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Découvrir l’Islam

Une vision
Islamique
de la mort

Par Dr. Abdallah Thomas Milcent

En tant que médecin généraliste français converti à l’islam


depuis dix-neuf ans, je ne me sens pas particulièrement
qualifié pour parler d’un sujet aussi grave qui met en scène les
bases mêmes des sciences de la foi musulmane : la ’Akida’.
J’essaierai donc de donner un simple aperçu de la vision
islamique de la mort mais j’invite les personnes intéressées à
se renseigner plus avant auprès d’imams musulmans beaucoup
plus compétents que moi. Il existe certaines divergences entre
les savants concernant tel ou tel détail, j’ai voulu ici rester
dans ce qui unit notre communauté plutôt que de rentrer dans
ce qui risque de la diviser.

i introduction

Nous mourrons tous un jour, c’est inéluctable. La conscience


de la mort n’est pas le propre de l’être humain. On peut
qualifier l’angoisse de la mort comme l’angoisse suprême,
enfouie au plus profond de notre cerveau le plus ancien.
Montrez à des poulets un couteau, vous constaterez
immédiatement une augmentation de leur rythme cardiaque et
une consommation accrue de leur réserve de graisse, ce qu’il
est possible d’interpréter comme un stress causé par la
conscience de sa disparition prochaine. Les religions et les
philosophies sont des moyens mis à la disposition des hommes
notamment pour maîtriser cette angoisse originelle.

La mort nous renvoie à notre fin inévitable.


Philosophiquement, qui dit fin dit commencement et qui dit
commencement dit création. Notre existence, mais aussi le
monde dans lequel nous vivons est essentiellement précaire
c’est à dire destiné à disparaître et cette précarité appelle la
notion de Créateur.

Dieu, Allah en arabe, est par définition ce Créateur de l’univers


et donc des créatures. En tant que créatures, nous sommes
soumis au temps qui passe, Lui est le créateur du temps, Il ne
lui est pas soumis, Il est éternel.

Notre mort constitue également la fin de notre passage dans


ce monde précaire. Le credo monothéiste affirme qu’il existe
une autre forme de vie après la mort, de même qu’il existait
une vie avant notre naissance. Comme il est impossible de
demander à un foetus d’imaginer le monde dans lequel il va
naître, il nous est difficile d’imaginer un autre monde que le
monde précaire dans lequel nous vivons.

Notre connaissance de la vie après la mort ne peut se faire


qu’à travers le Créateur de l’univers. Dieu n’a pas créé ce
monde en vain, il ne nous a pas abandonnés après nous avoir
créés, il nous a envoyé des prophètes, êtres humains choisis
par Dieu pour nous transmettre les volontés du Créateur
envers ses créatures.

ii l’être humain khalife (vicaire) de dieu sur terre

L’islam nous enseigne, par l’intermédiaire du Coran et des


traditions prophétiques, que Dieu proposa d’abord aux
montagnes de faire d’elles ses ’Khalifes’ sur terre mais, dans
leur sagesse, et malgré leur puissance et leur stabilité, elles
refusèrent. Le premier homme, Adam, dans son ignorance
accepta.

Selon la vision islamique de notre univers précaire, Dieu confie


à l’homme le Khalifat (la lieutenance, la gestion) de la Terre,
pour cela, il lui a donné le libre arbitre qui est soutenu par la
conscience, la morale et la responsabilité. Ces qualités lui
permettent d’accéder à la connaissance du fonctionnement des
choses, ce qui fait qu’il peut être supérieur aux anges auxquels
Dieu demande de se prosterner devant Adam.

Mais l’homme a un ennemi, Satan, qui refuse par orgueil de se


prosterner devant Adam malgré l’ordre divin. Il demande à
Dieu, et obtient, un délai jusqu’au Jour du Jugement dernier
pour tendre des pièges aux hommes et les faire dévier du
chemin droit de l’adoration de leur Créateur. Ceux qui
tomberont dans ses pièges le suivront en Enfer et ceux qui
déjoueront ses pièges et adoreront leur Créateur iront au
Paradis.

C’est ainsi que Dieu a envoyé des prophètes aux êtres humains
pour leur enseigner comment L’adorer, comment Le servir et
comment déjouer les pièges de Satan. Le premier d’entre eux
fut Adam, puis vinrent de très nombreux autres parmi lesquels
Abraham, Moïse, Aaron, Isaac, Jacob, Joseph, tous les
prophètes de l’Ancien Testament. L’islam reconnaît également
la qualité de prophète à Jean Baptiste, le Saint Coran cite
longuement la Vierge Marie. Jésus, fils de Marie est le Messie,
il est un des principaux envoyés de Dieu mais le Coran nous
informe qu’il ne sied pas à Dieu d’avoir un fils. Après Jésus,
Dieu nous a envoyé le Sceau des prophètes et de la prophétie,
Mohamed fils de Abdullah, prophète de l’islam qui nous a
transmis le Saint Coran qui est la parole de Dieu directement
révélée aux hommes. Outre les querelles dogmatiques,
l’homme est sur terre pour adorer son Créateur en se mettant
à Son service en faisant le bien. Le bien est que qui est décrit
comme tel par les prophètes mais c’est aussi ce qui est
reconnu par tous comme une bonne chose. Par exemple, si
j’aide une personne âgée à traverser la rue, tout le monde sera
d’accord pour dire que c’est un bien. En faisant le bien, le
croyant remplit sa mission de vicaire de Dieu sur terre et Dieu
le récompense en le rendant heureux, en lui donnant une
existence harmonieuse et en apaisant ses angoisses puis en le
faisant rentrer au Paradis.

La vie est donc cette courte période de notre existence totale


durant laquelle nous avons la charge d’être vicaire de Dieu sur
terre et durant laquelle nous disposons du libre arbitre qui
nous permet de choisir entre le bien et le mal et d’agir en
conséquence. Selon un célèbre Hadith (tradition du prophète),
cette vie est comparable à l’ombre d’un arbre sous lequel le
voyageur vient se reposer avant de reprendre sa route. Si
l’homme est responsable de ses choix et de ses actes, il peut
également compter sur la capacité qui lui est offerte durant
cette vie de se repentir de ses péchés, car Dieu est Le
Miséricordieux, il aime le repentir de ses serviteurs et aime
leur pardonner et il est dit dans un hadith que ³tous les fils
d¹Adam sont des pécheurs et le meilleur d¹entre eux est celui
qui se repent² (Hadith [sûr] rapporté par Tirmidi, Ibn Maja,
Dalimi et Ibn Hambal.)

Mais le Coran nous prévient de faire bien attention à nos actes


car c’est sur eux que nous serons jugés le Jour du Jugement
dernier. La manière dont nous gérons la vie terrestre que Dieu
nous accorde temporairement a une influence directe sur notre
vie future dans l’au-delà.

iii chronologie de la mort

Le jour et l’heure de notre mort est décrétée par Dieu. L’Ange


de la mort se présente alors et sépare notre âme de notre
corps. Nous restons conscients et nous voyons et nous
entendons mais il ne nous est plus possible d’agir et nous
n’avons plus le choix du bien et du mal.

Nous assistons donc à nos funérailles et voyons la tombe qui


se referme sur nous. Nous entendons ce que disent nos
proches, nous pouvons leur répondre mais ni les humains ni
les djinns (génies, êtres qui nous sont invisibles et qui vivent
dans un monde parallèle au nôtre) ne peuvent nous entendre.
Viennent alors deux anges qui nous posent trois questions sans
qu’il nous soit possible de mentir ou de répondre à côté :

1.      Qui était ton Seigneur ?

2.      Quelle était ta religion ?

3.      Qui était ton prophète ?

De nos réponses ou absence de réponse dépends la suite des


événements. Pour résumer, un bon musulman qui aura fait de
très bonnes choses en évitant les péchés, verra ses bonnes
actions le protéger du châtiment de la tombe. Par contre un
hypocrite qui n’aura fait que de mauvaises choses expiera déjà
en partie ses péchés dans la tombe. La notion de temps sera
également plus ou moins élastique en fonction de nos mérites,
séjour très court pour les bienfaisants, très long pour les
malfaisants.

S’il ne nous est plus possible de faire le bien après la mort, il


est possible de bénéficier d’un bien que quelqu’un ferait pour
nous : Invocation à Dieu d’un musulman en faveur du mort,
rattrapage du Hajj (pèlerinage à la Mecque), de jours de jeûne,
distribution de richesses en notre nom, prières dans une
mosquée que nous avons construite, distribution de biens et de
services dans une institution charitable que nous avons fondée
et dont nous avons assuré la pérennité.

Ce monde des morts, le Barzakh, est également précaire, il se


termine également à la fin des temps lorsque Dieu décrète la
résurrection dans une nouvelle création qui commence par le
Jour du Jugement dernier.

Ce jour là, l’ange Asrafil, sur l’ordre du Créateur, soufflera


dans une trompe qui nous ressuscitera. Nous nous réunions
tous en un même lieu. Les animaux seront ressuscités pour
qu’ils prennent leurs droits sur nous avant de disparaître. Le
soleil sera très proche et nous aurons l’impression de pouvoir
le toucher, il fera très chaud et nous transpirerons beaucoup,
chacun déjà en fonction de ses bonnes ou mauvaises oeuvres.

Puis chaque communauté demandera à son prophète


d’intercéder auprès de Dieu pour qu’Il accepte de commencer
le jugement. Chacun des prophète rappellera qu’il a commis au
moins une faute durant sa vie. Tous alors se retourneront vers
le prophète de l’islam qui a gardé la faveur d’une requête pour
ce jour là. Il s’adressera à Dieu en Le louant et lui demandera
de commencer le jugement.

Chaque être humain passera alors individuellement devant son


créateur : les anges chargés de l’écriture de ses actes durant
sa vie dérouleront leur rôle et chacun verra ce qu’il a fait.
L’ange de gauche pour les choses mauvaises et l’ange de
droite pour les bonnes oeuvres. Il est dit que si la miséricorde
divine se divisait en cent parts égales, Il en réserverait une
pour ce monde matériel et quatre-vingt dix neuf pour le Jour
du Jugement. Puis les hommes passeront sur le pont au dessus
de l’Enfer et qui conduit au Paradis. Ceux qui ont fait beaucoup
de bien le passeront en un clin d’œil tandis que les pécheurs
progresseront difficilement certains trébuchant et tombant
dans le feu de l’Enfer.

Ceux qui arriveront au Paradis découvriront un monde


merveilleux qui n’obéira pas aux mêmes lois que ce monde
matériel. Il nous est impossible de le décrire et de l’imaginer
précisément. Chacun aura un corps nouveau éternellement
jeune avec des signes distinctifs qui le fera reconnaître par ses
contemporains d’ici bas.

Entrer au Paradis de Dieu est le but de tout musulman.

iv conséquences de l’omniprésence de la mort dans la


vie d’un musulman

La conscience du déroulement exact de notre mort et surtout


la conscience d’être jugé pour chacun de nos actes agit comme
un aiguillon poussant les croyants à toujours se remettre en
question et à faire constamment plus de bien.

Évidemment, les musulmans, comme les autres êtres humains,


commentent des péchés mais ils gardent l’espoir d’être
pardonné par leur créateur en se repentant sans cesse. Les
savants musulmans disent que la crainte de Dieu et l’espoir de
Son pardon sont comme deux ailes qui permettent à la foi de
s’élever.

Loin d’être paralysante, la crainte de Son châtiment constitue


un puissant garde-fou pour le croyant que Satan tente. Elle lui
permet de canaliser ses pulsions pour les utiliser comme
moteur à faire le bien. En se transformant ainsi en serviteur
actif de son Créateur, le musulman contribue à construire une
société harmonieuse dans laquelle règnent paix, justice et
fraternité.

Nous avons tous des angoisses. Si nous n’en avions pas, nous
ne nous lèverions pas le matin pour aller travailler, on est si
bien dans son lit douillet ! L’islam nous permet de domestiquer
nos angoisses, notamment notre angoisse de la mort pour la
transformer en un moteur au service du bien.

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