Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
de bégaiement
pour l'adulte
et approche
rééducative
Bilan de Bégaiement
pour l'adulte
et approche rêéducative
Collection Tests & matériels en orthophonie
Dirigée par Catherine Pech-Ceorgel et Florence Ceorge
Titres parus
Parler et lire avec les idéo-pictos
Méthode d'aide au langage et à l'apprentissage de la lecture
B. Chauvin-Tailland, 2001, 77 pages
La conscience phonologique
Test, éducation et rééducation
D. Delpech, F. Ceorge et E. Nok, 2001, 152 pages
Manuel pratique de lecture labiale
D. Haroutunian, 2002, 128 pages
Test d'orthographe
Le petit Poucet (Texte étalonné du CE 1 à la 3e)
C. de Plazaola, F. Cauthier, M.F. Arsicaud, C. Pech-Ceorgel, 2003, 7B pages
Des mots et des phrases
A.M. Sanaani, 2OO4,98 pages
C. de Plazaola
F. Gauthier
OsolAr
TABLE DES MATIERES
I ntrod u ct io n
H istorique .. 11
Présentation du bégaiement 21
Exercices de statique.. 65
2" axe de la rééducation : la conscience du souffle.... 71
Etudes de cas 93
Conclusion 111
Nous n'oublions pas que le bilan est un lieu de rencontre où le patient qui
bégaie, plus que tout autre, doit trouver une écoute bienveillante et où le
praticien se doit de l'amener à définir, à l'aide du bilan, aussi objectivement
que possible ce que la P.N.L.appelle l'E.P. (état présent) afin qu'à l'issue de
cette rencontre s'établisse un ( contrat ) entre thérapeute et patient en vue
de la concrétisation de l'E.D. (état désiré) que l'on devra tâcher d'amener
le patient à définir, là aussi, le plus lucidement et objectivement possible.
En effet il est fréquent que le patient, à la question : ( De quelle manière
souhaitez-vous parvenir à parler à l'issue de la prise en charge ? ,
réponde: ( Comme vous )) ou n Comme les gens qui parlent bien )... se
référant ainsi soit à une parole académique, soit, en tout état de cause, à
une parole extérieure à eux. lls trahissent par là une carence de l'estime
de soi et nous fournissent l'occasion d'exposer la conception que nous
avons d'une ( vraie > parole (la leur, émaillée ou non, selon les situations,
d'accidents et non exempte de scories, mais authentique et fluide dans
son ensemble) selon notre éth ique.
d1;ili;'r'ï;ï,,i:iil:i:
'r;;:"Ëiïin'"lf:ii
qntlf ion J.' Àz{me l^ F\r r\ Fr r .
Dans la trad ition judéo-ch rétien ne, le bègue avait pour fonction sacrée
celle d' intercesseur. lntermédiaire entre l'homme et la divinité, on lui
prêtait la faculté de comprendre la parole divine.
Nous avons cité ici le cas de bègues ayant su passer outre leur bégaie-
ment, voire s'en servir pour exister. Mais lorsque le bègue se trouve pris
au piège par son trouble, il est alors la cible de toutes les moqueries et
plaisanteries : il devient objet de dérision.
De plus, les bègues exhibés, montrés comme des monstres de foires, ras-
suraient ceux qui n'avaient pas à supporter de quelconques infirmités.
Et, que ce soit dans la Comedia dell'arte ou de nos jours dans les pièces
dites de boulevard, les bègues continuent d'amuser le public: le spec-
tacle perdure.
Enfin, Louis Xlll Le Juste, que l'on aurait pu nommer Louis Xlll Le Bègue,
tant les témoignages de son bégaiement s'avèrent nombreux. L'un de ses
précepteurs justifiait son profond dédain des Lettres du fait de sa difficulté
dans l'expression orale. Plus tard, Son discours de n majorité reconnue )
se fait sans trace de bégaiement aucun et a pour conséquence de faire
cesser les écrits sur son infirmité : le roi est-il guéri ou le sujet doit-il res-
ter tabou ?
Ce ne fut que vers l'an mil qu'Avicenne, médecin arabe, exposa une
théorie plus empreinte de modernisme impliquant le sysême nerveux
dans l'explication du bégaiement. Mais son influence, pourtant grande
dans tout le milieu médical européen, ne fut pas appliquee au b?gaie-
ment.
Le courant l" plus important fut celui des théories qui mirent en cause la
taille et la mobilité de la langue plutôt que sa température ou son taux
d'humidité. Les traitements devinrent cette fois ptus radicaux, car passant
par la chirurgie.
14
I
Alors que les n bains et les béquilles, rencontraient un succès relatif, les
pratiques de glossotomie continuaient. Ces dernières se retrouvent
encore de nos jours, notamment sous la forme de section du frein de la
langue par Hunt (19G7).
D'autres, tels Orton et Travis (1g20), confirmèrent l'idée que cette syn-
chronie est réglée par l'hémisphère gauche du cerveau, dominant pour le
I angage.
16
3S
il-
lcl
l-
Tout le monde s'accorde (comme nous l'avons déjà dit) à situer l'âge
d'apparition du bégaiement vers 2't'ans, 3 ans ; c'est, au niveau du cycle
de l'identité, l'étape où se développe le pouvoir de penser ; l'enfant doit
affirmer son importance vis-à-vis de son entourage; il doit penser par lui-
même et prendre sa place dans la constellation fam iliale.
Si cette étape se déroule mal, l'enfant est incapable de mettre ses capa-
cités intellectuelles au service de ses sentiments ou de ses besoins. ll peut
1B
I
y avoir des ruptures dans le discours, une non-adéquation de celui-ci à
ses perceptions et à ses aspirations.
Pour vivre sainement, il faut avoir un narcissisme positif fondé sur une
réelle estime de soi. Chez le sujet bègue, le narcissisme est défaillant. ll
existe une vulnérabilité narcissique ; soit il se vit (( victime )), soit il doit
prouver et se prouver à lui-même non pas qu'il a honte de lui, mais qu'il
est différent. ll se sent différent, il ressent beaucoup mais peut difficilement
mettre des mots dessus.
Leur désir de parler est diminué dans la mesure où leur agressivité pro-
fonde est inhibée. On peut y trouver une explication de la prédominance
si importante chez les garçons puisqu'il est reconnu plus de tendances
agressives chez eux ou/ comme dit Lacan, de n l'agression ,. Même si les
filles sont tout aussi agressives, socialement parlant l'agressivité est plus
reconnue chez les garçons.
20
Présentation du bégaiement
Le bégaiement physiologique
Les hésitations et répétitions sont normales entre 2 et
4 ans, alors que
l'acqu isition de la parole se développe au décours de la maturation
neurologique de la commande motrice. Elles disparaissent générale-
ment vers l'âge de 6 ans, mais peuvent resurgir au cours d'épisodes
occasionnelt qui correspondent à des moments de stress, tout particu-
lièrement si l'enfant a présenté antérieurement un retard de parole,
entrave précoce au plaisir de la communication verbale. Le bégaie-
ment de la petite enfance, ou bégaiement physiologique, peut s'expli-
quer par le décalage entre le développement mental et les capacités
d'expression phon ique de l'enfant. Au-delà de cette période, le bégaie-
ment se chronicise.
21
I
Les disfluences
I
o ll existe une autre forme de bégaiement où celui-ci, discret, est mas-
qué par des formules de remplissage. ll peut s'agir de formules habi-
tuelles:o heu... vous savez ), procédé non propre au bègue, mais qui
permet à la personne d'organiser sa pensée.
L" bégaiement, nous l'avons déjà souligné, est un trouble qui invalide
la vie relationnelie de l'individu. Notre désir d'apporter notre aide aux
personnes bègues est allé de pair avec l'idée que pour ce faire, il était
indispensaUe''de posséder, en premier lieu, une idée précise du trouble,
toutefois
un état complet du bégaiement, un profil détaillé du bègue sans
que le bilan soit trop pesant pour le patient.
26
Présentation des épreuves
et support théorique
Anamnèse
o Origine de Ia démarche z
o Mobile de Ia démarche z
Par exemple, il est fréquent que le mobile soit d'être à même d'affronter
un oral d'examen, un entretien d'embauche ou, à l'occasion d'une pater-
nité, dès les premiers mots d'un premier enfant, le souci de ne pas nuire
au langage de l'enfant.
A 2't',3
ans, on parle souvent de bégaiement physiologique, se référant
à un défaut de synchronisation entre émotions, pensée et outil verbal. On
sait que sur 4 enfants qui bégaient à cet âge-là, l'un développera un
bégaiement confirmé. De la façon dont l'environnement aura forgé sa
perception de lui-même, sa confiaRce en lui-même et en l'autre, dépen-
dra cette évolution. C'est le sentiment de confiance de base qui lui per-
mettra de surmonter les déconvenues des aléa verbaux.
Ensu ite, vers 6-7 ans, l'enfant con naît u ne nouvel le étape au cou rs de
laquelle il rencontre une nouvelle exigence de performance, lors de
laquelle il doit conquérir sa place et affirmer son identité dans l'accession
à la o grande école > et confronter sa compétence orale à l'acquisition du
code de l'écrit.
Enfitr, à l'adolescerice (vers l'âge de 14 ans) se situe la o mue > dont parle
Françoise Dolto (Le complexe du homard) avec, une fois encore, une
déstabilisation:l'enfant est poussé, avec plus ou moins de heurts et de
saccades, vers un statut qui peut l'angoisser encore plus qu'il ne le séduit,
à l'accession duquel il peut ne pas se sentir prêt et dont il peut ne se sen-
tir ni digne, ni capable.
C'est à ces trois charnières du parcours que l'on peut voir se déclarer un
bégaiement. Notons que ces étapes de l'apparition du trouble signent
toutes un problème de déstabilisation, perte de repères, de place et de
sécu rité, et que plus le trouble sera ancien, plus il sera ancré.
I signes associés.
Le patient les énumère en précisant leur nombre, leur importance (dis-
it
i c rets, notoires, inval idants).
e \ous devrons par la suite comparer ces observations avec celles que
l-
nous aurons effectuées, afin d'établir le degré d'objectivité du
e oatient.
)g
I ce qui le gêne le plus dans son bégaiement.
L'objectif est de déterminer si la gêne ressentie est endogène, c'est-à-dire pro-
voquée par le fait même de bégayer, ou exogèn€, à savoir cléclenchée par le
regard des autres vis-à-vis de son bégaiement.
Nous séparons en deux points cette question pour permettre au bègue
d'exprimer davantage de choses par rapport à son bégaiement, étant
entendu que le désagrément provoqué par le regard des autres est sou-
vent généré par l'idée que se fait le sujet bègue du contenu de ce regard.
Remarque
Cette analyse permet de nous éclairer sur la personnalité, le mode de
fonctionnement du sujet.
Le su
Le jet
sujet cite les
les ddifférentes
ifférentes thérapies qu'i
qr l a pu entreprendre
I thérapie orthophonique pédiatrique
I méthode Tomatis
I traitement médicamenteux
Par ailleu rs, les recherches les plus récentes mettent en évidence une per-
turbation de la latéralisation corticale dans la tâche de communication
verbale.
Certaines études tendent à prouver que les gauchers ont une plus grande
propension au bégaiement et surtout qu'une latéralité floue prive Ë sujet
de points de repères et donc de sécurité.
o Sociabilité :
L'objectif est d'établir la personnalité du bègue dans son enfance, sa
place dans sa fam ille, ses relations avec les aâu ltes et les enfants, l'ins-
tallation de son langage oral et écrit.
Certaines person nes consu ltent pou r des raisons d iverses : se rassu rer,
faire un premier pas vers l'acceptation du bégaiement sans pour autant
désirer une prise en charge immédiate ou être vraiment prêtes à s'inves-
tir dans la rééducation.
Remarque :
Les epreuves
(elles testent les d ifférentes modalités de la parole)
Bilan d'articulation
doit répéter après l'examinateur des phonèmes, des syllabes, des
Le sujet
logatomes, des mots et des phrases regroupant toutes les difficultés arti-
culatoires de notre langue.
Cette épreuve nous permet de juger d'une part si le sujet est à notre
écoute, d'autre part s'il existe un trouble d'articulation associé à son
bégaiement.
Lecture indirecte
Le texte utilisé pour cette épreuve et les deux suivantes est la fable de lean
de la Fontaine : La cigale et la fourmi.
Lecture
Le texte doit être lu, par le patient, à voix haute et en entier dans la mesure
du possible. En cas de trop grosses difficultés, l'épreuve sera abrégée.
32
I
L'examinateur devra signaler ce fait lors de la cotation.
Parole récitée
Les deux items précédents (lecture indirecte et lecture)ont permis de pré-
i parer cette épreuve, par une réactivation du souvenir de cette fable, la
plus communément rencontrée à l'école par les enfants. Outre cette faci-
litation, nous avons choisi La cigale et la fourmi pour les paramètres
expressifs (mépris, indignation, nai'veté) du dialogue.
La récitation porte sur les 6 derniers vers, qui seront d'abord lus à voix
basse, puis récités. C'est une autre façon de tester la disponibilité
d'écoute du message; le patient est-il capable d'être suffisamment atten-
tif au texte (< branché externe ,, pour employer une expression de P.N.L.)
pour en restituer une brève partie en mémoire immédiate sans en modi-
fier la forme.
Notre choix s'est porté sur les six derniers vers afin de pouvoir mieux
apprécier la parole récitée en situation de dialogue (style direct) et pour
les divers sentiments exprimés : suspicion, na'r'veté, sarcasme...
Parole automatique
Le patient doit compter de 1 à 20, puis décliner les jours de la semaine,
les mois, les saisons et éventuellement dire une prière, s'il en connaît.
La langue dans laquelle la prière est donnée n'a que peu d'importance,
l'intérêt de ce test portant essentiellement sur la fluidité de la parole
liée à un langage automatique, lui-même conditionné par un appren-
tissage ancien.
î1
JJ
I
Parole chantée
C'est une situation de parole réputée facilitante. En effet, il est exception-
nel de bégayer sur la parole chantée.
La plupart des sujets ont horreur de chanter, déclarent détester leur voix et
chanter faux. On laisse au patient le choix de la chanson dans un réper-
toire de chansons populaires françaises (tl pleut bergère, etc...). Nous tes-
tons ici la fluidité, le rythffi€, la capacité d'écoute et d'auto-écoute sur
support musical, et nous notons si le sujet chante juste, information essen-
tielle quand on sait Qu'o avoir de l'oreille , est une des conditions de l'ac-
quisition du langage. Malgré l'absence de statistiques sur ce point, notre
expérience nous a montré qu'une majorité écrasante de patients chan-
taient faux, de manière plus ou moins flagrante. Le fait de chanter juste
eVou d'aimer chanter est un facteur pronostique très positif.
Epreuve intonative
Elle vise à examiner la prosodie, dont les paramètres sont le rythffie, la
hauteur, l'intensité et le tempo. Comme le dit joliment Marie-Claude
Pfaurnredel (Un manuel du bégaiement) : ( La prosodie est ce qui n'est
plus de Ja voix, pas encore de Ia parole, mais déjà du sens ).
Pour toutes les épreuves, otr observera les perturbations du débit (nor-
mal en moyenne à 4 à 7 syllabes/sec) qui sont inhérentes au trouble et
étroitement liées à l'angoisse ressentie par le sujet au moment de la
parole.
36
I
On note aussi le débit (la normalité étant de 4 à 7 syllabes par seconde)
. +:unpeu rap ide
. ++ : rapide
o +++ : très rap ide
. - : un peu lent
. -- : lent
o --- : très lent
Enfin, la prosodie :
o + : normale
. - : altérée
. -- : très altérée
77
Bilan de bégaiement
Livret de passation
Anamnèse
Date de passation :
Nom :
Prénom :
Date de naissance :
Nationalité :
Adresse:
TéI. :
Profess ion :
Constellation familiale:
Loisirs:
39
t Description du trouble par le patient
* variabilité du trouble (selon :
o lesquelles ?
o pou rq uoi ?
o s'adresser à un supérieur
:
o s'adresser à un inconnu :
o autres :
* psyehothérapie :
à<
relaxation:
* méd icaments :
* autres :
I Y a-t-il eu des résultats au traitement ? :
r Antécédents ( héréditaires ,
* bégaiement :
* bredou illement
:
40
i:il{m
. !I
* tachylalie :
* bradylalie :
* autres troubles du langage et de la parole
I Latéralité :
* quelle main utilisez-vous pour écrire ?
* clignez de l'æil.
* faites le geste de donner un coup de pied dans un ballon.
* quand vous devez indiquer un itinéraire, trouvez-vous facilement les
termes < tourner à droite, à gauche , ?
* devant un escalier à double révolution, vous di rigez-vous spontané-
ment et sans hésitation vers la droite ou vers la gauche ?
r Sociabilité actuelle :
* avec les proches :
* avec les collègues :
* avec les supérieurs hiérarchiques:
* avec les inconnus:
I Qu'attendez-vous de cette consultation (Etat désiré) ?
Exploration des di fférentes
situations de parole
I Bilan d'articulation :
* Voyelles orale/nasale :
A-an o-on é-in æ-un
* Consonnes :
Occlusives : pa ta ka ba da 8a
Constrictives : cha ja SA ZA VA fa
Liqu ides et nasales : la ra Ya ma na 8na
* Semi-voyelles :
Oui ui te oi
* Associations ,ortonu{iiques :
D iconson nes : pra tra cra gra dra fra vra
Bra pla bla gla cla fla vla
Devant occlusives :ska sta spa
Associations complexes: ksa gza spli psa kta
Devant consonnes : orku erpi irto orgou erbin
43
* Mots de Tardieu :
1 . musique 13. magastn
2. pied 14. il neige
3. bouton 15. Robert
4. joujou 16. perdu
5. cochon 17. paletot
6. caf é 18. fou r
7. train 19. trou
B. chapeau 20. avion
9. ennemi 21 . gâteau
1 0. bébé 22. fru it
11 .
leçon 23. taxi
12. brouette 24. travail
* Mots d'lnizan :
Top inambou r lnstabilité
Nabuchodonosor Sardanapale
Cosmopolite Désenchantement
Excommu n ication Constantinople
Fam iliarité lrrévocablement
* Phrases
ll fait tout
J'ai perdu ma bicyclette.
Maman a m is le paraplu ie dans le jard in.
J'aimera is bien m'asseoir dans l'herbe toute fraîche.
r lecture indirecte :
I Lecture :
,a'
Parole rédtée
44
' '*'***'*'w
rrl*'
-,
r Séries automatiques :
* comptage de 1 à 20
* jours de la semaine :
* mois de l'année :
* saisons:
* prière :
I Parole chantée :
r Récit spontané :
I Epreuve intonative :
a ( Le réfrigérateur est vide ,
* assertion neutre
* ton dubitatif
* interrogation
'< ind ignation
a - sur modèle
b - sans modèle
lecture : ( La porte est restée ouverte
* assertion neutre
* ton dubitatif
* interrogation
* indignation
I Oébit de la parole :
/
r Déglutition :
45
WWryff,MN
47
Observation du patient :
Comportements
concomitants
Au niveau du visage : /7
I palpitation des ailes du nez
I froncement des sou rc i ls :
I plissement du front :
I autre :
Au niveau du regard : /s
t fuite du contact visuel :
r fermeture momentanée des yeux (au moment même du bégayage) :
I autre :
.-.---=-- 49
Au niveau du tronc et du corps : /7
I avancée, basculement progressif de la tête vers l'arrière
I torticolis spasmodique :
I autre :
Au niveau de la respiration : /s
I inspiration phonatoire anormalement rapide et brève
I inspiration phonatoire insuffisante :
I inspiration anormalement longue :
I inspiration anormalement bruyante :
T pause en suspension à la fin de l'inspiration et phonation en apnée
I incoord ination des reprises respiratoires :
T blocages respiratoires :
I autre :
Signes vasomoteurs : /s
I rougeu r :
I pâleu r :
t transpiration:
I moiteur :
I autre :
r migraines:
I autre :
51
Articulation Lecture Lecture Parole Séries Parole Récit Epreuve
indirecte récitée automatiques chantée intonative
Répétitions
Bredouillements
Blocages
Rupture totale
de la parole
Débit/sec.
Substitutions
Omissions
Adjonctions
Prosodie
Fondements
de la démarche rêéducative
Nourri du plaisir généré par ces rencontres et par ces échanges ( musi-
calisés > dans les voix, les prosodies, tout l'univers sonore, le langage ver-
bal s'est tissé au plus profond de nous sans frontière entre état interne
(tristesse, joie, pu lsions ...), geste mote u(, K démarche sensu-actorielle > et
transmutation en signe, langage ( lingui-spéculatif ) pour reprendre les
concepts éminemment parlants de M. Pichon.
54
l
l C'est cette globalité de l'acte de parole que l'on s'attachera à exposer au
) patient dès l'issue de la séance de bilan, car c'est sur cette globalité que
l nous fonderons notre approche rééducative, €t c'est elle aussi qu i nous
amènera à proposer au patient un accompagnement psychothérapeu-
tique. ( L'homme n'est ni ange ni bête... )) : la parole, acte divin, est aussi
charnel, incarnation du verbe.
59
ler axe de la rééducation :
travail de la conscience
statique
ll faut donc considérer que la statique est l'équilibre des forces et la défi-
nition de l'encyclopédie Larousse est encore ici très éclairante : ( Cette
science a une importance capitale dans l'art de la construction et
quoique les machines soient faites pour être en mouvement, l'etude
61
I
de leurs conditions d'équilibre donne en réalité la clef de tous les
phénomènes du fonctionnement normal ,.
C'est en tous cas au cours de ces exercices que le sujet est con,Cuit à
modifier sa perception de lui-même en changeant de position d'écoute.
En général dévoré par sa hantise de bégayer et obsédé par sa perception
négative de lui-même, le sujet consacre toute son énergie psychique à
63
l'image que l'autre peut avoir de lui. Son champ de conscience est envahi
par l'autre, on observe un déséquilibre à son détriment (et ceci est sou-
vent vérifié par un retrait de la tête et même du haut du torse).
Si les exercices sont pratiqués dans l'esprit demandé, l'équilibre est ren-
versé à son profit, il crée une trace positive dans son expérience et son
image de soi. Surtout il acquiert une aptitude à re-susciter, par l'image
mentale, la position d'équilibre et de détente avec laquelle il a été en
contact au cours des exercices (tel Saint-Thomas, il a été conduit à < tou-
cher,,, à éprouver pour savoir), ceci par simple ébauche de la bascule du
bassin, et il a de nouveau la liberté d'éliminer ainsi les tensions qui l'en-
vahissent lors des occurrences de bégaiement.
64
I
Exercices de statique :
4. Mains crochetées au n iveau des yeux les bras sont étirés vers
l'avant, Ie bassin basculé au maximum.
7. Avant-bras réunis, les mains sont posées à plat dos sous le menton.
1 0. Les mains ressortent, dos à dos, les doigts crochetés, dans un mou-
vement d'extension maximale, talons soulevés.
13 et 14. Bras écartés, doigts des mains écartelés, abaisser les bras en
extension maximale jusqu'au niveau des hanches.
1 6. Relâcher les avant-bras, alors que les bras restent tendus (attitude
d, pingouin).
-l '1,
*
/L\
{iN
{}/
7*
Jb Âry
67
Exercices de retour automatique de la tête
et du bras
B-C-D-E. De la tête :
D.
Enfoncer le menton dans la poitrine, puis laisser la tête reprendre
seule sa position d'équilibre.
6B
I
s
)e axe de la rééducation :
La conscience du souffl e
< Peu importe que la terreur soit parfaitement
déraisonnable pourvu qu'elle existe >
Charles D ickens
L'emploi d'un nom n'étant jamais neutre, et parce que le mot fait
image, c'est plus volontiers par n souffle, que nous parlerons du phéno-
mène physiologique de la respiration au patient. Du reste, on parle c las-
siquement du ( souffle phonatoire ).
Parce que si la respiration est, quelque 20.000 fois par jour, le rythme de
notre survie et le facteur de la vibration laryngée (matière première de la
réalisation phonétique), le souffle sert la métaphore de l'élan (le souffle
épique de l'épopée), de l'audace, voire du ( culot > (o il ne manque pas
de souffle r, n il ne manque pas d'air )...), de la vie même (o jusqu'à mon
dern ier souff le , ).
ll pourra alors observer et ressentir (cela aidant ceci) Qu€, par un effet de pres-
sion et d'abaissement du diaphragme, on note une projection de la paroi
abdominale, que si l'accroissement de la capacité thoracique se fait bien
dans les 3 dimensions, les épaules restent pratiquement stables (contraire-
ment à ce qui se produit lors d'une prise d'air précipitée, où elles s'élèvent
brusquement par inspiration thoracique supérieure) et que la respiration tho-
raco-abdominale < leste , le sujet au niveau même de son centre de gravité,
qu'il a été amené à reconnaître lors de la prise de conscience de la ràtiqr".
a1
/J
I
et on insistera sur le fait que le dernier o étage > représente la réserve de der-
nière limite à laquelle on ne doit pas toucher en règle générale.
i
l
I
Je axede la rêéducation :
travail de la conscience
vocale
Mais il arrive très souvent aussi que leur fondamental usuel soit en effet
un peu décalé par rapport à ce que l'on attendrait en fonction de leur
conformation physique, à ce que l,on s'attendrait à entendre.
77
Trop basse ou trop la voix témoigne alors elle aussi d'un déséquilibre.
Parfois, elle présente d'autres troubles, elle peut être détimbrée, blanche,
nasonnée, ou rauQU€, éraillée, témoignant de l'effort fourni pour l'émettre
dans les tensions internes.
Au plan de l'intensité, elle peut être trop forte ou beaucoup plus souvent
trop faible, gênante pour l'interlocuteur et si éloquente au sujet du mal-
être de celui qu'elle trahit.
Notre voix nous traduit en effet, par ses qualités (hauteur, timbre, inten-
sité) elle exprime notre état interne, elle est messagère à notre insu de
notre être le plus profond et de ses états changeants. Mais si l'on peut par-
ler ici de trahison, c'est au même titre que pour la statique, la posture, le
souffl€, Quitrahissent le locuteur :au lieu de se reposer sur sa voix, la per-
sonne bègue se sent là encore invalidée, desservie, il existe un h iatus
entre son état psychique, mental, physique, hiatus qui se concrétise aussi
au niveau de l'émission vocale.
C'est la colonne d'air [...] une colonne a une base et un sommet ; ici, le
soutien de la sangle abdominale d'une part, et le point d'appui du souff le
d'autre part.
L'image
L ll ' du geyser
'q6\. \JLr \( jaillisseur
6çy)sr (n Jdliltsseur ) en lslanoa$)t
islandais), qul
qui a tondé
fondé le principe
princi de
la respiration basse, devient ici celle de la fontaine dont le
canon, grand
ouvert, laisse sortir le flot. Bien souvent le patient a une réaction
de
retrait, et, bien que s'exécutant (il ouvre la bouche, certes) utilise
le recul
inconscient de la base de langue pour retenir sa voix. En général
il suffit
de le lui faire remarquer pout qr'il y remédie et observe al6r, que
sa voix
sort bien timbrée (à ce stade, il est bien au fait des valeurs
des cavités de
résonance, il les ressent autant qu'ir se les représente).
c'est le bon moment pour lui faire appréhender le volume sonore qu'il
peut déployer, et apprécier l'intensité dont sa voix est capable.
ll est ind is-
BO
I
pensable que la pièce où l'on travaille soit suffisamment spacieuse (pla-
fond haut) et pas trop, de façon à ce qu'il prisse, après avoir < canalisé,
cette voix bien placée dans l'oro-pharynx, l'ouvrir en éventail et s'en
représenter les ondes sonores envah issant l'espace. Au sens propre, le
patient prend la place, s'en empare, prend sa place, par l'exercice de sa
voix, dans le temps et dans l'espace.
B1
I
{e axe de la rééducation :
La conscience linguistique
Ce n'est pas sans un clin d'æil au M. Jourdain de Molière que nous serons
amenés à partager avec le patient ce que nous savons des phonèmes et
de la manière dont nous les produisons, à partir de la (( matière pre-
mière ) laryngée, au moyen des positions respectives de la mâchoire, de
la langue, du voile du palais et des lèvres.
B1
I
3ûû0
1000
600 800
On distingue les voyelles ouvertes tllde robe, [e] de fée, [a] de patte, tæl
de peur, et les voyelles fermées tol de seau, [e] de fait, tol de pâte , l@l
de peu, selon la position de l'appareil buccal (mâchoire et langue plus ou
moins abaissées).
Quant aux voyelles nasales, elles seront perçues à partir des voyelles
orales, avec u n travail de représentation mentale de la vibration
nasale par abaissement du voile du palais, et grâce à une écoute
ki nesthésique fine favorisée le cas échéant par objectivation au miroir
de C latzel.
il n'est pas rare non plus qu'en faisant des investigations dans
Par ailleurs,
leur mémoire et auprès de leurs parents, ces patients s'aperçoivent qu'ils
n'ont jamais (ou presque) exploré les capacités mimiques de leur visage
(grimaces) pour des raisons complexes (et souvent pour obéir aux injonc-
tions parentales : < tiens-toi bien )), ( ne te fais pas remarquer >, etc...) et
qu'ainsi ils ont été privés d'un support précieux de l'éloquence, du plai-
sir d'exprimer et de communiquer. Ce sera le moment, dans le lieu privi-
légié du cabinet, de pratiquer une salutaire ( régression ) en se livrant
(avec nous) à toutes sortes de (( grimaces )... ce qui bousculera pas mal
leur éventuelle rigidité et les tabous de l'éducation...
<A noir, E blanc, lrouge, U vert, O bleu :voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes. >
A. Rimbaud
B6
I
ilr!'
riliil
{irrl
.fli,
C'est pourquoi nous envisagerons les voyelles (tout d'abord) comme l'ex-
pression des émotions qu'elles ont vocation à exprimer.
C'est bien sûr par le ( a )), cri primal, que l'on commencera. Nous
demandons au patient tout ce que le u ah ) peut évoquer. Petit à petit,
et parfois si nécessaire sur notre exemple, il retrouvera le (( ah ah ah ))
du rire homérique (par évocation d'une scène désopilante), le ( ah ))
de l'effroi, celui de l'enthousiasme, le plus difficile étant le gronde-
ment de la rage, venu des viscères, et en gén éral de si longue date
contenu, refoulé.
( Le nom de Parme, une des villes où je désirais le plus aller depuis que
j'avais lu La Chartre;tse, m'apparaissait compact, lisse, mauve et
doux... )
M. Proust
Pour notre compte, ce qui importe, c'est qu'il découvre, ici et mainte-
nant, quelle volupté peut procurer le réinvestissement de ce domaine si
longtemps vécu comme étranger et plein de chausse-trapes.
L'entraînement au parler vocalique (selon Lennon) permet au patient de
s'appuyer sur la structure vocalique des signifiants, en ( passant la rivière
à gué >r, sur le noyau vocalique des syllabes. C'est un exercice qui paraît
difficile, voire ingrat au début, mais qui s'avère très efficace pour mini-
mlser les aspgritqs des consonnes : ou - i - i - i - er - es - a - é - i - és
- es - on - o - es...
A partir de l'émission et de l'écoute totale (kinesthésique, auditive, fan-
tasmatique) autrement dit synesthésique, des voyelles (comparer le rire
guindé, pointu: hi ! hi ! hi ! et le rire gras:ah ! ah ! ah !), on ira à
ffilrrt
P. Verlaine
RR
jillil
fl.
Le peu de cas que font la plupart du temps d'eux-mêmes les patients qui
bégaient et la révérence plus ou moins consciente et en général absurdement
oô
injustifiée qu'ils ont envers l'interlocuteur constituent un obstacle au ren-
forcement de l'espace de communication dans lequel ils peuvent et doi-
vent trouver l'équilibre de leur expression. Le travail de conscience
phonologique que nous venons d'évoquer, élargi à la conscience lexicale
et syntaxique, permet inconsciemment au sujet de légitimer l'espace (et,
partant, le temps) qu'il accorde à sa parole, le sentiment de respect dû se
déplaçant de l'interlocuteur à l'objet même de la parole.
Allo, M'"A ?
Non, M'u A est au cabinet.
Eh ben, dites-lui qu'elle en sorte, c'est urgent !
Le tout saupoudré d'une bonne dose d'accent populaire marseillais !
Rien n'est neutre dans la manière dont nous énonçons ou interprétons les
messages, car ils expriment le prisme de notre sensibilité, de notre vécu,
dans lequel nous prenons la réalité. C'est cette expérience que nous amè-
nerons le patient à manipuler par ces jeux de langage, QUi le conduiront,
encore une fois, à éprouver la maîtrise de son langage, Sâ puissance, en
lui donnant aussi le goût de ralentir le débit de son discours pour mieux
le percevoir: le TCV ne permet pas de jouir du paysage... et peut-être,
sans aller jusqu'à la bradylalie du voyage en diligence, peut-on moduler
la vitesse d'élocution par référence, àu moins par moments, et selon son
état interne, àu bon vieux train à vapeur...
91
.F
92
I
Etudes de cas
A titre d'illustration, nous présentons ici
quelques études de cas
'l t'
cas :
ll est Portugais, sa famille est arrivée en France lorsqu'il avait 3 ans, âge
auquel il dit avoir commencé à bégayer.Son adaptation en maternelle a
été très difficile, il pleurait beaucoup et ne voulait pas se séparer de sa
maman; il avait trois sucettes, une dans la bouche et une dans chaque
main ; il ne parlait pas français et chez lui, même actuellement, ses
parents ne communiquent qu'en portugais.
Son père, maçon, parle mal le français ; sa mère fait des ménages et elle
non plus n'est pas à l'aise dans la langue française. Seul son frère aîné
qui a 19 ans, parle français sans problèmes.
Le contrat fut donc conclu sur une prise en charge à raison de séances
bi-hebdomadaires, avec un travail qui aborderait la conscience du
souffle, la conscience vocale, la conscience lingu istique, avec, si néces-
saire et à la demande, des aides et des éclaircissements dans l'un ou
l'autre des domaines évoqués ou des retours sur les étapes déjà explo-
rées, en cas de besoin. L. s'est déclaré déterminé à faire de cette
démarche une priorité. ll a bien compris les interactions entre la pensée,
les émotions, les mouvements qu i en décou lent, les véh icu lent, les
expriment, ainsi que, du point de vue ( mécanique )), les différents
étages de l'appareil phonatoire.
de son corps (tête, tronc, épaules, bras) autour de son centre de gravité
(approximativement ombilical) et de la ( mouvance , de son corps, dans le
sens où l'espace circonscrit par les mouvements naturels et non bridés de
ses segments supérieurs constitue une sorte de ( fief ,, lequel peut aussi
s'évoquer comme la sphère corporelle personnelle dont parlent les spécia-
listes en communication.
Cela faisait huit à neuf mois que nous travaillions au rythme de deux
séances par semaine, et il nous parut qu'une séance hebdomadaire suffi-
rait dorénavant. A ce stade, nous sommes convenus qu'il pourrait se
mettre en connivence avec lui-même quelques minutes par jour, pour
savourer tel ou tel phonème que nous venions de rencontrer plus parti-
culièrement, par exemple en employant telle ou telle tournure, en réfé-
rence parfois à un film (u C'est cela, oui... , de Th Lhermitte).
De la même manière, je l'ai incité à relever les tics verbaux des personnes
de son entourage et éventuellement à les reprendre à son compte, avec
la double intention de se rendre conscient des éléments verbaux dans
toutes leurs dimensions signifiantes, intentionnelles et subreptices (par
subreptices j'entends tout ce qu'un tic verbal peut révéler, à qui sait l'en-
tendre, de celui qui l'emploie:un adolescent qui emploie par exemple
sans arrêt ( perso ) pour dire u personnellement, nous renseigne sur ses
fréquentations, son appartenance à un groupe, à une tendance, sur
l'image qu'il a et transmet de lui, etc...) d'une part, et par ailleurs de ren-
forcer son espace personnel par ce choix délibéré et ce clin d'æil à lui-
même. Ce faisant, L. continuait à transformer sa perception de l'acte de
parole dans trois dimensions : tout d'abord, celle de l'objet même, vivant,
vibrant, signifiant de Ia langue, ensuite celle de sa propre personne, dans
le plaisir de s'approprier cette parole en étant libre de la manipuler en
connaissance de cause, enfin celle de l'interlocuteur, chez lequel il pre-
nait enfin plaisir à reconnaître les arcanes d'une parole qu'il était libre de
saisir au bond pour la relancer, ou pas.Bref, son espace de liberté par
rapport à la parole s'accroissant dans le plaisir, L. me déclara, quelque
seize mois après notre première rencontre, qu'il était prêt à voler de ses
propres ailes, sa parole, semaine après semaine, s'étant avérée à
l'épreuve des situations les plus difficiles. Passer un bilan de fin de réédu-
cation ne fut pas envisagé, pas plus que pour un locuteur quelconque...
99
ï
le cas a
a
ll est actuel lement agent ad m in istratif dans un hôpital, son emploi ne lui
demande pas de prendre beaucoup la parole, mais dès qu'il doit parler
avec quelqu'un, il est très gêné et pour éviter ce malaise, il parle de moins
en moins.
ll n'a qu'un seul ami qu'il voit peu et sa vie sociale est très limitée. ll fait
du vélo le dimanche matin, puis reste chez lui.
ll vit avec sa mère ; il est fils unique. Son père est décédé depuis 10 ans/
il était militaire, assez rigide et s'occupait peu de son fils. Sa mère tra-
vaillait au recrutement militaire, maintenant elle est à la retraite. lls sont
très proches. Avant sa naissance, e lle avait fait 2 fausses couches.
C'est un homme très réservé, il a une vie très routinière : il se rend à son
travail, déjeune chez lui tous les jours, et le soir il rentre directement à
son domicile. L'été, il va quelquefois se baigner à la mer, mais toujours
seul. Sa mère, avec qui il vit, a des amies avec lesquelles elle sort, joue
aux cartes, va faire de la gymnastique toutes les semaines.
Lorsqu'ils sont tous les deux, ils parlent, mais peu et à l'occasion de repas
de famille, il s'isole, ne communique pratiquement pas si ce n'est pour
répondre par ( oui > ou par ( non ).
ll dit ne pas aimer sorti r, car il a peur du regard des autres. S'il va au res-
taurant, il a l'impression que tout le monde a les yeux fixés sur lui et c'est
une épreuve épouvantable.
Si son apparence est tout à fait normale, on voit qu'il n'est absolument
pas sûr de lui ; peu autonoffi€, on le sent encore très dépendant de sa
mère qui, en fait, est la seule personne présente dans son existence.
A la fin de cette consultation qui s'est déroulée en deux temps (un entre-
tien avec la psychologue et un bilan orthophonique), nous lui proposons
une double prise en charge, c€ qu'il accepte aussitôt.
Cette adhésion à notre proposition ne nous avait pas étonnées, car il nous
avait expliqué sa difficulté à dire (( NON ). ll y a maintenant huit mois
qu'il vient régulièrement une fois par semaine en entretien psychothé-
rapeutique et 3 fois par semaine en rééducation orthophonique. ll a
énormément progressé, sa voix est plus grave, son trouble d'articulation
a totalement d isparu et son élocution est beaucou p plus f lu ide. Son
comportement est totalement différent; il est souriant; il a accepté de
participer à un groupe et s'est lié d'amitié avec tous les membres ; il
parle, va au restaurant;sa vie a pris une dimension différente. ll n'a plus
d'attitude d'excl usion.
I01
I
Au premier bilan orthophonique de M. D., on pouvait noter :
I en parole spontanée :
* une fréquence très importante d'occurrences de bégayages (à envi-
ron 4O o/. du matériau verbal)
* des laryngospasmes avant les émissions
vocales
* des blocages en posture préphonatoire
avec trémulations labiales et
une fixité des yeux
* puis un brusque débondement avec reduplication de syllabes à type
de mitraillette
* des reprises inspiratoires de type thoracique supérieur en bout de
souffl€, à la limite de la suffocation, et trop brèves
* une prosodie très altérée du fait des pauses non signifiantes et de la
précipitation du débit
* un fondamental à environ 190 Hz, anormalement élevé pour sa
taille, son sexe et son âge
* un timbre voilé, témoignant d'un accolement imparfait des cordes
vocales.
Le patient déclare qu'il n'y a pas de situation de communication où la
parole soit entièrement fluide. Sa latéralité s'étant révélée floue, un bilan
complémentaire de latéralité de Mme Auzias a été demandé et a attesté
d'une faible prédominance à droite (60 %) qu'il s'agisse de latéralité
innée ou acquise. Cependant M. D. utilise la main droite pour écrire et
ne s'est jamais considéré comme un gaucher contrarié.
Dans le domaine de la sociabilité, il se décrit comme traqué depuis tou-
jours et recherchant la solitude comme un refuge.
ll déclare que la peur du regard des autres exerce une pression constante
sur lui, et qu'après avoir consulté un grand nombre de spécialistes de
médecine interne pour tachycardie et aérophagie chroniques, il doit se
rendre à l'évidence que ces troubles ne sont autres que des manifestations
cliniques de son hyperémotivité.
103
I
ror***n*'w
Quant à sa voix, nous avons multiplié les exercices d'écoute sur le o a >>,
f .l voyages vers le bas, pu is vers le haut, avec perception tactile des
vibrations sternales, jugales... jusqu'à ce qu'enfin ce travail, au prix d,une
vigilance quotidienne, aboutisse à une reconnaissance de son équilibre
aux environs de 120 Hz. Ceci n'a pu être obtenu avec naturel et
confiance que lorsque M. D., réconcilié avec l'écoute de son équilibre
statique, a pu sonoriser un bâillement naturel (mais jamais en ma pré-
sence... mes propres bâillements persistant à l'amuser plus qu'autre
chose !)
Huit mois s'étant écoulés avec une évolution indéniable, nous sommes
convenus de pratiquer un nouveau bilan afin de faire le point et d'envi-
sager le passage à deux séances par semaine.
ll se sent encore trop souvent (( le couteau SUr la gorge )), avec priorité
il
absolue à l,attente de l'interlocuteu r. Mais sa lectu re est normalisée,
marque bien les pauses signifiantes et prend plaisir, dans le chant, à res-
sentir la note juste et les variations de rythme.
Je cas o
a
A. dit à quel point elle a mal vécu la séparation d'avec ses parents et son
frère. Elle avait l'impression que plus personne ne vou lait d'elle ; ses
parents se débarrassaient d'elle et ses grands-parents avaient, par devoir,
à s'en occup€f, mais l'écrasaient en lui montrant à la moindre occasion
ses difficultés et son incapacité à s'intégrer aux autres. Du fait de cette
expérience, A. a dû adopter une attitude de retrait, et une violence inté-
riorisée qu'elle n'a su tradu ire qu'en recherchant une protection conti-
nuelle dans le regard de l'autre.
Lorsque ses parents ont pu être mutés dans une autre région, ils se sont
installés à Marseille et ont pu reprendre leur fille qui a, alors, suivi une
scolarité cahotique et douloureuse, car là aussi elle a subi le rejet des
autres enfants.
Elle se vit diminuée, dans une position de vie très négative et tout un tra-
vail de revalorisation de sa propre image est indispensable.
Aujourd'hui pourtant A., qui a suivi une scolarité pénible, avec plu-
sieurs redoublements, et surtout relationnellement très douloureuse,
ayant été souvent un objet de risée pour ses camarades (qri la trai-
taient régu lièrement de mongolienne !) est parvenue (grâce à des
mesures d'aménagement de tiers temps) à obtenir un baccalauréat et
se trouve à même de formuler une demande précise pour la fluidité de
sa parole.
Elle continue à imputer son sentiment d'échec, dans les domaines scolaire,
amical et sentimental, à la dyslexie, mot consacré qui recouvre pour elle
toutes ses difficultés verbales, sans se borner au versant écrit du langage.
109
Conclusion
tl nous est apparu que, dans la diversité des parcours et des vécus des per-
sonnes qui consultaient dans ta détresse commune d'une amputation de
leur parole, une confusion gén êrale mêlait expression et communication,
avec en facteur commun le manque de distance entre soi-même et l'autre.
A l'issue du bilan que nous proposons, notre souci est que chaque patient
puisse, d'abord, sentir dans le lieu où nous le recevons un espace chaleu-
reux et bienveittant, mais significatif du respect de son intégrité. Dans cet
espace nous souhaitons que chacun de ces patients soit amené à redé-
couvrir les potentialités expressives que recèle sa personne, ici et mainte-
nant, afin qu'il atteigne à cette ( seigneurie de soi-même )), dont parlait
Coethe. Afin que les émotions générées par l'interlocuteur (ou par l'idée
de l'interlocuteur) cessant d'être de véritables déflagrations, il puisse se
donner la permission d'être avant tout présent à lui-même, présent à la
111
l
magie du langage naissant en lui, de lui, pour pouvoir être, et en appa-
rence simultanément (mais voilà un concept bien théorique) présent à
son interlocuteut, Qui sera, et c'est indispensable, second. Dans son par-
cours ( initiatique >, il reste que le patient bègue aura gagn é, à l'issue de
la rééducation, une qualité d'être qu'il n'oubliera pas.
Cette approche est fondée sur l'entretien non directif, sur une écoute com-
préhensive. Le but est d'aider le sujet souffrant à ( devenir une personne ).
Bibliographie
113
Mignot, S.& Thauzies, V. (1998). Bilan de bégaiement pour I'adulte auto-
nome. Mémoire pou r l'obtention du Certificat de Capacité
d'Orthophonie.
Monfrais-Pfauwadel, M .C. (2000). Un manuel du bégaiement Solal.
Monfrais-Pfauwadel, M.C. (1 981). Respirer, parler, chanter. Le Hameau.
Monfrais-Pfauwadel, M.C. (1 9S6). Etre bègue. Le Hameau, Retz.
Pichon, E. & Borel-Maisonny, S. (1947). Le bégaiement, sa nature et son
traitement. Masson.
Rondeveux, L.J. (1977). Trouver sa voix. Le Seuil.
Simon, A.M. (1993). Attitudes communicatives gauchies chez la per-
sonne bègue. Clossa
Van Hout, A. & Estienne, F. (1 996). Les bégaiements. Masson.
Vasse, D. (1974). L'ombilic et Ia voix. Le Seuil.
SOLAL, Editeur
111, rue Sainte-Cécile
13005 Marseille
Té1. : 04 91 25 77 85
Fax : 04 91 B0 29 58
lnternet : www.editions-solal.fr
e-mail : editions.solal@wanadoo.fr
:t :: : :: . :.:: :::.
ll I ll l|il til til lltil til ilil ltil illl ]il llil lt ull I
,ililitilIltililffLl[ililtl iltil
3 2002 5055 1820 7
lt I