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- juin 2013
I : Droit
Jean De Noël ATEMENGUE : La convention de l’Union africaine sur la
protection et l’assistance aux personnes déplacées : entre droit international
humanitaire et droit des droits de l’Homme 7
Odile TOGOLO : L’excédent budgétaire, un objet juridique oublié 31
Stève Thiery BILOUNGA : La crise de la loi en droit public camerounais 57
Patrick ABANE ENGOLO : La notion de qualité du droit 87
Lionel Pierre GUESSELE ISSEME : L’aménagement juridique de la coopération
décentralisée en droit camerounais 111
Urbain Noël EBANG MVE : Les conditions de l’occupation privative du do-
maine public en droit camerounais 141
Cyrille MONEMBOU : Les paradoxes de la décentralisation camerounaise :
De la décentralisation à la recentralisation 161
Stéphane ESSAGA : La spécificité de la fiscalité pétrolière amont en Afrique 181
II : Science politique
Louis Martin NGONO : L’usage du vocable «frère» par les Chefs d’État
africains : considérations idéologiques et visées pratiques 201
Cyriaque ESSEBA : L’élection présidentielle du 09 octobre 2011 comme in-
dicateur fort du progrès démocratique : une lecture à partir des perspectives
théoriques et conceptuelles de Norbert ELIAS et de Carl SCHMITT 237
Plan
Introduction
I. Les attributs de la norme de qualité
A. La sécurité juridique
1. La prévisibilité et la stabilité
a. La prévisibilité
b. La stabilité
2. La maîtrise de l’inflation normative
a. L’inflation normative et le péril du droit
b. La réalité : l’insuffisance du droit
B. L’effectivité normative
1.Un droit en vigueur
a. L’entrée en vigueur
b. L’implication structurelle
2. « Un droit réel »
a. Le droit évocatoire
b. Le droit obligatoire
II. Les attributs de l’ordre normatif de qualité
A. L’unité de l’ordre normatif
1. L’unité horizontale
a. Relativement au droit « écrit »
b. Relativement au droit jurisprudentiel
2. L’unité verticale
a. L’exigence de conformité
b. L’implication
B. Le cadre organique
1. L’emprise de l’effectivité
a. L’existence au-delà de la norme
b. L’apport à la qualité de l’ordre normatif
2. La garantie organique de l’ordre normatif
a. La garantie juridictionnelle
b. Le contrôle de constitutionnalité
Conclusion
88 Revue africaine de droit et de science politique
3 Par matérialisation, il faut entendre l’opération par laquelle celui qui applique la norme n’est plus
en situation de la compléter, mais plutôt de la concrétiser. C’est le cas du paiement d’un bon du
trésor public. Le caissier qui effectue le paiement ne crée pas le droit car, l’ordre d’émettre le
bon de paiement est le dernier acte créateur de droit qui intervient dans la chaîne de l’application
d’un droit à paiement.
4 KELSEN (H), Théorie pure du droit, op.cit, p.17s. 5
Ibid, p.337.
6 Roman fantastique de J. SWIFT paru en 1726 et intitulé, Les voyages de Gulliver.
La notion de qualité du droit 89
plusieurs. La qualité du droit apparaît tration est moins simpliste pour les
alors comme le critère des critères. lois législatives, les actes réglemen-
De nombreux auteurs, parfois sans taires, ou encore pour ceux de la juri-
expressément le dire, voient la qualité diction.
du droit comme étant une donnée in- La réserve est encore plus forte au
timement liée à l’Etat de droit. C’est vue de manifestations publiques9
ainsi que, prenant appui sur la Consti- tournées contre certaines entreprises
tution espagnole du 27 décembre législatives. La France paraît à plus
1978 qui affirme que cette nation est d’un égard le lieu par excellence de dé-
désireuse « de consolider un Etat de droit ploiement de cette démocratie « de la
qui assurera le règne de la loi en tant qu’ex- rue ». Le contrat premier embauche et
pression de la volonté populaire », le pro- la réforme des retraites y sont notam-
fesseur Francis HAMON analyse que ment passés.
l’Etat de droit est le contraire de son Au Portugal, en Espagne comme
opposé qui est « le pouvoir arbitraire des en Grèce, c’est actuellement la cure
dirigeants et l’absence de garantie des libertés d’austérité que le peuple n’arrive pas à
les plus élémentaires »7. Le rejet de l’arbi- digérer. Au Cameroun, c’est une mo-
traire ainsi soulevé tend à faire du dification constitutionnelle qui, en
droit une émanation (réelle) de la vo- 2008, a provoqué plusieurs manifesta-
lonté du peuple. CARRE De MAL- tions de défiance. Ces quelques exem-
BERG proposait déjà le juste rapport ples se marquent par le fait que les
entre le droit et l’expression des sujets textes pourtant contestés ont bien été
de l’Etat8 ; le premier devant être la validés avec des fortunes diverses10.
transcription de la seconde. L’inter- Faut-il alors jeter l’anathème sur ces
prétation veut alors que le droit de textes contestés. Assurément, la qua-
qualité soit le droit en réponse. La lité du droit n’est pas à mesurer par
qualité du droit est ainsi reconnue rapport à l’unique adhésion populaire.
quand un droit est réellement pris en D’autres critères plus positivistes exis-
conformité à l’expression du peuple tent. Il serait d’ailleurs dangereux de
souverain. Cette assertion est un plus centrer la qualité sur le critère unique
dans les critères devant être pris en d’un droit en réponse (aux revendica-
considération mais, elle n’est pas ab- tions populaires) car les systèmes ju-
solutiste. L’un des problèmes posés ridiques africains constitués d’autorité
est qu’il est difficile de mesurer l’an- dès les indépendances, n’auraient
crage populaire d’une norme. S’il est presque pas cette reconnaissance:
admis que la loi référendaire ne peut celle de la qualité du droit. Évitant de
ne pas être le fait même du peuple (ou systématiser par l’émission de juge-
du moins de la majorité), la démons- ments de valeur, le juriste étudie l’or-
9 Leurs poids est souvent déterminé par le nombre de manifestants, voire la durée et l’étendue
des manifestations.
10 La législation sur le contrat premier embauche a bien été promulguée en France mais n’a à
ce jour pas de réelles concrétisations encore qu’il a valu au premier ministre Raffarin sa
place dans le gouvernement.
90 Revue africaine de droit et de science politique
11 V. CHEVALLIER (J), « Doctrine juridique et science juridique », Droit et société, 50-2002, p.103s
14 HUBEAU (F), « Le principe de la protection de la confiance légitime dans la jurisprudence de la cour de justice
l’une de ses composantes, à savoir la la qualité du droit16. Il est vrai que les
sécurité juridique. La doctrine consi- deux notions renvoient de façon évi-
dère que la qualité du droit est en fait dente au fait de pouvoir se fier à la
l’assemblage d’un certain nombre norme juridique, mais la sécurité juri-
d’attributs de la norme que sont no- dique n’implique pas forcément la
tamment l’intelligibilité, l’accessibilité normativité et ne s’étend à l’ordre
ou encore la normativité15. En réalité, normatif que par une théorisation ex-
cette posture ne relève que d’une ana- cessive. La qualité qui contient bien
lyse des textes. Ces attributs ou cri- ces éléments interpelle également la
tères de la norme s’assemblent pour sphère organique des applicateurs et
que soit constituée l’exigence de qua- des créateurs du droit ; c’est donc elle
lité ; c’est pour cela que ce dernier est qui englobe la sécurité juridique.
le critère des critères de la norme. L’étude du professeur POU-
L’ensemble de ces critères sont repré- GOUE sur la question situe bien la
sentés dans la sécurité juridique (A) sécurité juridique au Cameroun par
d’une part et dans l’exigence de l’ef- possible interprétation des textes17. Ce
fectivité de la norme (B) d’autre part. qui n’est pas probable mais bien réel,
c’est que le juge administratif came-
A. La sécurité juridique rounais a explicitement fait applica-
L’absence de consécration de l’exi- tion de cette exigence dans ses
gence de qualité de la norme en droit décisions18. Il faut intégrer dans la sé-
camerounais ne l’invalide pour autant curité juridique la prévisibilité, la sta-
pas. Il a été exprimé que la qualité du bilité(1), et dans une certaine mesure,
droit, même quand elle n’est pas ex- la maîtrise de l’inflation normative(2).
plicitement formulée, est une donnée 1. La prévisibilité et la stabilité
pour le moins latente du droit. D’ail-
leurs, elle est «ambiante» à l’état de droit Une norme de qualité est celle qui
qui est le nouveau dogme de la consti- fait montre de prévisibilité et de sta-
tution des ordres juridiques. De sur- bilité. Ces deux éléments eux-mêmes
croît, la validité de l’exigence de sont le regroupement d’exigences
qualité de la norme tient aussi au fait dont certaines sont érigées en principe
que ses critères majeurs que sont la sé- général du droit ou en principe de va-
curité juridique et l’effectivité de la leur constitutionnelle.
norme sont bien consacrés en droit
positif camerounais. La sécurité juri- a. La prévisibilité
dique se confond parfois à la La base de la prévisibilité est la res-
confiance légitime et des fois elle est ponsabilité (pour ne pas dire l’obliga-
déterminée comme englobant même tion) de l’organe de création du droit
fédéré du Cameroun Oriental ; CS/CA, jugement n°22 du 25 janvier 1990, Zangué Pius
contre État du Cameroun.
92 Revue africaine de droit et de science politique
19 Infra.
20 CHAMPEIL-DESPLATS (V), « Les nouveaux commandements du contrôle de la production normative
», précité, pp.274-276.
21 FRISON-ROCHE (M-A), BARANES (W), « Le principe constitutionnel de l’accessibilité de la loi
2007, p.41.
25 CFJ/CAY, Arrêt n°90 du 30 septembre 1969, Messomo Atenen Pierre contre Etat fédéral du
Cameroun.
La notion de qualité du droit 93
suprême, chambre administrative, jugement n°29 du 03 mai 1990, Mbarga Symphorien contre Etat du
Cameroun », juridis périodique n°43, 2000, pp.62-68.
27 OGIER-BERNAUD (V), SEVERINO (C), « Droit constitutionnel jurisprudentiel ; panorama
ment, être remis en question par l’autorité a. L’inflation normative et le péril du droit
administrative »31.
De nombreuses études ont été me-
La lecture croisée de ces deux nées pour démontrer qu’il y a explo-
considérants exprime l’exigence de sion de la production normative. A
protection des droits créés, qui ne deux volets, cette inflation est d’une
peuvent être rapportés que dans des part le progressif rallongement des
délais courts. Tout acte juridique de- actes juridiques. Gulliver n’avait il pas
venu définitif n’est plus à la merci des visité un pays heureux où le bonheur
autorités sauf que le législateur utilise venait de l’interdiction constitution-
parfois l’arme de la nullité d’ordre pu- nelle de légiférer par des textes de plus
blic. Des fois aussi, le juge ou l’admi- de vingt-quatre mots. M. KDHIR33
nistration se retrouve en train prenait aussi en exemple le propos de
d’ignorer la limitation qui est celle de l’historien latin TACITE selon lequel
l’intangibilité des actes réputés défini- « la plus mauvaise République est celle qui
tifs. L’exemple le plus parlant dans a le plus de lois ». C’est le second volet
notre contexte est celui du titre fon- de l’inflation normative : celui de
cier, acte de certification officielle de l’émission d’un excès de lois.
la propriété foncière. De nombreuses Au début de la Vème République, le
études relèvent qu’il est, malgré son parlement français émettait en moyenne
caractère intangible source de 80 lois par an. Ce chiffre a grossi pour
constantes annulations pour des mo-
passer à 220 lois en 199134. Aucune
tifs variés32. Le dernier paramètre à
présenter et qui est généralement dé- étude en la matière n’existe au Came-
terminé comme source d’insécurité, roun. Mais à l’observation, il semble que
est l’inflation normative. ce phénomène a également fait son nid
dans notre ordre juridique35. Chacun y
2. La maîtrise de l’inflation normative va de son appellation : inflation norma-
tive, passion de légiférer, surfécondité
La montée de la production nor- normative, prolifération des normes, lo-
mative est indexée comme étant une gorrhée législative, surabondance, pul-
source d’insécurité, et donc, que le lulation… normative.
droit positif ne doit pas être sujet à un
excès de codification ; c’est la mise en Ces termes graves et d’interpréta-
perspective de l’inflation normative tion péjorative pour le droit émis sont
comme mettant en péril la qualité du destinés à faire valoir l’aspect négatif
droit. d’un grossissement de la loi et d’un
35 AKAM AKAM(A), « Libres propos sur l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » », précité, p.39.
La notion de qualité du droit 95
36 CARCASONNE (G), « Libertés : une évolution paradoxale », Pouvoirs 2009/3, n°130, pp.5-
15.
37 Cette règle est l’implication selon laquelle pour les dispositions d’égal niveau, la plus récente
abroge en principe la plus ancienne ; c’est l’un des préceptes du conflit des lois dans le temps.
38 LIENHARD (A), RONDEY (C), « Incidences juridiques et pratiques des codifications à droit
41 Essais sur les lois, éd. Répertoire du notariat de Fresnois, 1979, 299p. 42
Ibid.
96 Revue africaine de droit et de science politique
43 CARBONNIER Jean cité par : MICHEL (J), in « Michel Villey et les idoles », Les petites
affiches, 7 septembre 2001, n°179, p.12. « Dans son beau et célèbre « Flexible droit », le doyen
Carbonnier relevait déjà, à titre de théorème fondamental de la sociologie juridique, cet impérialisme du droit sur le
monde humain : « pour le panjurisme, le droit est indéfiniment expansible, de même qu’il est absolument homogène :
il tend à remplir tout l’univers social sans y laisser aucun vide ».
44 Qui est chacun ? Il s’agit des capacités de quelle nature ? A quoi se mesurent t-elles ? En
quoi cet énoncé permettrait de positivement discriminer ? Voici certaines interpellations
parmi d’autres qui font de cet énoncé d’apparence simple, un réceptacle de la diversité de
compréhensions.
La notion de qualité du droit 97
acte juridique plus ancien regorge éga- de préceptes décoratifs, mais de prin-
lement de ce type de dispositions cipes convocables dans le commerce
comme pour dire que le droit n’a pas juridique ; d’où la nécessité de l’entrée
attendu d’être inflationniste pour de- en vigueur de la norme(1) pour qu’elle
venir complexe. (la norme) puisse constituer un droit
La qualité du droit est un critère réel(2).
qui concerne toutes les règles, de 1. Un droit en vigueur
conduite humaine, positives. Elle
s’étend donc aussi au droit jurispru- La vocation du droit est de régler
dentiel qui doit être formé avec intel- les situations de fait. Pour ce faire, il
ligibilité, et sans complexité. Il doit, doit rentrer dans la vie juridique par
cela est toujours préférable, être pu- son entrée en vigueur. Il est aussi né-
blié45 pour être porté à la connaissance cessaire que les structures en charge
des justiciables. Son accessibilité est de « sa mise en vie » soient existantes
donc souhaitable et l’un de ses fac- et fonctionnelles.
teurs est la simplification du jargon du
juge46. Le droit jurisprudentiel devrait a. L’entrée en vigueur
aussi être stable car, les revirements Deux conceptions classiques ma-
constants peuvent être source d’insé- jeures de l’entrée en vigueur de l’acte
curité juridique47. La qualité de la juridique sont représentées dans ce
norme est donc d’abord constituée cadre. L’une détermine l’acte juridique
par la sécurité juridique qui en pro- comme étant un acte de volonté de
vient. Elle est également faite par l’ef- celui qui l’a produit. L’achèvement du
fectivité normative qui est la stature processus normatif réside alors en
empirique de la règle de droit. l’apposition sur cet acte de la signature
de celui qui en a le pouvoir, et qui par
B. L’effectivité normative là manifeste sa volonté de créer le
La consécration d’un droit pro- droit48. L’autre thèse classique est celle
vient de la nécessité qui l’a justifié, et selon laquelle la publication est le mo-
de la finalité même pour laquelle il y a ment réel de l’entrée en vigueur de la
eu consécration. La normalité est que norme. Elle est fondée sur le fait que
la règle de conduite positive ne doit c’est par la publication que les justicia-
pas être déclarative mais davantage, bles sont informés et qu’ils peuvent
elle doit être opératoire ; c’est-à-dire dès lors régler leur conduite sachant
que ses destinataires doivent pouvoir ce qu’ils encourent : ils consentent
s’en prévaloir. même passivement au droit49. Ces
thèses ont alors pour principale simi-
Un droit de qualité est un droit ef- litude qu’elles identifient des manifes-
fectif : c’est le principe de la normati- tations de volonté (consentement) -
vité qui veut que le droit, pris ici des auteurs pour la première et des
comme la loi, ne soit pas une émission
45 DUNES (A), « La non-publication des décisions de justice », R.I.D.C, 1986, Vol.38, n°2, p.757. 46
KDHIR MONCEF, « Vers la fin de la sécurité juridique en droit français », précité, p.11.
47 Lire, MOLFESSIS(N), Rapport sur les revirements de Jurisprudence, Rapport remis à Guy
50 CS/CA, jugement n°42 du 30 mars 2000, Wabo Rigobert contre État du Cameroun. 51
BINYOUM (J), Droit administratif, cours polycopié, Yaoundé, s-d, p.111.
52 CFJ/CAY, arrêt n°90 du 30 septembre 1969, Messomo Atenen Pierre, op.cit. ; CS/CA,
jugement n°98 du 28 septembre 1983, Ndjoumi Maurice contre État du Cameroun...
53 ONDOA (M) « La constitution duale : Recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au
Cameroun », R.A.S.J 2000, vol 1 n°2, pp20-56.
54 Art 747 de la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale. 55
58 CS/CA, jugement n°68 du 31 mai 1979, Boudombo Moudio contre État du Cameroun : «
qu’au demeurant, l’alinéa 3 de l’article 37 suscité (décret n°74/250 du 3 avril 1974), dispose qu’un arrêté du
ministre chargé de l’administration pénitentiaire précisera les conditions d’application de cet article, notamment en ce
qui concerne la procédure disciplinaire ; qu’il ne résulte pas du dossier que cet arrêté ait été pris ; que la décision attaquée
ne pourrait donc être fondée sur un texte dont l’application est subordonnée à un autre acte, lequel pour le moment est
inexistant ».
59 Pour cette question précisément, six ans après les reformes de 2006, il vient d’être
promulgué le décret créant les tribunaux administratifs dan les régions, ainsi que ceux nommant
les magistrats devant y officier. La mise en marche réelle de ces tribunaux devrait être effective entre
le dernier trimestre 2012 et le premier trimestre 2013.
100 Revue africaine de droit et de science politique
Supra.
62 CHAMPEIL-DESPLATS (V), «Les nouveaux commandements du contrôle de la production législative»,
précité, p.277.
63 Cons. Const., 29 juillet 2004, loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités
venir de l’inexistence d’un texte d’appli- tion que tout est vu «comme si la catégorie
cation qui empêche que le droit crée modale du devoir n’était pas parfaite par elle-
n’ait de dimension empirique. Il reste même et avait besoin du secours de cet élément
que le droit réel est également celui qui complètement étranger de la sanction ! »73. En
est obligatoire. fait la formulation non impérative
n’est pas une donnée fondamentale de
b. Le droit obligatoire l’absence de force de la norme. En
L’effectivité normative est consti- énonçant que le mari de la femme est
tuée par l’entrée en vigueur du droit, le père de l’enfant, cela donne valable-
le fait même qu’il norme, c’est à dire ment le droit à l’épouse de revendi-
qu’il crée des droits et des obligations, quer que le nom de son mari soit
et qu’il soit exécutoire. porté sur l’acte de naissance de l’en-
Certains auteurs se sont attardés fant. Ainsi, le foncteur déontique im-
sur la formulation de la règle de droit pératif et la sanction ne seraient que
pour en déterminer l’attrait obliga- des suppléments au droit évocatoire.
toire. Faisant suite aux travaux de Nécessairement, cette dimension
KELSEN, ils voient dans certains empirique de la norme n’est envisa-
termes de simples habilitations. Il geable que si elle est bien rentrée dans
s’agit souvent de la présence d’expres- la vie juridique et que les structures
sions telles : «peut», «a le droit de» qui qui la garantissent sont existantes et
représenteraient des facultés, des per- fonctionnelles.
missions. Par contre d’autres expres- La norme de qualité l’est parce
sions dont : «doit», «al’obligation qu’elle revêt les attributs que sont la
de»…sont lourdes d’impératifs et ren- sécurité et l’effectivité. La sécurité ju-
dent d’emblée la norme obligatoire. ridique est le côté fiable de la norme
Des réalistes scandinaves à l’exemple tandis que l’effectivité normative cor-
de STRÖMBERG font même une respond davantage à l’édiction de la
distinction entre normes de compé- norme à des fins utiles. Ne pas pou-
tence69 et normes de conduite70, pour voir jouir d’un droit c’est en être privé
révéler que certaines normes sont et le droit ne serait plus régulateur de
d’obligatorieté douteuse71. la conduite humaine. Le principe de
L’obligation est davantage confé- normativité est bien la reconstruction
rée par l’existence de la sanction sui- contemporaine du discours prélimi-
vant la pensée de Kelsen72. A naire sur le projet du code civil de
contresens, en présentant dans une Portalis, qui exprimait la nécessité de
étude cet ensemble de facteurs du ca- la dimension impérative et empirique
ractère contraignant de la norme, le du droit : son effectivité, sans quoi, la
professeur AMSELEK énonce en qualité de la norme et des droits crées
particulier contre l’exigence de sanc- serait mise à mal.
69 « Le président de la république est le chef des armées », « Le parlement vote les lois ». 70 « On
peut, on ne peut pas, on doit… ».
71 STRÖMHOLM (S) et VOGEL (H.H.), Le « réalisme scandinave » dans la philosophie du droit,
73 AMSELEK (P), « Les fonctions normatives ou catégories modales », in l’Architecture du droit, op.cit,
p.63.
102 Revue africaine de droit et de science politique
Pour autant, l’exigence de qualité davantage pour les normes sur leur
n’est pas une donnée unique de la unité (A), avec par extension un cer-
norme prise isolément, elle s’étend à tain nombre d’implications, pour le
l’ordre normatif tout entier avec des cadre organique (B) d’expression des
implications diverses. normes assemblées.
A. L’unité de l’ordre normatif
II. LES ATTRIBUTS DE L’ORDRE
NORMATIF DE QUALITÉ L’ordre normatif étatique est
fondé sur la Constitution77. A part elle
Le droit peut être entendu comme qui est l’unique norme première de
système normatif spécifique74. Il est l’ordre juridique, nombreuses sont les
donc un type propre de régulation de autres qui occupent les divers niveaux
la conduite humaine. La complexité de la pyramide des normes. Cette plé-
de la société fait que la réglementation thore de normes n’est viable que par
juridique est le fait d’ensembles de l’unité qu’elle présente. Il n’est pas in-
droits qui se posent en se superpo- signifiant de dire que l’opposé de l’or-
sant. Rassemblés ils forment un dre est le désordre. Ce dernier serait
ordre : l’ordre juridique. engendré par l’émission de normes
L’imbrication hiérarchisée des désarticulées, contradictoires et donc
normes juridiques constituent donc sources d’insécurité juridique, qui
l’ordre juridique. Une conception ex- n’est plus le fait d’une norme bien
tensive l’entend comme « l’ensemble or- conçu, mais de sa confrontation à
donné et structuré de tous les éléments qui d’autres normes existantes. La qualité
contribuent à la construction du droit » 75. de l’ordre normatif est donc à ce ni-
Cette conception associe ainsi les élé- veau établie par la cohésion et la par-
ments matériels (normes) à ceux or- faite cohabitation entre les droits. Tel
ganiques (structures de création et que s’agencent les normes, l’unité
d’application du droit) pour ainsi faire dont il est question est horizontale(1)
la jonction entre ordre juridique et et verticale(2).
système juridique76. Convenant à la 1. L’unité horizontale
synchronisation des normes et or-
ganes d’un lieu donné, à un moment L’unité du droit s’entrevoit comme
donné, on parle de l’ordre juridique une qualité d’un ordre normatif ab-
camerounais ou encore du droit ca- soute de contradictions entre normes.
merounais. Cet assemblage n’est pas L’harmonie recherchée a souvent été
exempté de l’exigence de qualité sur- abordée à partir de la hiérarchie des
tout par les appréciateurs de l’État de normes, en faisant loi, la conformité
droit. La perspective positiviste de la de la norme inférieure à celle supé-
qualité d’un ordre normatif repose rieure. Or, cette approche fait fi de
74 TROPER (M), « Sur l’usage des concepts juridiques en histoire », Annales ESC, novembre-dé-
cembre 1992, n°6, p.1171.
75 LEBEN (C) « ordre juridique », in Dictionnaire de la culture juridique, (S.dir) ALLAND (D) et
78 La Constitution n’est pas ici citée parce qu’elle est la norme unique placée à la tête de
l’ordre juridique.
79 Supra.
80 Au sein de la catégorie des lois, certains avancent parfois une possible catégorisation entre la loi
ordinaire et la loi référendaire
81 Cf. DUFFAU (J-M), Pouvoir réglementaire autonome et pouvoir réglementaire dérivé, thèse de doctorat,
lité d’un ordre normatif, parce que le vrai que le revirement de jurispru-
droit, vu d’ensemble, est désuni et mal dence est justifié par la nécessité de ne
articulé. Les coups de butoir à l’unité pas appliquer « une interprétation de-
du droit horizontal sont néanmoins venue contestable » a une affaire pen-
cas rares dans la mesure où le droit a dante. Le revirement a pour incon-
réglé lui-même dans sa création sa vénient de porter préjudice à celui qui
propre unité par la règle de l’antério- a engagé une action dans « un contexte
rité. Ainsi, quand un texte ne dispose judiciaire et …en fonction d’une interpréta-
pas expressément qu’il porte abroga- tion qui lui était favorable » 86. Le revire-
tion d’un autre, la contradiction pou- ment serait dans ce cadre source
vant être effective se résout en d’insécurité juridique et de détériora-
principe par l’invalidation du texte ou tion de la confiance en un ordre juri-
de la disposition plus ancienne. Ces dique.
contradictions peuvent également être Ce qui détériore davantage l’unité
perçues au niveau de la jurisprudence. du droit, est dans la juridiction les di-
b. Relativement au droit jurisprudentiel vergences dans le droit jurispruden-
tiel. Rare, ce cas de figure n’est pas
Le juge n’a pas pour vocation pre- inexistant et se pose généralement
mière de faire le droit. Mais l’inflation entre des ordres juridictionnels diffé-
normative évoquée montre bien qu’il rents. Au sein d’un même ordre juri-
y a une insuffisance du droit écrit, et dictionnel, cette hypothèse est plus
cela a des répercussions sur l’activité difficile car, si deux tribunaux admi-
de la juridiction. Cette situation d’in- nistratifs statuent différemment pour
suffisance fait que le juge se retrouve des cas qui auraient dû être solution-
souvent en train d’édicter des règles nés de la même manière, le jeu du
de conduite84, et son œuvre jurispru- double degré, voire même du pourvoi
dentielle la plus prestigieuse reste les peut très bien rétablir le droit et uni-
principes généraux. fier la jurisprudence. Le problème se
Il est question pour la juridiction pose davantage quand il s’agit d’ordres
d’émettre des règles de conduite ré- juridictionnels distincts.
pondant à l’impératif d’unité du droit. Il est possible que deux juridictions
Déjà, la création prétorienne du droit d’ordres différents statuent de ma-
n’est pas sans danger pour la sécurité nière divergente à l’invocation d’un
juridique. L’un des dangers est l’effet même texte. Un exemple illustre en
rétroactif de certaines décisions de droit français, est celui dans lequel le
justice. Cet effet est la règle pour le cas juge judiciaire reconnaissait la supério-
du recours pour excès de pouvoir car, rité du droit international convention-
l’acte annulé est réputé n’être jamais nel sur la loi interne antérieure et
intervenu ; le jugement a donc un postérieure87, tandis que le juge admi-
effet rétroactif. L’autre danger est le nistratif n’acceptait pas la supériorité
revirement jurisprudentiel85. S’il est du traité sur une loi contraire posté-
84 D’AMBRA (D), L’objet de la fonction juridictionnelle : Dire le droit et trancher les litiges, Paris, LGDJ, t236,
1994, 339p.
85 MOULY (C), « Le revirement pour l’avenir », JCP 1994, I, n°3776.
86 CRISTAU (A), « L’exigence de sécurité juridique », recueil Dalloz 2002, chron. p.2816. 87
Idem, p.258s.
93 Ibid., p.274.
94 Ibid., p.360.
106 Revue africaine de droit et de science politique
95 PAPAEFTHYMIOU (S), « De deux choses l’une : cohérence ou contradiction dans la théorie pure du droit »,
in L’architecture du droit, op.cit, p.754.
96 GUASTINI (R), « Jugements de validité », in L’architecture du droit, Ibid, p.454.
97 Le principe veut que le juge administratif se déclare incompétent quand l’acte administratif
dont il lui est demandé d’apprécier la légalité est pris en vertu d’une loi d’où il tire son vice
d’inconstitutionnalité. Aussi, le juge administratif se refuse d’apprécier l’inconstitutionnalité
d’une loi.
98 DUTHEILLET de LAMOTHE (O), « contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité », in
Mélanges en l’honneur de Daniel LABETOULLE, Dalloz 2007, 17p.
99 JEAMMAUD (A), « La règle de droit comme modèle », recueil Dalloz 1990, chron. , p.205.
La notion de qualité du droit 107
100 LASERRE-KIESOW (V), « L’ordre des sources ou le renouvellement des sources du droit », recueil Dalloz
2006, chron., p.2280.
101 V. CAYLA (O), « L’obscure théorie du pouvoir constituant originaire ou l’illusion d’une identité souveraine
Supra.
La notion de qualité du droit 109
au Cameroun. Contribution à l’étude d’un droit fondamental », RASJ, Vol 4, N°1, 2007 PP.169-173
108 HART (H), Le concept du droit, traduction Michel Van de KERCHOVE, Facultés univer-
sitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1976, p.169.
109 VEDEL (G), « Aspects généraux et théoriques », in L’unité du droit, Mélanges en hommage à R.
DRAGO, Economica, 1996, p.8.
110 Cons. Const., décision n°2004-500 DC du 29 juillet 2004, loi relative à l’autonomie financières
des collectivités territoriales, JO, 30 juillet 2004, P13562 ; D.2005, Pan. P.1125.
110 Revue africaine de droit et de science
politique qualité du droit est constituée du mo-
ment où ce droit serait tributaire d’une
Le juge constitutionnel est ainsi un réponse aux exigences socialement
acteur majeur de l’établissement de la exprimées, il devrait être, au regard
qualité du droit. Non seulement, il est des développements, convenu que la
fondé à contrôler les écarts de la pro- qualité du droit ne réside pas (du
duction législative par rapport à la moins uniquement) dans ce qu’il pro-
Constitution, mais en plus, le juge clame, mais aussi dans ce qu’il devient.
constitutionnel, régulateur des pou- La prévisibilité, l’accessibilité, l’effec-
voirs institutionnels, impose à ceux-ci tivité, la normativité, l’unité du droit,
de s’incliner devant la règle de droit. les représentations organiques de
conception et de garantie… sont par-
Conclusion ties intégrantes de la qualité du droit
qui au final est un critère de critères.
La notion de qualité du droit ren- Il reste que certaines branches du
voie à une exigence qui concerne à la droit prêtent à équivoque. C’est le cas
fois la norme prise isolément, et l’en- du droit international dont la primiti-
semble de l’ordre juridique. Aussi vrai vité est souvent démontrée, et ce no-
qu’une norme juridique peut être de tamment à cause de ses manquements
qualité, autant cela peut être déprécié quant à la sécurité juridique et à la
dès qu’elle est mise en contact avec
l’ordre normatif. Le jeu des organes normativité. Néanmoins, la qualité du
n’est pas non plus des moindres dans droit n’est jamais une donnée statique.
cet assemblage. Le fait en est que la Elle évolue avec les sophistications du
jouissance de la prescription positive droit et, assurément, les parcelles du
est fortement liée à leur existence, et droit international déteintes sont,
à la garantie que ces organes de créa- l’évolution le veut, appelées à muer.
tion et d’application du droit y appor-
tent. Même en envisageant que la