en tenant


compte de deux contraintes ou limites :

• Équilibre avantage/coûts : les avantages obtenus de l’information


doivent être supérieurs au coût de production de l’information.

• Importance relative : toute information divulguée doit avoir une


importance relative. Est considéré importante, toute information comptable dont
l’omission ou l’inexactitude risque d’influencer les décisions prises.

II. 7. Arbitrage entre les caractéristiques qualitatives

On doit élaborer un équilibre entre les différentes caractéristiques qualitatives puisque


l’accent sur une qualité se fera généralement au détriment d‘une autre.

Toutefois le cadre conceptuel tunisien admet que la pertinence et la fiabilité constituent


les qualités fondamentales alors que la comparabilité et l’intelligibilité constituent des
qualités secondaires.

Section III. Les hypothèses sous-jacentes

Deux hypothèses sont à la base de l’élaborations des états financiers

• La continuité de l’exploitation.

• La comptabilité de l’engagement.

III. 1. La continuité de l’exploitation

40
Les états financiers sont préparés selon l’hypothèse que l’entreprise continuera son
exploitation et poursuivra ses activités dans un avenir prévisible. Dans le cas contraire
les états financiers doivent être préparés sur une base différente.

III.2. La comptabilité d’engagement

Les transactions et événements sont pris en compte dès qu’ils se produisent et non pas
au moment des encaissements ou payements.

Section IV. Les conventions comptables

Les conventions comptables sont des règles concrètes qui guident la pratique
comptable :

Le cadre conceptuel distingue douze conventions :

1. Convention de l’entité.

2. Convention de l’unité monétaire.

3. Convention de la périodicité.

4. Convention du coût historique.

5. Convention de la réalisation du revenu.

6. Convention de rattachement des charges aux produits.

7. Convention de l’objectivité.

8. Convention de la permanence des méthodes.

9. Convention de l’information complète.

10. Convention de prudence.

11. Convention de l’importance relative.

12. Convention de la prééminence du fond sur la forme.

41
IV.1. Convention de l’entité

L’entreprise est considérée comme une entité comptable autonome et distincte de ses
propriétaires. On doit établir une nette séparation entre le patrimoine de l’entreprise et
celui de ses propriétaires.

IV.2. Convention de l’unité monétaire

On doit utiliser une seule unité de mesure pour enregistrer les transactions d’une
entreprise.

IV.3. Convention de la périodicité

Les états financiers doivent refléter l’évolution périodique des performances de


l’entreprise. La période est désignée exercice comptable. L’exercice comptable couvre
généralement une période de douze mois qui coïncide avec l’année civile.

IV.4. Convention du coût historique

Selon cette convention le coût historique (valeur d’origine) sert de base pour la
comptabilisation des postes d’actifs et de passifs de l’entreprise.

IV.5. Convention de réalisation du revenu

Le revenu ne peut être comptabilisé qu’au moment où il est réalisé.

La réalisation du revenu peut être effectuée dans les cas suivants :

1. Une réalisation du revenu au moment de la vente.

2. Une réalisation du revenu lors de l’exécution de contrat.

3. Une réalisation du revenu à la fin du processus de fabrication.

4. Une réalisation du revenu lors du recouvrement de ventes.

42
6. Convention de rattachement des charges aux produits

Selon cette convention lorsque les revenus sont comptabilisés au cours d’un exercice,
toutes les charges ayant concourues à la réalisation de ces revenues doivent être
déterminées et rattachées à ce même exercice.

IV.7. Convention de l’objectivité

Les transactions et événements pris en compte en comptabilité doivent être justifiés par
des preuves. S’il n’y a pas de preuves, les bases d’estimations retenues doivent être
fournies pour la vérification et l’appréciation des méthodes appliquées.

IV.8. Convention de la permanence des méthodes

Les méthodes comptables utilisées doivent être permanente d’une période à une autre.
Ceci permet la comparaison dans le temps de l’information comptable et favorise les
prédictions financières. Toute fois lorsqu’une nouvelle méthode comptable permet de
mieux refléter l’image fidèle, elle doit être adoptée.

IV.9. Convention l’information complète

Cette convention établit que les états financiers doivent fournir toutes les informations
nécessaires pour ne pas induire en erreur les lecteurs. Les états financiers doivent
fournir des notes et des tableaux explicatifs.

IV.10. Convention de prudence

Les états financiers doivent être préparés avec prudence. La prudence est la prise en
compte d’un certain degré de précaution dans l’exercice des jugements nécessaires pour
préparer les estimations dans des conditions d’incertitudes.

IV.11. Convention de l’importance relative

Les états financiers doivent révéler tous les éléments dont l’importance peut affecter
les appréciations ou les décisions.

43
IV12. Convention de la prééminence du fond sur la forme

Les transactions et événements doivent être enregistrés et présentés en accord avec leur
substance et la réalité économique et non pas seulement selon leurs formes juridiques.

44
CHAPITRE VII :

LA THEORIE POSITIVE DE LA
COMPTABILITE
Introduction :

La théorie positive de la comptabilité est appelée aussi la théorie explicative. Elle se


base essentiellement sur des vérifications empiriques ayant pour objectif d’expliquer la
pratique comptable. Selon Colasse, « les théories explicatives (positives) sont des
explications, ou simplement des interprétations des pratiques et des comportements
comptables. Pratiques et comportements comptables sont pris comme objets de
recherche et de théorisation. Les théories explicatives sont des théories sur la
comptabilité »1.

Ce chapitre se propose de décrire les différents aspects de la théorie positive de la


comptabilité.

Section I : Les origines de la théorie positive de la comptabilité2

A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les écrits comptables consistaient surtout en
une description des méthodes comptables en vigueur. Il est arrivé à quelque reprise que
des auteurs tentent d’expliquer l’existence de certaines pratiques comptables, mais
aucun d’eux ne visait à élaborer un ensemble structuré de principes expliquant les
pratiques. Après la promulgation, aux Etats-Unis des Securities Acts de 1933 et 1934,
dont le but était de réglementer les entreprises par actions ayant des titres cotées en
bourse, et de créer la Securities and Exchange Commission en 1934, les théories
comptables en cette époque ont porté davantage sur la dimension perspective. En
d’autres mots, il s’agissait d’indiquer aux firmes de quelle façon il fallait présenter les
informations. C’est alors que la théorie comptable a adopté une approche normative,
c'est-à-dire une manière de montrer ce qui devrait être fait. On se préoccupait alors très

1
Rappelons que cet auteur considère que la théorie descriptive est une théorie de la comptabilité alors que
la théorie normative est considérée comme une théorie pour la mise en œuvre et le développement de la
comptabilité.
2
Cette section est tirée de l’ouvrage de Cormier (2001) « comptabilité anglo-saxonne et internationale ».

45
peu de la validité empirique des hypothèses sous – jacentes aux prescriptions
normatives. Les théoriciens de cette époque voyaient la nature et le rôle de la
comptabilité ainsi que les effets des diverses pratiques comptables sur le prix des titres
comme étant des éléments tout à fait évidents en eux-mêmes ; ces évidences ou
postulats servaient de base à une déduction logique des normes.

A la fin des années 1960 et au début des années 1970, les écrits comptables font écho
aux premières études empiriques en comptabilité susceptibles d’évaluer l’utilité des
données comptables. L’étude de Ball et Brown (1968) a eu un impact considérable
parce que les conclusions remettaient en cause les hypothèses sous jacentes aux normes
et aux pratiques comptables qui, jusqu’à alors, avaient été jugées évidentes. Par
exemple, l’une d’elles démontraient que le contenu informationnel des informations
comptables provenant des rapports annuels était beaucoup plus faible qu’on le croyait.

Des études menées dans le cadre de l’hypothèse des marchés efficient et cela, depuis le
début des années 1960, donnaient des résultats contraires à ce que les comptables
croyaient jusqu’alors comme, par exemple, cette conclusion que les marchés boursiers
ne sont pas systématiquement induits en erreur par des modifications de pratiques
comptables non accompagnées de changement économiques.

En conclusion, la théorie normative de la comptabilité tente d’expliquer la pratique


comptable basée sur l’application des normes et la prise en considération de la réaction
attendue des lecteurs des états financiers.

Sur le plan académique, nous faisons la distinction de deux parties principales lorsque
nous parlons de la théorie positive : l’étude de l’utilité ou l’utilisation effective des
informations financières et la théorie politico – contractuelle.

Dans ce qui suit, nous étudions les spécificités de ces deux parties.

Section II : L’utilité de l’information financière dans le cadre de la théorie


positive3

Au début des années 30, suite à la crise qui a touché le marché financier américain, des
réflexions sérieuses ont été engagées pour répondre à la remise en cause de l’utilité de

3
Cette section et celle qui va la précéder sont tirées des travaux de recherches doctorales de M.F. KLIBI.

46
l’information financière. Ainsi, les organismes de normalisation ont pris la charge
d’élaborer, sur la base d’un cadre conceptuel, un ensemble de normes qui serviront
comme une référence pour produire une information financière qui devrait être utile : il
s’agit de l’approche déductive issue d’une théorie normative.

A la fin des années 19604, l’accent mis par les recherches empiriques sur l’utilité de
l’information financière (le bénéfice en particulier) n’était pas surprenant, en ce sens
que ces recherches, en ce temps, voulaient être un observatoire de l’utilité de la dite
information (Lev (1989)). Les recherches empiriques, considèrent le marché financier
comme un standard pour mesurer l’utilité de l’information comptable (Market Based
Accounting Research (MBAR)).

Entre l’utilité voulue par les organismes de normalisation et l’utilité mesurée


effectivement par les recherches empiriques, il y’a une différence qui ne fait pas
l’unanimité. En revanche, le débat qui s’ouvre récemment (avec la recherche de
Holthausen et Watts (2001) et Barth et al (2001)) nous permet de faire une relecture de
l’utilité de l’information financière.

L’objectif de cette section est de mettre en relief les deux construits empiriques de
l’utilité de l’information comptable, à savoir la valeur – pertinence (value relevance) et
le contenu informationnel en les séparant des mesures normatives à savoir la pertinence
et la fiabilité.

II.1. Construction de l’utilité de l’information comptable : Approche normative

Le droit comptable anglo–saxon, était à l’origine d’un changement important de la


problématique comptable, en faisant de l’utilité de l’information l’objectif premier des
états financiers (Saâda (1996)). En 1966, l’AAA5 définit la comptabilité comme "un
processus d’identification, de mesure et de communication d’informations économiques
pour permettre des jugements informés et des décisions par les utilisateurs de
l’information". Cette définition adopte une approche en terme d’utilité pour la prise de

4
Malgré que les réflexions menées pour l’amélioration de la qualité de l'information cfinancière ont été
engagées au début des années 30, l’approche en terme d’utilité pour la prise de décision apparaît pour la
première fois en 1966 dans le « Statement of Basic Accounting Théory de l’American Accounting
Association » (Voir Saâda (1996). P 226 et Knoops (1999)). Deux ans après, Ball et Brown (1968) et
Beaver (1968) proposent leurs méthodes pour mesurer d’une manière empirique l’utilité de l’information
comptable.
5
American Accounting Association (Association américaine de comptabilité).

47
décisions par les utilisateurs de l’information financière d’une manière générale, vient
par la suite le FASB6 (Financial Accounting Standard Board) pour désigner des
utilisateurs privilégiés de la dite information à savoir, les investisseurs financiers.
L’objectif de la comptabilité n’est plus donc, la reddition des comptes, mais plutôt la
prise de décisions sur la base d’une information comptable utile (Statement of Financial
Accounting Concepts (SFAC) n° 1). Le SFAC n° 2, largement inspiré des travaux
publiés dans le rapport du comité Trueblood, énonce les caractéristiques qualitatives de
l’information comptable ; il s’agit de la pertinence, la fiabilité, la comparabilité et le
seuil de signification (ou importance significative). Toutes ces caractéristiques n’ont pas
le même poids dans la détermination de l’utilité de l’information comptable : elles sont
hiérarchisées. La pertinence et la fiabilité, étant les caractéristiques fondamentales de
l’information comptable.

Dans ce qui va suivre, nous allons approcher brièvement ces deux ingrédients de
l’utilité de l’information financière.

II.1.1 Pertinence de l’information financière

La pertinence, c’est la capacité d’une information à influencer les décisions des


utilisateurs, en leur permettant soit d’évaluer les événements passés, présents et futurs,
soit de confirmer ou de corriger leurs évaluations passées. Le cadre conceptuel
américain accorde trois dimensions (ou valeurs) à la pertinence, à savoir : la valeur
prédictive, la valeur rétrospective et la publication à temps.

II.1.2 Fiabilité de l’information financière

Plusieurs investisseurs, créditeurs et leurs conseillés ne croient pas que les dirigeants
consentent à divulguer dans les états financiers des informations renseignant sur des
problèmes qui touchent l’activité de l’entreprise ou sur une performance pauvre. Ils ont
tendance donc, à publier des informations promotionnelles. La fiabilité repose sur
l’absence de biais ou d’erreur notable de l’information communiquée et la
représentation fidèle de la réalité. Cette représentation fidèle dépend de la validité et de
l’absence d’erreur dans la description de la recherche de la substance, de la vérifiabilité,
de l’objectivité, de la prudence et de l’exhaustivité.

6
C'est l'organisme de normalisation américain.

48
II.1.3 Fiabilité, pertinence et l’ambivalence de l’utilité de l’information comptable

Des définitions présentées dans les deux paragraphes précédents, on peut tirer deux
remarques :

- Contrairement à la définition de la fiabilité qui décrit les ingrédients de l’utilité


de l’information comptable (absence de biais ou d’erreur notable…), la définition de la
pertinence est très proche, voir confondue avec la définition de l’utilité dans son
acception générale (capacité d’une information à influencer les décisions des
utilisateurs…).

- Malgré leur importance capitale et leur place de choix dans la hiérarchie des
caractéristiques qualitatives des informations comptables, la fiabilité et la pertinence
donnent à l’utilité un aspect ambivalent. Par exemple, le principe de la prudence et le
principe de l’objectivité dotent l’information comptable d’une fiabilité telle que décrite
par le cadre conceptuel, mais l’ôtent automatiquement de sa pertinence.

II.2. Construction de l’utilité de l’information comptable : Approche empirique


(positive)

Les recherches comptables empiriques qui se basent sur le marché financier (MBAR),
considèrent ce dernier comme un standard de la qualité de la dite information. Selon
cette approche, deux variables sont construites. D’une part, il y’a les variables
financières : le prix boursier ou/et le rendement boursier7 (observé ou anormal), d’autre
part, il y a les variables comptables (fondamentales) tels que le bénéfice (le bénéfice net
de l’année ou le bénéfice anormal) et la valeur comptable des capitaux propres. La
relation entre les deux "types" de variables (boursières et comptables) dont la
significativité est mesurée à l'aide des outils statistiques représente un moyen pour
mesurer empiriquement l'utilité de l'information comptable.

Selon Knoops (1999), la relation entre les informations véhiculées par les états
financiers et les variables boursières peut être examinée de différentes manières. Il en
identifie trois:

7
Lorsque la variable en question est le prix boursier, on parle du modèle de prix (price model). Si la
variable en question est le rendement boursier (variation des prix boursiers normée par le prix du début de
la période), on parle du modèle de rendement (return model). Voir Ota (2001) pour plus d'éclaircissement
sur ces modèles.

49
ƒ L'analyse du rendement: c'est faire des investigations sur la relation entre la réaction
anormale des prix des actions et les informations comptables inattendues.

ƒ L'analyse évaluative ou d'évaluation (Valuation Analysis): c'est l'examen de la


relation (ou l'association) entre les variables comptables clefs (ou fondamentales) et la
valeur marchande de la firme.

ƒ L'analyse du risque: c'est l'examen de la relation entre les données communiquées et


le risque lié au marché (le Béta de l'action).

Lo et Lys (2001), ajoutent une quatrième approche pour analyser la relation entre les
nombres comptables et les variables boursières, c'est:

ƒ L'analyse des conséquences d'évaluation (Valuation Consequences): c'est


l'examen de la relation entre le sens de variation d'un nombre comptable (variation
positive ou négative du bénéfice comptable, par exemple) et le sens de variation du
rendement boursier.

Dans cette partie du cours, notre concentration sera retenue par l'étude et l'analyse
comparative des deux premières relations (approches) car elles matérialisent
respectivement les deux construits empiriques, objets de notre étude, à savoir: le
contenu informationnel et la valeur – pertinence. Ces deux relations sont définies
comme suit:

■ L'approche informationnelle: l'utilisation des données comptables divulguées comme


étant des informations (Contenu Informationnel),

■ L'approche d'évaluation: l'utilisation des données comptables divulguées pour asseoir


la valeur marchande de la firme (Valeur – Pertinence).

Dans ce qui va suivre, nous essayerons de définir chacun de ces deux construits.

50
II.2.1 La valeur – pertinence de l'information comptable

Barth et al (2001), estiment que la première étude qui a utilisé le terme valeur -
pertinence est celle de Amir, Harris et Venuti (1993)8.

En 1995, Ohlson avait formulé son modèle (plus connu sous le nom du modèle de
Ohlson ou modèle d'évaluation) qui mesure le degré de l'association entre le prix
boursier d'une part et la valeur comptable des fonds propres et la valeur actuelle des
bénéfices anormaux futurs d'autre part. Depuis cette date, le concept de valeur –
pertinence (mesurée par le pouvoir explicatif de cette association (R2)) est devenu de
plus en plus utilisé dans la littérature comptable anglo-saxonne.

Malgré qu'il soit très utilisé durant ces dernières années dans la littérature comptable, le
concept de valeur – pertinence n'a pas fait l'objet d'une définition formelle et précise.
Les tentatives de définition portant sur ce concept, font généralement référence aux
modèles empiriques qui le sous – tendent. Selon Barth et al (2001), un nombre
comptable est considéré comme valeur – pertinent s'il à une association avec la valeur
marchande de la société qui l'a publié. D'autre part, Lo et Lys (2001) définissent la
valeur – pertinence de cette manière " la question centrale qu'on doit poser c'est, si et à
quelle limite les nombres comptables sont capables de résumer les informations utilisées
par les investisseurs et qui sont capturés par la valeur boursière des titres". Selon Ota
(2001), les études qui ont trait à la valeur – pertinence, analysent la relation empirique
entre la valeur des actions (ou le rendement) et différents chiffres comptables dans le
but d'asseoir l'utilité de ces nombres dans l'évaluation des fonds détenus par l'entreprise
et les revenus futurs qui pourraient être générés par les dits fonds. En termes plus
précis, cette approche examine l'association entre la valeur marchande et les mesures
comptables tels que le bénéfice et la valeur comptable des fonds propres.

II.2.2 Le contenu informationnel

La mesure du contenu informationnel des nombres comptables, remonte au travail


précurseur de Beaver (1968). Le contenu informationnel est mesuré en se basant sur des
études de réaction (études événementielles) qui examinent le prix résiduel de l'action

8
A cette étude nous ajoutons celle de Lev et Thiagarajan (1993) qui a utilisé le même terme en 1993. De
notre part, nous avons relevé que la valeur – pertinence a été utilisée bien avant par Lev (1989) (p. 157).
Holthausen et Watts (2001) évoquent l'étude de Beaver et Dukes publiée dans l'Accounting Review en
1972, en attestant que celle-ci a été la première à utiliser le même concept.

51
d'un échantillon de sociétés sur une fenêtre de temps; de part et d'autre d'un événement
identifiable, comme l'annonce du bénéfice, des dividendes, la prévision du bénéfice ou
le changement des méthodes comptables (Beaver 1998). Nous pouvons comprendre de
cette définition des études de réaction, que le contenu informationnel des nombres
comptables est mesuré par le changement anormal des prix des actions (ou le volume de
transaction) accompagné par l'un des événements cités, ce qui peut attirer l'attention sur
l'importance des dits nombres (Dontoh et Ronen (1993)). Cette définition, comme celle
avancée pour présenter le concept de valeur – pertinence, renvoie au sens pragmatique
du terme contenu informationnel, en ce sens qu'il est défini à partir de la mesure de
l'influence de la disponibilité d'une information sur le comportement collectif des
investisseurs dans le marché financier.

La différence qui caractérise la définition et les outils méthodologiques adoptés pour


mesurer la valeur – pertinence et le contenu informationnel de l'information comptable,
a contribué à la mauvaise spécification de terme utilité dans son acception empirique
(positive). En effet, les études portées sur le marché financier américain, ont démontré
que l'information financière est de moins en moins valeur- pertinente (Lev et Zarowin
(1999), Brown et al (1999)). En revanche, le contenu informationnel de l'information
comptable est de plus en plus important dans le même contexte d'étude (Landsman et
Maydew (1999) et Lo et Lys (2001)). Ces conclusions contradictoires, ont attribué à
l'utilité de l'information comptable deux aspects contradictoires : la valeur pertinence et
le contenu informationnel.

A la lumière des définitions des concepts de valeur – pertinence et du contenu


informationnel qui ont une porté empirique, nous proposons cette relecture de l'utilité de
l'information comptable.

II.3. Utilité ou utilisation de l'information comptable ? Le rôle de l'hypothèse de


l'efficience des marchés financiers

Dans les paragraphes précédents, nous avons examiné les deux construits (normatif et
empirique) de l'utilité de l'information financière. Sur le plan normatif, pour qu'une
information comptable soit utile à la prise de décisions économiques, il faut qu'elle soit
pertinente et fiable. Sur un plan empirique (ou positif), pour qu'une information
comptable soit utile, elle doit être valeur – pertinente et a un contenu informationnel. La

52
question qui se pose, est ce que les études empiriques parlent de la même utilité dont
"parle" les organismes de normalisation? Holthausen et Watts (2001), affirment que si
l'information comptable est pertinente et fiable, il n y a aucune raison pour qu'elle ne
soit pas utilisée par les utilisateurs. Cette affirmation est juste, seulement dans le cas où
le marché financier serait efficient9. Ceci nous mène à présenter une définition plus
empirique de la notion de l'utilité.

Lev (1989), définit l'utilité en se basant sur la notion du message. " un message (rapport
financier par exemple), est supposé véhiculer des informations s'il cause auprès du
receveur un changement de la distribution de la probabilité (croyance) de la variable
aléatoire en question. Un tel changement, aboutira à une action (achat, vente et/ou
conservation). Si cette action est attribuée (événement autour de la publication des
informations comptables) aux dites informations, alors ces dernières seront considérées
utiles", en d'autres termes, la variation des prix reflète la conséquence des actions des
investisseurs.

Selon cette acception, l'utilité représente l'utilisation effective des informations


comptables. Cette affirmation suppose que les utilisateurs sont capables de détecter
l'utilité des dites informations (dans ce cas le marché dans lequel évoluent ces
utilisateurs est dit efficient) pour pouvoir les utiliser. La question qui se pose à ce
niveau : et si les utilisateurs ne sont pas capables de détecter l'utilité d'une information
financière? Dans ce cas l'information financière est utile, mais elle n'est pas utilisée,
d'où la divergence qui pourrait exister entre l'utilité de l'information financière et son
utilisation effective. Autrement dit, on ne peut confondre entre l'utilité (construit
normatif) et l'utilisation (construit empirique) que lorsque le marché est efficient. Dans
ce cas, les investisseurs sont suffisamment rationnels pour détecter l'utilité de
l'information financière par conséquent l'utiliser pour évaluer l'entreprise qu'elle l'a
publiée.

Le schéma suivant peut conclure ce qui a été avancé par les paragraphes précédents.

9
Bien entendu, la définition de l'hypothèse de l'efficience des marchés financiers et plus large que ce que
laisse entendre le sens que nous avons accordé à la dite définition. Pour nous, l'efficience désigne la
rationalité des investisseurs.

53
II.4. Conclusion

De plus en plus on assiste à une remise en cause de la capacité de l'information


comptable à représenter la performance financière actuelle et future de l'entreprise.
Avec l'évolution vertigineuse des circonstances économiques qui a influencé dans une
large mesure les pratiques et l'organisation des entreprises cotée, l'AICPA a désigné un
comité (appelé comité Jenkin's, du nom de son président) qui avait pour rôle d'ausculter
les nouveaux besoins des investisseurs financiers en matière d'informations comptables.
Les résultats avancés par les travaux de ce comité, laissent entendre que l'information
comptable est de moins en moins utilisée. Les recherches empiriques qui ont analysé la
valeur – pertinence de l'information comptable, confirment les trouvailles du comité
Jenkin's. En revanche, d'autres études qui ont analysé le contenu informationnel de
l'information comptable, ont trouvé que cette dernière, lorsqu'elle est publiée, est
capable d'influencer les croyances des investisseurs. La question qui se pose donc,
l'information comptable est – elle utile ou non?

Section III : La théorie politico – contractuelle

La théorie politico – contractuelle est l'un des deux courants de recherche constitutifs de
la théorie positive de la comptabilité. Comme nous l’avons dit, la théorie positive de la
comptabilité, contrairement à la théorie normative, essaie de valider d'une manière
empirique, à l’aide de méthodes scientifiques, des hypothèses qui se rapportent à des
phénomènes comptables. La théorie politico – contractuelle s'intéresse aux déterminants
contractuels, économiques et politiques des choix comptables faits par les entreprises
(Cormier, 2001).

La théorie politico – contractuelle repose sur un postulat de base : "l'individu (et en


l'occurrence le dirigeant de l'entreprise) est naturellement astucieux et est supposé agir
de façon à maximiser sa fonction d'utilité et donc son bien-être"10. D’où, si le dirigeant
établit que son bien-être est fonction de la valeur de marché de son entreprise, il sera
alors intéressé à connaître l’effet de toute décision en matière de pratique comptable
sur la valeur de marché (Cormier, 2001 p. 364).

10
Nous remarquons qu'il s'agit de la même hypothèse qui fonde la théorie de l'agence formulée
initialement par Jensen et Meckeling (1976). En effet, nous croyons que Watts et Zimmerman (1986,
1990) avaient adapté la théorie de l'agence – qui est une théorie financière – pour avoir ce que nous
appelons aujourd'hui la théorie politico – contractuelle de la comptabilité.

54
Plusieurs stratégies peuvent être suivies par les dirigeants pour accroître leur bien être
en augmentant la valeur de leur entreprise. Pour les recherches en comptabilité, l'accent
est mis sur la stratégie de publication des informations comptables. L'une de ces
stratégies est la publication de résultats comptables gérés qui ne reflètent pas forcément
la valeur fondamentale de l'entreprise, mais reflètent ce que les dirigeants veulent
communiquer aux investisseurs.

Les premières recherches qui s'insèrent dans ce courant ont essayé d'étudier les choix de
méthodes comptables et leurs implications sur le niveau du résultat désiré par le
dirigeant (conforme à ses motivations).

A partir des travaux de Healy (1985) et de DeAngelo (1986), les recherches ont
commencé à étudier les accruals (et plus précisément la partie discrétionnaire ou
anormale de ces accruals) qui permettent de mesurer l'incidence globale de tous les
choix comptables effectués par les gestionnaires sur le résultat. De ce fait, les accruals
sont plus susceptibles de refléter la gestion stratégique des résultats d'une entreprise que
l’étude de la dichotomie "changement de pratique comptable / aucun changement"
(Cormier et Magnan, 1995). Les accruals sont obtenus à travers la différence entre le
résultat net et les fonds générés par l'exploitation. Pour mesurer la partie non
discrétionnaire des accruals, certains chercheurs ont développé des modèles, dont
chacun présente aussi bien des avantages que des limites. La manipulation des accruals,
comme le note Schipper (1989), étant moins observable, il devient difficile pour les
investisseurs et les analystes de la détecter.

Plusieurs stratégies peuvent être adoptées par les dirigeants des entreprises dans un
objectif opportuniste. La gestion des résultats en constitue une de ces stratégies sur
laquelle nous mettons l’accent. La gestion des résultats est un domaine qui s'inscrit dans
le cadre général de la manipulation des comptes (Breton et stolowy, 2000).

La manipulation des comptes est la dénomination générique de 1) la gestion des


résultats, 2) le lissage des résultats, 3) le nettoyage des comptes et 4) la comptabilité
créative. Bien qu’en se référant à la littérature antérieure, nous remarquons que les trois
derniers sont parfois confondus avec la gestion des résultats, il faut rappeler que chacun
d’eux désigne un objectif et une motivation bien particuliers au dirigeant. Dans ce qui

55
suit, nous essayons de définir et de cerner le champ de la gestion des résultats en la
distinguant des autres catégories de la manipulation des comptes.

III.1. Positionnement de la gestion des résultats comptables

Dans son acception générale, la gestion des comptes est le fait de "façonner" les
informations véhiculées par les chiffres comptables conformément aux motivations et
aux stratégies des dirigeants tout en respectant les normes comptables. Le respect des
normes comptables est primordial lorsqu'on parle de la gestion des comptes car
autrement on traiterait plutôt de gestion réelle des comptes ou de fraude.

Dans une firme, la comptabilité repose sur un cadre légal et sur les stratégies élaborées
par les dirigeants. Si quelques transactions ne sont pas sujettes à la manipulation,
d'autres accordent aux dirigeants de larges champs de manœuvre tel que: l'évaluation
des stocks, les provisions, les charges reportées, la dépréciation de l'actif ou la
capitalisation des charges financières.

Comme déjà avancé, la manipulation des comptes désigne le champ de recherche qui
englobe le lissage des résultats, le nettoyage des comptes et la comptabilité créative.

III.1.1. Le lissage comptable

Il est généralement admis que la variabilité du niveau des résultats publiés constitue un
signe de non-stabilité de la performance de l'entreprise. Il s'agit d'un risque mal perçu
par les investisseurs financiers et qui peut les amener à mal apprécier la valeur de la
firme. Le lissage des résultats est un comportement des dirigeants qui désigne l'effort
consistant à réduire la fluctuation inter – temporelle des résultats publiés (Moses, 1987).

III.1.2. Le nettoyage des comptes

C'est le concept qui désigne la situation où un nouveau dirigeant débarque dans une
société à fort taux de rotation des dirigeants et qui est ouverte sur un marché de travail
très concurrentiel.

Dans cette situation, le nouveau dirigeant tendrait à transmettre toute information sur
l’entreprise qui donnerait lieu à une mauvaise appréciation de la performance dégagée
par son prédécesseur. Cette mauvaise performance de l'entreprise serait supposée

56
résultante du travail de l'ancien dirigeant. Cette situation permet au nouveau dirigeant de
nettoyer les comptes actuels de l'entreprise dans l’objectif de s'emparer des gains futurs
qui peuvent en résulter.

III.1.3. La comptabilité créative

La comptabilité créative est un concept utilisé dans une perspective professionnelle (par
les journalistes) pour désigner toutes les catégories de la manipulation des comptes
(gestion des résultats, lissage, nettoyage des comptes…).

III.1.4. Définition de la gestion des résultats comptables

La gestion des résultats comptables est le concept central de de la théorie politico


contractuelle. Rappelons que dans ce cadre, nous supposons que les dirigeants gèrent les
résultats comptables à la hausse dans le but d'influencer positivement les prix boursiers.

Schipper (1989) définit la gestion (stratégique) des résultats comme une intervention
délibérée du dirigeant dans le processus d’information financière externe dans le but de
s’approprier des gains personnels.

Selon Healy et Wahlen (1999), la gestion des résultats apparaît lorsque les dirigeants
recourent à leur jugement lors de l'établissement des états financiers et ce, dans le but de
modifier les informations comptables. Une telle modification servira à induire en erreur
les différents partenaires de l'entreprise (ou une catégorie de ces partenaires) en matière
de performance économique de l'entreprise et/ou pour influencer leur relation
(contractuelle) avec les fournisseurs de capitaux.

Ces deux définitions, qui sont à notre connaissance les plus citées par la littérature
comptable, mettent l'accent sur un ensemble de caractéristiques. Nous pouvons alors
dire que la gestion des résultats :

• touche principalement l'information véhiculée par le résultat comptable ;

• incombe principalement aux dirigeants ;

• est un phénomène intentionnel et délibéré ;

• repose sur des jugements discrétionnaires de la part des dirigeants ;

57
• vise à influencer l'impression de ceux qui lisent les états financiers quant à la
valeur de la firme ;

• permet aux dirigeants de s'approprier des gains personnels.

III.2 Gestion des résultats et typologie des motivations des dirigeants

La littérature qui traite de la gestion des résultats comptables fait la distinction entre
trois catégories de motivations qui animent les dirigeants. Il y a les motivations
contractuelles, les motivations liées aux coûts politiques et les motivations boursières.

III.2.1. Les motivations contractuelles

En se référant à la théorie de l’agence, l’entreprise est considérée comme un nœud de


contrats entre différents partenaires économiques internes et externes. Vue sous cet
angle, l’information comptable doit fournir des éléments quantitatifs permettant de
s’assurer que les engagements – explicites ou implicites – des diverses parties ont été
respectés (Dumontier et Raffournier, 1989). Watts et Zimmerman (1986) suggèrent que
ces contrats sont susceptibles de motiver les dirigeants à gérer les résultats comptables.
En effet, selon la formulation de leur première hypothèse, ceteris paribus, les dirigeants
des firmes, là où il existe un contrat d'intéressement, sont plus susceptibles de choisir les
procédures comptables qui rapportent le résultat des périodes futures à la période
courante.

III.2.2. Les motivations liées aux coûts politiques

Lorsque nous parlons de coûts politiques, nous désignons les coûts découlant d’une
réglementation directe ou indirecte tels que les lois et règlements gouvernementaux
limitant les situations de monopole et d’oligopole.

Vu cette pression qui vise essentiellement les sociétés de grande taille, ces dernières
sont incitées à gérer les résultats à la baisse afin de montrer une image pessimiste de
leur situation. Donc, plus la taille de l’entreprise augmente, plus les dirigeants seront
incités à gérer les résultats vers la baisse. (Jones, 1991 ; Magnan et al., 1999).

58
III.2.3. Les motivations boursières

L'utilisation des chiffres comptables par les investisseurs et les analystes financiers dans
l’évaluation des titres constitue une motivation pour les dirigeants à gérer les résultats et
ce, dans le but d'influencer les cours sur un court horizon.

Les motivations boursières reposent sur un postulat de base : il y'a une relation sûre
entre les chiffres comptables et les cours boursiers de l'entreprise. Car autrement, les
dirigeants des entreprises n'acceptent pas de gérer à la hausse les résultats comptables
s'ils savent d’avance que les investisseurs n’utilisent pas ces chiffres pour évaluer les
cours boursiers.

59
BIBLIOGRAPHE
(Indicative)

Belkaoui Ahmed « Théorie comptable », presse de l’Université du Québec (1983)

Cormier. D. ; M. Magnan. & D. Tremblay, « théories et modèles comptables, développement


et perspectives », presse de l’Université du Québec, (1993)

Degos. JG « Histoire de la comptabilité » édition que – sais je (1998)

Dumontier. P & B. Raffournier., « L’information comptable pour qui ? pour quoi ?, revue
française de gestion » (1989)

Degos. JG « Histoire de la comptabilité » édition que – sais je (1998).

Obert. R. « La construction du droit comptable »http://perso.orange.fr/robert.obert/page4.html

60

Vous aimerez peut-être aussi