Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
ISBN : 9782200623616
SOMMAIRE
CHAPITRE 1 ■ L’opposition entre passé
simple et passé composé en espagnol et
en français ➤ P. 21
Exemple de sujet ➤ P. 45
SOMMAIRE
Introduction p. 21
1 L’opposition entre passé simple et passé composé dans les
grammaires et les rapports de jury p. 22
2 Choisir entre P.P.S. et P.P.C. en espagnol : la question de
la norme p. 30
3 Choisir entre P.S. et P.C. en français : l’ombre de la
circularité p. 33
Conclusion p. 42
Grammaires descriptives :
Grammaires descriptives :
Description du P.P.S. :
1. 3 Rapports de jury
L’approche contrastive est également rare dans les rapports de
jurys de concours 2. À quelques exceptions près, les jurys se
concentrent sur la valeur des temps dans la langue-cible de
l’épreuve concernée : l’espagnol pour le thème, le français pour la
version.
Dans les rapports de thème, les descriptions du P.P.S. et du P.P.C.
s’appuient exclusivement sur l’opposition entre « événement
coupé du présent » et « événement non coupé du présent » (cf.
thèmes CAPES 2004, CAPES 2009, CAPES 2011, CAPES 2014a,
AI 2003, AI 2012, AI 2013, AI 2015, AE 2003, AE 2007, AE
2011, AE 2012, AE 2016) :
Dans cet extrait, le jury choisit le P.S. pour traduire les P.P.S. (1),
(2) et (3). Pour justifier ce choix, il met en avant le registre
soutenu du discours de don Felipe Amor :
3. 2 Discussion
Comme nous l’avons vu tout au long de cette étude, les
descriptions traditionnelles de l’opposition entre P.P.S. et P.P.C.
d’une part, et P.S. et P.C. d’autre part, ne permettent pas de rendre
compte des différences d’emplois en espagnol et en français. Dans
cette dernière partie de notre étude, nous proposons deux pistes de
réflexion pouvant servir de base à l’analyse contrastive de ces
temps dans les deux langues.
Tableau 1. 1 . Synthèse
Glossaire
Énonciation : acte individuel d’utilisation de la langue, qui suppose une situation
d’énonciation (locuteur, interlocuteur, cadre spatio-temporel). Le linguiste E. Benveniste
oppose l’énonciation historique (ou récit) à l’énonciation de discours (ou discours).
L’énonciation historique ne comporte aucune référence à la situation d’énonciation : les
faits semblent se raconter d’eux-mêmes. L’énonciation de discours est au contraire
ancrée dans la situation d’énonciation : un sujet s’énonce comme locuteur et s’adresse à
un destinataire.
Interlinguistique : qui s’établit entre deux ou plusieurs langues.
Marqué / non marqué : dans une opposition entre deux termes, le terme « marqué »
possède une particularité que le terme « non marqué » ne possède pas.
Nivellement supra-régional : atténuation de la variation diatopique.
Orthonymie : une expression est dite « orthonymique » lorsqu’elle est perçue comme la
façon la plus ordinaire, la plus banale, de désigner un référent dans une langue donnée.
Panhispanique : relatif à l’ensemble des peuples de langue espagnole.
Variation diaphasique : variation linguistique selon la situation de communication
(variation de registre et/ou de style).
Variation diatopique : variation linguistique selon la zone géographique.
Bibliographie
BEDEL , J.M. (1997), Grammaire de l’espagnol moderne, PUF, Paris.
BENVENISTE , E. (1966), Problèmes de linguistique générale, I, Gallimard,
Paris.
BOUZET , J. (1958), Grammaire espagnole, Belin, Paris.
CARTAGENA, N . (1999), « Los tiempos compuestos », dans I. Bosque & V.
Demonte (dir.) , Gramática descriptiva de la lengua española, Espasa Calpe,
Madrid.
GARDES-TAMINE, J. (1990), La Grammaire, 2) Syntaxe, Armand Colin, Paris.
GERBOIN, P. & LEROY, C. (1994), Grammaire d’usage de l’espagnol
contemporain, Hachette, Paris.
GREVISSE, M. & GOOSSE, A. (2008), Le bon usage, De Boeck-Duculot,
Bruxelles.
POTTIER, B., DARBORD, B. & CHARAUDEAU, P. (2006), Grammaire explicative
de l’espagnol, Armand Colin, Paris.
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA (1973), Esbozo de una nueva gramática de la
lengua española, Espasa Calpe, Madrid.
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA & ASOCIACIÓN DE ACADEMIAS DE LA LENGUA
ESPAÑOLA (2010), Nueva gramática de la lengua española – Manual, Espasa,
Madrid.
RIEGEL, M., PELLAT, J.C. & RIOUL, R. (1994), Grammaire méthodique du
français, PUF, Paris.
WEINRICH, H. (1973), Le Temps, Éditions du Seuil, Paris.
WILMET, M. (2007), Grammaire critique du français, De Boeck, Bruxelles.
Énoncé
Aunque tiene muchos elementos en común con El
misterio de la cripta embrujada y con su continuación,
El laberinto de las aceitunas, ambos publicados con
anterioridad, Sin noticias de Gurb es sin duda el libro
más excéntrico de cuantos he escrito, probablemente
porque no es en rigor un libro, o no nació con la
voluntad de serlo. Mi amigo Xavier Vidal-Folch,
entonces director en Cataluña del diario El País, solía
proponerme una o dos veces al año que le escribiera
algo para su periódico, a lo que yo sistemáticamente
me negaba, porque siempre he sentido un miedo cerval
ante el elemento más característico del periodismo: el
inapelable plazo de entrega. Escribo con mucha
lentitud y me ha sucedido más de una vez acabar un
libro y volverlo a empezar desde la primera frase
porque no me gustaba el resultado, con el retraso
fácilmente imaginable. Es éste un privilegio al que
siempre me he propuesto no renunciar, pero al que he
renunciado en más de una ocasión, sin que pueda
justificar qué me impulsó a hacerlo; tal vez un
insensato afán de ponerme a prueba. Y siempre que he
obrado así, en contra de mi propio parecer, las
consecuencias han sido peores de lo que yo había
temido. Sea como sea, en una ocasión como tantas
otras, la incitación de Vidal-Folch me encontró mejor
predispuesto, o quizá sin nada entre manos, y le
prometí, como mínimo, pensar en el asunto.
Eduardo Mendoza, Sin noticias de Gurb [nota del
autor], Seix Barral, 1991.
Après avoir rappelé les valeurs et emplois du passé
composé et du passé simple en espagnol et en
français, vous commenterez l’effet produit par l’un
et l’autre dans les séquences « Sin noticias de Gurb
es sin duda el libro más excéntrico de cuantos he
escrito, probablemente porque no es en rigor un
libro, o no nació con la voluntad de serlo » (l. 2-4) et
« Es éste un privilegio al que siempre me he
propuesto no renunciar, pero al que he renunciado
en más de una ocasión, sin que pueda justificar qué
me impulsó a hacerlo » (l. 10-12). Vous justifierez
ensuite la façon dont vous avez traduit ces
occurrences en français.
Proposition de corrigé
[ Identification]
He escrito , me he propuesto et he renunciado sont
conjugués à la première personne du singulier du
passé composé (verbes escribir, proponerse et
renunciar) ; nació et impulsó sont conjugués à la
troisième personne du singulier du passé simple
(verbes nacer et impulsar).
[ Problématique]
Le sujet nous invite à exposer les valeurs et emplois
du passé composé et du passé simple en espagnol et
en français.
[Le passé composé et le passé simple en
espagnol]
En espagnol, le passé composé (« pretérito perfecto
compuesto ») et le passé simple (« pretérito
indefinido », « pretérito perfecto simple ») sont
clairement distingués dans la langue parlée dans la
péninsule et dans la langue littéraire. Indiquant tous
deux une action achevée dans le passé, ils se
différencient dans la façon dont ils représentent la
relation entre cette action et le présent de
l’énonciation :
- La forme composée marque une antériorité à
l’intérieur de la période présente : l’événement
rapporté s’inscrit dans un intervalle ayant débuté à
un moment du passé et se prolongeant jusqu’au
moment de l’énonciation, il appartient à l’actualité
du locuteur.
- La forme simple indique seulement l’antériorité
par rapport au moment de l’énonciation :
l’événement rapporté s’inscrit dans une période
révolue, il est coupé du présent du locuteur.
La distinction entre passé composé et passé simple
se neutralise au profit de la forme simple en Galice,
aux Asturies et dans la plupart des pays
d’Amérique latine, et au profit de la forme
composée dans le parler vulgaire de Madrid.
SOMMAIRE
Introduction p. 49
1 Cadre théorique p. 51
2 Différences entre le français et l’espagnol p. 57
Conclusion p. 71
Introduction
Les erreurs en traduction, tout comme les erreurs de production,
sont liées au stade d’acquisition de l’apprenant. En effet, lors de la
mise en texte, la L1 1 peut produire des interférences au niveau de
la grammaire de la L2 2. De plus, nous pensons que, dans le cas
spécifique de la traduction, l’input visuel du texte de départ peut
renforcer l’apparition desdites erreurs. Dans Macías Barrés (2013)
nous avons identifié certains problèmes d’acquisition lors de la
production écrite en espagnol d’un échantillon d’apprenants
francophones, issus de la deuxième année de licence LLCER.
Dans ledit travail, nous nous sommes intéressé à l’emploi
« bizarre » de certains temps verbaux de l’espagnol dans des
journaux intimes écrits par les apprenants pendant un semestre.
Nous qualifions ces emplois de « bizarres » car, bien que les
apprenants aient appliqué les règles enseignées, l’emploi semble
inapproprié pour le locuteur natif. Aussi, nous nous sommes
proposé d’étudier le système qui régit les temps verbaux et,
notamment, les microsystèmes où ces erreurs apparaissaient.
Les erreurs des apprenants mettent en évidence des différences
d’emploi des deux systèmes (espagnol et français) qui, souvent,
passent inaperçues lors du processus d’enseignement et que les
apprenants sont censés acquérir et déchiffrer par des méthodes
inductives 3. De plus, en général, ces différences sont peu abordées
dans les manuels de grammaire, en particulier ceux qui n’ont pas
une approche contrastive. À titre d’exemple, observons l’emploi
de l’Imparfait de l’indicatif espagnol 4 dans les énoncés suivants
produits par des apprenants francophones et cités dans Macías
Barrés (2013 : 443 - 451) :
1 Cadre théorique
Dans ces tableaux nous n’avons pas fait allusion aux formes
composées de chaque temps verbal. Comme l’indique Camprubi
(2001 : 125-126), au niveau aspectuel, elles sont l’équivalent
accompli de la forme simple non-accomplie. Aussi, nous situons
les formes composées au niveau de l’espace-temps de leur forme
simple. À cause de cette nuance aspectuelle, les formes composées
son interprétées, par inférence pragmatique, comme antérieures
par rapport à la forme simple du temps verbal, comme nous le
verrons ci-dessous :
Comme nous l’avons déjà dit, nous pensons qu’en espagnol, dans
ces contextes, la tendance est d’utiliser le Pretérito indefinido.
L’apprenant français tend à faire comme dans sa L1 et utilise
comme centre déictique le point central du deuxième plan ( x = 0
2) alors que, dans ce contexte, le locuteur hispanophone fait
Nous avons pris ces exemples, même s’il est estimé que dans ces
contextes le Imperfecto de subjuntivo a une valeur subjonctive,
parce que ces structures permettent de mettre en évidence le
marquage avant vs après par rapport au Imperfecto de indicativo.
En effet, la protase représente une condition (donc, un procès
antérieur) pour que se produise l’apodose après (donc, un procès
postérieur). Le Condicional permet, donc, de marquer la
postériorité par rapport au Imperfecto de indicativo (point 0 2) et
aussi par rapport au Imperfecto de subjuntivo. Par rapport à
l’hypothèse irréelle, en français le marquage avant vs après se fera
par le biais de l’Imparfait de l’indicatif au niveau de la protase et
du Conditionnel au niveau de l’apodose : Si je gagnais au loto, je
m’achèterais une voiture.
Aussi, le Imperfecto de subjuntivo est utilisé dans des phrases
simples et des propositions principalesqui expriment un procès
moins assertif, notamment avec le verbe querer, par exemple
Quisiera pedirte un favor, mais aussi avec d’autres verbes modaux
( deber, poder, saber et valer). Comme nous pouvons le constater,
dans ces contextes, la forma en – ra du Imperfecto de subjuntivo,
et seule celle-là (RAE & ASALE, 2010 : 458), entre en
compétition avec les autres temps verbaux du palier 2, par
exemple ( Quisiera/Quería/Querría) pedirte un favor. Le
système/langue du français utilise l’Imparfait de l’indicatif si le
procès est présenté comme plus assertif et plus vraisemblable
parmi les choix proposés par le palier 2, par exemple Je voulais te
demander de me rendre service ; ou le Conditionnel si le procès
est présenté comme moins assertif, qu’il s’agisse d’une projection
dans le temps, par exemple Je voudrais te demander de me rendre
service, ou même une conjecture, par exemple On dirait qu’il est
malade. En effet, le point 0 2 est présenté comme la référence à
partir de laquelle s’organise le palier 2, ce qui explique qu’il soit
interprété comme plus assertif et plus vraisemblable par rapport au
Conditionnel.
Dans des phrases complexes, et concrètement en traduction,
l’étudiant se verra confronté à des textes en français contemporain
qui utilisent un marquage spatio-temporel bipartite au niveau du
palier 2 et devra restituer en espagnol un marquage tripartite, et
inversement, comme nous le verrons ensuite.
Conclusion
Comme nous avons essayé de le démontrer, l’organisation des
temps verbaux de l’indicatif inactuel, dans les deux langues, a
évolué – et continue de le faire – de manière différente. Ainsi, la
production des apprenants francophones de l’espagnol nous
montre que, dans certains contextes, l’Imparfait de l’indicatif ne
s’utilise pas de la même manière que le Imperfecto de indicativo et
qu’il peut être traduit par le Pretérito indefinido. Nous pensons
que ces contextes sont propres à un français oral quotidien. En
français, il est envisageable de demander au retour des vacances
Alors, c’était bien les vacances ? ou même Alors, les vacances se
sont bien passées ? Cependant, la langue/système de l’espagnol
préfère dans ces deux contextes le Pretérito indefinido, ce qui nous
mènerait à une traduction telle que Entonces, ¿qué tal estuvieron
tus vacaciones? Par conséquent, en traduction, il faudra tenir
compte de cette possible équivalence entre l’Imparfait de
l’indicatif et le Pretérito indefinido.
Par ailleurs, le français littéraire semblerait s’organiser presque de
la même manière que l’espagnol, littéraire ou non. En effet, dans
un registre soutenu, le Passé simple et l’Imparfait du subjonctif
sont utilisés en français. En espagnol, ces deux temps verbaux ne
sont pas restreints au contexte littéraire et sont utilisés
quotidiennement à l’oral et à l’écrit, dans des registres soutenus ou
non. Il faudra également tenir compte de ces observations lors de
l’exercice de la traduction, qu’il s’agisse du thème ou de la
version.
En outre, au niveau de l’indicatif inactuel en espagnol régit une
opposition tripartite qui permet de marquer l’antériorité et la
postériorité par rapport au point central 0 2. En revanche, le
système/langue du français contemporain oppose ce point central 0
2 à ce qui ne l’est pas, c’est-à-dire, il s’agit d’une opposition
bipartite. Aussi, le Conditionnel français peut correspondre à deux
temps verbaux en espagnol : le Imperfecto de subjuntivo et le
Condicional. Enfin, en espagnol, le Imperfecto de subjuntivo peut
être préféré à la place du Imperfecto de indicativo, du
Pluscuamperfecto de indicativo et du Pretérito indefinido afin de
marquer les procès comme secondaires et ainsi « mettre en relief »
les autres procès de l’énoncé. Ainsi, au moment de traduire les
temps de l’indicatif inactuel du français à l’espagnol, il faudra
restituer le système tripartite de l’espagnol à partir du système
bipartite qui semble régir le français contemporain et représenter
la mise en relief au niveau du texte cible qui corresponde le mieux
à celle du texte source.
Glossaire
Accompli vs non-accompli : liée à l’aspect verbal, cette opposition indique le degré de
réalisation du procès. Les formes composées véhiculent des procès accomplis alors que
les formes simples véhiculent des procès non-accomplis. Un procès accompli implique
des séquelles sur l’espace-temps utilisé comme repère, p. ex. Pedro ha llegado a
Caracas implique Pedro está en Caracas.
Actuel vs inactuel : liée à la situation spatio-temporelle du procès, cette opposition se
fonde sur la proximité du procès à l’espace épistémique (où se situe le locuteur) : le
présent. L’actuel est l’espace-temps le plus proche de celui-ci et, a contrario, l’inactuel
est le moins proche. Cette opposition permet de classer les temps verbaux en deux
groupes : ceux de l’actuel (ceux de l’indicatif actuel) et ceux de l’inactuel (ceux de
l’indicatif inactuel et du subjonctif).
Antériorité mentale : antériorité de conception, celle du mobile par rapport à l’acte
qu’il suscite.
Centre (ou espace) déictique : il désigne l’espace utilisé par le locuteur comme point
de repère pour organiser son discours.
Co(n)texte : ce terme regroupe deux notions : contexte et cotexte. Contexte désigne la
situation de communication dans laquelle un discours est produit. Cotexte, lui, désigne
l’environnement textuel de l’élément du discours analysé ou à analyser.
Espace épistémique : il désigne l’espace occupé par le locuteur (son temps présent) et
peut coïncider (ou non) avec le centre déictique.
L1 : langue maternelle. Il peut y avoir plusieurs pour un locuteur.
L2 : langue seconde apprise après la langue maternelle. Il peut y avoir plusieurs pour un
locuteur.
Palier : les paliers regroupent des sous-ensembles de temps verbaux. Ces sous-
ensembles apparaissent lorsque deux critères interagissent : les modes verbaux et
l’opposition actuel vs inactuel. Les paliers permettent de classer les temps verbaux
comme suit : indicatif-actuel (palier 1), indicatif-inactuel (palier 2) et subjonctif (palier
3).
Perfectif : la perfectivité est un trait aspectuel hérité du latin par certaines formes
verbales simples. Elle indique que la réalisation du procès n’a pas de répercussion sur le
point temporel utilisé comme repère. Un procès au Pretérito indefinido se situe spatio-
temporellement avant le présent sans pour autant l’affecter : Llegué a casa n’implique
pas Estoy en casa. Ainsi, à travers le Pretérito indefinido, le procès est présenté par le
locuteur de manière globale et l’allocutaire ne reste pas dans l’attente de séquelles dans
l’espace-temps utilisé comme repère (le présent dans notre exemple).
Procès : c’est le contenu sémantique (ensemble de sèmes) véhiculé par le verbe.
Bibliographie
Études citées
ATIENZA CEREZO , E., CASTRO CARRILLO, M. D., INGLÉS FIGUEROA, M., LÓPEZ
FERRERO, C., MARTÍN PERIS, E., PUEYO VILLA, S. & VAÑÓ AYMAT, A. (2008),
Diccionario de términos clave de ELE, SGEL, Madrid. Consulté à l’adresse
http://cvc.cervantes.es/ensenanza/biblioteca_ele/diccio_ele/indice.htm
BENHAMAMOUCHE, F . (2005), « Una visión distinta para los tiempos verbales
en la enseñanza del español como segunda lengua », dans M. A. Castillo
Carballo (éd.) , Las gramáticas y los diccionarios en la enseñanza del español
como segunda lengua, deseo y realidad, Universidad de Sevilla, Sevilla,
p. 161-165. Consulté à l’adresse
https://dialnet.unirioja.es/descarga/articulo/1420479.pdf
BOIX, C . (2007), « La langue a-t-elle des trous de mémoire? Les subjonctifs
espagnols en -ra et en -se », Hispanística XX, 25, Université de Dijon, Dijon,
p. 496-505.
BOIX, C . (2008), « De quelques distorsions dans l’usage du passé simple et du
passé composé en français et en espagnol », Crisol, 12, Université Paris X,
Nanterre, p. 7-15.
CAMPRUBI, M . (2001), Études fonctionnelles de grammaire espagnole, Presses
Universitaires du Mirail, Toulouse.
DARBORD, B. & POTTIER, B . (1994), La langue espagnole. Éléments de
grammaire historique , Nathan, Paris.
DE LORENZO ROSSELLÓ, C . (2002), Les relations temporo-aspectuelles dans le
récit oral en français et en castillan, langues premières et langues étrangères.
Étude transversale du stade ultime de l’acquisition d’une langue étrangère ,
Thèse de doctorat, Université Paris X, Nanterre.
DELPORT, M.-F . (1984), « Trabajo-trabajar(se) : Étude lexico-syntaxique »,
Cahiers d’Études Hispaniques Médiévales, 9, ENS éditions, Lyon, p. 99-162.
Consulté à l’adresse http://www.persee.fr/doc/cehm_0396-
9045_1984_num_9_1_943
DELPORT, M.-F . (1998), Deux verbes espagnols : haber et tener. Étude lexico-
syntaxique, perspective historique et comparative , Thèse de doctorat,
Université Paris IV, Paris.
GERBOIN, P . & LEROY, C. (1994), Grammaire d’usage de l’espagnol
contemporain, Hachette Éducation, Paris.
LUNN, P. V . & CRAVENS, T. D. (1991), « A contextual reconsideration of the
Spanish -ra indicative », Discourse-Pragmatics and the Verb: The Evidence
from Romance, Routledge, Londres, p. 147-163.
LUQUET, G . (2004), La teoría de los modos en la descripción del verbo
español, Arco-Libros, Madrid.
MACÍAS BARRÉS, D . (2013), Faits de langue, problèmes d’acquisition et
intervention pédagogique : le cas des temps verbaux, du choix modal et de
l’opposition ser/estar en espagnol, Thèse de doctorat, Université Paris X,
Nanterre. Consulté à l’adresse http://www.theses.fr/2013PA100171
MACÍAS BARRÉS, D . (2016), « Los tiempos verbales. Una cuestión de tiempo y
espacio », Monografías. MarcoELE , 22, Valencia, p. 72-88. Consulté à
l’adresse http://marcoele.com/numeros/numero-22/
NOYAU, C . (1991), La temporalité dans le discours narratif : construction du
récit, construction de la langue, Thèse d’habilitation à diriger des recherches,
Université Paris VIII, Saint Denis.
NOYAU, C . (1997a), « Granularité, traitement analytique / synthétique,
segmentation / condensation des procès. Un aspect des interactions entre
conceptualisation et formulation telles qu’elles peuvent jouer dans
l’acquisition des langues », Texte d’orientation, Table-ronde du Groupe de
Recherche 113 du CNRS Acquisition des langues, La Baume-lès-Aix.
NOYAU, C . (1997b), « Processus de grammaticalisation dans l’acquisition de
langues étrangères : La morphologie temporelle », dans C. Martinot (éd.) ,
Actes du Colloque international sur l’acquisition de la syntaxe en langue
maternelle et en langue étrangère, 631, Besançon, Presses Universitaires de
Franche-Comté, p. 223-252.
NOYAU, C . (1999), « Processus de conceptualisation et de formulation de
structures événementielles par les apprenants : sur la granularité. Réflexions
complémentaires sur le thème de la granularité des représentations de procès
dans la mise en texte et dans l’acquisition des langues, à la lumière de
quelques travaux théoriques récents », Texte d’orientation, Table-ronde du
Groupe de Recherche 113 du CNRS Acquisition des langues, Berder.
NOYAU, C ., DE LORENZO ROSSELLÓ, C., KIHLSTEDT, M., PAPROCKA, U. &
SCHNEIDER, R. (2005), « Two dimensions of the representation of complex
event structures: granularity and condensation. Towards a typology of textual
production », dans H. Hendriks (éd.) , Structure of Learner Varieties, Mouton
de Gruyter, New York, p. 157-201.
NOYAU, C . & PAPROCKA, U. (2000), « La représentation de structures
événementielles par les apprenants : granularité et condensation », dans
Roczniki humanistyczne, 48, 5, Lublin, p. 87–121. Consulté à l’adresse
http://colette.noyau.free.fr/upload/NoyauPaprockaGranul.pdf
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA & ASOCIACIÓN DE ACADEMIAS DE LA LENGUA
ESPAÑOLA (2005), Diccionario panhispánico de dudas, Santillana, Madrid.
Consulté à l’adresse http://www.rae.es/recursos/diccionarios/dpd
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA & ASOCIACIÓN DE ACADEMIAS DE LA LENGUA
ESPAÑOLA (2010), Nueva gramática de la lengua española. Manual , Espasa,
Madrid.
REICHENBACH, H . (1947), « The Tenses of Verbs », dans Elements of Symbolic
Logic, The Macmillian Company, New York, p. 287-298.
LAVAIL, C . (2010), Thème espagnol moderne (du XIXe siècle à nos jours),
Presses Universitaires de France, Paris.
PRÉVOST, A. F . (1846), Histoire de Manon Lescaut et du chevalier des Grieux,
Charpentier, Paris.
PROUST, M . (1919), À la recherche du temps perdu : Du côté de chez Swann,
Gallimard, Paris.
ROUAUD, J . (2013), Les Champs d’honneur, Éditions de Minuit, Paris.
TRICÁS PRECKLER, M . (1995), Manual de traducción: francés-castellano,
Gedisa, Barcelona.
VARGAS, F . (2002), L’homme aux cercles bleus, J’ai lu, Paris.
WEINRICH, H . (1973), Le temps, Seuil, Paris.
ZOLA, E. (1966), La bête humaine, Gallimard, Paris.
Énoncé
Jusqu’au jour de l’opération, Alexandre avait été un
enfant rieur, parfait compagnon de jeu des jumeaux,
mais victime parfois de crises d’étouffement, à la fois
atroces et délicieuses, où la raréfaction de l’air dans ses
poumons lui faisait battre des bras comme un noyé,
mais lui procurait une ivresse lucide, une vision si nette
des êtres et des choses qu’il auraitvolontiers passé le
reste de son existence à brasser l’air comme un moulin
fou. […] Un jour qu’un de ses fous rires avait dégénéré
en râles d’agonie, on transporta le petit Alexandre dans
une clinique où une série de radiographies décelèrent
une présence étrangère dans la poitrine de l’enfant. La
boule de chair et de poils que les chirurgiens lui ôtèrent
était l’embryon nécrosé d’un jumeau qui s’était lové
autour de son cœur. Ces cas d’anthropophagie
embryonnaire n’étaient pas exceptionnels, mais
suffisamment spectaculaires pour qu’une bande
d’internes et d’étudiants s’en émerveillent dans la
chambre du garçon :
- Classique, dit une voix, il a bouffé son petit frère, le
chenapan.
Dans le bocal qu’on emportait, Alexandre crut
percevoir l’éclat d’une dent, comme le dernier appel
d’un rire en perdition.
Alexandre revint à la maison avec une cicatrice brutale
de crabe qu’on aurait ouvert au sécateur.
Daniel Pennac, La petite marchande de prose, 1994.
Après avoir rappelé l’organisation des temps
verbaux de l’indicatif inactuel en français et en
espagnol, vous commenterez leur emploi dans les
séquences « la raréfaction de l’air dans ses poumons
lui faisait battre des bras comme un noyé, mais lui
procurait une ivresse lucide, une vision si nette des
êtres et des choses qu’il aurait volontiers passé le
reste de son existence à brasser l’air comme un
moulin fou » et « Alexandre revint à la maison avec
une cicatrice brutale de crabe qu’on aurait ouvert
au sécateur ». Vous justifierez ensuite la façon dont
vous avez traduit ces occurrences en espagnol.
Proposition de corrigé
[ Identification]
Faisait et procurait sont conjugués à la 3e personne du
singulier de l’Imparfait de l’indicatif ; aurait passé et
aurait ouvert sont conjugués à la 3e personne du
singulier du Conditionnel passé (la forme
composée/accomplie du Conditionnel). Ce sont des
temps verbaux de l’indicatif inactuel qui situent les
procès au niveau de l’arrière-plan narratif.
[ Problématique]
Ce texte nous invite à analyser et à comparer
l’organisation des temps verbaux de l’indicatif inactuel
en français et en espagnol.
[ Rappel du système]
Les temps verbaux de l’indicatif s’organisent en deux
plans : l’actuel et l’inactuel. L’actuel correspondrait au
premier plan narratif et l’inactuel à l’arrière-plan.
Il est communément admis que les temps de l’indicatif
inactuel permettent de poser le cadre ou de tisser la
toile de fond de la narration. Dans les deux langues, le
point de repère pour ce plan narratif est l’Imparfait de
l’indicatif. En effet, l’Imparfait de l’indicatif peut
servir de centre déictique pour organiser le discours du
locuteur. Les verbes conjugués aux temps de l’indicatif
inactuel paraissent moins assertifs que ceux conjugués
aux temps verbaux de l’indicatif actuel, ce qui permet
aussi de moduler le discours, p. ex. pour exprimer la
courtoisie :
Je veux te demander de me rendre un service
(Présent de l’indicatif, actuel) vs Je voulais te
demander de me rendre un service (Imparfait de
l’indicatif, inactuel).
Quiero pedirte un favor (Présent de l’indicatif,
actuel) vs Quería pedirte un favor (Imparfait de
l’indicatif, inactuel).
En français, l’opposition est bipartite : l’Imparfait de
l’indicatif (qui permet de faire allusion aux procès qui
se situent au niveau du point de repère) vs le
Conditionnel (qui permet de faire allusion aux procès
qui n’occupent pas le point de repère).
En espagnol, l’opposition est tripartite : le
Imperfecto de indicativo (pour se référer aux procès qui
occupent le point de repère) vs le Imperfecto de
subjuntivo (pour se référer aux procès qui se situent
avant le point de repère) vs le Condicional (pour faire
allusion aux procès après le point de repère).
Aussi, l’indicatif inactuel s’organise différemment dans
les deux langues. Lors de la traduction, il faudra tenir
compte de cette différence afin de restituer en espagnol
un système tripartite à partir du système bipartite du
français et inversement.
[ Application : analyse des exemples du texte,
traduction et justification de la traduction]
La première séquence se situe au niveau de l’arrière-
plan : « la raréfaction de l’air dans ses poumons lui
faisait battre des bras comme un noyé, mais lui
procurait une ivresse lucide, une vision si nette des
êtres et des choses qu’il aurait volontiers passé le reste
de son existence à brasser l’air comme un moulin
fou ». En effet, il s’agit de la description de ce que
ressentait Alexandre lorsqu’il manquait d’air. Les
temps verbaux utilisés sont ceux de l’indicatif inactuel.
Le centre organisateur est donc l’Imparfait de
l’indicatif et les verbes qui servent de repère sont
« faisait » et « procurait ». Le verbe au Conditionnel
passé (« aurait passé ») vient ici marquer ce qui n’est
pas le point de repère. Pour sa traduction en espagnol il
faudra regarder de près le contexte afin d’identifier des
éléments qui nous guideraient vers une vision
rétrospective du procès (et donc une équivalence avec
l’Imparfait du subjonctif espagnol) ou vers une vision
prospective (et donc une équivalence avec le
Conditionnel espagnol).
La deuxième séquence est une phrase complexe qui
comporte une proposition principale au premier plan
(« Alexandre revint à la maison avec une cicatrice
brutale de crabe ») et une proposition subordonnée
relative à l’arrière-plan (« qu’on aurait ouvert au
sécateur »). La proposition subordonnée relative
apparaît ici comme secondaire par rapport à la
principale. En effet, elle apporte une information
supplémentaire à la principale, décrivant un élément de
cette dernière, c’est-à-dire, le substantif « crabe ». En
plus, comme pour la première séquence, au moment de
traduire en espagnol le Conditionnel passé, il faudra se
demander si le procès de la subordonnée véhicule une
vision rétrospective ou prospective.
Dans la première séquence, l’emploi de l’Imparfait de
l’indicatif en français pour les verbes « faire » et
« procurer » correspond à l’emploi en espagnol, c’est-
à-dire, ils marquent l’arrière-plan et servent de point de
repère pour l’indicatif inactuel. En espagnol, ils seront
donc traduits par le Imperfecto de indicativo. En
revanche, pour le Conditionnel passé français (la forme
composée/accomplie du Conditionnel), deux choix sont
possibles en espagnol : soit la forme composée du
Imperfecto de subjuntivo, soit la forme composée du
Condicional. Ici, pensons-nous, les deux temps
verbaux sont envisageables. La vision rétrospective
(d’antériorité mentale) est viable grâce à la présence de
l’adverbe « volontiers » qui indiquerait le souhait et,
donc, met l’accent sur le mobile plus que sur le procès
lui-même. Par conséquent, nous pourrions le traduire
par le Pluscuamperfecto de subjuntivo (la forme
composée du Imperfecto de subjuntivo) : « hubiera
pasado con gusto el resto de su existencia […] ».
Cependant, il faudra choisir la meilleure option en
fonction du contexte. La voix narrative situe Alexandre
au niveau de l’Imparfait de l’indicatif (point central de
l’indicatif inactuel). Le procès « avoir passé le reste de
son existence » est forcément postérieur aux verbes
conjugués à l’Imparfait de l’indicatif (« faisait »et
« procurait »). Aussi, il nous semble que la traduction
la plus adéquate passe par l’emploi du Conditionnel
passé en espagnol. Il faudra également veiller à ne pas
séparer en espagnol le verbe auxiliaire du verbe
principal, c’est-à-dire, à ne pas interposer la locution
adverbiale con gusto entre ces deux verbes. Aussi, nous
proposons pour cette séquense la traduction suivante :
SOMMAIRE
Introduction p. 81
1 La proposition relative p. 83
2 Le mode de la relative en espagnol p. 84
3 Le mode de la relative en français p. 90
Conclusions p. 96
Introduction
Depuis l’année 2011, l’épreuve de traduction s’accompagne d’une
sous-épreuve, Choix de traduction, où les candidats doivent
expliquer de façon pédagogique les principales différences
grammaticales entre l’espagnol et lefrançais, ce qui implique une
compréhension précise des principesgrammaticaux de ces deux
langues.
S’il est vrai que le mode de la relative n’a jamais fait l’objet d’une
question, les textes à traduire exigent de la part des candidats une
maîtrise de ces structures. Tel est le cas du texte proposé pour
l’épreuve de Version de 2011 où le premier paragraphe présente
plusieurs propositions relatives :
1 La proposition relative
La subordonnée relative 2est une proposition dont l’élément
introducteur est un pronom relatif, autrement dit un mot qui sert à
établir une relation entre un élément de nature nominale, qui est
son antécédent, et ladite subordonnée, qui explique ou détermine
l’antécédent. Voici un énoncé qui contient plusieurs relatives :
Conclusions
Aussi bien en espagnol qu’en français la sélection modale opérée
dans une proposition relative peut être expliquée à travers deux
critères : la représentation que le locuteur se fait de l’entité référée
par l’antécédent et le statut informatif de la qualification qui lui est
apportée. Si le locuteur se représente l’entité référée par
l’antécédent comme existante, l’indicatif est le mode le plus
généralement utilisé. Tel est le cas de l’exemple (6) :
Glossaire
Assertion : acte de langage qui consiste à présenter ou considérer comme vrai un
énoncé.
Pronom relatif : mot qui sert à établir une relation entre un élément de nature nominale,
qui est son antécédent, et une subordonnée, dite relative.
Spécificité : qualité de ce qui est spécifique, qui présente une caractéristique originale et
exclusive.
Subordonnée relative : proposition dont l’élément introducteur est un pronom relatif.
Son rôle est d’expliquer ou déterminer l’antécédent.
Bibliographie
Études citées
BOSQUE, I. (1990), « Las bases gramaticales de la alternancia modal. Repaso y
balance » dans I. Bosque (dir.) , Indicativo y subjuntivo, Taurus, Madrid, p. 13-
65.
BRUCART , J.M. (1999), « La estructura del sintagma nominal: las oraciones de
relativo », dans I. Bosque et V. Demonte (dir.) , Gramática descriptiva de la
lengua esañola, Espasa Calpe, Madrid, p. 395-522.
GONZALO, C. (1990), « La alternancia modal en las relativas y los tipos de
mención del SN complejo », dans I. Bosque (dir.) , Indicativo y subjuntivo,
Taurus, Madrid, p. 280-300.
GREVISSE, M. &GOOSSE, A. (2008), Le bon usage, De Boeck-Duculot,
Bruxelles.
LUNN, P. (1995), « Evaluative Function of the Spanish Subjuntive », dans J.
Bybee et S. Fleischman (dir.) , Modality in Grammar and Discourse, John
Benjamins Publishing Company, Amsterdam/Philadelphia, p. 429-449.
PÉREZ SALDANYA, M. (1999), « El modo en las subordinadas relativas y
adverbiales », dans I. Bosque et V. Demonte (dirs.) , Gramática descriptiva de
la lengua española, Espasa Calpe, Madrid, p. 3253-3322.
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA & ASOCIACIÓN DE ACADEMIAS DE LA LENGUA
ESPAÑOLA (2009), Nueva gramática de la lengua española, Espasa, Madrid.
SICOT-DOMÍNGUEZ, M.S. & BALLESTERO DE CELIS, C. (2014), Syntaxe
espagnole. La phrase simple et la phrase complexe, Presses Universitaires de
Rennes, Rennes.
Énoncé
Soient les énoncés suivants :
Mais Colombe, elle, ne se contente pas d’ignorer le
fait ; elle le transforme en philosophie : « Mon
emmerdeuse de sœur est une petite personne
intolérante et neurasthénique qui déteste les autres et
qui préférerait habiter dans un cimetière où tout le
monde est mort – tandis que moi, je suis une nature
ouverte, joyeuse et pleine de vie. »
Aussi le couple de concierges, métaphorisé par son
chien totémique, semble-t-il privé de ces passions que
sont l’amour et le désir et, comme le totem lui-même,
voué à demeurer laid, bête, soumis et vantard. Si dans
certains romans, des princes s’éprennent d’ouvrières ou
des princesses de galériens, il ne se produit jamais,
entre un concierge et un autre concierge, même de sexe
opposé, de romances comme il en arrive aux autres et
qui mériteraient d’être contées quelque part.
Alors évidemment, j’ai mes pensées profondes. Mais
dans mes pensées profondes, je joue à ce que je suis,
hein, finalement, une intello (qui se moque des autres
intellos). Pas toujours très glorieux mais très récréatif.
Aussi j’ai pensé qu’il fallait compenser ce côté « gloire
de l’esprit » par un autre journal qui parlerait du corps
ou des choses. Non pas les pensées profondes de
l’esprit mais les chefs-d’œuvre de la matière.
Vous savez quoi ? Je me demande si je n’ai pas raté
quelque chose. Un peu comme quelqu’un qui aurait de
mauvaises fréquentations et qui découvrirait une autre
voie en rencontrant quelqu’un de bien. Mes mauvaises
fréquentations à moi, ce sont maman, Colombe, papa et
toute la clique.
Muriel Barbery, L’élégance du hérisson, 2006.
Après avoir identifié la nature des propositions
soulignées, vous expliquerez les critères qui
déterminent en français et en espagnol le choix
modal opéré, vous justifierez ensuite la façon dont
vous avez traduit ces séquences en espagnol .
Proposition de corrigé
[ Identification]
Les propositions soulignées sont des subordonnées
relatives introduites par le pronom relatif qui. Leur rôle
est de qualifier l’antécédent, l’élément de nature
nominale représenté par le relatif, à savoir « une petite
personne intolérante et neurasthénique », « de
romances », « un autre journal » et « quelqu’un ». Elles
sont toutes des relatives déterminatives, leur rôle
consistant à apporter une information indispensable qui
permet de différencier l’entité représentée par
l’antécédent d’autres entités de la même espèce.
[ Problématique]
Le sujet nous invite à exposer les critères qui
déterminent le choix modal opéré dans une proposition
relative.
[ Rappel du système]
Le mode de la relative :
En français, comme en espagnol, le mode utilisé dans
une proposition relative dépend de la représentation
que le locuteur se fait de l’entité référée par
l’antécédent et du statut informatif de la qualification
qui lui est apportée. Si le locuteur conçoit l’entité
représentée par l’antécédent comme une entité
existante, il peut déclarer l’existence de l’événement
qui vient le qualifier. Ce qui explique l’emploi de
l’indicatif dans l’exemple suivant :
Marx change totalement ma vision du monde, m’a
déclaré ce matin le petit Pallières qui ne m’adresse
d’ordinaire jamais la parole . (Barbery, 2006 : 13)
Enoncé que l’on pourrait traduire par : Marx cambia
por completo mi visión del mundo – me ha declarado
esta mañana el hijo de los Pallières, que no suele
dirigirme nunca la palabra. « Le petit Pallières » fait
référence en effet à une entité humaine que le locuteur,
Mme Michel, connaît. Le paragraphe suivant nous
donne plus de détails : « Antoine Pallières, héritier
prospère d’une vieille dynastie industrielle, est le fils
d’un de mes huit employeurs ». Or, lorsque le locuteur
conçoit l’entité référée par l’antécédent comme
existante, il peut également utiliser une forme verbale
subjonctive, ce qui lui permet de ne pas déclarer
l’existence de l’événement exprimé par la relative, le
laissant ainsi dans un deuxième plan discursif. En voici
un exemple :
Toute la phénoménologie est assise sur cette certitude :
notre conscience réflexive, marque de notre dignité
ontologique, est la seule entité en nous qui vaille qu’on
l’étudie parce qu’elle nous sauve du déterminisme
biologique . (Barbery, 2006 : 59)
Enoncé dont la traduction pourrait être : Toda la
fenomenología se asienta sobre esta certeza: nuestra
conciencia reflexiva, marca de nuestra conciencia
ontológica, es la única entidad en nosotros que
merezca estudiarse porque nos salva del determinismo
biológico. Dans cet exemple l’entité référée par le
syntagme nominal qui constitue l’antécédent « la seule
entité en nous » (précisée quelques mots plus
haut, « notre conscience réflexive ») est conçue comme
existante. Dans ce contexte, le locuteur se sert du
subjonctif pour présenter le contenu de la relative dans
un deuxième plan discursif. Il faut néanmoins signaler
que l’indicatif aurait été un mode parfaitement normatif
si la volonté du locuteur avait été de présenter le
contenu de la relative comme une information primaire
( est la seule entité en nous qui vaut qu’on l’étudie, es
la única entidad en nosotros que merece estudiarse).
En revanche, lorsque le locuteur conçoit l’entité référée
par l’antécédent comme inexistante il se doit d’utiliser
le subjonctif, comme l’illustre l’exemple suivant :
À part l’amour, l’amitié et la beauté de l’Art, je ne vois
pas grand-chose d’autre qui puisse nourrir la vie
humaine . (Barbery, 2006 : 34-35)
Dans cet énoncé la relative vient qualifier un
antécédent faisant référence à une entité dont
l’existence est niée : « je ne vois pas grand-
chose d’autre ». En espagnol on pourrait traduire par :
Aparte del amor, la amistad y la belleza del Arte, no
veo gran cosa que pueda alimentar la vida humana.
Comparaison entre l’espagnol et le français
Si en français le conditionnel peut s’employer tantôt
dans des relatives dont l’antécédent fait référence à
une entité conçue comme existante, tantôt dans des
relatives dont l’antécédent fait référence à une entité
conçue comme non existante, en espagnol ce temps
verbal n’apparaît que dans des relatives dont
l’antécédent fait référence à une entité que le locuteur
conçoit comme existante. De ce fait, ce qui est exprimé
en français à travers un conditionnel doit parfois se
traduire par un subjonctif, c’est le cas de l’exemple
suivant :
Je n’aime pas Achille mais là, j’étais d’accord avec lui
quand il a posé sa question. Je trouve que ça
s’imposait. En plus, qu’une prof de lettres oublie la
négation, moi, ça me choque. C’est comme un balayeur
qui oublierait des moutons . (Barbery, 2006 : 167)
Dans cet énoncé l’antécédent « un balayeur » fait
référence à une entité que le locuteur ne se représente
pas comme existante, mais simplement imaginée. En
espagnol on se doit donc d’utiliser le mode subjonctif :
Es como un barrendero que olvidara recoger las bolas
de pelusas.
SOMMAIRE
CHAPITRE 4 ■ Les constructions
attributives (être + adjectif) : ser ou estar ? ➤ P. 109
Exemple de sujet ➤ P. 133
CHAPITRE 5 ■ La traduction de la
répétition ➤ P. 139
Exemple de sujet ➤ P. 159
CHAPITRE 6 ■ La traduction du verbe
comprendre en espagnol ➤ P. 163
Exemples de choix de traduction ➤ P. 183
CHAPITRE 4
Les constructions attributives
(être + adjectif) :
ser ou estar ?
SOMMAIRE
Introduction p. 109
1 Le verbe être : vue d’ensemble p. 110
2 Les constructions attributives p. 116
3 Les verbes « copules » p. 119
Conclusion p. 129
Introduction
Pour un francophone, les constructions attributives en espagnol
supposent un problème de choix entre deux verbes dit « copules »,
ser et estar, qui recouvrent à eux deux les sens et emplois d’un
seul verbe attributif en français, être. Le choix opéré n’est pas
seulement de type grammatical, ce qui pourrait s’expliciter par des
règles générales concernant, par exemple, la nature de l’attribut.
La difficulté majeure repose sur les constructions où l’attribut est
un adjectif, dans la mesure où les deux verbes peuvent être
sélectionnés et que le choix du verbe répond à divers critères de
différents types (syntaxique, sémantique et pragmatique). Certains
adjectifs excluent l’un des verbes, mais la plupart admet les deux
avec des significations différentes : l’alternance du verbe
impliquera ainsi des effets de sens plus ou moins évidents. Ces
effets de sens reposent sur le contenu sémantique des verbes, ce
qui permet d’opérer des attributions de différents types. Bien
qu’en français le choix ne s’opère pas au niveau du verbe, dans la
mesure où la seule forme qui existe en français moderne est être, il
nous semble indispensable de bien distinguer les différents
emploisde ce verbe, car ses fonctionnalités ne sont pas uniformes
et indifférenciables. Comprendre les emplois en français peut aider
à voir plus clairement les différents emplois en espagnol. Nous
nous proposons dans ce travail de rappeler la base sémantique du
verbe être, tout comme son fonctionnement général pour nous
centrer ensuite sur la description de la structure attributive, et
terminer par les différentes manières de mettre en relation un sujet
et un attribut : en classant le sujet dans une catégorie ou en
exprimant un constat par rapport à l’état dans lequel il se trouve
comme résultat d’une situation ou d’une expérience.
1. 1 Etymologie
Considérer l’évolution des verbes être d’une part, et ser et estar,
d’autre part, peut aider à comprendre et délimiter leurs emplois et
leurs valeurs, comme nous le verrons plus loin.
Le verbe latin ESSE qui donnera lieu à la forme non attestée en
latin vulgaire * ESSĔRE avait le sens de ‘exister’. Ce verbe a
donné en ancien français la forme infinitive estre, signifiant
‘exister’, mais aussi ‘se trouver’, ‘demeurer’. Il pouvait également
introduire un attribut (Zalio, 2013 : 189).
STARE ayant le sens de ‘être debout’, a donné le verbe ester en
ancien français dont le sens était selon Vega y Vega ‘se tenir
debout’, ‘rester immobile’, ‘s’arrêter’, ‘demeurer’, ‘séjourner’ où
l’on perçoit que le sens va du plus momentané au plus durable
(2006 : 950). En français moderne, ce verbe ne survit qu’à
l’infinitif, dans un emploi extrêmement restreint, dans le domaine
juridique dans la locution ester en justice ‘se présenter en justice,
plaider […]’ (Zalio, 2013 : 189) et ester en jugement ‘soutenir une
action en justice’ (Vega y Vega, 2006 : 950).
Aujourd’hui, en français on ne retrouve que le verbe être.
Néanmoins, dans sa conjugaison, il contient des formes dérivées
de plusieurs verbes : ESSE pour les formes suis et serai, par
exemple, STARE pour les formes étais, étant, été (CNRTL 1).
En espagnol, ser est le descendent de ESSE, tandis que estar est
l’évolution de STARE.À l’instar du français, on retrouve dans la
conjugaison de ser des formes provenant de deux verbes, comme
le précise Joan Coromines dans le Breve diccionario etimológico
de la lengua castellana (2011 : 503) :
2. 2 La nature de l’attribut :
les différents contextes
Il a déjà été établi plus haut que la fonction syntaxique 16 de
l’élément introduit par le verbe est l’attribut. En effet, le verbe
être, ainsi que ser et estar, sont considérés comme intransitifs,
c’est-à-dire qu’ils n’ « appellent » pas de complément d’objet.
La nature 17 prototypique de l’attribut est l’adjectif, mais d’autres
éléments de catégoriesdifférentes peuvent avoir cette fonction. En
effet, excepté l’adjectif qui fait l’objet de ce travail, l’attribut peut
être rempli par les catégories lexicales et structures suivantes, ce
qui est valable pour les deux langues :
un nom : Jean est avocat. Juan es abogado ;
un pronom : Si j’étais toi. Si yo fuera tú ;
un adverbe : C’est ainsi. Es así ;
un participe passé à valeur adjectivale : Le passage est interdit.
El paso está prohibido ;
en français, un participe présent à valeur adjectivale : C’est
étonnant. Es sorprendente 18 ;
un verbe à l’infinitif : L’idée est de partir tôt. La idea es salir
pronto ;
un groupe nominal (lorsque le nom est déterminé) ou un nom :
Jean est un excellent plombier. Juan es un excelente fontanero ;
un groupe prépositionnel : Juan est de Tolède. Juan es de
Toledo ;
une proposition : relative, complétive ou circonstancielle.
Relative : Cet homme n’est pas vraiment qui vous croyez. Aquel
hombre no es quien usted cree. Complétive (introduite par
« que ») : L’ennui est qu’il a des difficultés à se concentrer. El
problema es que le cuesta trabajo concentrarse.
Circonstancielle : Le bonheur, c’est quand on ne pense à rien.
La felicidad es cuando no se piensa en nada 19.
Dans l’exemple (20), on classe l’entité dont on parle (le café) dans
la catégorie des liquides amers, qui s’oppose à d’autres entités qui
ne le sont pas. Le classement ainsi fait répond à des critères que
l’on peut décrire comme intersubjectifs, en ce sens qu’il s’agit de
critères partagés par la collectivité. Le verbe espagnol qui permet
ce type de constructions est ser, ce qui est cohérent avec sa base
sémantique signifiant l’existence. Avec ce verbe, on pose
l’existence d’une entité à laquelle on octroie une catégorie ;
l’attribut fonctionne ainsi comme une étiquette qu’on met sur
l’entité décrite, une étiquette qui correspond à une catégorie à
laquelle elle appartient par définition (exemple 20) ou par
identification (exemple 21) :
Conclusion
L’attribution, comme nous l’avons vu, n’est pas une opération
unitaire, ce qui est reflété dans le système espagnol par l’emploi de
deux verbes distincts avec des bases sémantiques différentes. En
français, c’est le verbe être qui a hérité la possibilité d’établir ces
opérations. Distinguer celles-ci permet de comprendre la
cohérence qui sous-tend la sélection du verbe, ainsi que la marge
de manœuvre du locuteur qui exprime deux points de vue
différents par rapport à un sujet. En somme, ser permet d’établir
une classification par définition ou par identification du sujet avec
une catégorie. De ce fait, il est possible de gloser l’attribut avec un
syntagme nominal : le café est [un liquide] amer ‘el café es [un
líquido] amargo’, Jean est [un homme] heureux ‘Juan es [un
hombre] feliz’. Estar situe le sujet dans un état, le locuteur établit
que le sujet est arrivé à cet état et il en fait l’expérience. Il est
impossible de ranger le sujet dans une catégorie, ce qui implique
l’impossibilité de gloser par un syntagme nominal, sans changer ce
qu’on dit du sujet : le café est [*un liquide] froid ‘el café está
frío’, Jean est [*un homme] content‘ Juan está [*un hombre]
contento’. De nombreux adjectifs peuvent se construire avec les
deux verbes parce qu’ils admettent les deux points de vue, c’est-à-
dire une appartenance à une catégorie et un état dans lequel se
trouve un sujet comme résultat d’un événement sous-jacent. En
somme, la description de l’attribution avec ser et estar ne peut pas
ignorer qu’une catégorie n’est pas forcément permanente (en effet,
le fait que Jean soit heureux ne veut pas dire qu’il le sera toute sa
vie) et qu’un état peut durer longtemps, voire être permanent :
Jean est [un homme] heureux / Jean est heureux [depuis qu’il est à
la retraite] ‘Juan es [un hombre] feliz / Juan está feliz [desde que
se jubiló]’.
Glossaire
Aspect : l’aspect est la manière dont s’expriment le déroulement, la progression,
l’accomplissement de l’action.
Catégorie : il s’agit de la classe grammaticale telle que le nom, le verbe, l’adverbe, etc.
On y fait souvent référence avec le terme « nature », en opposition à « fonction » qui fait
référence à la fonction syntaxique.
Distribution : la distribution d’une unité est constituée par l’ensemble des
environnements dans lesquels elle est susceptible d’apparaître, c’est-à-dire l’ensemble
des mots ou catégories de mots qui peuvent figurer à sa gauche et/ou à sa droite dans les
phrases considérées comme grammaticales.
Fonction syntaxique : c’est la relation que les constituants d’une structure entretiennent
entre eux au sein de cette structure, comme le sujet, l’épithète, l’attribut, le complément
d’objet, etc.
Modalité : indique qu’une proposition contient une valeur de type « nécessité » ou
« possibilité » par le biais d’un verbe auxiliaire. Les verbes devoir ou pouvoir sont ainsi
des auxiliaires modaux de nécessité/obligation et possibilité/permission, respectivement.
Nature : ce terme fait allusion à la catégorie, classe ou partie du discours d’un mot.
Réinterprétation : opération sémantique par laquelle un terme doit être compris
autrement que dans son sens direct par effet du contexte. Sans cette réinterprétation, le
terme serait inintelligible dans ce contexte d’emploi précis.
Verbe attributif : verbe qui se construit avec un attribut du sujet. Il exprime une
manière d’être, un étatdu sujet et non une action comme bien d’autres verbes.
Verbe auxiliaire : verbe qui, indépendamment de sa signification lexicale, est utilisé
dans la conjugaison verbale –des temps composés ou des périphrases verbales – à côté
d’un autre verbe, dit verbe auxilié qui adopte une forme non personnelle (en
l’occurrence, un participe passé en français).
Verbe copule : verbe qui sert de marque grammaticale d’identité, il est considéré
comme sémantiquement vide, servant comme instrument de liaison entre le sujet et son
attribut.
Verbe prédicatif : verbe qui garde sa signification lexicale, en opposition à un verbe qui
a subi une désémantisation (la perte totale ou partielle de sa signification lexicale) afin de
servir comme verbe auxiliaire.
Verbe intransitif : verbe qui s’oppose à la classe des verbes transitifs qui sont ceux qui
se construisent avec un complément d’objet. Un verbe intransitif n’admet donc pas de
complément d’objet.
Bibliographie
Études citées
M AZOYER , É., MAZOYER, J.-P. & SOLER, J. (2011), Algo Más 1 re, Belin
Éducation, Paris.
MAZOYER , É., MAZOYER, J.-P & MONTAIGU, R. (2015), Así somos 1re, Belin
Éducation, Paris.
NAVAS RUIZ , R. (1963), Ser y estar. Estudio sobre el sistema atributivo del
español , Acta Salamanticensia IVSSV Senatvs Vniversitatis Edita,
Salamanque.
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA & ASOCIACIÓN DE ACADEMIAS DE LA LENGUA
ESPAÑOLA (2010), Nueva gramática de la lengua española – Manual, Espasa,
Madrid.
REGUEIRO RODRÍGUEZ , M.L. (2008), « Algunas reflexiones teóricas sobre ser y
estar copulativos en la gramática española », dans Revista Nebrija de
Lingüística Aplicada a la Enseñanza de Lenguas, vol. 2, núm. 3. Consulté à
l’adresse http://www.nebrija.com/revista-
linguistica/files/articulosPDF/articulo_531f362074814.pdf
VALDEZ , C. (2017), « Evidencialidad en la atribución copulativa: el caso de
ser/estar claro », Signo y Seña, p. 105-125.
VEGA Y VEGA , J.J. (2006), « Être, Ser y Estar Lingüística y ménage à trois »,
dans M. Bruña Cuevas, M.G. Caballos Bejano et al. (coords.) , La cultura del
otro: español en Francia, francés en España, Universidad de Sevilla, p. 948-
966.
ZALIO, D. (2013), Étude synchronique contrastive des descendants romans
d’ESSE et de STARE : les signifiants italiens essere et stare à la lumière des
signifiants espagnols ser et estar, Thèse de doctorat Paris Sorbonne.
Corpus de textes
PONIATOWSKA , E. [2014] (2016), Hasta no verte Jesús mío, Alianza, Madrid.
Sites web
Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales http://www.cnrtl.fr
Énoncé
Soit le texte suivant :
Vous ne vous êtes jamais demandé ce que pouvait
éprouver la feuille de salade tranchée à vif, arrosée de
sel et de vinaigre, broyée par vos dents solides…
Écoutez-les vivre. Retenez votre respiration. Les
feuilles s’étirent, se défroissent dans la fraîcheur qui
s’accentue. Oui, vous les entendez vivre, vous sentez
leur odeur vivante. Ce sont des êtres vivants …
Asseyez-vous au milieu d’elles, à même la terre, qui
sous vos paumes est curieusement tiède alors que l’air
qui coule du cerisier sur vos épaules est de plus en plus
frais. Ne bougez plus, respirez moins. Lentement,
encore plus lentement. Paisible. Passif. Essayez de
vous sentir salade…
René Barjavel, La faim du tigre, 1966.
Après avoir identifié la nature des trois énoncés
soulignés, vous expliciterez les différents emplois du
verbe être et ses équivalents en espagnol.
Proposition de corrigé
[ Identification]
Les énoncés soulignés sont des phrases attributives
où le noyau verbal est le verbe attributif (aussi
appelé copule) être qui met en relation le sujet
(« ce », « qui » – dont le référent est « la terre » – et
« l’air ») et l’attribut du sujet (« des êtres vivants »,
« curieusement tiède » et « de plus en plus frais »).
Concernent la nature des attributs, le premier est le
groupe nominal « des êtres vivants », tandis que les
deux autres sont des groupes adjectivaux
(« curieusement tiède » et « de plus en plus frais »).
[ Problématique]
La question nous invite à exposer les différents
emplois du verbe être dans les constructions
attributives, et les équivalents de ce verbe en
espagnol, ser et estar.
SOMMAIRE
Introduction p. 139
1 L’origine : latin, français et espagnol p. 142
2 La lecture itérative p. 145
3 Lecture restitutive p. 149
Conclusion p. 156
Introduction
Pour exprimer la notion de répétition, l’espagnol dispose d’une
périphrase verbale volver a + infinitif, de locutions telles que otra
vez, de nuevo et dans une moindre mesure, du préfixe re–. Si les
exemples volvió a ver la película, vio la película otra vez, vio la
película de nuevo, sont fréquents en espagnol, les verbes précédés
du préfixer re– sont peu nombreux : reescribir, reeditar sont
utilisés tandis que *rever (revoir), *recomer (remanger) ou *
recomprar (racheter) sont irrecevables ( NGLE, 2009). Rappelons
que ce préfixe re– existe dans toutes les langues romanes alors que
la périphrase volver a est une spécificité de l’espagnol (Gómez
Torrego, 1988 ; Fernández de Castro, 1999 : 311 ; García
Fernández, 2006 : 280-284 ; NGLE, 2009 §28.9n-q). Le français
fait un usage beaucoup plus étendu du préfixe re–, lequel , dans
presque tous les cas, peut être employé pour exprimer la
répétition : il a revu ce film, il a remangé du poulet, il a racheté du
lait. Des locutions comme à nouveau ou l’adverbe encore sont
également possibles : il a vu à nouveau ce film, il a encore vu ce
film (Grévisse,1994 : §172.8).
À première vue, aussi bien re– en français que volver a en
espagnol expriment une même notion aspectuelle 1: celle de la
répétition. Toutefois si nous comparons les deux exemples (1) et
(2) :
Nous allons tenter d’en expliquer la raison. Alors que l’énoncé (1)
offre une lecture répétitive de l’action, l’énoncé (2) en offre une
lecture restitutive.
L’exemple (1) offre une lecture répétitive de l’action car l’action
de voir le film se répète, c’est-à-dire qu’elle se produit pour la
deuxième fois. Le sujet avait déjà vu ce film et il le voit pour la
seconde fois. C’est la raison pour laquelle elle porte le nom de
lecture répétitive. Observons à présent l’exemple (2). Cet énoncé
ne signifie pas qu’il ferme la porte pour la deuxième fois. Il
signifie que ‘la porte était ouverte et qu’il l’a fermée’. Ce qui est
répété ici n’est pas « l’action de fermer la porte » mais « l’état
d’être fermée ». La porte est à nouveau fermée. Cette lecture est
dite attributive. La lecture répétitive ne serait pas totalement
impossible : il faudrait comprendre que la porte ayant déjà été
fermée, il la referme à nouveau par mesure de précaution.
Toutefois, la majorité des francophones donne à cet énoncé un
sens restitutif. Cette dernière remarque nous permet d’ores et déjà
d’affirmer que chaque fois qu’apparaît la lecture restitutive, il est
possible d’envisager la lecture répétitive. À l’inverse, la lecture
répétitive ne permet que rarement d’envisager la lecture
restitutive.
Nous souhaiterions dans ce travail expliquer en quoi consiste
chacune des deux lectures et tenter de déterminer les éléments qui
favorisent une lecture plutôt qu’une autre afin d’orienter le lecteur
dans sa traduction. Nous tâcherons de comprendre quel est le rôle
joué par ces deux éléments, préfixe et périphrase verbale. Pour
cela nous formulerons deux hypothèses. Notre première hypothèse
est que re– et volvera, lorsqu’ils expriment la répétition sont des
opérateurs temporels. Lorsqu’ils expriment un retour à un état
antérieur, ils conservent le sens d’un déplacement dans l’espace.
Nous défendrons l’idée d’une semi grammaticalisation 4 de ces
deux termes qui permettent aujourd’hui encore d’exprimer soit un
mouvement de retour en arrière comme à l’origine (lecture
restitutive), soit un mouvement de retour dans le temps (lecture
répétitive). Notre hypothèse est que dans la lecture répétitive, les
expressions re– en français et volver a se sont grammaticalisées et
transformées en opérateurs 5 temporels qui doivent opérer, c’est à-
dire avoir une portée sur un événement (un procès) doté d’un
déroulement temporel : redire / volver a decir, revoir / volver a ver
(von Stechow, 1996 ; Laca, 2016). Dans la lecture restitutive, nous
pensons à la différence de von Stechow (1996) et de Laca (2016)
qu’ils ne sont pas des opérateurs temporels mais qu’ils conservent
des traits sémantiques du sens étymologique du verbe volver (
retourner) et du préfixe re– : celui d’un mouvement de retour en
arrière. La lecture restitutive serait la manifestation d’une phase
intermédiaire de la grammaticalisation.
Notre deuxième hypothèse est que seuls les verbes à polarité
positive ( ganar, recuperar algo) admettent la lecture restitutive
tandis que les verbes à polarité négative ( perder) la rejettent. Il
s’agira toujours dans la lecture restitutive de revenir à un état
considéré comme normal par celui qui parle.
2 La lecture itérative
Nous allons étudier à présent la lecture itérative et tenter de
déterminer les éléments qui en conditionnent l’apparition. La
lecture itérative exprime la répétition de l’action (événement)
décrite par le verbe à l’infinitif. Cette lecture apparaît dans
l’exemple (9). Ce dernier signifie que le livre est édité pour la
seconde fois.
Ici la lecture est itérative car l’énoncé (12) revêt le sens de ‘il a de
nouveau ouvert la porte’. Un verbe d’achèvement désigne un
moment ponctuel correspondant au passage d’un état à un autre et
ne possède pas de déroulement temporel. Il est borné car une fois
que la porte est ouverte, l’action est terminée.
La périphrase peut, dans de rares cas, être combinée avec un verbe
d’état. L’exemple (13) est recevable :
3 Lecture restitutive
Une seconde lecture est possible : celle de la lecture restitutive.
Dans ce cas, la périphrase exprime le retour à un état antérieur : est
rétablie une situation antérieure perdue. Cette lecture est en
français connue sous le nom de « sens annulatif » (Fabricius-
Hansen, 1980 ; Apothéloz, 2005 & 2007). On constatera que dans
les exemples (22), (23) et (24) l’énoncé (a) ne peut être traduit que
par (b) et non par (c). En effet, « il est ressorti » ne signifie pas
qu’il est ressorti une seconde fois mais qu’il est à nouveau dehors
après être entré. De même, « il est redescendu » s’interprète
comme ‘il est à nouveau en bas après être monté’; « il referma la
porte » ne veut pas dire qu’il a pour la seconde fois fermé la porte
mais qu’il a fermé la porte après qu’elle a été ouverte.
Toutefois, malgré la non recevabilité des exemples (c), les
grammaires espagnoles indiquent que volver a offre également une
lecture restitutive. On en trouvera les exemples suivants :
En (25), il est dit non pas qu’il tomba pour la deuxième fois sur le
canapé mais qu’il revint à son état antérieur : celui d’être assis sur
le canapé. En (26), il n’a pas posé pour la seconde fois la pierre sur
le sol mais après l’avoir examiné il fait en sorte qu’elle soit à
nouveau sur le sol. En (27), Marie n’est pas sortie pour la
deuxième fois de la pharmacie mais après être entrée, elle en est
sortie : elle se trouve à nouveau à l’extérieur de la pharmacie.
Nous essaierons à présent de comprendre comment peut surgir la
lecture restitutive. La plupart des études expliquent que la lecture
restitutive surgit lorsqu’est utilisé un verbe statif (Fabricius-
Hansen, 2001 ; Wälchli, 2006 ; Garachana & Rosemeyer, 2010 :
13-14). Toutefois, les verbes statifs semblent poser un problème :
sont confondus le procès (l’événement) et l’état résultatif : ser
excelente, ser un buen chico dans la mesure où la répétition de
l’état ser excelente ou ser un buen chico implique nécessairement
la restitution de l’état en question. Être à nouveau un bon garçon
est le retour à cet état : la lecture répétitive se confond donc avec
la lecture restitutive :
Ces exemples pourraient être paraphrasés par ‘su relación fue de
nuevo excelente’ ou ‘es de nuevo un buen chico’, ce qui revient à
en faire une lecture répétitive. Leur relation était excellente et elle
est à nouveau excellente. C’était un bon garçon : ‘c’est à nouveau
un bon garçon’. L’événement 10 décrit est un état et il est difficile
de dire si l’état se répète ou s’il y a simplement retour à un état
antérieur.
Nous pensons que le verbe doit dénoter un changement d’état.
Tous les verbes qui désignent une action suivie d’un résultat
(verbes de réalisation) ou le passage d’un état à un autre (verbes
d’achèvement) permettent la lecture restitutive. Ainsi caer sobre el
sofa équivaut à [tomber + être assis sur le sofa] ou abrió la puerta
équivaut à [ouvrir + être ouverte]. Une fois que la personne est
tombée sur le canapé ou que la porte est ouverte, il s’avère
impossible de prolonger l’action. Comme nous l’avons vu dans les
exemples français, le verbe refermer exprime le passage de être
ouvert à être fermé, redescendre, celui de être en haut à être en
bas, caer, celui de être debout à être assis. À l’inverse, les verbes
d’activité tels que cantar, par nature non délimités, n’impliquent
pas de résultat et empêchent la lecture restitutive : volvió a cantar
n’a qu’une seule lecture répétitive. Rappelons que l’idée d’un
déplacement spatial a été avancée : re– ou volver a contiendraient
un opérateur exprimant un changement du type de celui de devenir
( become pour l’anglais : Dowty, 1979).
Dans la lecture répétitive, le sujet peut être la cause du
changement (von Stechow, 1996 ; Bale, 2006) :
Dans l’exemple (34) est présupposé le même état ‘la porte était
fermée’ mais également l’action antonymique, c’est-à-dire l’action
inverse: ‘j’avais ouvert la porte’ (« l’antonymie directionnelle » ou
« sens annulatif » selon Fabricius Hansen, 1980 ; Apothéloz, 2005
& 2006). Comparons ainsi (35) et (36) puis (37) et (38) :
Conclusion
Nous avons tenté dans ce travail de comparer le préfixe re–
français et la périphrase volver a+ infinitif en espagnol. Nous
avons vu que tous deux possédaient deux lectures : une lecture
répétitive et une lecture restitutive. On considère que dans la
première lecture, re– et volver a contiennent un opérateur temporel
ayant une portée sur l’événement tout entier. En effet, l’événement
auquel réfère l’infinitif doit se développer dans le temps et être
délimité : redire / volver a decir, revoir / volver a ver. Dans le cas
où il renvoie à un prédicat statif ( Volvió a ser rubia), ce dernier
devra être interprété comme un prédicat dynamique délimité (‘se
teindre les cheveux pour être blond’). En espagnol, par défaut, en
l’absence de contexte, la périphrase volver a + infinitif
s’interprètera toujours dans un sens répétitif. Un contexte sera
toujours requis pour l’interprétation restitutive. Dans la lecture
restitutive, nous pensons que re– et volver a conservent leur valeur
étymologique de déplacement dans l’espace dans la direction
contraire. Ce sens peut-être est-il une phase intermédiaire de la
grammaticalisation de re– et de volver a. En espagnol, il existe une
lecture restitutive de volver a. Dans ce cas, la phase antérieure doit
être explicite. En français, seuls les verbes à polarité positive
admettent la lecture restitutive ( gagner, récupérer quelque chose)
tandis que les verbes à polarité négative la rejettent ( perdre
quelque chose).
Glossaire
Aspect : la constitution temporelle interne du procès désigné par le verbe.
Généricite : un énoncé est générique lorsqu’il ne désigne aucun individu particulier du
monde des choses ni aucune situation du monde des choses ancrée dans le temps et
l’espace. ( L’homme est un animal = tout homme est un animal. Pierre fume = Pierre est
fumeur).
Grammaticalisation : processus par lequel un mot possédant un contenu purement
lexical se transforme en un instrument grammatical. C’est le cas de ir, verbe qui
signifiait simplement ‘aller’ et possédait un sens spatial. Il sert aujourd’hui à former le
futur proche voy a comer (‘je vais manger’). Il s’est transformé en auxiliaire et possède
un sens temporel.
Opérateur : un opérateur est un terme de sémantique formelle. C’est le rôle que joue le
mot dans la phrase. Celui-ci par un système d’opération modifie un ou plusieurs mots
dans la phrase. Par exemple, il sera opérateur temporel s’il opère, c’est-à-dire s’il affecte
temporellement un autre mot. Les terminaisons verbales de l’imparfait –aba dans cant-
aba, peuvent être considérées comme des opérateurs temporels dans la mesure où ils
opèrent sur le verbe cantar.Volver a pourra être considérée comme un opérateur de
répétition. Dans vuelve a cantar, « vuelve » a ‘opère’, a une portée sur le verbe à
l’infinitif cantar. La périphrase permet ici de multiplier l’événement de cantar.
Périphrase verbale : c’est l’union de deux verbes. Elle sert à exprimer le temps, le
mode ou l’aspect. Elle se compose d’un verbe auxiliaire conjugué et d’un verbe dit
auxilié qui peut être :
- Un infinitif : Voy a comer ; suele hablar mucho ; volvió a cantar ; debes estudiar.
- Un gérondif : Sigue tocando el piano ; lleva lloviendo una semana.
- Un participe passé : Tiene el trabajo hecho.
Présupposition : phénomène par lequel un mot nous oblige à considérer comme vraie
l’existence d’un objet ou d’un événement : dans volvió a editar este texto, volver a nous
oblige à considérer comme vrai ‘se editó este texto anteriormente’. La périphrase
véhicule une présupposition.
Télique/Atelique : télique signifie borné, limité et atélique, non borné, non limité, etc.
Le mot vient de telos en grec qui signifie ‘borne, limite’. Ces deux adjectifs sont utilisés
pour caractériser les prédicats aspectuels.
BIBLIOGRAPHIE
APOTHELOZ, D. (2005), « RE– et les différentes manifestations de l’itérativité »,
Pratiques, nº125-126, p. 48-71.
APOTHELOZ, D. (2007), « La préfixation en re–, l’antonymie directionnelle et
les phénomènes de polarité sémantique », French Language Studies, 17, p.
143–158.
BALE, A. (2005 ), « Quantifiers, Again and the complexity of Verb Phrases »,
SALT XV 1-18, Ithaca NY, Cornell University.
BOSQUE, I. (2012), « On the Lexical Integrity Hypothesis and its (In)accurate
Predictions », An International Journal of Theoretical Linguistics vol.4.1, 140-
173.
CASAMOR VIDAL, M. (2012), « Análisis de los verbos prefijados con re– y su
aplicación a la lexicografía », U. Pompeu Fabra Barcelona.
https://repositori.upf.edu/bitstream/handle/10230/21256/TFG_Casamor%20Maria.pdf?
sequence=1
DE SWART, H. (1993), Adverbs of Quantification: A Generalized Quantifier
Approach, Garland, New York.
FERNÁNDEZ DE CASTRO, F. ( 2000), Las perífrasis en el español actual, Gredos,
Madrid.
FABRICIUS-HANSEN, C. ( 1980), « Lexikalische Dekomposition,
Bedeutungspostulate und wieder », dans Dieter Kastowsky (éd.) , Perspektiven
der lexikalischen Semantik, Bonn, Bouvier, p. 26-41.
GARACHANA, M. ( 2011), « Del espacio al tiempo en el sistema verbal del
español. Las perífrasis verbales ir a+ infinitivo, venir a + infinitivo y volver a
+ infinitivo », dans C. Sinner, J. L. Ramírez Luengo, M.J. Torrens Alvarez,
Tiempo, espacio y relaciones espacio-temporales desde la perspectiva de la
lingüística histórica, Cilengua, San Millán de la Cogolla, p. 89-124.
GARACHANA, M. & ROSEMAYER, M . (2011), « Rutinas léxicas en el cambio
gramatical. El caso de las perífrasis deónticas e iterativas », Revista de
Historia de la lengua española, 6, p. 35-60.
GARCÍA FERNÁNDEZ , L., (dir.) , (2006), Diccionario de perífrasis verbales,
Gredos, Madrid.
GÓMEZ TORREGO , L. (1999), « Los verbos auxiliares. Las perífrasis verbales
de infinitivo », dans I. Bosque y V. Demonte (éds.) , Gramática descriptiva de
la lengua española, Espasa, Madrid, cap. 51, p. 3323-3389.
GREVISSE , M. (1994), Le Bon Usage, Paris & Louvain-La-Neuve, Duculot.
KUTEVA, T. (1999), « On sit / stand / lie auxiliation », Linguistics 37 (2),
p. 191-213.
LACA, B . (2016), « A note on repetition in Spanish: volver a + VInf, re–
prefixation, and adverbs of repetition », <hal-01372989>.
LACA, B. (2006), « Pluralidad y aspecto verbal en español », Revista española
de lingüística, 36, p. 7-41.
LACA, B. ( 2012), « On modal tenses and tensed modals », dans Ch. Nishida/C.
Russi (éds.) , Building a bridge between linguistic communities of the Old and
the New World.Current research in tense, aspect, mood and modality, p. 163-
198.
LEHMANN, C. (2002), Thoughts on Grammaticalization, 2eedition, Seminar für
Sprachwissenschaft der Universität, Erfurt.
MARTÍN GARCIA, J. (1996), Gramática y diccionario: el prefijo re–, Thèse de
doctorat, Universidad Autónoma de Madrid.
MELIS, C. ( 2006), « Verbos de movimiento. La formación de los futuros
perifrásticos », dans C. Company Company (dir.) , Sintaxis histórica de la
lengua española. Primera parte: La frase verbal , vol. 2, cap. 10, UNAM et
Fondo de Cultura Económica, Mexico, p. 873-968.
OLBERTZ , H. (1998), Verbal Periphrases in a Functional Grammar of Spanish,
Mouton de Gruyter, Berlin-New-York.
TOVENA, L. & DONAZZAN, M. (2008), « On ways of repeating », Recherches
Linguistiques de Vincennes, 37, p. 85-112.
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA - ASALE (2009), Nueva gramática de la lengua
española, Espasa, Madrid.
ROCA PONS, J. (1958), Las perífrasis verbales. Thèse de doctorat, Universidad
de Madrid.
VON STECHOW , A. (1996), « The Different Readings of Wieder “Again”: A
Structural Account », Journal of Semantics, 13, p. 87-138.
WÄLCHLI, B. ( 2006), Lexicalization patterns in motion events
revisited,Unfinished manuscript, Juin 2006.
WEILL , I. (2009), « Re– dans tous ses états, un « préfixe » marquant l’aspect
implicatif », Linx Revue des linguistes de l’université Paris X Nanterre, 60, p.
118-140.
YLLERA, A. ( 1980), Sintaxis histórica del verbo español: Las perífrasis
medievales, Departamento de Filología Francesa, Universidad de Zaragoza.
Énoncé
La petite poule blanche se fit encore un peu plus
lourde, et le cochon se mit à monter. Après quoi, il
descendit lentement, remonta, redescendit, et ainsi
pendant plus de cinq minutes.
Marcel Aymé, Les contes du chat perché, II, 1934.
Expliquez la valeur du préfixe re– dans chacune des
formes soulignées puis justifiez votre traduction.
Proposition de corrigé
[Identification ]
Les deux mots soulignés « remonta » et « redescendit »
sont des verbes formés par dérivation. Chacun des deux
se compose d’un verbe ( monter, descendre) et d’un
préfixe re–.
[ Problématique]
Se pose ici la question de la traduction du préfixe
français re– en espagnol, dont la valeur peut
changer selon le contexte.
[Le préfixe re– et la répétition en français]
Le préfixe re– en français possède trois valeurs :
une valeur répétitive ( il le redit), une valeur
restitutive ( il referma la porte), une valeur intensive
( il réécrivit Ana Karénine).
Valeur répétitive. Pour exprimer la répétition, le
français fait un usage beaucoup plus étendu que
l’espagnol du préfixe re– : il a revu ce film, il a
remangé du poulet, il a racheté du lait. Des
locutions comme à nouveau ou l’adverbe encore
sont également possibles : il a vu à nouveau ce
film, il a encore vu ce film.
Valeur restitutive. Dans la lecture restitutive, le
préfixe exprime le retour à un état antérieur : est
rétablie une situation antérieure perdue. Cette
lecture est en français connue sous le nom de
« sens annulatif ». Ainsi j’ai refermé la porte ne
signifie pas que je l’aie fermée pour la deuxième
fois mais que je fais en sorte qu’elle soit fermée
alors qu’elle avait été ouverte. La traduction par
le verbe simple suffit en espagnol : he cerrado la
puerta.
Valeur intensive. Celle-ci apparaît dans l’énoncé
À la fin de sa vie, Tolstoï réécrivit Anna Karénine,
qui signifie que Tolstoï modifia, retoucha,
améliora son roman (valeur intensive) mais en
aucun cas qu’il réécrivit un roman totalement
nouveau (valeur itérative). Il sera donc traduit
par l’énoncé Al final de su vida, Tolstoi reescribió
Ana Karenina.
SOMMAIRE
Introduction p. 163
1 Entender et comprender : deux modes d’intellection
différents p. 165
2 Eléments de vérification p. 167
Conclusion p. 180
Introduction
Le présent travail ne s’inscrit pas au même titre que les autres dans
cet ouvrage consacré à l’épreuve de « Choix de traduction » du
CAPES : il aborde un type de problème, lexical, qui ne fait
généralement pas l’objet de questions dans cette épreuve dont le
but est d’évaluer les connaissances grammaticales des candidats. Il
trouve néanmoins sa place dans cet ouvrage dans la mesure où il
illustre une situation à laquelle tout étudiant en langue aura un jour
ou l’autre été confronté en thème ou en version : celle d’avoir à
faire un choix entre plusieurs termes de la langue cible tenus pour
« équivalents » du terme qu’offre le texte source. Chez les
étudiants-candidats, c’est hélas souvent le hasard qui détermine les
choix, en dépit des mises en garde qui leur ont été faites contre un
mauvais usage du dictionnaire bilingue : ils choisissent au hasard
l’un des équivalents du terme de départ proposés par le
dictionnaire bilingue – souvent le premier, par paresse – et
l’insèrent dans la traduction sans se soucier de savoir s’il convient
dans le contexte donné. Les enseignants que nous sommes ne
cessent pourtant de souligner l’importance de commencer par bien
saisir le sens du texte dans sa globalité, et de toujours tenir compte
du contexte au moment d’opérer un choix lexical. Or il est des
choix qui s’avèrent plus délicats que d’autres, lorsque certains
termes sont fréquemment tenus pour « synonymes », en particulier
par les dictionnaires. Le problème se pose pour les nombreuses
paires lexicales de l’espagnol ( tomar/coger, esconder/ocultar,
añadir/agregar, sitio/lugar, etc.) : la circularité des définitions
données par les dictionnaires – un terme de la paire étant défini au
moyen de l’autre, et inversement – laisse à penser que les deux
termes sont interchangeables alors que, dans la pratique, l’un peut
exclure l’autre, ou simplement convenir mieux que l’autre.
Nous proposons d’illustrer cette difficulté de « choix de
traduction » par la traduction du verbe « comprendre » en
espagnol. Deux verbes, en espagnol, se partagent le champ de
l’intellection, entender et comprender, là où le français n’en
compte qu’un, « comprendre », si l’on excepte l’emploi marginal
du verbe « entendre » pour référer à l’intellection (« j’entends
bien »). Le verbe comprender vient du latin COMPREHENDERE
qui signifiait « saisir ensemble », « saisir par l’intelligence,
embrasser par la pensée » (Gaffiot, 1988 : 365), là où le verbe
entender vient de INTENDERE qui voulait dire « tendre dans une
direction », « tendre vers, tourner, diriger (notamment le regard,
l’esprit) » (Gaffiot, 1988 : 837-838). Dans quelles situations
conviendra-t-il d’employer l’un des deux verbes plutôt que
l’autre ? Y a-t-il des situations qui s’accommodent des deux
verbes ?
C’est bien sous l’angle de la traduction (thème) que seront
examinés ici les verbes entender et comprender, raison pour
laquelle certains emplois plus marginaux de entender glosables par
« opinar », ou « tener intención », de même que les emplois
prépositionnels ( entender de, entender en), produisant l’effet de
sens de « conocer », « tener conocimientos », ne seront pas pris en
compte. Seul sera considéré le domaine dans lequel se font
concurrence les deux verbes, c’est-à-dire le domaine de
l’intellection. Il s’agira par conséquent de se rapprocher d’une
représentation, encore partielle, du signifié de chacun des deux
verbes par le biais du domaine de l’intellection.
Figure 6. 1 . comprender
Figure 6. 2 . entender
2 Eléments de vérification
Il n’est pas question ici d’aller chercher hors du mot son objet
mais de considérer le mot en soi, comme une intériorité complexe
faite de réseaux de sens qu’il s’agira de reconstituer.
Avec les verbes entender et comprender, la langue espagnole a
manifestement opéré un découpage qui repose sur la traditionnelle
opposition entre signification et sens, laquelle remonte à l’
Encyclopédie de Diderot et d’Alembert 6. Si cette opposition a été
ensuite reprise et que les différentes théories linguistiques lui ont
donné des contenus très différents, il semble qu’elle soit ici
exploitée dans la version qu’en ont donné les théories classiques
de la sémantique lexicale : dans ces théories, la signification, ainsi
que le rappelle Rastier (2006), fait référence au contenu supposé
invariant du mot, premier, fondamental, constant, celui auquel est
supposé renvoyer le signifiant hors de tout contexte, tandis que le
sens fait référence aux différentes acceptions du mot.
Seul entender évoque la saisie, par l’intellect, d’un rapport de
signification entre un signifiant et son objet. Comprender déclare
quant à lui le processus de mise au jour du sens, processus qui
consiste à saisir tout ce qui est contenu dans un mot de sa propre
langue, tout ce qui est impliqué par ce mot (ensemble des
acceptions, réseaux de sens, etc.) afin d’en avoir une
représentation nette.
Cette analyse permet de comprendre pourquoi les traducteurs de
Madame Bovary ont unanimement choisi entender pour l’énoncé
suivant, où il est question d’un autre type d’entité pouvant
fonctionner comme symbole, le jeu de carte (le whist) :
La mention « à regarder jouer au whist » a toute son importance :
Bovary ne joue pas lui-même et ne voit donc pas ce jeu de
l’intérieur. Ce qu’il a devant les yeux, ce sont des actions
successives qu’il ne parvient pas à déchiffrer, à relier à une
signification. Les jeux de carte font partie des jeux dits « réglés »
(Caillois, 1967 : 48), activités disciplinées par les conventions
arbitraires des règles qui constituent des systèmes signifiants. Les
actions successives qui composent le jeu ont une signification
conventionnelle ; ce sont donc des symboles régis par des règles,
et l’on ne pourra les relier à leur signification que si l’on a
connaissance des règles du jeu, ce qui n’est manifestement pas le
cas de Charles Bovary.
L’emploi de comprender ne serait pas impossible, mais il faudrait
alors imaginer un contexte différent, où le jeu serait considéré de
l’intérieur. C’est le cas dans l’énoncé suivant, avec un autre jeu
« réglé », les échecs :
Dans tous les cas, comprender a las mujeres est associée à leur
intériorité : il s’agit de percevoir leur « fonctionnement » interne
(désirs, façon de raisonner, de penser) afin d’avoir une
représentation nette de ce qu’elles sont. Il s’agit moins d’une
opération intellectuelle de type déductive – que seul entender
déclarerait –, que de l’appréhension, par un biais plus
psychologique (communion affective ou spirituelle), d’une nature
profonde.
Exemple 2. Entender/Comprender + nom d’événement
Un événement peut également fonctionner comme signe. Par
« nom d’événement », Van de Velde (1995) fait référence à des
noms dont le référent possède une certaine extensité (ils se
déploient dans le temps). Ces noms « décrivent des entités
dépendantes du temps, pouvant constituer des cibles et des sites
temporels, mais dont les propriétés spatiales sont secondaires et
hétérogènes » (Huyghe, 2015 : 5). Les termes « voyage »,
« prière », « guerre » etc. en sont des exemples.
Une recherche sur Google de l’expression entender la guerra
manifeste un certain nombre d’indices qui attestent que la guerre
est considérée de façon externe, relativement à autre chose. C’est
le cas dans l’énoncé suivant où l’« intellection » de la guerre est
liée à la mise au jour de son contexte :
Une recherche de l’expression entender la guerra de Siria ramène
une forte proportion d’énoncés du type « 5 claves para entender la
guerra de Siria » : l’examen plus approfondi des contextes
d’apparition de ces énoncés révèle qu’il s’agit d’articles qui aident
à expliquer la guerre en Syrie, à la replacer dans un contexte
international ou national, à déceler ses éléments déclencheurs.
Comprendre la guerre revient à l’expliquer, à se représenter
comment elle a pu survenir.
La recherche de l’expression comprender la guerra sur CREA et
sur Google ramène des énoncés où il est d’avantage question de la
guerre en elle-même, son déroulement, les faits eux-mêmes ainsi
que les conséquences. L’un de ces énoncés constitue le titre d’un
article en ligne que consacre l’historien espagnol Julián Casanova
à la guerre civile espagnole : « Comprender la guerra civil
española ». Dans le texte lui-même, la présence de certains termes
ou expressions indique que l’historien s’intéresse moins aux
causes de la guerre (il n’y est fait qu’une allusion à la toute fin :
« ¿Por qué hubo una guerra civil en España? ») qu’à ses
mécanismes internes, son déroulement (« para reconstruir aquellos
acontecimientos »), ses effets.C’est donc la guerre vue de
l’intérieur qu’analyse l’historien, la guerre civile espagnole en soi,
et non simplement ses causes ou justifications.
On comprend par conséquent mieux pourquoi, lorsque la guerre
est envisagée dans sa dimension temporelle (période), les
traducteurs choisissent le verbe comprender :
Il ne s’agit pas ici de la guerre comme événement global dont on
peut déceler les causes, mais de la guerre en soi, espace-temps clos
où se sont produits et enchaînés des événements : ce sont ces
enchaînements, ces événements internes que vise l’énoncé, raison
pour laquelle les traducteurs ont choisi comprender.
Exemple 3. Entender/Comprender + état de fait
Dans ce dernier cas de figure pris comme exemple, l’intellection
concerne non plus une entité mais un état de fait. Cet état de fait
peut être déclaré par une proposition subordonnée complétive, qui
déclare un jugement prédicatif : entender/comprender que X es Y.
C’est le cas dans l’énoncé suivant :
L’état de fait peut enfin être déclaré par ce que Van de Velde
nomme un nom d’état, éventuellement accompagné d’un
complément du nom, comme dans l’énoncé suivant :
Tout comme « comprendre A », l’énoncé « comprendre que X est
Y » peut se laisser concevoir de deux façons, selon que l’on
considère l’état de fait « X est Y » en soi, ou relativement à autre
chose que lui-même. Dans les énoncés examinés, plusieurs indices
textuels montrent que c’est comprender qui est choisi pour
déclarer le premier type d’intellection, entender pour le second.
On note par exemple que « entender que X es Y » est
fréquemment précédé de la préposition por, pour former avec
celle-ci un complément circonstanciel de cause :
Conclusion
Quels enseignements pratiques tirer de ces observations ? D’abord
que, pour l’étudiant qui pratique l’exercice de thème ou l’élève qui
apprend l’espagnol, il existe peu d’occasions de commettre de
réels contresens puisque les cas d’exclusion d’un verbe au profit
de l’autre sont très rares. Ceci s’explique par le fait que la plupart
des entités se prêtent aux deux types d’intellection déclarées par
chacun des deux verbes : toute entité peut être envisagée comme
un signe et faire l’objet d’une intellection relative ; se représenter
nettement cette entité, ce sera se représenter son « objet » dans la
terminologie de Pierce (sa signification, ses motivations, ses
causes, etc.) Toute entité peut également être envisagée en soi et
faire l’objet d’une intellection absolue ; se la représenter
nettement, ce sera, pour l’intellect, se représenter son sens, son
intériorité, son mécanisme, son fonctionnement, avec des effets de
sens variés comme le « ressenti » ou la « prise de conscience ». Un
grand nombre de situations du monde référentiel
s’accommoderont des deux représentations et l’on pourra par
conséquent, sans grand risque, employer l’un ou l’autre des deux
verbes. L’examen attentif des contextes montre toutefois que
certaines situations référentielles s’accommodent mieux de l’une
ou de l’autre des deux conceptualisations, et l’on risquera alors le
faux-sens ou l’impropriété si l’on ne prend pas toute la mesure du
contexte d’emploi du verbe « comprendre » ; selon que l’on
emploiera l’un ou l’autre des deux verbes, on obtiendra des effets
de sens différents, lesquels seront plus ou moins bien adaptés au
contexte dans lequel le verbe apparaît.
GLOSSAIRE
Cotexte (ou co-texte) : ce terme renvoie, en linguistique, à l’ensemble du texte contigu
au fait de langue étudié, en entendant par texte tout discours, oral ou écrit.
Métonymie : figure de contiguïté qui désigne un objet par le nom d’un autre objet,
indépendant du premier mais qui a avec lui un lien nécessaire, d’existence ou de
voisinage.
Radical : le radical d’un mot est à distinguer de sa racine. La racine est l’élément de
base, irréductible, commun à tous les représentants d’une même famille de mots à
l’intérieur d’une langue ou d’une famille de langue. Le radical d’un mot est la forme que
prend sa racine dans ses réalisations diverses.
Representamen : chez Pierce, ce terme désigne le signe, c’est-à-dire une chose qui
représente une autre chose (son objet).
Bibliographie
Études citées
D U B O I S , J., GIACOMO, M., G U E S P IN , L. et al. (2012), Dictionnaire de
linguistique, Larousse, Paris.
FLAUX, N. & VAN DE VELDE, D. (2000), Les Noms en français : esquisse de
classement, Ophrys, Paris.
GAFFIOT, F. (1988), Dictionnaire latin-français, Hachette, Paris.
HUYGHE, R. (2015), « Les typologies nominales : présentation », Langue
française, 185, p. 5-27.
JAMET, E. (2006), Lectura y éxito escolar, récupéré le 10 novembre 2016 du
site Books.Google :
https://books.google.fr/books/about/Léctura_y_éxito_escolar.html?
id=6PRgAAAACAAJ&redir_esc=y
J ARRETY , M. (2001), Lexique des termes littéraires, Librairie générale de
France, Paris.
MOLINER, M . (2004), Diccionario de uso del español, Gredos, Madrid.
PIERCE, C. S. (1931-1935), Collected Papers, Harvard University Press,
Cambridge.
PIERCE, C. S. (1978), Écrits sur le signe, rassemblés, traduits et commentés par
G. Deledalle, Le Seuil, coll. « L’ordre philosophique », Paris.
RASTIER, F. (2006), « De la signification lexicale au sens textuel : éléments
pour une approche unifiée », récupéré le 28 janvier 2017 de http://www.revue-
texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_Signification-lexicale.html
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA (2008), Corpus de referencia del español actual
(CREA). Récupéré de http://www.rae.es/recursos/banco-de-datos/crea
TAUVERON, M . (2011), « Un classement des noms abstraits dans le lexique
français : aux confins de l’action et des propriétés », récupéré le 27 février
2017 de
https://www.researchgate.net/profile/Matthias_Tauveron/publication/230725195_Tauveron__Aux_conf
origin=publicationlist
VAN DE VELDE, D. (1995), Le Spectre nominal, Peeters, Paris.
Extrait n° 1
Mon ami, j’ai dû me rendre à l’évidence : je suis
enceinte ; et l’enfant que j’attends n’est pas de lui. J’ai
quitté Félix il y a plus de trois mois ; de toute manière,
à lui du moins je ne pourrai donner le change. Je n’ose
retourner près de lui. Je ne peux pas. Je ne veux pas. Il
est trop bon. Il me pardonnerait sans doute et je ne
mérite pas, je ne veux pas qu’il me pardonne. Je n’ose
retourner près de mes parents qui me croient encore à
Pau. Mon père, s’il apprenait, s’il comprenait, serait
capable de me maudire. Il me repousserait.
Gide, Les Faux-monnayeurs, 1925 : 85.
Explication
Ici la narratrice (Laura Douviers) imagine la réaction
qu’aura son père en apprenant qu’elle est enceinte d’un
homme qui n’est pas son mari. Les verbes
« apprendre » et « comprendre » conjugués à
l’imparfait de l’indicatif sont employés de façon
absolue, c’est-à-dire sans mention de leur complément
d’objet. Ce complément, implicite, est l’état de fait
décrit par la narratrice dans les lignes qui précèdent,
c’est-à-dire le fait qu’elle soit enceinte d’un homme qui
n’est pas son mari. Lorsque le complément d’objet du
verbe « comprendre » est un état de fait, l’intellection
de type relative ( entender) consiste, comme nous
l’avons vu, à se représenter l’étatde fait relativement à
autre chose que lui-même, en l’occurrence relativement
aux éléments, aux causes qui y ont conduit ; il en
découle généralement deux types d’effet : soit celui de
la déduction ( entenderque X c’est parvenir à la
conclusion que X), soit celui de l’approbation (
entender que X c’est trouver X justifié, c’est-à-
direapprouver X). Or il n’est pas question ni de l’un ni
de l’autre. D’une part, la narratrice n’envisage pas que
ce soit son père qui, de lui-même, par des conjectures,
parvienne à la conclusion qu’elle est enceinte d’un
homme qui n’est pas son mari ; elle envisage qu’il
l’« apprenne », c’est-à-dire qu’il en soit informé par un
tiers. D’autre part, il n’est pas non plus question, pour
le père, d’approuver cet état de fait ; au contraire, la
narratrice imagine une réaction de colère et de rejet :
« [il] serait capable de me maudire », « Il me
repousserait ». Cette réaction suggère que le père, au
moment où il « apprend » que sa fille est enceinte d’un
homme qui n’est pas son mari, s’intéresse à l’état de
fait en soi et non à ses causes : il s’agit bien d’une prise
de conscience et c’est cette prise de conscience qui
engendre la colère et le rejet. Ce n’est qu’une fois la
colère passée que l’on peut s’interroger sur les causes
et les motivations qui ont pu conduire à l’état de fait.
Une traduction par comprender sera donc préférable :
Explication
Dans cet autre exemple, le co-texte oriente vers une
interprétation en termes d’intellection relative. Le
verbe « comprendre » a pour complément d’objet une
proposition subordonnée complétive qui indique ici
aussi un état de fait : « qu’elle épouse Douviers ». Au
début du passage, le narrateur indique la raison qui
pousse une femme à aimer un homme et suggère que
Laura, sujet de la complétive en question, en est le
parfait exemple. Autrement dit, le narrateur invoque
une première raison à son mariage avec Douviers.
Immédiatement après la proposition qui nous intéresse,
il déclare avoir été lui-même un élément moteur : « j’ai
été un des premiers à le lui conseiller ». En déclarant
qu’il « comprend » l’état de fait « elle épouse
Douviers », le narrateur indique donc qu’il parvient à
relier cet état de fait à ses causes, ses motivations, d’où
un effet d’approbation puisque lui-même a été l’un des
« moteurs » de ce mariage. Il ne s’agit donc pas de se
représenter cet état de fait en soi, mais bien de se le
représenter relativement à autre chose que lui-même,
en l’ocurrence ses motivations, d’où la traduction que
nous proposons :
Explication
L’interprétation en termes d’intellection relative est la
plus probable ici. Le complément d’objet direct du
verbe « comprendre », le pronom complément « me »
qui désigne le personnage d’Armand, renvoie en
réalité, par métonymie, à ce que ce personnage vient de
dire, à savoir qu’il est des œuvres, comme la Joconde,
dont personne n’a encore osé dire qu’elles sont
stupides. À Olivier qui lui demande s’il trouve par
conséquent la Joconde stupide, Armand répond « tu ne
me comprends pas » ; ce qu’il reproche à son ami, c’est
de ne pas bien comprendre ce qu’il a dit, de ne pas
avoir relié ses paroles à la bonne signification. Les
paroles d’Armand, la phrase prononcée, fonctionnent
donc comme un signe qu’il s’agit de déchiffrer,
autrement dit d’associer à sa véritable signification,
laquelle est explicitée dans les lignes qui suivent : « Ce
qui est Stupide, c’est l’admiration qu’on lui voue ». La
question n’est donc pas ici de saisir le fonctionnement
interne d’un être, sa nature profonde, mais bien de
percevoir la signification des paroles de cet être, raison
pour laquelle la traduction par entender semble la plus
adéquate :
No me entiendes.
PARTIE 3
QUESTIONS
PRAGMATIQUES
SOMMAIRE
CHAPITRE 7 ■ Remarques sur la
traduction des adverbes de phrase
évaluatifs émotifs ➤ P. 191
Exemple de sujet ➤ P. 215
SOMMAIRE
Introduction p. 192
1 La place des adverbes de phrase dans les épreuves de
traduction et les grammaires p. 193
2 Le paradigme des adverbes pouvant fonctionner comme
adverbes de phrase d’évaluation émotive positive ou
négative en français et en espagnol p. 201
3 Éléments pour l’analyse contrastive pouvant faciliter le
choix de traduction p. 204
Conclusion p. 211
1. 2 Grammaires unilingues
Pour préparer les épreuves de choix de traduction, les jurys
conseillent l’emploi des dictionnaires unilingues, ainsi que les
grammaires de l’espagnol et du français ; nous nous pencherons
maintenant sur la place des adverbes étudiés dans ces derniers
ouvrages.
D’une part, les grammaires d’espagnol pour francophones
(Gerbain & Leroy, 2003 ; Bedel, 2004), très consultées par les
candidats, n’aident pas à y voir très clair, car même si elles
expliquent des aspects généraux des adverbes en – mente (leur
formation à partir du féminin des adjectifs – lorsque ceux-ci ont
une forme féminine spécifique –, les restrictions de certains
adjectifs ne pouvant pas former d’adverbes en – mente, le double
accent tonique des formes en – mente et les règles d’apocope des
adverbes dans les cas de juxtaposition ou coordination de ces
adverbes), elles se limitent, d’un point de vue syntaxique, à la
modification adverbiale d’un adjectif, d’un autre adverbe ou d’un
verbe et ne font pas allusion à la portée phrastique de la
modification de certains adverbes 12.
Afin d’étudier ce fonctionnement extraprédicatif des adverbes, les
candidats peuvent consulter Alarcos (1994 : 133), qui prend
l’exemple de felizmente pour distinguer sa fonction comme
« adyacente oracional » 13(1) en position détachée, face à son
emploi comme « adyacente circunstancial » 14, en position
postverbale sans pause (2) 15 :
Conclusion
Les épreuves de choix de traduction du concours exigent une
préparation solide des candidats et une analyse fine des textes
permettant d’apprécier la richesse des valeurs et des nuances sur
lesquelles les langues source et cible convergent et divergent.
Dans les cas des adverbes évaluatifs, les grammaires permettent
d’expliquer leur formation et leurs fonctions syntaxiques mais ne
fournissent pas de critères permettant l’analyse des éléments en
contraste. Considérant les différences dans le paradigme des
adverbes de phrase à évaluation émotive en français (réduits dans
les travaux de linguistique au couple
heureusement/malheureusement) et en espagnol (avec un choix
supérieur d’unités d’usage courant, comme afortunadamente,
felizmente, tristemente, desafortunadamente, desgraciadamente,
lamentablemente, etc.), nous avons proposé quelques pistes de
réflexion (propriétés distributionnelles, collocations 37 et fonctions
syntaxiques, valeurs sémantiques en lien avec leurs bases
lexicales, stratégies discursives et intentions communicatives)
pouvant servir aux futurs candidats à affiner leur traduction,
notamment dans les épreuves du thème.
GLOSSAIRE
Ablatif : du latin ABLATIVUS (casus). Cas de la déclinaison employé dans certaines
langues flexionnelles comme le latin, réservé principalement au complément
circonstanciel.
Adverbes de phrase : adverbes qui se situent dans une position extérieure au noyau de
la phrase et qui permettent de porter un jugement ou prédication secondaire sur
l’ensemble de la phrase.
Adyacente circunstancial : terme de la grammaire de Alarcos (1994) qui désigne la
fonction de l’adverbe comme complément circonstanciel en position postverbale (il
modifie la manière dont s’effectue le procès dénoté par le verbe).
Adyacente oracional : terme de la grammaire de Alarcos (1994) qui désigne la fonction
de l’adverbe comme adverbe de phrase, portant un jugement sur l’ensemble de la phrase.
Collocations : emplois d’une unité dans des distributions fréquentes par rapport à
d’autres termes qui sont susceptibles d’être co-occurrents avec lui ; la notion de
collocation sert principalement à décrire les assemblages lexicaux habituels d’une unité,
entérinés par l’usage.
Dictum : contenu propositionnel ou représenté de la phrase.
Énoncé : produit linguistique d’un acte d’énonciation. L’énoncé n’est pas une entité
abstraite, mais une unité concrète de communication actualisée dans une situation
d’énonciation (le terme enonciation désignant la mise en fonctionnement de la langue au
moyen d’un acte individuel et concret d’utilisation).
Extraprédicatif : fonctionnement périphérique dans une position extérieure à la
structure prédicative de la phrase ; fonctionnement hors phrase, comme un élément
périphérique de la phrase.
Fonction : lien de construction syntaxique que les mots entretiennent les uns avec les
autres dans l’axe syntagmatique.
Locuteur : ce terme est présenté ici pour désigner l’entitéque l’énoncé présente comme
son auteur.
Modalité : dans l’étude de la langue, ce terme fait allusion à l’expression de l’attitude
du locuteur par rapport à son énoncé, et provient de l’opposition classique du linguiste
Charles Bally entre un « contenu représenté », le dictum (ou contenu propositionnel) et
une modalité, le modus, qui indique la position du locuteur vis-à-vis du contenu qui est
exprimé.
Nature : traditionnellement, ce terme fait allusion à la catégorie, classe ou partie du
discours à laquelle un mot appartient.
Phrase : structure prédicative binaire qui met en relation un sujet et un prédicat dont le
noyau est formé par un verbe conjugué. La phase est une structure syntaxique constituée
d’unités significatives hiérarchisées. À la différence de l’énoncé, la phrase est une entité
abstraite de description grammaticale qui correspond à un schéma structurel en attente
d’actualisation dans le discours au moyen d’un acte d’énonciation.
Propriétés distributionnelles : propriétés d’une unité selon ses possibilités
combinatoires dans la chaîne syntagmatique, c’est-à-dire, selon les environnements
linguistiques où l’unité peut apparaître.
Bibliographie
ACADÉMIE FRANÇAISE (1932-1935), Dictionnaire de l’Académie française, 8e
éd <https://apps.atilf.fr/academie/> [Académie française]
ALARCOS , E. (1994), Gramática de la lengua española, Espasa Calpe, Madrid.
ATILF, CNRS & UNIVERSITÉ DE LORRAINE (2017a), Base textuelle Frantext. <
http://www.frantext.fr>[Frantext]
ATILF, CNRS & UNIVERSITÉ DE LORRAINE (2017b), Trésor de la langue
Française informatisé. < http://www.atilf.fr/tlfi> [TLFi]
BEDEL , J.M. (2004), Grammaire de l’espagnol moderne, PUF, Paris, 4e éd.
B O S Q U E , I. (dir.) (2004), REDES. Diccionario combinatorio práctico del
español contemporáneo , SM, Madrid. [REDES]
C AZALAÀ , B. & C ABOT , P. (coords.) (2009), Diccionario general español-
francés, français-espagnol, Larousse, Barcelone. [Larousse]
FLORES , M. & MELIS , C. (2010), « Emociones y valoraciones », dans M. J.
Rodríguez Espiñeira (éd.) , Adjetivos en discurso. Emociones , certezas,
posibilidades y evidencias, Universidad de Santiago de Compostela, Saint-
Jacques-de-Compostelle, p. 31-59.
F RETEL , H., ODDO-BONNET, A. & OURY, S. (2007), L’épreuve de faits de
langue à l’oral du CAPES d’espagnol, Armand Colin, Paris.
GARDES-TAMINE , J. (2012), La Grammaire, 2) Syntaxe, Armand Colin, Paris,
5e éd.
G E R B O I N , P. & LEROY, C. (2003), Grammaire d’usage de l’espagnol
contemporain, Hachette, Paris, 9e éd.
G REVISSE , M. & GOOSSE, A. (2008), Le bon usage, De Boeck-Duculot,
Bruxelles, 14e éd.
KOVACCI , O. (1999), « El adverbio », dans Bosque I. & Demonte, V. (dirs.) ,
Gramática descriptiva de la lengua española, Espasa Calpe, Madrid, p. 705-
786.
LITTRÉ , E. (1876), Dictionnaire de la langue française, Hachette, Paris. <
http://littre.reverso.net> [Littré]
M E L IS , L. (1983), Les circonstants et la phrase, Presses universitaires de
Louvain, Louvain.
MOLINER , M. (1966), Diccionario de uso del español, Gredos, Madrid. [DUE]
MOLINIER , C. & LEVRIER, F. (2000), Grammaire des adverbes : description
des formes en –ment, Draz, Genève.
MØRDRUP , O. (1976), Une analyse non-transformationnelle des adverbes en –
ment, dansRevue Romane, numéro spécial, 11, Akademisk Forlag,
Copenhague.
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA (2010), Nueva gramática de la lengua española,
Espasa, Madrid.
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA (2014), Diccionario de la lengua española, Espasa
Calpe, Madrid, 23e éd. < http://www.rae.es>[DRAE]
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA (2017a), Corpus del Español del Siglo XXI. <
http://www.rae.es> [CORPES XXI]
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA (2017b), Corpus de Referencia del Español Actual.
< http://www.rae.es> [CREA]
R IE G E L M., P ELLAT , J.C. & RIOUL, R. (2009), Grammaire méthodique du
français, PUF, Paris, 9e éd.
ROBERT , P. (2010), Le Nouveau Petit Robert, Dictionnaires le Robert, Paris.
SECO , M., ANDRÉS, O. & RAMOS, G. (1999), Diccionario del español actual,
Aguilar, Madrid. [DEA]
VILLANUEVA , G. (2001), Clés grammaticales du thème littéraire espagnol, Éd.
du Temps, Paris.
Énoncé
J’aime cette histoire « drôle », belle leçon
d’optimisme : un pilote d’essai vole au-dessus d’un
champ de blé ; malheureusement, son moteur tombe en
panne ; heureusement, il a un parachute ;
malheureusement, son parachute ne s’ouvre pas ;
heureusement, il est à l’aplomb d’une belle meule de
paille ; malheureusement, la meule est piquée
verticalement d’une grosse fourche ; heureusement, il
réussit à tomber à côté de la meule. La formule
théorique de ce type d’enchaînements est chez Alfred
Capus : « Dans la vie, tout s’arrange, mais mal. »
Gérard Genette, Bardadrac, 2006
Après avoir identifié la nature et la fonction des
mots soulignés dans les séquences «
malheureusement, son moteur tombe en panne ;
heureusement, il a un parachute ;
malheureusement, son parachute ne s’ouvre pas ;
heureusement, il est à l’aplomb d’une belle meule de
paille ; malheureusement, la meule est piquée
verticalement d’une grosse fourche ; heureusement,
il réussit à tomber à côté de la meule », vous
expliquerez les valeurs et emplois des mots
heureusement et malheureusement en français et
comparerez les expressions dont le français et
l’espagnol disposent pour exprimer ces nuances
discursives dans ce type d’énoncés. Vous justifierez
ensuite la façon dont vous avez traduit ces
occurrences en espagnol, en vous appuyant sur
l’intention de l’auteur et en commentant les valeurs
et effets produits par ces mots dans les séquences.
Proposition de corrigé
[ Identification]
Les mots heureusement et malheureusement sont des
adverbes formés par l’addition du suffixe – ment à la
forme féminine au singulier des adjectifs heureux (
heureuse) et malheureux ( malheureuse). Le féminin
s’explique par l’accord des adjectifs avec mente, qui est
à l’origine l’ablatif du substantif féminin latin mens,
mentis, signifiant ‘l’esprit’, ‘la pensée’, puis ‘la
manière’. Il s’agit d’une procédure productive dans les
langues romanes, comme le confirme la formation des
adverbes en – mente de l’espagnol.
Du point de vue de leur ancrage syntaxique,
heureusement et malheureusement se situent dans une
position extérieure à la phrase pour permettre au
locuteur de porter un jugement sur les phrases qu’ils
introduisent. Dans toutes les occurrences, ils
fonctionnent comme adverbes de phrase et sont
détachés, en tête de phrase, par une pause ou rupture
intonative marquée par une virgule, qui montre leur
usage comme éléments incidents.
[ Problématique]
Le sujet nous invite à exposer les valeurs et emplois
des adverbes heureusement et malheureusement en
français et de leurs équivalents en espagnol. La
question nous mène à réfléchir sur les divergences dans
la formation du paradigme d’adverbes évaluatifs
émotifs à orientation favorable ou défavorable en
français et en espagnol, ainsi que sur la difficulté que
pose la traduction du couple heureusement /
malheureusement dans la langue cible, l’espagnol, où
plusieurs variantes traductionnelles d’usage courant
sont possibles, en fonction de leurs fonctions, valeurs
sémantiques et contextes d’emploi.
SOMMAIRE
Introduction p. 221
1 Les différentes étapes du français et l’évolution des
marqueurs p. 222
2 Les différentes étapes de l’espagnol et l’évolution des
marqueurs p. 232
Conclusion p. 237
Introduction
L’attention en traduction est très souvent portée sur les substantifs,
les temps verbaux ou les pronoms. Or les marqueurs du discours,
entre autres les adverbes, ne sont pas l’objet d’attention des
traducteurs. Loin de là, il est très habituel de trouver des
traductions littérales d’adverbes, où l’on sent que le traducteur ne
s’est posé aucune question à ce niveau-là. Or il est choquant
parfois de trouver des decididamente comme équivalent de
décidément ou des justamente à la place de justement. L’objectif
de ce travail est de passer en revue la diachronie de quatre
adverbes du français et de l’espagnol, ce qui nous permettra de
comprendre une évolution sémantique et dispositionnelle 2, qui ne
se fait pas au même rythme dans les deux langues.
Nous partirons de l’analyse diachronique des marqueurs français
justement, apparemment, décidément et visiblement. Pour
l’espagnol, nous prendrons leurs « homologues » justamente,
aparentemente, decididamente et visiblemente.
Nous partirons de corpus diachroniques pour chacun des
marqueurs, allant du moyen français jusqu’à nos jours, et de
l’espagnol médiéval jusqu’à l’espagnol contemporain. Le corpus a
été réalisé principalement grâce à la base de données FRANTEXT
pour le français, CORDE/CREA pour l’espagnol.
XVIII e siècle :
moment-là.
Le français moderne irait de 1789 à nos jours. Certains linguistes,
comme Marchello Nizia (1999), parlent de français moderne de
1789 au début du XX e siècle, puis de français contemporain. Il est
clair que nous ne pouvons continuer avec cette division si large,
car, bien évidemment, nous ne parlons pas aujourd’hui le même
français qu’au début du XIX e siècle. Rien que l’étude de quelques
marqueurs montre déjà que leur fonctionnement a évolué.
Pour ce qui est de justement, c’est dans la première moitié du XIX
e siècle, vers 1835, que commencent à apparaître des occurrences
de justement 4 inverseur. Il s’agit d’un emploi où l’adverbe inverse
l’orientation argumentative de l’argument précédent (– Tu dois
aimer le théâtre, toi qui as toujours vécu entouré de comédiens. –
Justement ! ) . Il coexiste jusqu’à nos jours avec la valeur
d’adverbe de coïncidence, que nous avons appelé justement 2.
L’adverbe apparemment 3 moderne, adverbe d’énonciation,
comme dans Apparemment, Air France est en grève, semble se
développer dans le courant du XVIII e siècle. Nous pourrons le
trouver dès lors en emploi absolu :
Conclusion
Les adverbes décidément, visiblement, justement et apparemment
ont connu une évolution plus rapide que leurs équivalents
espagnols. Ayant atteint une valeur pragmatique, ces adverbes se
sont éloignés de leurs valeurs premières d’adverbes de constituant
– de façon juste, de façon apparente, de façon décidée, de façon
visible. Ces adverbes modaux évoluent vers une plus grande
subjectivité. L’espagnol n’en est pas encore arrivé à ce stade et le
sens des adverbes est encore proche de leur valeur première de
constituant. Ainsi, aparentemente a encore le sens de según lo que
muestran las apariencias, de manera evidente, visible, alors que le
français s’est éloigné de ce sens pour marquer une atténuation
similaire à celle du conditionnel. De même, le processus de
grammaticalisation se caractérise par une plus grande autonomie
et, notamment, par un détachement du marqueur en position
frontale. Or aussi bien justement 4 que apparemment 3, décidément
e
3 ou visiblement 2 au XX siècle, se caractérisent par leur position
détachée en début ou en fin d’énoncé, Décidément, pas de chance
aujourd’hui ! En revanche, ce critère ne se vérifie pas pour les
quatre adverbes correspondants en espagnol. Nous remarquons,
d’ailleurs, que l’espagnol a tendance à employer des locutions
adverbiales, là où le français présente un adverbe en position
détachée absolue : Décidément ! ~¡Desde luego! ; Justement !
~¡Por eso mismo! ; Apparemment~Por lo que parece / por lo
visto ; Visiblement~Por lo que se ve. Les adverbes français ont
atteint un niveau pragmatico-énonciatif 12, ce qui apparaît aussi
bien dans leur sens, plus subjectif, que dans leur position
syntaxique. En revanche, leurs « équivalents » espagnols en sont à
un stade antérieur tant au niveau sémantique qu’au niveau
syntaxique.
Nous avons étudié ici quatre marqueurs en diachronie pour le
français et l’espagnol, qui démontre une même cadence dans
l’évolution des adverbes dans une même langue et en même temps
une bifurcation pour ce qui est de l’approche contrastive, où à un
moment donné l’espagnol ne suit plus le rythme du français. Grâce
à ce type d’études, il apparaît clairement que la traduction des
marqueurs du discours, et plus précisément des adverbes, mérite
une attention particulière, pour ne pas tomber dans le piège des
faux-amis.
GLOSSAIRE
Adverbe de constituant : adverbe qui ne porte que sur un terme, par exemple dans
Marie m’a parlé franchement = de façon franche.
Adverbe d’énonciation : adverbe qui qualifie l’énonciation même dans laquelle
l’énoncé est apparu.
Adverbe épistémique : adverbe évaluateur de la valeur de vérité de la proposition que
celui-ci accompagne.
Adverbe de phrase : adverbe qui porte sur l’ensemble de la phrase, par exemple dans
Malheureusement, les forces de l’ordre sont intervenues, où malheureusement pourrait
être paraphrasable par Il est malheureux que.
Adverbe pragmatique : adverbe qui a perdu son sens littéral. Il apparaît souvent en
position détachée, voire même en position absolue, comme dans Oh ! Décidément !
Énonciation : événement historique constitué par le fait qu’un énoncé a été produit,
c’est-à-dire qu’une phrase a été réalisée.
Évolution dispositionnelle : évolution de la place ou position qu’occupe un marqueur
au sein de l’énoncé (position frontale, finale, en incise par exemple).
Factif : un verbe est dit factif s’il présuppose la vérité de sa phrase complétive, par
exemple le verbe savoir.
Niveau pragmatico-énonciatif : stade de la langue où l’adverbe acquiert plus de liberté
au niveau syntaxique – ainsi il n’accompagne plus un constituant mais porte sur
l’énonciation ou sur la phrase et il a une plus grande mobilité pouvant apparaître en
position frontale, finale ou en incise. Au niveau sémantique, également, l’adverbe a
perdu sa valeur littérale.
Reprise autophonique : la reprise où le locuteur ferait écho à ses propres paroles.
Bibliographie
Études citées
A B A D , F. (2008), Historia general de la lengua española, Tirant Lo
Blanch,Valence.
ANSCOMBRE , J.C. et al. (2009), « Apparences, indices et attitude du locuteur :
le cas de apparemment », Langue française 161, p. 39-58.
A NSCOM BRE , J.C. (2005), « Le ON-locuteur : une entité aux multiples
visages », dans J. Bres, P.-P. Haillet, S. Mellet, H. Nølke & L. Rosier (éds),
Dialogisme et polyphonie : approches linguistiques, De Boeck-Duculot,
Bruxelles, p. 75-94.
ANSCOMBRE , J.C. & DUCROT, O. (1983), L’argumentation dans la langue,
Mardaga, Liège, 1983.
BORILLO, A. (2004), « Les "adverbes d’opinion forte" : selon moi, à mes yeux,
à mon avis… point de vue subjectif et effet d’atténuation », Langue française
142, p. 31-40.
DENDALE , P. & COLTIER D. (2004), « La modalisation du discours de soi :
éléments de description sémantique des expressions pour moi, selon moi et à
mon avis », Langue française 142, p. 41-57.
DENDALE , P. & TASMOWSKI, L. (éds) (1994), Les sources du savoir et leurs
marques linguistiques, Langue française 102.
DENDALE , P. & VAN BOGAERT, J. (2007) : « A semantic description of French
lexical evidential markers and the classification of evidentials », Rivista di
Linguistica 19, p. 65-90.
DOSTIE, G. ( 2004), Pragmaticalisation et marqueurs discursifs. Analyse
sémantique et traitement lexicographique , Duculot/De Boeck, Coll. Champs
linguistiques, Bruxelles.
DUCROT, O. (1975), « Je trouve que », Semantikos, Volume 1, p. 63-88.
DUCROT, O. (1995), « Les modificateurs déréalisants », Journal of pragmatics
24, p. 145-165.
DUCROT, O. et al. (1980), Les mots du discours, Les éditions de Minuit, Paris.
DUCROT , O. & SCAHEFFER J.M. (1995), Nouveau dictionnaire encyclopédique
des Sciences du langage, Seuil, Paris.
Sites web
Pour l’espagnol :
CORDE, www.rae.es
CREA, www.rae.es
Pour le français :
Base textuelle BFM, http://zeus.atilf.fr/bfm.htm
CLAPI, http://clapi.univ-lyon2.fr
Dictionnaire du Moyen Français http://zeus.atilf.fr/dmf.htm
FRANTEXT, www.frantext.fr, développé par le CNRS-ATILF (Analyse et
traitement informatique de la langue française) et l’université de Nancy 2.
Énoncé
Après avoir expliqué les différentes valeurs et
traductions des adverbes justement, décidément,
visiblement et apparemment, proposez une
traduction des phrases suivantes vers l’espagnol.
(1)
— Tu as toujours vécu en plein centre de Madrid. Tu
dois adorer le centre !
— Justement, c’est ce que je déteste le plus au monde.
(2)
Visiblement , les manifestants ont occupé la rue
pendant toute la nuit et toute la journée. Le lendemain
il était difficile de trouver une rue sans bouteilles
cassées ou drapeaux brûlés.
(3)
Apparemment , les forces de l’ordre sont intervenues
jusqu’à tard dans la nuit. Je l’ai appris dans le journal
télévisé de ce matin.
(4)
Décidément , je n’ai pas de chance aujourd’hui ! Le
réveil ne sonne pas, je reçois une amende de 100 euros
et en plus j’arrive en retard au travail !
Proposition de corrigé
[ Identification]
Les mots soulignés sont des adverbes de phrase. Dans
ce sens-là, ils sont détachés en position frontale et
portent sur l’ensemble de la phrase et non sur un seul
constituant, comme dans Le maire a parlé franchement
(de façon franche). Dans les phrases qui nous
concernent, au lieu de porter sur un seul constituant,
l’adverbe s’applique à l’ensemble de la phrase.
[ Problématique]
Le sujet nous invite à réfléchir sur les différentes
valeurs que peut prendre un adverbe au sein d’un
énoncé en espagnol et en français.
SOMMAIRE
Introduction p. 247
1 La structure informationnelle de l’énoncé p. 249
2 Les opérations de topicalisation en espagnol et en français
p. 251
3 Les opérations de focalisation en espagnol et en français
p. 259
Conclusions p. 266
Introduction
Ce travail se donne pour objet l’analyse contrastive des structures
informationnelles en français et en espagnol dans une perspective
didactique. Dans une perspective plus large, nous apporterons
également quelques éléments de réflexion sur le fonctionnement
des structures informationnelles dans les deux langues
mentionnées et dans le continuum linguistique roman 1.
Nous introduirons pour cela les notions de structure
informationnelle et de topique 2/focus 3, ainsi que d’autres termes
souvent associés aux fonctions informatives (tels que thème /
rhème ou commentaire : section 1). Nous présenterons par la suite
les opérations permettant de marquer la fonction informative des
constituants phrastiques (topicalisations : section 2 ; focalisations
4 : section 3) et observerons les convergences et les divergences
1 La structure informationnelle
de l’énoncé
Le terme structure fait allusion aux modèles d’organisation que
suivent les unités linguistiques et que les linguistes tentent de
mettre au jour pour expliquer le fonctionnement de la langue
observable dans le discours. Ainsi, la structure sémantique indique
les rôles sémantiques adoptés par les actants dans la proposition
(agent, patient, objet, instrument...) ; la structure syntaxique, la
fonction de chacun des constituants dans la phrase (sujet, prédicat,
compléments, circonstants...). La structure informationnelle, quant
à elle, se réfère à l’organisation de l’information dans les unités du
discours, les énoncés 7.
La façon dont les énoncés communiquent l’information répond à
une organisation qui obéit à des stratégies diverses. Selon les
travaux des linguistes de l’école de Prague 8, qui ont été parmi les
premiers à s’intéresser à cette question, en circonstances
« normales », l’énoncé part de l’information connue pour
introduire ensuite l’information nouvelle. Le flux informatif dans
un énoncé prototypique irait ainsi du topique (ou information
connue) au focus (ou information nouvelle) (exemples 1 et 2) 9 :
Après ce que l’on vient de voir, nous pouvons présumer que les
traducteurs pourront conserver facilement les DG dans les deux
langues, avec quelques divergences mineures concernant l’usage
des pronoms de reprise, tandis que la traduction des DD du
français vers l’espagnol subira davantage de modifications, surtout
dans les textes où la présence de ces dislocations est massive,
comme dans le cas de Zazie. Voyons-en quelques exemples :
Conservation des DG aussi bien dans la traduction espagnole
(22b, 23b) que française (24b). Les pronoms français de reprise
en, y sont éliminés mais la dislocation est maintenue (25b). On
observe également dans (26b) et (27b) que les pronoms sujet ne
sont pas repris en espagnol, comme prévu, ce qui élimine de fait
le caractère emphatique des tournures françaises. Il aurait été
possible, néanmoins, de les maintenir en utilisant des
traductions comme celles proposées dans (26c) et (27c) :
Traduction des DD : la traduction en français ne pose pas de
problème et, de façon générale, les rares cas de DD espagnole
sont bien conservés en français (28), mais parfois ils sont
supprimés (29). En espagnol, on observe plusieurs possibilités
de traduction dans les textes du corpus : conservation de la
dislocation à droite (30), mais le plus souvent, suppression de la
tournure emphatique du texte source (31-33).
3 Les opérations de focalisation
en espagnol et en français
Après avoir considéré la mise en relief des topiques, nous
examinerons certains des procédés utilisés en espagnol et en
français pour l’opération de focalisation. Dans ce cas, c’est un
segment focal (information nouvelle, commentaire sur le topique)
qui est mis en avant.
De façon générale, l’espagnol et le français utilisent très
abondamment la prosodie pour obtenir des focalisations : un
accent d’insistance est placé sur le constituant que l’on veut faire
ressortir. Ainsi, une même phrase peut varier sa structure
informationnelle au moment de son énonciation, comme on le voit
dans (34) et (35) :
Par ailleurs, il existe des procédés syntaxiques spécifiques
permettant la focalisation d’un segment, notamment l’extraction et
l’antéposition. Nous présenterons brièvement les procédés
d’extraction, qui sont convergents dans les deux langues 22, puis
nous examinerons le procédé de l’antéposition, dont l’existence en
français contemporain est discutée.
Conclusions
L’étude contrastive des opérations de topicalisation et focalisation
que nous avons proposée ici a révélé des zones de convergence
importantes entre l’espagnol et le français, mais aussi de fortes
divergences sur certains des procédés analysés. Alors que la
dislocation à gauche est un procédé partagé et fréquent dans les
deux langues comme mécanisme de topicalisation, la dislocation à
droite présente des limitations plus fortes en espagnol qu’en
français et son usage, mieux accepté dans la langue littéraire, est
presque absent de l’espagnol parlé. Par ailleurs, la fonction de la
dislocation à droite présente des spécificités par rapport à la DG
dans les deux langues.
En ce qui concerne les opérations de focalisation, nous avons pu
constater la proximité des procédés d’extraction en espagnol et en
français. En revanche, l’antéposition des focus est un procédé
réservé à l’espagnol, qui l’utilise pour exprimer des focus
contrastifs et des focus de polarité. En français, l’usage
contemporain de la langue parlée semble ne pas le tolérer. Des
études complémentaires sont cependant nécessaires pour
déterminer le statut de certaines constructions limites entre les DG
et les focus antéposés.
Sur le continuum roman, l’emploi des DD et des focus antéposés
suggère un écart maximal entre le français et l’espagnol, avec les
autres langues romanes occupant des positions intermédiaires
(Figure 9.2). De nouvelles études comparatives, élargies à ces
différentes langues, sont nécessaires pour confirmer ou infirmer
cette hypothèse.
BIBLIOGRAPHIE
Études citées
BLANCHE-BENVENISTE , C. (2003), « La langue parlée », dans M. Yaguello (éd.)
, Le grand livre de la langue française, Seuil, Paris, p. 317-344.
BOSQUE , I. & GUTIÉRREZ-REXACH, J. (2009), Fundamentos de sintaxis formal,
Akal, Madrid.
BLASCO -DULBECCO , M. (1999), Les dislocations en français contemporain.
Étude syntaxique, Honoré Champion, Paris.
DE CAT , C. (2002), French dislocation, Thèse de doctorat, University of York.
DIK, S . (1978), Functional grammar, North-Holland, Amsterdam.
F IRBAS , J. (1964), « On the Defining the Theme in Functional Sentence
Perspective Analysis », Travaux Linguistiques de Prague 1, p. 267-280.
GIVÓN , T. (éd.) (1983), Topic Continuity in Discourse: a Quantitative Cross-
Language Study, Benjamins, Amsterdam.
G OOSSE , A. (2001), « Évolution de la syntaxe », dans G. Antoine et B.
Cerquiglini (éds.) , Histoire de la langue française 1945-2000, CNRS, Paris,
p. 107-145.
HALLIDAY , M. A. K. (1967), « Notes on transitivity and theme in English »,
part II, Journal of Linguistics 3, p. 199-244.
LAMBRECHT , K. (1994),Information structure and Sentence form, Cambridge
University Press, Cambridge.
LAMBRECHT , K. (2001), « Dislocation » in M. Haspelmath et al. (éd.) :
Language Typology and Language Universals, Walter de Gruyter, Berlin, New
York, p. 1050-1078.
LEONETTI , M. & ESCANDELL-VIDAL, V. (2009), « Fronting and Verum focus in
Spanish », dans A. Dufter et D. Jacobs, Focus and Background in Romance
Languages, John Benjamins, Amsterdam, p. 155-204.
LEONETTI , M. & ESCANDELL-VIDAL, V. (2010), « Las anteposiciones inductoras
de foco de polaridad », dans V. M. Castel et L. Cubo de Severino (éds.) : La
renovación de la palabra en el bicentenario de la Argentina, Ed. de la
Universidad Nacional de Cuyo, Mendoza, p. 733-743.
MATHESIUS , V., (1975), A Functional Analysis of Present-Day English on a
General Linguistic Basis, Mouton, La Haye.
PRÉVOST , S. (2003), « Détachement et topicalisation : des niveaux d’analyse
différents », Cahiers de praxématique, 40, p. 97-126.
RAE-ASALE (2009), Nueva gramática de la lengua española. Vol II:
Sintaxis, Espasa, Madrid.
RIEGEL , M. et al. (1999), Grammaire méthodique du français, PUF, Paris.
R OWLETT , P. (2007), The Syntax of French, Cambridge University Press,
Cambridge.
SEDANO , M. (2008), « En torno al “que galicado” », Español actual: revista de
español vivo, 90, p. 55-76.
SEDANO , M. (2012), « Dislocación a la izquierda y a la derecha: semejanzas y
diferencias », dans Tomás Jiménez Juliá et al., Cum corde et in nova
grammatica. Estudios ofrecidos a Guillermo Rojo , Universidade de Santiago
de Compostela, Saint-Jacques-de-Compostelle, p. 791-805.
SEDANO , M. (2013), « Dislocación a la izquierda y a la derecha en España y
Latinoamérica », Lingüística, 29, 2, p. 153-189.
VALLDUVÍ , E. (2002), « L’oració com a unitat informativa », dans J. Solà et al.
(éds.) , Gramàtica del català contemporani, Empúries, Barcelone, p. 1221-
1279.
Énoncé
— ¿Y usted entonces, por qué no la toma, imitando el
ejemplo de aquí?
Lucio se tocó el vientre, señalando:
— Ay amigo, yo no tengo esa salud. La gata no le gusta
la cazalla, dice que no. Buena se pone de rabiosa; se
me lía a arañar y a morder, ni que la pisaran el rabo.
Rafael Sánchez Ferlosio, El Jarama, 1956, p. 58.
Après avoir identifié la nature et la fonction des
séquences soulignées, vous commenterez leur
position dans la phrase en vous référant à la syntaxe
du système espagnol et leurs effets. Vous
expliquerez ensuite de quels procédés dispose la
langue française pour exprimer des contenus
semblables et proposerez, en le justifiant, votre
choix de traduction.
Proposition de corrigé
[ Identification]
Les séquences soulignées sont respectivement, un
syntagme nominal, la gata, et un adjectif au féminin
singulier ( buena), qui s’accorde avec gata, mentionnée
auparavant. Leur position initiale réflète une structure
informationnelle marquée que nous allons analyser ci-
après.
[ Problématique]
Le sujet nous invite à nous interroger sur les diverses
fonctions des séquences antéposées en espagnol et
leurs équivalents en français.