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Plan

Introduction

1. L'approche contractuelle de la firme

1.1. La théorie managériale de Berle et Means

1.2. R. COASE et la question de l'existence de la firme

1.3. O. WILLIAMSON et la définition des coûts de transaction

1.4. La théorie des contrats incomplets

2. La théorie des incitations

2.1. La théorie des droits de propriété d’Alchiam et Demsetz

2.2. La théorie de l’agence de Jensen et Meckling

3. Les approches évolutionnistes de la firme

3.1. La théorie évolutionniste de la firme de Nelson et Winter

3.2. L’analyse de la firme d’Aoki

Conclusion

Bibliographie
Introduction
La théorie de l’entreprise est devenue progressivement, depuis les années 1970, un champ
d’étude à part entière de l’économie. Sous l’influence de la théorie des coûts de transaction,
elle a vu les courants se multiplier – qu’ils soient issus de la pensée dominante ou le fruit
d’approches alternatives. Cette école de pensée analyse l’approche économique des
organisations. Elle met au service de l’étude des organisations les outils d’analyse de la
science économique. Deux concepts fondateurs consacrent cette approche de l’école
économique : la théorie de l’agence et la théorie des coûts de transaction. IL a fallu patienter
de longues années avant que l’on considère comme indissociable le domaine de l’économie et
celui de la sociologie, qui ont longtemps évolué de façon autonome. Dans les années 1980, on
assiste à l’émergence de l’école économique au sein de la théorie des organisations. Cette
école économique des organisations analyse les relations entre le marché et la
firme. L’entreprise n’étant pas un acteur unique, il faut l’imaginer comme un nœud de
contrats entre différents partenaires aux intérêts divergents (dirigeants, actionnaires et
créanciers...).

Dans la théorie économique, l’entreprise n’a occupé qu’une place marginale jusqu’à une date
récente. Historiquement, la science économique a toujours eu des difficultés à appréhender les
organisations et a du, pour y parvenir, abandonner progressivement les postulats de
l’économie classique. En effet, la vision de la firme, par exemple dans la théorie de l’équilibre
général en économie, est réduite à peu de choses : elle est assimilé à un agent individuel, sans
prise en considération de son organisation interne, ni de ses ressources propres. Longtemps, la
science économique a considéré l’entreprise comme une boîte noire et n’a disposé pour penser
le comportement des entreprises, que d’un modèle unique : la maximisation des profits, c'est-
à-dire, l’utilisation optimale de capital technique et des hommes pour en tirer le meilleur
bénéfice. Cela correspond au modèle largement répandu dans les manuels d’économie
qualifié d’approche néoclassique. Cependant, un certain nombre de travaux d’économistes
s’accordent à dire que cette approche uniforme ne rend pas compte de conduite
organisationnelles plus complexes.

Cet exposé présente une analyse exhaustive mais très accessible des théories économiques de
l’entreprise, en partant des origines (Knight et Coase notamment) pour aller vers les travaux
les plus récents. Il permet de réfléchir à de nombreuses questions : qu’est-ce qu’une entreprise
? L’entreprise est-elle un « nœud de contrats », une « hiérarchie », un « répertoire de routines
et compétences », une « entité organisationnelle », une « institution » ? Quelle est la
spécificité de l’organisation interne des entreprises ? Comment concevoir et déterminer leurs
frontières ? Quelles sont les caractéristiques de l’entreprise « moderne » ?
1- L'approche contractuelle de la firme
L'approche contractuelle a pour objectif de définir la forme d'organisation la plus efficiente
compte tenu du contexte, en particulier informationnel. Les approches contractuelles
présentées diffèrent en fonction de leur analyse des comportements des agents et de leurs
interactions (rationalité limitée ou parfaite) et en fonction des hypothèses sur l'information
dont les agents disposent (information parfaite ou pas). Mais l'unité entre ces travaux vient
d'une conception commune des rapports économiques : ce sont des rapports contractuels entre
des individus libres. Dans cette perspective, la firme s'analyse comme un système particulier
de relations contractuelles. La firme est un «nœud de contrats» entre individus.

1-1-La théorie de l’entreprise managériale de Berle et Means


Une des premières analyses majeures de l’entreprise moderne réalisée par des économistes est
celle d’Adolf Berle et Gardiner Means qui vont considérer la firme comme un nœud de
contrats. Dès 1932, ils publient un ouvrage remarqué et consacré à l’entreprise moderne et à la
propriété privée. L’idée centrale de l’ouvrage (The Modern Corporation and Private
Proprerty) est que le développement de la société par actions génère la séparation de la
propriété et du contrôle de l’entreprise. Le pouvoir décisionnel passe donc des actionnaires,
propriétaires de l’entreprise, à des managers en charge de sa gestion.

La théorie de l’entreprise de Berle et Means s’articule à partir de l’idée que le comportement


de la firme peut s’analyser en comprenant les rapports entre différents groupes aux intérêts
propres : actionnaires, dirigeants, salariés ou encore fournisseurs de crédit. Suivant Berle et
Means, il est fondamental de chercher à comprendre qui contrôle effectivement l’entreprise et
de quelle manière. Dans leurs travaux précurseurs, sur ce que sera plus tard la théorie de
l’agence et le gouvernement des entreprises, ils montrent que le système de la grande société
par actions et les marchés financiers, jouent un rôle essentiel dans la structuration de la firme.

1.2. R. COASE et la question de l'existence de la firme


A partir des années 1970, le développement de la théorie économique de l’entreprise va
connaître un nouvel élan avec la redécouverte d’un célèbre article de Ronald Coase datant de
1937 : The Nature of the Firm. Dans ses analyses, Coase soulève la question centrale de la
nature de la firme, pourquoi existe-t-elle ? Sa thèse réside dans l’idée que l’entreprise
constitue un mode de coordination économique alternatif au marché. En effet, la coordination
sur le marché des agents est assurée par le système des prix alors que la coordination au sein
d’une organisation s’effectue à partir de la hiérarchie. Le recours à la firme et à la
coordination par la hiérarchie n’est utile parce que la coordination par le marché et les prix
génère des coûts supplémentaires. Ces coûts seront dénommés, plus tardivement, les coûts de
transaction par l’économiste Oliver Williamson(1975). Lorsque ces coûts d’organisation
interne à l’entreprise, la coordination par la hiérarchie organisationnelle s’impose. La pensée
de Ronald Coase attire l’attention sur le fait que marché et firme constituent deux modes de
coordination profondément différents. Ses travaux posent les fondements de la vision
contractuelle de l’entreprise puisqu’il analyse la firme comme un système de relations
contractuelles spécifiques entre agents, un nœud de contrats. Il souligne également, et cela est
essentiel, le fait que l’entreprise se caractérise par l’existence d’un pouvoir d’autorité en tant
que moyen de coordination, la hiérarchie. Finalement, les apports de Coase à l’analyse de la
firme résident dans l’idée qu’il est primordial d’élaborer un système contractuel efficient,
tenant compte des contraintes techniques auxquelles sont soumis les agents ainsi que de la
nature des informations détenues par ceux-ci en vue d’une plus grande convergence d’intérêts.

1.3. O. WILLIAMSON et la définition des coûts de transaction

Les travaux de Williamson se situent explicitement dans le prolongement de ceux de R.


Coase. Ces travaux vont permettre d'expliciter le concept de coût de transaction et préciser
certaines hypothèses-clés pour comprendre en particulier dans quels cas la firme s'impose
comme mode de coordination, c'est-à-dire dans quelles conditions l'intégration d'une activité
dans la firme sera préférée au recours au marché.
Williamson pose deux hypothèses relatives aux comportements des agents.

(1) La rationalité limitée : les agents ont des capacités cognitives limitées. Lorsque
l'environnement est complexe, ils ne peuvent pas envisager tous les événements possibles et
calculer parfaitement les conséquences de leurs décisions.
(2) L'opportunisme des agents : c'est une conséquence de la rationalité limitée. Comme le
contrat ne peut pas prévoir toutes les alternatives possibles, un agent peut être tenté d'adopter
un comportement opportuniste pour favoriser ses intérêts au détriment de ceux des autres.
Rationalité limitée et opportunisme augmentent les coûts de transaction, en particulier de
conception des contrats et de contrôle.

Williamson pose aussi des hypothèses sur les caractéristiques des transactions :

(3) La spécificité des actifs : un actif est dit spécifique s'il nécessite des investissements
spécifiques. Ce sont des investissements durables, effectués pour réaliser une transaction
particulière, et qui ne sont pas redéployables sans coûts vers d'autres usages.
(4) L'incertitude sur les conditions de réalisation de la transaction risque d'augmenter son coût
(incertitude liée à des perturbations exogènes à la transaction par exemple).

(5) La fréquence de la transaction : plus une transaction est répétée, plus les contractants ont
des occasions d'être opportunistes, ce qui augmente d'autant les coûts de transaction.

Compte tenu de ces caractéristiques des comportements et des transactions, il s'agit pour
Williamson de trouver la forme organisationnelle la plus adaptée, au sens où elle limite les
coûts de transaction. Ainsi pour Williamson, la firme est un système contractuel particulier,
un «arrangement institutionnel» caractérisé par un principe hiérarchique qui permet à la
direction de l'entreprise de prendre les décisions en cas d'événements non prévus par les
contrats, et qui permet de limiter les risques liés à l'opportunisme.

L'analyse de Williamson peut être résumée par le schéma suivant :


 

(1) Marché : il correspond à une transaction occasionnelle dont l'objet est parfaitement


délimité et où toutes les éventualités sont prévues (pas d'incertitude). L'identité des parties
importe peu, la relation est impersonnelle.
(2) Contrat avec arbitrage : c'est une relation qui ne peut pas se dérouler sur le marché car elle
se déroule sur le long terme, elle est donc soumise à une incertitude forte. Dans ces
circonstances, les comportements opportunistes sont possibles ainsi que les conflits d'intérêts.
Pour y faire face, ce type de contrat prévoit l'arbitrage d'un tiers.
(3) Contrat bilatéral : il se déroule entre des contractants qui restent autonomes. Exemples :
contrat de sous-traitance, contrat de franchise.
(4) Internalisation : cette relation se distingue de la précédente par le degré d'incertitude, qui
est plus élevé dans un mode de coordination internalisé. Ainsi, la firme est le mode de
coordination le plus adapté lorsque la transaction est répétée, dans un contexte de forte
incertitude et que les actifs mobilisés sont très spécifiques.
1.4. La théorie des contrats incomplets

Comme l'intitulé de cette théorie le laisse entendre, cette approche postule l'incomplétude des
contrats. Un contrat est incomplet quand il n'est pas possible de prévoir et donc d'écrire ce qui
doit se passer dans tous les cas de figure possibles. Les contractants ne peuvent pas dresser la
liste de tous ces cas, ni même tous les imaginer. Quand une circonstance imprévue se produit,
il y a place pour une nouvelle négociation en vue d'interpréter ou de redéfinir les termes du
contrat. C'est cette renégociation qui est le concept central des modèles de contrats
incomplets. Notons que cette hypothèse d'incomplétude des contrats est aussi celle faite par
Williamson, dès qu'il postule la rationalité limitée des agents.
Ce qui distingue néanmoins la théorie des contrats incomplets et celle des coûts de
transaction, ce sont les solutions proposées à cette incomplétude. Pour Williamson, c'est
l'autorité qui donne à son détenteur un pouvoir discrétionnaire, c'est-à-dire le pouvoir de
prendre des décisions dans toutes les situations non prévues par contrat. Pour la théorie des
contrats incomplets, c'est l'affectation de droits de propriété qui donne le droit au propriétaire
de disposer de la ressource en cas d'incertitude.
La théorie des contrats incomplets développée par Grossman, Hart et Moore[12] s'est
présentée dans un premier temps comme un essai de formalisation de l'analyse de l'intégration
verticale de la théorie des coûts de transaction. Mais par la suite, la théorie des contrats
incomplets s'en éloigne en introduisant l'éventualité d'une renégociation des contrats.
Selon la théorie des contrats incomplets (Hart et Moore, 1990), les agents sont dans
l'incapacité de signer des contrats complets du fait de l'imperfection de
l'information (l'information est symétrique mais les agents manquent d'information). Personne
n'est en fait capable de vérifier ex post l'état réel de certaines variables caractéristiques des
relations entre les contractants (en particulier sur l'investissement en capital physique). C'est
la possession des actifs qui va permettre d'exercer sur eux un contrôle ex post.
La question de l'acquisition d'actifs renvoie à la problématique de l'intégration verticale avec
les questions associées : où arrêter l'expansion de la firme ? Quelle est sa taille efficace ? La
réponse consiste à comparer les coûts et avantages de l'intégration. La théorie des contrats
incomplets ne s'intéresse donc pas aux contrats qui lient les différents membres d'une
entreprise mais aux contrats entre clients et fournisseurs. La firme se définit ainsi comme la
collection des actifs non humains détenus par les individus constituant la firme (équipements,
capital...).

2. La théorie des incitations


La firme doit être traitée comme une organisation complexe, réunions d’individus, qui ont des
intérêts et des objectifs personnels différents même s’ils doivent coopérer.
Quelle est la nature des relations qui lient les membres de la firme ?
Quelle est la position des individus et des groupes qui la composent ?
Ces théories ont pour objectif de montrer que l’interaction d’individus libres conduit à un
optimum par le choix des institutions qui assurent l’efficience la plus grande pour un état
donné des techniques et des préférences.

2.1. La théorie des droits de propriété (Demetz, Alchian, Furubotn et Pejovich)

Elle s’est constituée pour montrer la supériorité des systèmes de propriété privée sur
toutes les formes de propriété collective.
La fonction première des droits de propriété privée est de fournir aux individus des incitations
à créer, conserver et valoriser des actifs.
Ainsi Demetz (1967) soutient qu’une fonction primordiale des droits de propriété est de
permettre l’internalisation des externalités : en établissant un droit échangeable, par exemple
un droit à polluer pouvant être acheté ou vendu, c’est-à-dire ayant le caractère de droit de
propriété privée, on internalise un coût ou un bénéfice externe. L’internalisation, permet de
restaurer l’efficacité du marché.

Les théoriciens des droits de propriété ont donc cherché à comprendre le fonctionnement
interne des organisations en s'appuyant sur le concept même de droit de propriété.

Le but poursuivi par cette théorie est de comprendre comment tel ou tel type de droit de
propriété influence tel ou tel type de système économique.
À partir de la séparation traditionnelle des droits de propriété en trois catégories (l’usus qui
constitue le droit d'utiliser un bien ; le fructus qui est relatif au droit d'en percevoir les fruits;
et l’abusus qui correspond au droit de vendre le bien), Furubotn et Pejovich ont proposé une
typologie des grands types de propriété des firmes (« Le gouvernement d’entreprise », F.
Parrat, Dunod). Ainsi :
- Dans l'entreprise capitaliste et entrepreneuriale, l’usus, l’abusus et le fructus sont
regroupés entre les mains d'une même personne : le propriétaire ou l'entrepreneur. Il n'y a
donc pas de séparation entre les fonctions de décisions et les fonctions de propriété. Ce qui
devrait conférer à l'entreprise capitaliste une plus grande efficacité.
En effet, dans les entreprises, la production en équipe pose un problème. Le produit est le
résultat d’un travail collaboratif, d’une coopération entre différents agents sans qu’il soit
possible de mesurer la contribution individuelle de chacun. Cette situation est donc propice
aux comportements de passager clandestin (free rider, aléa moral, « tire au flanc »…).
Alchian et Demetz proposent qu’un agent, le « moniteur » se spécialise dans le contrôle de la
performance des membres de l’équipe. Mais pour inciter cette fois-ci le « moniteur » à veiller
à la meilleure utilisation possible des ressources, il faut lui donner un statut particulier : celui
d’être à la fois l’employeur (observer, contrôler, changer la composition de l’équipe…), le
propriétaire (droit de vendre) et le créancier résiduel qui reçoit le rendement résiduel.
- Dans 1'entreprise managériale (dont l'exemple type est la grande société anonyme au
capital dispersé), les droits de propriété sont en revanche démembrés. Le propriétaire possède
le fructus et l’abusus (il perçoit tout ou partie des dividendes et possède le droit de vendre ses
titres de propriété) alors que le gestionnaire est détenteur de 1'usus du droit de propriété
puisqu'il gère l'entreprise au quotidien. Cette séparation des droits de propriété sur la firme est
supposée engendrer des conflits d'intérêts entre le propriétaire et le manager non propriétaire
car les dirigeants qui ne détiennent qu'une faible part du capital ne cherchent pas forcément à
maximiser la richesse des actionnaires. Si le capital est très dispersé, les dirigeants bénéficient
d'une plus grande indépendance et les capacités de contrôle des actionnaires sont affaiblies.
L'entreprise managériale serait donc moins efficace que la firme capitaliste, puisque la
séparation entre le contrôle et la propriété réduit l’efficacité de la firme car l’objectif des
managers n’est pas la maximisation des profits et ne conduit pas à maximiser la valeur de
marché des actions.
Mais Alchian soutient que l’idée, selon laquelle les managers guidés par leurs propres intérêts
seront conduits à des comportements incompatibles avec les intérêts des actionnaires est
logiquement erronée. Selon lui, les contraintes des marchés (travail, capital…) empêchent les
managers de poursuivre leurs objectifs personnels.
- Dans l'entreprise publique, l’usus est détenu collectivement par l'ensemble des salariés
alors que le fructus et l’abusus sont possédés par l'État ou les pouvoirs publics. Ce type
d'entreprise est donc censé être par nature inefficace. Gomez note ainsi que dans l'entreprise
publique, «les salariés ont tous ensemble intérêt à ce que l'entreprise progresse, mais pris
individuellement, chacun préfère travailler le moins possible» (par rationalité et pas forcément
par paresse car il n'y a pas de lien entre le niveau des rémunérations et l'effort accompli).
- Dans l'entreprise coopérative, la propriété est collective et n'est pas cessible. Dans ces
conditions, il n'y a pas de véritable propriétaire susceptible de s'approprier l'éventuel profit et
donc pas de contrôle efficace sur la gestion. Le fructus appartient collectivement aux salariés
et aux dirigeants, il faut donc s'attendre à une inefficacité structurelle de ce type d'entreprise.

Dans le prolongement de la théorie des droits de propriété, la théorie de l'agence va


s'attacher à mettre en exergue les mécanismes de contrôle qui, dans l'entreprise
managériale, vont permettre de résoudre les conflits d'intérêt entre actionnaires et
managers.
2.2. La théorie de l’agence (Jensen, Meckling)

Le point de départ de la théorie de l'agence est donné par un texte publié en 1976 par
Jensen et Meckling dans le Journal of Financial Economies. Pour ces auteurs, il existe dans
toutes les firmes managériales une divergence d'intérêt potentielle entre les actionnaires et les
managers non propriétaires. Les deux parties étant liées par une relation d'agence.

Pour Jensen et Meckling, «il existe une relation d'agence lorsqu'une personne (le principal)
a recours aux services d'une autre personne (l’agent) en vue d'accomplir en son nom une
tâche quelconque ». Dans le cadre de la relation d'agence actionnaire/dirigeant, le principal
(l'actionnaire) va confier l’usus de son droit de propriété à un agent (le dirigeant), à charge
pour ce dernier de gérer conformément aux intérêts de son principal. Comme le précise la
théorie des contrats, chacune des deux parties a en fait intérêt à participer à l'échange car les
actionnaires ont besoin du capital humain possédé par les dirigeants et ces derniers ont besoin
des capitaux que détiennent les actionnaires.

La théorie de l'agence appréhende l'entreprise comme un véritable nœud de contrats au sein


duquel s'établit l'ensemble des relations entre les différentes parties prenantes (Les
«stakeholders » : parmi lesquels on trouve tous ceux qui ont une créance légitime sur la
firme : actionnaires, dirigeants, cadres et salariés, fournisseurs, clients, banques et autres
prêteurs, collectivités locales, l'État...). Les théoriciens de l'agence focalisent leur attention sur
la relation actionnaires/dirigeants considérée comme source potentielle des conflits d'intérêt
les plus importants. Dans cette acception, chaque entreprise va devoir mettre en place un
système de gouvernement d'entreprise spécifique pour favoriser l'alignement des intérêts des
managers sur ceux des actionnaires. Etant entendu que d'un point de vue théorique, seules les
entreprises qui auront su rendre compatibles les intérêts des actionnaires avec ceux des
managers sont censées survivre sur le long terme. Les autres, moins performantes, étant
amenées à disparaître progressivement. Les théoriciens de l’agence soulignent que lorsqu'un
manager est engagé par un actionnaire (ou un groupe d'actionnaires) pour gérer une
entreprise, il est impossible de prévoir par contrat l'ensemble des événements susceptibles de
se produire dans le futur. Il y a donc incomplétude des contrats.
En outre, le comportement des cocontractants est susceptible de produire les « fameux »
problèmes de sélection adverse et de hasard moral (dissimulation des infos ex-ante,
modification des comportements ex-post)

Les contrats sont donc par nature imparfaits et incomplets. De plus, les actionnaires n'ont pas
toujours la capacité d'évaluer et de contrôler l'action, les résultats et les efforts des dirigeants.
Ils sont même tributaires des dirigeants pour l'obtention des informations clés sur les
performances réalisées par les entreprises.

Mais surtout, les dirigeants, au centre de toutes les relations entre les stakeholders, bénéficient
d'une asymétrie d'information et ont parfois la possibilité de «manipuler» les informations
qu'ils transmettent à leurs actionnaires afin de s'émanciper des contrôles qui pèsent sur eux.
Par exemple, lorsqu’un dirigeant propose à ses actionnaires un projet d'investissement ou une
acquisition, il est particulièrement difficile de savoir par avance si ce projet va se révéler
rentable à moyen ou à long terme. Les actionnaires vont donc devoir faire confiance à leurs
mandataires.

Les théoriciens de l’agence notent également que les intérêts des actionnaires divergent
naturellement car ils n’ont pas la même aversion pour le risque. L’actionnaire détient en effet
le plus souvent des titres de plusieurs sociétés afin de diversifier son portefeuille. Il est donc
en théorie prêt à accepter localement une prise de risque élevée sans mettre en péril tout son
patrimoine. A l’inverse le dirigeant a généralement une propension plus faible à prendre des
risques car il concentre la quasi-intégration de son patrimoine humain, financier et relationnel
dans la même entreprise.
Comment alors construire un système d’incitation et de surveillance qui conduise l’agent à se
comporter comme s’il poursuivait la fonction d’utilité du principal ?
L’entreprise va mettre en place un système d’obligation et de contrôle qui va générer des
dépenses et entraîner des coûts monétaires et non monétaires : les coûts d’agence (ils intègrent
les dépenses de surveillance et d’incitation, les dépenses engagées par l’agent pour prouver sa
fidélité, et la « perte résiduelle » c’est-à-dire l’écart inévitable entre le résultat de l’action de
l’agent et la maximisation du bien être de principal…)
Dans une organisation simple il est plus efficient d’attribuer simultanément la fonction de
gestion et la fonction de contrôle aux mêmes agents, créanciers résiduels (ceux qui ont un
droit sur le revenu net de l’entreprise) car c’est le meilleur moyen de réduire les coûts
d’agence. En revanche dans la firme moderne, les avantages de la spécialisation qui se traduit
par la séparation entre la gestion et le contrôle sont nettement supérieurs aux coûts d’agence
engagés par un grand nombre de créanciers résiduels. La dispersion du capital social réduit la
possibilité et la volonté des actionnaires (trop coûteux) d’intervenir dans les affaires internes
de l’entreprise. En conséquence l’équipe managériale jouit d’une grande liberté et d’un
pouvoir de facto sur le conseil d’administration.
Mais malgré cette altération de la propriété privée (la séparation entre le contrôle et la
propriété) provoquée par le développement des marchés boursiers et la négociabilité des parts
sociales et théorisée par Berle et Means en 1932, la théorie de l'agence considère que des
mécanismes internes et externes vont permettre, quoiqu’il en soit, un alignement des intérêts
du manager sur ceux de l’actionnaire.
Pour les mécanismes disciplinaires internes, il s'agit principalement :
- du droit de vote des actionnaires lors des assemblées générales
- du contrôle du conseil d'administration
- de l’intéressement des dirigeants
3. Les approches évolutionnistes de la firme
Depuis quelques années, les théories de la firme fondées sur les ressources internes et les
compétences se développent.
3.1 La théorie évolutionniste de la firme de Nelson et Winter
La théorie évolutionniste de la firme, développée par Sidney Winter et Richard Nelson en
1985, s'inscrit dans cette perspective. L'école évolutionniste part du principe que le moteur de
l'entreprise n'est pas constitué par le profit mais par sa volonté biologique de survie, comme
tout être vivant dans la théorie darwinienne de l'évolution des espèces.
Il suggère donc d'étudier les mécanismes d'adaptation au milieu des entreprises, leurs
capacités d'innovation, d'apprentissage et d'auto-organisation. La firme évolutionniste est
définie par Winter et Nelson comme un ensemble dynamique de compétences. Les entreprises
se différencient entre elles par la nature de leur savoir-faire qu'elles ont accumulé depuis des
années. Les chercheurs se demandent pourquoi les entreprises diffèrent durablement dans
leurs caractéristiques, leurs comportements et leurs performances. La réponse à cette
problématique va être recherchée dans l'analyse des dynamiques d'accumulation de
connaissances et de compétences spécifiques par les entreprises. La compétence foncière de
l'entreprise est fondée sur des routines, des savoir-faire organisationnels et technologiques
tacites et non transférables en général. Cette approche évolutionniste de l'entreprise se pose
bien en rupture théorique avec les conceptions des économistes précédents. Ces travaux sur la
firme évolutionniste peuvent être complétés par la théorie de l'apprentissage organisationnel
suggéré notamment par G.B Richardson (1972) qui montre dans quelle mesure des
apprentissages collectifs se réalisent et des compétences collectives se constituent dans les
entreprises.
3.2 L'analyse de la firme d'Aoki
Pour terminer, les travaux récents de l'économiste japonais Masahito Aoki (1988) ont
également contribué à élargir la théorie économique de l'entreprise. Aoki part constat que les
entreprises américaines et japonaises fonctionnent différemment. Suivant ses analyses, ce qui
les différencie fondamentalement est la structure des échanges d'information. L'entreprise
américaine se caractérise par une forte spécialisation, un mode hiérarchique et autoritaire de la
répartition des fonctions et des rôles, etc. À l'inverse, l'entreprise japonaise a une division du
travail plus flexible, une coordination basée sur des méthodes incitatives, un plus grand
partage du pouvoir entre les acteurs. À partir de ces observations, Aoki développera l'idée que
l'on peut distinguer deux types de formes fondamentales d'entreprises : la firme hiérarchique
et la firme horizontale. Suivant ses analyses, la firme horizontale est mieux adaptée à
l'environnement contemporain car elle est beaucoup plus flexible et plus propice à
l'innovation. En définitive, la théorie économique de l'entreprise cesse de considérer cette
dernière comme une boîte noire impénétrable et apporte un corpus de connaissances utiles à
une meilleure compréhension du fonctionnement des organisations.
Conclusion
En guise de conclusion, L’approche néo-institutionnelle en économie  est constituée de plusieurs
courants théoriques (théorie des droits de propriété, théorie des coûts  de transaction, théorie de
l’agence, théorie des contrats incomplets, etc.). Globalement, elle vise  à comprendre les institutions
économiques du capitalisme (on parle également d’une « économie organisationnelle ») et leur
fonctionnement. En mobilisant la théorie des coûts de transaction  proposée à l’origine par R. Coase
et celle des contrats, et en empruntant les concepts de coalition et de rationalité limitée introduits
par Barnard et Simon, cette approche propose une explication de l’existence de la firme. Elle
considère l’entreprise comme une structure administrative  permettant, selon un ensemble de
circonstances, d’assurer les transactions économiques à un coût  inférieur à celui du marché, ce qui
justifie son existence. Elle tente ainsi d’expliquer la variété  des formes d’organisation des transactions
à la lumière des coûts de transaction. L’approche néo-  institutionnelle s’intéresse également aux
mécanismes organisationnels internes, comme les systèmes d’incitation et de contrôle.

Bien que les différents courants composant l’économie des organisations se renvoient les uns les
autres et que leur séparation, par exemple entre la théorie des droits de propriété et la théorie
positive de l’agence, ne soit pas nécessairement facile à faire, chacun d’entre eux tend à traiter de
façon préférentielle telle ou telle question que posent l’existence et le fonctionnement de
l’organisation. Dans cet ensemble, et même si son domaine d’application est loin
d’être exclusivement interne, la théorie positive de l’agence entre sans doute davantage dans
l’analyse des mécanismes organisationnels tels que les systèmes de contrôle, d’incitation, ou encore
de mesure de performance. Dans la formulation qu’en proposent M.C. Jensen et W.H. Meckling ,
cette théorie se veut d’application générale c’est-à-dire valable pour toutes les formes d’organisation
(entreprises, coopératives, syndicats, universités, bureaucraties publiques, etc.).

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