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Conversion - Guérim

par le Rav Yehoshua Ra'hamim Dufour à partir des ouvrages de nos Sages (adjonction à la paracha Yitro)

Selon la fonction du site Modia, on trouvera ici le maximum de précision et de références aux sources. Il
va de soi que ceci ne constitue pas un manuel pratique ni un traité précis de halakha. D'autant qu'il
manque ici un élement essentiel : la prise en compte des intentions et dimensions psychologiques qui
doivent toujours être prises en considération avec la plus grande rigueur lors de parcours de changement
de vie.

Vocabulaire

La conversion dans le judaïsme se dit guiyour, en hébreu ; le converti est un guér ou guiyor ; pour le
différencier de l'étranger on le nomme guér tséddéq (guérim au pluriel) ; au féminin guiyoréte et guiyorote au
féminin pluriel.

Se convertir se dit : léitgayér ; il s'est converti, nitgayér (au passif d'état) ou hitgayér (actif).

Pour indiquer explicitement la conversion au judaïsme, on peut spécifier : léityahéd.

Le mot guér vient de la racine gour qui veut dire "habiter". Et le guér est, au sens restreint, celui qui vient
habiter sur une terre étrangère (voir Chémote 23, 9 et Rachi sur 22, 20).

• La Haggada nous rappelle que nos ancêtres ont été des guérim sur ce qui deviendra la terre d'Israël et
pratiquaient l'idôlatrie (âvoda zara), et ils furent guérim en Egypte, avec tous ce qui définit négativement aussi
cette situation aux yeux des autres. Les prototypes sont Avram et Saraï qui accèderont à la connaissance, auront
leur nom changé en Avraham et Sarah et deviendront les ancêtres des juifs. La situation de converti n'est donc
pas extérieure à ce qu'est le juif ; au contraire, c'est l'essence du parcours juif. C'est pour cela que Yitro est placé
avant même la phase de révélation par le don de la Torah (voir le commentaire de cette paracha).

• Une fois converti, le guér tséddéqa l'ensemble des droits et devoirs du juif (Vayiqra 24, 22).

• Celui qui se convertit, non pas par croyance et volonté de vivre comme tel, mais pour des avantages (salut,
biens, mariage, etc.) ou qui ne tient pas ses engagements est un guér chéqér (guér de mensonge, Talmud de
Jérusalem, Baba Metsia 8, 5).

• Celui qui vient habiter en Israël pour y vivre la plénitude des 7 mitsvotes de Noa'h sans prendre sur lui tout le
joug des mitsvotes est un guér tochav (Guittine 57 b). Ce statut est valorisé, et il est très exigeant. Il est souvent
ignoré aujourd'hui, et à tort, par ceux qui désirent vivre dans le cadre du peuple d'Israël sans pouvoir en assumer
toutes les conditions. Ils adressent souvent une demande de conversion qui n'aboutit pas et en gardent une
amertume, une profonde blessure et souffrance, sans savoir qu'un autre statut conforme à leur nature existe.

Nomination

La conversion étant totale au niveau de l'identité, il est interdit de faire allusion à l'état d'un converti, ce qui
serait rappeler son passé ; et cela, pendant dix générations.

Procédure
Il n'y a pas de conversion sans circoncision et tévila (immersion rituelle dans le miqvé) pour l'homme (voir
Bérakhote 47 b).

L'acte de conversion comprend actuellement l'acceptation de la demande par un beit dine valide qui connait et
accomplit les mitsvotes, tribunal rabbinique est composé de trois juges qui assisteront également à
la tévila (Yévamote 46-47). La conversion ne se fait L'acceptation est basée sur l'intention réelle du "joug (ôl)
des mitsvotes", c'est-à-dire de la pratique des mitsvotes. "Un guér qui accepte sur lui toutes les paroles de la
Torah et des mitsvotes sauf une seule, on ne le reçoit pas" et sa conversion est nulle (Torate Cohanim,
Qédochim 19, 34).

Le tribunal base souvent son appréciation sur le fait de voir si le candidat se place dans des conditions de vie lui
permettant de facto de réaliser ce qu'il dit (conditions familiales, professionnelles, environnement, connaissance
de l'hébreu et de la tradition, etc). En Israël, ce processus est facilité par l'existence de séminaires et lieux de vie
appropriés pendant cette phase. L'intention réelle peut aller conjointement avec des parcours divers avantageux
(mariage, etc) mais seule l'intention réelle est le point de discernement.

Au temps du Temple, le converti devait également offrir un sacrifice.

Réception de la demande

L'attitude prescrite par la Torah est celle qui est décrite dans le middrache sur le verset 1, 15-187 du Livre de
Ruth :

1) repousser : "Alors Noémi dit : vois, ta belle-soeur est retournée à sa famille et à son dieu, retourne toi aussi et
suis ta belle-soeur".

2) examen de la nouvelle demande pour voir la détermination et si elle est faite dans les bons termes qui
dénotent l'intention positive selon la halakha : "Mais Ruth répliqua : n'insiste pas près de moi pour que je te
quitte et m'éloigne de toi ; car partout où tu iras j'irai ; où tu demeureras je demeurerai ; ton peuple sera mon
peuple et ton Dieu sera mon Dieu ; là où tu mourras je veux mourir aussi et y être enterrée. Que Hachém m'en
fasse autant et plus si jamais je me sépare de toi autrement que par la mort". Ce passage définit les critères : ton
Dieu ou les mitsvotes de la Torah, le lieu, le partage du peuple qui sont les trois composantes de la Torah (les
mitsvotes, le peuple, la terre).

3) l'acceptation : "Noémi voyant qu'elle était fermement décidée à l'accompagner cessa d'insister auprès d'elle".

4) la vie ensemble : "Elles marchèrent donc ensemble...".

Ruth Rabba 2, 22 montre également comment Noémi a formé Ruth au long de sa démarche, non seulement en
la repoussant mais simultanément en l'éclairant sur le mode de vie à adopter qui est différent de celui des non-
juifs goyim, sur la vie dans la famille et ses mitsvotes jusqu'à l'acceptation de "toutes" les mitsvotes. Il ne s'agit
non aucunement d'un refus silencieux ou humiliant.

Le talmud décrit également la procédure à suivre devant une demande (Yévamote 47 a) :

"de nos jours, quand un étranger vient pour se convertir, nous lui disons : quel est votre but ? ...Ne savez-vous
pas qu'aujourd'hui le peuple d'Israël est opprimé, persécuté, dispersé et dans une souffrance continue ? ...S'il dit
alors : je le sais et je n'ai aucun mérite, nous l'acceptons immédiatement et nous l'informons de quelques unes
des mitsvotes les plus éclairantes et aussi de quelques unes des plus difficiles, ...et des châtiments que reçoivent
ceux qui transgressent ces mitsvotes, ...et également nous l'informons des récompenses pour ceux qui les
observent et les pratiquent... jamais nous ne devrons l'importuner ni être trop pointilleux avec lui".
Diversité des attitudes rabbiniques face à la conversion

Déjà le Talmud décrit les différences de conception et de relation avec les candidats dans l'Ecole de Chammaï
et dans celle de Hillel (Chabbate 31 a) ; on parle des guérim chél Hillel ; l'erreur consiste à interpréter l'attitude
bienveillante et progressive de Hillel comme du laxisme ; or, il était encore plus exigeant envers les convertis
après leur admission. Chammaï était hyperexigeant dès le premier abord. On sait que la halakha va, le plus
souvent, selon Hillel, justement en raison de sa relation humaine bienveillante (dérékh érets) et de
sa modestie.

Vayiqra Rabba 2, 9 incite à dépasser la question individuelle et détermine l'attitude à avoir envers un
candidat en fonction du plan divin et des besoins de la génération : "pourquoi le monde descend-il
apparemment vers l'abîme ? Ecoute mon fils, les Sages ont enseigné dans la Michna que quand un guér vient
pour entrer dans le judaïsme, il faut lui tendre la main et l'amener sous les ailes de la Chékhina ; car ainsi
les guérim de chaque génération sont des témoignages pour cette génération".

On peut entendre aussi en ce sens ce qui est dit des guérim qui continuent leur démarche et étudient la Torah et
sont mis à égalité de poids avec le Cohén gadol (guérim ché ôsseqim ba Torah chéqoulim hém ké Cohen
gadol. Tan'houma sur la paracha Vayaqel 8). Il ne s'agit donc pas là d'un auteur mais d'une fonction interne
pour le bien du peuple.

En ce sens, quand le Machia'h sera venu et que la valeur de la Torah apparaîtra clairement aux yeux du monde
entier au point de donner une estime sans borne à chaque juif, alors on n'acceptera plus de conversion. Et il
serait également trop difficile de la faire avec une intention désintéressée. C'est le motif pour lequel aux temps
de David et du roi Salomon, on n'a pas accepté de onversion (Yébamote 24 b : guérim lo qiblou lo bimé David
vé lo bimé Chlomo).

Attitude selon la Torah. Amour

L'attitude d'amour est une obligation selon la Torah : "tu aimeras le guér" (Dévarim 10, 19) et "tu ne
l'oppresseras pas ni ne l'importuneras pas" (Chémote 23, 9 et Vayiqra 29, 33). L'exemple est donné par Hachém
lui-même qui "aime le guér" (Psaume 146, 9).

Honneur

Hachém honore le guér de même que celui-ci a honoré Hachém en venant chez Lui (Bamidbar Rabba 8,3 sur I
Samuel 2, 30 et Psaume 50, 23.

Le Middrache Bamidbar Rabba 8, 2 décrit par de nombreux exemples de versets parallèles comment le guér est
aimé exactement dans les mêmes termes du texte qu'Israël lui-même :

 amour : Psaume 146, 9, Dévarim 10, 18 et Malakhi 1, 2.


 serviteurs :Vayiqra 35, 55 et Isaïe 56, 6.
 accepté : Chémote 28, 38 et Isaïe 56, 7.
 ministres : Isaïe 56, 6 et Isaïe 56, 6.
 gardien : Psaume 121, 5 et 146, 9.

Valorisation du choix
Les textes formulent les motifs positifs d'un tel choix : "Vraiment... nous ne pouvons rien faire de mieux que de
nous attacher à cette nation dont le D.ieu est plus grand que tous les autres dieux" (Bamidbar Rabba, 8, 4).

Qohélet Rabba (7, 8, 1) va jusqu'à dire qu'un guér qui l'a fait vraiment au nom du Ciel méritera par là que ses
filles épousent un Cohén.

Ruth Rabba dit (3, 5) dit : "Ribbi Yéhouda ben Chimeône commente : Viens et vois combien sont précieux les
convertis aux yeux de Dieu : une fois que Ruth a décidée de se convertir, la Torah la place à égalité avec
Noémi".

Ruth Rabba (4, 1) cite comme preuve le cas de Yitra (II Samuel 17, 25) : ailleurs (I Chroniques 2, 17), il était
nommé l'Ismaélite ; et d'expliquer qu'il était Ismaélite et entra dans une maison d'étude et entendit le
commentaire d'un verset et voulut se convertir ; le rav accepta et ensuite lui donna par la suite sa fille en
mariage.

Le cas le plus clair en ce sens, est celui du guér Onqélos dont la traduction de la Torah a intégré tous les
commentaires des Sages et qui a le privilège d'être imprimée à côté du texte de la Torah elle-même, avant
même le commentaire de Rachi.

Enfin, les guérim sont nommés dans la prière de la âmida en même temps que les tsaddiqim (Méguila 17 b).

Positions réservées

Aussi bien dans le Talmud (Ribbi Eliêzér et Yévamote 47 b) que dans l'histoire, des Sages éminents se sont
montrés réservés sur l'acceptation de conversion. Ces cas semblent relever de plusieurs paramètres : le
précédent de convertis qui ont failli à leur parole, et qui parfois se sont alliés aux persécuteurs ensuite, des
exemples de convertis pour intérêt comme au temps de Salomon ou de Ruth, le fait que les persécuteurs
poursuivaient davantage la communauté lors de conversion connues de l'environnement. Ce sont donc des
mesures de préservation de la communauté dans des conditions particulière, mais cela ne met pas en cause
l'ensemble des autrs textes.

Ces fausses conversions furent la cause du Veau d'or que mirent en place le peuple mélangé (êrév rav) composé
de ces guérim incertains (Chémote Rabba 42, 6 ; Vayiqra Rabba 27, 8).

Incitation

Bamidbar Rabba 10, 4 va dans le sens de l'appréciation d'un certain prosélytisme quand il interprète le verset de
I Rois 11, 1 ("en amour") comme "en faisant d'eux des guérim et en les amenant sous les ailes de la chékhina".
De même en 84, 4 il fait la louange de celui qui a aidé quelqu'un à se convertir en disant "qu'il peut être
considéré comme s'il l'avait créé". Mais il est un fait que le prosélytisme n'a pas été une politique majoritaire. Il
ne peut pas cependant être totalement exclus.

Une autre opinion classique est de considérer l'exil d'Israël parmi les peuples pour augmenter la taille du peuple
d'Israël par l'adjonction des convertis (Pessa'him 87 b).

Les textes insistent aussi sur le fait que de très grands ennemis du peuple d'Israël ont fait téchouva et se seraient
convertis, comme Néron (voir Guittine 56-57 et Sanhédrine 96 b).

De plus, il est souligné que de très grands maîtres en Israël sont de descendance de convertis comme Chémalya
et Avtalione, Ribbi Méïr, Ribbi Aqîva (voir l'introduction de Maïmonide à Michné Torah).
Obligations et droits

Les droits et les devoirs sont les mêmes que ceux des juifs, en raison de Chémote 12, 49. Guérim îqar ém ké
Yisrael (Bamidbar Rabba 8, 1).

Le guér peut épouser la fille d'un Cohén. Les questions précises de halakha, en particulier pour les questions de
mariages, ou de nomination à des fonctions de juge rabbinique, ne peuvent pas et n'ont pas besoin d'être
exposées ici. Voir Michné Torah, Yissouré Biah 16... Il suffit de savoir qu'il y a des points particuliers sur
lesquels on peut étudier et questionner les rabbins.

En particulier, Maïmonide a précisé dans la Lettre à Ovadia le guér, que le converti a le droit entier de dire "le
Dieu de nos pères" dans la prière.

Etat de naissance

La conversion est considérée comme une nouvelle naissance.

La tradition dit : le converti est considéré comme un enfant nouveau-né" (guér ché nitgayér ké qatane ché
nolad damé. Yébamote 22 a, Bérokhote 47 a).

Cela pour plusieurs motifs :

 son renouvellement total,


 sa filiation directe à Avraham et Sarah,
 son isolement,
 sa fragilité et vulnérabilité facilement à vif : à propos de Yitro (sur le mot vayi'had en Chémote 18, 9), il
est dit en Sanhédrine 94 a qu'en se convertissant, il plaçait sur sa chair une épée tranchante et Chmouél
dit : toute sa chair s'est hérissée de piquants aigüs : "un guér, jusqu'à la 10e génération, on ne parle pas
avec dédain d'un araméen en sa présence". Cela veut dire que sa vulnérabilité aux indélicatesses d'autrui
et à la médisante (lachone ha ra) était devenue hypersensible.

(Voir à ce sujet de l'état d'enfant, le commentaire de la paracha Chémote sur le "naissant" comme état du juif).
En effet, ce que l'on dit ici du guér, est identique à ce que l'on peut dire du juif parmi les nations. Il s'agit donc
de la réaction interne du guér à l'attitude de certains juifs qui feraient de lui le juif des juifs.

Pour ces motifs, il est interdit de lui rappeler l'état antérieur pendant 10 générations (Baba Metsiâ 58 b et Rachi
sur Vayiqra 19, 33) : guiyora âd âssara daré lo tévazé armaa qamé (Sanhédrine 94 a).

Conclusion

Une fois de plus, toute question est vue dans le judaïsme comme une question complexe qui demande que l'on
étudie, avec pondération, équilibre dans le jugement, délicatesse, et que l'on essaie de comprendre le problème
de coeur qui est posé par là dans la vie des êtres, du peuple et des nations.

La présence de guérim devrait aider à garder la consience de la gratuité du don reçu par Israël, la conscience de
la modestie, de la fragilité de notre condition, la conscience d'un continuel renouvellement de l'être de chacun...

et de l'amour qui est la nature du lien entre D.ieu, Son peuple et Sa création.

Le monde est fondé sur l'amour et la bonté, a découvert Avraham : ôlam âl 'hésséd yibané.
Renseignements
France. Consistoire. 17 rue St Georges. 75009 Paris. Contact : MM les Rabbins Avraham Brakha, Meyer Malka
et Philippe Assous. Tel. 01 40 82 26 40.
Québec. Contact. Greand Rabbinat du Québec. 5850, avenue Victoria, Montréal, Québec, H3W 2R5 Canada.
Tél. : (1) 514-738-1004.
Nous communiquer, s'il vous plait, les adresses d'autres services de conversion orthodoxe.

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