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Livre blanc

Droit des affaires


et COVID-19
Synthèse des règles applicables aux entreprises
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ires et COVID
TABLE DES MATIÈRES

Introduction
I. Les contrats commerciaux en général, et notamment les baux, au travers des notions de force
majeure et d’imprévision (Par Cédric Alter et Arnaud de Thier)
1. Force majeure et imprévision
2. Application au cas du COVID-19
2.1. Le contexte
2.2. Les conditions relatives aux caractères insurmontable, indépendant de la volonté du
débiteur et imprévisible de l’évènement constitutif de force majeure
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2.3. Le cas particulier du bail commercial


2.3.1. La position défendue par le locataire commercial
2.3.2. La position défendue par le bailleur commercial

II. Entreprises en difficulté et droit de l’insolvabilité – sursis temporaire (Par Cédric Alter)
1. Le cadre national et international
2. L’arrêté royal n° 15 du 24 avril 2020 relatif au sursis temporaire en faveur des entreprises des
mesures d’exécution et autres mesures pendant la durée de la crise du COVID-19
2.1. Le ‘sursis temporaire’ (moratoire)
2.1.1. Champ d’application
(a) « toutes les entreprises relevant du champ d’application du Livre XX
du Code de droit économique »
(b) « dont la continuité est menacée par l’épidémie ou la pandémie du
Covid-19 et ses suites »
(c) « … et qui n’étaient pas en état de cessation de paiement à la date
du 18 mars 2020 »
2.1.2. L’effet du sursis temporaire
2.1.3. Le recours prévu devant le Président du tribunal de l’entreprise de Bruxelles
2.1.4. Les limites au principe du sursis temporaire
2.2. La suspension de l’obligation de faire aveu de faillite
2.3. L’écartement de certaines dispositions concernant la période suspecte
2.4. La non responsabilité du dispensateur de crédit
3. Et demain ?

III. Droit des sociétés (Par Lydie Van Muylem)


1. Impact de la crise pour les actionnaires
1.1. Application du chapitre 2 de l’AR n° 4
1.2. Le vote à l’assemblée
1.2.1. Vote en présence physique
1.2.2. Vote préalable par correspondance ou par procuration
1.2.3. Vote par voie électronique
1.2.4. Vote par écrit à l’unanimité
1.3. La participation à l’assemblée
1.3.1. Participation physique
(a) Participation passive
(b) Participation active
1.3.2. La participation électronique
1.4. Les assemblées dont les décisions doivent être constatées par acte authentique
1.5. Le report de l’assemblée
1.6. Conclusion : Choix des mesures les plus adaptées et cohérentes
2. Impact de la crise pour les administrateurs
2.1. Réunions de l’organe d’administration
2.1.1. Décision écrite unanime
2.1.2. Réunions virtuelles
2.1.3. Réunions physiques
2.2. Points d’attention particuliers et non-exhaustifs
2.2.1. Adaptation du fonctionnement de la société aux mesures de lutte contre la
propagation du Covid-19
2.2.2. Convocation des assemblées générales et procédure de la sonnette d’alarme
2.2.3. Demande des mesures d’aide aux entreprises
2.2.4. Mesures relatives aux entreprises en difficulté

IV. Banques, Finance et Assurance


1. Banques (Par Margaux Germay)
1.1. La mesure « Bazooka » récemment concrétisée
1.1.1. Un régime de garantie d’État pour certains nouveaux crédits
1.1.2. Un report des paiements pour certains crédits en cours
1.2. Le régime de la garantie d’État pour certains nouveaux crédits (premier pilier)
1.2.1. Que couvre le régime de garantie ?
1.2.2. Qui peut bénéficier des crédits garantis ?
(a) Des entreprises non financières
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(b) Exclusion des entreprises non viables
(c) Précisions sur la notion d’ « entreprise en difficulté »
1.2.3. Quels sont les types de crédit concernés ?
1.2.4. Quelles banques peuvent octroyer des crédits garantis par l’État ?
1.2.5. Conditions et limites de la garantie
(a) Conditions
(b) Limites
1.2.6. Obligations dans le chef de l’emprunteur
1.2.7. Le système de répartition des charges
1.3. Le report des paiements pour certains crédits en cours (second pilier)
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1.3.1. Que couvre le report de paiement ?


1.3.2. Qui peut bénéficier du report de paiement ?
1.3.3. Quels sont les types de crédit concernés par le report de paiement ?
1.3.4. En pratique
2. Finance (Par Victor Ouchinsky)
2.1. Interdiction du short selling
2.2. Mesures d’aide aux organismes de placement collectif (OPC)
3. Assurance (Par Victor Ouchinsky)
3.1. Flexibilité envers les entreprises d’assurance et de réassurance
3.2. Flexibilité envers les assurés : adaptation et report des primes

V. Aides aux entreprises (Par Lucille Bermond et Sandy de Vriendt)


1. Les mesures sociales
1.1. Les mesures pour les sociétés
1.1.1. Le chômage temporaire
1.1.2. Les cotisations sociales
(a) Le report
(b) Les plans d’apurement
1.2. Les mesures applicables aux indépendants
1.2.1. Le droit passerelle
(a) L’obligation d’arrêt total/partiel de l’activité
(b) La décision d’arrêt total/partiel de l’activité
1.2.2. Les cotisations sociales
(a) La demande de report
(b) La demande de réduction
(c) La demande de dispense
2. Les mesures fiscales
2.1. La prolongation des délais
2.1.1. L’introduction
2.1.2. Le paiement
2.2. La possibilité d’un plan d’apurement
2.3. Le remboursement accéléré du crédit de TVA
2.4. Les versements anticipés
2.5. Les frais liés au télétravail
2.6. Assouplissement des conditions d’exonération des réductions de valeur sur les créances
commerciales
2.7. Report des dépenses relatives au tax shelter d’œuvres audiovisuelles et arts de la scène
3. Les mesures régionales
3.1. Les mesures entreprises par la Région de Bruxelles-Capitale
3.1.1. Prime de soutien
3.1.2. Autres mesures (reprises de manière non exhaustive)
3.2. Les mesures entreprises par la Flandre
3.2.1. Prime de nuisance
3.2.2. Autres mesures (reprises de manière non exhaustive)
3.3. Les mesures entreprises par la Wallonie
3.3.1. Indemnité forfaitaire compensatoire
3.3.2. Autres mesures (reprises de manière non exhaustive)

VI.Propriété intellectuelle : mesures prises par les Offices de propriété intellectuelle


(Par Charles Bernard)
1. OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle)
2. OUEPI (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle)
3. OEB (Office européen des brevets)
4. OBPI (Office Benelux de la propriété intellectuelle)

VII. Droit de la concurrence (Par Bruno Lebrun et Ulysse Bertouille)


1. Adoption d’un encadrement temporaire relatif aux aides d’État
2. Adaptation des règles antitrust
3. Les Concentrations
4. Nationalisation et le contrôle des investissements directs étrangers (IDE)
3 5. Conclusion
Ouvrage réalisé sous la coordination de Cédric Alter,
avocat au barreau de Bruxelles (Janson) et maître de conférences à l’ULB.

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INTRODUCTION
La crise sanitaire que nous vivons actuellement en raison de la pandémie du COVID-19
et des mesures exceptionnelles qui l’accompagnent, en particulier le confinement, ont
inévitablement eu pour conséquence le ralentissement, voire l’arrêt, de pans entiers de
l’activité économique.
En vue de tenter de limiter les conséquences désastreuses de cette situation sur l’économie,
la plupart des États ont adapté leur cadre juridique et réglementaire.
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En Belgique, une loi de pouvoirs spéciaux a été votée le 27 mars 2020 habilitant le Roi à
prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19, sur la base
de laquelle les arrêtés de pouvoir spéciaux suivant ont notamment été adoptés :
- arrêté royal n° 1 portant sur la lutte contre le non-respect des mesures d’urgence pour limiter
la propagation du coronavirus COVID-19 par la mise en place de sanctions administratives
communales, M.B., 6 avril 2020 ;
- arrêté royal n° 2 du 9 avril 2020 concernant la prorogation des délais de prescription et les
autres délais pour ester en justice ainsi que la prorogation des délais de procédure et la
procédure écrite devant les cours et tribunaux, M.B., 9 avril 2020 ;
- arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020 portant des dispositions diverses relatives à la procédure
pénale et à l’exécution des peines et des mesures prévues dans le cadre de la lutte contre
la propagation du coronavirus COVID-19, M.B., 9 avril 2020 ;
- arrêté royal n° 4 du 9 avril 2020 portant des dispositions diverses en matière de copropriété
et de droit des sociétés et des associations dans le cadre de la lutte contre la pandémie
Covid-19, M.B., 9 avril 2020 ;
- arrêté royal n° 15 du 24 avril 2020 relatif au sursis temporaire en faveur des entreprises des
mesures d’exécution et autres mesures pendant la durée de la crise du COVID-19.
En vertu d’une autre loi du 27 mars 2020 donnant habilitation au Roi d’octroyer une garantie
d’État pour certains crédits  dans la lutte contre les conséquences du coronavirus et
modifiant la loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de
crédits et des sociétés de bourse, a par ailleurs été adopté l’arrêté suivant :
- arrêté royal du 14 avril 2020 portant octroi d’une garantie d’État pour certains crédits dans
la lutte contre les conséquences du coronavirus, M.B., 15 avril 2020.
Dans le cadre du présent Livre Blanc, nous analyserons l’impact de la crise du COVID-19
sur le droit des affaires, c’est-à-dire sur l’ensemble des règles juridiques qui gouvernent le
fonctionnement de l’entreprise (à l’exclusion du droit social qui fait l’objet d’un autre Livre
blanc).
Certaines questions trouveront directement réponse dans les arrêtés de pouvoirs spéciaux
mentionnés ci-dessus, tandis que d’autres devront être examinées à la lumières des textes
juridiques préexistants.
Nous aborderons en particulier dans le cadre du présent ouvrage, l’impact du COVID-19
sur :
• Les contrats commerciaux en général, et notamment les baux, au travers des notions de
force majeure et d’imprévision ;
• Les entreprises en difficulté et le droit de l’insolvabilité (en ce compris le nouveau ‘sursis
temporaire’) ;
• L’organisation des sociétés commerciales, particulièrement dans la tenue à des
distances des assemblées générales et conseils d’administration ;
• Les règles en matière bancaire (et particulièrement le système de garantie des crédits
par l’État), d’assurance, et de finance ;
• Les mesures d’aide aux entreprises et indépendants (aides sociales, fiscales et aides
régionales) ;
• Le règles concernant la propriété intellectuelle ;

4 • Le droit de la concurrence.
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I. LES CONTRATS COMMERCIAUX EN GÉNÉRAL, ET
NOTAMMENT LES BAUX, AU TRAVERS DES NOTIONS DE FORCE
MAJEURE ET D’IMPRÉVISION 
Par Cédric Alter et Arnaud de Thier
Dès les premières heures suivant le confinement, la question de savoir s’il s’agit
d’un cas de force majeure a émergé dans le débat juridique, souvent dans le
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contexte de particuliers ou de commerçants n’étant plus en mesure d’assumer


leurs obligations découlant de contrats en cours, avec une acuité toute particulière
pour les locataires de baux commerciaux qui, du jour au lendemain, devaient
fermer leur établissement. Devaient-ils néanmoins continuer à payer leur loyer alors
qu’ils étaient dans l’impossibilité d’ouvrir leur commerce ? Certes, une telle situation
est vite apparue choquante, voire injuste. Mais était-ce pour autant aux bailleurs
de supporter les conséquences de cette situation ? La notion de force majeure
permet-elle de répondre à ces questions ?

Il convient avant toute chose de rappeler les concepts applicables.

1. FORCE MAJEURE ET IMPREVISION

La force majeure n’est pas définie par notre Code Civil, raison pour laquelle il faut
se référer à la doctrine1 et à la jurisprudence2 pour la définir.

P. VAN OMMESLAGHE la définit comme il suit: « (..) un événement à caractère


insurmontable, et selon certains imprévisible, indépendant de toute faute du
débiteur, qui empêche ce dernier d’exécuter ses obligations ou de se conformer
aux normes exclusives de faute, tout en restant dans les limites de la diligence que
l’on peut attendre de lui »3.

Selon cette définition, la force majeure suppose la réunion de trois conditions


cumulatives : l’évènement qui rend l’exécution de l’obligation impossible doit être
(i) insurmontable, (ii) indépendant de la volonté du débiteur et (iii) imprévisible.

Pour qu’un événement soit considéré comme insurmontable, il faut que le débiteur
– considéré comme tout autre débiteur qui serait dans la même situation – se
trouve dans « l’impossibilité d’exécuter les obligations découlant du contrat »4 ,
cette impossibilité pouvant être matérielle, juridique ou morale.

Le fait que l’événement rende l’exécution simplement plus difficile ou plus


onéreuse ne remplit cette condition, de sorte qu’il ne pourrait pas alors être fait
appel à la force majeure pour justifier l’inexécution de l’obligation. Cette dernière
hypothèse relève en effet d’une autre notion juridique, qui est celle de le théorie de
l’imprévision, laquelle intervient donc lorsque les conditions économiques en cours
au moment de la conclusion d’un contrat, que les parties ont donc normalement
prises en compte comme fondement de leur accord, se trouvent ultérieurement
bouleversées au-delà de toute prévision, dans des conditions telles que la poursuite
de l’exécution de la convention par les parties, sans être matériellement impossible,

1 Pour une étude actuelle et pointue de la notion de force majeure, voy. not. : F. Glansdorff, « Le point sur …la
force majeure », J.T., 2019, n°18, p. 355. Une actualisation de cette étude au regard du COVID-19 est d’ailleurs
en passe d’être publiée dans les colonnes du Journal des Tribunaux.
2 Voy. not. Cass. 8 septembre 2017, J.L.M.B., 2018, p. 521.
3 P. Van Ommeslaghe, Les obligations, t. II, vol. 2, coll. De Page, n° 966.
5 4 P. Van Ommeslaghe, op. cit., n° 968.
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risque de causer un préjudice considérable à l’une d’elles, voire même de la ruiner.
Or, la jurisprudence belge (et française) s’est le plus souvent refusée à appliquer
cette théorie de l’imprévision, qui va directement à l’encontre du principe de
sécurité juridique des transactions consacré par l’article 1134 du Code civil.

Encore convient-il de nuancer ce qui précède à la lumière de deux considérations :

- suivant le principe d’autonomie de la volonté, les parties à un contrat peuvent


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bien entendu régler entre elles, lors même de la conclusion de leur accord, les
conséquences d’un éventuel bouleversement des circonstances politiques,sociales
ou économiques, par des clauses appropriées. Ces clauses, dites d’imprévision
ou de «hardship» instaurent généralement un mécanisme de renégociation du
contrat impliquant éventuellement l’intervention d’un tiers en cas d’impasse.

- La frontière entre la force majeure (‘l’exécution du contrat est impossible’) et


la théorie de l’imprévision (‘l’exécution du contrat est possible mais très difficile’)
n’est pas toujours absolue. Comme le souligne F. Glansdorff, « la jurisprudence et
la doctrine actuelles [considèrent] que l’impossibilité d’exécution doit s’apprécier
de manière raisonnable et humaine, non plus in abstracto mais en fonction de
l’économie globale de l’obligation en cause et du degré de diligence incombant
à celui dont la responsabilité est recherchée »5. Une telle interprétation fait donc
parfois glisser le débat de l’impossibilité d’exécution vers la question de l’abus de
droit, même si la jurisprudence se montre toutefois prudente.

Par ailleurs, il faut également avoir égard à l’objet même de l’obligation


inexécutée/inexécutable pour apprécier ce caractère insurmontable. On
enseigne, en effet, classiquement qu’en vertu de l’adage genera non pereunt,
le caractère insurmontable d’un événement ne peut pas être reconnu lorsque
l’obligation porte sur des choses de genre (fongibles), et singulièrement sur une
somme d’argent6. Il faut toutefois constater que la jurisprudence s’est assouplie sur
cette question, de sorte que, selon certains auteurs, il faudrait, dans certains cas,
accepter le caractère insurmontable de l’événement concerné lorsqu’il existe une
réelle impossibilité liée à une cause étrangère7.

La deuxième condition de la force majeure est l’indépendance de la volonté du


débiteur, ou autrement dit l’absence de faute de sa part. La Cour de cassation a
confirmé à de (très) nombreuses occasions que « la force majeure ne peut résulter
que d’un événement indépendant de la volonté humaine et que cette volonté
n’a pu ni prévoir ni conjurer »8 . Il faut donc que le débiteur n’ait pas participé
à la survenance de l’événement qui le met dans l’impossibilité d’exécuter son
obligation, ou plus simplement qu’il n’ait pas commis de faute.

P. Van Ommeslaghe résume cela comme suit : « La caractéristique essentielle de la


force majeure est de supprimer le caractère fautif du comportement incriminé par
le demandeur en responsabilité. En effet, la force majeure commence exactement
où cesse la faute. Elle forme donc en quelque sorte le négatif de la faute »9.

5 F. Glansdorff, op. cit., n° 9 ; voy. également P. Wéry, « La théorie générale du contrat », Rép. not.,Tome IV, Les
obligations, Livre 1/1, Bruxelles, Larcier, 2010, n° 564.
6 Le rapport au Roi précédant l’arrêté royal n° 15 du 24 avril 2020 instaurant un sursis temporaire (voy. infra
titre II) fait sien cet enseignement classique, rappelant que « la force majeure n’est pas acceptée en cas
d’incapacité financière à payer », ce qui justifie l’application du sursis temporaire aux seuls engagements de
payer une somme d’argent (M.B., 24.04.2020, Ed. 2, p. 28734).
7 Voy. F. Glansdorff, op. cit., n° 10 et les références.
8 Voy. not. : Cass., 7 mars 2008, C.06.0379F, www.juridat.be.
6 9 P. Van Ommeslaghe, « Droit des obligations », Tome II, Bruylant, 2010, p. 1382.
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La troisième condition de la force majeure – bien que fort débattue en doctrine et
non retenue par certains auteurs – est l’imprévisibilité. Cette condition est en réalité
le pendant de la condition d’indépendance de la volonté du débiteur et veut que
le partie qui se trouve dans l’impossibilité d’exécuter son obligation n’ait pas pu
raisonnablement prévoir que la cause étrangère allait survenir.

La conséquence de la reconnaissance d’un événement comme étant


constitutif d’un cas de force majeure est nette : « Le débiteur est déchargé de
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toute responsabilité s’il démontre l’existence d’un cas de force majeure ou, plus
largement, d’une cause étrangère libératoire »10. En d’autres termes, le débiteur est
libéré de son obligation dont l’exécution est entravée par l’événement, ainsi que
des éventuelles obligations qui en sont l’accessoire.

Toutefois, si l’impossibilité d’exécution n’est que temporaire, l’obligation du débiteur


ne sera que suspendue pour la période durant laquelle subsiste l’événement
de force majeure. Le débiteur sera donc tenu d’exécuter son obligation une fois
l’événement disparu, pour autant que cette exécution soit encore utile.

Il faut par ailleurs rappeler que lorsque l’obligation suspendue ou éteinte relève
d’un contrat synallagmatique, il y a lieu, en principe, de faire application de la
théorie des risques. En application de cette théorie, on considère que lorsque
l’exécution d’une obligation est suspendue ou qu’une obligation est éteinte par
l’effet d’un cas de force majeure, les obligations de l’autre partie subissent le
même sort. L’exécution du contrat sera donc suspendue ou le contrat sera dissout,
partiellement ou totalement11.

Enfin, nous attirons l’attention sur le fait que le régime de la force majeure tel qu’il
a ici été rappelé est un régime supplétif, de sorte qu’il est toujours possible que
les parties se mettent d’accord sur l’application d’un autre régime, soit par l’une
ou l’autre clause contractuelle, soit par l’acceptation de conditions générales.
Nous ne pouvons donc que rappeler la nécessité d’examiner chaque situation
particulière, au regard des clauses éventuelles du contrat.

2. APPLICATION AU CAS DU COVID-19


2.1. Le contexte

Depuis le milieu du mois de mars 2020, le Gouvernement a pris une série de


mesures drastiques afin de lutter contre la propagation du « COVID-19 », confinant
une grande partie de la population chez elle. Il a dressé une liste des professions
considérées comme « essentielles », qui ont le droit de poursuivre leur activité tout
en respectant rigoureusement les mesures de distanciation sociale. Les autres
professions n’ont eu d’autre choix que d’interrompre leur travail ou de l’exercer à
distance à défaut de pouvoir respecter lesdites mesures de distanciation sociale.

Nombreux sont donc les commerçants, restaurateurs, artisans, artistes ou


prestataires de service qui se sont tournés vers leurs conseils juridiques afin de
mesurer et de tenter de limiter au maximum les conséquences de cette crise
sanitaire sans précédent.

10 P. Wéry, « La théorie générale du contrat », op. cit., n° 562 qui renvoie not. à Bruxelles, 13 janv. 1988, R.W., 1990-
1991, p. 783.
11 P. Van Ommeslaghe, « Titre IV : la responsabilité civile contractuelle et extracontractuelle », in Droit des
7 obligations – Volume II – Partie 1, Coll. De Page, 1985, p. 289.
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A l’heure actuelle, nombre de juristes ont déjà exprimé leur avis suivant lequel
la crise liée au COVID-19 représentait bel et bien un cas de force majeure, avant
d’en tirer toutes les conséquences juridiques qu’une telle conclusion permettait
ou imposait.

Le jeudi 23 mars 2020, la Chambre des Représentants a accordé au gouvernement


de Sophie Wilmes les « pouvoirs spéciaux », pour une durée de 3 mois, permettant
à celui-ci de prendre rapidement toute une série de mesures afin de vaincre la
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pandémie.

Un avant-projet d’arrêté royal de pouvoirs spéciaux concernant la force majeure


et la prorogation des délais de procédure devant les juridictions civiles et
administratives et de la procédure écrite en ce qui concerne les procédures civiles,
prévoyait que :

« Art. 1 Par dérogation aux dispositions légales et réglementaires et sans préjudice


des régimes spéciaux à adopter par les autorités compétentes, la menace du virus
Covid-19 et la prise de mesures à son encontre par les autorités durant la période
allant du 18 mars 2020 au 5 avril 2020 inclus, date de fin susceptible d’être adaptée
par le Roi, sont d’office considérées comme constituant un cas de force majeure.

Art. 4 Le présent arrêté ne s’applique pas en ce qui concerne : (…) le paiement


des dettes d’argent (…)».

L’objectif du gouvernement était d’éviter toutes discussions tendant à faire


reconnaître, ou non, le COVID-19 et les décisions gouvernementales prises dans
le cadre de cette crise, comme un « fait du prince », constituant un cas de force
majeure.

Il semblerait toutefois que cet avant-projet d’arrêté royal de pouvoirs spéciaux


ait été modifié, et soit devenu l’arrêté royal n°2 du 9 avril 2020 concernant la
prorogation des délais de prescription et les autres délais pour ester en justice ainsi
que la prorogation des délais de procédure et la procédure écrite devant les cours
et tribunaux, ne reprenant ainsi par l’article 1 susmentionné de l’avant-projet et
tendant à faire reconnaître les mesures gouvernementales comme constituant un
cas de force majeure. Cette première mouture du texte aurait été abandonnée afin
d’éviter une ingérence trop importante dans les différents contrats, et de permettre
au juge – si cela s’avère in fine nécessaire – de tenir compte des circonstances
propres au contrat soumis à son appréciation pour considérer si la force majeure
doit être appliquée ou non.

Il faudrait donc se poser la question de savoir, dans chaque cas d’espèce, si les
mesures gouvernementales doivent être considérées ou non comme un cas de
force majeure en fonction des circonstances particulières du contrat, et notamment
de l’existence ou non d’une clause contractuelle particulière dérogeant au régime
général supplétif de la force majeure.

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2.2. Les conditions relatives aux caractères insurmontable, indépendant de la
volonté du débiteur et imprévisible de l’évènement constitutif de force majeure

Certaines des conditions exposées ci-avant ne semblent pas poser de difficultés.

Ainsi, le caractère imprévisible sera assez largement établi pour tous les contrats
conclus avant le 18 mars 2020. On pourrait, certes, objecter que plusieurs semaines
avant cette date, des signes avant-coureurs, y compris en Europe, pouvaient laisser
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craindre le développement d’une pandémie entraînant de graves conséquences


humaines et économiques. Il conviendra toutefois de se montrer raisonnable dans
cette appréciation. On ne peut en effet exiger du citoyen qu’il soit mieux informé
que le Ministre de la santé en exercice de son pays qui, jusqu’au 5 mars, déclarait
à la Chambre, à propos du Covid-19, qu’il ne s’agissait que d’une «légère grippe»12.

Corrélativement, pour tous les contrats conclus après le 18 mars 2020, il faudra
probablement considérer sur la base de l’information communément partagée
par les médias, que de nouveaux pics de contamination dans les mois, voire les
années à venir, ne constitueraient pas des événements imprévisibles. La prudence
est donc bien évidemment de mise dans la rédaction des nouveaux contrats, et
en particulier s’agissant des clauses de force majeure ou d’imprévision.

Sera également aisément admise la condition tenant au fait que l’évènement doit
être indépendant de la volonté du débiteur.

La difficulté principale liée à la pandémie du Covid-19 et les mesures sanitaires en


découlant en tant qu’élément constitutif de force majeure tiendra au caractère
insurmontable de l’évènement pour l’exécution de l’obligation contractuelle
considérée. On pourrait ainsi, par exemple, imaginer qu’un cocontractant devant
délivrer une machine se trouve face à une réelle impossibilité d’exécuter son
obligation si, en raison de la pandémie, il ne peut se procurer un des composants
indispensables à sa fabrication. D’autres cas seront toutefois beaucoup plus
délicats, tel celui du bail examiné ci-après.

2.3. Le cas particulier du bail commercial

En ce qui concerne les baux commerciaux, la question est délicate et a déjà


fait couler beaucoup d’encre. En effet, il existe une controverse sur la question de
savoir si la force majeure s’applique (i) à l’obligation de payer le loyer du locataire
ou (ii) à l’obligation du bailleur de mettre les lieux à la disposition du locataire et
de lui assurer une jouissance paisible de ceux-ci.

Nous aborderons successivement la position qui peut être défendue par (i) le
locataire et (ii) par le bailleur.

2.3.1. La position défendue par le locataire commercial

Une doctrine, à l’heure actuelle majoritaire, considère que l’obligation de paiement


du loyer est suspendue en raison de l’impossibilité pour le bailleur de fournir la
jouissance des lieux loués13.

12 Voy. https://www.lecho.be/dossiers/coronavirus/la-gestion-de-maggie-de-block-sous-le-feu-des-
critiques/10216392.html
13 Voy. not. à ce sujet : M. Higny, « Le paiement du loyer et des charges au bailleur dans le bail d’un bien
9 immeuble face coronavirus », J.T., 2020, n°15, p. 265.
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Cette doctrine fonde principalement son argumentation sur l’article 1719 du Code
civil qui prévoit que « le bailleur est obligé (…) 1° de délivrer au preneur la chose
louée (…) 2° d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ».

Le bailleur serait ainsi tenu à une obligation d’assurer la jouissance paisible


au locataire, cette obligation étant aujourd’hui rendue impossible par les
décisions gouvernementales et les arrêtés ministériels subséquents qui imposent
(notamment) aux commerces (à l’exception des commerces d’alimentation et
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des secteurs cruciaux) et restaurants de fermer.

Ces auteurs considèrent donc que le « fait du prince » touche les locaux
contractuellement destinés à un usage commercial, de sorte que l’obligation de
fermeture de certains commerces met les bailleurs dans l’incapacité d’assurer la
jouissance paisible de leur locataire.

C’est donc, selon cette thèse, l’exécution d’une obligation du bailleur qui se trouve
empêchée par un cas de force majeure.

Par application de la théorie des risques14 – et des effets synallagmatiques du


contrat - ces auteurs considèrent que le locataire est dispensé d’exécuter son
obligation de paiement, corrélative à celle du bailleur dont le respect se trouve
empêché par une situation constitutive de force majeure. Le loyer ne serait donc
pas dû.

2.3.2. La position défendue par le bailleur commercial

Un autre point de vue , qui tend à se développer parmi les praticiens15 , considère
que le « fait du prince » ne met pas le bailleur dans l’impossibilité de fournir la
jouissance paisible des lieux loués, mais plutôt le locataire dans l’impossibilité
d’exercer son activité commerciale spécifique, indépendamment de la disponibilité
des lieux loués.

Selon cette thèse, l’obligation qui incombe au bailleur d’assurer la jouissance


paisible des lieux au locataire repose sur une triple obligation de garantie : (i) du
fait personnel, (ii) du fait des tiers, et singulièrement des troubles de droit causés
par des tiers et (iii) des vices cachés. Le bailleur ne doit en revanche aucunement
garantir à son locataire que l’exercice du commerce permis par le bail sera
fructueux.

En l’espèce, le bailleur respecte son obligation de mettre les lieux à disposition


et d’assurer la jouissance possible, le locataire ayant toujours la « jouissance »
de ceux-ci, tout en ne pouvant pas en faire l’usage prévu, en raison des mesures
gouvernementales affectant l’activité commerciale qu’il exerce. Le locataire
conserve ainsi la jouissance des lieux, notamment du fait qu’il en garde l’accès
exclusif que son stock y est maintenu, ou encore qu’il pourrait, par exemple,
réaliser des travaux d’aménagement durant la période de fermeture. Ce faisant,
il ne serait pas dispensé de son obligation de payer son loyer. Les praticiens
qui soutiennent cette thèse invoquent également que les pharmacies ou les
commerces de nourriture dont l’activité ne justifie pas une fermeture au vu des
décisions gouvernementales, poursuivent bien leur activité. En cela, les décisions

14 Voy. not. à ce sujet : D. Janssen, « Qu’en est-il des loyers commerciaux ? », Jubel.be, 3 avril 2020.
15 Voy. not. à ce sujet : G. de Crayencour, « La jouissance paisible du locataire … en temps de covid-19 »,
www.elaw.be, 9 avril 2020 et E. Willaert « Le coronavirus : impact sur les baux commerciaux ? »,
10 www.schoups.be, 4 avril 2020.
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ires et COVID
gouvernementales ne touchent donc pas les locaux qui sont l’objet des baux, mais
les activités des locataires. Le même argument semble également déduit du cas
des commerçants dont l’activité a dû prendre fin par décision gouvernementale et
qui ont « sous-loué » ou mis à disposition leur espace commercial à des maraîchers
afin que ceux-ci puissent y exercer leur commerce de détail durant la période de
crise, les marchés ayant été interdits.

Selon ce point de vue, les mesures gouvernementales n’ont en réalité aucun effet
Droit des affa

sur les immeubles et les locaux loués, mais c’est leur accessibilité au public du fait
de l’activité exercée par leur locataire qui est interdite, ce qui renforce leur position
selon laquelle le bailleur ne manque pas à son obligation.

Enfin, on relèvera encore à l’appui de cette opinion que la difficulté pour le locataire
de payer son loyer ne constitue pas une impossibilité absolue – qui pourrait
mener à l’application des règles « classiques » de la force majeure – dès lors que
l’argent est une chose de genre et qu’en vertu de l’adage genera non pereunt16
(les choses de genre ne périssent pas) – une telle difficulté ne le libère pas de
son obligation17. Tout au plus cette difficulté pourrait-elle mener à l’application de
la théorie de l’imprévision ou de l’abus de droit, qui pourrait donner lieu à une
éventuelle modification temporaire du contrat ou de ses modalités d’exécution, et
en tous cas à une obligation de renégociation de celles-ci.

* *
*
Il ressort de ce qui précède que la situation exceptionnelle que nous vivons
aujourd’hui pose des questions qui sont encore loin d’être tranchées, et qui
susciteront indéniablement de longs débats, tant au stade des négociations que
dans les prétoires. Des juges seront inévitablement saisis de la question, et leurs
décisions feront jurisprudence. En effet, à l’heure actuelle, la plupart des auteurs
fondent leur analyse sur des décisions datant de la première ou de la seconde
guerre mondiale ou sur les directives données par les occupants de l’époque.
Les faits à la base desdites décisions nous semblent toutefois bien éloignés de la
situation de crise que nous vivons actuellement…

Nous ne pouvons donc qu’inviter toutes les parties à des contrats (qu’il s’agisse
de contrats d’entreprise, de prestations de services, ou de baux), ainsi que leurs
conseils, à rechercher autant que faire se peut un nouvel équilibre contractuel – fût-
ce temporaire – qui permettrait à toutes les parties de « survivre » dans la situation
que nous vivons actuellement, la déconfiture d’une des parties ne pouvant être
que préjudiciable à l’autre partie et à l’économie en général. Cela suppose
évidemment plus que jamais le respect du principe d’ exécution de bonne foi des
contrats, et le refus de tout abus de droit. Gageons que le bon sens l’emportera…

Quant aux clauses de force majeure « post-coronavirus », il est fort à parier qu’elles
incluront désormais les épidémies, pandémies et prévoiront des délais plus longs
avant de pouvoir résilier unilatéralement et sans indemnité les contrats18.

Mentionnons, enfin, l’impact que pourrait également avoir sur la situation du


locataire l’entrée en vigueur de l’arrêté royal n° 15 accordant un sursis temporaire
aux entreprises (infra, titre II).

16 Voy. not. au sujet de l’application de la force majeure aux choses de genre – et singulièrement à la monnaie
– et l’évolution jurisprudentielle en la matière : F. Glansdorff, op. cit., n°10.
17 Voy. également supra point 1.
18 Sur ce constat en matière de contrats d’énergie, voy. G. Block, Coronavirus – un cas de force majeure dans
les contrats d’énergie ?, https://www.janson.be/fr/actualites/coronavirus--un-cas-de-force-majeure-dans-les-
11 contrats-denergie/?lid=614
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ires et COVID
II. ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET DROIT DE L’INSOLVABILITÉ-
SURSIS TEMPORAIRE
Par Cédric ALTER

1. LE CADRE NATIONAL ET INTERNATIONAL

Une des premières mesures qui était attendue du gouvernement de pouvoirs


Droit des affa

spéciaux – mais qui sera finalement venue en dernier, in extremis, le 24 avril –


visait le soutien aux innombrables entreprises qui se trouveraient en difficulté, voire
en situation d’insolvabilité, en raison des mesures sanitaires exceptionnelles en
vigueur, touchant de manière particulièrement brutale le secteur de l’horeca, le
secteur évènementiel ou encore le secteur culturel, mais plus largement toutes les
entreprises dont l’activité a soit cessé soit fortement diminué, sans qu’elles n’aient
la solidité financière pour encaisser un tel choc.

Plusieurs pays européens ont pris très rapidement des initiatives en vue d’adapter
leur législation à la situation de crise que nous connaissons et dont l’étendue est
encore inconnue à ce jour.

Un bon résumé de ces initiatives à l’échelle européenne, mais arrêté à la


date du 20 mars, peut être consulté dans le rapport du CERIL
(Conference of European Restructuring and Insolvency Law), consultable sur son
site internet19.

Parmi les mesures préconisées par le CERIL, et mises en place par certains États,
figuraient  la suspension de l’obligation de faire aveu de faillite (pour les États –
dont la Belgique – imposant une telle obligation) et la mise en place d’une forme
de ‘moratoire’ dont pourraient bénéficier les entreprises pour le paiement de leurs
dettes.

En Belgique, les responsables du Réseau CAP, de concert avec l’OECCB et


après avoir entamé un dialogue avec des magistrats et présidents de tribunaux,
particulièrement en charge des faillites et réorganisations judiciaires, avaient
proposé, par une note du 26 mars 2020, trois mesures prioritaires et urgentes : (i)
la suspension de l’obligation de faire aveu de faillite dans le mois (art. XX. 102
CDE), (ii) un allègement des formalités pour le dépôt d’une requête en procédure
en réorganisation judiciaire (PRJ) (art. XX.41 CDE), et (iii) une certaine souplesse
quant à l’exigence d’exécution ‘ponctuelle’ des plans de réorganisation en cours
(art. XX. 83 CDE)20.

Les suggestions dont questions ci-avant ont été, en partie, reprises par le
gouvernement.

Alors que les spécialistes du droit de l’insolvabilité s’accordent à considérer que la


procédure en réorganisation judiciaire (PRJ) est un des outils devant absolument
être privilégié en période de crise, le gouvernement a toutefois manifestement
voulu éviter de favoriser cette procédure, et ce en vue d’éviter une surcharge des

19 https://congressus-ceril.s3-eu-west-1.amazonaws.com/files/2ce93811f1f14745a9f94a9161b53766.pdf?
Signature=JjI4xlhEmHY0wWqgWM0rBbzIJ%2Bs%3D&Expires=1587329728&AWSAccessKeyId=AKIAIUTTQ23AZY
ZKILZQ&response-content-disposition=inline%3Bfilename%3D2020-01_CERIL_Executive_Statement_on
COVID-19_and_insolvency_legislation.pdf).
20 Cette note peut être consultée sur le site de l’OECCBB : https://www.oeccbb.be/wp-content
12 uploads/2020/04/suggestions-RCAP-28-mars-2020.pdf
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ires et COVID
tribunaux, de limiter les coûts pour les entreprises et d’offrir une protection qui ne
se limiterait pas aux dettes du passé. En conséquence, c’est un système innovant
de sursis légal et temporaire (à l’image du ‘moratoire’ évoqué par le CERIL) qui a
été mis en place, comme explicité au titre suivant.

2. L’ARRÊTÉ ROYAL N°15 DU 24 AVRIL 2020 RELATIF AU SURSIS


TEMPORAIRE EN FAVEUR DES ENTREPRISES DES MESURES D’EXÉCUTION
ET AUTRES MESURES PENDANT LA DURÉE DE LA CRISE DU COVID-19
Droit des affa

2.1. Le ‘sursis temporaire’ (moratoire)

2.1.1. Champ d’application

Une des première questions qui se pose est de déterminer quelles sont les sociétés
qui peuvent bénéficier de la nouvelle mesure de ‘sursis temporaire’ jusqu’au
17 mai 2020 (sauf prolongation éventuelle par arrêté délibéré en Conseil des
ministres).

L’article 1er de l’arrête royal précise qu’il s’applique à (a) toutes les entreprises
relevant du champ d’application du Livre XX du Code de droit économique (b)
dont la continuité est menacée par l’épidémie ou la pandémie du Covid-19 et ses
suites et (c) qui n’étaient pas en état de cessation de paiement à la date du 18
mars 2020.

Reprenons ces trois points.

- « toutes les entreprises relevant du champ d’application du Livre XX du Code de


droit économique »

Rappelons que la notion d’entreprise a été considérablement élargie à la suite


de l’entrée en vigueur du Code de droit économique et du Livre XX, puisque sont
considérées comme « entreprises » chacune des organisations suivantes :
• toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre
indépendant;
• toute personne morale;
• toute autre organisation sans personnalité juridique.

Nonobstant ce qui précède, ne sont pas des entreprises, sauf s’il en est disposé
autrement dans d’autres dispositions légales prévoyant une telle application :
• toute organisation sans personnalité juridique qui ne poursuit pas de but de
distribution et qui ne procède effectivement pas à une distribution à ses
membres ou à des personnes qui exercent une influence décisive sur la politique
de l’organisation;
• toute personne morale de droit public qui ne propose pas de biens ou services
sur un marché;
• l’État fédéral, les régions, les communautés, les provinces, les zones de secours, les
prézones, l’Agglomération bruxelloise, les communes, les zones pluricommunales,
les organes territoriaux intracommunaux, la Commission communautaire
française, la Commission communautaire flamande, la Commission
communautaire commune et les centres publics d’action sociale;

13
-19
ires et COVID
On voit donc que cette définition est extrêmement large puisque ne sont plus
seulement considérées comme entreprises les sociétés poursuivant un but
commercial, mais également les professions libérales, les associations et même
certaines organisations sans personnalité juridiques. Bien que la question fasse
encore l’objet de controverses, dans de nombreux cas, le gérant d’entreprise sera
lui-même considéré comme une entreprise21.

- « dont la continuité est menacée par l’épidémie ou la pandémie du Covid-19 et


Droit des affa

ses suites »

En cas de contestation quant à la présence de cette condition, il appartiendra


au Président d’apprécier la réalité de la menace de discontinuité, en vérifiant
notamment si, à la suite de la pandémie de COVID-19, le chiffre d’affaires ou
l’activité du débiteur a fortement diminué22.

- « … et qui n’étaient pas en état de cessation de paiement à la date du 18 mars


2020 »

L’intention du gouvernement a donc été de protéger de manière exceptionnelle


les entreprises dont les difficultés sont en lien causal direct avec la pandémie du
Covid-19 et les mesures de confinement et de fermeture des commerces non
essentiels, ce qui explique la date pivot du 18 mars.

Le non-paiement d’une ou de plusieurs dettes ne suffit pas nécessairement à


être « en état de cessation de paiement », lequel suppose selon nous un défaut
persistant sur une partie de ses dettes, par analogie avec la doctrine et la
jurisprudence s’étant développées en matière de faillite. Même si l’AR ne précise
pas explicitement, comme en matière de faillite, que le défaut doit être « persistant »,
la solution nous paraît être implicite23.

2.1.2. L’effet du sursis temporaire

Les effets du sursis temporaire :

- sauf sur les biens immobiliers24 aucune saisie conservatoire ou exécutoire ne peut
être pratiquée et aucune voie d’exécution ne peut être poursuivie ou exécutée
sur les biens de l’entreprise, pour toutes les dettes de l’entreprise y compris les
dettes reprises dans un plan de réorganisation tel que prévu à l’article XX.82
du même Code homologué avant ou après l’entrée en vigueur du présent
arrêté ; cette disposition n’est pas applicable à la saisie conservatoire sur les navires
et bateaux ;

- l’entreprise ne peut être déclarée en faillite sur citation, ou s’il s’agit d’une personne
morale, ne peut être dissoute judiciairement25, sauf sur initiative du ministère public
ou de l’administrateur provisoire qui a été désigné par le président du tribunal de
l’entreprise tel que prévu à l’article XX.32 du même Code, ou sur consentement
du débiteur ;

21 Voy. C. Alter, « Le gérant d’entreprise est-il une entreprise ? », in Comptabilité et fiscalité : Actualités et
perspectives, Liber Amicorum OECCB, Anthemis, 2019, p. 179 et s.
22 Voy. infra, (2.1.3.). Adde : Sur la condition de menace sur la continuité à propos des procédures en
réorganisation judiciaire, C. Alter et Z. Pletinckx, Insolvabilité des entreprises, Larcier, 2019, p. 207, n° 169 et s.
23 On a d’ailleurs relevé judicieusement en doctrine, à propos de la loi sur les faillites, que « Les mots ‘de
manière persistante’ sont pure redondance : celui qui n’a pas cessé ses paiements de manière persistante
ne les a pas cessés, il les a retardés » (F.T’Kint et W. Derijcke, La Faillite, tiré à part Rép. not., Larcier, 2006, p.129,
n° 52).
24 Le rapport au Roi justifie l’exception pour les saisies conservatoires sur biens immobiliers par le motif que
cette forme de saisie n’a pas d’incidence sur la continuité de l’entreprise (M.B., 24.04.2020, Ed. 2, p. 28734).
25 Le gouvernement n’a pas suivi l’avis du Conseil d’État en ce qu’il suggérait de faire une distinction entre les
14 différents cas de dissolution judiciaire (Rapport au Roi, M.B., 24.04.2020, Ed. 2, p. 28735).
-19
ires et COVID
- les délais de paiement repris dans un plan de réorganisation, tel que prévu à
l’article XX.82 du même Code et homologué avant ou pendant la durée du présent
arrêté, sont prolongés d’une durée égale à celle du sursis prévu dans le présent
arrêté, le cas échéant avec une prolongation du délai maximal de 5 ans pour
l’exécution du plan, en dérogation à l’article XX.76 du même Code et du délai
maximum de 2 ans à dater du jugement d’homologation visé à l’article XX.74 du
même Code pour le sursis de l’exercice des droits des créanciers extraordinaires ;
Droit des affa

- les contrats conclus avant l’entrée en vigueur du présent arrêté ne peuvent être
résolus unilatéralement ou par voie judiciaire en raison d’un défaut de paiement
d’une dette d’argent exigible sous le contrat; cette disposition n’est pas applicable
aux contrats de travail.

Faut-il comprendre que l’on vise « le » défaut de paiement pendant toute la
période considérée ou « un » défaut d’ « une » échéance de paiement ? Dans la
mesure où les auteurs se sont inspirés du régime de la réorganisation judiciaire, la
première hypothèse semble devoir être retenue.

Cette disposition pourrait avoir une incidence considérable dans les


épineux débats entourant la question du paiement des baux et contrats de
crédits en cours. Seule une exception pour les contrats de travail étant prévue, il
faut logiquement en conclure que, pour tous les autres contrats, le mécanisme de
protection aura vocation à s’appliquer en cas de non-paiement, sous réserve du
recours possible prévu devant le Président du tribunal de l’entreprise (point 2.1.3.
ci-dessous) et sous réserve des limites au principe du sursis temporaire (point 2.1.4.
ci-dessous). Il ressort par ailleurs du rapport au Roi que le régime mis en place
s’appliquera également en présence d’une clause résolutoire expresse, laquelle
sera donc privée d’effet26.

2.1.3. Le recours prévu devant le Président du tribunal de l’entreprise de Bruxelles

Le Président du tribunal de l’entreprise compétent, siégeant comme en référé, peut


décider qu’une entreprise ne tombe pas dans le champ d’application du sursis
susmentionné ou lever en tout ou partie ce sursis par une décision spécialement
motivée. Il rend sa décision toutes affaires cessantes. Pour ce faire, le président
tient compte, notamment, du fait qu’à la suite de la pandémie de COVID-19, le
chiffre d’affaires ou l’activité du débiteur a fortement diminué, qu’il y a eu recours
total ou partiel au chômage économique et que l’autorité publique a ordonné la
fermeture de l’entreprise du débiteur, ainsi que des intérêts du requérant.

Le rapport au Roi précise encore que si le président lève le moratoire, le demandeur


peut demander au juge des saisies l’autorisation habituelle de procéder à
une saisie conservatoire, selon les conditions du droit commun (par exemple,
l’urgence)27.

Également dans le rapport au Roi, il est précisé que  «  le Président du tribunal


de l’entreprise peut tenir compte des tentatives d’accord entre le débiteur et le
créancier,ainsi que des tentatives pour obtenir de nouveaux crédits.Le Président peut
également tenir compte des conséquences du sursis sur les intérêts du requérant
(p.ex. le créancier) (effet domino). La charge globale de la dette et (l’absence de

26 M.B., 24.04.2020, Ed. 2, p. 28734 (de manière peu claire le rapport énonce à ce sujet que : « l’interdiction de
la résolution des conventions pour cause de non-paiement d’une dette échue et exigible s’applique
également à l’application des mécanismes conventionnels liés à ce non-paiement »).
15 27 M.B., 24.04.2020, Ed. 2, p. 28733
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ires et COVID
chance) la chance de redressement du débiteur peuvent également jouer un rôle,
ainsi que le fait que la dette soit née de contrats conclus après le déclenchement
de la pandémie ou de l’épidémie de Covid-19, dans la mesure où l’intéressé avait
déjà une idée des conséquences que ces mesures entraînent. Comme toujours, le
Président peut aussi réprimer les fraudes et tout abus de droit, par exemple lorsqu’il
est démontré que l’entreprise n’est pas affectée par la pandémie ou l’épidémie ou
est parfaitement en mesure de payer ses dettes »28.
Droit des affa

2.1.4. Les limites au principe du sursis temporaire

L’arrêté royal prévoit les tempéraments suivants au sursis légal temporaire, lesquels
s’inspirent de ceux applicables au sursis dans le cadre d’une procédure de
réorganisation judiciaire, à savoir que :

- les sanctions contractuelles de droit commun telles que, entre autres, l’exception
d’inexécution, la compensation et le droit de rétention peuvent toujours être
invoquées par le cocontractant du bénéficiaire du sursis légal temporaire ;

- le cocontractant pourra continuer à invoquer le bénéfice de la loi du 15 décembre


2004 sur les sûretés financières (s’agissant, par exemple, de l’exécution par une
banque d’un gage sur instruments financiers) ;

- le sursis légal temporaire n’affecte pas non plus les obligations des employeurs.

Ces limites sont justifiées comme il suit dans le rapport au Roi, qui rappelle
également que le régime mis en place ne doit pas être perçu comme un blanc-
seing accordé aux entreprises pour ne pas payer leurs dettes : «  Pour être clair,
ce régime de sursis légal n’affecte pas l’obligation de paiement des dettes, en
principal, intérêts et accessoires, (donc, cet arrêté n’a pas pour effet de permettre
à l’assuré de faire valoir des droits au titre d’un contrat d’assurance-crédit qu’il
n’aurait pas si cet arrêté n’existait pas). Les paiements sur une base volontaire
devront autant que possible se poursuivre. Les entreprises qui sont en mesure de
payer ou qui ne sont pas touchées par l’impact économique de Covid-19 sont
naturellement censées respecter leurs engagements. (Ils) sont même encouragés
à payer le plus tôt possible afin de minimiser l’impact sur les autres entreprises. Il
ne s’agit pas de conférer aux débiteurs un droit de ne pas payer. Comme expliqué
ci-avant, le Président du tribunal de l’entreprise peut tenir compte de l’impact du
moratoire sur les tiers ; il n’affecte pas non plus les moyens d’exception issus du
droit des obligations (tels que l’exception d’inexécution, la compensation, droit de
rétention), dans le respect des conditions applicables et de bonne foi à la lumière
des circonstances actuelles. En effet, ce régime n’est pas destiné à servir d’alibi
ou d’incitation à ne plus payer les dettes exigibles.En réponse à l’observation du
Conseil d’État, les auteurs précisent qu’ils ne veulent pas s’écarter du régime de la
réorganisation judiciaire, dans le cadre duquel tous ces remèdes sont également
admis pendant le sursis. Il n’est pas non plus dérogé aux dispositions de la loi sur
les sûretés financières »29.

2.2. La suspension de l’obligation de faire aveu de faillite

En vertu de l’article XX.102 du CDE, tout débiteur est tenu, dans le mois de la
cessation de ses paiements, d’en faire l’aveu au greffe du tribunal de l’entreprise.

28 M.B., 24.04.2020, Ed. 2, p. 28734.


16 29 M.B., 24.04.2020, Ed. 2, p. 28733.
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ires et COVID
Cette obligation est suspendue en cas de dépôt d’une requête en réorganisation
judiciaire. Il était logique qu’il en aille de même dans le cade du sursis légal
temporaire. L’article 2 de l’arrêté royal dispose donc que obligation visée à l’article
XX.102 CDE pour le débiteur de faire aveu de faillite est suspendue pendant la
durée du sursis visé à l’article 1er du présent arrêté, si les conditions de la faillite sont
la conséquence de la pandémie de COVID-19 et ses suites. Cette disposition ne
déroge pas à la possibilité pour le débiteur de faire aveu de faillite.
Droit des affa

Il ne s’agit donc pas d’une suspension automatique et absolue de l’obligation de


faire aveu de faillite puisque : (i) l’aveu pourra continuer à se faire sur une base
volontaire et (ii) la suspension ne vaut que si les conditions de la faillite sont les
conséquences de la pandémie de COVID-19 et ses suites.

Pour autant que de besoin, le rapport au Roi précise que la suspension de


l’obligation de faire aveu de faillite signifie également qu’aucune sanction pénale
n’est applicable30.

2.3. L’écartement de certaines dispositions concernant la période suspecte

En vertu de l’article 3 de l’AR, les articles 1328 du Code civil31 et XX.112 du Code
de droit économique32 ne sont applicables ni aux nouveaux crédits accordés
pendant la durée du sursis légal temporaire ni aux sûretés établies ou autres actes
accomplis en exécution de ces nouveaux crédits.

Il convient de souligner que d’autres dispositions concernant les actes passés en


période suspecte demeurent applicables, et notamment les article XX.11133 et
XX.11434 CDE.

2.4. La non-responsabilité du dispensateur de crédit

Au cas où un nouveau crédit serait accordé pendant le sursis légal, l’AR prévoit
(article 3, alinéa 2) que la responsabilité des dispensateurs de tels nouveaux
crédits ne peut être poursuivie pour la seule raison que le nouveau crédit n’a pas
effectivement permis de préserver la continuité de tout ou partie des actifs ou des
activités du débiteur.

30 M.B., 24.04.2020, Ed. 2, p. 28735.


31 Article 1328 du Code civil : « Les actes sous seing privé n’ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été
enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l’un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance
est constatée dans des actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou
d’inventaire ».
32 Article XX.112 CDE : « Tous autres paiements faits par le débiteur pour dettes échues, et tous autres actes à
titre onéreux par lui passés après la cessation de ses paiements et avant le jugement déclaratif, peuvent être
déclarés inopposables à la masse, si, de la part de ceux qui ont reçu du débiteur ou qui ont traité avec lui, ils
ont eu lieu avec connaissance de la cessation de paiement (…) ».
33 Article XX.111 CDE : « Sont inopposables à la masse, lorsqu’ils ont été faits par le débiteur depuis l’époque
déterminée par le tribunal comme étant celle de la cessation de ses paiements (…) :
1° tous actes de disposition à titre gratuit portant sur des meubles ou immeubles, ainsi que les actes,
opérations ou contrats commutatifs ou à titre onéreux, si la valeur de ce qui a été donné par le failli dépasse
notablement celle de ce qu’il a reçu en retour;
2° tous paiements, soit en espèces, soit par transport, vente, ou autrement, pour dettes non échues, tous
paiements faits autrement qu’en espèces ou effets de commerce;
3° toutes hypothèques conventionnelles et tous droits d’antichrèse ou de gage constitués sur les biens du
débiteur pour dettes antérieurement contractées. »
34 Article XX.114 CDE : « Tous actes ou paiements faits en fraude des créanciers sont inopposables, quelle
17 que soit la date à laquelle ils ont eu lieu ».
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ires et COVID
L’objectif est évidemment de stimuler le crédit en dégageant les banques du risque
que leur responsabilité soit ultérieurement engagée pour soutien à la légère d’une
entreprise. La portée de cette disposition est, malheureusement, plutôt symbolique,
les entreprises en difficulté étant par ailleurs largement exclues du système de
garantie de l’État pour les nouveaux crédits (voy. titre IV ci-dessous).

3. ET DEMAIN ?
Droit des affa

Nul doute que la crise actuelle aura malheureusement un impact sur nombre
d’entreprises en difficulté au-delà de la date limite d’effet prévue par l’arrêté royal
n° 15, même si celle-ci devait être prolongée.

Un certain nombre de questions devront donc être traitées pour adapter le cas
échéant le droit de l’insolvabilité, et notamment :

- un assouplissement éventuel des conditions d’ouverture de la procédure en


réorganisation judiciaire ;

- un rééquilibrage des droits des créanciers privés par rapport aux privilèges que
se sont réservés les créanciers institutionnels (administrations sociales et fiscales) ;

- une mise en conformité du droit belge à la suite l’arrêt Plessers (CJUE, 16 mai
2019) en matière de transfert d’entreprises avec réduction de la masse salariale ;

- la transposition en droit belge de la Directive (UE) 2019/1023 du Parlement


européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration
préventive.

A plus court terme, les entreprises devront envisager les solutions que le Livre XX du
Code de droit économique met déjà à leur disposition. Rappelons que, outre une
procédure de réorganisation judiciaire en bonne et due forme, d’autres mesures,
plus souples, sont également possibles, telles que la désignation d’un médiateur
d’entreprises ou la possibilité de conclure un accord amiable extra judiciaire35 .

18 35 Voy. not. C. Alter et Z. Pletinckx, Insolvabilité des entreprises, Larcier, 2019, p. 123 et s.
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ires et COVID
III. DROIT DES SOCIÉTÉS
Par Lydie Van Muylem
Dans les lignes qui suivent, nous détaillons l’impact de la crise actuelle sur les
actionnaires, d’une part, et les administrateurs, d’autre part, ainsi que les différentes
mesures adoptées par le gouvernement pour en contrer certains effets.
Droit des affa

1. IMPACT DE LA CRISE POUR LES ACTIONNAIRES

Que se passe-t-il si une assemblée générale a été convoquée, ou doit, en vertu


des statuts, être convoquée, pendant la période de confinement imposée par le
gouvernement  ? On songe en particulier aux assemblées générales ordinaires,
devant se réunir une fois par an pour approuver les comptes annuels, mais
également à toutes les assemblées générales extraordinaires que l’intérêt social
imposerait de convoquer pendant le confinement.

Outre les règles de droit commun, qui seront également abordées ci-après –
quoique plus brièvement – des mesures spécifiques ont été adoptées par le Roi
dans l’arrêté de pouvoirs spéciaux n° 4 du 9 avril 2020 portant des dispositions
diverses en matière de copropriété et de droit des sociétés et des associations
dans le cadre de la lutte contre la pandémie Covid-1936, dont le chapitre 2 est
consacré aux assemblées générales et réunions des organes d’administration.

L’adoption de mesures spécifiques était en effet indispensable pour un grand


nombre de personnes morales. Le Code des sociétés et des associations contenait
déjà certaines dispositions autorisant la tenue d’assemblée générale sans
rassemblement physique obligatoire de tous les intervenants, mais ces dispositions
de droit commun n’étaient pas suffisantes, d’une part, car elles requièrent une
habilitation statutaire (on songe par exemple au vote par voie électronique37), et
d’autre part, car elles demeurent optionnelles pour les actionnaires.

1.1. Application du chapitre 2 de l’AR n° 4

Ce chapitre 2 est applicable de manière très large, et notamment à toutes les


sociétés, associations et personnes morales régies par le Code des sociétés et
associations (CSA) ou les lois qu’il remplace, ainsi qu’aux personnes morales
constituées en vertu d’une règlementation particulière, telles que les établissements
de crédit.

Les règles qu’il contient sont optionnelles. Il reste donc également possible de
recourir aux modes de tenue des assemblées générales et de vote prévus dans le
CSA.

36 Publié au M.B., 10 avril 2020, p. 25780. Il est précédé du Rapport au Roi (p. 25768) et de l’avis de la section
législation du Conseil d’État (p. 25773).
37 Or, modifier ses statuts en cette période ne semble pas être une option réaliste pour les sociétés, puisqu’une
telle modification requiert elle-même la tenue d’une assemblée générale (qui ne pourrait par définition pas
encore se réunir sous forme électronique). Sans oublier que si la société n’a pas encore adapté ses statuts
au CSA, elle devra le faire lors de cette première modification de ses statuts depuis l’entrée en vigueur de ce
19 code.
-19
ires et COVID
Les mesures particulières de l’AR n° 4 sont applicables du 1er mars au 30 juin 2020
(tel que prolongé par l’arrêté royal du 28 avril 2020 prolongeant les mesures prises
avec l’Arrêté royal n° 4 du 9 avril 2020). Plus particulièrement, elles s’appliquent :

- aux réunions devant se tenir pendant cette période, même si la convocation a


déjà été envoyée ou publiée (dans ce cas, l’AR n° 4 autorise la société à modifier
la convocation concernant les modalités, le lieu ou la date de l’assemblée sans
que les formalités de convocation et de participation s’appliquent à nouveau) ;
Droit des affa

- aux réunions qui auraient dû se tenir pendant cette période mais n’ont pas eu
lieu suite aux incertitudes liées à la situation ;

- aux réunions convoquées pendant cette période, même si elles doivent se tenir
après le 30 juin 2020.

L’AR n° 4 ne s’applique par contre pas aux réunions qui avaient déjà eu lieu, au
moment de son entrée en vigueur, conformément au CSA, même si elles se sont
déroulées pendant la période d’applicabilité de l’AR n° 4.

Nous examinerons successivement les mesures relatives au vote et à la participation


à l’assemblée générale, car nous verrons que l’AR n° 4 introduit une dissociation
entre ces deux composantes de toute assemblée.

En résumé :

- le vote doit toujours rester possible, mais il peut être imposé qu’il soit exercé à
distance ;

- la participation (entendue comme le fait de prendre connaissance et part aux


débats, et de poser des questions) peut être interdite.

Le report de l’assemblée générale est également une option mise à la disposition


de l’organe d’administration par l’AR n° 4.

En revanche, on n’abordera pas ici les règles particulières adoptées au sein des
sociétés cotées.

1.2. Le vote à l’assemblée

1.2.1. Vote en présence physique

Il s’agit de l’un des principes de base de l’organisation et du fonctionnement des


sociétés : tout actionnaire (ou plus largement tout titulaire d’un titre conférant un
ou plusieurs droit de vote au sein d’une assemblée) a le droit de participer à cette
assemblée et d’y exprimer son ou ses vote(s), physiquement ou, dans certaines
conditions et à son choix, par procuration donnée à une autre personne présente
physiquement.

Pendant la période de validité de l’AR n° 4, l’organe d’administration est toutefois


autorisé à restreindre ce droit de vote «  en présence physique  », en imposant
certaines modalités particulières d’exercice du droit de vote destinées précisément
à combiner les impératifs de fonctionnement des personnes morales avec les
mesures de distanciation sociale adoptées pour lutter contre la propagation du
Covid-19. Ces modalités sont examinées dans les titres suivants.

20
-19
ires et COVID
Notons toutefois que si aucune disposition particulière n’est prise par l’organe
d’administration pour permettre aux actionnaires de voter «  à distance  », d’une
manière ou d’une autre, la société ne pourra pas interdire aux actionnaires de se
rendre physiquement à l’assemblée pour y exprimer leur vote. Il pourrait par contre
en résulter une responsabilité de l’organe d’administration, à évaluer en fonction
des circonstances.

1.2.2. Vote préalable par correspondance ou par procuration


Droit des affa

Le conseil d’administration peut imposer aux participants à toute assemblée


générale, soit de voter par correspondance, soit de donner une procuration selon
les formes prévues par le CSA. Ces facultés sont déjà reconnues par le CSA, mais
(1) elles ne peuvent en principe pas être imposées, et (2) elles doivent être prévues
par les statuts (pour le vote écrit) ou ne pas être interdites par les statuts (pour le
vote par procuration dans les SRL et les coopératives38). Ces deux restrictions sont
donc levées temporairement par l’AR n° 4.

Le vote à distance « par le site internet » de la société (modalité prévue à l’art. 7:146
CSA pour les SA) n’est pas expressément prévu par l’AR n° 439. Il s’en déduit donc
qu’une telle modalité de vote ne peut pas être imposée par la société, à moins
qu’elle n’y ait été autorisée par les statuts.

En cas de vote par correspondance, l’organe d’administration doit mettre à


disposition ou publier sur le site internet de la société un formulaire, selon les formes
de l’article 7:146 CSA. Cet article impose les mesures de sécurité qui doivent être
prises par la société, les informations contenues dans le formulaire, ainsi que les
délais et modalités de prise en compte du vote. Il n’est en principe applicable
qu’aux sociétés anonyme, mais l’AR n° 4 élargit sa portée à toutes les autres
personnes morales entrant dans son champ d’application, à moins que leurs
statuts ne contiennent d’autres modalités.

En ce qui concerne le vote par procuration, l’organe d’administration peut imposer


que les procurations soient données à un mandataire qu’il désigne, dans le respect
des règles relatives aux conflits d’intérêts. Dans un tel cas, le mandat doit exclure
tout pouvoir d’appréciation du mandataire, qui doit donc disposer d’instructions
de vote spécifiques pour chaque sujet figurant à l’ordre du jour.

Les formulaires de vote ou les procurations peuvent être adressés à la société par
tous moyens, y compris par email contenant la copie scannée et signée de ces
documents (dérogeant donc à l’exigence de signature électronique prévue par
le CSA). Ces documents doivent parvenir à la société préalablement à la tenue de
l’assemblée générale, soit dans le délai fixé par les statuts, soit le 4e jour précédant
la date de l’assemblée, si la société décide d’imposer un tel délai. Par contre, rien
n’est prévu si les statuts sont muets et que la société n’impose pas le délai de
4 jours de l’AR n° 4, si ce n’est que le vote doit précéder l’assemblée.

38 Art. 5:95 CSA pour les SRL et art. 6:80 pour les SCoop. Dans les SA, le vote par procuration est de droit (art.
7:142 CSA).
39 Cette modalité n’est en effet pas reprise à l’article 6, § 1er, al. 1er, 1er tiret, qui ne mentionne que le vote « à
distance avant l’assemblée générale par correspondance ». L’al. 2 du même article précise que le formulaire
de vote peut être publié sur le site internet de la société. Il nous semble toutefois qu’il faille faire une distinction
entre le vote via un formulaire à imprimer, signer et renvoyer (éventuellement via le site internet de la société),
qui est visé par l’AR n° 4, et le vote qui se fait directement sur le site internet de la société, via une application
et nécessitant que les participants disposent d’un moyen d’identification et de signature électronique. À
21 notre estime, cette deuxième modalité ne peut être imposée, car elle n’est pas visée par l’AR n° 4.
-19
ires et COVID
1.2.3. Vote par voie électronique

Le Code des sociétés et des associations (CSA), entré en vigueur le 1er janvier
2020, autorise la tenue d’assemblées générales par voie électronique, mais sous
certaines conditions strictes40 :

- cette faculté doit être prévue par les statuts ;


Droit des affa

- le moyen de communication électronique est laissé au choix de la société, mais


doit être mis à disposition par celle-ci ;

- la société doit pouvoir contrôler l’identité des participants et leur qualité


d’actionnaires ;

- les actionnaires doivent pouvoir prendre connaissance des discussions de


manière directe, simultanée et continue et doivent pouvoir exercer leur droit
de vote (les statuts peuvent aussi permettre aux actionnaires de participer aux
délibérations et de poser des questions, mais ce n’est pas obligatoire) ;

- les convocations doivent indiquer clairement la procédure à suivre pour la


participation à distance ;

- la présence physique des membres du bureau de l’AG (président, secrétaire,


scrutateur), des membres du CA et des commissaires reste obligatoire.

L’article 6, § 2, al. 2 de l’AR n° 4 autorise la société à généraliser ce mode de


participation à l’assemblée, selon les procédures et modalités de l’article 7:137
CSA, même si une telle faculté n’est pas prévue dans ses statuts. Dans un tel cas,
l’article 7:137 CSA impose que le moyen de communication électronique permette,
entre autres, l’exercice du droit de vote.

À la différence du vote à distance examiné précédemment, la participation (et le


vote) par voie électronique ne peut être imposée aux actionnaires.

1.2.4. Vote par écrit à l’unanimité

Tout comme l’ancien Code des sociétés, le CSA prévoit également la possibilité
de prendre les décisions relevant de l’AG par écrit, mais uniquement lorsque ces
décisions sont adoptées à l’unanimité. Puisque, par définition, tous les actionnaires
doivent être présents ou représentés, il n’est pas nécessaire de respecter les
formalités de convocation41.

Une exception importante : ne peuvent être adoptées par écrit les décisions qui
doivent être prises par acte authentique. Pas question, donc, de modifier les statuts,
au moyen de cette procédure écrite.

40 Voy. art. 5:90 CSA pour les SRL ; art. 6:75 pour les Scoop ; art. 7:137 CSA pour les SA.
22 41 Art. 5:85 CSA pour les SRL ; art. 6:71 pour les Scoop ; art. 7:133 pour les SA.
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ires et COVID
1.3. La participation à l’assemblée

Il convient ici de distinguer la participation passive à l’assemblée, entendue comme


le fait de prendre connaissance du déroulé et des débats, et la participation active,
étant la possibilité de participer aux délibérations et de poser des questions.

1.3.1. Dérogations au droit de participation physique


Droit des affa

(a) Participation passive

Lorsque la société met en œuvre une des mesures de vote imposé par
correspondance ou par procuration, elle peut également interdire toute présence
physique des actionnaires et autres personnes autorisées à participer à l’assemblée,
sauf en ce qui concerne :

- les membres du bureau de l’assemblée générale ;

- les membres de l’organe d’administration ;

- le commissaires ; et

- le mandataire « imposé » à qui les procurations ont été données en application


de l’AR n° 4 (art. 6, § 2, al. 1er AR n° 4).

Ces personnes peuvent toutefois participer à l’assemblée à distance, en ce


compris par conférence téléphonique ou vidéo, et remplir leurs fonctions de cette
manière (art. 6, § 4, al. 1er AR n° 4). Dans ce cas, la société peut organiser la diffusion
de l’assemblée ainsi « restreinte », en direct ou en différé.

La société peut prendre cette mesure d’interdiction pour le cas où elle ne peut pas
garantir l’application des mesures de distanciations sociales adoptées pour lutter
contre la propagation du Covid-19.

Curieusement, il ressort du libellé de l’article 6, § 2, al. 1er de l’AR n° 4 que l’interdiction


de présence physique ne semble pas être conçue comme une obligation, même si
les mesures de distanciation sociales ne peuvent pas être garanties. Si, par contre,
ces mesures peuvent être garanties, la société ne semble pas pouvoir interdire la
présence physique, alors même qu’elle aurait éventuellement imposé que tous les
votes soient exprimés préalablement par correspondance ou procuration… Une
telle combinaison de mesures n’aurait toutefois que peu d’intérêt, et il en est ici
appelé au bon sens de l’organe d’administration.

Il est en revanche clairement précisé dans l’AR n° 4 que la société ne peut interdire
la présence physique que si elle a également imposé le vote par correspondance
ou procuration. Autrement dit, un actionnaire à qui la société n’a donné aucun
moyen de voter à distance ne peut être empêché de participer physiquement à
l’assemblée.

Notons enfin que ces mesures permettent en réalité à la société d’interdire purement
et simplement toute participation à l’assemblée générale, puisque la société peut
interdire la participation physique sans être corrélativement obligée de prévoir de
mode de participation électronique ou alternatif.

23
-19
ires et COVID
(b) Participation active

En ce qui concerne la possibilité de poser des questions, deux régimes peuvent


être applicables :

- Le régime de droit commun, organisé par l’article 7:139 CSA précise que l’organe
d’administration répond, avant ou pendant l’assemblée générale, aux questions
qui lui sont posées oralement ou par écrit par les participants, pour autant qu’elles
Droit des affa

portent sur des points à l’ordre du jour. Les participants ont la possibilité de poser
des questions écrites dès la convocation, dans un délai défini par les statuts.

- L’AR n° 4 permet à la société d’interdire les questions orales, et donc d’imposer que
seules des questions écrites soient posées, pour autant que la société ait imposé le
vote par correspondance ou par procuration. La société peut également imposer
que les questions lui parviennent au plus tard le 4e jour qui précède l’assemblée
générale.

L’organe d’administration doit répondre aux questions :

- Soit par écrit, au plus tard le jour de l’assemblée générale mais avant le vote ;

- Soit oralement lors de l’assemblée générales, s’il choisit d’organiser la diffusion de


l’assemblée en direct ou en différé suite à une réunion à distance des personnes
devant participer à l’assemblée (le bureau, les administrateurs, … cf. supra) ou par
un moyen de communication électronique.

Il conviendra toutefois d’être attentif au fait que les différents délais doivent être
fixés de manière cohérente. Ainsi, le conseil d’administration ne pourrait imposer à
ses actionnaires de voter par correspondance au moins 4 jours avant l’assemblée,
mais ne répondre par écrit que le jour de l’assemblée, puisqu’ils ne respecteraient
alors pas l’obligation de répondre avant le vote.

Le même souci que les actionnaires puissent émettre leur vote en ayant
connaissance de la réponse aux questions ne se retrouve toutefois pas en cas
de réponse orale, puisqu’il peut être répondu même au cours de l’assemblée
générale (donc par définition après l’émission du vote des actionnaires, qui doit
obligatoirement être émis préalablement à l’assemblée), et que cette assemblée
peut même être diffusée en différé.

La participation des actionnaires aux débats n’est, elle, visée par aucune disposition
particulière. En l’absence de réunion physique, et sans possibilité de participation
électronique, une telle participation aux débats ne sera donc pas possible. Alors
même que le gouvernement reconnaît, dans le Rapport au Roi précédent l’AR
n° 4, que «  les principes généraux qui valent pour les assemblées générales
disposent que pour se réunir valablement, les actionnaires ou membres doivent
pouvoir délibérer, prendre la parole et exercer leur droit de vote »42.

1.3.2. La participation électronique

La faculté de participer à l’assemblée générale par des moyens de communication


électronique, prévue par le CSA à condition que cette faculté soit organisée dans

24 42 Rapport au Roi, M.B., 10 avril 2020, p. 25772.


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ires et COVID
les statuts, est élargie à toutes les personnes morales, et même si leurs statuts sont
muets (cf. supra).

L’AR n° 4 renvoie au régime conçu pour les SA à l’article 7:137 CSA.

Les sociétés sont autorisées à mettre ce mode de participation à disposition des


participants à l’assemblée, mais ne semblent pas pouvoir l’imposer, comme c’est
d’ailleurs le cas du régime de l’article 7:137 CSA. Si une telle faculté est mise à
Droit des affa

disposition des actionnaires, ceux-ci peuvent choisir d’en faire usage ou non.

En vertu de l’article 7:137 CSA, les membres du bureau, les administrateurs et les
commissaires ne peuvent pas assister à l’assemblée par voie électronique. L’AR n° 4
ne prévoit pas de dérogation expresse à ce principe, puisque la participation de ces
personnes à distance n’est prévue qu’en cas de vote imposé par correspondance
ou par procuration.

Le mode de communication électronique utilisé doit au moins permettre à


l’actionnaire de prendre connaissance du déroulé des débats en temps réel
(participation passive) et de voter. Il n’est par contre pas obligatoire qu’il permette
de poser des questions et de participer aux débats (participation active), sauf si
les statuts l’imposent.

En ce qui concerne les questions qui ne pourraient pas être posées par le moyen
de communication électronique choisi, le régime est le même que celui étudié
ci-dessus concernant la participation physique. La société peut donc décider
de limiter les questions à celles posées par écrit, auxquelles les administrateurs
pourront répondre soit par écrit, avant le vote, soit oralement, lors de la diffusion
électronique de l’assemblée (mais qui doit ici se dérouler en direct).

1.4. Les assemblées dont les décisions doivent être constatées par acte
authentique

Certaines décisions d’assemblée générale extraordinaire doivent être constatées


par acte authentique, et en particulier toute modification des statuts.

Le gouvernement a prêté une attention particulière à cette situation car l’entrée en


vigueur du CSA, au 1er janvier 2020, impose aux sociétés d’adapter l’ensemble de
leurs statuts à la nouvelle règlementation dès la première modification statutaire à
laquelle elles procèdent, et au plus tard pour le 1er janvier 2024. Le gouvernement
a toutefois estimé que de nombreuses sociétés souhaiteraient adapter leurs
statuts déjà en 2020, et a donc mis en place les mesures nécessaires pour que les
obligations liées à la lutte contre le Covid-19 ne constituent pas un frein à cette
volonté43.

L’art. 6, § 4, al. 2 prévoit donc que la comparution physique devant notaire des
personnes suivantes pour signature de l’acte suffit :

- en cas de vote par correspondance : un seul membre du conseil d’administration


ou toute autre personne dûment mandatée ;

25 43 Rapport au Roi précédent l’AR n° 4, M.B., 10 avril 2020, p. 25769.


-19
ires et COVID
- en cas de vote par procuration à un mandataire imposé : ce mandataire.

Rien n’est par contre prévu en cas d’AG physique (avec ou sans possibilité de
participation par voie électronique).

1.5. Le report de l’assemblée

Dernière mesure particulière autorisée par l’AR n° 4, le conseil d’administration a la


Droit des affa

faculté de reporter à une date ultérieure l’assemblée générale ordinaire qui devait
se tenir pendant la période comprise entre le 1er mars et le 30 juin (sous réserve de
prorogation par le Roi), même si elle avait déjà été convoquée.

L’assemblée reportée est considérée comme une nouvelle assemblée.

Si la société fait usage de cette faculté, les périodes suivantes relatives aux
obligations comptables des personnes morales sont reportées de 10 semaines :

- La période de 6 mois suivant la clôture de l’exercice social endéans laquelle les


comptes annuels doivent être soumis au vote à l’assemblée générale ordinaire
dans les sociétés et les associations, et dans laquelle ils doivent être établis dans
les fondations ;

- La période de 7 mois suivant la clôture de l’exercice social endéans laquelle


les comptes annuels (et éventuellement les comptes consolidés) et documents
annexes doivent être déposés à la BNB par l’organe d’administration ou le
liquidateur, ainsi que les délais des sanctions applicables en l’absence de dépôt
dans les temps.

L’AR n° 4 n’impose pas de délai particulier de report de l’assemblée générale, mais


il appartiendra bien entendu au conseil d’administration de veiller à ce que ce
report soit compatible avec la prolongation des délais prévus pour les formalités à
accomplir suite à cette assemblée.

Enfin, toute autre assemblée générale (extraordinaire ou spéciale, donc) déjà


convoquée au 1er mars 2020 peut être reportée par le conseil d’administration à la
date de son choix, à l’exception des assemblées suivantes :

- celles convoquée en application de la procédure de la sonnette d’alarme


« renforcée » (lorsque l’actif net est ou risque de devenir négatif) ;

- celles convoquées à la demande du commissaires ;

- celles convoquées à la demande des actionnaires ou des membres.

Rappelons également que le CSA confère au CA le pouvoir de reporter « séance


tenante » la décision relative à l’approbation des comptes annuels, lors d’une AG
ordinaire44. Les autres décisions à l’ordre du jour (telles que le vote de la décharge
aux administrateurs ou le renouvellement de leur mandat) ne sont, elles, pas
reportées.

26 44 Art. 5:99 CSA pour les SR ; art. 6:84 pour les Scoop ; art. 7:150 pour les SA.
-19
ires et COVID
1.6. Conclusion : choix des mesures les plus adaptées et cohérentes

L’AR n° 4 n’a pas vocation à offrir aux organes d’administration un mode d’emploi
exhaustif de l’organisation des assemblées générales en période de Covid-19. Il
se contente de mettre à leur disposition des options organisationnelles, qu’il leur
appartiendra de mettre en œuvre (ou pas) de manière adaptée à chaque entité
et avec cohérence.
Droit des affa

Le gouvernement rappelle ce principe dans le rapport au Roi : « les entités visées


doivent faire usage des possibilités offertes avec sagesse et choisir l’option qui sert
le mieux l’intérêt de toutes les parties prenantes. Ceci vaut aussi bien lorsqu’elles
optent pour l’organisation d’une assemblée générale conformément à l’article 6
que lorsqu’elles optent pour un report conformément à l’article 7 »45.

Dans toute la mesure du possible, il nous semble que la société doit garantir la
possibilité de participation la plus large possible à ses actionnaires, dans le respect
des règles de sécurité. Une assemblée générale, ce n’est en effet pas seulement
l’émission de votes sur un ordre du jour, mais également un lieu où doit pouvoir se
tenir un débat sur cet ordre du jour et où les actionnaires doivent être en mesure de
contrôler l’action de l’organe d’administration46. L’usage de mesures supprimant
ces facultés (on songe notamment au fait d’imposer que les actionnaires votent
préalablement à l’assemblée sans possibilité de prendre connaissance des
débats) devrait donc, selon nous, être opéré avec prudence, et en justifiant ce
choix (plutôt que, par exemple, le report de l’assemblée) par l’intérêt social.

2. IMPACT DE LA CRISE POUR LES ADMINISTRATEURS

La tâche d’un organe d’administration est d’accomplir tous les actes nécessaires
ou utiles à la réalisation de l’objet de la société ou, plus généralement, de la
personne morale, qui ne sont pas réservés par la loi à l’assemblée générale.

Il reviendra donc en premier lieu aux administrateurs de prendre les mesures


nécessaires pour permettre à la personne morale (mais nous nous concentrerons
essentiellement sur les sociétés) de faire face à la crise du Covid-19, que ce soit
pour se conformer aux mesures gouvernementales de distanciation physique
ou de fermeture temporaire, ou de façon plus générale pour s’adapter face à la
situation économique présente et à venir.

Dans ce chapitre, nous exposerons brièvement certaines conséquences possibles


de la crise du Covid-19 sur le fonctionnement ou les décisions requises de l’organe
d’administration, qui doivent retenir l’attention. Les lignes qui suivent ne prétendent
toutefois pas à l’exhaustivité.

2.1. Réunions de l’organe d’administration

Au sein des personnes morales dont l’organe d’administration est composé de


plusieurs personnes, le principe est que cet organe doit se réunir à intervalles
appropriés pour assurer la gestion de la personne morale,ceux-ci variant évidemment
en fonction de la nature de ses activités. Les statuts prévoient fréquemment la

45 Rapport au Roi précédent l’AR n° 4, M.B., 10 avril 2020, p. 25770.


46 Comme le reconnaît d’ailleurs le gouvernement dans le Rapport au Roi, dans l’extrait précité : « les principes
généraux qui valent pour les assemblées générales disposent que pour se réunir valablement, les
27 actionnaires ou membres doivent pouvoir délibérer, prendre la parole et exercer leur droit de vote » (p. 25772).
-19
ires et COVID
périodicité des réunions de l’organe d’administration, sans que cette périodicité
ne puisse empêcher la tenue de réunions plus fréquentes, chaque fois que l’intérêt
social le requiert, en particulier lorsque l’organe d’administration est collégial.

La situation actuelle requiert donc la tenue de (nombreuses) réunions de


l’organe d’administration, pouvant poser des problèmes de respect des mesures
de distanciation physique. À l’exception de la faculté de prendre des décisions
unanimes par écrit, le CSA ne prévoit aucune mesure particulière de réunion
Droit des affa

de l’organe d’administration. L’AR n° 4 a donc également fournit des options de


réunion « à distance ».

2.1.1. Décision écrite unanime

Le CSA prévoit déjà que les décisions d’un organe d’administration collégiale
peuvent être prises par écrit, à condition qu’elles soient adoptées à l’unanimité
et qu’il ne s’agisse pas de décisions pour lesquelles les statuts excluent cette
possibilité47.

L’art. 8, al. 1er de l’AR n° 4 étend cette option à toute décision, en écartant donc
toute disposition statutaire qui interdirait le recours à l’écrit pour certains types
de décisions. La notion d’écrit est par ailleurs «  étendue  » à tout moyen de
télécommunication qui se matérialise par un document écrit chez le destinataire
(voire même pas, si le destinataire utilise un autre mode de réception), tel que l’e-
mail, le fax ou… le télégramme48.

2.1.2. Réunions virtuelles

L’article 8,al.2 de l’AR n° 4 autorise la tenue des réunions de l’organe d’administration


par tout moyen technique de communication permettant une délibération
collective. Sont principalement visées les conférences téléphoniques ou par vidéo.

Cette faculté est offerte aux administrateurs quelles que soient les dispositions
statutaires.

2.1.3. Réunions physiques

Comme pour les assemblées générales, les dispositions de l’AR n° 4 qui concernent
les organes d’administration sont optionnelles. Il est donc également possible de
maintenir des réunions physiques, pour autant que les mesures de distanciation
physique puissent être garanties.

Une présence physique sera nécessaire lorsque la décision de l’organe


d’administration doit être constatée par acte authentique. Dans un tel cas,
l’AR n° 4 précise qu’il suffit qu’un seul administrateur, dûment habilité par les
autres membres, comparaisse physiquement devant le notaire, voire même toute
personne désignée par l’organe d’administration (on songe alors à la possibilité
de donner procuration à un collaborateur du notaire lui-même).

47 Art. 5:75 pour la SRL ; art. 6:63 pour la Scoop ; art. 7:95 (système moniste) et art. 7:113 et 7:114 (système dual)
pour la SA.
28 48 Art. 2281 du Code civil.
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ires et COVID
2.2. Points d’attention particuliers et non exhaustifs

La tâche d’un organe d’administration est d’assurer la continuité des activités


de l’entreprise. Si le principe demeure inchangé, les circonstances particulières
actuelles peuvent lui donner un contenu différent, qu’il convient évidemment
d’appliquer au cas par cas.

Nous développons ci-après certains points d’attention particuliers auxquels les


Droit des affa

administrateurs sont invités à rester attentifs dans l’exécution de leur mission.


Nous n’avons pas ici fait de distinction entre les mesures devant être adoptées
collégialement par l’organe d’administration et celles relevant de la gestion
journalière.

2.2.1. Adaptation du fonctionnement de la société aux mesures de lutte contre la


propagation du Covid-19

La première tâche particulière de l’organe d’administration aura été de prendre


les dispositions nécessaires pour garantir la correcte application, au sein de la
société, des mesures adoptées par le gouvernement, notamment dans les arrêtés
ministériels des 13, 18 et 23 mars 2020 et des 3 et 17 avril 2020 (ainsi que toutes les
décisions ultérieures qui seraient éventuellement adoptées) pour lutter contre la
propagation du Covid-19.

L’organe d’administration doit donc veiller, selon les activités exercées, à :

- suspendre toutes les activités de l’entreprise si elle est active dans un secteur où
la fermeture est obligatoire (secteurs culturel, festif, récréatif, sportif et horeca) ;

- suspendre toutes les activités de l’entreprise si elle est active dans un secteur
non-essentiel (selon la liste annexée aux arrêtés ministériels) et qu’elle ne peut
organiser le travail ni par télétravail ni en garantissant le maintien d’une distance
d’1,5 mètre entre chaque personne ;

- organiser le travail et les infrastructures pour assurer qu’une distance de 1,5 mètre
soit conservée entre les personnes (travailleurs et clients) et/ou pour permettre le
télétravail ;

- adopter toute autre règle organisationnelle spécifique édictée par le


gouvernement (comme les heures d’ouvertures adaptées, le nombre maximum
de clients autorisés, la prise de rendez-vous préalable, …).

Il reviendra également aux administrateurs (directement ou sous leur supervision)


de réagir aux perturbations ponctuelles ou structurelles des activités de la société,
telles qu’un manque de main-d’œuvre ou de matière première, la suspension ou
l’annulation de commandes, la mise de travailleurs en chômage temporaire total
ou partiel, un manque de liquidité, …

2.2.2. Convocation des assemblées générales et procédure de la sonnette d’alarme

Il revient à l’organe d’administration de convoquer les assemblées générales


ordinaires et/ou extraordinaires. Il devra opter pour l’un ou l’autre mode
d’organisation de l’assemblée et d’exercice du droit de vote, tels qu’exposés ci-
avant. Dans ce cadre, il reviendra aux administrateurs de choisir les modalités
les plus respectueuses possible de l’intérêt social et des droits des actionnaires,
combinées avec les impératifs de distanciation physique.

29
-19
ires et COVID
Les administrateurs devront être particulièrement prudents dans les propositions
qu’ils feraient à l’assemblée générale ordinaire d’affectation de l’éventuel bénéfice
de l’exercice.

Le test de l’actif net doit bien entendu être rempli49.Il s’agit certes d’une responsabilité
incombant en principe à l’assemblée générale, mais il nous semble que des
administrateurs qui proposeraient une distribution de dividendes, de tantièmes ou
toute autre distribution de bénéfices en violation du test de l’actif net ne pourraient
Droit des affa

être exempts de reproches.

Dans les SRL et les sociétés coopératives, l’organe d’administration est en outre
responsable de la réalisation du test de liquidité50 : après la distribution, la société
doit encore être en mesure de faire face à ses dettes au fur et à mesure qu’elles
deviennent exigibles, pendant une période de minimum 12 mois suivant la
distribution. La décision de l’organe d’administration doit être justifiée dans un
rapport.

Le test de liquidité n’est pas expressément prévu dans les SA, mais il pourrait s’agir
d’une mesure de gestion prudente de néanmoins procéder à un tel test, fût-ce
de manière informelle, pour que la société ne se trouve pas ultérieurement en
manque de liquidités suite à l’impact de la crise alors qu’elle aurait distribué de
(généreux) dividendes ou tantièmes en cette période.

Dans les SRL et les sociétés coopératives, ce test de liquidité doit également être
réalisé de manière « continue ». Les administrateurs doivent évaluer s’il est certain,
compte tenu des développements auxquels on peut raisonnablement s’attendre,
que la société sera en mesure de s’acquitter de ses dettes au fur et à mesure de
leur échéance pendant au moins les douze mois suivants. Si ce test, ou le test
de l’actif net, n’est plus rempli, il appartient à l’organe d’administration de mettre
en œuvre la procédure de la sonnette d’alarme, c’est-à-dire de convoquer, dans
les deux mois, une assemblée générale extraordinaire devant se prononcer sur la
dissolution de la société ou sur les mesures proposées par l’organe d’administration
pour garantir la continuité de l’entreprise.

Ajoutons que l’article 2:52 CSA énonce de manière plus générale : « Lorsque des
faits graves et concordants sont susceptibles de compromettre la continuité de
l’entreprise, l’organe d’administration est tenu de délibérer sur les mesures qui
devraient être prises pour assurer la continuité de l’activité économique pendant
une période minimale de douze mois ».

49 Art. 5:142 CSA pour les SRL; art. 6:115 CSA pour les Scoop ; Art. 7:212 CSA pour les SA. La crise actuelle ne
devrait toutefois pas avoir d’impact sur ce teste concernant les comptes approuvés pendant la période de
crise, puisque cette approbation portera généralement sur des comptes arrêtés avant la crise.
30 50 Art. 5:143 CSA pour les SRL et art. 6:116 CSA pour les Scoop.
-19
ires et COVID
2.2.3. Demande des mesures d’aide aux entreprises

Il revient à l’organe d’administration d’être correctement informé des mesures


d’aide mises en place par les différents niveaux de pouvoirs en Belgique et
auxquelles la société pourrait éventuellement prétendre.

Ont notamment été prévus (selon des conditions d’application distinctes à vérifier
au cas par cas) :
Droit des affa

- des mesures de reports de paiement des cotisations sociales, de la TVA, de l’impôt


des sociétés ;

- des aides et primes régionales ;

- des recours facilités au crédit, via notamment l’octroi de garanties publiques, des
reports de remboursement de crédits en cours, l’octroi de crédits-ponts, …

Pour de plus amples développements au sujet de ces aides, voy. infra titre V.

2.2.4. Mesures relatives aux entreprises en difficulté

Les administrateurs devront être particulièrement attentifs aux signes de défaillance


éventuels des activités de la sociétés. Ce devoir se matérialise notamment par les
tests de liquidité et d’actif net et les procédures de sonnette d’alarme exposés ci-
avant.

Les sociétés qui rencontrent des difficultés dans la poursuite de leurs activités
sont fortement encouragées à faire usage des mesures protectrices existantes,
au premier rangs desquelles la procédure de réorganisation judiciaire. Plusieurs
mesures ont en outre été adoptées par l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 15
pour permettre aux entreprises de bénéficier de « bouffées d’oxygène » dans les
circonstances actuelles (voy supra titre II).

31
-19
ires et COVID
IV. BANQUES
La crise sanitaire provoquée par le Covid-19 et les mesures prises par les autorités
afin de combattre sa propagation ont des conséquences considérables pour
l’économie de notre pays en général et la situation financière des entreprises
en particulier, lesquelles se trouvent confrontées à des problèmes de trésorerie
significatifs. Les entreprises structurellement saines et solvables avant la crise
sanitaire n’échappent malheureusement pas à la règle.
Droit des affa

C’est dans ce cadre que le secteur bancaire et financier, les régulateurs et les
pouvoirs publics se sont concertés afin de mettre sur pied des mesures en vue
d’aider les entreprises en difficulté temporaire de liquidités face à la crise du
Covid-19.

Parmi l’arsenal de mesures annoncées ou mises en place par le gouvernement


fédéral pour faire face à cette situation et lutter contre les conséquences de la crise
au sein des entreprises, la présente contribution se concentrera sur certaines mesures
adoptées dans le secteur bancaire, financier et des assurances. Les autres mesures
adoptées à l’égard des entreprises et travailleurs indépendants dans le cadre du plan
fédéral de protection sociale et économique (en ce compris les mesures fiscales et
sociales) seront, quant à elles, abordées au titre suivant, infra titre V).

1. DES MESURES DE SOUTIEN DU SECTEUR BANCAIRE


Par Margaux Germay

1.1. La mesure « Bazooka » récemment concrétisée

Face aux difficultés de liquidité auxquelles sont confrontées les entreprises depuis
de longues semaines, nombreuses sont celles qui se sont tournées vers leurs
banques dans l’espoir de trouver, dans la mesure du possible, une solution pour le
remboursement de leurs crédits en cours.
Le gouvernement fédéral belge et le secteur financier ont conclu, avec le soutien
de la Banque nationale de Belgique, un accord en date du 22 mars 2020 afin
(i) d’une part, de garantir l’accès à de nouveaux crédits pour les entreprises
financièrement viables et (ii) d’autre part, d’accorder un allègement temporaire
des obligations de paiement dans le cadre des crédits existants.

Les mesures issues de cet accord, qualifiées de «  Bazooka  » financier par le


gouverneur de la Banque nationale de Belgique51, repose donc sur les deux piliers
suivants (lesquels sont étroitement liés52) :

51 A savoir, Monsieur Pierre Wunsch.


52 Le commentaire général du rapport au Roi de l’Arrêté Royal du 14 avril précise notamment que « d’un point
de vue politique, les deux piliers sont liés, de sorte que dans le présent arrêté, il est fait référence de temps
à autre au report de paiement comme une modalité, ou comme une condition pour le maintien de la
32 garantie d’État » (p. 26211).
-19
ires et COVID
1.1.1. Un régime de garantie d’État pour certains nouveaux crédits

Ce régime de garantie, s’élevant à montant total de 50 milliards d’euros vise à


couvrir tous les nouveaux crédits d’une durée maximale de 12 mois octroyés par
les banques aux entreprises non financières et aux travailleurs indépendants
viables53, jusqu’au 30 septembre 2020. L’objectif central de ce premier pilier est de
maintenir et favoriser l’octroi de crédits aux entreprises, afin de leur permettre de
surmonter la crise du Covid19.
Droit des affa

1.1.2. Un report des paiements pour certains crédits en cours

Le deuxième volet de l’accord tient dans l’octroi d’un report de paiement des
échéances des crédits en cours jusqu’au 31 octobre 2020, aux entreprises non
financières et travailleurs indépendants viables54, connaissant des problèmes de
paiement en raison de la crise du coronavirus.

Les conditions, les modalités et le champ d’application concrets de ces mesures de


soutien aux entreprises,  annoncées depuis le communiqué de presse du 22 mars
2020, sont enfin précisées et méritent d’être passées en revue55. Attendus avec une
impatience non dissimulée dans le chef des entreprises et indépendants concernés
et avec plus de discrétion dans celui des établissements de crédits avant de consentir
les crédits postulés, les détails pratiques de ce diptyque feront ainsi l’objet des deux
prochaines sous-sections.

1.2. Le régime de la garantie d’État pour certains nouveaux crédits (premier


pilier)

1.2.1. Que couvre le régime de garantie ?

L’insécurité économique et juridique et le risque de pertes de crédits accrus à


laquelle le secteur financier est exposé avec la crise du Covid-19 a provoqué une
grande frilosité au sein des établissements de crédit confrontés à des demandes
de crédits. Des mesures étatiques étaient donc préconisées (et nécessaires)
afin de garantir le maintien d’octroi de crédits, et éviter un dommage encore
plus important. Ce plan ambitieux et le régime de la garantie s’intègrent dans le
cadre juridique européen. De nombreux pays ont déjà mis en place un régime
de garantie similaire, ces régimes étant soutenu à l’échelon européen par la
Commission européenne dans un Encadrement Temporaire des aides d’État visant
à soutenir l’économie dans le contexte de la crise sanitaire (pour de plus amples
développements sur le droit européen, voy. infra titre VII)56.

Le régime de garantie de l’État, premier pilier du diptyque issu de l’accord entre


le gouvernement fédéral belge et le secteur bancaire sous l’égide de la Banque
nationale de Belgique, a pour but de soutenir l’accès au crédit par les entreprises
et donc, plus globalement, le financement de l’économie belge dans son

53 La même mesure a été prise en faveur des particuliers touchés par la crise du Covid-19 mais, tel que précisé
ci-avant, sort de l’objet de la présente contribution.
54 A l’instar du premier pilier relatif au régime de garantie, la mesure de report de paiement a également été
prise en faveur des emprunteurs hypothécaires mais cela dépasse l’objet de la présente contribution.Notons
qu’à ce jour, les mesures de soutien concernent les crédits accordés aux entreprises ainsi que les crédits
hypothécaires et qu’aucune mesure n’a encore été adoptée pour les crédits à la consommation (une
proposition de loi est actuellement en discussion à la Chambre).
55 Nous verrons que les conditions et modalités du régime de garantie ont été récemment arrêtées dans
l’Arrêté Royal du 14 avril 2020 portant octroi d’une garantie d’État pour certains crédits dans la lutte contre
les conséquences du coronavirus, dont question dans la Section 1.2 ci-après. Les modalités du report des
paiements furent quant à elles formalisées en date du 31 mars 2020, par deux chartes publiées
le 31 mars 2020 sur le site web de Febelfin et décrites dans la Section 1.3 ci-après.
56 Communication de la Commission Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à
33 soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19, document C/2020/1863, J.O.U.E.,
20 mars 2020, pp. 1-9.
-19
ires et COVID
ensemble. Le système de garantie d’État mis en place en Belgique s’élève à un
montant total (en principal) de maximum 50 milliards d’euros, destinés à couvrir
les pertes subies par le secteur financier en raison d’une défaillance systémique
des remboursements de prêts.

A l’échelon national, les conditions et modalités de ce régime de garantie sont


connues depuis la publication, le 15 avril dernier, de l’Arrêté Royal du 14 avril 2020
portant octroi d’une garantie d’État pour certains crédits dans la lutte contre les
Droit des affa

conséquences du coronavirus (ci-après, l’« Arrêté Royal du 14 avril » ou l’ « Arrêté


»)57. Cet arrêté, pris en exécution de la loi du 27 mars 2020 donnant habilitation
au Roi d’octroyer une garantie d’État pour certains crédits dans la lutte contre les
conséquences du coronavirus et modifiant la loi du 25 avril 2014 relative au statut et
au contrôle des établissements de crédits et des sociétés de bourse58, apporte enfin
aux banques et aux entreprises désireuses les précisions et certitudes nécessaires
en ces temps de crise quant aux conditions et modalités de ce régime.

Tel que cela sera détaillé ci-après, le régime de garantie vise :

- les crédits accordés aux entreprises non financières viables, aux PME, aux
travailleurs indépendants et aux organisations à but non lucratif (Section 1.2.2) ;

- les nouveaux crédits accordés entre le 1er avril 2020 et le 30 septembre 2020,
d’une durée maximale d’un an (ce délai et cette période pouvant être prolongés
par arrêté royal) (Section 1.2.3) ;

- les établissements de crédit de droit belge ou les succursales en Belgique des


établissements de crédit de droit étranger (Section 1.2.4).

1.2.2. Qui peut bénéficier des crédits garantis ?

(a) Des entreprises non financières

La garantie est applicable aux crédits octroyés à des « entreprises non financières »
(en ce compris les travailleurs indépendants et les personnes morales du secteur
non lucratif) inscrites à la BCE.

La notion d’entreprise non financière est en effet définie comme «  toute personne
physique qui exerce une activité professionnelle à titre d’indépendant ou toute
personne morale  », à l’exclusion des personnes morales suivantes, lesquelles sont
exclues du champ d’application de la règlementation sur la garantie59 :

57 Arrêté royal du 14 avril 2020 portant octroi d’une garantie d’état pour certains crédits dans la lutte contre les
conséquences du coronavirus, M.B., 15 avril 2020.
Le contenu de cet arrêté royal est disponible à l’adresse suivante :
https://www.stradalex.com/?page=Stradalex.Controller
PublicHome&action=display&nav=monitorHome&goto=2020030617&lang=fr&utm_medium=email&utm
source=moniteur&redirect_counter=1
58 Loi du 27 mars 2020 donnant habilitation au roi d’octroyer une garantie d’État pour certains crédits dans la
lutte contre les conséquences du coronavirus et modifiant la loi du 25 avril 2014 relative au statut et au
contrôle des établissements de crédits et des sociétés de bourse, M.B., 31 mars 2020, p. 22187.
Le contenu de cet arrêté royal est disponible à l’adresse suivante :
http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2020032704&table_name=loi.
34 59 Voy. article 6, §2 de l’Arrêté.
-19
ires et COVID
a. les entités publiques ;
b. les contreparties financières60, les établissements de paiement, les établissements
de monnaie électronique et les entités de titrisation à vocation spécifique ; et
c. les personnes qui exclusivement ou principalement octroient des crédits pour
compte propre dans le cadre de leurs activités professionnelles ou commerciales
habituelles61 ;
d. les personnes morales dont les filiales sont exclusivement ou principalement de
Droit des affa

telles personnes morales de personnes visées aux points b ou c.


Le rapport au Roi apporte certaines clarifications en précisant que sont inclues par
la règlementation et sont donc éligibles pour des crédits garantis :
- toutes les organisations à but non lucratif ou à personnalité juridique qui n’entre
pas dans cette exception ;
- les hôpitaux, quelle que soit leur forme juridique ; et
- les intermédiaires en crédit et d’assurance (qui n’octroient pas de crédits pour
compte propre) qui entrent dans la notion d’« entreprise non financière »
Notons que, contrairement à ce qui est prévu pour le régime du report, l’Arrêté
ne prévoit pas comme critère d’éligibilité que l’emprunteur qui sollicite un crédit
garanti apporte la preuve qu’il est spécifiquement impacté par les mesures et les
conséquences liées à la crise sanitaire.
(b) Exclusion des entreprises non viables
Les entreprises non financières et les travailleurs indépendants doivent avoir été
économiquement « viables » avant la crise sanitaire pour pouvoir bénéficier de ces
mesures. En effet, sont exclues du champ d’application de la règlementation sur la
garantie, les entreprises qui répondent à la définition d’entreprises non financières
mais qui éprouveraient, alternativement, l’une des difficultés suivantes :
- qui accusaient, au 1er février 2020, un retard de paiement sur leurs crédits en cours,
impôts ou cotisations de sécurité sociale ; ou qui accusaient, au 29 février 2020, un
retard de paiement supérieur à 30 jours sur les crédits en cours, impôts ou cotisations
de sécurité sociale62 ;
- pour lesquelles une procédure de restructuration de crédit active était en cours
auprès d’un ou plusieurs établissements de crédit le 31 janvier 2020 (ce qui sera
le plus souvent le cas dès que les dossiers de ces emprunteurs sont transférés au
département intensive care ou restructuring de leur banque)63; et
- qui, sur la base des informations disponibles, doivent être considérées comme
« entreprises en difficulté » (telle que cette notion est précisée dans la section (c)
ci-après)64.

60 Au sens de l’article 3.3 du Règlement n°2015/2365 du 25 novembre 2015 relatif à la transparence des
opérations de financement sur titres et de la réutilisation et modifiant le règlement (UE) no 648/2012, J.O.U.E.,
L 337, 23 décembre 2015, pp. 1-34.
61 A cet égard, le rapport au Roi précise que les intermédiaires en crédit et d’assurance (qui n’octroient pas de
crédits pour compte propre) entrent dans la notion d’ « entreprise non financière » et sont dès lors éligibles
pour des crédits garantis.
62 Article 6, §1er, a) de l’Arrêté Royal du 14 avril 2020. L’article 1, 38° de l’arrêté précise, concernant les retards de
paiement d’impôts ou de cotisations de sécurité sociale, que ceux-ci visent «  tous les impôts et cotisations
de sécurité sociale, quels que soient leur créancier ou leur base juridique, qui sont considérés comme des
dettes certaines et déterminées et pour lesquels le délai légal de paiement, le cas échéant prorogé par l
l’autorité administrative compétente, a expiré, sauf et dans la mesure où, en cas de contestation
administrative et/ou judiciaire introduite avant le 29 février 2020, la partie contestée ne peut faire l’objet de
mesures d’exécution forcées ».
63 Article 6, §1er, b) de l’Arrêté Royal du 14 avril 2020.
35 64 Article 6, §1er, c) de l’Arrêté Royal du 14 avril 2020.
-19
ires et COVID
Le rapport au Roi précise quant à cette dernière notion que pour établir si une
entreprise est à considérer comme une « entreprise en difficulté », les banques
pourront se baser sur une déclaration signée par cette entreprise65 , « pour autant
qu’elles n’ont pas ou ne devraient raisonnablement pas avoir connaissance d’une
information contradictoire à cet égard ».

L’Arrêté Royal du 14 avril 2020 lève enfin le voile sur les critères de viabilité,lesquels sont
notamment déterminés en fonction des retards existants dans les remboursements
Droit des affa

et prennent comme point de départ le début de la crise du coronavirus : ne sont


donc pas éligibles les entreprises non financières qui éprouvaient déjà, avant la
crise sanitaire, des difficultés de paiement ou étaient déjà au 31 décembre 2019
une entreprise en difficulté au sens du Règlement n° 651/2014. Il convient de noter
que cette exclusion des entreprises non viables prévaut également dans le cadre
du régime de report de paiement et repose sur des critères similaires66.

(c) Précisions sur la notion d’ « entreprise en difficulté » 

La notion d’ « entreprise en difficulté » est définie à l’article 1, 21° de l’Arrêté Royal


du 14 avril 2020 par référence à la notion européenne du règlement d’exemption
par catégorie (ci-après, le « Règlement n°651/2014 »)67 :

« une entreprise vis-à-vis de laquelle se produisait, au 31 décembre 2019 au moins


une des circonstances visées à l’article 2.18 du Règlement no. 651/2014; ces
conditions s’appliquent par analogie aux indépendants ».

L’article 2.18 du Règlement n°651/2014 définit la notion d’ « entreprise en difficulté »


comme une entreprise remplissant au moins une des conditions suivantes :

« a) s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée (autre qu’une PME en existence
depuis moins de trois ans ou, aux fins de l’admissibilité au bénéfice des aides au
financement des risques, une PME exerçant ses activités depuis moins de sept
ans après sa première vente commerciale et qui peut bénéficier d’investissements
en faveur du financement des risques au terme du contrôle préalable effectué
par l’intermédiaire financier sélectionné), lorsque plus de la moitié de son capital
social souscrit a disparu en raison des pertes accumulées68.

b) s’il s’agit d’une société dont certains associés au moins ont une responsabilité
illimitée pour les dettes de la société (autre qu’une PME en existence depuis moins
de trois ans ou, aux fins de l’admissibilité au bénéfice des aides au financement
des risques, une PME exerçant ses activités depuis moins de sept ans après sa

65 Une telle déclaration pourra, de préférence, être accompagnée du rapport d’un expert financier
indépendant.
66 Nous verrons que les critères de viabilité applicables dans le régime de report sont les suivants :
- Ne pas avoir, au 1er février 2020, de retard de paiement pour les crédits en cours, impôts ou pour cotisations
de sécurité sociale ou ne pas accuser, au 29 février 2020, un retard de paiement supérieur à 30 jours sur les
crédits en cours, impôts ou cotisations de sécurité sociale.
- Avoir rempli toutes ses obligations contractuelles de crédit (auprès de tous les établissements
confondus) durant les 12 derniers mois précédant le 31 janvier 2020 ; et
- Ne pas être « en cours de procédure de restructuration de crédit active ». ,
67 Règlement n ° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d aides
compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, J.O.U.E., L 187, 26 juin
2014, pp. 1-78. Les aides aux entreprises en difficulté étant exclues du champ d’application de ce règlement.
68 L’article précise que « Tel est le cas lorsque la déduction des pertes accumulées des réserves (et de tous
les autres éléments généralement considérés comme relevant des fonds propres de la société) conduit à
un montant cumulé négatif qui excède la moitié du capital social souscrit. Aux fins de la présente
disposition, on entend par «société à responsabilité limitée» notamment les types d’entreprises mentionnés à
l’annexe I de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil (37) et le «capital social»
36 comprend, le cas échéant, les primes d’émission ».
-19
ires et COVID
première vente commerciale et qui peut bénéficier d’investissements en faveur du
financement des risques au terme du contrôle préalable effectué par l’intermédiaire
financier sélectionné), lorsque plus de la moitié des fonds propres, tels qu’ils sont
inscrits dans les comptes de la société, a disparu en raison des pertes accumulées,

c) lorsque l’entreprise fait l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité ou


remplit, selon le droit national qui lui est applicable, les conditions de soumission à
une procédure collective d’insolvabilité à la demande de ses créanciers,
Droit des affa

d) lorsque l’entreprise a bénéficié d’une aide au sauvetage et n’a pas encore


remboursé le prêt ou mis fin à la garantie, ou a bénéficié d’une aide à la
restructuration et est toujours soumise à un plan de restructuration,

e) dans le cas d’une entreprise autre qu’une PME, lorsque depuis les deux exercices
précédents:

1) le ratio emprunts/capitaux propres de l’entreprise est supérieur à 7,5; et

2) le ratio de couverture des intérêts de l’entreprise, calculé sur la base de l’EBITDA,


est inférieur à 1,0.»

Le Rapport au Roi donne certaines précisions au sujet des notions suivantes,


auxquelles il est fait référence dans les conditions du Règlement n°651/2014 :

- « société à responsabilité limitée »  : cette notion couvre la SRL, la SC et la SA


(ainsi que les « fausses SC » qui existent encore sous la forme d’une SCRL), sous le
nouveau Code des sociétés et des associations ;

- « PME » : cette notion doit être considérée au niveau du groupe et il y a lieu de se
référer à la définition européenne de la PME au sens Règlement n°651/2014  soit,
une entreprise (personne physique ou morale) qui occupe moins de 250 personnes
et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50.000.000 EUR ou dont le total du
bilan annuel n’excède pas 43.000.000 EUR (conditions applicables par analogie aux
indépendants)69. Il est à noter que l’Arrêté Royal du 14 avril 2020 utilise tant la définition
européenne de PME énoncée ci-dessus (article 1, 27°) que la définition belge de PME
au sens du Code des sociétés et des associations (article 1, 30°)70  ;

- « capital social » : pour les SRL belges, il faut lire « apports souscrits ».

Il ressort de la rédaction de l’article 6, §1er de l’Arrêté Royal du 14 avril 2020 – et, plus
précisément de la définition d’ « entreprise en difficulté » – que l’Arrêté semble exclure
du dispositif de garantie les entreprises qui, au 31 décembre 2019, faisaient l’objet
d’une réorganisation judiciaire ou remplissaient les conditions d’ouverture d’une telle
procédure (voy. article 2.18, c) du Règlement n°651/2014 précité).

Cette exclusion des entreprises en réorganisation judiciaire ou dans les conditions de la


procédure au 31 décembre peut être regrettée, bien que « conforme à l’Encadrement
temporaire de la Commission européenne »71. En effet, aucun argument juridique
ou économique ne semble justifier que ces entreprises, qui ont consenti des efforts

69 Voy. définition de « PME au sens du Règlement n° 651/2014 » à l’article 1, 27° de l’Arrêté Royal du 14 avril 2020.
70 Définie à l’article 1, 30° comme « une société satisfaisant aux conditions de l’article 1:24 ou de l’article 1:25
du Code des sociétés et des associations ; les mêmes conditions s’appliquent par analogie aux
indépendants ». Par exemple, au sujet de prime de la garantie d’État (Chapitre 7 de l’Arrêté), c’est la
définition de PME au sens du Code des sociétés et des associations qui est applicable.
37 71 Rapport au Roi de l’Arrêté Royal du 14 avril 2020.
-19
ires et COVID
considérables pour aboutir à des accords amiables ou des plans homologués
judiciairement (parfois sur plusieurs années), en consentent toujours actuellement
pour retrouver leur rentabilité et honorent tant leurs dettes rééchelonnées au profit des
créanciers que leurs échéances actuelles, soient discriminées et ne puissent bénéficier
de la garantie des prêts par l’État72.

Ces entreprises sont, à l’instar des autres entreprises, durement impactées par la crise
du Covid-19, et les motifs de leur exclusion du régime de garantie paraissent difficiles
Droit des affa

à saisir de sorte qu’une extension du dispositif de garantie de l’État aux entreprises


en réorganisation judiciaire qui ne sont pas en défaut de paiement nous paraîtrait
bienvenue.

Notons à ce titre que le même reproche fut formulé chez nos voisins français à l’égard
de l’Arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’État aux établissements de
crédit73, qui excluait initialement en son article 3 les entreprises faisant « l’objet de l’une
des procédures prévues aux titres II, III et IV du livre VI du code de commerce ».
Cette exclusion a ensuite été nuancée, notamment, par le biais des deux évolutions
suivantes :
- le Ministère de l’Economie et des Finances français a précisé dans un FAQ que, afin de
permettra aux banques de répondre à davantage de demandes, la garantie de l’État
ne sera pas remise en cause au seul motif d’octroi à une PME ayant, au 31 décembre
2019, des fonds propres négatifs ou inférieurs à la moitié de son capital social (les PME
en procédure collective à cette date demeurant les seules exclues du dispositif)74 ; et
- suite à l’adoption d’une nouvelle loi de finances rectificative, l’État français pourra
lui-même accorder des prêts en direct à certaines PME n’étant pas parvenues
à obtenir un prêt garanti auprès de leur banque. Celles-ci pourront donc, in fine,
emprunter directement auprès des pouvoirs publics (les modalités de ce régime
étant encore à préciser)75.

Espérons qu’une évolution semblable puisse intervenir en Belgique également.

1.2.3. Quels sont les types de crédit concernés ?

Tous les nouveaux crédits et lignes de crédit supplémentaires d’une durée


maximale de 12 mois (hors crédits de refinancement) accordés entre le 1er avril et
le 30 septembre 2020 et destinés à financer des activités en Belgique sont couverts
par le régime de garantie76.

Pour bénéficier du régime de garantie, les crédits doivent donc remplir les conditions
suivantes :

- être des crédits à court terme d’une durée maximale de 12 mois (en ce compris
les crédits d’une durée indéterminée qui peuvent être résiliés par le prêteur ou par
l’emprunteur endéans les 12 mois)

72 Voy. la note du Réseau CAP du 27 mars 2020 « Entreprises ‘’viables’ et mécanisme de garantie des crédits
par l’État – réaction du Réseau CAP », consultable sur le site de l’OECCBB : https://www.oeccbb.be/wp
content/uploads/2020/04/entreprise-viable-GD-28-mars-2020.pdf.
73 Arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’État aux établissements de crédit et sociétés de
financement en application de l’article 4 de la loi n°2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour
2020, JORF, 24 mars 2020.
74 Voy. FAQ du Ministère de l’Economie et des Finances français relatif aux prêts garantis par l’État, du 23 avril
2020, disponible à l’adresse suivante : https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2020/dp-covid-pret
garanti.pdf.
75 Voy. article publié dans « Les Echos », le 26 avril 2020, « L’État pourra accorder des prêts en direct aux PME
retoquées par leur banque », disponible à l’adresse suivante : https://www-lesechos-fr.cdn.ampproject
org/c/s/www.lesechos.fr/amp/1198211.
38 76 Article 4, § 1er de l’Arrêté Royal du 14 avril.
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ires et COVID
La notion de « crédit » est définie largement comme « tout contrat en vertu duquel
un prêteur octroie ou s’engage à octroyer un crédit, sous la forme d’un prêt, d’une
ouverture de crédit, d’un découvert autorisé, ou de toute autre facilité de paiement
similaire, à l’exclusion des : a) contrats de location-financement ; b) contrats
d’affacturage ; c) crédits à la consommation et des crédits hypothécaires couverts
par le Livre VII du Code de droit économique »77.

Le rapport au Roi précise que cette définition large de la notion de crédit :


Droit des affa

- couvre les crédits de caisse, les avances à terme fixe (« straight loans »), les
ouvertures de crédit, les facilités de garantie (ouvertures de crédit par
lesquelles un prêteur s’engage à octroyer des garanties bancaires pour le
compte de l’emprunteur) et les découverts autorisés (« overdraft facilities ») ;

- reprend également explicitement les crédits syndiqués ou « club deals »


(octroi d’un crédit à un ou plusieurs emprunteurs par plusieurs banques),
même si l’un ou plusieurs de ces fournisseurs de crédit ne sont pas des
« emprunteurs » au sens de l’Arrêté78.

L’article 4, §3 de l’Arrêté prévoit également l’hypothèse où les crédits sont octroyés


sous forme de lignes de crédit (soit par « tranches », par exemple, un crédit à court
terme et un crédit à long terme). Dans ce cas, chaque ligne de crédit séparée
qui constitue un engagement suffisamment distinct du prêteur et qui satisfait aux
conditions de l’Arrêté qualifie individuellement en tant que « crédit » (même dans
l’hypothèse où les autres lignes ne rempliraient pas ces conditions).

Enfin,une précision doit être apportée quant à la durée maximale de 12 mois.En effet,
afin d’empêcher aux prêteurs de contourner l’applicabilité générale du régime au
profit de leurs « bons risques de crédit », l’article 1, 15° de l’Arrêté précisé que « des
crédits en vertu desquels le prêteur jouit d’un droit de résiliation discrétionnaire
pendant les 12 premiers mois sont à considérer comme des crédits d’une durée
de 12 mois »79. Le rapport au Roi ajoute que sont notamment visées les lignes de
crédit octroyées pour une durée indéterminée mais qui peuvent être résiliées par le
prêteur de manière discrétionnaire (un droit de résiliation qui s’appliquerait même
si l’emprunteur satisfait aux conditions contractuelles de solvabilité et de liquidité).
Rappelons qu’un autre mécanisme pour empêcher aux prêteurs de contourner
l’applicabilité générale du régime est le fait qu’une ligne de crédit, satisfaisant
séparément aux conditions de l’arrêté, qualifie individuellement en tant que crédit.

- être octroyés entre le 1er avril 2020 et le 30 septembre 2020 au plus tard (en ce
compris les crédits remboursés avant le 30 septembre 2020)

Le régime ayant vocation à permettre de « surmonter la période la plus difficile », les


crédits doivent être octroyés avant le 30 septembre (sous réserves des exclusions
exposées ci-après). Néanmoins, le Roi a la faculté de prolonger le délai de douze
mois ainsi que cette période, si cela s’avère nécessaire en raison de la gravité etde

77 Article 4, § 2 de l’Arrêté Royal du 14 avril.


78 Le rapport au Roi précise encore à ce titre que « l’engagement d’un prêteur qui relève du champ
d’application du présent arrêté est suffisamment distinct des engagements des autres fournisseurs de
crédit quand ce premier s’engage à mettre à disposition un montant maximum fixe (le « commitment »).
Dans ce dernier cas, l’engagement du prêteur sera considéré comme un crédit à part au sens de l’arrêté
(pour le calcul de la prime et du montant garanti, uniquement le montant mis à disposition par ce prêteur
est pris en compte) ».
39 79 Article 1er, 15° de l’Arrêté Royal du 14 avril 2020.
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ires et COVID
la durée des effets négatifs du coronavirus sur l’économie80.

Il importe de noter que le régime de la garantie est exclusivement applicable à


l’octroi de nouveaux crédits et qu’en sont exclus les crédits suivants :

- les « crédits de refinancements » (octroyés pour le remboursement d’un


crédit octroyé avant le 1er avril 2020, en ce compris la prolongation d’un
crédit accordé avant le 1er avril 2020)81; et
Droit des affa

- les «  nouveaux prélèvements de crédits  » (ou renouvellement de crédits


remboursés en tout ou en partie) octroyés avant le 1er avril 2020, à condition
que ce nouveau prélèvement/renouvellement ait lieu pour, au maximum,
le même montant en principal82;

Ces crédits (qui, nous le verrons, ne sont pas les seules exclusions du régime de
garantie) n’entrent pas dans le champ d’application et ne sont donc pas couverts
par le régime.

- financer des activités en Belgique

Une autre exclusion du régime de la garantie vise les crédits « qui ne peuvent être
utilisés exclusivement que pour des activités non belges »83. Un crédit garanti ne
peut donc être utilisé exclusivement pour des activités à l’étranger, même dans
l’hypothèse où ces activités sont exercées par une personne morale dont le siège
réel est situé en Belgique. Dans le cas contraire, « les pertes des crédits garantis qui
n’excluent pas une telle utilisation ne donnent pas lieu à remboursement ».

Néanmoins, une utilisation partielle du crédit pour le financement d’activités à


l’étranger est permise et vise les activités étrangères dites « qualifiées », lesquelles
sont définies comme «  les activités étrangères d’un emprunteur répondant aux
conditions suivantes :

a) les activités étrangères sont effectuées par l’emprunteur lui-même ou par une
entité qui se trouve sous le contrôle exclusif ou conjoint de l’emprunteur,

b) la continuité des activités étrangères est cruciale pour les activités belges,

c) les activités étrangères sont, prises isolément, considérées comme une entreprise
viable,

d) il n’existe aucune autre possibilité de financer les activités à l’étranger de


manière durable à des conditions de marché normales » 84.

Un crédit garanti peut être utilisé pour des activités étrangères qualifiées si cette
utilisation satisfait aux conditions suivantes :

80 Article 2, § 1, 5ème tiret de l’Arrêté.


81 Article 4, § 1er, 1° de l’Arrêté. Cette notion est définie à l’article 1, 13° comme « un crédit (ou une partie d’un
crédit) qui est octroyé pour le remboursement d’un crédit octroyé par un prêteur avant le 1er avril 2020, en ce
compris la prolongation d’un crédit accordé avant l’entrée en vigueur du présent arrêté ».
82 Article 4, § 1er, 2° de l’Arrêté. Cette notion est définie à l’article 1, 14° comme « le nouveau prélèvement ou
renouvellement d’un crédit remboursé en tout ou en partie qui a été octroyé avant le 1er avril 2020 et pour
autant que le nouveau prélèvement ou le renouvellement ait lieu pour au maximum le même montant en
principal ».
83 Article 4, § 1er, 3° de l’Arrêté.
40 84 Article 1, 20° de l’Arrêté.
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ires et COVID
- être limitée à 10% du crédit garanti ; et

- ne pas se faire aux dépens des activités belges85.

1.2.4. Quelles banques peuvent octroyer des crédits garantis par l’État ?

Une des caractéristiques du régime de garantie est que celui-ci vise une large
mutualisation des risques, en vue de « répartir le plus largement possible tant les
Droit des affa

bénéfices et inconvénients du régime ».

A cet effet, l’article 5 de l’Arrêté (qui définit la notion de « prêteur ») précise que
la garantie est octroyée à tous les établissements de crédit de droit belge86 et
succursales en Belgique d’établissements de crédit de droit étranger87 qui avaient
« au 31 décembre 2019 des crédits en cours auprès d’un ou plusieurs emprunteurs
pour un montant total et non remboursé en principal d’au moins 20.000 EUR ».

Les établissements représentant une part de marché négligeable sont exclus du


régime de garantie, cette exclusion étant motivée par le souci de ne pas encombrer
la surveillance du système avec des portefeuilles qui n’atteignent pas un seuil de
minimis.

Chacun de ces établissements de crédit peut constituer un portefeuille de


nouveaux crédits dans les plafonds de l’enveloppe qui lui est allouée (cette
enveloppe correspond à la part dudit établissement dans le montant total de
50 milliards d’euros). L’allocation de la part d’un prêteur est opérée en tenant
compte de la part de marché pertinente de ce prêteur au 31 décembre 2019
(à savoir, la part de marché de cet établissement pour les crédits couverts par le
régime de la garantie)88.

A cet égard, il convient d’insister sur la notion centrale de « portefeuille garanti »89 de


chaque prêteur, qui se compose de l’ensemble des crédits garantis octroyés par
ce prêteur. La garantie d’État donne droit à une indemnisation de l’établissement
concerné de la « perte garantie » subie sur un « portefeuille garanti ». Cette garantie
est accordée exclusivement aux pertes d’un prêteur sur son « portefeuille garanti »
de référence90, et ne peut être appelée pour couvrir les pertes qui sont subies sur
des crédits individuels qui font partie de ce portefeuille garanti91. Le rapport au
Roi précise que «  pour qu’un crédit entre dans le portefeuille garanti par l’État
d’un prêteur, trois conditions d’application sont importantes : il doit s’agir d’un
« crédit garanti », tel que défini à l’article 3, octroyé par un « prêteur », tel que défini
à l’article 4, à un « emprunteur », tel que défini à l’article 5 ».

85 Article 22, 3°, b) de l’Arrêté.


86 Cette notion est définie à l’article 5 de l’Arrêté par référence à l’article 7 de la loi du 25 avril 2014 relative au
statut et au contrôle des établissements de crédit et des sociétés de bourse (ci-après, la « loi bancaire »).
87 Cette notion est définie à l’article 5 de l’Arrêté par référence aux articles 312 et 333 de la loi bancaire.
88 Les articles 10 à 12 de l’Arrêté déterminent la part maximale de chaque prêteur dans le montant total de
50 milliards d’euros (en principal) qui constitue l’objet de la garantie d’État. Le rapport au Roi précise que
« le Ministre établira cette répartition aussi rapidement que possible. Cela n’empêche aucunement l’entrée
en vigueur immédiate de la règlementation, étant donné que le maximum ne sera atteint que seulement
après un certain temps ».
89 Le rapport au Roi ajoute à cet égard qu’une autre caractéristique du régime est l’ « approche par
portefeuille » sur laquelle il est basé.
90 Les notions de « portefeuille garanti » (objet sur lequel porte la garantie d’État) et de « perte garantie » étant
définies, respectivement, aux Chapitres 3 et 4 de l’Arrêté.
91 Le rapport au Roi précise à cet égard que « L’État ne garantit pas des crédits individuels, mais garantit
des portefeuilles de crédit par établissement de crédit. La perte et la contribution aux pertes sont calculées
au niveau du portefeuille. Cela est approprié afin de pouvoir déterminer la contribution aux pertes des
41 établissements de crédit qui font partie du régime de la garantie ».
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ires et COVID
1.2.5. Conditions et limites de la garantie

(a) Conditions

Tous les nouveaux crédits garantis seront soumis à un taux d’intérêt de 1,25 %
maximum (hors frais et compte tenu du montant en principal effectivement prélevé)
majoré de la prime versée par l’établissement de crédit à l’État en contrepartie de
la garantie (de maximum 25 points de base pour les PME au sens du Code des
sociétés et des associations et 50 points de base pour les grandes entreprises92),
Droit des affa

calculé sur base annuelle.

En effet, afin de faire en sorte que le bénéfice de la garantie d’État soit répercuté
totalement sur l’emprunteur, l’Arrêté prévoit, à son article 9, que  l’établissement
de crédit peut appliquer à l’emprunteur un intérêt de maximum 1,25% sur base
annuelle et

seule la prime versée par l’établissement de crédit à l’État peut être imputée à
l’emprunteur.

Concernant les frais, l’Arrêté prévoit que l’établissement de crédit peut également
imputer les frais habituels (tels que les frais de dossier ou les commissions de
réservation) à l’emprunteur. Il ne peut néanmoins pas imputer de frais en rapport
avec l’octroi ou l’exécution du crédit, qui n’auraient pas été dus sur la base de ses
conditions générales applicables au 29 février 2020. En vertu de l’article 22, 7°, le
prêteur ne peut faire dépendre la demande ou l’octroi d’un crédit garanti de la
conclusion de contrats relatifs à d’autres produits ou services (tels que les contrats
d’assurance ou les contrats d’affacturage).

(b) Limites

- Limites au moment de l’octroi

Notons que, toujours dans l’objectif évoqué ci-avant de mutualisation des risques,
de façon à (i) diversifier au maximum le portefeuille de crédit garanti de chaque
établissement de crédit et (ii) répartir au maximum le coût de la garantie (la
prime), le régime de garantie s’applique de plein droit à tous les crédits qui entrent
dans son champ d’application. Il ne s’agit donc pas, précise le rapport au Roi,
« d’une règlementation « opt-in » ou « opt-out » ».

Une nuance doit néanmoins être apportée à ce principe, motivée par le constat
que toutes les entreprises ne seraient pas touchées par la crise du Covid-19 et
laissant aux banques la possibilité d’octroyer des crédits à d’autres conditions
financières moins onéreuses à des entreprises non touchées par la crise sanitaire.

92 Articles 25 et 26 de l’Arrêté qui prévoient que chaque prêteur verse à l’État une prime pour la garantie d’État,
dont le taux (exprimé en pourcentage du montant en principal maximum disponible de chaque crédit
garanti) s’élève à :
- pour des crédits garantis aux PME au sens du Code des sociétés et des associations : 25 points de base sur
une base annuelle ; et
42 - pour des crédits garantis à d’autres entreprises : 50 points de base sur une base annuelle.
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ires et COVID
En effet, l’article 4, § 1er, 4° de l’Arrêté autorise les prêteurs à retirer un nombre limité
de crédits de leur « portefeuille garanti » sur base mensuelle93. En d’autres termes,
on permet aux prêteurs qui octroient un crédit qui remplit les conditions de la
garantie d’État, de « désélectionner » une partie de ces crédits dans une certaine
mesure94 et ainsi les octroyer en dehors du régime de garantie mis en place par
l’arrêté. Cette désélection, qui ne peut avoir lieu qu’au moment de l’octroi d’un
crédit, est définitive. Le crédit désélectionné disparaît alors du portefeuille garanti et
les pertes éventuelles sur ce crédit ne peuvent plus être couvertes par la garantie
Droit des affa

d’État (aucune prime n’étant due pour ces crédits désélectionnés).

Cette option, qui vise à éviter que les prêteurs soient tenus d’offrir des crédits
garantis à certains emprunteurs non touchés par la crise et pour lesquels ce régime
de garantie serait inutilement coûteux, répond aux préoccupations d’égalité des
conditions de concurrence du secteur financier. Le rapport au Roi précise à cet
égard que « si les prêteurs belges pouvaient uniquement offrir des crédits à de telles
entreprises aux conditions (inévitablement plus onéreuses) de la garantie d’État,
cela porterait préjudice à leur position concurrentielle. En effet, dans la plupart
des autres États membres avec un régime de garantie, les prêteurs peuvent eux-
mêmes décider s’ils soumettent leurs crédits à ce régime ».

- Limites postérieures à l’octroi

Enfin, la garantie, une fois octroyée, n’est pas définitivement acquise pour autant.

L’article 19 de l’Arrêté règle tout d’abord les cas où l’exécution de la garantie


d’État est suspendue, lesquels sont les suivants :

- absence de paiement ou paiement incomplet de la prime ;

- non-respect du report de paiement (tel que ce régime est exposé dans la


Section 2 ci-après).

Par ailleurs, la garantie d’État peut également faire l’objet d’une réduction, dans
les hypothèses diverses listées à l’article 22, qui énonce les cas donnant lieu à une
réduction de la perte garantie.

Parmi les diverses hypothèses envisagées dans l’Arrêté, nous citerons celles où la
perte garantie est réduite de toutes les pertes sur les crédits garantis suivants :

- transférés par le prêteur, en tout ou en partie95  ;

93 Cet article prévoit que sont exclus du régime « les crédits qui au regard des autres dispositions du présent
paragraphe § 1er sont à considérer comme des crédits garantis mais qui sont spécifiquement identifiés par
le prêteur au moment de leur octroi; un crédit ainsi identifié ne peut être requalifié comme crédit garanti et
doit être repris dans les déclarations mensuelles prescrites par l’article 32; les crédits tels que visés par le
présent 4° sont indiqués dans le présent arrêté comme crédits désélectionnés ».
94 Une limite maximale est prévue pour la désélection : le rapport entre les crédits désélectionnés et les crédits
garantis ne peut être plus élevé que 0,175 (article 1, 49° et 50° de l’Arrêté). Si cette limite est dépassée, une
prime majorée est due pour les crédits désélectionnés excédentaires (article 28 de l’Arrêté).
95 Article 22, 2° de l’Arrêté. Etant précisé que « sont considérés comme transferts la mise en gage ou la titrisation
en vue de l’utilisation des titres de la titrisation comme sûreté, sauf les opérations visées à l’article 21,
43 paragraphe 2, qui n’entraînent aucune réduction de la perte garantie ».
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ires et COVID
- qui ne contiennent pas les dispositions spécifiquement énumérées de l’Arrêté96 ;

- qui ne sont pas repris par le prêteur dans un des reportings relatifs à la garantie
d’État (les modalités de ce reporting restent à définir)97 ;

- qui sont octroyés sans que le prêteur n’incite l’emprunteur à demander ou obtenir
d’autres garanties disponibles pour le crédit garanti98;
Droit des affa

- pour lesquels le prêteur ne garantit pas l’État contre toutes actions qui sont
introduites par l’emprunteur (ou toute personne liée) en rapport avec le crédit
garanti ou la garantie d’État99 ;

- dont le prêteur fait dépendre la demande ou l’octroi à la conclusion de


contrats relatifs à d’autres produits ou services (tels les contrats d’assurance ou
d’affacturage)100 ;

- pour lesquels le prêteur compte à l’égard de l’emprunteur des frais en rapport


avec l’octroi ou l’exécution du crédit qui n’auraient pas été dus sur la base des
conditions générales du prêteur au 29 février 2020101 (tels que des frais de dossier
ou de provisionnement) ;

- pour lesquels le prêteur fait preuve de négligence grave dans l’octroi (quand, au
moment de l’octroi, il était prévisible que cette négligence pouvait mener à une -
aggravation des coûts ou pertes subies par l’État)102 en application des règles de
la garantie.

Dans les nombreux cas visés par l’article 22 (lesquels surviennent tant au stade
de l’octroi du crédit que postérieurement à cet octroi), le rapport au Roi précise
que « la réduction n’a pas d’impact sur la prime due pour la garantie d’État sur les
crédits concernés. Cette prime reste due. Une cause de réduction ne donne pas
non plus lieu au remboursement des primes éventuellement déjà payées ».

Enfin, l’article 23 de l’Arrêté énonce quant à lui les cas de caducité de la garantie
d’État sur la perte garantie, dans lesquels la banque est donc déchue de  la
garantie. Il énumère les cas suivants où le prêteur :

- omet de faire appel à l’État dans le délai visé à l’article 18 ;

- ne paie pas la prime, ne la paie pas à temps ou ne la paie pas intégralement ;

- ne respecte pas le report de paiement (sauf cas de négligence excusable) ;

96 Article 22, 3° de l’Arrêté. Il s’agit des deux dispositions suivantes :


« a) l’État est substitué, pour un montant égal à la perte garantie, après le décompte définitif de la garantie
d’État tel que visé à l’article 33, dans tous les droits du prêteur qui découlent du crédit garanti ou des
mesures prises en rapport avec le crédit garanti ;
b) le crédit garanti peut uniquement être affecté par l’emprunteur au financement d’activités en Belgique,
étant entendu que le crédit garanti peut prévoir qu’il peut être utilisé pour des activités étrangères qualifiées
pour autant qu’une telle utilisation est limitée à 10% du crédit garanti, et qu’une telle utilisation du crédit
garanti pour les activités étrangères qualifiées ne se fait pas aux dépens des activités belges ».
97 Article 22, 4° de l’Arrêté.
98 Article 22, 5° de l’Arrêté.
99 Article 22, 6° de l’Arrêté.
100 Article 22, 7° de l’Arrêté.
101 Article 22, 8° de l’Arrêté.
44 102 Article 22, 9° de l’Arrêté, qui énumère ensuite des cas de négligence grave.
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ires et COVID
- applique de manière systématique (ou à grande échelle) des pratiques
stigmatisées par l’Arrêté (à l’article 22, 7° à 9°103) ;

- refuse de manière systématique (ou à grande échelle) pendant la période


du 1er avril au 30 septembre 2020, sans justification objective, le renouvellement de
crédits qui satisfont à chacune des conditions suivantes :

a. échéance avant le 30 septembre 2020 ;


Droit des affa

b. crédit octroyé avant le 1er avril 2020 ; et

c. l’emprunteur n’entre pas dans l’exclusion de « non viabilité »104 au sens de


l’Arrêté et n’a pas sollicité l’application du report du crédit;

- commet une fraude avérée.

1.2.6. Obligations dans le chef de l’emprunteur

Si l’Arrêt royal du 14 avril 2020 fait reposer un nombre important de conditions à


respecter par la banque pour pouvoir bénéficier de la garantie, les emprunteurs
éligibles pour ce régime sont également soumis à certaines obligations.

Parmi ces obligations, l’article 37 de l’Arrêté fait notamment expressément


référence (i) à l’interdiction de solliciter un crédit garanti si ces emprunteurs savent
(ou doivent savoir) qu’ils ne satisfont pas aux conditions d’application, (ii) à
l’obligation de fournir les informations et faire les déclarations de manière fidèle à
la réalité, (iii) à utiliser le crédit garanti uniquement pour le financement de leurs
activités en Belgique (ou de leurs activités étrangères qualifiées pour autant que
cette utilisation soit limitée à 10% du crédit garanti et que cette utilisation ne se
fasse pas au détriment des activités belges).

1.2.7. Le système de répartition des charges

Le régime de garantie prévoit une répartition des charges entre l’État et les
établissements de crédits, laquelle suit le principe de limitation au minimum des
aides d’État et vise à maintenir le risque pour l’État et le contribuable aussi gérable
que possible.

103 « 7° la perte garantie est réduite de toutes les pertes sur les crédits garantis dont le prêteur fait dépendre la
demande ou l’octroi à la conclusion par l’emprunteur ou une personne liée avec celui-ci de contrats relatifs
à d’autres produits ou services ;
8° la perte garantie est réduite de toutes les pertes sur les crédits garantis pour lesquels le prêteur compte à
l’égard de l’emprunteur des frais en rapport avec l’octroi ou l’exécution du crédit qui n’auraient pas été dus
sur la base des conditions générales du prêteur au 29 février 2020 ;
9° la perte garantie est réduite de toutes les pertes sur les crédits garantis pour lesquels le prêteur fait preuve
de négligence grave dans l’octroi, quand, au moment de l’octroi, il était prévisible que cette négligence
pouvait mener à une aggravation des coûts ou des pertes subies par l’État en application des règles de la
garantie. Il y a négligence grave :
a) en cas d’octroi d’un crédit dont le prêteur devait raisonnablement constater que l’emprunteur était une
personne visée à l’article 6, § 1er, a), b) ou c) ;
b) en cas d’octroi d’un crédit à un emprunteur dont le prêteur devait raisonnablement constater que cet
emprunteur ou d’autres personnes du groupe auquel l’emprunteur appartient avaient en même temps
obtenu un crédit garanti ailleurs ou l’auraient obtenu en même temps que le crédit garanti, de sorte que
le montant en principal disponible ou en cours de tous les crédits garantis de l’emprunteur individuel ou
de l’ensemble des membres du groupe auquel l’emprunteur appartient dépasserait le montant en principal
maximum garanti visé à l’article 8 ».
104 Soit :
(i) qui n’avait pas de retard de paiement sur ses crédits en cours, sur ses impôts ou sur ses cotisations de
sécurité sociale le 1er février 2020 ;
(ii) qui n’avait pas plus de 30 jours de retard de paiement le 29 février 2020 sur ses crédits en cours, sur ses
impôts ou sur ses cotisations de sécurité sociale ; et
(iii) pour lequel aucune procédure de restructuration de crédit active n’était en cours auprès d’un
45 établissement de crédit le 31 janvier 2020.
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ires et COVID
Les pertes subies sur ces nouveaux crédits (la « perte garantie » étant la somme
des pertes encourues par un prêteur sur son portefeuille garanti105), examinées
au terme du régime de garantie, seront réparties entre le secteur financier et les
autorités publiques comme il suit (ces tranches étant calculées au niveau du
portefeuille) :

- première tranche de 3 % de pertes : l’établissement de crédit supportera lui-même


cette première tranche de pertes sur son portefeuille (cette contribution visant
Droit des affa

à inciter les établissements de crédits à maintenir des pratiques de crédits saines) ;

- deuxième tranche entre 3 et 5 % de pertes : cette perte sera supportée à parts


égales par le secteur financier (50%) et les pouvoirs publics (50%) ; et

- pour toutes les pertes supérieures à 5 %  : 80 % seront pris en charge par les
pouvoirs publics et 20 % par le secteur financier (reste donc toujours minimum 20%
de la perte garantie à charge du prêteur concerné)106.

La notion de « perte », définie à l’article 14 de l’Arrêté, fait référence aux sommes


dues par l’emprunteur en vertu du crédit garanti et dont il est « définitif » qu’elles ne
pourront pas être récupérées (notamment, les pertes subies en raison d’une faillite
ou d’un effacement dans le cadre d’une procédure en réorganisation judiciaire).

Il ressort des éléments qui précède que la garantie d’État revêt les caractéristiques
suivantes :

- elle est subsidiaire (il ne s’agit pas d’une garantie à première demande), et vaut
seulement avec le bénéfice de discussion ;

- elle est résiduaire et couvre uniquement la perte qui subsiste après que le prêteur
n’a plus aucun recours107.

Précisons enfin que ce régime de garantie fédérale ira de pair avec, et ne


remplacera pas, les régimes de garantie régionaux existants.

1.3. Le report des paiements pour certains crédits en cours (second pilier)

Parmi les mesures annoncées le 22 mars 2020 en soutien aux entreprises touchées
par la crise du coronavirus, figure la possibilité pour ces entreprises non financières,
les travailleurs indépendants et les emprunteurs hypothécaires «  viables  » de
demander à bénéficier d’un report de paiement de leurs crédits existants,
gratuitement et sans dénonciation de crédit. Ce moratoire, valable jusqu’au 31
octobre 2020, permettra aux entreprises confrontées à un manque de liquidités
spécifiquement dû à la crise de Corona, de rétablir temporairement leur trésorerie
(en ne l’affectant pas au remboursement de crédits existants).

Les détails pratiques, conditions et modalités d’accès à ce second pilier de reports


de paiement ne sont pas prescrits par une loi ni un arrêté de pouvoirs spéciaux
mais ont été coulés dans deux chartes publiées le 31 mars dernier sur le site

105 Article 13 de l’Arrêté.


106 Article 13 de l’Arrêté.
107 Nous renvoyons à cet égard aux dispositions du chapitre 5 qui établissent le bénéfice de la discussion, la
relation avec d’autres garanties éventuelles, la suspension, la compensation, la date ultime à laquelle il faut
46 s’être adressé à l’État et l’incessibilité.
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ires et COVID
internet de Febelfin, respectivement intitulées la « Charte report de paiement crédit
aux entreprises »108 et la « Charte report de paiement crédit hypothécaire » 109. Seule
la première sera détaillée dans la présente contribution, visant les mesures prises
en faveur des entreprises (ci-après, la « Charte »).

En substance, les contours de ce report de paiement (tels que précisés dans la


Charte) s’articulent autour des principes suivants :
Droit des affa

1.3.1. Que couvre le report de paiement ?

Ce report de paiement consiste en une franchise en capital de maximum six mois,


applicable jusqu’au 31 octobre 2020 au plus tard. En d’autres termes, l’emprunteur
est dispensé de rembourser, pendant un maximum de six mois, ses échéances en
capital.

Il convient de préciser que ce report :

- ne couvre que les échéances mensuelles futures ;

- ne porte pas sur les intérêts, de sorte que les échéances en intérêts restent dues ;
et

- ne pourra être obtenu que jusqu’à la date butoir du 31 octobre 2020110, quel
que soit le moment de l’introduction de la demande (et donc, même pour les
demandes introduites après le 30 avril 2020, qui bénéficieront automatiquement
d’un report inférieur à six mois).

La durée du crédit sera prolongée pour une période correspondant à celle du report
et une fois la période du report écoulée, l’emprunteur sera tenu de reprendre ses
paiements. Dans les faits, cela signifie que l’emprunteur terminera de rembourser
son crédit maximum six mois après le terme initialement prévu.

Il est précisé qu’aucun frais de dossier, ni frais administratif ne seront portés à


charge du crédité pour le recours à ce régime de report de paiement.

1.3.2. Qui peut bénéficier du report de paiement ?

Le report de paiement peut être demandé par « des entreprises non financières,


des PME, des indépendants et des organisations sans but lucratif » (les autorités
publiques étant expressément exclues du régime).

La Charte précise que pour pouvoir bénéficier de ce régime, l’entreprise /


organisation visée ci-dessus devra remplir les quatre conditions cumulatives
suivantes :

(1°) Avoir subi, en raison de la crise du Covid-19, des difficultés de paiement du fait :

- d’une baisse du chiffre d’affaires ou de l’activité ;

- d’un recours au chômage temporaire ou complet ;

108 https://www.febelfin.be/fr/consommateurs/article/charte-report-de-paiement-credit-aux-entreprises.
109 https://www.febelfin.be/fr/consommateurs/article/charte-report-de-paiement-credit-hypothecaire. Un
régime de report similaire a été prévu pour les particuliers, dont le crédit hypothécaire peut également
bénéficier d’un report pour une période de maximum 6 mois.
110 Au lieu de la date du 30 septembre 2020 initialement envisagée dans l’accord avec le gouvernement
47 fédéral.
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ires et COVID
- de l’obligation des autorités à fermer l’entreprise / organisation dans le cadre des
mesures prises pour endiguer la propagation du virus.

(2°) Être « basée en permanence en Belgique ».

(3°) Ne pas avoir, au 1er février 2020, de retard de paiement pour les crédits en
cours, impôts ou cotisations de sécurité sociale  ou ne pas accuser, au 29 février
2020, un retard de paiement supérieur à 30 jours sur les crédits en cours, impôts ou
Droit des affa

cotisations de sécurité sociale.

(4°) Avoir rempli toutes ses obligations contractuelles de crédit (auprès de tous
les établissements confondus) durant les 12 derniers mois précédant le 31 janvier
2020 (absence de « défaut-croisé » / « cross-default ») ; et

(5°) Ne pas être « en cours de procédure de restructuration de crédit active ».

A l’instar du régime de garantie de l’État, sont donc exclues du régime du report


de paiement les entreprises non « viables ».

Les critères de viabilité étant similaires que ceux prévus dans le cadre du régime
de garantie, le même reproche peut être formulé quant à l’exclusion, a priori, des
entreprises en procédure de réorganisation judiciaire, lesquelles ne pourront donc
ni bénéficier du moratoire, ni recourir aux prêts garantis par l’État111.

Ce point nous paraît regrettable et on ne peut qu’espérer que les conditions


d’éligibilité soient éventuellement revues. Certes, un moratoire légal temporaire est
prévu pour les entreprises (voy. supra titre II), mais celui-ci est limité dans le temps
et pourrait s’avérer insuffisant.

1.3.3. Quels sont les types de crédit concernés par le report de paiement ?

La Charte énumère les types de crédits pour lesquels un report peut être demandé. Il
s’agit des crédits avec un plan de remboursement fixe, des crédits de caisse ainsi que
des avances fixes.

Le leasing et le factoring sont expressément exclus du régime. Dans un tel cas, la Charte
recommande d’entreprendre des démarches bilatérales directement avec la société
de leasing ou de factoring concernée afin de trouver un arrangement amiable.

L’engagement des établissements financiers vise tant les demandes à venir que celles
introduites avant le 31 mars 2020 (date de publication de la Charte), lesquelles seront
évaluées sur la base des critères de la Charte.

1.3.4. En pratique

Toute entreprise qui pense remplir les conditions pour pouvoir bénéficier du report
de paiement doit prendre contact avec l’établissement de crédit concerné, qui
demandera ensuite des preuves documentaires afin de pouvoir donner suite à la
demande.

48 111 Voy. Section 1.2.2 (ii).


-19
ires et COVID
Notons enfin, de manière plus générale, qu’il est important pour les entreprises
d’analyser les conditions et modalités de leurs contrats de financement en
cours, et particulièrement, les clauses relatives aux cas de force majeure, les clauses
de « hardship », ou encore de changement significatif défavorable (« material adverse
change  »). Le cas échéant, ces clauses pourront être invoquées et interprétées de
façon à inclure la crise sanitaire parmi les événements qui justifient la non-exécution
(temporaire) de certaines obligations contractuelles. Notons néanmoins que les
hypothèses couvertes par ce type de clauses sont rarement acceptées comme motifs
Droit des affa

de non-respect des obligations de paiement.

Nous renvoyons sur ce point au chapitre de la présente contribution relatif aux contrats
commerciaux et à la force majeure.

2. FINANCE
Par Victor Ouchinsky
2.1. Interdiction du short selling112

Parmi les mesures prises par l’Autorité des services et marchés financiers (ci-après, la
« FSMA ») dans ses domaines de compétences face à la crise sanitaire, la présente
section se concentrera sur l’interdiction des opérations de vente à découvert (short
selling).
Pour rappel, les opérations de « vente à découvert » sont définies à l’article 2 b)
du Règlement n° 236/2012 du 14 mars 2012 sur la vente à découvert (ci-après, le
« Règlement n°236/2012 »)113 comme « la vente d’une action ou d’un titre de créance
dont le vendeur n’est pas propriétaire au moment où il conclut l’accord de vente, y
compris lorsqu’au moment où il conclut l’accord de vente, le vendeur a emprunté
l’action ou le titre de créance ou accepté de l’emprunter pour le livrer au moment du
règlement »114. En d’autres termes, la vente à découvert consiste en la spéculation
sur la baisse du cours d’une action. Il s’agit plus précisément d’emprunter une
action pour la vendre directement en vue de la racheter plus tard à un prix plus
bas. La plus-value de l’investisseur se situe donc dans la différence entre le prix de
vente et de rachat.

Compte tenu de la situation d’urgence actuelle liée à la crise sanitaire, la FSMA a


décidé de faire usage de sa faculté d’interdire les transactions de vente à découvert115
concernant les sociétés cotées sur Euronext Brussels et Euronext Growth.

Cette interdiction est applicable :

- aux sociétés cotées sur « Euronext Brussels » et « Euronext Growth » pour lesquelles
la FSMA est l’autorité nationale compétente du marché le plus pertinent (most
relevant market – MRM) ;

112 Voy également https://www.janson.be/en/news/full-prohibition-of-short-selling-transactions par France


Wilmet, Murielle Baudoncq et Quentin Metz.
113 Règlement n ° 236/2012 du 14 mars 2012 sur la vente à découvert et certains aspects des contrats
d’échange sur risque de crédit, J.O.U.E., L 86, 24 mars 2012, pp. 1-24.
114 Cette définition, reprise à l’article 2.1, b) du Règlement, exclut :
« i) une vente par l’une ou l’autre des parties dans le cadre d’un accord de mise en pension par lequel
l’une des parties accepte de vendre à l’autre une valeur mobilière à un prix déterminé, cette dernière partie
s’engageant à la revendre à une date ultérieure à un autre prix déterminé;
ii) un transfert de valeurs mobilières dans le cadre d’un contrat de prêt de valeurs mobilières; ou
iii) la conclusion d’un contrat à terme standardisé (futures) ou d’un autre contrat d’instruments dérivés par
lequel il est convenu de vendre des valeurs mobilières à un prix déterminé à une date future ».
49 115 Voy. article 20 et 23 du Règlement n°236/2012
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ires et COVID
- quel que soit le lieu où la transaction est réalisée (opération de gré à gré dites
« OTC » ou sur une plateforme de négociation) ; et

- aux instruments liés à un indice, uniquement si les actions restreintes (restricted


shares) représentent plus de 20 % de la pondération de l’indice.

Les 17 et 19 mars 2020, sur pied de l’article 20 du Règlement n°236/2012, la FSMA


annonçait interdire globalement la vente à découvert et les transactions qui s’y
Droit des affa

apparentent jusqu’au 17 avril 2020116. Initialement applicable pour la période


s’étendant du 18 mars 2020 au 17 avril 2020, cette interdiction a été prolongée, sans
grande surprise, jusqu’au 18 mai 2020117.

La FSMA justifie cette mesure d’interdiction par le fait que la crise sanitaire a de
graves effets néfastes sur l’économie réelle ainsi que sur les marchés financiers. Les
mesures strictes imposées par le gouvernement fédéral belge afin de lutter contre
la propagation du Covid-19 emportent des menaces sérieuses de la confiance
des marchés boursiers, susceptible de mettre à mal la stabilité financière.

Selon la FSMA, depuis le 20 février, les marchés d’actions de l’Union européenne


auraient perdu jusqu’à 25% de leur valeur et parfois davantage. Aucun secteur ni
émetteurs ne sont épargnés par ces baisses importante du cours.

La FSMA souligne que l’Autorité européenne des marchés financiers (ci-après,


l’« AEMF ») continue d’observer une pression de vente et une instabilité inhabituelle
du prix des actions des institutions financières. La FSMA craint que certains acteurs
puissent vouloir profiter de ces baisses de prix en recourant à la vente à découvert et
que cela ait comme conséquence une aggravation des chutes déjà enregistrées
au cours des dernières semaines.

L’AEMF a émis une opinion favorable aux mesures d’interdiction prises par la FSMA
et leur prolongation118. L’autorité européenne estime ces dispositions appropriées
et proportionnelles afin de répondre aux menaces de perte de confiance des
marchés financiers.

Le 16 mars 2020, l’AEMF avait déjà demandé aux acteurs détenant des positions
courtes nettes sur des actions négociées sur un marché réglementé de l’Union
européenne qu’ils notifient celles-ci à l’autorité nationale compétente à partir d’un
seuil de 0,1% du capital social émis alors que le seuil normalement applicable est
de 0,2%119. En d’autres termes, l’AEMF avait réduit le seuil de déclaration des ventes
à découvert.

Concernant l’Autorité européenne des marchés financiers, il est intéressant de


souligner que dans des circonstances exceptionnelles comme celles que nous
vivons actuellement, l’AEMF a le pouvoir d’interdire globalement tout recours à la
vente à découvert ou transaction qui s’en rapproche conformément à l’article 28
du Règlement n° 236/2012.

116 FSMA, « Prohibition of short selling », Communiqué de presse, 17 mars 2020.


117 FSMA, « A renewal of the prohibition of short selling », Communiqué de presse, 15 avril 2020.
118 AEMF, « ESMA issues positive opinions on ban on net short positions by Belgian FSMA and Greek HCMC », 19
mars 2020 ; AEMF, « ESMA issues positive opinions on short selling bans by Austrian FMA, Belgian FSMA, French
AMF, Greek HCMC and Spanish CNMV », 15 avril 2020.
50 119 AEMF, « ESMA requires net short position holders to report positions of 0.1% and above », 16 mars 2020.
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ires et COVID
2.2. Mesures d’aide aux organismes de placement collectif (OPC)

Les chutes particulièrement importantes des cours sur les marchés financiers et
la sérieuse volatilité peuvent impacter lourdement les organismes de placement
collectif (ci-après « OPC ») . Le contexte de crise actuel entraîne des problèmes
de liquidités sur les marchés et les investisseurs sont parfois amenés à solliciter les
remboursements de leurs investissements aux OPC. Afin de pouvoir répondre à
de telles demandes, les OPC doivent liquider des positions dans leur portefeuille
Droit des affa

d’actif pour se procurer les liquidités nécessaires. La crise actuelle implique que
cette liquidation de position se fera soit difficilement soit, si elle a lieu, à un prix peu
intéressant et risque donc préjudicie l’entièreté des investisseurs.

De plus, la crise sanitaire engendre un manque de personnel pour cause de


maladie liée au coronavirus. Enfin, comme décrit supra (cf. III. Droit des sociétés),
les mesures sanitaires imposées rendent difficile la bonne tenue des assemblées
générales des OPC et dès lors l’établissement de leurs comptes annuels.

Le 8 avril 2020, la FSMA a annoncé dans un communiqué de presse qu’elle suivait


attentivement l’évolution de la crise afin d’évaluer l’impact que celle-ci avait sur
le fonctionnement des OPC . La FSMA annonçait être disposée à faire preuve de
souplesse dans l’application concrète des règles. Comme elle l’avait dit dans son
communiqué en matière d’assurance, l’autorité de contrôle a informé les OPC
qu’elle s’abstiendrait d’entreprendre dans les semaines à venir toute initiative qui
aurait pour conséquence d’alourdir le fonctionnement des OPC soumis à son
contrôle.

Dans ce même communiqué, la FSMA rappelle tout de même qu’en vue de


respecter ses obligations internationales, elle se doit de collecter des informations
précises auprès des OPC ou leurs sociétés de gestion ou agents administratifs afin
de contrôler l’évolution de l’actif net et le fonctionnement des OPC.

La FSMA annonçait déjà que des mesures réglementaires étaient en cours


d’élaboration afin d’apporter un soutien au secteur des OPC.

Le gouvernement a en effet adopté le 22 avril 2020 un arrêté royal portant des


mesures particulières visant à protéger les organismes de placement collectif
à nombre variable de parts publics contre les conséquences de l’épidémie de
COVID-19 . Le gouvernement, conscient de l’impact grave qu’a l’épidémie et les
mesures sanitaires sur les OPC a pris des mesures en vue d’assouplir temporairement
les mécanismes prévus par l’arrêté royal du 15 octobre 2018 . En temps normal, la
mobilisation de tels mécanismes n’est possible que si les statuts, le règlement de
gestion et le prospectus des organismes concernés en autorisent l’application, ce
qui est relativement rare.

Les mesures gouvernementales ont pour objectif de permettre aux OPC d’éviter
de vendre des positions dans leur portefeuille d’actif à un prix qui ne répond pas
aux prix du marché et par ce biais, de préserver leur liquidité. Les considérants de
l’arrêté royal du 22 avril 2020 précisent le caractère urgent et temporaire de telles
mesures.

51
-19
ires et COVID
En synthèse, ces mesures sont les suivantes :

- Diminution de la fréquence d’exécution des demandes d’émission ou de rachat


de parts ou des demandes de changement de compartiment, ainsi que de la
fréquence de calcul de la valeur nette d’inventaire (article 1 de l’AR du 22 avril
2020).

Le rapport au Roi de l’arrêté royal précise bien que cette mesure ne requière pas
Droit des affa

de modification du prospectus, du document d’informations-clés ni des statuts ou


du règlement de gestion. Un simple communiqué de presse émanant de l’OPC afin
d’aviser les investisseurs suffit. L’obligation d’exécution des demandes d’émission
ou de rachat de part, ou de changement de compartiment deux fois par mois au
minimum subsiste dans le chef de l’OPC.

Cet assouplissement est temporaire et la possibilité d’y avoir recours n’est donnée
qu’aux OPC qui, par le manque de personnel pour cause de maladie en raison de
l’épidémie, ne peuvent pas réaliser en bonne et due forme le calcul de la valeur
nette d’inventaire (VNI).

L’alinéa 3 de l’article 1er dispose que l’OPC qui a recours à cette diminution doit
publier « la nouvelle fréquence d’exécution sur son site internet ou celui de la
société de gestion et dans deux quotidiens à diffusion nationale ou à tirage
suffisant, ou par tout autre moyen de communication équivalent approuvé par la
FSMA ».

Cette mesure est limitée rationae temporis jusqu’au 31 juillet 2020.

- Utilisation d’instruments de liquidités pour les OPC répondant aux conditions de


la directive 2009/65/CE (OPC en valeurs mobilières) (Article 2 de l’AR du 22 avril
2020)

Depuis l’arrêté royal du 15 octobre 2018, il existe un certain nombre de mécanismes


entre les mains des OPC à nombre variable de parts permettant d’assurer une
liquidité (le Swing Picing120, le anti-dilution levy121 et les redemption gates122).

En temps normal, le recours à de tels mécanismes doit être expressément prévu


dans le prospectus, les statuts et/ou le règlement de gestions ce qui, comme nous
le disions, est rarement le cas. L’arrêté royal du 22 avril 2020 rend cette obligation
inapplicable.

120 Défini par le rapport au Roi comme étant : « un mécanisme qui vise à éliminer l’impact négatif sur la valeur
nette d’inventaire d’un organisme de placement collectif ou d’un de ses compartiments, causé par les
entrées et sorties de participants. Si les entrées ou sorties nettes dépassent un certain niveau (le seuil), la
valeur nette d’inventaire sera ajustée à la hausse ou à la baisse à l’aide d’un pourcentage déterminé (le
`swing factor’). Dans les deux cas, les participants existants sont protégés contre les frais entraînés par les
entrées et sorties ».
121 Défini par le rapport au Roi comme étant : « (…) un mécanisme qui vise à éliminer l’impact négatif sur la
valeur nette d’inventaire, causé par les entrées et sorties de participants. Si les entrées ou sorties nettes
dépassent un certain seuil, l’organisme de placement collectif peut décider d’imposer un coût
supplémentaire aux investisseurs entrants et sortants ».
122 Définis par le rapport au Roi comme permettant à l’OPC de « n’exécuter que partiellement les ordres des
participants sortants si un seuil déterminé au préalable est dépassé. Etant donné que les ordres sont
exécutés partiellement, le calcul de la valeur nette d’inventaire lui-même n’est pas suspendu. L’organisme de
placement collectif dispose dès lors de davantage de temps en cas d’importantes sorties pour valoriser les
52 actifs sous-jacents sur le marché ».
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ires et COVID
Le récent arrêté royal permet aux OPC de se contenter d’informer les investisseurs
du recours à ces mécanismes par le biais d’un avis publié sur leur site internet ou
celui de la société de gestion et dans deux quotidiens à diffusion nationale ou à
tirage suffisant ou par tout autre moyen de communication équivalent approuvé
par la FSMA.

Les informations reprises dans cet avis correspondent aux informations qui doivent
figurer dans le prospectus en vertu des règles ordinaires. Cet avis doit être transmis
Droit des affa

préalablement à la FSMA mais sans pour autant faire l’objet de l’approbation de


celle-ci avant publication.

Le rapport au Roi rappelle que ces dispositions ont un caractère strictement


temporaire et qu’en dehors de ces mesures, le régime juridique des OPC reste
inchangé et reste soumis au contrôle de la FSMA.

Cette mesure est également limitée rationae temporis jusqu’au 31 juillet 2020.

- Report de la date de publication des rapports périodiques des OPC (article 3 de


l’AR du 22 avril 2020).

L’arrêté royal prévoit d’accorder un report de dix semaines des publications des
rapports semestriels. Concernant le rapport annuel, la durée du report est égale à
celle du report de l’assemblée générale avec un maximum de dix semaines.

Cette mesure s’applique à tout délai commencé au plus tard le 30 avril 2020.

La FSMA a rappelé aux OPC que si ceux-ci éprouvaient de véritables difficultés


fonctionnelles (continuité, liquidité, etc.) malgré ces mesures de soutien
gouvernementales, il y avait lieu de l’en informer immédiatement.

53
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ires et COVID
3. ASSURANCE
Par Victor Ouchinsky

3.1. Flexibilité envers les entreprises d’assurance et de réassurance

Le 17 mars 2020, l’Autorité européenne de Surveillance des Assurances et des


Pensions Professionnelles (AEAPP) faisait une première déclaration concernant les
différentes actions à prendre afin d’atténuer l’impact de la crise du Covid19 sur le
Droit des affa

secteur de l’assurance123.

Le 20 mars 2020, l’autorité européenne a publié ses recommandations en termes


de flexibilité à accorder aux entreprises d’assurance et de réassurance afin d’offrir
un soulagement opérationnel et soutenir la continuité des activités.

Ces mesures concernent essentiellement le report de la transmission du rapport


annuel Solvabilité II, certaines spécifications concernant le reporting trimestriel
Solvabilité II et le rapport sur la solvabilité et la situation financière (SFCR).

Afin de mettre en œuvre de telles recommandations, la BNB a adressé deux


communications124 prévoyant la prolongation des échéances en matière
d’information prudentielle et informations à destination du public. Ces
communications officialisent le report de collecte de certains reportings quantitatifs
et qualitatifs attendus des entreprises d’assurance et de réassurance ainsi que de
certains reportings attendus des commissaires agréés.

La BNB a également reporté la publication des circulaires relatives à la gouvernance


et à l’externalisation du cloud et retardé l’application de la circulaire sur l’impact
de l’impôt différé dans le cadre de la Directive Solvabilité II. Elle suspend son test de
résistance du secteur de l’assurance pour 2020 et limite les audits en se concentrant
particulièrement sur les audits concernant les risques liés aux coronavirus.
Parallèlement, et dans le but de mieux déterminer l’impact qu’a la crise du
coronavirus sur le secteur des assurances, la BNB a mis en place un système de
reporting depuis le 31 mars 2020. Ces rapports permettent de s’assurer de la
solvabilité des assureurs. Les compagnies et groupes de (ré)assurance belges sont
invités à procéder à trois types de reporting  :

- un reporting quantitatif hebdomadaire des données financières clés ;

- un reporting qualitatif hebdomadaire des évolutions des données financières et


des liquidités ; et

- un reporting unique relatif aux intentions de distributions envisagées aux


actionnaires et assurés (dividendes, participations bénéficiaires, ...) et la version la
plus récente des documents de politique interne en la matière.

Concernant ce dernier point, notons encore que l’AEAPP exhorte les assureurs
et réassureurs à suspendre toute distribution de dividende ou rachat d’actions

123 AEAPP, « Statement on actions to mitigate the impact of Coronavirus/COVID-19 on the EU insurance sector »,
17 mars 2019.
124 BNB, « Communication OneGate concernant le report de certains reportings quantitatifs suite à la
pandémie du Covid-19 », NBB_2020_009, 31 mars 2020 et BNB, « Communication eCorporate concernant le
report de certains reportings qualitatifs et de certains reportings attendus des commissaires agréés suite à la
54 pandémie du Covid-19 », NBB_2020_010, 31 mars 2020.
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ires et COVID
discrétionnaires ayant pour but de rémunérer les actionnaires125. Lui emboîtant
le pas, la BNB a demandé aux (ré)assureurs de suspendre toute distribution de
dividendes au moins jusqu’au 1er octobre 2020. La BNB insiste également pour
que l’ensemble des entreprises et groupes de (ré)assurance belges adoptent une
politique prudente et conservatrice en matière de rémunération variable et de
participation aux bénéfices126. Ces mesures ont pour but de garantir une solvabilité
globale en maintenant les niveaux de fonds propres.
Droit des affa

Dans sa Newsletter du 19 mars 2020, la FSMA a, pour sa part, annoncé qu’elle


s’abstiendrait d’entreprendre toute initiative ayant pour éventuelle conséquence
d’entraver la continuité des activités des intermédiaires d’assurance comme par
exemple des demandes d’informations de grande ampleur127. Elle a tout de même
rappelé que les intermédiaires et prêteurs restaient dans l’obligation de se soumettre
scrupuleusement à l’ensemble des dispositions légales et réglementaires qui leur
était applicable.

Une chose est sûre, les efforts fournis par les différents acteurs de l’économie
afin d’atténuer l’impact de la crise du coronavirus valent également en matière
d’assurance. L’organisation sectorielle, en concertation avec la Banque Nationale,
la FSMA et le gouvernement fédéral, a annoncé qu’elle fera preuve de flexibilité
vis-à-vis du public le plus touché par la crise, à savoir les entreprises à l’arrêt ou
dont l’activité chute fortement et les travailleurs mis au chômage temporaire. Ces
mesures s’inscrivent dans le cadre des travaux de l’Economic Risk Management
Group (ERMG) mis en place par le gouvernement.

3.2. Flexibilité envers les assurés : adaptation et report des primes

Le secteur de l’assurance précise que certaines couvertures d’assurance destinées


aux entreprises telles que les accidents du travail ou encore la responsabilité civile
prévoient une adaptation automatique de la prime en proportion de la réduction
des activités. L’impact de la crise sera dès lors automatiquement pris en compte
lors du paiement de la prime.

Pour les assurances dont l’adaptation n’est pas automatique (l’assurance


incendie par exemple), l’entreprise ayant dû interrompre son activité en raison du
confinement peut bénéficier d’un report de paiement de six mois, et ce, jusqu’au
31 octobre au plus tard.

Les assureurs s’aligneront sur le secteur bancaire en matière de prêts octroyés


aux entreprises et prévoient donc un report des remboursements en capital et
paiement d’intérêts de maximum six mois, et ce, jusqu’au 31 octobre 2020 au plus
tard. Ce report n’est possible qu’aux conditions suivantes :

- l’entreprise doit pouvoir prouver être en difficultés financières en raison de la crise ;

- l’entreprise se situe en Belgique ;

- l’entreprise n’accusait aucun retard de remboursement au 1er février 2020 ; et

- l’entreprise a respecté ses obligations contractuelles relatives au crédit dans les


12 mois précédents le 31 janvier 2020 et ne fait pas l’objet d’une procédure de
restructuration de crédit.

125 AEAPP, « Statement on dividends distribution and variable remuneration policies in the context of COVID-19 »,
2 avril 2020.
126 BNB, « Distributions de dividendes, rémunération variable et participation aux bénéfices dans le cadre de la
pandémie de COVID-19 », Circulaire NBB_2020_012, 7 avril 2020.
127 FSMA,“Newsletter : dispositions particulières aux intermédiaires et aux prêteurs relatives au COVID-19”,
55 19 mars 2020.
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ires et COVID
V. AIDES AUX ENTREPRISES
Par Lucille Bermond et Sandy de Vriendt
Compte tenu de l’impact de la crise sanitaire actuelle sur notre système économique,
le gouvernement fédéral ainsi que les gouvernements des différentes régions ont
pris une série de mesures destinées à aider les entreprises128 qui subissent des
pertes économiques liées à l’épidémie du Covid-19.
Droit des affa

Des décisions ont été prises sur le plan social, fiscal, bancaire mais également
en matière d’assurances. Certaines mesures sont applicables uniquement aux
sociétés, d’autres sont réservées aux indépendants et plusieurs d’entre elles
s’appliquent tant aux entreprises qu’aux indépendants.
Une distinction importante est établie entre les entreprises qui ont été obligées de
fermer par arrêté royal, et celles dont l’activité a été fortement impactée (et qui ont,
le cas échéant, fermé).
Voici les liens permettant de vérifier les entreprises soumises à la fermeture
obligatoire de leur établissement :
- Liste des activités ayant dû fermer :
https://1819.brussels/blog/coronavirus-et-entreprises-les-faq-en-un-coup-
doeil#Commerce
- Liste des activités essentielles et des règles applicables :
Arrêté ministériel du 3 avril 2020 modifiant l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant
des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19:
http://www.ejustice.just.fgov.be/eli/arrete/2020/04/03/2020020705/moniteur
Enfin, voici un schéma récapitulatif des différentes aides auxquelles peuvent
prétendre les entreprises :

128 L’entreprise au sens de l’article I du livre I du CDE désigne toute personne physique qui exerce une activité
professionnelle à titre indépendant (par ex. : une entreprise unipersonnelle, un gérant de société, un artiste),
toute personne morale (toute société, ASBL ou fondation) ainsi que toute autre organisation sans
56 personnalité juridique (par ex. : une société de droit commun).
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ires et COVID
1. LES MESURES SOCIALES

1.1. Les mesures pour les sociétés

1.1.1. Le chômage temporaire

La première mesure du gouvernement concernant les entreprises, ou plutôt les


Droit des affa

employeurs, a été de considérer la crise du coronavirus comme étant un cas de


force majeure.

Dès lors, les employeurs forcés de mettre leurs travailleurs en chômage temporaire
pour des raisons liées au Covid-19 placent ces derniers en « chômage temporaire
pour force majeure ». Cette qualification vaut pour la période allant du 13 mars au
30 juin 2020.

Du 01.02.2020 au 30.06.2020, le travailleur reçoit une allocation correspondant à


70 % de son salaire moyen plafonné (le plafond étant fixé à 2.754,76 € par mois). Le
travailleur mis en chômage temporaire pour force majeure (motif « coronavirus »)
reçoit, en sus de l’allocation de chômage, un supplément de 5,63 € par jour, soit 150
euros par mois, à charge de l’ONEM.

Un précompte professionnel de 26,75 % sera retenu sur cette indemnité.

La perception de ce chômage temporaire pour force majeure dépend de


l’introduction d’une demande via la Déclaration de Risques Sociaux (DRS) scénario
5. Ainsi, une déclaration mensuelle d’heures de chômage temporaire doit être
introduite par les employeurs dès l’instant où l’ensemble des données concernant
le mois en cours sont connues. L’alternance entre jours de chômage et jours de
travail est donc possible.

Les travailleurs mis en chômage temporaire sont dispensés, durant cette période
de crise sanitaire, d’être en possession d’une carte C3.2A et C3.2A-S ou d’être
inscrits dans le livre de validation.

Par ailleurs, outre l’allocation de chômage temporaire, les travailleurs concernés


recevront un supplément de 5,63 € par jour à charge de l’ONEM.

Il est évidemment essentiel d’indiquer dans la demande que le motif du chômage


est le Covid-19.

Pour des informations plus détaillées, nous vous renvoyons aux publications
suivantes :

- Livre blanc Larcier  : Droit social et COVID-19 : Analyse et questions pratiques,


https://www.larcier.com/fr/livre-blanc-droit-social-et-covid-19

- L’ABC COVID-19 et les contrats de travail : leur suspension et leur indemnisation,


D. Castiaux, C. Naud & J. van Drooghenbroeck, https://www.janson.be/fr/
actualites/labc-covid-19-et-les-contrats-de-travail/?lid=614

57
-19
ires et COVID
1.1.2. Les cotisations sociales

(a) Le report

Toutes les sociétés qui ont été contraintes ou ont fait le choix de fermer peuvent
bénéficier d’un report des sommes dues à l’ONSS jusqu’au 15 décembre 2020.
Cela concerne absolument tous les paiements à effectuer depuis le 20 mars 2020
et notamment :- les rectifications de cotisations encore à payer ;
Droit des affa

- les mensualités des plans de paiement amiables en cours ;

- la 3e provision du 1er trimestre (à payer le 05/04/2020) ;

- le solde du 1er trimestre (à payer le 30/04/2020) ;

- l’avis de débit vacances annuelles qui est envoyé aux employeurs à partir du
01/04/2020 et à payer pour le 30/04/2020 ;

- les provisions du 2e trimestre (à payer les 05/05, 05/06 et 05/07/2020) ;

- le solde du 2e trimestre (à payer le 31/07/2020).

Ce report est automatique pour les entreprises qui ont été contraintes d’arrêter
leurs activités à la suite des mesures gouvernementales. Pour vérifier si l’entreprise
est concernée par le report automatique, nous vous renvoyons au lien suivant :

https://www.reportpaiementsonss.be/covid.

Pour les entreprises qui ont dû fermer parce qu’il leur était impossible de respecter
les mesures sanitaires, qui ont décidé de fermer suite à une chute du chiffre
d’affaires, ou dont le chiffre d’affaires a diminué de plus de 65  % par rapport à
l’année précédente129, la demande de report peut être faite, via le secrétariat social
ou via une déclaration sur l’honneur, directement sur le site de la sécurité sociale.

Reprise dans la liste des


Obligation de fermer suite aux Report au
entreprises qui doivent fermer automatique
décisions du gouvernement 15/12/2020
(AR 23.03.2020)

Déclaration sur
Impossibilité de respecter les
l’honneur via le
Décision « facultative » normes sanitaires ou activité/ Report au
secrétariat social ou
de fermer production/fournisseurs à 15/12/2020
en ligne
l’arrêt
(socialsecurity.be)

Déclaration sur
Diminution du CA au 2e tri-
Chute du chiffre d’affaires l’honneur via le
mestre 2020 d’au moins 65 % Report au
secrétariat social ou
par rapport au 2e trimestre 15/12/2020
en ligne
2019 ou au 1er trimestre 2020
(socialsecurity.be)

Possibilité de
Échéance
Pas dans ces situations demander un plan
légale
d’apurement

(b) Les plans d’apurement


58 129 Baisse de 65 % ou plus du CA au 2e trimestre 2020 par rapport au 2e trimestre 2019 ou au 1er trimestre 2020
-19
ires et COVID
Il est possible de demander un plan de paiement amiable à l’ONSS pour les 1er et
2e trimestres de 2020 si les difficultés sont liées à la crise sanitaire actuelle.

Ce plan peut s’étaler au maximum sur 24 mois, dans la mesure où les cotisations
avaient été jusqu’alors payées sans retard. L’ONSS peut en outre exonérer de
majorations, d’indemnités forfaitaires et d’intérêts.

Toutefois, l’obligation d’introduire les déclarations ONSS dans les délais fixés
Droit des affa

demeure d’application.

Enfin, en ce qui concerne le versement à l’ONSS des retenues à la source effectuées


sur les salaires du mois de mars, le gouvernement prévoit un report au 15 juin 2020.

Cette demande peut être introduite par le formulaire disponible sur le site : https://
www.socialsecurity.be/site_fr/employer/applics/paymentplan/index.htm

1.2. Les mesures applicables aux indépendants

1.2.1. Le droit passerelle

Les conditions d’accès à l’indemnité issue de ce droit diffèrent selon que l’arrêt
total ou partiel de l’activité résulte d’une obligation du gouvernement ou d’une
décision propre à l’indépendant.

Au jour de la rédaction du présent chapitre, le droit passerelle est accordé pour les
mois de mars, avril et mai.

(a) L’obligation d’arrêt total/partiel de l’activité

Le droit passerelle s’applique aux indépendants qui, suite aux décisions du


gouvernement, ont dû arrêter totalement ou partiellement leurs activités parce
qu’ils n’exercent pas dans un domaine nécessaire au maintien de la protection
des besoins vitaux de la Nation et des besoins de la population.

Il s’agit donc notamment des commerces et magasins actifs dans le secteur de


l’HORECA, de la culture, du folklore, du sport, etc. (à noter que les coiffeurs ont
également été contraints de cesser totalement leurs activités).

Certains indépendants, notamment dans le secteur de l’HORECA, poursuivent une


activité réduite via des services de livraisons ou de commandes à emporter. Ces
derniers demeurent toutefois dans les conditions d’accès au droit passerelle.

En effet, toute interruption – totale ou partielle – de l’activité, sans exigence


d’une durée minimale, permet aux indépendants qui ont été contraints à cette
interruption d’accéder à l’indemnité prévue par le droit passerelle.

Sont également considérés comme « indépendants » au sens du droit passerelle,


les chefs d’entreprise130, les aidants à titre principal ainsi que les conjoints aidants.

Aussi, compte tenu de la particularité de la crise sanitaire traversée, le gouvernement

130 Le fait que le dirigeant d’entreprise ou administrateur indépendant perçoive encore une rémunération de la
59 société ne l’empêche pas de bénéficier du droit passerelle.
-19
ires et COVID
a décidé de supprimer l’exigence d’ancienneté généralement requise par le droit
passerelle. Dès lors, les nouveaux indépendants, en ce compris ceux qui n’ont
pas encore procédé au paiement de quatre trimestres de cotisations sociales,
pourront bénéficier de l’indemnité.

Les catégories suivantes ont droit à l’indemnité complète dans le cadre du droit
passerelle :
Droit des affa

- les indépendants à titre principal ;

- les primo-starters ;

- les conjoints aidants (affiliés au maxi-statut) ;

- les indépendants à titre complémentaire ou avec assimilation à une activité


complémentaire (art. 37) qui paient au moins la cotisation minimale applicable
aux indépendants à titre principal (745,51 euros par trimestre) sur la base de leur
revenu professionnel imposable net de 2017 ;

- les indépendants qui ont débuté leur activité après le 1er janvier 2019 ;

- les indépendants qui ont encore des cotisations impayées.

En ce qui concerne l’indemnité de remplacement octroyée, celle-ci est de 1.291,69 €


pour les personnes seules et de 1.614,10 € pour celles ayant des personnes à charge.

D’autres indépendants des catégories suivantes peuvent prétendre, à certaines


conditions, au droit passerelle partiel :

- les indépendants à titre complémentaire ou avec assimilation à une activité


complémentaire (art. 37) ;

- les étudiants-indépendants qui cotisent sur base d’un revenu (revenus de


référence 2017 indexés) entre 6.996,59 € et 13.993,77 €131 ;

- les pensionnés avec un revenu d’appoint comme indépendant qui cotisent sur
base d’un revenu supérieur à 6.996,89 € ;

- les plus de 65 ans sans pension.

Ces indépendants qui auront été contraints de fermer leur commerce ou qui
se sont volontairement arrêtés pendant 7 jours consécutifs en raison de la crise
pourront bénéficier d’un droit passerelle partiel.

Ils auront droit à un montant maximum de :

- indépendant avec charge de famille : 807,05 € ;

- indépendant sans charge de famille : 645,85 €.

131 entre 6.649,54€ et 13.299,06 € (si montants non indexés)


60
-19
ires et COVID
S’ils touchent déjà un revenu de remplacement (chômage, pension, autre…), ce
montant sera réduit de sorte que l’addition du revenu de remplacement (brut) et
du droit passerelle ne dépasse pas le plafond de 1614,10 €.

Cette indemnité sera octroyée sur demande auprès de la caisse d’assurance


sociale à laquelle l’indépendant est affilié, et cette demande doit être introduite
avant la fin du 2e trimestre suivant celui au cours duquel il y a eu cessation de
l’activité.
Droit des affa

La perception de l’indemnité issue du droit passerelle est incompatible avec la


perception de toute autre prestation sociale, à l’exception de l’allocation de
chômage temporaire. En cas d’incapacité de travail, il n’est donc pas envisageable
de cumuler cette indemnité avec l’allocation de maladie.

En revanche, le droit passerelle est conciliable avec l’exercice d’une autre activité
professionnelle salariée ou indépendante.

(b) La décision d’arrêt total/partiel de l’activité

Les conditions d’accès au droit passerelle applicables aux indépendants qui ont
décidé d’interrompre – totalement ou partiellement – leurs activités, les conditions
relatives à l’introduction de la demande et à l’absence de cumul avec d’autres
indemnités sont, à une exception près, les mêmes que celles applicables aux
indépendants qui ont été contraints d’arrêter.

L’interruption de l’activité doit évidemment être liée à l’épidémie du Covid-19, que


ce soit en raison d’une chute du chiffre d’affaires ou par mesure de précaution.

La différence réside dans l’exigence de l’interruption totale de l’activité pendant


7 jours consécutifs endéans le mois concerné par la demande. Aucune activité
ne peut être exercée durant 7 jours, à l’exception du traitement des urgences – à
interpréter de façon restrictive – et d’une activité minimale nécessaire à la pérennité
de l’entreprise telle que le traitement des emails et des appels.

L’indépendant se trouvant dans ces conditions percevra les mêmes indemnités


que celles précédemment citées.

1.2.2. Les cotisations sociales

Le gouvernement prévoit trois mesures touchant aux cotisations sociales des


indépendants : le report, la réduction et la dispense.

(a) La demande de report

Les indépendants qui éprouvent des difficultés suite à la crise du coronavirus


peuvent introduire une demande écrite auprès de leur caisse d’assurance sociale
avant le 15 juin 2020 afin d’obtenir le report de paiement des cotisations des 1er et
2e trimestres 2020.

Concrètement, la cotisation du 1er trimestre 2020 devra être payée pour le 31 mars
2021 tandis que la cotisation du 2e trimestre 2020 devra être payée pour le 30 juin
2021. Cette mesure vaut également pour les cotisations de régularisation qui sont
arrivées à échéance le 31 mars 2020.
61
-19
ires et COVID
Ce report de paiement ne fera l’objet d’aucune majoration et n’aura, par ailleurs,
aucune incidence sur les droits de sécurité sociale dans la mesure où les dates de
reports fixées pour le paiement des cotisations en questions sont respectées.

En revanche, la déductibilité de la Pension libre complémentaire est conditionnée


par le paiement de toutes les cotisations sociales pour le 31 décembre 2020 au
plus tard.
Droit des affa

Concernant les dirigeants d’entreprise pour lesquels la société paie leurs


cotisations, le report du paiement aura un impact sur l’imposition des avantages
de toute nature. En effet, ceux-ci ne seront imposés que lors du paiement effectif
des cotisations par l’entreprise en faveur du dirigeant.

(b) La demande de réduction

Si, en raison de la crise sanitaire actuelle, l’indépendant constate que son chiffre
d’affaires va diminuer, il peut solliciter une réduction de ses cotisations sociales
provisoires pour l’année 2020.

Cette demande suppose que le montant des revenus professionnels en question


se trouve en dessous de l’un des seuils légaux. Ces planchers dépendent de la
nature de l’assujettissement et sont consultables auprès des caisses d’assurance
sociale.

Il incombe à l’indépendant d’apporter des éléments de preuve objectifs


concernant la diminution de son revenu. Ces éléments de preuve peuvent résider,
à titre d’exemple, dans des problèmes de santé, la diminution du volume de
l’activité ou encore une tendance générale à la baisse.

(c) La demande de dispense

L’indépendant à titre principal ou le conjoint aidant impacté par la crise sanitaire


peut introduire une demande de dispense de paiement des cotisations pour les
1er et 2e trimestres 2020 auprès de sa caisse d’assurance sociale. Cette dispense
peut également valoir pour les cotisations de régularisation dues pour l’année
2018, qui auraient dû être payées le 31 mars 2020 ou qui restent à payer pour le
30 juin 2020.

Cette dispense n’est envisageable que si l’indépendant qui se trouve dans les
conditions pour obtenir une réduction des cotisations sociales en a fait la demande
au préalable.

La demande de dispense doit être introduite au plus tard le 31 mars 2021 pour les
cotisations du 1er trimestre 2020, et au plus tard le 30 juin 2021 pour les cotisations
du 2e trimestre 2020.

Toutefois, les trimestres pour lesquels la dispense aura été octroyée ne seront pas
pris en compte pour le calcul de la pension. Cette situation peut néanmoins être
régularisée dans les cinq ans, moyennant une prime de rachat, afin de voir ces
trimestres tout de même repris pour la constitution de droits à pension.

62
-19
ires et COVID
2. LES MESURES FISCALES

2.1. La prolongation des délais

Les délais concernant tant l’introduction des déclarations que le paiement des
taxes bénéficient d’une prorogation (pour toutes les déclarations avec une date
limite d’introduction du 16 mars au 30 avril 2020 inclus).
Droit des affa

2.1.1. L’introduction

Concrètement, toutes les déclarations relatives :

- à l’impôt des sociétés, des personnes morales ou des non-résidents – sociétés,


devant être introduites avant le 16 mars 2020, bénéficient d’une prorogation
jusqu’au 30 avril 2020 ;

- à la TVA périodique et au relevé intracommunautaire, devant être introduite pour


le 20 mars et le 20 avril 2020, bénéficient d’une prorogation jusqu’au 6 avril et 5
juin 2020 ;

- à la liste annuelle des clients assujettis, devant être introduites pour le 30 mars
2020, bénéficient d’une prorogation jusqu’au 30 avril 2020.

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ires et COVID
2.1.2. Le paiement

En ce qui concerne le paiement des taxes, la TVA, le précompte professionnel ainsi


que l’impôt des sociétés – IPM, ISoc et INR-soc – bénéficient d’un report automatique
sans amende ni intérêt de retard.

À titre d’exemple, la déclaration mensuelle de TVA relative au mois de mars 2020,


Droit des affa

devant initialement être payée pour le 20 avril 2020, bénéficie d’une prorogation
jusqu’au 20 juillet 2020 ; le paiement du précompte professionnel doit être effectué
pour le 15 juillet 2020.

2.2. La possibilité d’un plan d’apurement

Toutes les entreprises – personne physique ou morale – immatriculées à la BCE,


qui démontrent des difficultés liées à l’épidémie du Covid-19, peuvent solliciter
l’établissement d’un plan d’apurement.

Ce plan d’apurement s’accompagne d’une exonération des intérêts de retard et


d’une remise des amendes pour non-paiement.

Cette possibilité concerne le paiement des précomptes professionnels, de la TVA et


de l’impôts des sociétés (IPM, ISoc et INR-soc).

La demande de plan d’apurement doit être introduite avant le 30 juin 2020 et ne


sera acceptée que sous certaines conditions.

Ainsi, l’établissement d’un plan d’apurement n’est envisageable que si les


déclarations ont toujours été correctement déposées et que la dette ne résulte
pas d’une fraude.

Par ailleurs, les échéances convenues dans le plan d’apurement devront être
scrupuleusement respectées ; à défaut, la mesure de soutien sera retirée. Ainsi, le
contribuable se trouvant dans une situation qui ne lui permettrait pas d’assurer
le respect du plan devra prendre contact, anticipativement, avec l’Administration
afin d’envisager une solution qui ne lui fera pas perdre le bénéfice de la mesure
de soutien en question.
64
-19
ires et COVID
2.3. Le remboursement accéléré du crédit de TVA

Le crédit issu de la déclaration de TVA mensuelle relative aux opérations du mois


de février 2020 pourra être remboursé anticipativement si :

- le délai de dépôt pour la déclaration de février 2020 est fixé au 3 avril 2020 ;

- cette déclaration est déposée via Intervat ;


Droit des affa

- la case «  demande de restitution  » a été cochée lors de l’introduction de la


déclaration.

Il est permis à l’assujetti qui n’aurait pas coché ladite case, de déposer une
déclaration corrigée dans laquelle il modifie cette option, et ce avant le 3 avril 2020.

En outre, les conditions de base quant au remboursement du crédit de TVA


restent d’application. Ainsi, le montant de crédit minimum est de 245 €, toutes les
déclarations relatives à l’année en cours doivent avoir été déposées,l’Administration
doit disposer d’un numéro de compte bancaire pour le remboursement de TVA et
aucune opposition à la restitution ne doit avoir été formulée.

Dans l’hypothèse où toutes les conditions susmentionnées sont respectées, le


remboursement sera exécuté au plus tard le 30 avril 2020 (au lieu du 29 mai).

Précisons que cette mesure ne vaut que pour la TVA du mois de février 2020. Pour la
TVA du mois de mars, le délai d’introduction des déclarations TVA a été reporté au 7
mai 2020.Pour le remboursement d’un crédit relatif au mois de mars, la déclaration
doit être introduite au plus tard le 3 mai 2020 et le remboursement sera effectué
dans le délai normal.

2.4. Les versements anticipés

Le Conseil des ministres a proposé une modification des pourcentages des


versements anticipés d’impôts sur les revenus de la troisième (12.10.2020) et de la
quatrième échéance (21.12.2020) afin que le report des versements anticipés soit
moins préjudiciable.

Cette mesure s’applique aux sociétés et aux travailleurs indépendants ayant des
problèmes de liquidités.

La mesure ne vaut pas pour :

- les sociétés qui:

- effectuent un rachat d’actions propres ou une diminution de leur capital


entre le 12 mars 2020 et le 31 décembre 2020 ;

- paient ou attribuent des dividendes au cours de cette même période.

- les sociétés dont l’exercice comptable est décalé.

- les personnes physiques qui pourraient recevoir plus de bonifications en raison


des versements anticipés.

65
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ires et COVID
Les pourcentages des majorations elles-mêmes et les dates des versements
anticipés restent inchangés.

Impôt des sociétés


Impôt des sociétés
Versements anticipés Impôt des personnes physiques (versement de
(pas de dividende)
dividendes)
VA1 (10.04.2020) 3% 9% 9%
VA2 (10.07.2020) 2,5% 7,5% 7,5%
Droit des affa

VA3 (12.10.2020) 2,25% 6,75% 6%


VA4 (21.12.2020) 1,75% 5,25% 4,5%

2.5. Les frais liés au télétravail132

L’arrêté ministériel portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du


coronavirus impose aux entreprises une série de mesures, dont la première est le
télétravail. Les entreprises sont obligées, quelle que soit leur taille, d’organiser le
télétravail pour toutes les fonctions qui s’y prêtent, sans exception. Les entreprises
des secteurs cruciaux et des services essentiels sont tenues de mettre en œuvre,
dans la mesure du possible, le système du télétravail à domicile.

De ce fait, l’employeur peut mettre le matériel et/ou un abonnement téléphonique


ou internet à disposition de ses travailleurs.

Si le travailleur en fait également une utilisation privée, il sera considéré comme


un avantage de toute nature dans le chef du travailleur et pourra être du montant
suivant :

- PC : 6 EUR/mois ou 72 EUR/an

- Tablette, GSM, smartphone : 3 EUR/mois ou 36 EUR/an

- Abonnement téléphonique : 4 EUR/mois ou 48 EUR/an

- Connexion internet : 5 EUR/mois ou 60 EUR/an

L’employeur peut également intervenir dans les frais du travailleur liés au télétravail
(ex : achat d’un PC et contraction d’un abonnement à internet), ce qui permet à
l’employeur de bénéficier :

- de forfaits avantageux du point de vue des cotisations sociales ;

- de l’octroi de frais propres à l’employeur avantageux sur le plan fiscal.

Le Service des Décisions Anticipées se prononce sur l’acceptabilité fiscale de


l’octroi d’une indemnité aux travailleurs afin de couvrir les frais liés au télétravail.

L’employeur doit respecter les conditions suivantes :

- uniquement valable durant la période de crise liée au coronavirus (sans dates


précises) ;

- même indemnité pour tous les collaborateurs qui sont contraints de faire du
télétravail : max. 126,94 EUR/mois.

66 132 https://www.ruling.be/fr/actualites/demande-teletravail-covid-19
-19
ires et COVID
L’indemnité (jusqu’au montant maximum précité) est alors exonérée de cotisations
sociales et non imposable dans le chef du travailleur.

2.6. Assouplissement des conditions d’exonération des réductions de valeur sur


créances commerciales

La circulaire 2020/C/45 du 23/3/2020 confirme le fait que la crise sanitaire est


une circonstance particulière qui justifie l’exonération des réductions de valeur sur
Droit des affa

créances commerciales pour les entreprises possédant un arriéré de paiement


directement ou indirectement dû aux mesures prises par le gouvernement fédéral.

Afin de pouvoir bénéficier de cet assouplissement, les sociétés devront identifier


tout débiteur présentant des problèmes de solvabilité et en faire mention dans
l’annexe à la déclaration à l’impôt des sociétés (non-résidents) - relevé 204.3.
La perte sur une créance devra toujours être évaluée par débiteur. Néanmoins,
les autorités feront preuve d’une plus grande souplesse lors de l’évaluation des
difficultés de remboursement d’une société débitrice dont le chiffre d’affaires a
diminué considérablement suite aux mesures prises par le gouvernement fédéral.

2.7. Report des dépenses relatives au tax shelter d’œuvres audiovisuelles et arts
de la scène

Dans le cadre de la législation sur les tax shelter, le producteur doit effectuer des
dépenses de production et d’exploitation qualifiantes dans un certain délai.
Ce délai est normalement de 24 mois pour les arts de la scène et l’animation
(audiovisuel) et de 18 mois pour les œuvres audiovisuelles.

Dans le cadre de la crise du coronavirus, ces deux délais sont prolongés de 6 mois :

- 30 mois (24 + 6 mois) pour les arts de la scène + animation (audiovisuel)

- 24 mois (18 + 6 mois) pour les œuvres audiovisuelles

Pour pouvoir profiter de cette mesure, le producteur doit pouvoir prouver qu’il a subi
des dommages directs suite aux mesures prises par les autorités dans le cadre de
la crise du coronavirus et que ces mesures l’empêchent d’effectuer les dépenses
nécessaires dans le délai prévu.

67
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ires et COVID
3. LES MESURES REGIONALES

3.1. Les mesures entreprises par la Région de Bruxelles-Capitale133

3.1.1. Primes de soutien

La Région de Bruxelles-Capitale offre, sous certaines conditions, par unité


Droit des affa

d’établissement active dans cette région, une prime unique de 4.000 € aux
entreprises contraintes de fermer suite aux mesures gouvernementales.

Ce sont les codes NACE TVA qui sont pris en compte. Seules certaines activités
parmi les secteurs suivants donnent droit à la prime :
• commerce
• hébergement
• restauration
• projection de films cinématographiques
• activités des agences de voyage
• services administratifs de bureau et autres activités de soutien aux entreprises
• enseignement de la conduite de véhicules à moteurs
• organisation de jeux de hasard et d’argent
• activités sportives, récréatives et de loisirs
• loueurs de vidéocassettes et de disques vidéos
• carwashs
• librairies
• agences immobilières
• réparation d’ordinateurs et de biens personnels et domestiques
• autres services personnels

Les entreprises sociales d’insertion agréées affectées par les mesures d’urgence
pour limiter la propagation du Covid-19 pourront également bénéficier d’une
prime unique de 4.000€ par unité d’établissement.

Cette prime ne sera allouée, au maximum, qu’à cinq unités d’établissements par
entreprise.

En outre, elle ne concerne que les entreprises qui comptent moins de 50 travailleurs
en équivalents temps plein.

Cette prime de soutien est cumulable avec le droit passerelle car il ne s’agit pas
d’un revenu de remplacement au sens de la sécurité sociale.

L’octroi ou non de ladite prime dépend également du budget alloué par la Région.
Dès lors, une fois le budget épuisé, plus aucune prime ne sera attribuée.

133 Pour plus d’informations : https://1819.brussels/blog/coronavirus-et-entreprises-les-faq-en-un-coup-doeil


68
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ires et COVID
De ce fait, il convient d’introduire la demande de prime dans les plus brefs délais
via le formulaire en ligne de Bruxelles Economie et Emploi (BEE). Ce formulaire doit
être annexé de la dernière déclaration de TVA – trimestrielle ou mensuelle – et
d’une attestation relative aux comptes bancaires de l’entreprise.

Cette demande doit être introduite avant le 18 mai 2020 et le délai de réponse est,
sous réserve de prolongation, de trois mois.
Droit des affa

Par ailleurs, une prime compensatoire d’un montant de 2.000 euros qui s’adresse
«aux entrepreneurs et micro-entreprises (entre 0 et 5 ETP) qui connaissent une
baisse significative d’activité en raison des mesures prises pour lutter contre la
propagation du Covid-19» va être octroyée par la Région ; Sont visés par exemple:
les petits artisans, les chocolatiers, le secteur de la construction. Les modalités de
l’octroi de cette prime compensatoire sont en cours de définition. Le budget total
est de 102 millions d’euros.

3.1.2. Autres mesures (reprises de manière non exhaustive)

Outre cet octroi de prime aux entreprises, la Région de Bruxelles-Capitale a pris


toute une série de mesures énumérées infra de façon non exhaustive.

- Une aide de 3.000 euros sera octroyée à l’ensemble des exploitants de taxis et de
location de voitures avec chauffeurs (annonce du 16 avril 2020).

- Par ailleurs, une prime compensatoire d’un montant de 2.000 sera destinée à
soutenir les entrepreneurs et les micro-entreprises (entre 0 et 5 ETP) qui connaissent
une baisse significative d’activité en raison des mesures prises pour lutter contre la
propagation du Covid-19 (annonce du 16 avril 2020).

- Tous les Bruxellois, sans qu’il ne leur soit nécessaire de prouver une diminution des
revenus suite à la crise du coronavirus, bénéficient d’un délai supplémentaire de
deux mois pour le paiement du précompte immobilier.

Cela signifie qu’à compter de la réception de la demande de paiement, les


Bruxellois qui disposaient d’un délai initial de deux mois, disposent désormais d’un
délai de quatre mois.

- Ensuite, des garanties publiques seront octroyées, via le Fonds bruxellois de


garantie, sur des prêts bancaires pour un total de 20 millions d’euros aux entreprises
touchées. Il s’agit là d’un réel soutien à la trésorerie des entreprises.Aussi, une mission
déléguée chez Finance&Invest.brussels a été créée, comprenant notamment :

- la possibilité d’un prêt à taux réduit aux fournisseurs clés du secteur


HORECA, leur permettant d’offrir un délai de paiement aux établissements
du secteur HORECA ;

- la possibilité d’un prêt à taux réduit pour les établissements HORECA qui
emploient plus de 50 personnes.

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ires et COVID
- Un moratoire, au cas par cas, sur le remboursement en capital des prêts
octroyés par Finance&invest.brussels aux entreprises impactées des
secteurs touchés. Par ailleurs, les dossiers d’aide à l’expansion économique
seront traités de façon accélérée, voire anticipée, pour les secteurs de
l’HORECA, - du tourisme, de l’événementiel et de la culture.

- Quant à la taxe sur les établissements d’hébergement touristique (la


Citytax), elle est suspendue pour le premier semestre 2020.
Droit des affa

- Le Gouvernement bruxellois a décidé de renoncer à la taxe sur l’exploitation des


taxis ou voitures avec chauffeur pour l’année 2020. Les modalités et le délai pour
introduire la demande d’exonération  se trouvent sur le site de Bruxelles
Fiscalité.

- Diverses mesures ont été prises pour venir en aide au secteur de la création
audio-visuelle134.

- La date de l’entrée en vigueur de l’envoi des amendes prévues dans le cadre de


la Zone de basse émission, initialement prévue le 1er avril a été modifiée. Dès lors, les
amendes LEZ sont suspendues jusqu’au 1er jour du mois suivant la fin des mesures
prises par le Gouvernement fédéral dans le cadre de la crise du coronavirus.

- Enfin, plusieurs délais seront prolongés ou assouplies: la taxe de circulation et de


la taxe de mise en circulation, les délais de préavis pour les locataires privés et les
étudiants locataires, la période d’interdiction des coupures de gaz et électricité,
la suspension des délais urbanistiques, enquêtes publique et commissions de
concertation jusqu’au 16 mai 2020 (annonce du 16 avril 2020).

Par ailleurs, plusieurs communes bruxelloises mettent en place des page spécifiques
sur leur site afin d’informer les citoyens et commerçants des mesures mises en
place.

La plupart des communes ont soit suspendu, soit carrément annulé leurs taxes sur
les terrasses, les enseignes, les bureaux, les parkings (parfois), etc., les droits pour les
marchés, les loyers commerciaux, etc. Elles ont créé des groupes whatsapp, envoyé
des courriers avec les mesures, mis en place des numéro d’appel spéciaux, rendu
leurs services du commerce accessible tous les jours en ce compris le weekend,
aidé les pharmacies et d’autres commerces à se munir de vitres en plexiglass,
répertorié les commerces encore ouverts, les take-away, … Certaines envisagent
de compléter la prime régionale avec une prime communale ou des chèques
cadeaux. Il faut pour connaitre les détails de ces aides se rendre directement sur
le site internet de la commune concernée.

134 https://audiovisuel.cfwb.be/actualite/news/nouvelles-mesures-durgence-en-faveur-du-secteur-audiovisuel
70 afin-de-faire-face-a-la-crise-sanitaire/
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ires et COVID
3.2. Les mesures entreprises par la Flandre135

3.2.1. Prime de nuisance

Toutes les entreprises ayant un emplacement physique en Flandre, qui sont dans
l’obligation de fermer suite aux mesures gouvernementales liées au coronavirus,
peuvent solliciter cette prime de nuisance.
Droit des affa

Cette prime unique s’élève à 4.000 € en cas de fermeture totale et à 2.000 € en cas
de fermeture les week-ends.

Si l’entreprise doit maintenir sa fermeture au-delà de 21 jours, une compensation


additionnelle de 160 € par jour sera octroyée, que la fermeture soit totale ou
partielle.

Chaque entreprise peut solliciter une seule prime (quel que soit le nombre d’unités
d’établissement).

Cette demande de prime doit être introduite en ligne avant le 5 mai 2020.

Elle est cumulable avec le droit passerelle car il ne s’agit pas d’un revenu de
remplacement au sens de la sécurité sociale.

3.2.2. Autres mesures (reprises de manière non exhaustive)

Le Gouvernement flamand a accordé une série de mesures complémentaires :

- Une prime de compensation unique de 3.000 € aux entreprises qui constatent


une perte du chiffre d’affaires d’au moins 60 % entre le 15 mars et le 30 avril 2020
en comparaison à la même période de l’année 2019. Cette diminution sera
appréciée pour les nouvelles entreprises au regard du plan financier déposé.

Cette prime est accordée aux personnes morales, en ce compris les ASBL qui
emploient au moins une personne à temps plein, et aux indépendants. En ce
qui concerne les indépendants à titre complémentaire, ceux-ci sont éligibles à la
prime de compensation de 3.000 € s’ils démontrent payer, en raison du montant
de leurs revenus, les mêmes cotisations qu’un indépendant à titre principal. Si tel
n’est pas le cas, une prime de 1.500 € reste envisageable pour les indépendants
complémentaires qui ne travaillent pas plus de 80 % en tant que salariés.

- Le système de garantie de crise existant a été élargi.

En effet, les entreprises et les indépendants flamands peuvent désormais faire


garantir un financement par la Participatie Maatschappij Vlaanderen (PMV).

Il s’agit donc d’une « garantie de crise corona » qui s’ajoute aux garanties existantes
pour les crédits d’investissement et les fonds de roulement.

Cette extension de garantie est destinée à couvrir les dettes non-bancaires


existantes, c’est-à-dire les dettes vis-à-vis des fournisseurs ou encore du personnel,
par exemple. Les entrepreneurs se trouvant dans une telle situation peuvent
contracter un crédit-pont en faisant usage de cette garantie, sous réserve de
démontrer le lien entre le besoin et la crise sanitaire actuelle.

135 Plus d’infos: https://www.pmvz.eu/corona-uitbreiding


71
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ires et COVID
La demande doit être introduite auprès d’une banque ou d’une société de leasing
et cela jusqu’à la fin de l’année.

- Une série de mesures fiscales ont également été prises par le Gouvernement
flamand : le report de la taxe foncière pour les entreprises, le report de quatre mois
de la taxe de circulation annuelle, le report du paiement du précompte immobilier
à l’automne, l’octroi de plans de paiement, etc.

- Un assouplissement des délais VLAIO-subsides a été adopté suite au corona : en


Droit des affa

raison des difficultés économiques causées par le coronavirus, les bénéficiaires


qui - en raison de la crise - ont des difficultés à respecter les délais prévus dans
le cadre d’un des subsides peuvent discuter avec l’Agence de la possibilité de
prolongation de ces délais136.

3.3. Les mesures entreprises par la Wallonie137

3.3.1. Indemnités forfaitaires compensatoires

Une prime unique de 5.000 € par entreprise est accordée, par le Gouvernement
wallon, aux petites/micros entreprises et aux indépendants qui ont dû cesser leurs
activités suite aux décisions du Gouvernement fédéral.

Une prime unique de 2 500 EUR par entreprise est accordée aux entreprises qui
doivent modifier leurs jours de fermeture sans pour autant être fermées toute la
semaine.

Afin de pouvoir bénéficier de cette prime, il faut :

- être une entreprise (petite ou micro-entreprise) ou un indépendant ;

- avoir eu une activité avant le 12 mars 2020 ;

- être contraint de fermer ou totalement à l’arrêt en conséquence des mesures


adoptées par Conseil National de Sécurité ;

- avoir payé des cotisations sociales en 2018 ;

- exercer votre activité en Wallonie, soit à l’adresse du siège de votre entreprise, soit
à l’adresse d’un autre siège d’exploitation de votre entreprise ;

- être actif dans 1 des secteurs définis comme éligibles parce qu’ayant dû fermer
(Code Nace): https://indemnitecovid.wallonie.be/#/pour-qui.
Ces secteurs ont été étendus le 22 avril 2020.

La demande d’indemnité doit être introduite en ligne dans les 60 jours à partir de
la fermeture de l’activité.

136 https://www.vlaio.be/nl/begeleiding-advies/moeilijkhedencoronavirus/specifiekemaatregelen-mbt-het
coronavirus/coronavirus
137 Plus d’infos : https://www.wallonie.be/fr/mesures-decidees-par-le-gouvernement-wallon
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ires et COVID
Elle est également cumulable avec le droit passerelle car il ne s’agit pas d’un
revenu de remplacement au sens de la sécurité sociale.

Par ailleurs, une indemnité compensatoire unique et forfaitaire de 2.500 € pour les
indépendants et entreprises ayant dû interrompre substantiellement leur activité
en mars et en avril 2020 et qui ont bénéficié du droit passerelle complet pour les
mois de mars ou avril est à présent prévue.
Droit des affa

3.3.2. Autres mesures (reprises de manière non exhaustive)

Le Gouvernement wallon prévoit, par ailleurs, de maintenir le financement des


entreprises en rassemblant toutes les forces financières wallonnes, tant sur le plan
financier que fiscal :

(a) Sur le plan financier :

- Dès lors, il a été décidé du report automatique de l’échéance du 31 mars 2020


des prêts actuels auprès du groupe SOWALFIN, de la SOGEPA et de la SRIW. Ce
report est sans frais ni intérêt pour les prêts dont l’encourt est inférieur à 2,5 millions
d’euros.

- Création du prêt ricochet aux indépendants qui ont besoin de trésorerie pour
passer le cap. Prêt de max. 45 000 € à taux favorable et d’une durée max. de 5 ans.
Ce prêt sera pris en charge à 2/3 par les banques et à 1/3 par la SOWALFIN. Celle-
ci garantira 75 % du remboursement.

Attention ! Le prêt ricochet n’est pas cumulable avec l’indemnité forfaitaire.

- La SOWALFIN octroie des garanties, sous certaines conditions, afin de maintenir


ou augmenter la trésorerie des PME. Concrètement, des garanties seront octroyées
à :

- 50 % sur les lignes de crédits existantes accordées par les banques sans
garantie initiale ;

- maximum 75 % sur des majorations de lignes existantes ;

- maximum 75 % sur des nouvelles lignes de crédit à court terme.

- De même, la SOGEPA vient en aide aux entreprises en difficultés en octroyant


notamment des prêts équivalents aux prêts octroyés par les banques afin de
répondre aux besoins de trésorerie des entreprises à très court terme. La SOGEPA
renforce également les garanties publiques des prêts bancaires à hauteur de 75
%. Elle mobilise, de surcroit, une enveloppe de 100 millions d’euros pour compléter
les garanties octroyées automatiquement par la SOWALFIN. Enfin, la SOGEPA offre
un soutien d’urgence aux trésoreries des entreprises, par des prêts de maximum
200.000 €, et cela sans contrepartie privée, avec une franchise de remboursement
de 1 an et avec un taux d’intérêt fixe de 2 %.

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ires et COVID
- La SRIW octroie, quant à elle, des garanties aux sociétés dont les demandes
sont supérieures à 1  million d’euros. Il est proposé, dans le respect du plafond
global de 1.500.000 € d’encours par bénéficiaire, une garantie de 75% octroyée
automatiquement dans deux cas. Le premier réside dans la garantie des lignes
court terme existantes octroyées par les banques sans la garantie de la Région
wallonne. Le second réside, quant à lui, dans la garantie des accroissements de
ligne court terme qui seraient accordés aux entreprises pour les aider à passer
cette période de crise.
Droit des affa

(b) Sur le plan fiscal :

- Précompte immobilier

Les avertissement-extraits de rôle de l’exercice 2020 sont reportés à début août


(concentration des AER de l’année 2020 en août / septembre), ce qui évitera
temporairement une pression financière complémentaire avec les premiers
paiements dus pour fin octobre seulement.

- Droit d’enregistrement (hors actes notariés)

Prolongation du délai d’enregistrement d’une durée maximale de 4 mois.

Prolongation du délai de paiement des droits d’une durée maximale de 4 mois.

- Contentieux

Les délais de réclamation (introduction, recours...) sont gelés.

Les décisions administratives négatives sont gelées. En revanche, toutes les


décisions positives sont appliquées afin de rendre des moyens financiers, aux
personnes physiques et morales, durant la période de crise.

- Recouvrement

Les recouvrements en cours sont assouplis, y compris au niveau des huissiers. Si le


redevable souhaite s’acquitter de sa taxe, les plans de paiement seront facilités
(plan d’apurement jusqu’à minimum 3 mois après la crise).

- Mesures spécifiques

Tous les contrôles physiques (protection des agents) et par correspondances


(inefficaces vu les fermetures massives) sont supprimés.

Les amendes administratives relatives à la taxe kilométrique sont modérées.

La taxe sur les appareils automatiques de divertissement,qui touche particulièrement


l’Horeca, sera réduite de 1/12e par mois ou partie de mois de fermeture obligatoire.

- Revente d’un bien acquis il y a moins de deux ans

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ires et COVID
Suite aux mesures de confinement, de nombreuses personnes risquent de ne pas
pouvoir se rendre auprès de leur notaire afin de passer les actes authentiques de
revente d’un bien acquis il y a moins de 2 ans. Pour rappel, si on revend un bien
dans les 2 ans de la date d’acquisition, on peut bénéficier de la restitution de 3/5
des droits d’enregistrement payés lors de l’acquisition du bien immobilier. Les délais
ont été adaptés pour garantir le bénéfice de cette mesure jusqu’à la fin de la crise.

- Réduction exceptionnelle à 0 % du droit d’enregistrement pour les mandats


Droit des affa

hypothécaires

Pour s’octroyer des garanties complémentaires en ces temps de crise majeure,le secteur
bancaire risquait de recourir à l’activation des mandats sur les crédits hypothécaires
et de prendre ainsi réellement des hypothèques sans que les personnes concernées
ne puissent s’y opposer. Les redevables concernés sont protégés en neutralisant
fiscalement les conséquences d’une telle décision.

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ires et COVID
VI. PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE : MESURES PRISES PAR LES
OFFICES DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Par Charles Bernard
Pour faire face à la crise liée à la pandémie de Covid-19 et tenir compte des
conséquences de cette crise sur les activités économiques des titulaires de
droits de propriété intellectuelle, les offices de propriété intellectuelle ont décidé
Droit des affa

d’adopter des mesures afin d’assurer la continuité de leurs services dans l’intérêt
du public ainsi que des mesures visant à préserver les droits des titulaires de droits
de propriété intellectuelle. Depuis le 16 mars 2020, la plupart des offices de propriété
intellectuelle ont fermé leurs bureaux au public et ont ordonné à leur personnel
de travailler à domicile. La plupart des événements organisés par ces offices sont
annulés et de nombreux délais de procédure ont été prolongés afin d’éviter la
déchéance involontaire de droits de propriété intellectuelle.

Ces mesures ne seront pas toutes notifiées aux utilisateurs individuels des services
de ces offices de propriété intellectuelle. Il est donc important de rester bien
informé. Voici un aperçu des mesures adoptées par certains offices de propriété
intellectuelle.

1. OMPI (ORGANISATION MONDIALE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE)

Bien que ses bureaux soient physiquement fermés pour le personnel non essentiel
et que tous les événements prévus soient reportés ou annulés jusqu’à la fin avril,
l’OMPI poursuit ses activités. L’OMPI encourage vivement les déposants, les titulaires,
leurs agents et les offices de propriété intellectuelle à utiliser les communications
électroniques pour atténuer les effets d’éventuelles perturbations des services
postaux ou de distribution du courrier.

Conformément aux règles de l’OMPI, les délais qui expirent un jour où un office
de propriété intellectuelle n’est pas ouvert au public expirent le premier jour après
la réouverture de cet office. Tous les délais prévus par le système de Madrid qui
concernent cet office de propriété intellectuelle sont également prolongés en
conséquence.

Le non-respect par les utilisateurs du système de Madrid d’un délai pour une
communication adressée à l’OMPI peut être excusé si la communication a été
envoyée dans les cinq jours suivant la reprise des services postaux, de distribution
du courrier ou de communication électronique. Les utilisateurs doivent fournir des
preuves suffisantes (par exemple : une annonce officielle ou un certificat délivré
par un médecin agréé) de la raison pour laquelle ils ne respectent pas le délai.
L’OMPI doit recevoir la communication au plus tard six mois après l’expiration du
délai en question.

Les titulaires ou demandeurs de droits de propriété intellectuelle qui n’ont pas


respecté les délais prescrits pour le traitement des demandes internationales
peuvent demander la poursuite de la procédure sans donner de raison ou fournir
de preuve en soumettant une demande à cet effet à l’OMPI par le biais du
formulaire officiel MM20. La demande doit être présentée dans un délai de deux
mois à compter de la date d’expiration des délais susmentionnés et doit remplir
toutes les conditions requises à cet égard.

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ires et COVID
2. OUEPI (OFFICE DE L’UNION EUROPÉENNE POUR LA PROPRIÉTÉ
INTELLECTUELLE)

À la suite des mesures adoptées par le gouvernement espagnol le 14 mars 2020,


le directeur exécutif de l’OUEPI a autorisé l’activation du protocole de continuité
des activités de l’Office et tout le personnel de l’OUEPI travaille à domicile depuis
le 16 mars 2020.
Droit des affa

Le directeur exécutif de l’OUEPI a adopté une décision n° EX-20-3 prolongeant


les délais expirant entre le 9 mars 2020 et le 30 avril 2020 dans le contexte de
l’épidémie de coronavirus. Cette décision concerne tous les délais de procédure,
qu’ils aient été fixés par l’Office ou qu’ils résultent de règlements.

L’effet de cette prolongation des délais est d’éviter que les délais concernés
n’expirent en fixant une nouvelle date d’expiration applicable à tous, à savoir le 1er
mai 2020. Cet effet est automatique : les utilisateurs ne sont pas tenus d’introduire
une demande auprès de l’Office à cet égard.

3. OEB (OFFICE EUROPÉEN DES BREVETS)

Conformément aux mesures décidées par le gouvernement autrichien, le


personnel du bureau de Vienne de l’OEB a été chargé de travailler à domicile. Le
personnel de tous les autres sites se voit donner les moyens de travailler à domicile
et le travail à domicile est encouragé.

L’OEB a publié un avis pour informer le public que tous les délais expirant à partir
du 15 mars 2020 sont prolongés pour tous les partis et leurs représentants jusqu’au
4 mai 2020.

L’OEB a également décidé de reporter jusqu’à nouvel ordre toutes les procédures
orales dans les procédures d’examen et d’opposition prévues jusqu’au 15 mai
2020, à moins qu’il n’ait déjà été confirmé qu’elles auront lieu par vidéoconférence.

4. OBPI (OFFICE BENELUX DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE)

Le 20 mars 2020, le directeur général de l’OBPI a publié un avis afin d’informer les
détenteurs de droits de propriété intellectuelle de différentes mesures. En ce qui
concerne les délais, l’avis prévoit qu’à partir du 16 mars 2020 et jusqu’à ce qu’il
soit raisonnablement possible pour les professionnels de la propriété intellectuelle
et les entreprises du Benelux de travailler à nouveau normalement, l’OBPI n’inscrira
aucune demande en déchéance et ne retirera aucune procédure parce qu’un
délai donné n’a pas été respecté. Cela s’applique à tous les délais, y compris les
délais pour les procédures d’opposition ou les paiements.

L’OBPI déterminera la date à laquelle il est raisonnable pour les professionnels de


la propriété intellectuelle et autres entreprises du Benelux de pouvoir à nouveau
travailler normalement (la «date BAU») et la communiquera par le biais d’une
nouvelle communication du directeur général. Une période de prolongation d’un
mois à partir de cette date BAU sera accordée pour tous les délais qui ont expiré
entre le 16 mars 2020 et la date BAU, ou pour lesquels les délais sont inférieurs à un
mois à la date BAU.

* *
77 *
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ires et COVID
Les mesures détaillées ci-dessus apportent un soulagement bienvenu aux titulaires
de droits de propriété intellectuelle et à leurs agents dont les activités ont été
affectées par la pandémie de COVID-19 en offrant dans la plupart des cas une
prolongation des délais afin d’éviter une perte involontaire de droits. Toutefois,
l’étendue de ces mesures varie considérablement d’un office à l’autre et dépend
souvent de la nature du délai. Les titulaires de droits de propriété intellectuelle et
leurs agents doivent donc rester très prudents, d’autant plus que ces mesures sont
susceptibles d’être adaptées rapidement en fonction de l’évolution de la situation
Droit des affa

et de la réponse des autorités à cette crise.

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ires et COVID
VII. DROIT DE LA CONCURRENCE
Par Bruno Lebrun et Ulysse Bertouille

Les mesures prises dans le but de ralentir la propagation du Covid-19 ont des
conséquences sur le fonctionnement de l’économie de marché, malmenant
gravement le monde industriel, l’entreprise et ses employés.
Droit des affa

Les gouvernements des États membres de l’Union européenne sont donc amenés
à prendre des mesures de soutien aux entreprises. Nombre de ces mesures
constituent des aides d’État devant faire l’objet d’une autorisation préalable de la
Commission européenne. Vu la violence de la crise pour certaines entreprises, les
règles relatives au contrôle des aides d’État ont été adaptées.
Il en est de même des règles d’antitrust qui connaissent également un
assouplissement pour répondre aux besoins les plus élémentaires de la société .
Une certaine souplesse doit être également observée dans d’autres domaines du
droit de l’Union tels que les règles relatives au marché intérieur et aux investissements
directs étrangers.
Si la majorité des mesures prises pour répondre à la crise du coronavirus a pour
vocation de n’être que temporaire, on ne peut exclure qu’un certain nombre
d’entre elles auront un impact plus durable sur le droit de la concurrence et sur le
droit de l’Union européenne dans son ensemble.

1. RÈGLES RELATIVES AU CONTRÔLE DES AIDES D’ÉTAT

Comme lors de la crise financière de 2008, les règles relatives aux aides d’État ont
fait l’objet d’une adaptation par l’intermédiaire de l’adoption de mesures ad hoc
et temporaires.

La Commission a tout d’abord adopté un encadrement temporaire le 19 mars


2020 en vue de permettre aux États membres de soutenir davantage l’économie Il
( modifié et complété le 3 avril 2020) Cet encadrement a été adopté sur base de
l’article 107 §3(b) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE »)
qui prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché
intérieur « les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie
d’un État membre  ». Cette base juridique permet l’adoption de mesures de
soutien limitées et à court terme pour l’économie dans son ensemble. Le nouvel
encadrement temporaire tel que complété en date du 3 avril 2020 prévoit dix types
d’aides spécifiques pouvant être octroyées par les États membres :

- aides sous forme de subventions directes, d’avantages fiscaux sélectifs et


d’avances remboursables et ce, jusqu’à 800 000 € à une entreprise afin de lui
permettre de faire face à ses besoins de liquidités urgents;

- aides sous forme de garanties sur les prêts contractés par des entreprises auprès
des banques ;

- aides sous forme de prêts publics bonifiés octroyés aux entreprises ;

- aides sous forme de garanties pour les banques qui acheminent les aides d’État
vers l’économie réelle ; et
79
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ires et COVID
- aides sous forme d’assurance-crédit à l’exportation à court terme ;

- soutien à la recherche et au développement (R&D) pour faire face à la crise


sanitaire liée au coronavirus ;

- soutien pour la construction et la mise à niveau d’infrastructures en vue de mettre


au point et tester des produits utiles pour lutter contre l’épidémie du coronavirus
(en ce inclus des vaccins, ventilateurs et vêtements de protection), et ce jusqu’au
Droit des affa

premier déploiement industriel ;

- soutien à la fabrication de produits utiles à la lutte contre le coronavirus sous


la forme de subventions directes, d’avantages fiscaux, d’avances remboursables
et de garanties de couverture de pertes afin de soutenir les investissements
permettant la fabrication rapide de ces produits.

- soutien ciblé sous la forme de reports de paiement des impôts et des taxes et/
ou de suspensions de cotisations de sécurité sociale afin de réduire les contraintes
de liquidité auxquelles les entreprises sont confrontées à cause de la crise du
coronavirus et de protéger les emplois ; et

- soutien ciblé sous la forme de subventions salariales en faveur des salariés.

Depuis son adoption, un grand nombre de régimes d’aides d’État ont été autorisés
par la Commission européenne sur cette base. Cet encadrement temporaire sera
en place, en principe, jusqu’à la fin du mois de décembre 2020.
Une extension supplémentaire de l’encadrement temporaire aux mesures de
recapitalisation des entreprises gravement touchées par la crise du coronavirus
est discutée. Cette extension devrait couvrir la question d’un soutien public à
certaines entreprises sous la forme de fonds propres ou d’instruments de fonds
propres hybrides.

Au-delà du l’encadrement temporaire, la Commission européenne a également


autorisé des régimes d’aides sur base de l’article 107, paragraphe 2, point b),
du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui dispose que
« sont compatibles avec le marché intérieur : (…) les aides destinées à remédier
aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements
extraordinaires (…) ». Bien que cet article impose des conditions plus exigeantes
que l’encadrement temporaire ci-dessus, il permet la compensation de dommages
subis du fait d’évènements extraordinaires par une entreprise ou un secteur
déterminé, et peut potentiellement concerner des sommes bien plus importantes.
Ainsi, le 12 mars 2020, avant même l’adoption de l’encadrement temporaire, la
Commission avait autorisé, dans les 24 heures de la réception de la notification, un
régime d’aide danois de 12 millions d’euros destiné à indemniser les organisateurs
pour les dommages subis à la suite de l’annulation de grands événements publics.
Ce faisant, la Commission reconnaissait la nature extraordinaire de la pandémie
au sens du Traité.

D’autres secteurs lourdement affectés par la pandémie comme le transport aérien,


le tourisme, ou l’horeca seraient davantage protégés par les mesures prises sur le
fondement de l’article 107 §2 (b) que par l’encadrement temporaire.

Finalement, la Commission a modifié la communication relative à l’assurance-crédit


à l’exportation à court terme afin d’augmenter la disponibilité des organismes
publics d’assurance-crédit à l’exportation à court terme fans le contexte de la
80 crise du coronavirus.
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ires et COVID
La Commission européenne a approuvé plusieurs programmes d’aides proposés
par la Belgique :

- le plan de garantie de l’État fédéral à concurrence de 50 milliards d’euros138 ;

- le plan de garantie de la Région flamande à concurrence de 3 milliards d’euros139 ;

- les mesures de support pour les aéroports wallons140 ; et


Droit des affa

- un programme d’aide de 200.000 euros aux secteurs de l’agriculture et de


l’acquaculture dans la Région de Bruxelles Capitale ; et

- un programme d’aide de la Région Bruxelles-Capitale de recherche et


développement (R&D) lié au coronavirus

2. ADAPTATION DES RÈGLES ANTITRUST

La situation actuelle tout à fait extraordinaire mène à un certain assouplissement


des règles de concurrence interdisant les accords restrictifs de concurrence afin de
rencontrer les besoins primaires de la société, en particulier les besoins médicaux
et alimentaires. Il n’en demeure pas moins que les accords passés dans ce cadre
doivent répondre aux conditions de nécessité et de proportionnalité par rapport
à l’objectif poursuivi.

Le 23 mars 2020, le Réseau européen de la concurrence (REC) a publié une


déclaration commune indiquant que les entreprises pourraient être amenées à
coopérer afin de garantir l’approvisionnement et la distribution de produits rares à
tous les consommateurs. Ainsi, le REC déclare qu’il n’interviendra pas « activement
contre les mesures nécessaires et temporaires mises en place pour éviter une
pénurie d’approvisionnement »141. Le REC précise qu’en cas de doute quant à la
compatibilité des initiatives de coopération, les entreprises peuvent s’adresser à
tout moment à la Commission, à l’Autorité de surveillance AELE ou aux autorités
nationales de concurrence. Cette communication est intervenue après la décision
de certains États d’octroyer des exemptions temporaires de l’application des règles
de concurrence.

La Commission européenne a également publié le 8 avril 2020 une communication


sur la mise en place d’un cadre temporaire pour l’appréciation des pratiques
anticoncurrentielles dans les coopérations mises en place entre des entreprises
pour réagir aux situations d’urgence découlant de la pandémie de coronavirus.
La Communication a pour objectif de clarifier les formes de coopération pouvant
être mises en place par les entreprises pour garantir la fourniture et la distribution
en suffisance de produits et de services essentiels dont la disponibilité est limitée
pendant la pandémie du coronavirus, et dès lors, de remédier à cette pénurie.
Cette Communication concerne notamment les médicaments et équipements
médicaux utilisés pour effectuer des test et pour soigner les patients atteints du
coronavirus.

138 https://ec.europa.eu/competition/state_aid/cases1/202015/285506_2147077_16_2.pdf
139 https://ec.europa.eu/competition/state_aid/cases1/202016/285391_2147460_44_2.pdf
140 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_20_645
141 Traduction libre : « (…) the ECN will not actively intervene against necessary and temporary measures put in
81 place in order to avoid a shortage of supply ».
-19
ires et COVID
Elle prévoit également que la Commission est disponible pour fournir des
orientations informelles aux entreprises ou associations d’entreprises afin de
faciliter les initiatives qui doivent être mises en œuvre sans tarder pour lutter
efficacement contre la pandémie du coronavirus. A titre exceptionnel, et si elle le
juge opportun, la Commission peut décider de fournir ces orientations au moyen
d’une lettre administrative de «  compatibilité  » spécialement prévue à cet effet
(« comfort letter »).
Droit des affa

La flexibilisation du droit antitrust n’a cependant pas pour effet de suspendre


totalement l’application de ces règles et d’octroyer un blanc-seing aux entreprises.
En ce sens, le Réseau européen  de  la  concurrence (REC) a spécifiquement
déclaré qu’il «  n’hésitera pas à prendre des mesures contre les entreprises qui
tirent profit de la situation actuelle en ayant recours à certaines ententes ou en
abusant de leur position dominante »142. Ainsi, au Royaume-Uni, le CMA a mis en
garde l’industrie pharmaceutique et l’industrie alimentaire contre   «  la pratique
de prix élevés injustifiés pour des produits essentiels ou l’indication d’allégations
trompeuses sur leur efficacité »143.

En pratique, plusieurs autorités de concurrence ont déjà pris des initiatives pour
condamner certains comportements. Par exemple, l’autorité italienne de la
concurrence a lancé deux enquêtes distinctes à l’encontre de Amazon et Ebay
pour augmentations de prix et avis trompeurs de produits tels que les désinfectants
pour les mains, les masques et autres produits sanitaires. En Grèce, la Commission
grecque de la concurrence a ouvert une enquête sur les augmentations de prix
et les restrictions de production de produits sanitaires (notamment les masques,
les gants et les antiseptiques).

Il est attendu des entreprises et consommateurs qu’ils signalent tout comportement


commercial inhabituel qui pourrait révéler des tentatives illicites de tirer profit de
cette crise. En Belgique, l’association de consommateurs, Test Achat, a dénoncé
une augmentation des prix dans les supermarchés.

3. LES CONCENTRATIONS

En terme de procédure, la crise du coronavirus et le confinement ont un impact


direct sur le contrôle de concentration. En effet, les entreprises sont invitées à
reporter tant que possible la notification de leur projet de concentration. Ainsi, le
site de la Commission européenne informe que : « La DG Concurrence a mis en
place un certain nombre de mesures pour assurer la continuité des activités dans
l’application du Règlement de l’UE sur les concentrations. Toutefois, en raison des
complexités et des perturbations causées par le Coronavirus, les entreprises sont
encouragées dans la mesure du possible à reporter les notifications initialement
prévues jusqu’à nouvel ordre »144.

142 Traduction libre : « The European competition authorities will therefore not hesitate to take action against
companies taking advantage of the current situation by cartelizing or abusing their dominant position ».
143 Traduction libre : « charging excessive prices or making misleading claims about their products ».
144 Traduction libre : « DG COMP has put in place a number of measures to ensure business continuity in the
enforcement of the EU Merger Regulation. However, due to the complexities and disruptions caused by the
Coronavirus, companies are encouraged to delay merger notifications originally planned until further notice,
82 where possible ».
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ires et COVID
Ceci s’explique en partie par le fait qu’il serait malaisé pour la Commission de
récolter les informations pertinentes pour analyser lesdites concentrations en
pleine pandémie.

Les difficultés rencontrées par la Commission risquent d’être également ressenties


au niveau national par les États membres qui exercent aussi un contrôle de
concentrations . Ceci est regrettable pour certaines concentrations qui pourraient
être essentielles afin de traverser cette crise. De façon incidente, cet impact de
Droit des affa

la crise sur le contrôle des concentrations pourrait interroger sur le besoin d’un
contrôle systématique a priori de concentrations souvent inoffensives pour le
marché, lorsque ni le régulateur ni les acteurs du marché ne s’en plaignent.

Sur le fond, les critères de l‘analyse en matière de contrôle des concentrations


restent identiques. Ainsi, Margrethe Vestager, Commissaire européenne en charge
de la concurrence, indiquait récemment que l’«exception de l’entreprise défaillante
» continuerait à n’être accueillie que si certaines conditions strictes étaient remplies.
La Commissaire semble indiquer par-là que les fondamentaux de l’analyse du
contrôle des concentrations en période de coronavirus resteront inchangés.

4. NATIONALISATION ET CONTRÔLE DES INVESTISSEMENTS DIRECTS


ÉTRANGERS (IDE)

Le contrôle des investissements étrangers dans l’Union européenne est devenu


un sujet majeur du fait de la crise due au coronavirus et de la vulnérabilité de
certaines entreprises face aux acquisitions d’entreprises étrangères, le cas échéant
bénéficiant elles-mêmes d’un soutien étatique.

La Commission a, par conséquent, publié une Communication le 25 mars 2020145


qui a pour objectif d’éviter que la crise sanitaire actuelle ne provoque une
acquisition massive d’entreprises et d’acteurs industriels en Europe, y compris de
PME par des groupes non ressortissants de l’Union. La Commission y appelle les
États membres à utiliser tous les outils disponibles à l’échelle de l’Union et au
niveau national afin d’éviter que la crise actuelle ne conduise à une perte d‘actifs
et de technologies critiques.

Cette Communication ne porte pas atteinte à la répartition des compétences


entre la Commission et les États membres décrite dans le Règlement 2019/452
établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans
l’Union. Ce dernier précise que les États membres ont le dernier mot pour filtrer les
investissements étrangers sur leur territoire pour des motifs de sécurité ou d’ordre
public.

Il est également intéressant de noter que la Communication anticipe l’application


du Règlement qui ne sera applicable qu’à partir du 11 octobre 2020 vu l’urgence
de la situation causée par la pandémie. La Communication va même plus loin
que le Règlement puisqu’elle couvre également la situation des investissement
étrangers indirects.

145 COMMUNICATION DE LA COMMISSION, Orientations à l’intention des États membres concernant les
investissements directs étrangers et la libre circulation des capitaux provenant de pays tiers ainsi que la
protection des actifs stratégiques européens, dans la perspective de l’application du règlement (UE)
83 2019/452 (règlement sur le filtrage des IDE) (2020/C 99 I/01)
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La Belgique n’a pas de mécanisme de contrôle des investissements étrangers sur
son territoire et se trouve dès lors en difficulté pour effectuer un tel filtrage.

La Commission européenne invite les États membres comme la Belgique «  à


mettre en place un mécanisme complet de filtrage et, dans l’intervalle, à utiliser
toutes les autres options disponibles pour traiter les situations où l’acquisition ou
la prise de contrôle d’une entreprise, d’une infrastructure ou d’une technologie
donnée risque d’engendrer un risque pour la sécurité ou l’ordre public dans l’UE,
Droit des affa

notamment un risque pour les infrastructures sanitaires critiques et la fourniture


d’intrants essentiels. ».

La Communication souligne qu’un investissement étranger effectué aujourd’hui


dans un État membre comme la Belgique pourra faire l’objet d’observation et
avis d’autres États membres ou de la Commission européenne, et le cas échéant
être soumis à un contrôle ex-post: « Il est important de garder à l’esprit que si un
investissement étranger n’est pas soumis à un mécanisme de filtrage national,
le règlement prévoit que les États membres et la Commission peuvent formuler
des observations et émettre des avis dans un délai de quinze mois après la
réalisation de l’investissement étranger. Cela peut amener l’État membre dans
lequel l’investissement a eu lieu à adopter des mesures, notamment les mesures
d’atténuation nécessaires. Dans la pratique, un investissement étranger réalisé
aujourd’hui [avril 2020] pourrait faire l’objet d’observations ex post de la part des
États membres ou d’un avis de la Commission à compter du 11 octobre 2020 (date
de la pleine application du règlement) et jusqu’en juillet 2021 (15 mois après la
réalisation de l’investissement). »

La volonté politique de filtrer les investissements étrangers en Europe et de protéger


les entreprises de l’Union européenne contre certains types d’acquisitions qui
seraient jugées préjudiciables, est aujourd’hui clairement exprimée à plusieurs
niveau.

Très tôt dans la crise sanitaire, Bruno Lemaire, le ministre français de l’Économie,
avait déclaré que la France prendrait toutes les mesures nécessaires pour faire
face à cette situation de crise, y compris la nationalisation d’entreprises. Le ministre
allemand des Finances avait également déclaré qu’il n’excluait pas la prise de
mesures semblables. Parallèlement, le gouvernement allemand a annoncé qu’il
exercerait un contrôle strict sur les acquisitions étrangères de sociétés allemandes.

Dans le même sens, Margrethe Vestager indiquait dans une interview au Financial
Times du 12 avril 2020 qu’elle encourageait les États membres à prendre des
participations dans des sociétés européennes, en agissant comme des acteurs de
marché, lorsque cela s’avérait nécessaire pour éviter que les sociétés européennes
ne se fassent racheter à bas prix, pendant la crise du coronavirus, par des sociétés
chinoises qui bénéficient du soutien de leur état.

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5. CONCLUSION

Les interventions de l’État sont au cœur de la gestion de cette crise sanitaire hors
normes. Comme en 2008 lors de crise financière, les règles en matière d’aides
d’État sont modifiées à la hâte, et l’avenir dira si ces modifications ont tiré les
enseignements de la crise précédente. Des interventions trop rapides pourraient
en effet créer des distorsions de concurrence inattendues.
Droit des affa

La surveillance des pratiques du marché est primordiale afin de lutter contre


certaines entreprises qui tenteraient de profiter de la situation pour obtenir de
meilleures conditions commerciales. De manière concomitante, la coopération
entre concurrents peut être nécessaire et justifiée pour répondre aux besoins
essentiels des consommateurs et des citoyens. Il y a donc lieu de trouver un juste
équilibre entre ces différentes pôles.

En matière de contrôle des concentrations, la suspension de fait du contrôle affecte


la réalisation de l’opération souvent indispensable aux parties prenantes pour
faire face à la crise. Le moment est peut-être opportun de remettre en question la
notification systématique ex ante de toute concentration répondant à certaines
conditions de taille.

Enfin, le contrôle sur les investissements étrangers indiquent que l’Union a perdu sa
naïveté face à la globalisation, mais ne se referme pas pour autant.

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