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1a - Introduction à la thermodynamique chimique

Les systèmes chimiques sont des systèmes complexes, d’une part parce qu’ils comportent
plusieurs constituants, d’autre part parce que des réactions peuvent se produire entre ceux-ci. La
thermodynamique chimique s’appuie sur la théorie des mélanges et fait intervenir des grandeurs
physiques propres aux constituants des mélanges. La grandeur molaire partielle d’un constituant
dans un mélange représente la part d’une grandeur physique relative à ce constituant.

A) Les grandeurs molaires partielles


1) Les fonctions homogènes
Considérons une fonction de N variables réelles à valeurs dans l'ensemble des réels R :
f : RN ® R
f : (x1 , x2 , ... , xN) ® f(x1 , x2 , ... , xN)
Définition
La fonction f est dite homogène de degré p par rapport aux variables si et seulement si :
" a Î R : f(ax1 , ax2 , ... , axN) = ap.f(x1 , x2 , ... , xN)

Exemples
f(x,y) = xy est une fonction homogène de degré 2 par rapport aux variables x et y et homogène
de degré 1 par rapport à l’une d’entre elles
F
G I
H JK
xy
f ( x , y , z )  sin 2 est une fonction homogène de degré 0 par rapport aux trois variables x,
z
y et z.

Propriétés
1) l'importante identité d'Euler :

Toutes les fonctions homogènes de degré p satisfont l'identité d'Euler. On montre que la
réciproque est vraie : une fonction dont les dérivées partielles vérifient une telle relation est
homogène de degré p .

2) le théorème : si une fonction f est homogène de degré p, alors la fonction dérivée partielle
est homogène de degré p-1.

2) Les grandeurs extensives et intensives


Considérons un système chimique fermé (A1,A2,.....,A N) et une grandeur physique Z affectée à
ce système ; Z est fonction des N+2 variable de Gibbs (T,P,n 1,n2,.....,n N).

Définitions
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- La grandeur Z est dite extensive lorsqu'elle s'exprime par une fonction homogène de degré 1
des nombres de moles ni .
Les résultats établis au paragraphe précédent pour les fonctions homogènes demeurent
valables ; toutefois, naturellement, Z n’est pas homogène par rapport à T et à P.
- La grandeur Z est dite intensive lorsqu'elle s'exprime par une fonction indépendante des
nombres de moles ni ou par une fonction homogène de degré 0 des nombres de moles ni.

Exemples de grandeurs extensives


Le volume V, la charge q, la masse m, le nombre de moles n.
Les variables extensives sont des variables décrivant le système dans sa totalité et possédant un
caractère additif.
Le volume, par exemple, vérifie l'égalité :

V(T,P,an1,an2,.....,anN) = aV(T,P,n1,n2,.....,n N) "aÎR

Les fonctions d'état énergétiques de la thermodynamique :


U : l'énergie interne H = U + PV : l'enthalpie
F = U - TS : l'énergie libre G = H - TS : l'enthalpie libre
ainsi que la fonction entropie sont également des grandeurs extensives.

Exemples de grandeurs intensives


La température T, la pression P, la pression partielle P i , la masse volumique r, la fraction
molaire xi ,toute grandeur molaire : Vm , Hm, ...

Une grandeur intensive exprime une propriété locale du système. C’est une grandeur locale,
dont la valeur dépend du lieu.

Remarques
- Le produit d'une grandeur extensive par une grandeur intensive est extensif : les produits PV ,
TS , Cp ) n.Cm,p sont extensifs.
- Le quotient de deux variables extensives est intensif :

- Le produit de deux variables intensives est intensif :


Pi = xi.P

3) Les grandeurs molaires partielles


Z est une grandeur extensive relative à un système chimique (A1,...,Ai,...,AN) .
Définition

La dérivée partielle :

est la grandeur molaire partielle du constituant Ai associée à la grandeur physique Z .


Comme Z , Zm,i est une fonction des (N+2) variables de Gibbs : Z m,i (T,P,n1,...,nN). Zm,i
représente l’augmentation de la grandeur Z quand on ajoute une mole du constituant A i dans un
mélange de grande extension. En effet, considérons un mélange très étendu et ajoutons au système
une petite quantité, une mole de Ai. Zm,i (T,P,n1,...,nN) reste constant et par intégration de dZ =
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Zm,i.dni, il vient Zm,i = DZ. Zm,i représente donc la part (ou la contribution) d’une mole de Ai dans
Z.
Appliquons l'identité d'Euler à la fonction Z(T,P,n 1,...,ni,...nN) :

La grandeur extensive Z est une fonction homogène de degré 1 des n i ; d'après ce qui précède,
les n dérivées partielles Zm,i sont des fonctions homogènes de degré 0 des ni ; elles ont donc un
caractère intensif.

4) L'opérateur de Lewis
La différentielle de la fonction d'état extensive Z exprimée en fonction du triplet de variables
de De Donder (T,P,x) et affectée au système chimique (A1,A2,...,AN) a pour expression :
F
GZ I
J FZ I FZ I
dT  G J dP  G J d
dZ 
HT K HP K H K
P , T , T,P
(1)

Définition
L'opérateur de Lewis, noté Dr est l'opérateur dérivation partielle par rapport à l'avancement de
réaction x à température et pression constantes ; appliquée à la fonction Z, cela donne :

F
GZ I
r Z 
H JK
T,P

DrZ est la grandeur de réaction relative à la grandeur Z .


DrZ est une grandeur intensive qui exprime une propriété instantanée du système.
Des variables de De Donder, passons aux variables de Gibbs et différentions de nouveau la
fonction Z :
F
G
ZIJ ZF
G IJ N
Z F
G IJ
dZ 
HK
T P,ni
dT 
HK
P T ,ni
dP  
HK
i 1 ni T , P ,n
dni
j i

Comme :

il vient :

Identifions cette dernière expression différentielle avec la relation (1) : il vient :

Remarque
Il faut distinguer :
- DrZ , grandeur intensive, représente la dérivée de Z par rapport à à température, pression et
composition constantes. Dans le cas d’un système très étendu, la variation d’une mole pour x
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représente un infiniment petit ; DrZ se confond alors avec la variation de la fonction Z pour un
avancement d’une unité (avancement dit unitaire).
- et DZ = Zf - Zi , grandeur extensive, variation réelle de la fonction Z entre l'état final et l'état
initial.
L'IUPAC (Union internationale de Chimie Pure et Appliquée) recommande, pour éviter toute
confusion, de réserver le terme de variation à l'opérateur physique D et d'appliquer le terme de
grandeur de réaction à l'opérateur chimique Dr .

B) Etude des mélanges


1) Le mélange eau (e) éthanol (a)

Considérons à 15 °C sous la pression atmosphérique un grand récipient contenant


précisément 200 moles d’eau et 100 moles d’éthanol et ajoutons-y 1,00 mol d’eau.
Questions : quelle est la variation de volume du mélange ? Quel est le volume total du
mélange initial ?
On donne les volumes molaires :
Vm,e* = 18,00 mL.mol-1 et Vm,a* = 57,50 mL.mol-1

On pourrait penser que V = 18,00 mL mais l’expérience donne V = 17,11 mL. Que s’est-
il passé ? L’explication se situe au niveau microscopique.
Au sein du liquide homogène, on distingue trois types d’interactions moléculaires :
e-e, a-a et e-a.
Les deux premières sont dites interactions propres, la dernière interaction mutuelle. Or ces
dernières sont plus fortes que les interactions propres : l’opération de mélange conduit à un système
plus stable que le système initial. Le mélange eau-alcool est un mélange réel positif. D’où une
diminution du volume ainsi qu’une libération de chaleur (phénomène exothermique).

Concrètement, que représente un volume molaire partiel et comment le déterminer


expérimentalement ? On rappelle les expressions :

et

Le volume partiel en un point (T,P,n e,na) est la dérivée partielle en ce point par rapport à l’une
des quantités de matière. Pour déterminer cette grandeur, par exemple, il faut travailler sur un
mélange très étendu tel que V reste sensiblement constant et que les variations du nombre de
moles d’eau et du volume soient considérées comme très petites, ajouter au mélange une faible
quantité d’eau (une mole) puis mesurer la variation élémentaire dV du volume du mélange. Par
exemple, si à un mélange de 200 mol d’eau et de 100 mol d’éthanol, on ajoute 1 mol d’eau, le
volume augmente de 17,11 mL ; d’où = 17,11 mL pour la composition xe = 2/3.
Concrètement, le volume molaire partiel représente donc la part du volume total occupé
dans le mélange par une mole du constituant Ai.

On a en outre la relation d’Euler :
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ou V = 200.Vm,e + 100.Vm,a

2) Le mélange liquide benzène-toluène


Considérons de nouveau à 15 °C sous la pression atmosphérique un grand récipient
contenant précisément 200 moles de benzène et 100 moles de toluène et ajoutons-y 1,00 mol de
benzène. Quelle est la variation de volume du mélange ?
On donne les volumes molaires :
Vm,b* = 88,77 mL et Vm,t* = 106,28 mL

Cette fois, on trouve bien comme attendu V = 88,77 mL

Explication : les molécules de benzène et de toluène sont très semblables. Les interactions
propres et mutuelles sont de même intensité. Le mélange se fait sans variation de volume ni
échange d'énergie : le mélange est idéal. C’est également le cas des gaz parfaits pour lesquels toutes
les interactions sont rigoureusement nulles.
Dans le cas d’un mélange idéal, le volume molaire partiel se confond avec le volume
molaire du corps pur :
Vm,i = Vm,i*

V vérifie naturellement la relation : V = 200. Vm,b* + 100. Vm,t*


ou, ce qui est équivalent : V = 200. Vm,b + 100. Vm,t

3) Le mélange gazeux parfait O2, N2


Rappelons la loi d’Avogadro : des volumes égaux de gaz différents, pris dans les mêmes
conditions de température et de pression contiennent le même nombre de particules. Il en résulte
que le volume molaire des gaz parfaits est le même pour tous soit . Le volume d’un gaz
parfait ne dépend pas de la nature du gaz.
Si l’on mélange 200 moles de dioxygène et 100 mol de diazote sous la pression
atmosphérique et à 298 K, le volume du mélange vaut :
avec :
Si l’on compare cette dernière expression au volume donné par l’identité d’Euler :
V = 200Vm,O2 + 100VmN2
Ici, on voit que le volume molaire partiel se confond avec le volume molaire d’un gaz :
Vm,i = Vm,GP*

C) Les états de référence


En thermodynamique chimique, on recourt très souvent aux tables de données qui fournissent
les valeurs prises par les grandeurs thermodynamiques. L'I.U.P.A.C définit pour tout constituant
d'un système chimique un état de référence ou état standard : c'est un état idéalisé, souvent
hypothétique.

1) La pression de référence
La pression de tous les états standard est imposée : c'est la pression de référence ou pression
standard, notée P° .
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P° = 1 bar = 105 Pa

Les réactions chimiques ont lieu le plus souvent sous la pression atmosphérique :

Pa = 1 atm = 101325 Pa = 1,013 bar = 760 mm Hg

dont la valeur est proche de celle de la pression de référence. Il est donc légitime de considérer
dans la plupart des cas que les valeurs prises par les grandeurs thermodynamiques sous la pression
de 1 atm diffèrent peu de celles qui sont tabulées sous la pression de référence P° ; en particulier,
pour les phases condensées, peu sensibles aux variations de pression, les différences sont très
faibles. Des écarts significatifs sont cependant parfois observés en phase gazeuse.

Il n’y aurait pas de raison de prendre comme pression de référence la pression atmosphérique
qui ne représente approximativement que la pression en bord de mer (altitude 0)
7

2)

Il est possible de calculer la pression en altitude connaissant la masse volumique de l’air : 1,29
kg.m-3

2) L'état standard d'une substance


Sous la pression de référence P° , la substance considérée peut aussi bien se trouver :
- dans un état thermodynamiquement stable : par exemple le carbone graphite à 298 K .
- dans un état métastable : c'est le cas du carbone diamant à 298 K ou de l'eau vapeur à 298 K .

L'état standard d'une substance à une température donnée T dépend de l'état physique dans
lequel se trouve la substance à cette température :
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Etat standard d’une substance


Gaz Gaz parfait associé pur et sous la pression de référence P°
Condensée liquide ou solide Liquide (ou solide) pur sous la pression de référence.
Soluté dans l’eau Solution de ce soluté pour laquelle :
- la concentration du soluté vaut C° = 1 mol.L -1
- P = P°
- Le comportement physique de la solution est celui de la même
solution infiniment dilué.

3) Le système chimique standard


En thermodynamique, l'étude des milieux gazeux se fait d'après le modèle du gaz parfait.
En chimie, l'étude des systèmes réels se fait en termes de comparaison avec un système de
référence, en général, le système standard associé.
Le système chimique standard associé à un système chimique réel est un système imaginaire,
dans lequel chaque constituant se trouve dans l'état standard, c'est-à-dire qu'il est supposé pur,
totalement isolé de ses voisins, et sous la pression de référence.

4) Les grandeurs thermodynamiques standard


Une grandeur thermodynamique propre à un corps dans l'état standard ou à un système
standard est appelée grandeur thermodynamique standard. Elle est notée avec l'indice
supérieur °.
Exemples : H°, S°, Cp° ...
Soit un système chimique (A1, A2, ..., AN) et une grandeur thermodynamique extensive Z.
- si le système est standard, P = P° et toutes les substances sont séparées les unes des autres
comme si chacune était pure. En ce cas Zm,i = Zm,i° ne dépend que de T.

0 0
Z m, i est une grandeur attachée à un corps pur. On pourrait également la noter . Z m,i ne

N
 r Z  ( T )   i Z m,i
0
(T )
i 1
On retiendra que les grandeurs de réactions standard ne dépendent que de la température.
dépend que de la seule variable température, tout comme la grandeur de réaction standard DrZ° :

5) L'état standard de référence d'un élément chimique


a) Cas général
L'état standard de référence d'un élément chimique à la température T est l'état standard du
corps simple le plus stable dans la phase la plus stable à cette température.
Pour un élément à une température donnée, si on peut définir plusieurs états standard, il
n'existe en revanche qu'un seul état standard de référence.

Exemples
- Le brome et l'iode
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A 298 K, l'état standard de référence de l'élément brome est l'état standard du dibrome Br 2
liquide, celui de l'élément iode est l'état standard du diiode I2 solide.

- Le soufre
Précisons au préalable sous la pression P° les domaines de stabilité du soufre en fonction de la
température :

A 100 °C , l'état standard de référence de l'élément soufre est l'état standard du soufre  , c'est-
à-dire le soufre  pur sous la pression de référence à cette température.

- Le fer
Sous la pression de référence :

A 25 °C , l'état standard de référence de l'élément fer est l'état standard du fer  , c'est-à-dire le
fer  pur sous la pression de référence à cette température.

b) Exceptions
Pour les éléments dont la température d'ébullition est inférieure à 25 °C , l'état standard de
référence est à toute température le gaz parfait diatomique pur sous la pression de référence ;
l'oxygène, l'azote, l'hydrogène, le fluor et le chlore sont dans cette situation.
Cas particulier de l'élément carbone : l'état standard de référence du carbone est à toute
température le graphite sous la pression de référence.

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